Ce tableau, Le christ quittant le prétoire fut réalisé par Gustave Doré en …. I s’agit en fait d’une copie d’un tableau monumental achevé par l’artiste en 1872 et exposé aujourd’hui au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg. Pour comprendre l’enjeu de l’œuvre, il est important de retracer l’histoire de l’original, une histoire d’ailleurs très mouvementée. Pour vous présenter un peu l’artiste, on peut dire que c’est un peintre et illustrateur né à Strasbourg en 1832 qui s’avère très tôt être un génie de l’illustration. Il passe son temps à dessiner et des ses 15 ans il s’installe à Paris où il est engagé par le directeur du Journal pour rire. Ses caricatures deviennent populaires tout comme ses illustrations des chefs d’œuvre de la littérature mondiale comme l’Enfer de Dante et les œuvres de Rabelais. Mais, l’œuvre qui a fait sa renommée internationale, c’est l’illustration de la Bible. Elle fut d’ailleurs traduite en plusieurs langues et c’est un véritable tournant pour l’artiste. Au fil des pages on trouve beaucoup de préfigurations de son Christ martyrisé. La plus proche est bien sur celle du Christ quittant le prétoire où on retrouve la même composition que dans le tableau que vous avez devant vous. Cette scène de la Bible est rarement représentée en peinture. C’est l’instant où le Christ, après avoir été jugé, descend les marches du prétoire pour s’emparer de la croix qu’il portera jusqu’au mont Golgotha où il sera crucifié. Sur le tableau, on reconnaît le Christ tout à fait au centre de la composition : il porte la couronne d’épines et vient d’être flagellé. Tout autour de lui, on voit de nombreux personnages qui forme une foule grouillante. Parmi eux, on peut identifier Pilate et Hérode en arrière plan, désespérés car ils n’ont pas réussit à sauver le Jésus. Derrière lui on voit trois personnages richement vêtus qui sont Caïphe, Annas et Alexandre, les prêtres qui se réjouissent de jugement qui vient d’être rendu. A gauche dans la foule, portant une robe rouge, on reconnaît Juda, au visage tragique et détournant le regard du Christ. Il ne veut pas l’affronter car il vient de le trahir. Sur la droite on voit la vierge Marie et à ses pieds Marie Madeleine, toutes deux effondrées. Le tableau de Strasbourg fait 54 mètres de superficie c’est une œuvre monumentale sur laquelle Gustave Doré à travaillé quotidiennement, seul, pendant 5 ans. C’est un projet qui lui tient beaucoup à cœur mais qu’il a mis de coté pendant 2 ans. En effet contraint par la guerre franco-prusienne, les combats et la famines à Paris, il enterre la toile dans son jardin, roulée dans un tube métallique. Le drame de sa vie est que les critiques français tels que Zola ou Baudelaire l’ont toujours accablé en tant que peintre. Il ne sera reconnu en France que comme illustrateur. Le grand public, lui apprécie l’œuvre lorsque l’artiste la présente à Paris en 1872.
La même année, l’Angleterre propose à Doré d’exporter ses tableaux dans une galerie conçue spécialement pour lui : la Doré Gallery de Londres. Le Christ quittant le prétoire devient l’attraction numéro 1 et la galerie connaît une affluence remarquable. Les propriétaires ne veulent pas se séparer de l’œuvre et commandent donc à l’artistes des gravures et copies plus petites. Il réalise 6 répliques dont celle-ci. Pour reproduire le tableau de Londres alors qu’il se trouve à Paris, on sait que Doré s’est servi de photographies pour les détails très précis. Malgré ça, il a pris quelques libertés sur cette copie, notamment dans les visages du Christ, de la Vierge et de Juda. Leurs expressions sont quelque peu différentes de l’original de Strasbourg. La signature reste un mystère : en effet, lorsque Doré meurt en 1883, le tableau n’est pas achevé. Mais les dates inscrites sont 1874-80 c’est impossible, on suppose que c’est donc un marchand d’art qui les aurait rajoutées pour donner plus d’authenticité à l’œuvre. La signature est assez grossière notamment au niveau de G et du O mais on sait que l’œuvre est bien de la main de Gustave Doré. Ce tableau est très mystérieux et les anglais de l’époque victorienne ont été fascinés par son sens dramatique. La foule grouillante faite de corps entremêlés et plus ou moins plongés dans l’ombre laisse place au Christ seul, vêtu de blanc et nimbé de lumière, avançant solennellement avec son visage calme et son regard tourné vers le spectateur. La mise en scène est théâtrale et grandiose et le côté divin du Christ est poussé au paroxysme. L’œuvre devient donc plus une expérience religieuse qu’artistique à l’époque. Les fidèles venaient continuer de prier devant elle après la messe, encouragés par leur prêcheur. Le succès est tel que la galerie exporte les toiles de Doré aux Etats-Unis pour une exposition itinérante. Le christ quittant le prétoire est ensuite stockée et oubliée. Elle ne réapparaîtra que plus tard en 1983 dans une église viennoise avant d’être vendue à la ville de strasbourg. Elle fera l’objet de 5 ans de restauration pendant lesquels on découvre les dégâts qu’elle a subit. C’est donc une œuvre qui a beaucoup voyagée et qui reste aujourd’hui mystérieuse et fascinante.