Conférence N°3

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Samedi 7 novembre 2009 Conférence n°3 : Les droits de la personne Les droits patrimoniaux Les droits extrapatrimoniaux La protection de l’intégrité physique Les autres droits de la personnalité

LES DROITS DE LA PERSONNE 1. Toute personne est titulaire de droits. Il faut noter que si l’ensemble de ce cours s’intitule « droit des personnes », notre étude nous conduit maintenant aux « droits de la personne ». Lorsque le mot « droit » est employé au singulier, il désigne non pas l’ensemble des règles et des principes applicables aux sujets de droit, on parle également de droit objectif. En revanche, lorsque le mot « droit » est employé au pluriel, il désigne les prérogatives accordées à toute personne. On parle alors de droits « subjectifs ». Il convient d’abord de définir cette notion, avant d’envisager quels sont les différents droits subjectifs.

Chapitre 1. La notion de droit subjectif 2. Le droit subjectif est défini comme la : « prérogative individuelle reconnue et sanctionnée par le Droit objectif qui permet à son titulaire de faire, d’exiger ou d’interdire quelque chose dans son propre intérêt, ou parfois, dans l’intérêt d’autrui » 1. Il s’agit donc d’un pouvoir reconnu à la personne et protégé par l’Etat. La détermination du fondement des droits subjectifs est difficile et controversée, car si chacun a des droits, c’est parce que le Droit objectif le permet. Certains auteurs ont tenté de déterminer ce qui légitime le droit objectif. On a alors proposé de concevoir les droits subjectifs comme des droits naturels, innés à l’homme. D’autres écoles de pensée ont recherché le fondement du droit objectif : cette étude s’appelle la théorie du droit et est enseignée dans le cours d’introduction au droit. Si la détermination du fondement des droits subjectifs reste difficile et controversée, on s’accorde en revanche depuis le début du XXème siècle sur les caractères des droits reconnus à la personne. 3. Tout droit subjectif a, en principe, pour limite le caractère abusif de l’exercice qui en est fait pas son titulaire, que l’on appelle un abus de droit. Cette théorie a été consacrée par l’arrêt de la Cour de cassation du 3 août 19152 dit arrêt Clément-Bayard , dans lequel le propriétaire d’un terrain jouxtant une base de ballons dirigeables, excédé par le survol de sa parcelle, avait érigé sur celle-ci des pieux métalliques d’une hauteur de trois mètres. Un dirigeable s’étant éventré sur ces pieux, son propriétaire, Clément-Bayard, demande réparation. Il se fonde sur l’article 1382 du code civil qui dispose que : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » Le propriétaire de la parcelle, quant à lui, se fonde sur l’article 544 du Code civil qui dispose que : « La propriété est le droit de jouir des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par le lois ou par les règlements » 1 2

Vocabulaire juridique Cornu, Association Capitant, V° Droit DP 1917.1.79

Pour le propriétaire du terrain, faute d’une loi ou d’un règlement interdisant l’érection de pieux, il pouvait, sur sa propriété, faire ce que bon lui semblait. La Cour de cassation rejette le pourvoi contre l’arrêt des premiers juges qui ont condamné le propriétaire du terrain, au motif que le dispositif qu’il avait érigé sur son terrain ne présentait aucune utilité et n’avait été mis en place que pour nuire à son voisin. La jurisprudence a depuis lors très souvent limité l’exercice discrétionnaire des droits avec cette notion d’abus de droit. Le droit subjectif ne peut donc pas être considérée comme un prérogative égoïste, mais comme « l’attribution, par la règle de droit, d’un pouvoir d’imposer, d’exiger ou d’interdire, considéré comme utile à la personne prise à la fois comme individu et comme acteur de la vie sociale ». 4. Néanmoins, l’attribution d’un nombre croissant de droits concurrents peut aussi susciter des difficultés : tel est par exemple le cas du droit à l’enfant de connaître ses origines (loi du 22 janvier 2002) et du droit à la mère d’accoucher sous X (article 326 du Code civil).

Chapitre 2. Les différents droits subjectifs 5. Une personne peut être titulaire de deux grandes catégories de droits : les droits patrimoniaux et les droits extrapatrimoniaux. De nombreux auteurs ont souligné que cette distinction n’était pas très nette, mais l’on peut tout de même considérer que les droits patrimoniaux sont ceux pour lesquels il est possible d’envisager une cessibilité à titre onéreux, tandis que les biens extrapatrimoniaux seraient par essence inestimables. SECTION 1. LES DROITS PATRIMONIAUX 6. Toute personne a un patrimoine et n’a qu’un patrimoine. Ce lien entre la personne et son patrimoine a été mis en évidence par les travaux d’Aubry et Rau, très célèbres auteurs du XIXème siècle. Cette théorie traditionnelle du patrimoine s’oppose à la théorie anglo-saxonne des patrimoines d’affectation qui admet qu’une personne peut être titulaire de plusieurs patrimoines : elle aura autant de patrimoine que de masses de biens affectées à des objectifs distincts. 7. En droit français, le patrimoine demeure unique, intransmissible et incessible. Ces trois caractères produisent d’importants effets juridiques. L’une des conséquences les plus connues est celle de l’existence d’un « droit de gage général » de tous les créanciers. Le patrimoine d’une personne sert de garantie à tous ceux de ses créanciers qui ne bénéficient pas d’une sûreté particulière, telle qu’une hypothèque ou un cautionnement. Le patrimoine est intransmissible. Au décès de la personne, ses héritiers sont considérés comme continuant la personne du défunt, et c’est à ce titre qu’ils recueillent les éléments de son patrimoine. Enfin, l’incessibilité du patrimoine signifie qu’une personne, de son vivant, ne peut céder son patrimoine, mais en revanche chacun peut céder librement des éléments de son patrimoine. Le patrimoine est un ensemble de biens, il peut être plus ou moins important, mais il existe toujours, même s’il ne contient que peu de choses. 8. Le patrimoine est une universalité de droit. Il s’agit donc plus d’un contenant que d’un contenu, qui peut être très variable d’une personne à l’autre, d’un moment de la vie à l’autre. Si l’on envisage le patrimoine de façon comptable, il comprend un actif et un passif : l’actif est constitué de l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers, corporels ou incorporels, tandis que le passif est constitué des dettes. Le patrimoine contient indissociablement ces deux composantes. Un patrimoine peut être constitué seulement d’un actif ou seulement de dettes. Les droits patrimoniaux d’une personne sont les éléments d’actif dont elle est titulaire.

L’étude approfondie de ces droits patrimoniaux relève du droit des biens qui est abordé au quatrième semestre de la licence. SECTION 2. LES DROITS EXTRAPATRIMONIAUX 9. Le premier droit de la personne humaine est celui de voir son corps et donc sa vie protégés. Mais d’autres droits sont également considérés comme des droits fondamentaux. L’idée qui s’est d’abord imposée à la conscience internationale est que l’être humain a besoin de liberté, de tranquillité pour l’épanouissement se sa personnalité. 10. Les droits de la personne humaine sont consacrés par des textes à valeur constitutionnelle (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, Préambule de la constitution de 1946, Préambule de la Constitution de 1958) et par des textes internationaux (Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’homme de et des Libertés fondamentales de 1950, et le Pacte International relatif aux droits civils et politiques des Nations-Unies de 1966). C’est la raison pour laquelle ils font également l’objet d’une étude approfondie en droit des libertés fondamentales. 11. Mais lorsque l’on évoque ces droits dans la sphère du droit privé, on parle des droits de l’homme opposables aux autres hommes. Tous les attributs de la personne ont un trait commun : ils trouvent leur protection essentielle dans l’article 1382 du Code civil , c’est-àdire dans une action en dommages intérêts fondée sur la faute de celui qui y aurait porté atteinte. L’article 1382 du Code civil prévoit en effet que : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Pour obtenir réparation, il faut que la victime établisse qu’elle a subi un préjudice, causé par une faute, et qu’il existe, entre cette faute et le préjudice subi, un lien de causalité. 12. Mais la sanction mise à part, il reste que cette notion des attributs de la personne recouvre des prérogatives de natures fort diverses que l’on peut schématiquement diviser en plusieurs catégories : la protection de l’intégrité physique, les droits de la personnalité, les libertés individuelles, le respect de la vie privée et l’égalité civile.

SOUS SECTION 1. LA PROTECTION DE L'INTEGRITE PHYSIQUE 13. Le corps humain est le réceptacle de la personne : on peut dire également que le corps humain est la personne elle-même. De ce fait, il bénéficie d'une place tout à fait particulière dans notre droit. Il a en quelque sorte un caractère sacré qui conduit à le défendre contre les atteintes des tiers, mais également contre les atteintes que pourrait vouloir lui faire subir la personne elle-même. Indépendamment de toute considération religieuse ou philosophique, pour le juriste, le "corps humain est le substratum de la personne " selon les termes du Doyen Carbonnier. Il en résulte que le corps est soumis à un régime juridique extrêmement protecteur visant, en réalité, à travers la matérialité du corps, l'immanence de la personne. L’intégrité physique et morale de la personne ainsi que les différents droits sont des droits

extra-patrimoniaux, qui se situent en dehors du patrimoine, et qui sont directement rattachés à la personne. Le droit au respect de la vie privée et familiale (voir infra 3). 14. L'article 16-1 du Code civil pose un principe très ferme : "Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial."

§1. La protection du corps humain contre les atteintes des tiers : l'inviolabilité du corps humain 15. Le principe de l'inviolabilité du corps humain a deux fonctions. D'une part, une fonction préventive afin d'éviter toute atteinte et d'autre part, une action sanctionnatrice afin sanctionner tout préjudice causé au corps. Le droit protège le corps des atteintes que les tiers pourraient vouloir lui faire subir, même si cette atteinte peut paraître justifiée par l'intérêt légitime d'un autre individu. Ce principe d'interdiction explique que lors d'un procès civil la comparution personnelle c'est-àdire physique ne peut pas être imposée par la force. De la même façon, il n'est pas possible d'imposer à une personne de subir une expertise médicale ou un prélèvement sanguin si elle s'y refuse. Toutefois, dans ce cas, le juge qui a ordonné l'expertise pourra alors interpréter ce silence contre lui. On s'aperçoit ainsi que le droit civil remplace la contrainte sur le corps par une contrainte psychologique (voir par exemple l'hypothèse de l'accident de travail et du refus par la victime d'une opération susceptible de limiter les séquelles). C'est ce principe de l'inviolabilité du corps humain qui interdit à un médecin de procéder à une opération sans le consentement du patient. Si celui-ci n'était pas en état de manifester sa volonté, on demandera son autorisation à la personne chargée de la représenter. Il faut que le médecin ait obtenu le consentement libre et éclairé de son patient, c'est-à-dire que le médecin doit avoir informé le malade de toutes les conséquences possibles de l'opération. Le durcissement récent des règles régissant la responsabilité médicale conduit désormais les médecins, et plus encore les chirurgiens, à faire signer à leurs patients des documents dans lesquels les malades reconnaissent avoir été informés de toutes les suites possibles de l'intervention et les avoir acceptés. Il appartient désormais aux médecins de prouver qu'ils ont donné l'information nécessaire4. 16. L’article L. 1111-4 du Code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n°2002-303, prévoit que : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie 3

Infra signifie « plus bas dans le texte », c’est-à-dire plus loin, alors que supra signifie plus haut dans le texte, c’est-à-dire avant. 4 Cass. civ. 1ère, 25 février 1997; Bull. civ. I, n°75, voir également la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, codifiées aux articles L. 1110-1 et suivants du Code de la santé publique.

en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. Lorsque la personne est hors d’état de manifester sa volonté, aucune investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches n’ait été consulté. Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d’un traitement par la personne de l’autorité parentale ou par le tuteur risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables. L’examen d’une personne malade dans le cadre d’un enseignement clinique requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être au préalable informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au premier titre. Les dispositions du présent article s’appliquent sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne pour certaines catégories de soins ou d’interventions ». 17. Lorsque l'individu a subi une atteinte corporelle, il a droit à une indemnité en réparation du préjudice qu'il a subi. Le dommage corporel est donc réparable et l'on distingue deux catégories de dommages : un dommage matériel, qui correspond au manque à gagner et à la réduction de la capacité de travail, et un dommage moral, évalué de façon arbitraire, que l'on appelle le "pretium doloris", le prix de la douleur, c'est-à-dire la souffrance physique éprouvée et la souffrance morale ressentie.

§2. La protection du corps humain contre le pouvoir de disposition de l'individu 18. Il s'agit ici de la règle prévue par l'article 16-1, alinéa 3 du Code civil, aux termes duquel " le corps humain , ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial". Le corps humain est ainsi hors du commerce juridique au sens de l'article 1128 du Code civil qui dispose que : "Il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet des conventions". Le corps de la personne est inaliénable, parce que la personne elle-même est inaliénable. C'est la raison pour laquelle un certain nombre de contrats sont interdits. Il faut toutefois préciser que seules sont prohibées les conventions ayant exclusivement pour objet le corps humain. Il n'est pas possible ni souhaitable d'interdire toutes les conventions ayant avec le corps humain un lien quelconque, c'est ainsi que certaines conventions sont autorisées.

A. Les conventions interdites : 19. Ce qui est interdit, c'est l'aliénation totale du corps, car l'autoriser reviendrait à autoriser l'esclavage. Mais l'aliénation partielle du corps est également interdite: il n'est pas possible de mettre en vente un de ses organes, même si l'actualité montre qu'il existe dans certains pays de véritable réseaux de trafics d'organes humains "achetés" à des personnes vivant dans des pays défavorisés. Vendre une partie de son corps n'est pas possible, mais il ne faut pas confondre cette convention avec une convention de prestation de service ou avec un contrat de travail, pour l'exécution desquels le salarié utilise sa force ou son habileté physique. Dans ces deux cas, ce n'est pas le corps qui est vendu, mais le service rendu. 20. Est également interdite la convention de mère-porteuse, appelée également maternité de substitution, par laquelle une femme s'engage à concevoir et à porter un enfant jusqu'à sa naissance, pour l'abandonner à ce moment-là et le remettre à sa famille adoptive. Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle (art. 167 du Code Civil).La loi a ici consacré une solution donnée par la Cour de cassation dans un arrêt d'Assemblée Plénière en date du 31 mai 19915, fondé sur l'indisponibilité du corps humain et l'indisponibilité de l'état des personnes. B. Les conventions exceptionnellement autorisées

1. Le don d'organes : 21. La loi n°94-654 du 29 juillet 1994 a inséré dans le Code de la Santé Publique des dispositions qui régissent le don et l'utilisation des éléments et produits du corps humain (art. L.665-10 à L.672-14). Ces dispositions ont été modifiées par la loi précitée du 4 mars 2002. Désormais, c’est l’article L 1211-2 du CSP qui prévoit que : « Le prélèvement d’éléments du corps humain et la collecte de ses produits ne peuvent être pratiqués sans le consentement préalable du donneur. Ce consentement est révocable à tout moment ». Le consentement préalable du donneur est une condition indispensable à tout prélèvement ou collecte de produits du corps humain, ce consentement est révocable à tout moment. La gratuité du don est également un principe fondamental, afin d'éviter toute dérive commerciale, et toute patrimonialisation du corps. Aucun paiement, sous quelque forme que ce soit ne peut être alloué au donneur (CSP, art. L. 1211-4). Seuls sont possibles les remboursements de frais exposés par les personnes se prêtant à des expérimentations (voir infra). Le principe d'anonymat est affirmé : le donneur et le receveur ne peuvent pas connaître leurs identités réciproques (CSP, art. L 1211-5). 22. Les prélèvements d'organes peuvent être effectués soit sur des personnes vivantes, soit sur des cadavres. Les prélèvements effectués sur une personne vivante ne peuvent l'être que dans l'intérêt thérapeutique direct d'un receveur, mais celui-ci ne peut être en principe que le père ou la mère, le fils ou la fille, le frère ou la soeur du donneur (art. L. 1231-1 du C.S.P.) 6. Toutefois, deux exceptions existent : le prélèvement de moelle osseuse en vue d'une greffe rapp. Y. Chartier, note D. Thouvenin, JCP 1991.II.21752, Concl. Hottenwille, note F. Terré 6Il y a là une exception au principe de l'anonymat, justifié par la volonté de maintenir la gratuité du don.

peut être fait au profit de tout receveur, et en cas d’urgence le prélèvement d'un organe peut être fait sur le conjoint du receveur7. Pour être donneur, il faut normalement être majeur, sauf dans le cas d'un prélèvement de moelle osseuse sur un mineur au bénéfice d'un frère ou d'une soeur. Dans le cas d'un mineur le consentement du ou des représentants légaux du mineur doit être recueilli par le président du tribunal de grande instance. Dans le cas d'un majeur son consentement doit également être recueilli par ce même magistrat. 23. L’article L 1232-1 du Code de la santé publique8 précise que : « Le prélèvement d'organes sur une personne dont la mort a été dûment constatée ne peut être effectué qu'à des fins thérapeutiques ou scientifiques. Ce prélèvement peut être pratiqué dès lors que la personne n'a pas fait connaître, de son vivant, son refus d'un tel prélèvement. Ce refus peut être exprimé par tout moyen, notamment par l'inscription sur un registre national automatisé prévu à cet effet. Il est révocable à tout moment. Si le médecin n'a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s'efforcer de recueillir auprès des proches l'opposition au don d'organes éventuellement exprimée de son vivant par le défunt, par tout moyen, et il les informe de la finalité des prélèvements envisagés. Les proches sont informés de leur droit à connaître les prélèvements effectués. L'Agence de la biomédecine est avisée, préalablement à sa réalisation, de tout prélèvement à fins thérapeutiques ou à fins scientifiques. » 24. La loi pose ici une présomption de consentement, puisqu'il est indiqué que le prélèvement peut être effectué, dès lors que la personne n'a pas fait connaître de son vivant, son opposition à un tel prélèvement. Il est toutefois précisé que si le médecin n'a pas directement connaissance de la volonté du défunt à cet égard, il doit recueillir le témoignage de la famille, et il doit informer la famille des prélèvements effectués en vue de connaître les causes du décès. Concernant les prélèvements sur un mineur décédé, il faut distinguer selon que le prélèvement a lieu en vue d'un don, ou pour des recherches scientifiques. Si le prélèvement est effectué en vue d'un don, chacun des titulaires de l'autorité parentale doit donner son consentement par écrit. Le prélèvement à des fins scientifiques est soumis au régime de celui des majeurs. 25. La loi autorise parfois la cession d'un élément détaché du corps humain, chaque fois que cette cession se justifie par un intérêt légitime. Le don de sang est ainsi permis, le prélèvement d'organes sur une personne décédée est prévu par l'article L. 1232-1 du Code de la santé publique. 26. Le don de gamètes (ovocyte et sperme) est expressément prévu par le CSP. Dans tous ces cas, la gratuité est une condition de validité de la convention. Il n'est pas possible de négocier son sang ou ses organes. Un seul contrat fait exception, pour des raisons qui tiennent aux habitudes culturelles : le contrat de nourrice, par lequel une femme s'engage à nourrir de son lait l'enfant d'une autre peut être conclu à titre onéreux. Ce contrat est aujourd'hui disparu, et le lait maternel peut faire l'objet de dons auprès de lactariums, comme le sang, à titre gratuit.

7On 8

entend ici "conjoint" au sens strict, le don du concubin n'est pas admis. dans sa rédaction issue de la loi n°2004-800 du 6 août 2004, art. 9

2. L'expérimentation scientifique : 27. Concernant l'expérimentation médicale sur les êtres humains, différents corps de règles ont été proposées. Les premières furent les dix règles de Nuremberg adoptées le 19 août 1947 à l'issue du procès de Nuremberg qui mit au jour les pratiques expérimentales menées par des médecins dans les camps de concentration. L'Association médicale mondiale a ensuite adopté différentes déclarations: Déclaration d'Helsinki de 1964, Déclaration de Tokyo de 1975. En ce qui concerne le droit positif, l'article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques (New-York, 19 décembre 1966), publié en France le 1er février 1981 (décret n°8176 du 29 janvier 1981, D.1981.79), interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique. Ce texte assimile une telle pratique à la torture ou traitement cruels, inhumains ou dégradants, ceux-ci étant prohibés par l'article 18 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. En outre, le Code de déontologie médicale pose un certain nombre de règles générales (décret n°79-506 du 28 juin 1979, D.1979.233) . Les investigations ou les interventions faisant courir au malade un risque injustifié sont interdites (art. 18). 28. La loi du 20 décembre 1988, codifiée aux articles L 209-11 et suivants du Code de la Santé Publique a donné un cadre légal aux expérimentations sur le corps humain. Il faut savoir que la loi fait obligation aux laboratoires pharmaceutiques qui souhaitent commercialiser un nouveau médicament d'obtenir une autorisation de mise sur le marché (A.M.M.). Cette A.M.M. nécessite que le médicament ait été testé sur un nombre conséquent de personnes, qui doivent donc être protégées. La loi du 20 décembre 1988 a mis en place une série de garanties. Le protocole d'essai doit d'abord être validé par un Comité de protection des personnes, composé de scientifiques, de juristes et de personnes spécialement compétentes en matière d'éthique. Les personnes qui prêtent leur concours à l'essai doivent être informées de la finalité et des risques de l'essai, et doivent avoir donné un consentement libre et éclairé. 29. La loi n°2004-806 du 9 août 20049 a accru les garanties prévues pour les personnes se prêtant à des recherches biomédicales. L’article L 1121-2 du Code de la Santé Publique prévoit ainsi que : « Aucune recherche biomédicale ne peut être effectuée sur l'être humain : - si elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante ; - si le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour ces personnes ou l'intérêt de cette recherche ; - si elle ne vise pas à étendre la connaissance scientifique de l'être humain et les moyens susceptibles d'améliorer sa condition ; - si la recherche biomédicale n'a pas été conçue de telle façon que soient réduits au minimum la douleur, les désagréments, la peur et tout autre inconvénient prévisible lié à la maladie ou à la recherche, en tenant compte particulièrement du degré de maturité pour les mineurs et de la capacité de compréhension pour les majeurs hors d'état d'exprimer leur consentement. L'intérêt des personnes qui se prêtent à une recherche biomédicale prime toujours les seuls intérêts de la science et de la société. 9

JO 11 août 2004

La recherche biomédicale ne peut débuter que si l'ensemble de ces conditions sont remplies. Leur respect doit être constamment maintenu. »

3. Les actes de convenance personnelle 30. Un certain nombre d'actes sont autorisés, car l'on considère qu'ils ressortissent de la liberté de chacun. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu'en la matière, cette liberté est limitée, le principe traditionnel étant que la convenance personnelle du sujet est, à elle seule, impuissante à justifier une atteinte à son intégrité corporelle. On a ainsi jugé qu’un état européen pouvait, sans contrevenir aux principes fondamentaux de respect des libertés individuelles interdire à des personnes consentantes et majeures la pratique d’activité susceptibles d’attenter à leur intégrité physique 10, ou à leur dignité 11. Néanmoins, ce principe classique est remis en cause tant en ce qui concerne les atteintes expressément autorisés par la loi (Interruption volontaire de grossesse) qu'en ce qui concerne les atteintes validées par la jurisprudence (chirurgie esthétique). a. L'interruption volontaire de grossesse

31. Depuis la loi n°75-17 du 17 janvier 1975, dont les dispositions ont été pérennisées par la loi n°79-1204 du 31 décembre 1979 et celle du 4 juillet 2001, la licéité de l'interruption volontaire de grossesse est admise, lorsque, pratiquée sur la demande de la femme invoquant un état de détresse, elle est réalisée pendant les 12 premières semaines de la grossesse. L'état de détresse justifiant la demande d'I.V.G. est apprécié par la femme seule. La dernière loi a ouvert aux jeunes femmes mineures une possibilité de demander un avortement sans l'autorisation de leurs parents. L'interruption volontaire de la grossesse ne peut être pratiquée que par un médecin. Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une I.V.G, il peut faire jouer ce que l'on appelle une "clause de conscience". 32. De la même façon, une stérilisation chirurgicale peut poursuivre soir un but thérapeutique, soit un but contraceptif. Cette dernière était jusqu'ici pratiquée sans réelle autorisation légale, ce qui n'est plus le cas depuis la loi n°2001-588 du 4 juillet 2001. b. La procréation médicalement assistée

33. La procréation médicalement assistée est destinée à répondre à la demande parentale d'un couple. On écarte aujourd'hui encore en droit français les personnes célibataires de l'assistance à la procréation. La demande parentale peut avoir deux objectifs : soit remédier à une infertilité pathologique du couple, soit éviter la transmission à l'enfant d'une maladie particulièrement grave. Le caractère pathologique de l'infertilité exigé par la loi permet de refuser l'assistance à la procréation aux personnes infertiles en raison de la survenance de la ménopause, qui n'est pas une pathologie. Le couple pouvant bénéficier de ce type d’assistance doit d'abord être un couple hétérosexuel, les deux partenaires doivent être vivants au moment du transfert de l'embryon, ce qui exclut l'insémination post mortem et l'implantation 10

Excision : TA Lyon, 12 juin1996, D. 1998, somm. p. 304, obs. F. Vasseur ; Pratiques sadomasochistes CEDH, 19 février 1997 : D. 1998.97, note Larralde ; RTDciv. 1997.1013, note Marguénaud. 11 « Lancer de nains »CE, ass. 25 octobre 1995, D. 1996.177, note Lebreton.

d'embryon après le décès d'un des membres du couple. Il peut s'agir d'un couple marié ou non marié, mais en cas de concubinage, les concubins doivent justifier d'une vie commune d'au moins deux ans, alors que les couple mariés ont dispensés de cette condition. Différentes techniques sont mises en oeuvre, en fonction des besoins du couple : fécondation in vitro (art . L. 2141-1 et s. du C.S.P.), procréation avec un tiers donneur (art. L. 1244-1 et s. C.S.P.). Les embryons obtenus ne sont pas forcément tous implantés, et ils peuvent être conservés durant de cinq ans. Chaque année durant ce délai, les deux membres du couple seront consultés pour savoir s'ils maintiennent leur demande parentale. Dans l'affirmative, les embryons seront conservés, dans le cas contraire, ils peuvent accepter que les embryons soient accueillis par un autre couple remplissant les conditions d'accès à la procréation médicalement assistée. En cas de décès de l'un des membres du couple, comme l'implantation post mortem est interdite, il est demandé au survivant s'il accepte de donner les embryons à un couple remplissant les conditions. c.. L’euthanasie

34. Si le suicide n’est pas en soi prohibé par la loi, en revanche est pénalement réprimée la provocation au suicide (art. 223-13et suivant du N. code pénal). L’euthanasie a fait l’objet d’un certain nombre de propositions de loi, car des associations militent pour le droit à choisir le moment de sa mort et à mourir dans la dignité. Le législateur est néanmoins intervenu plusieurs fois pour améliorer le sort des personnes en fin de vie, suite à certaines affaires particulièrement médiatiques. C’est ainsi que l’article L 1111-4 du Code de la santé publique dispose désormais, dans sa rédaction issue de la loi n°2005-370 du 22 avril 2005 que : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables. Il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable. Celle-ci est inscrite dans son dossier médical. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité

parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables. L'examen d'une personne malade dans le cadre d'un enseignement clinique requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être au préalable informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au présent titre. Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne pour certaines catégories de soins ou d'interventions. » SOUS SECTION 2. LES AUTRES DROITS DE LA PERSONNALITE 35. La doctrine range dans cette catégorie, ou parfois sous l’expression équivalente de droits primordiaux, des prérogatives suffisamment précises pour pouvoir être constituées en droits subjectifs tels que le droit à la vie et à l’intégrité physique que nous avons déjà vu à propos du corps humain, le droit au nom, ou bien encore le droit à sa propre image et le droit à l’honneur. Ces droits distincts ont des caractéristiques communes : ils sont généraux, car toute personne a priori en est dotée, ils sont extrapatrimoniaux, car ils n’ont pas en eux-mêmes de valeur pécuniaire, ils sont absolus, c’est-à-dire qu’ils s’imposent au respect de toutes les autres personnes. Il n’existe pas de liste des droits de la personnalité, et seuls les plus importants seront ici évoquées. §1. Le droit au respect de la vie privée

A. Les textes protégeant la vie privée 36. Le droit au respect de la vie privée a été introduit en droit français par une loi du 17 juillet 1970. Ce droit est clairement énoncé à l’article 9 al. 1er du Code civil, qui a valeur de principe « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent, s’il y a lieu, être ordonnées en référé. » 37. Le Conseil constitutionnel a rattaché le droit au respect de la vie privée et familiale au bloc de constitutionnalité et plus spécialement à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui énonce que : « le but de toute association politique est la consécration des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression » De même, l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et les libertés fondamentales dispose que :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » 38. Ces dispositions générales s’accompagnent aujourd’hui de diverses dispositions qui organisent, en divers domaines particuliers, la protection de la vie privée des personnes ou de leur intimité. Dans un procès civil, ce souci de respect de la vie privée permet au juge de faire exception au principe de publicité des débats. Il peut ainsi décider que les débats auront lieu en Chambre du conseil, sans admission du public, s’il doit en résulter une atteinte à l’intimité de la vie privée (art. 435 du NCPC). En matière de divorce, les constats dressés moyennant une atteinte illicite à l’intimité de la vie privée sont écartés des débats (art. 259-2 du Code civil). La question principale qui se pose est celle de savoir ce qu’est l’intimité de la vie privée, c’est-à-dire l’étendue du droit au respect de la vie privée, puis de s’interroger sur les sanctions de sa violation. B. L’étendue du droit au respect de la vie privée 39. Toute personne a droit au respect de la vie privée : « chacun » prévoit l’article 9, ce qui laisse supposer que toute personne peut exiger que l’on respecte sa vie privée. L’étude de la jurisprudence prouve qu’en réalité, ce sont principalement des artistes, des hommes politiques, des personnes célèbres, et les membres des familles princières ou régnantes, qui exigent ce respect : pour les autres, les atteintes sont beaucoup moins fréquentes. Toutefois, même si les procès sont le plus souvent intentés par des personnes célèbres, le droit au respect de la vie privée appartient à chacun, et il serait possible de faire cesser l’atteinte, quelle que soit la personne concernée. L’article 9 prévoit la réparation de l’atteinte concernant une personne ordinaire. 40. Le droit que donne l’article 9 est un droit au respect de l’intimité de la vie privée. Cela signifie que l’on n’a pas à être importuné par autrui dans la partie de sa vie appartenant au domaine privé. Le droit au respect de la vie privée permet de tenir les tiers ne dehors de ce domaine réservé, de les tenir à distance, et de pouvoir échapper à leurs sollicitations. Ce droit se double alors d’un devoir de non immixtion dans les affaires d’autrui. En pratique, le manquement le plus grave à cette obligation de respect consiste à s’immiscer dans le domaine réservé pour en capter par indiscrétion des éléments afin de les divulguer par différents moyens. 41. La publication dans la presse de photographies ou de récits relatifs à la vie privée de l’individu est le type le plus caractérisé et le plus répandu d’atteinte à l’intimité de la vie privée. Toute sorte d’immixtion peut constituer une violation de ce droit au respect de la vie privée. Pris dans son application majeure, le droit au respect de la vie privée marque une limite à la liberté de la presse. Il est donc nécessaire de marquer clairement la limite entre le domaine qui appartient à la liberté d’informer et celui qui échappe à la liberté d’expression. Il s’agit ici pour le juge de trouver le juste équilibre entre deux principes d’égale valeur. 42. La vie privée est le domaine réservé que couvre le droit au respect, donc la protection de la loi. Elle s’oppose à la vie publique et à l’aspect public de la vie professionnelle. La vie

privée englobe la vie familiale et conjugale. On ne peut pas divulguer la grossesse ou la maternité d’une femme, un projet de divorce ou une mésentente conjugale. La vie quotidienne à domicile, le domicile, l’état de santé, la vie intime et sentimentale, les relations amicales, les loisirs, l’aspect privé du travail, la mort et le lieu de sépulture sont couverts par le secret de la vie privée. En outre, l’article L1221-6 du Code du travail prévoit que « Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles. Le candidat est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d'informations. » 43. La question s’est posée de savoir si le patrimoine d’une personne pouvait être révélé,ou s’il était protégé ,comme étant un élément de sa vie privée. L’idée prévaut aujourd’hui que la publication de renseignements d’ordre purement patrimonial n’attente pas au respect dû à la vie privée. De la même façon, le passé d’une personne (sentimental ou judiciaire) est-il couvert par le respect dû à la vie privée, ou le temps fait-il tomber dans la vie privée et donc dans une discrétion à respecter d’anciens événements publics ? Certains faits ont été rendus publics par un jugement, donc, ils sont dans l’histoire mais celui qui les évoque et les fait revivre a l’obligation de garder prudence et objectivité. Il n’y pas de droit à l’oubli d’un fait, pour la personne qui a été officiellement convaincue et condamnée, mais le droit de se faire oublier et de ne pas être inquiété existe. C. La sanction de la violation du droit au respect de la vie privée 44. La loi a consacré, en les renforçant, les sanctions que la jurisprudence avait appliquées. L'auteur d'une atteinte à la vie privée encourt deux sortes de sanctions civiles cumulativement ou séparément, selon ce que la victime demande et ce que la situation rend possible (art. 9 C.civ. al. 2). Le choix de la forme la plus adéquate de réparation est laissé à la libre appréciation du juge. L'auteur de l'atteinte s'expose en outre à des sanctions pénales. 1. La réparation en argent : 45. L'atteinte à l'intimité de la vie privée ouvre à celui qui la subit un droit à indemnité. Il a le droit d'obtenir la réparation du préjudice qu'il subit par le versement d'une somme d'argent à titre de dommages-intérêts. Cette action tend à faire retenir la responsabilité civile de l'auteur de l'atteinte. Mais la faute de celui-ci et le dommage de la victime se déduisent automatiquement de l'atteinte à la vie privée. Titulaire d'un droit subjectif, la victime n'a d'autre justification à apporter que la violation de son droit. Elle n'a pas à prouver la malveillance, l'intention de nuire de l'auteur. Cette indemnité pécuniaire est la seule possible lorsque le mal est fait, c'est-à-dire lorsque les faits ont été rendus publics (le plus souvent par la publication d'un journal ou la diffusion d'une émission de télévision, de radio, ou la mise en ligne). La pratique judiciaire montre son montant peut s'élever à des sommes importantes. Les dommages-intérêts peuvent être plus modestes et se réduire à un Euro symbolique. Ils peuvent aussi être combinés avec l'autre sanction civile : la cessation de l'atteinte.

2. La cessation de l'atteinte 46. Lorsque, en tout ou en partie, l'atteinte n'a pas encore été consommée ou qu'elle peut être effacée, la sanction la plus adéquate consiste à la prévenir ou à la faire disparaître. A la demande de la victime, les juges peuvent prescrire "toutes mesures, telles que séquestre, saisie ou autres propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée" (C.Civ. art. 9 al. 2). Sous la généralité de la formule, l'éventail se sanctions va des mesures préventives (saisie de l'ensemble d'une publication encore non diffusée ou invendue) aux mesures réparatrices (enlèvement ou modification d'affiches, retrait d’édition). Dans chaque cas, des mesures conservatoires (mise sous séquestre) ou des mesures définitives peuvent être prononcées. 47. Le juge peut également ordonner sous astreinte la publication de sa décision. La compétence pour ordonner l'ensemble de ces mesures appartient au T.G.I. Lorsqu'il y a urgence, l'article 9 al. 2 du Code civil donne au juge des référé le pouvoir d'ordonner les mêmes mesures et le choix de la réparation adéquate est laissée à sa libre appréciation. En pratique, la Cour de cassation admet que la seule constatation de l'atteinte au respect de la vie privée et de l'image par voie de presse caractérise l'urgence et ouvre un droit à réparation 12. Lorsque l'atteinte répond à la définition précise et concrète de l'un des trois délits spéciaux prévus par l'article 226-1, 226-2 et 226-3 du Code pénal, son auteur encourt des peines d’emprisonnement et d'amende. Sa responsabilité pénale peut s'ajouter aux sanctions civiles.

§2. Le droit à sa propre image 48. Il s’agit du droit pour toute personne d’interdire aux tiers la reproduction et la publication de son image. Le droit de veto trouve toujours à s’appliquer aux photographies des chasseurs d’image. Le droit à l’image est un droit primordial, car il s’agit de permettre à chacun de soustraire à autrui la représentation de sa personne. On a vu, lors de l’étude de la protection de la vie privée, que les deux droits sont concernés lorsque l’image de la personne illustre un moment de sa vie privée. La victime de cette atteinte peut agir pour violation du droit à l’image et pour atteinte à la vie privée. Dans ce cas, les deux fondements invoqués à titre cumulatif peuvent prospérer l’un et l’autre. La rencontre de ces deux fondements à l’action n’est pas gênante dès l’instant où les mêmes sanctions sont encourues à savoir l’allocation de dommages intérêts, la saisie et la destruction des clichés. Certains arrêts précisent que l’atteinte à ces deux droits constitue des sources de préjudices distinctes et qu’elles ouvrent droit à des réparations distinctes13. 49. La loi pénale, quant à elle incrimine et punit comme une atteinte à l’intimité de la vie privée, le fait de fixer, d’enregistrer ou de transmettre, sans le consentement de l’intéressé, l’image d’une personne qui se trouve dans un lieu privé (art. 226-1-2° du Code pénal). Le droit à l’image, dans la loi civile, déborde le cadre de la vie privée. Il exclut que, sans le consentement d’une personne, la photographie soit prise, dans un lieu public, pour une promenade privée, ou pour une manifestation religieuse, ou encore dans une prison, qu’il s’agisse de l’image d’agents de l’administration pénitentiaire ou de détenus. Ce droit à l’image couvre même les manifestations publiques. C’est ainsi que l’on a condamné un

12Cass. 13

civ. &ère, 1é décembre 2000, JCP 2001.IV.1253-1254 Cass. Civ. 1ère, 12 décembre 2000, 2 arrêts, J.C.P. 2001.IV.1253 et 254

photographe qui avait photographié en gros plan, lors d’un spectacle de danse, une jeune fille en costume folklorique. 50. Le droit à sa propre image est, pour chacun, un monopole qui exclut en tout lieu, de la part d’autrui, et la capture, et l’utilisation de la représentation de sa personne. Les juges accordent des dommages intérêts plus conséquents s’ils relèvent le caractère offensant ou injurieux de la photographie, publiée sans le consentement de la personne qu’elle représente. Le droit exclusif d'utilisation est radical. Il est reconnu même dans le cas où, par erreur, l'image est publiée comme étant celle d'une autre personne14. L'image de la personne peut avoir différents supports. Il a été ainsi jugé qu'un santon est bien l'image de la personne qu'il représente15. Mais il fut également se souvenir qu'il existe des tolérances et des libertés coutumières (caricatures, mais si la caricature est exploitée à des fins commerciales ex. épinglette, le droit à l'image joue à nouveau pour permettre à la personne ainsi représentée de faire cesser cette atteinte à son droit). 51. La diffusion d'images sur le réseau Internet n'échappe pas à cette protection légale. D'où la condamnation de celui qui héberge sur son site les photographies représentant un mannequin célèbre et dénudé16. 52. Le droit à sa propre image est doublé par le droit à sa propre voix. L'usage de la parole, et de toute forme de capacité vocale doit être protégé. La voix est une émanation de la personnalité, et le signe distinctif sonore de la personne. La prestation vocale est protégée contre toute écoute clandestine (même sans enregistrement ou diffusion) quand la voix s'adresse à un destinataire particulier. L'atteinte est ici considérée comme une atteinte à l'intimité de la vie privée. Mais la voix est aussi protégée contre toute utilisation secondaire, c'est-à-dire contre tout enregistrement, à défaut d'autorisation de son émetteur. Sous réserve des imitations fantaisistes présentées comme telles, l'imitation de la voix d'autrui est illicite17. §3. Le droit à l'honneur 53. Le droit civil reconnaît à chacun le droit de faire respecter son honneur. La réputation de toute personne est sacrée. Quiconque porte atteinte à l'honneur d'une personne engage envers celle-ci sa responsabilité civile. En effet, salir l’honneur de quelqu’un fait courir à cette personne le risque de se couper de ses amis et de ses relations. « La médisance qui consiste à dévoiler les fautes et les exactions d’autrui et la calomnie qui consiste à les lui imputer à tort sont cause de dislocation des rapports dans la société. Ce sont deux travers communément partagés par l’humanité, mais seule la calomnie est sanctionnée par le droit »18.

14Cass.

civ. éème, 11 février 1999, photographie de classe publiée dans un quotidien à grand tirage avec une flêche désignant le visae d'une personne aujourd'hui condamnée pour crime, mais dont la flèche a été mal positionnée, si bien que c'est un camarade de classe du criminel qui avait ainsi été désigné. Ce malchanceux a pu faire jouer son droit à l'image pour obtenir réparation. 15Versailles, 30 juin 1994, D. 1995. 645, note Ravanas. 16 CA Paris, 10 février 1999, Estelle H., Annonces de la Seine, 15 mars 1999. 17Imitation de la voix de Piéplu dans une émission de publicité reprenant les personnages des Shadocks : 19 décembre 1984, GP 1985.II.som. 406 18 M. Douchy-Oudot, « Droit civil 1ère année », Hypercours, Dalloz , 3ème édition, n°273

A défaut de pouvoir exiger une "réparation d'honneur" (nom autrefois donné au duel), l'offensé est en droit de réclamer des dommages intérêts, conséquents ou symboliques et des mesures propres à faire cesser l'offense (par exemple la suppression d'un écrit). 54. L'atteinte à l'honneur n'est constituée que si elle est intentionnelle de la part de son auteur. Une maladresse blessante n'est pas jugée suffisante pour constituer une atteinte à l'honneur. En pratique, la malveillance se déduit assez facilement des deux formes que revêtent les atteintes à l'honneur : la diffamation qui est l'allégation d'un fait vrai ou faux (taxer quelqu'un d’alcoolismes, de toxicomanie, d'homosexualité etc.), et l'injure qui est une formule d'outrage ou de mépris. Ces deux modalités dérivent de deux modèles du droit pénal, qui à certaines conditions, érigent la diffamation et l'injure en délit pénal. 55. L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». Lorsqu’une personne est poursuivie en justice pour diffamation, elle peut se défendre en soulevant l’exceptio veritatis c’est-à-dire l’exception de vérité : la preuve de l’exactitude des faits l’exonère de toute responsabilité sur ce fondement. Il faut également souligner que l’humour et la caricature autorisent parfois des atteintes à l’honneur, à condition que ces satires obéissent aux lois du genre. 56. La nécessaire liberté d’expression ne doit pas contrevenir à la présomption d’innocence dont toute personne bénéficie. Un équilibre doit être trouvé, entre les différents impératifs. La loi n°2000-516 du 15 juin 2000 a renforcé la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes19. Cette loi a ainsi modifié l’article 9-1 du Code civil qui dispose désormais que : « Chacun a doit au respect de la présomption d’innocence. Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte »

§4. Le droit au respect des croyances 57. Prolongement de la liberté de conscience, prévu par l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui dispose que : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi" le droit au respect des croyances est le droit pour chacun d'être protégé contre les atteintes abusives portées à ses convictions religieuses ou philosophiques. La place de ces convictions, dans la conscience de chacun d'entre nous, justifie que leur respect soit reconnu, dans la réciprocité, comme un droit de la personnalité. Cependant, la libre critique est aussi dans la liberté de conscience et dans la liberté d'expression. Il convient donc de ne sanctionner que l'outrage odieux et l'agression tapageuse, c'est-à-dire l'atteinte caractérisée. Ainsi, la 1ère

19

JO 16 juin, p. 9038

chambre civile de la Cour de cassation a-t-elle, dans un arrêt du 29 octobre 1999 20 rejeté le pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel qui avait rejeté la demande d'interdiction du film "La dernière tentation du Christ". §.4. Les libertés civiles 58. La liberté consiste à faire ce que l'on veut, c'est-à-dire aussi à ne pas faire ce que l'on ne veut pas. Concrètement, le droit civil reconnaît à la personne une liberté de conscience, c'està-dire une liberté confessionnelle et philosophique et la liberté de pratiquer la religion de sa foi. Il reconnaît aussi la liberté d'aller et de venir, et de s'établir où bon lui semble. La liberté d'aller et de venir comporte aussi le droit de quitter le territoire national. 59. Les libertés civiles concernent aussi la liberté de choisir sa profession, la liberté de se marier ou de demeurer célibataire, celle de vivre seul, en famille, ou en communauté, d'avoir ou non des enfants, d'adhérer ou non à un syndicat, une association, un parti politique, de choisir ses amis, sa mode vestimentaire, son régime alimentaire et de régler ses funérailles. Toutes ces libertés ne sont pas, pour la plupart, prévues expressément par la loi civile. Elles ont une valeur de principes généraux du droit, dont la force coutumière est grande. C'est principalement dans la jurisprudence que l'on en trouve la consécration pratique. Cependant, la jurisprudence n'assure pas aux libertés civiles une protection absolue. En effet, pour la sauvegarde d'autres intérêts, la jurisprudence admet que ces libertés puissent être restreintes et parfois exclues. 60. En pratique, la question qui se pose au juge est celle de savoir s’il convient de valider, dans un rapport privé, les limites que les actes juridiques sont susceptibles d’apporter aux libertés civiles. Parfois, la restriction résulte des dispositions d’un acte unilatéral : quelle est, en droit, la validité d’un legs dont le mari gratifie son épouse à la condition que la bénéficiaire ne se remarie jamais ? D’autres fois, la limite aux libertés est acceptée, au moins formellement, par celui qu’elle brime. Elle découle d’une clause du contrat. L’employeur est-il par exemple en droit d’exiger d’une hôtesse de l’air qu’elle demeure célibataire ? Une institution catholique d’enseignement peut-elle exiger d’un professeur qu’elle ne se remarie pas après son divorce ? Les arrêts de la Cour de cassation vont généralement dans le sens de la protection de la liberté, mais admettent certaines restrictions : par exemple, la condition de célibat, insérée dans des libéralités, lorsqu’un intérêt légitime les inspire. De même, un contrat de travail peu légitimement prévoir que le ou la salarié(é) ne devra pas dépasser tel poids pour l’exercice de son activité (cas d’un club de remise en forme exigeant une certaine « forme » des différentes animatrices). §4. L'égalité civile 61. Liberté et égalité sont deux termes unis, et après Rousseau il est commun de dire qu’il n’y a pas de liberté sans égalité. Il existe ainsi un principe d’égalité, corollaire du principe de liberté. Ce principe général ne doit pas être confondu avec certaines règles d’égalité spécialisée qui existent dans notre droit telle que la règle d’égalité entre les créanciers, ou la règle d’égalité 20Cass.

civ. 1ère, 29 octobre 1999, Gaz. Pal. 1999.I.Pan. 61; 3-5 mars)

successorale. Il ne sera ici question que du principe général d’égalité, et des limites qu’il rencontre, car il existe des inégalités légitimées par le droit, tandis que certaines discriminations sont condamnées. A. Le principe de l’égalité civile 62. Le droit civil moderne repose essentiellement sur le postulat qu’une personne physique quelconque est égale à n’importe quelle autre personne physique, c’est-à-dire qu’elle est égale en droit : l’égalité civile est l’égale aptitude à jouir des droits civils. Le principe de cette égalité est proclamé, à l’intérieur de la communauté nationale, par l’article 8 du Code civil qui proclame que « tout français jouira des droits civils ». Cet esprit d’égalité ne fait que transposer en droit civil un des axiomes de la Déclaration des droits de 1789. Pourtant, cette égalité de principe ne signifie pas la disparition de toutes les inégalités. B. Les inégalités légitimées 63. L’existence d’exceptions au principe de l’égalité s’explique de différentes façons. D’abord, certaines exceptions viennent du droit civil classique, et existaient pour des raisons historiques. Dans un certain nombre de cas, le Code napoléon a restauré des inégalités qui existaient sous l’Ancien Régime. Ces inégalités se sont beaucoup estompées en droit moderne. Elles tenaient d’une part à la nationalité et d’autre part à la naissance : une distinction très nette était faite, jusqu’à une époque récente, entre les enfants légitimes et les enfants naturels. D’autres exceptions avaient un fondement plus rationnel. Depuis Aristote, on sait qu’il n’y a pas d’inégalité à traiter de façon différentes les situations différentes. Tel est le cas de tout le système des incapacités, qui se traduit par des inégalités (art.1123 du Code civil ), fondées sur des différences objectives (âge, état mental). 64. On a longtemps cru que cette idée pouvait justifier l’incapacité des femmes mariées, mais il s’agissait là d’un abus dans l’appréciation de la différence objective. L’idée que les choses inégales doivent être traitées différemment est à la source de beaucoup de mécanismes juridiques. Ainsi, dans les rapports alimentaires, on ne se limite pas aux seuls besoins physiologiques du créancier, mais on prend également en considération sa situation sociale. 65. En droit de la responsabilité aussi, la créance de réparation de la victime sera évaluée en fonction de sa situation sociale. Le droit contemporain fait également de nombreuses distinctions en fonction de la profession des personnes : le commerçant est soumis à des règles particulières. Il existe un droit successoral propre aux agriculteurs. De même, en fonction de la catégorie sociale, le droit est adapté : les contrats ne sont régis par les mêmes règles selon qu’ils sont conclus entre des professionnels ou entre un professionnel et un consommateur. C. Les inégalités condamnées 66. Le droit contemporain parle peu d’égalité, mais en revanche, fait souvent référence à l’interdiction des discriminations : la discrimination est une rupture de l’égalité, et le droit pénal les réprime. Il réprime aussi certains agissements tels que le refus de contracter, lorsqu’il a été inspiré par une discrimination. Les textes pénaux visent expressément les discriminations fondées sur le sexe, les mœurs, l’appartenance ou la non appartenance à une confession, une ethnie. On signalera l’introduction dans notre droit de « discriminations

positives », telle que la parité imposée dans la vie politique. Le droit européen et le droit communautaire sont ici des garants très efficaces de l’égalité. 67. On notera que les discriminations sont désormais sanctionnées de façon assez systématique. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) a été créée par l’article 15 de la loi du 30 décembre 2004 qui dispose qu’elle peut recommander toute modification législative ou réglementaire. « À partir des saisines qui peuvent faire apparaître des manquements dans la législation ou des textes, dont l’application peut conduire à des situations discriminatoires, la HALDE peut formuler des recommandations afin que soient apportées les modifications législatives et réglementaires pour améliorer l’état de notre droit. Afin de promouvoir l’égalité elle émet aussi des avis visant à préconiser et à réunir les conditions de l’extension des bonnes pratiques. Elle peut aussi, à la demande du gouvernement, émettre un avis sur des projets ou des propositions de loi qui traitent de la discrimination ou de la promotion de l’égalité Les avis et recommandations sont adoptés par le Collège, et transmises par le Président aux autorités concernées.. » 21

21

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TABLE DES MATIERE SEMINAIRE N°3 LES DROITS DE LA PERSONNE ......................................................................................................................1 CHAPITRE 1. LA NOTION DE DROIT SUBJECTIF ......................................................................................1 CHAPITRE 2. LES DIFFERENTS DROITS SUBJECTIFS ............................................................................2

SECTION 1. LES DROITS PATRIMONIAUX.................................................................... 2 SECTION 2. LES DROITS EXTRAPATRIMONIAUX ...................................................... 3 SOUS SECTION 1. LA PROTECTION DE L'INTEGRITE PHYSIQUE .......................... 3 §1. La protection du corps humain contre les atteintes des tiers : l'inviolabilité du corps humain ................................................................................................................................ 4 §2. La protection du corps humain contre le pouvoir de disposition de l'individu ........... 5 A. Les conventions interdites : ....................................................................................... 6 B. Les conventions exceptionnellement autorisées ........................................................ 6 1. Le don d'organes : ................................................................................................. 6 2. L'expérimentation scientifique : ............................................................................. 8 3. Les actes de convenance personnelle ..................................................................... 9 a. L'interruption volontaire de grossesse ................................................................ 9 b. La procréation médicalement assistée ................................................................ 9 c.. L’euthanasie .................................................................................................... 10 SOUS SECTION 2. LES AUTRES DROITS DE LA PERSONNALITE ......................... 11 §1. Le droit au respect de la vie privée............................................................................. 11 A. Les textes protégeant la vie privée .......................................................................... 11 B. L’étendue du droit au respect de la vie privée ......................................................... 12 C. La sanction de la violation du droit au respect de la vie privée ............................... 13 1. La réparation en argent : ....................................................................................... 13 2. La cessation de l'atteinte ....................................................................................... 14 §2. Le droit à sa propre image .......................................................................................... 14 §3. Le droit à l'honneur .................................................................................................... 15 §4. Le droit au respect des croyances .............................................................................. 16 §.4. Les libertés civiles ..................................................................................................... 17 §4. L'égalité civile ........................................................................................................... 17 A. Le principe de l’égalité civile ................................................................................. 18 B. Les inégalités légitimées ......................................................................................... 18 C. Les inégalités condamnées ...................................................................................... 18

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