Fiche 2 – formes et mesures de la monnaie
Notions du référentiel :les formes de monnaie : monnaie divisionnaire, fiduciaire, scripturale , les agrégats monétaires
I - LES FORMES DE MONNAIE A. DEFINITION DES 3 FORMES DE MONNAIE On distingue 3 formes de moyens de paiement : •
la monnaie di te divi si onnai re : qui correspond à la monnaie métallique émise en France par le Trésor Public et qui sert d’appoint dans les transactions ( 6 p 55)
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la monnaie fiducia ir e , c’est-à-dire qui repose sur la confiance, puisqu’elle n’est plus garantie par un support matériel tel que l’or. Aujourd’hui, cette monnaie fiduciaire correspond aux billets émis par la Banque de France qui sont déclarés inconvertibles, c’est-à-dire que leur détenteur ne peut demander leur conversion en or. Ils ont donc cours forcé, mais aussi cours légal, puisque un individu ne peut refuser d’être payé en billets (leur pouvoir libératoire est donc illimité).(7p 55)
Ces deux premières formes de monnaie constituent une monnaie manuelle, puisque les billets et les pièces sont un objet matériel, dont la circulation s’opère de main en main. •
la monnaie sc ri ptu ral e , par contre, ne circule pas physiquement, mais par un jeu d’écriture (scripturale) d’un compte courant ou chèque à un autre. La monnaie scripturale correspond donc aux sommes que les agents économiques déposent sur un compte courant dans une institution habilitée à proposer ce service (banques, postes, ..) qui leur servent à régler leurs achats : le client, par exemple, donnant l’ordre à sa banque de débiter son compte et de créditer celui du commerçant pour régler les achats qu’il vient de réaliser. Pour cela, l’individu dispose de 4 instruments : le chèque, le virement, le prélèvement, la carte bancaire. Attention, ces instruments ne sont pas de la monnaie : ils sont simplement le support matériel par lequel transite la monnaie sur un compte courant : un chèque sans provisions car le compte courant n’est pas assez approvisionné n’a aucune valeur. (8p 56)
REMARQUE : on utilise aujourd’hui le terme fiduciaire pour caractériser les billets .Mais en réalité, les 3 formes de monnaie décrites plus haut sont fiduciaires, car leur valeur intrinsèque est nulle et que leur circulation repose sur la confiance que le public a dans le système bancaire réglementé par l’Etat qui en garantit la valeur.
B. L’EVOLUTION DES FORMES DE MONNAIE : On serait passé d’une monnaie pesée dont le poids et la pureté doivent être vérifiées à chaque fois à une monnaie comptée (800 avant Jésus-Christ) se représentant sous la forme de lingots ayant un poids déterminé et enfin à une monnaie frappée, c’est-à-dire à des pièces dont la valeur et le poids sont garanties d’abord par les autorités religieuses, puis par les autorités royales qui essayent, depuis le Moyen Age d’en monopoliser la frappe qui devient alors un droit régalien. La seconde grande étape est l’apparition et le développement de billets qui sont remis aux clients déposant de l’or et de l’argent dans des banques dont ils représentent la contrepartie. Ces billets se substituent aux pièces progressivement pour leur aspect pratique. Mais se pose alors le problème de la confiance dans ces billets, dès lors qu’au XVII° siècle, un banquier suédois décide d’émettre : « un nombre de billets supérieurs à celui correspondant au montant total de métal précieux qu’il détient dans ses coffres » .L’Etat va alors intervenir, le développement de la circulation des billets ne peut être assuré qu’à 2 conditions : •
les agents économiques doivent avoir la certitude qu’ils peuvent convertir à tout moment leurs billets en métal donc que les banques ont dans leurs réserves suffisamment d’or pour assurer cette opération
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mais la confiance n’est pas un élément suffisant, il faut aussi que l’Etat assure un cours légal à la monnaie, c’est-à-dire oblige les créanciers à accepter le paiement en billets de banque qui ont ainsi cours légal et sont seulement émis par l’Etat, l’émission de billets devenant ainsi un gage de souveraineté.
Mais la quantité d’or en circulation ne suffit plus à assurer l’émission d’un nombre de billets suffisant aux besoins de l’économie. Des guerres et des crises remettent en cause la capacité de l’Etat à garantir la convertibilité or des billets. Celle-ci est suspendue progressivement à partir de la guerre de 14, définitivement en 71. Désormais, les billets ont cours forcé. On observe l’évolution dans le graphique p 51 : • en 1789, la quasi totalité des moyens de paiement se présente sous la forme de monnaie métallique : les billets ne représentant que 4 % du total • entre 1879 et 1939, la part de la monnaie métallique ne cesse de diminuer (de 96 à 2 %) au bénéfice des billets (dont la part passe de 4 à 54 %, mais aussi de la monnaie scripturale qui représente 43 % en 1939 • entre 39 et 2004, la monnaie métallique représente une part très faible (1 %), la part des billets connaît une chute importante (de 54 à 10 %) au bénéfice de la monnaie scripturale qui représente aujourd’hui 90 % des moyens de paiement, ce qui traduit une bancarisation de la population. Il est, en effet, extrêmement handicapant aujourd’hui de ne pas détenir de comptes courant ou d’être interdits de chéquier. • la dernière évolution est ce qu’on appelle la monnaie électronique qui semble être amené à se développer dans l’avenir
C.
UNE DEMATERIALISATION DE LA MONNAIE ? (8 p 56)
1. LA THESE La thèse de la dématérialisation de la monnaie peut être décomposée de la manière suivante : • le troc : un système d’échange archaïque, lourd, certes compatible avec un faible niveau de spécialisation des tâches et des échanges élémentaires, mais qui devient un obstacle majeur à la division du travail et au développement des transactions qui en résulte • nos ancêtres auraient alors inventé la monnaie, c’est-à-dire désignaient un bien particulier que tout le monde désirait et l’auraient érigé en étalon général de mesure et en moyens d’échange • l’expérience aidant, comme par un processus de sélection naturelle, les métaux deviennent les seules substances monétaires, et parmi les métaux, l’or s’impose progressivement en raison de son inaltérabilité, de sa divisibilité, de sa valeur, … • mais à leur tour , les métaux subissent la dure loi de l’innovation ; ils seront donc progressivement écartés au profit de formes monétaires plus pratiques , plus sûres , étant mieux adaptées à la croissance du volume de transactions . Le papier monnaie, puis la monnaie scripturale s’imposent progressivement. CONCLUSION : selon les partisans de cette thèse, l’évolution s’est clairement opérée dans le sens d’un détachement croissant de la monnaie de la réalité marchandise dont elle est issue : l’or est une marchandise ayant une valeur, le chèque ou la carte bleue n’ont en soi aucune valeur, si ce n’est qu’ils traduisent la contrepartie du dépôt opéré du client à la banque. 2.
SES LIMITES
3 réserves essentielles peuvent être faites à cette thèse : • •
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les partisans de cette thèse établissent cette étape dans une économie de troc. Or, nous avons vu précédemment que le troc était une fable ; les monnaies dans leur forme les plus primitives (ex : sous forme de coquillages) sont aussi anciennes que l’histoire la thèse de la dématérialisation de la monnaie trouve l’origine de la monnaie dans des déterminants strictement économiques ; l’invention de la monnaie résulterait du développement de la division du travail et des échanges incompatibles avec la poursuite du troc. Or, dans les sociétés traditionnelles, la monnaie a des fonctions qui dépassent largement celles de moyens de paiement ; elles sont essentielles à l’existence du groupe social : politiquement d’abord, car elles expriment et perpétuent les rapports de pouvoir et de domination, symboliquement ensuite car elles règlent les grands moments de la vie du groupe (mariage, deuil) et permettent de communiquer avec les vieux, les ancêtres et les esprits. La vision purement utilitariste de la monnaie apparaît donc comme beaucoup trop simpliste. la thèse de la dématérialisation de la monnaie s’appuie enfin sur une vision mécaniste strictement linéaire de la succession des différentes formes de la monnaie. Or, une analyse historique de la monnaie nous conduit à rejeter cette vision. Par exemple, les premières formes de monnaie scripturale circulèrent en Europe dès la fin du Moyen-Age, c’est-àdire bien avant l’apparition et la généralisation de la monnaie.
II) LA MESURE DE LA MONNAIE : LES AGREGATS MONETAIRES. INTRODUCTION : POURQUOI MESURER LA MONNAIE ? En Comptabilité nationale (Cf. chapitre suivant), on établit des agrégats économiques comme le PIB qui permettent de réaliser des comparaisons dans le temps et dans l’espace afin d’évaluer la santé économique d’un pays. Par analogie , on a mis en place des agrégats monétaires qui sont des indicateurs ayant pour objectif de refléter la capacité des agents économiques non financiers résidant en France et intervenant sur le marché des biens et des services .
A. LA DEFINITION DES AGREGATS MONETAIRES Toute la difficulté est alors de savoir quel type de monnaie prendre en compte afin de mesurer la quantité de monnaie en circulation dans l’économie. Il existe, en effet, une pluralité de formes monétaires dont le nombre augmente en fonction des innovations monétaires qui vont être classées par les économistes en fonction de degré de liquidité, c’est-à-dire de leur plus ou moins grande facilité avec laquelle un actif peut être transformé en monnaie .Nous allons donc établir les différents agrégats par ordre décroissant de liquidité (10p 57) : •
M1 : correspond à la masse monétaire la plus liquide, c’est-à-dire la di vi si onnai re + les bil le ts + l es dépôt s à vue
monnaie
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Mais en réalité, il y a peu de différences entre un compte-chèques et un livret de Caisse d’épargne : l’argent y est quasiment aussi disponible sous une forme que sous une autre, seulement si on peut payer ses achats avec un chéquier, ce n’est pas possible avec un livret de Caisse d’épargne. On crée alors M2 M2 = M1 + le s placemen ts à vue (co mpte s sur li vr et)
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M3 : Mais en raison des innovations financières, il existe aujourd’hui de nouveaux placements tels que les SICAV monétaires qui ne sont pas fondamentalement différentes des livrets de Caisse d’épargne et qui sont très liquides. D’où M3 M3 = M2 + placemen ts à te r me et créance s négoc ia ble s (SICA V + ti tr es du ma rché moné tai re)
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M4 : Mais le développement du marché financier multiplie les formes que prend la création monétaire permettant de transformer de plus en plus rapidement les créances en liquidités. Se fait alors sentir le besoin de créer M4 : M4 = M3 + le s bi lle ts de tré sor eri e des entr ep ri se s + les bons du Tréso r ém is pa r l’ Et at
B. LES LIMITES. Etablir des agrégats monétaires : • c’est supposer que l’on est capable d’établir la distinction entre la monnaie qui représente une réserve de moyens de paiement et les actifs non monétaires ( placements financiers ) qui correspondent à une volonté d’épargne .Jusqu’à une époque récente , était considéré comme actif monétaire tous les actifs détenus par les agents non financiers qui pouvaient servir de moyens de paiement ou être facilement transformables sans risque de perte en capital .Inversement , les actifs non monétaires comprenaient les titres à long terme ( actions et obligations ) qui ne devenaient liquides qu’après négociation sur le marché , ce qui impliquait un risque en capital . Ainsi, ce qui différenciait la monnaie des actifs non monétaires était le risque. • Mais , depuis quelques années , avec la multiplication des innovations financières, on a pu constater une réduction du risque en capital lié à certains placements en titres traduisant une augmentation de leur liquidité, ce qui a pour effet d’atténuer les différences entre la monnaie et les titres . Conséquences : • Le concept de masse monétaire appréhendé par les agrégats monétaires est donc impératif pour pouvoir appréhender la demande potentielle de biens et services. • Mais, ces contours se révélant de plus en plus instables et fluctuants, il devient de moins en moins facile à mettre en œuvre.
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De plus, les agrégats ont un intérêt s’ils permettent d’établir une relation stable dans le temps entre la masse monétaire en circulation et le volume total des transactions qu’elle doit permettre dans l’économie. Or, cette relation se caractérise par son instabilité croissante : la vite sse de ci rcul ation de la monna ie, c’es t- à- dir e le nombr e de foi s pa r an où, en mo yenne , un eur o change de main ne cesse d’augmenter : un euro de M1 changeait de main en moyenne 5,6 fois par an en 78, 6,7 en 90, 8,1 en 96. Cette instabilité pose problème, car si la vitesse augmente, on aura besoin pour le même volume de transactions de moins de masse monétaire .Il devient alors très difficile aux autorités monétaires d’établir un rapport optimal entre le volume des transactions et celui de la masse monétaire. C’est pourtant ce rapport qui guide la politique monétaire mise en œuvre par la Banque Centrale.