UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et littératures françaises et romanes
LA FÉMINISATION Vue par Marina Yaguello
HOEBEKE Margaux
Travail réalisé dans le cadre du cours : Grammaire descriptive II (Roma-B-304)
ANNÉE ACADÉMIQUE 2007-2008
1. Introduction Le cours de Grammaire descriptive du français moderne II portant cette année sur la féminisation, il nous a semblé intéressant de nous pencher sur le point de vue de Marina Yaguello. Linguiste et professeure à l’Université de Paris, elle est l’auteure de nombreux ouvrages sur le langage, dont deux ont particulièrement retenu notre attention, puisqu’ils s’inscrivent dans le cadre de notre étude sur la féminisation. Il s’agit des textes Les mots et les femmes, et Le sexe des mots1. Le premier est un essai sociolinguistique qui analyse les relations entre les femmes et le langage, et souligne les incohérences marquantes que l’on peut trouver dans notre manière de parler, et dans l’importance que l’on accorde à la femme dans nos mécanismes langagiers. Nous ne nous attarderons pas sur la première partie de l’ouvrage, qui nous a semblé être en dehors de la question de la féminisation, et être plutôt centrée sur le langage des femmes et les coutumes des différents peuples du monde en ce domaine. Le second est plus léger, et présente, sous forme de dictionnaire, et sous couvert de l’humour, les idées reçues véhiculées par certains mots de la langue française. Il nous servira davantage à étayer les théories émises dans le premier ouvrage qu’à véritablement fonder une réflexion sur un point précis. À travers divers angles d’approche, nous tenterons de donner une vision complète de l’avis de Marina Yaguello sur la question de la féminisation.
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2. La question du genre D’un point de vue strictement grammatical, le genre constitue un système de classification des noms2. Si l’on s’en tient à cette stricte définition, on pourrait aisément se passer de la notion de genre, ainsi que l’ont déjà fait certaines langues, comme le hongrois et, dans une certaine mesure, l’anglais. Néanmoins, comme l’expose Marina Yaguello dans ce chapitre3, la question du genre reflète bien moins une simple classification des termes selon des critères prédéfinis qu’une vision du monde et un moyen de véhiculer une symbolique commune. Le genre, censé traduire une perception « naturelle » des choses, se trouve grandement influencé par les classifications grammaticales arbitraires du langage, ce qui lui fait perdre de sa crédibilité. Citons, par exemple, les couples : mer/océan, cabane/château, chaise/fauteuil4, et de nombreux autres, qui prouvent que, bien souvent, le féminin est assimilé à l’idée de petitesse, renvoyant ainsi à des conceptions machistes de la langue. Il en va de même pour les classifications des animaux, par exemple. Les animaux sauvages ou grands sont souvent de genre masculin, tandis que les animaux petits ou domestiques sont plus souvent féminins. Néanmoins, Marina Yaguello trouve à cette affirmation des contreexemples, puisque la baleine et la panthère sont grandes ou sauvages, et pourtant de genre féminin, alors que le moustique et le mouton sont domestiques ou minuscules, et de genre masculin5. De plus, l’auteure pose la question de savoir si ce sont les valeurs que nous attachons à certains mots ou à certaines métaphores qui les rendent féminines, ou bien s’ils sont féminins parce que leur genre grammatical le veut. Ainsi, est-ce 2
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 111 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 111 et suivantes 4 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 120 5 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 20 3
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que des mots comme lune, aurore6 ou mort7 sont féminins parce que le hasard les a dotés du genre féminin, ou parce qu’ils véhiculent certaines valeurs culturelles ou symboliques ? Bien qu’il soit délicat de répondre à cette question de manière tranchée, nous pouvons néanmoins observer les effets que cela produit sur le langage. Nous voyons en effet apparaître certains couples de mots, l’un masculin, l’autre féminin, chargés d’une forte dichotomie mâle/femelle, qui alimente le symbolisme sexuel8. Remarquons ainsi l’opposition entre lune/soleil, terre/ciel, jour/nuit, eau/feu, vie/mort... Bien que, dans ces exemples, le genre de chaque mot change en fonction de chaque langue, ils permettent de construire un système de valeurs universelles grâce à la symbolique contenue dans ces oppositions. En se basant sur une hypothèse de Jean Markale9, la lune aurait été de genre masculin autrefois, et le soleil du genre féminin. Le changement de genre aurait coïncidé avec le basculement d’un culte de la déesse-mère vers un culte du dieu-père dans l’espace indo-européen. Les mêmes symboliques fortes se retrouvent dans des mots comme terre, eau, jour, etc. À travers l’exemple de la langue anglaise, dite « logique », Marina Yaguello nous montre comme le classement des genres se fait de manière bien plus nette qu’en français, où l’accord grammatical prend souvent le pas sur la valeur symbolique des mots10. En conclusion, nous pouvons dire qu’il apparaît donc ainsi que la tendance anthropomorphique de l’homme le pousse universellement à sexualiser la nature et la réalité qui l’entoure11.
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 31 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 118 8 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 132 9 Jean Markale, La femme celte, Paris, Payot ; rééd. « Petite Bibliothèque Payot », 2001 10 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 138 11 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 140 7
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3. Formation des féminins Les locuteurs d’une langue à genre, comme le français, sont constamment confrontés aux difficultés de l’accord grammatical12. Dans une langue comme le français, où l’accord grammatical joue un grand rôle dans la grammaire et dans le choix du genre, le pronom de reprise est déterminé par le genre de la désignation générique ou indéfinie, sans qu’aucun choix soit offert au locuteur. Ainsi, nous trouvons la personne (elle), l’homme (il), l’individu (il)13, etc.… Là encore, la dimension grammaticale prévaut sur la dimension de sens. Alors qu’en anglais, on constate que les formes féminines des mots sont bien souvent épicènes, ou se forment en rajoutant le mot female devant le nom commun, par exemple female-philosopher, ou, dans le cas du masculin, male-baby-sitter14, en français, la formation est bien plus complexe, puisqu’elle est conditionnée par des règles d’accord, et que les méthodes de formation ne sont pas toutes homogènes. Examinons ici les différentes manières de créer des féminins en français, relevées par Marina Yaguello15 : ·
Les noms en –eur, formant leur féminin de trois manières différentes : o
–eure : prieur donne à la fois prieure, prieuresse, prioresse ou prieuse, preuve que l’usage n’est pas bien fixé. Cette règle est peu utilisée, bien qu’on trouve encore auteure16 et professeure17.
o
– eresse : forme qui nous vient du Moyen-âge, et qu’on trouve encore dans des formes telles que chasseresse, pécheresse ou vainqueresse18.
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 143 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 145 14 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 148 15 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 151 et suivantes 16 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 31 17 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 134 18 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 156 13
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o
–eur/-euse
en
alternance :
charmeresse
donne
charmeuse,
venderesse donne vendeuse, etc… Cette règle de formation est la plus utilisée pour les noms en –eur, bien qu’elle ne fasse pas l’unanimité. En effet, si l’on trouve chanteuse et balayeuse, les mots docteuse, ingénieuse ou professeuse ne sont pas admis dans le langage. Des théories ont été émises pour expliquer ce phénomène, comme celle selon laquelle les noms d’agent féminins sont déjà utilisés pour désigner des machines ou des outils, ou encore celle qui veut que, lors des changements de genre, le féminin est assimilé à ce qui est inanimé. Cependant, elles ne conviennent pas à Marina Yaguello, qui les juge peu convaincantes. ·
Les noms en –er, formant leur féminin en –ère : ce sont les mots du type boulanger/boulangère. Cependant, nous constatons qu’il existe encore des blocages dans la langue : cuisinier donne cuisinière, qui fait plutôt référence à l’appareil de cuisine, plutôt qu’à la profession (le titre de « chef-cuisinière » est d’ailleurs tout à fait exclu de la langue) ; chevalier donne chevalière19, mot utilisé pour désigner une bague, plutôt que le titre ; le mot policière est peu usité, on lui préfère souvent femme-flic, fliquesse ou flicette, tous des termes dépréciatifs. Là encore, la langue se révèle être truffée de contradictions ou de blocages inexplicables, et de mécanismes de valorisation du masculin par rapport au féminin.
·
Les noms en –ien formant leur féminin en –ienne : les mots de type chien/chienne. Bien que cela ne pose pas de problème pour des mots comme gardien/gardienne, diététicien/diététicienne, on ne trouve pas de chirurgienne20, puisqu’on préférera dire femme-chirurgien ou « Madame X est chirurgien ». Par contre, pharmacienne est communément utilisé, étant de statut moins élevé.
·
Les noms en –in, -aine, qui forment leurs féminins en –ine ou –aine : lapin/lapine ou sacristain/sacristine ou sacristaine ne posent pas de
19 20
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 49 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 157
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problème, mais l’usage du mot écrivaine comme féminin d’écrivain est peu établi. ·
Les mots en –an formant leur féminin en –ane : pour korrigan/korrigane21 ou courtisan/courtisane, la féminisation se fait sans encombre, alors que pour partisan/partisane22, les locuteurs semblent faire un blocage, qui est d’ailleurs d’ordre social, puisque le mot partisane est fréquemment utilisé comme adjectif.
·
Les mots en –ouin formant leur féminin en –ouine : ici, c’est le mot témouine23 qui pose problème. Il pourrait, en effet, être formé de la même manière que pingouine, mais on lui trouve une consonance trop proche des mots gouine, fouine et babouine. Nous avons donc affaire ici à un blocage morphologique, et non social, comme nous l’avons vu plus haut.
·
Les mots en –ant et –ent, qui forment leur féminin en –ante et –ente : là où
le
passage
se
fait
sans
problème
pour
étudiant/étudiante,
patient/patiente, le féminin de tenant, tenante24, ne se dit pas. De la même manière, on dit« Cette femme est savante », mais « Marie Curie est un grand savant ». ·
Les mots en –f formant leur féminin en –ve : cette méthode est peu productive aujourd’hui, elle concernait notamment les termes serf/serve25, que l’on n’emploie plus de nos jours.
·
Les mots en –re formant leur féminin en –resse : remarquons que pour le mot maîtresse26, on trouve l’expression « Je suis maître de décider », mais pas « Je suis maîtresse de décider ». De même, on ne dit pas maîtresse à penser, maîtresse d’œuvre ou maîtresse de chapelle. On trouve également le mot peintresse, féminin de peintre, qui a cependant une nuance péjorative.
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 97 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 159 23 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 159 24 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 159 25 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 160 26 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 160 22
7
·
Les mots auxquels on adjoint un e muet final, comme dans les terminaisons –et/ète, -at/-ate, -d/-de ou -ot/-ote : l’un des procédés de féminisation les plus utilisés, on trouve quelques termes sujets à remarques. Le mot avocate, féminin d’avocat, semble bien ancré dans les mœurs langagières, mais il est plus souvent employé comme nom commun que comme titre ; les mots clocharde, poivrote27 et avortonne28 trouvent leur place sans difficulté et, comme le souligne Marina Yaguello, nous ne manquerons pas de remarquer leur connotation péjorative ; galante, féminin de galant, prend une autre acception en changeant de genre, puisqu’il désigne une femme de mœurs légères au féminin, et un homme empressé auprès des femmes au masculin29.
·
Les mots en –(t)eur formant leur féminin en –(t)euse ou –trice : comme nous l’avons vu auparavant, le mot ingénieuse30 n’est pas attesté, probablement pour éviter une confusion avec l’adjectif. Professeuse n’a pas trouvé sa place dans la langue, pas plus que procureuse, chauffeuse ou metteuse en scène. Et, bien qu’aviateur donne aviatrice, et qu’électrice31 et ambassadrice32 se soient imposés sans encombre, docteur ne peut donner doctrice, et facteur ne peut donner factrice, auquel on préférera femme-facteur33.
·
Les mots épicènes terminés par un e muet, qui restent identiques au féminin : psychologue, ethnologue, élève34, etc. Après avoir catégorisé, selon ses critères, les procédés de formations du
féminin, Marina Yaguello conclut qu’il existe trois cas de féminin :
27
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 161 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 35 29 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 81 30 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 162 31 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 67 32 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 27 33 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 163 34 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 165 28
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·
Il existe un modèle d’alternance parfaitement productif (eur/-euse ; -teur/trice ; -ier/ière, etc.). La forme féminine disponible est néanmoins rejetée dans certains cas, pour des raisons sociales.
·
Épicènes absolus : aucun problème sinon qu’on se croit obligés de leur adjoindre femme-.
·
Finales en e muet ;ces mots devraient théoriquement être épicènes. En pratique, ils se répartissent entre le masculin et le féminin en fonction de la division des rôles dans la société35.
35
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 169
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4. Féminin et discrimination On dit une fille ou une femme facile, mais pas un homme facile, une femme de petite vertu, mais pas un homme de petite vertu ; on dit une femme de mauvaise vie, mais on dit un Don Juan. On dit une faible femme, mais pas un faible
homme.
Un
homme
faible
est
un
homme
trop
indulgent.
On aime les petites femmes, mais on admire les grands hommes. Les petits hommes n’existent que chez Gulliver et les grandes femmes ont du mal à s’habiller en confection. Une femme peut être jolie, belle, mignonne, ravissante, laide ou moche, un homme n’est que beau ou laid36. Prenons simplement le mot femme, en opposition à homme. Il comporte une notion péjorative, et peut être assimilé à des femmes de mauvaise vie, alors que le mot homme comporte une nuance laudative (« Sois un homme ! », mais jamais « Sois une femme ! »)37. De la même manière, le mot fille est connoté péjorativement (« Tu n’es qu’une fille ! », les filles de joie, aller chez les filles), alors que le mot garçon est tout à fait neutre. On dit d’ailleurs un garçon manqué, mais pas une fille manquée38. Il en va de même pour garce, qui prend une connotation négative au féminin, que l’on ne retrouve pas dans gars, et pour le terme donzelle39, qui laisse transparaître du mépris pour la personne dont on parle, et pour lequel on ne trouve pas de masculin actuel, sauf la forme archaïsante donzelon40. Sans compter les termes entraîneuse41 ou femelle42, qui prennent également une connotation négative au féminin, alors qu’au masculin, au contraire, le terme était positif, ou au moins neutre.
36
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 179 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 178 38 Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 179 39 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 64 40 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 64 41 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 70 42 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 73 37
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5. Les insultes au féminin Marina Yaguello a souligné maintes fois le côté négatif qui est souvent associé au féminin, alors que le masculin est neutre ou positif. Cette tendance se vérifie également dans les insultes, et dans leur genre. Ainsi, nous trouvons une kyrielle de mots dépréciatifs de genre féminin : andouille43, arsouille44, canaille45 crapule46, et fripouille47, se référant tous le plus souvent à des individus de sexe masculin, bien qu’ils aient un genre féminin ; avortonne48 ; carne49 ; harpie50 et mégère51, auxquels on ne trouve pas d’équivalent masculin ; lopette52 et tantouze53, tous les deux doublement féminins, à la fois par le sens et par le suffixe en –ouze ; nouille54 ; nunuche55, quia pris un sens péjoratif par l’adjonction du suffixe féminin dépréciatif –uche ; pétasse56 et pouffiasse57 ; sorcière58 , qui a une connotation négative que l’on ne retrouve pas dans le mot sorcier ; etc. Dans le registre animalier, quantité de mots servant à désigner la femelle sont souvent employés comme injures, alors que le masculin ne laisse rien transparaître
aucune
connotation
particulière.
Citons
ainsi :
chienne59 ;
cochonne60 ; cocotte61 ou poule, qui désignent des femmes de mauvaise vie ;
43
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 29 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 30 45 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 44 46 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 58 47 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 80 48 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 35 49 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 46 50 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 87 51 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 113 52 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 101 53 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 149 54 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 120 55 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 121 56 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 121 57 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 133 58 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 144 59 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 49 60 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 52 61 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 53 44
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guenon62, pour lequel il faut souligner la différence entre le fait d’être « laide comme une guenon », alors qu’on est « malin comme un singe » ; mante religieuse63 ; oie64, servant à désigner une fille bête et naïve ; rosse65 ; etc. On trouve également des mots de genre masculin servant exclusivement à désigner des femmes, tels que : boudin66, qui désigne aujourd’hui une femme laide, bien qu’au départ, il ait eu l’acception de « femme grasse » ; chameau67; souillon68 ; laideron69, que la terminaison en –on aurait normalement assimilé aux hommes, et à côté duquel on trouve aussi laideronne, plus propre aux femmes ; etc. À l’inverse, les mots d’amour, connotés positivement dans la langue, sont bien souvent masculins, même lorsqu’ils s’adressent à des femmes : mon poussin, mon chéri, mon minet, mon lapin, etc.70 Le langage est, par ailleurs, extrêmement inventif quand il s’agit d’imaginer des termes ou des expressions dépréciatives se rapportant aux femmes. Ainsi, si l’on prend par exemple tout le champ sémantique de la grossesse ou de la maternité : La maman elle-même n’échappe pas à la dépréciation. Elle se voit traiter de mère lapine, de mitrailleuse à lardons, de poule pondeuse. Les mots désignant la grossesse sont le plus souvent crus et déplaisants. La femme a avalé le pépin, elle a le ballon, elle a sa butte, elle est en cloque, elle enfle, elle gondole de la devanture, elle a un polichinelle dans le tiroir, elle marche à quatre pieds.
62
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 85 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 110 64 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 123 65 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 140 66 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 40 67 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 47 68 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 145 69 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 99 70 Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 133 63
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Lorsqu’elle accouche, elle casse son œuf, elle chie un môme, elle pond, elle pisse son os ou sa côtelette, elle chatonne, etc.71
71
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 193
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6. Conlusion À travers ces quelques points, nous avons essayé de montrer l’intérêt de Marina Yaguello pour la cause des femmes, et l’image qui transparaît d’elles dans le langage. Notre étude n’est bien évidemment pas exhaustive, et est loin d’englober toute la pensée de Yaguello. Nous avons voulu montrer quelques tendances marquantes que l’on retrouvait dans ses ouvrages, et la manière dont elle pointait du doigt des mécanismes illogiques de la langue, ou des idées sexistes véhiculées par le langage. Ses ouvrages ayant été écrits il y a respectivement 20 et 30 ans, certains automatismes ou certains faits contre lesquels elle s’insurgeait ont été résolus. Ainsi, l’Arrêté du Gouvernement de la Communauté française établissant les règles de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre du 13 décembre 1993 change de nombreuses règles quant à la formation du féminin, et permet à de nombreuses inégalités de la langue d’être modifiées, bien que dans les faits, et dans la langue parlée, ce décret ne soit pas toujours respecté. Son combat est donc aujourd’hui moins d’actualité en raison des changements opérés, et certains passages de son œuvre doivent être adaptés au goût du jour. La plupart du temps, pour ne pas dire toujours, ses observations sur la langue adoptent une politique moderne, de changement, d’égalité et de simplification des formes ou des procédés utilisés. Sa préférence va à une langue qui bouge, qui s’adapte à la réalité, et non pas qui la transforme pour la couler dans un moule de bienséance, malgré les absurdités qu’elle contient. Les nombreux exemples qu’elle cite, ainsi que les références à de multiples grammairiens, linguistes, ou théoriciens du langage permettent d’avoir une vision globale des questions et des problèmes qu’elle soulève. De plus, il faut reconnaître que son œuvre est d’abord facile pour un lecteur non initié aux notions de linguistique, dont elle parle pourtant avec clarté.
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Remarquons tout de même, en notre qualité de néophyte, une propension au féminisme chez Marina Yaguello, que l’on sent dans la lecture, et qui fait parfois perdre de sa crédibilité à certaines remarques de ses ouvrages. Elle a parfois tendance à « oublier » de citer certains cas de figure qui désavantageraient le genre masculin, ou les hommes, et adopte une écriture souvent ironique, parfois mordante, à l’égard de tout ce qui touche aux prérogatives masculines. Toutefois, elle a rédigé son œuvre à une époque où l’égalité entre hommes et femmes était bien moins assurée que maintenant, et où le féminisme était largement présent. Ceci explique le ton quelque peu vindicatif que l’on peut trouver dans ce travail, et la qualité des exemples émis. Terminons par la conclusion qu’elle donne elle-même à son étude, dans son livre Les mots et les femmes : La lutte pour l’égalité, pour la liberté, pour l’identité culturelle, implique, pour les femmes, comme pour tous les groupes opprimés, minoritaires, marginaux, déviants, la lutte pour le droit à l’expression, à la parole, pour le droit de se définir, de se nommer, au lieu d’être nommé, donc une lutte contre la langue du mépris72.
72
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 245
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Bibliographie Annick Englebert, Grammaire descriptive du français moderne II, Bruxelles, Presses Universitaires de Bruxelles, 2007, 109 p. Annick Englebert, Guide pour la présentation des travaux écrits : Notes additionnelles pour les cours ROMA-B-207, ROMA-B-211, ROMA-B-303, ROMA-B-304, Bruxelles, Presses Universitaires de Bruxelles, 2006, 35p. Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, 167 p. Marina Yaguello, Les mots et les femmes : essai d'approche sociolinguistique de la condition féminine, Paris, Éditions Payot & Rivages , 2002, p. 179 Belgique, Gouvernement de la Communauté française, Arrêté du Gouvernement de la Communauté française établissant les règles de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre : 13 décembre 1993, http://www2.cfwb.be/franca/publicat/pg006.htm, 15 décembre 2007. http://www.chiennesdegarde.org/article.php3?id_article=51, 15 décembre 2007
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Table des matières 1. Introduction..........................................................................................................2 2. La question du genre ............................................................................................3 3. Formation des féminins........................................................................................5 4. Féminin et discrimination ..................................................................................10 5. Les insultes au féminin ......................................................................................11 6. Conlusion ...........................................................................................................14 Bibliographie..........................................................................................................16 Table des matières..................................................................................................17
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