Feminisation Les Feminins Qui Posent Probleme

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UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et littératures françaises et romanes

LA FÉMINISATION Les féminins qui posent problème

DHAINAUT Emilie MOENS Nolwenn

Travail réalisé dans le cadre du cours : Grammaire descriptive II (Roma-B-304)

ANNÉE ACADÉMIQUE 2007-2008

Introduction Accord du participe passé, concordance des temps,… La réputation du français n’est plus à faire : c’est une langue complexe et difficile. La féminisation n’échappe pas à la règle. Inconstante, variable, voire illogique, elle fut l’objet de nombreux débats, suivis de diverses tentatives de réformes. Cependant, malgré décret, arrêté et autres recommandations, certains féminins résistent toujours.

Quels sont ces féminins qui posent problèmes ? En quoi sont-ils problématiques ? Le sont-ils réellement ? Autant de questions auxquelles ce travail tentera d’apporter une réponse, au travers d’exemples choisis bien évidemment pour leur forme féminine à problème mais également pour leur caractère actuel. Ils seront, dans la mesure du possible, des termes courants qui confrontent le locuteur de tous les jours à des situations d’énonciation gênantes. Tirés, pour une grande majorité1, de la liste mise à disposition des internautes par la Communauté française de Belgique, ils seront parfois vieillis, parfois plus « jeunes », mais tous, pour une raison ou l’autre, fuient les règles ou la logique.

1

Une infime partie des exemples ne figurent pas dans cette liste et ont été retenus à partir d’expressions entendues au quotidien.

2

1. Les féminins et leur formation grammaticale En tout premier lieu, il est important de rappeler les règles de féminisation des noms, ce qui pourra nous aider à fournir des explications plus tard dans notre travail sans devoir rappeler systématiquement les règles grammaticales de féminisation.

Différents cas de figure s'offrent à nous. Tout d'abord, abordons les masculins qui se terminent par une voyelle. Si le masculin se termine par un –e, la forme féminine est identique à la forme masculine. Si le masculin se termine par la lettre –a ou –o, alors le féminin garde cette forme.

Ensuite, abordons les masculins qui se terminent par une consonne. En règle générale, au masculin est adjoint un –e pour former le féminin de celui-ci. Il arrive que des changements orthographiques aient lieu, comme l'apparition d'un – è ou encore un redoublement consonantique. Par exemple : ouvrier – ouvrière / pharmacien – pharmacienne. Lorsque le masculin se termine par –eur, trois cas de figure sont envisageables: 

-euse pour les noms ayant un rapport sémantique avec le verbe correspondant ex. : vendeur – vendeuse



forme identique s'il n'y a aucun rapport sémantique avec un verbe ex. : professeur – professeur



des cas particuliers peuvent apparaître comme pour ambassadrice

3

Lorsque le masculin se termine par –teur, deux cas de figure peuvent apparaître: 

–teuse pour les noms ayant un lien sémantique avec le verbe correspondant, à condition que celui-ci comprenne un –t ex. : acheteur – acheteuse



des cas particuliers existent comme éditeur – éditrice. Cette forme apparaît lorsqu'il n'existe pas de verbe correspondant ou lorsque celui-ci ne contient pas de –t, comme pour directeur – directrice.

Enfin, abordons la féminisation des noms d'origine étrangère. De manière générale, le mot est francisé et suit les règles de féminisation classique de la langue française. Pour des termes comme tennisman, le français préfère la formule joueuse de … à tenniswoman2.

2

Toutes ces règles sont tirées du site officiel de la Communauté Française de Belgique, accessible à l'url suivant : http://www2.cfwb.be/franca/femini/feminin.htm, consulté le 30 novembre 2007

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2. L’acceptabilité socioculturelle 2.1. Les féminins Le premier point sur lequel nous allons nous pencher dans ce travail est l'acceptabilité socioculturelle que peuvent rencontrer des mots féminisés. Si certains masculins sont tout à fait acceptés dans nos contrées, il n'en est pas de même pour leur forme féminine. Pour illustrer plus en profondeur notre propos, nous nous servirons d'exemples éloquents.

Partons tout de suite d'un premier exemple : assassin. D'après la règle générale énumérée précédemment, s'agissant d'un masculin se terminant par une consonne, seul un –e devrait être ajouté. La forme obtenue, selon la règle, est donc assassine. Un double problème apparaît immédiatement : le féminin assassine a pour homographe la forme de l'indicatif présent 3e personne du singulier, ainsi que l'adjectif féminin formé sur assassin. Quant au degré d'acceptabilité du nom assassine en tant que féminin, il est peu élevé, comme nous le démontrent les trois exemples suivants :

Cette femme est une assassine. *** Cette femme est une assassin. Cette femme est un assassin.

Les 2e et 3e propositions sont celles qui ont le degré d'acceptabilité le plus élevé à nos yeux, privilégiant de la sorte l'épicène assassin.

Assassin n'est pas le seul mot à poser un problème quant à sa féminisation. Le terme barbier est difficilement féminisable. Un barbier est « celui dont le

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métier était de faire la barbe au rasoir à main3 ». Dans le Nouveau Petit Robert 1996, aucune forme féminine n'est attestée pour barbier. D'un point de vue socioculturel, ce mot, souvent utilisé dans des temps antérieurs au nôtre (le démontre d'ailleurs le Robert qui spécifie bien que le terme barbier est un terme ancien), est essentiellement réservé à la gente masculine, une des raisons pour laquelle l'attestation féminine n'existe pas, même si le féminin barbière, d'un point de vue formel, est tout à fait acceptable.

Dans la même veine, nous pouvons nous intéresser au terme cocher. En toute logique, le féminin de cocher devrait être cochère. C'est en tout cas ce que le site de la Communauté française de Belgique atteste. Le problème rencontré par ce féminin est double. D'une part, le féminin cochère est peu courant. Un cocher est « celui qui conduit une voiture à cheval4 », pratique très rare au XXIe siècle, où tout le monde se déplace en voiture ou en transports en commun. Notons que, comme pour le métier de barbier, il nous parait plus logique d'attribué ce métier à la gente masculine. Verriez-vous une femme conduire une voiture à cheval ? Si de nos jours, cette situation ne nous étonnerait guère, cela paraissait surréaliste au xixe siècle, à l'heure où l'émancipation féminine n'existait pas telle que nous la connaissons aujourd'hui. D'autre part, le terme cochère est davantage connu dans l'expression porte cochère pour désigner une porte dont les dimensions permettent l’entrée d’une voiture dans la cour d'un bâtiment5. D'ailleurs, le Robert n'explique le terme cochère que dans ce sens.

Un autre féminin qui pose problème, et dans un registre différent des exemples précédents, est le féminin de dictateur. Nous trouvons, comme féminin, dictatrice, suivant la règle de la féminisation des masculins en –teur, énumérée dans le point 1. Le problème posé ici est lié à l'acceptabilité socioculturelle du

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Le Nouveau Petit Robert, sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, 1996, s.v. barbier 4 Le Nouveau Petit Robert, sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, 1996, s.v. cocher 5 Ibid. s.v. cochère

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mot. De nouveau, comme pour les exemples précédents, ce terme est davantage utilisé pour la gente masculine, surtout dans le sens de « dictateur d'un pays », en référence aux grands dictateurs du XXe siècle comme Hitler, Pinochet, Mao Zedong, Mussolini ou encore Franco. Le féminin dictatrice est plus communément utilisé dans des formules comme cette femme est une véritable dictatrice lorsque nous parlons d'une femme très autoritaire au sein d'un couple.

Dans la même catégorie, prenons l'exemple d'officier. Le féminin officière est tout à fait correct. D'un premier abord, le terme officière peut nous paraître difficile à entendre. Pourtant, il n'est pas rare de voir une femme exercer la fonction de militaire et donc pourquoi pas celle d'officière.

Pour soldat, même si le terme soldate est attesté, son emploi reste incertain. En effet, l'épicène nous semble plus approprié :

Le soldat Marie La soldat Marie * La soldate Marie ***

Passons à un autre registre. Le féminin de valet n'existe pas. À nos oreilles, le terme *valette, créé selon la règle, semble plutôt étrange. La non-féminisation du terme pourrait s'expliquer par le fait que valet, au sens de « domestique de grande maison », est une fonction réservée aux hommes, en tout cas sous cette forme. Le terme féminin employé pour désigner une domestique de grande maison est servante, avec l'idée qu'il s'agit d'une personne à gages.

Les cas de maître d'hôtel et de majordome sont aussi problématiques. En théorie, maître devrait se féminiser en maîtresse, ce qui donnerait une maîtresse d'hôtel. Cette forme n'est en aucun cas attestée. Si nous nous référons au site de la Communauté française de Belgique, nous remarquons que maître peut avoir comme féminin maître, dans le cas des formes composées comme il en est

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question ici. Une maître d'hôtel semble plus acceptable que une maîtresse d'hôtel. Quant à majordome, aucun féminin n'est attesté.

Aussi, pour ces deux fonctions, faudrait-il encore voir si beaucoup de femmes l'exercent ou non.

Il en est de même pour sommelier. Ce terme n'existe qu'au masculin, et sur le site de la Communauté francophone de Belgique, nous ne trouvons pas d'attestation féminine. Les femmes ne semblent pas avoir droit au chapitre.

Prenons à présent des exemples de métiers "peu plaisants". Pour le terme croque-mort, aucun féminin n'est attesté. Si nous regardons de plus près la formation des féminins des noms composés, nous devrions dire croque-morte. Ce terme a un degré d'acceptabilité peu élevé :

Cette femme est une croque-morte. *** Cette femme est une croque-mort. * Cet homme est un croque-mort.

Nous aurions tendance à valoriser la forme épicène du mot, par rapport à la forme féminisée selon les règles classiques (voir l'exemple 2).

Si pour l'exemple précité, aucun féminin n'est officiellement attesté, pour fossoyeur, en revanche, ce n'est pas le cas. Le féminin de fossoyeur, fossoyeuse, est attesté aussi bien par le petit Larousse illustré de 2006 que par le site de la Communauté française de Belgique (mais il ne figure pas par contre dans le Robert). Ce terme de fossoyeuse, bien qu'attesté, peut sonner étrangement à nos oreilles car nous acceptons plus facilement un homme à ce poste, qu'une femme.

Intéressons-nous durant quelques lignes à des métiers plus "physiques". Le terme maçonne est attesté par le site de la Communauté française de Belgique.

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D'un point de vue des règles de féminisation, la forme est tout à fait correcte. Seulement, voyez-vous une équipe de maçonnes venir construire votre maison ? Comme il s'agit d'un métier assez physique, il est assez inimaginable de voir des femmes le réaliser.

Pour le terme carreleuse, de nouveau ce terme est attesté. Le problème réside encore une fois dans le type de métier. Il serait assez étrange de voir une femme "carreleuse", en tout cas professionnellement parlant, mais avec la différence que ce dernier est plus imaginable que maçonne, par l'aspect moins physique du métier de carreleur.

Dans ces cas, notons que du point de vue formel, aucune anomalie ne peut être mise en évidence. Seule l'acceptabilité socioculturelle pose un vrai problème. Le féminin pompière, d'un point de vue formel, est logique. Cependant, le degré d'acceptabilité est bas, car s'agissant encore une fois d'une activité assez physique, cette fonction est plutôt réservée aux hommes. Notons que par comparaison avec maçonne, l'acceptabilité socioculturelle est plus grande dans ce cas-ci. Les deux derniers termes étudiés dans cette catégorie sont les féminins de marin et matelot. Le féminin de marin, selon la règle, devrait être marine. Le terme marine existe déjà mais non pas pour désigner une femme marin mais plutôt pour désigner « [l']art de la navigation sur mer, l’ensemble des administrations et services qui régissent l’activité maritime, ensemble des gens de mer 6 ». Ici, nous retrouvons un problème présent aussi dans le couple médecin/médecine que nous expliquerons plus tard. Le féminin attesté par le site de la Communauté française est l'épicène marin.

Marie est une marin. Marie est une marine. **

6

Le Nouveau Petit Robert, sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, 1996, s.v. marine

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Pour matelot, le féminin attesté, toujours selon le site, est matelot ou matelote. D'un point de vue auditif, une matelot sonne mieux à l'oreille qu'une matelote.

Marie travaille comme matelot. Marie travaille comme matelote. **

Cependant, comme nous l'avons vu pour maître d'hôtel et majordome, il semble que peu de femmes exercent cette fonction, ce qui rend un féminin difficilement acceptable.

2.2. Les masculins Comme nous l'avons vu précédemment, il semble que diverses fonctions, divers métiers soient réservés exclusivement à la gente masculine (barbier, valet), ou, dans certains cas énumérés, soient plus appropriés aux hommes (pompier, maçon). Ce phénomène est observable inversement, à savoir que certaines fonctions, certains métiers semblent entièrement destinés aux femmes. En voici quelques exemples.

Tout d'abord, le masculin linger est attesté par le site de la Communauté française. Une lingère est la « femme chargée de l’entretien et de la distribution du linge dans une communauté, une grande maison7 ». Même si nous voyons parfois nos pères repasser le linge, il nous est difficilement imaginable de voir une majorité d'hommes en faire leur métier. Pour cette raison, il nous parait évident que seule la forme féminine ne pose pas de problème.

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Le Nouveau Petit Robert, sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, 1996, s.v. lingère

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Un autre terme sur lequel nous allons nous pencher quelques instants est celui de sage-femme. D'après le Robert, la sage-femme est « l’auxiliaire médicale diplômée dont le métier est de surveiller la grossesse, d’assister les femmes pendant l’accouchement et de prodiguer les premiers soins aux nouveaux-nés ». Cependant, notons que la profession de sage-femme est ouverte aux hommes depuis 1982 sous la forme d'homme sage-femme, même si pour ces fonctions, nous employons plus communément les termes accoucheur, gynécologue, obstétricien lorsqu'il s'agit d'un homme (et même d'une femme). Le terme sagefemme est un peu vieillot. Notons aussi au passage que sage-femme contient le mot femme, ce qui rend une masculinisation plutôt difficile. *Sage-homme pourrait éventuellement être envisageable, si nous mettons au masculin le terme féminin contenu dans le composé sage-femme.

Le cas de nourrice, quant à lui, permet une explication simple et scientifique sur l'inexistence d'un masculin. La nourrice est celle qui allaite le bébé et il est impossible pour l'homme d'assurer cette fonction. C'est pourquoi, le terme nourrice est exclusivement féminin.

Enfin, en dernier lieu, prenons l'exemple de majorette. Majorette n'a pas de masculin. La définition du Robert l'atteste d'elle-même. Une majorette est une « jeune fille qui défile en uniforme militaire de fantaisie, et en maniant une canne de tambour-major ». L'image d'un garçon en minijupe dansant en faisant virevolter un bâton dans les mains parait plus parodique que réelle.

2.3. Les féminins péjoratifs Les termes abordés dans cette catégorie sont des termes qui ont un côté péjoratif clairement marqué s'ils sont sortis de leur contexte. Nous prendrons les trois

exemples

suivants:

chauffeuse



entraîneuse



maîtresse.

Chauffeuse est le féminin attesté de chauffeur. Le problème, dans ce couple de

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mots, est que le terme chauffeuse est péjoratif. Chauffeuse peut avoir une connotation sexuelle s'il est sorti de son contexte. Notons aussi, comme pour les exemples du point 2, que si le métier de chauffeur existe, il est bien rare de voir une femme conduire un camion.

Si nous prenons la phrase suivante, sortie de son contexte, Marie est une entraîneuse, nous pourrions y voir une connotation dépréciative, dans la mesure où entraîneuse pourrait être pris dans le sens « elle entraîne les autres dans des chemins différents du droit chemin ». Du point de vue formel et acceptable, le terme ne pose pas de problème apparent. La formation du féminin est tout à fait correcte. Aussi, il n'est pas rare de voir une femme entraîner un groupe de danseuses ou de gymnastes. Le terme entraîneuse en tant que métier n'est en rien problématique, excepté son côté péjoratif s'il est sorti de son contexte.

Le terme maîtresse (de classe) ne pose problème ni par sa forme, ni pas son acceptabilité. Cependant, et ce si nous prenons ce mot hors contexte, le côté péjoratif de maîtresse est entièrement existant. Une maîtresse est une femme avec qui un mari entretient une liaison extraconjugale.

Pour conclure sur ce point, précisons que, dans un contexte tout à fait régulier, aucun problème de formation ni même de sens n'est relevé pour les mots cités.

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3. Les ambiguïtés sémantiques La langue française (ou ses usagers, voire ses « protecteurs ») rechigne à utiliser, pour certains mots tels que médecin ou cafetier, la forme féminine qui pourrait être qualifiée de « régulière », c’est-à-dire qui se formerait selon la règle générale de féminisation en français, par l’adjonction d’un –e final au terme masculin. Ce malaise face à la mise au féminin de ces mots vient du fait que, féminisés selon les règles traditionnelles, ils deviennent des termes désignant d’autres réalités : alors qu’un médecin est la « personne habilitée à exercer la médecine après obtention d’un diplôme sanctionnant une période déterminée d’études8 », la médecine, elle, est une discipline. Si le cafetier est une « personne qui tient un café9 », la cafetière est plus souvent perçue comme étant un objet qu’une femme, bien que ce féminin soit attesté, comme l’indique le site officiel de la communauté française de Belgique, depuis 1740 « dans la troisième édition du Dictionnaire de l'Académie française » et « au XIXe siècle, dans les dictionnaires et notamment chez Balzac10 ». Bon nombre d’autres mots présentent cette ambiguïté, sans pour autant que la langue ne les évite systématiquement. Ainsi, le couple cuisinier/cuisinière ne dérange pas les locuteurs, malgré le double sens du féminin, qui renvoie d’une part à la « personne qui a pour métier de faire la cuisine ; personne qui fait la cuisine11 », et d’autre part au « fourneau de cuisine servant à chauffer, à cuire des aliments12 ». Il en va de même pour la paire chocolatier/chocolatière, où, outre le

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Le Nouveau Petit Robert, sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, 1996, s.v. médecin 9 Ibid. s.v. cafetier 10 Site officiel de la Communauté française de Belgique, Service de la langue française, Mettre au féminin, Liste des noms, cafetier, http://www2.cfwb.be/franca/femini/feminin.htm, consulté le 1er décembre 2007 11 Le Nouveau Petit Robert, sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, 1996, s.v. cuisinier 12 Ibid. s.v. cuisinière

13

féminin de chocolatier, « personne qui fabrique, vend du chocolat13 », chocolatière définit un « récipient pour le chocolat14 ».

Le même phénomène se présente encore avec jardinier/jardinière (personne dont le métier est de cultiver des jardins / meuble supportant ou contenant un récipient où l’on fait pousser des plantes ou arbres d’agréments ; garniture

composée

d’un

mélange

de

légumes

printaniers

cuits)15,

chevalier/chevalière (dans la noblesse, celui qui est au-dessous du baron / bague à large chaton plat sur lequel sont gravées des armoiries, des initiales)16, portier/portière (personne qui garde une porte / porte d’une voiture, d’un train)17, mais, dans ces cas-ci, le blocage se situe peut-être moins dans l’ambiguïté sémantique elle-même que dans le degré d’acceptabilité socioculturelle qu’occasionnent de tels féminins. Si l’idée d’un homme tondant la pelouse et sciant des arbres devenus trop hauts est tout à fait classique, celle d’une femme exerçant ces mêmes tâches, surtout à titre professionnel, est plus difficilement envisageable. De même, alors que l’image du chevalier servant est courante, celle d’une femme à califourchon sur son étalon, prête à affronter monts et marées pour revenir victorieuse auprès de son amant, est, certes, moins répandue. Et si les grands hôtels peuvent se targuer d’employer des portiers, les clients seraient peutêtre surpris d’y être servis par une portière…

Cependant, ces féminins inattendus sont, hormis médecine, les formes reconnues par la Communauté française de Belgique. Dès lors, leur utilisation ne devrait pas être problématique, puisque « officielle ». Mais ces tournures sontelles réellement problématiques, d’un point de vue formel ? Que les locuteurs ne veuillent pas les utiliser ne viendrait-il pas simplement du fait que la société ne leur en donne pas l’occasion ? L’existence des cuisinières est indéniable, mais 13

Ibid. s.v. chocolatier Le Robert Mini, sous la direction de Danièle Morvan, Paris, 1995, s.v. chocolatière 15 Le Nouveau Petit Robert, sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, 1996, s.v. jardinier / jardinière 16 Ibid. s.v. chevalier / chevalière 17 Ibid. s.v. portier / portière 14

14

qu’en est-il des chevalières et des portières ? La cafetière, reconnue dès 1740, gérait-elle vraiment l’établissement ou était-elle seulement la femme du cafetier ? Si, de nos jours, cette fonction pourrait, sans difficulté, s’appliquer aux femmes, utiliserait-on encore ce terme, déjà vieilli18 au masculin ? La chose est discutable pour le cas des jardinières : il n’est pas rare en effet que des femmes prennent soin de leurs plantes, néanmoins, cette activité est plus un passe-temps qu’un métier et si l’on reconnaît que Madame Untelle a fait de son jardin un vrai coin de Paradis,

fera-t-on

vraiment

appel

à

elle

pour

tailler

la

haie ?

Le cas du couple médecin/médecine, quant à lui, s’exclut de cette analyse et ce, pour deux raisons. Tout d’abord parce le terme médecin n’a pas une forme féminine distincte de la forme masculine. Ensuite parce que, à notre époque, les femmes exerçant ce métier ne font absolument pas figure d’exception. Il n’est donc pas déplacé de se demander pourquoi, dans ce cas-ci, alors que le terme correspond bien à une realia, la langue française ne l’a pas féminisé.

La réponse réside peut-être dans la proximité présente entre médecin et médecine, proximité moins évidente pour les autres couples. Le médecin est, d’une certaine manière, inclus dans la médecine, il est la « réalisation humaine » du concept, de l’ensemble « médecine ». Parallèlement, le blocage de la langue face à la féminisation de marin en marine découle peut-être de cette même proximité : le marin fait partie de la marine. Ce lien d’appartenance empêche la féminisation classique du mot, qui entraînerait des ambiguïtés sémantiques trop importantes. Les phrases suivantes en témoignent parfaitement (en admettant médecine comme féminin de médecin) :

1° Le médecin lui a sauvé la vie. 2° La médecine lui a sauvé la vie. S’il est incontestable dans le premier exemple que c’est bien un homme qui vient de réaliser cet exploit, le second n’offre pas cette clarté. Une femme 18

D’après Le Nouveau Petit Robert 1996

15

pourrait être à l’origine de cette action, tout comme les connaissances médicales (le malade s’en est sorti grâce aux progrès de la médecine). Ces observations s’appliquent aussi au marin :

1° Le marin lui a sauvé la vie. 2° La marine lui a sauvé la vie. Le premier énoncé ne suggère qu’une interprétation : un homme travaillant dans le domaine maritime a empêché un homme ou une femme de mourir. Le second en revanche, si marine est le féminin de marin, en inspire deux. D’une part, la même explication que la phrase précédente, mais au féminin : une femme aurait sauvé quelqu’un. D’autre part, celle prenant le terme marine comme « armée de mer, forces navales19 ». Le sauveteur serait alors, non pas une personne, mais une institution (la rigueur militaire lui a permis de retrouver des repères, un équilibre, etc. et de faire quelque chose de sa vie). Les autres couples ne présentent pas cet obstacle. La jardinière n’est ni la science que pratiquent les jardiniers, ni l’institution qui les regroupe. La chevalière n’est pas l’ordre des chevaliers, la cafetière, celui des cafetiers, etc. La féminisation était donc possible, le contexte dans lequel ces noms seraient énoncés permettant la désambiguïsation.

Il est à noter que ce phénomène de « signification incertaine » se retrouve dans l’autre sens : un même mot masculin dispose de deux significations liées mais

distinctes.

Les

exemples

recueillis

sont,

pour

la

plupart20,

1) soit des termes vieillis dont le sens s’est spécialisé, dans l’usage, dans l’appellation d’une seule des deux réalités :

19

Le Nouveau Petit Robert, sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, 1996, s.v. marine 20 Toutes les définitions de ce paragraphe sont tirées du Nouveau Petit Robert, sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, 1996

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Le courrier, en tant que personne (et dont le féminin est courrière) est « celui qui précédait les voitures de poste pour préparer les relais, le porteur de dépêches ». Dans un monde où tout (ou presque) est devenu « mécanique », une telle fonction ne subsiste plus vraiment. Le courrier se limite en général à la « ensemble des écrits adressés à quelqu’un (lettres, cartes, imprimés, etc.) envoyés ou à envoyer ».



À l’heure actuelle, où l’importance (et la fréquentation) des grandes surfaces est incontestable, rares sont les gens qui achètent encore leur vinaigre chez le vinaigrier (« celui qui fait, qui vend du vinaigre » et dont le féminin est alors vinaigrière). La signification de ce mot s’est d’avantage cantonnée à son caractère matériel, à savoir « flacon pour mettre le vinaigre ».

2) soit des termes d’un vocabulaire « spécialisé » : 

Même si le mot tuteur (avec sa signification « tige, armature de bois ou de métal fixée dans le sol pour soutenir ou redresser des plantes ») est relativement courant dans le langage usuel, cette définition n’en reste pas moins spécifique au vocabulaire du jardinage. Son second sens n’en est pas très éloigné et est, lui aussi, particulier à un lexique précis, celui du droit : « personne chargée de veiller sur un mineur ou un incapable majeur, de gérer ses biens et de le représenter dans les actes juridiques ».



Si personne n’ignore ce qu’est le voilier21 qui vogue sur les mers, peu nombreux sont ceux qui connaissent également « [l’]homme qui fait ou raccommode les voiles ».

Les ambiguïtés sémantiques existent donc dans les deux sens. Pourquoi, dès lors constituent-elles une barrière à la mise au féminin ? Peut-être est-ce parce que, spontanément, la langue essaie d’aller au plus clair et que cette « nouvelle tendance » de féminiser les noms, artificielle dans une certaine mesure, tient compte de cette recherche de justesse dans les propos et évite quelques féminisations trop « risquées ». 21

« Navire à voile »

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4. Les épicènes Un mot épicène est un mot « dont la forme ne varie pas selon le genre22 ». En français, cette classe est représentée principalement par les noms se terminant déjà par un –e au masculin : guide, aide, diplomate, architecte, secrétaire,… Les mots d’origine étrangère sont également, en règle générale, rangés dans cette catégorie (voir le point 5 « Les féminins des mots d’emprunt »). Mais d’autres termes, qui ne remplissent aucune de ses deux conditions, s’y trouvent encore : enfant, clown, mannequin, témoin,… « Terminés au masculin par une consonne dans l’écriture, [leur] féminin [devrait] se construi[re] par l’adjonction d’un –e final à la forme masculine », suivant la règle énoncée sur le site officiel de la Communauté française de Belgique. Pourtant, il n’en est rien. Les problèmes engendrés par l’éventuelle féminisation des noms enfant et clown ne se conçoivent pas de manière évidente : une enfante ne dénoterait pas à côté d’une étudiante ou d’une parente. De même, une clowne pourrait suivre l’exemple des mots récemment féminisés par l’ajout d’un –e purement graphique à la forme masculine, dans le but de désambiguïser les termes à l’écrit (voir le point 6.b)1° : auteure, ingénieure,…). Témoin, quant à lui, pourrait, comme écrivaine (v. également le point 6.b)1°), jouir d’un –e final et devenir témoine, forme certes étrange mais qui permettrait au moins de suivre la logique de féminisation jusqu’au bout.

Le cas de mannequin est peut-être plus complexe. Si le féminin mannequine « se rencontre parfois23 », cette appellation reste néanmoins inhabituelle. Mais cette inutilisation ne viendrait-elle pas du fait que, dans

22

Le Nouveau Petit Robert, sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, 1996, s.v. épicène 23 Site officiel de la Communauté française de Belgique, Service de la langue française, Mettre au féminin, Liste des noms, mannequin, http://www2.cfwb.be/franca/femini/feminin.htm, consulté le 1er décembre 2007

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l’imaginaire des locuteurs, le mannequin (de même que le top model) est d’abord une femme ? Jugeant la réalité de cette façon, le francophone ne voit donc pas l’intérêt de mettre au féminin un mot qui, selon lui, l’est déjà.

De la persistance des épicènes en français se dégagent deux conclusions. D’abord, qu’une partie d’entre eux sont justifiés, ceux dont la forme « neutre » empêche une féminisation « classique », les mots se finissant déjà par un –e et pour lesquels un second –e ne serait pas recevable (ni d’ailleurs une finale –esse, « [ce] procédé [de création] paraissant vieilli24 »). Ensuite, qu’une autre partie est épicène sans véritable raison. Pourquoi en effet l’auteure et l’écrivaine ont-elles droit à leur marque de féminin et pas la clown et la témoin ?

24

Site officiel de la Communauté française de Belgique, Service de la langue française, Mettre au féminin, Règles, http://www2.cfwb.be/franca/femini/feminin.htm, consulté le 1er décembre 2007

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5. Les féminins des mots d’emprunt Le site officiel de la Communauté française de Belgique renseigne que « les emprunts étrangers ont généralement une forme féminine semblable à la forme masculine ». Des exemples comme judoka et torero sont donnés pour illustrer cette note. Cependant, la rubrique « mode d’emploi » de ce même site indique que d’autres formes « existe[nt] dans l’usage ». Ainsi, au masculin judoka, correspond également une forme féminine judokate, d’après un mode de féminisation relativement conforme aux habitudes du français, l’ajout d’un –e final à la forme masculine (selon l’hypothèse que le mot d’origine étrangère judoka s’est totalement francisé dans l’esprit des locuteurs sous une forme *judokat, sur le modèle de scélérat, par exemple, qui donne scélérate au féminin, les mots finissant par un –a étant rares en français) ; torero peut se féminiser en torera et suivrait, quant à lui, la règle de féminisation de la langue à laquelle le français a fait l’emprunt, l’espagnol dans ce cas-ci (à l’instar des couples espagnols abogado/abogada, medico/medica,…). Malgré ces particularités, de manière générale, les mots d’emprunt restent inchangés pour les deux sexes. Gangster, leader, manager, supporter, reporter,… pourraient donc désigner aussi bien des hommes que des femmes. Si la Communauté française ne reprend dans sa liste, ni gangster, ni leader et que l’on est, dès lors, en droit de les supposer épicènes, il n’en va pas de même pour les autres. Signalés sur le site, les mots manager, supporter, et reporter, pour ne citer qu’eux, sont, par un système de renvoi, rattachés aux mêmes mots, orthographiés différemment : Manager : voir manageur Supporter : voir supporteur Reporter : voir reporteur (presse)25

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À ne pas confondre avec reporteur en imprimerie qui se féminise en reporteuse

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Ces mots, à l’origine issus d’une langue étrangère, ont été assimilés au français, à tel point que la graphie s’est modifiée afin de correspondre d’avantage aux structures de la langue, la proximité des sonorités y aidant certainement. À partir de ce moment, il n’existe plus de frein à la féminisation régulière de ces termes et c’est sans grande surprise que les couples manageur/manageuse, supporteur/supportrice et reporteur/reportrice se forment. De la même manière, baby-sitter se dédouble en un babysitteur et une babysitteuse, voire chez certains locuteurs, babysittrice (ce qui peut paraître plus surprenant d’un point de vue socioculturel, l’image de la jeune fille gardant les enfants du voisin étant plus répandue que celle du jeune homme ; mais tout à fait régulier du point de vue de la logique du procédé d’intégration). Le terme speaker, par contre, ne subit pas cette transformation et pourrait de ce fait être rapproché de gangster et leader, qui suivent la règle de base et restent identiques au féminin. Mais ce parallèle serait une erreur : une femme speaker est une speakerine et non une speaker. Pourquoi certains emprunts gardent-ils leur graphie d’origine et ne se modifient-t-ils pas au féminin ? Pourquoi d’autres adoptent-ils une orthographe plus conforme au français et se féminisent-ils selon ses règles ? Et pourquoi, enfin, speaker prend-il une forme particulière au féminin alors qu’il conserve son orthographe étrangère ?

La réponse à toutes ces questions se situe peut-être dans la « longévité » de ces emprunts dans la langue. Pour clarifier ce propos, voici, ci-dessous, une liste qui reprend chaque exemple précédemment cité, classé selon leur année d’apparition en français (indiquée entre parenthèses) :

Speaker (1649) Leader (1822) Reporter (1828) Manager (1880) Supporter (1907)

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Gangster (1925) Si aucune raison évidente ne permet, d’un premier abord, de comprendre en quoi les cas de reporter, manager et supporter diffèrent de ceux de leader et gangster (en effet, leader et gangster, qui suivent le même schéma, n’apparaissent pas dans la langue à des moments proches), celui de speaker se détache d’emblée : c’est, de loin, le plus vieux mot de la série. Cette ancienneté pourrait expliquer le fait qu’il soit resté tel quel, sans passage à une « orthographe française ». Son féminin speakerine, apparu en français vers 1950, reste en revanche, un mystère, notamment par sa formation inspirée de l’allemand26.

Les deux autres groupes, qui ne peuvent se présenter sous une opposition « plus jeune » contre « plus vieux » (étant donné que leader est relativement ancien, alors que gangster se trouve être le plus récent de ces termes, et que les trois autres exemples sont intercalés entre ces deux-ci), doivent peut-être se voir sous un angle plus morphologique : reporter, supporter et dans une certaine mesure, manager peuvent en effet se rapprocher de verbes français, ce qui est impossible pour leader et gangster. Cette ressemblance entre les noms communs et les verbes a pu encourager la langue à désambiguïser la situation par une transformation des termes problématiques. Cette opération n’étant pas nécessaire pour leader et gangster, ils sont restés orthographiés de la sorte et invariable au féminin. Une dernière catégorie se dessine dans l’ensemble des mots d’origine étrangère. Ce sont ceux qui, repris dans la liste de la Communauté française de Belgique, renvoient également à un autre mot (cf : manager/manageur etc.) mais complètement différent : Designer : voir styliste Sponsor : voir parraineur

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Rey Alain, Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, Paris, 1992, s.v. speaker

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Cameraman : voir cadreur Rugbyman : voir joueur de

Aux mots « francophones » correspondent des féminins réguliers : styliste/styliste ; parraineur/parraineuse ; cadreur/cadreuse ; joueur de/joueuse de. Cette situation illustre la première recommandation du Conseil supérieur de la langue française : « De manière générale, lorsque les noms de titre, fonction, métier sont d'origine étrangère, il est recommandé d'utiliser l'équivalent français (…) ». La situation au sein des mots d’origine étrangère semble donc assez claire : aucune marque spécifique ne différencie le féminin du masculin (gangster, leader). Parfois le mot d’emprunt continue à varier selon les règles de sa langue d’origine (torero/torera). Il est conseillé de préférer les mots « d’origine française » quand ces derniers existent (styliste, parraineur,…), et si ces termes ne figurent pas dans le lexique, se contenter du mot d’emprunt (gangster, leader), ou mieux encore, le franciser de manière absolue pour ainsi combler les lacunes de l’idiome en question, à défaut d’avoir su créer un égal satisfaisant (manageur, supporteur, reporteur). Quoique peu « naturelle » (et peut-être également peu usitée), la féminisation de ces derniers mots n’en est pas moins logique et régulière.

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6. Les doubles féminins Alors que le français n’a pas doté une partie de son vocabulaire de mots différenciés au masculin et au féminin, une autre partie, quant à elle, a reçu, pour une forme masculine, deux formes féminines correspondantes. Ainsi, mineur donne mineure ou mineuse ; sculpteur, sculpteuse ou sculptrice. Il convient de distinguer, au sein de ces doubles féminins, deux sous-catégories. Une première dans laquelle se rangeraient les noms dont les deux féminins ont des sens distincts (du type mineur), et ceux dont les féminins sont synonymes (du type sculpteur).

6.1. Sens distinct L’analyse se bornera ici à l’exemple mineur susmentionné, bien que de nombreux autres pourraient faire l’objet d’un traitement similaire.

Pourquoi dans ce cas-ci, la langue a-t-elle ressenti le besoin de différencier les termes au féminin, alors que l’ambiguïté persiste au masculin ? Pourquoi le locuteur, quand il produit, par exemple, la phrase suivante :

Ce mineur a la vie dure. ne se préoccupe-t-il pas de préciser s’il s’agit d’un travailleur dans une mine qui exercerait un rude travail ou d’un jeune homme âgé de moins de dix-huit ans qui se ferait malmené ; alors qu’il le fait au féminin :

1° Cette mineuse a la vie dure. 2° Cette mineure a la vie dure.

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Dans le premier cas, la femme est une ouvrière qui travaille dans une mine ; dans le second, c’est une jeune fille qui n’a pas encore atteint la majorité. L’ambiguïté est écartée au féminin. Peut-être est-ce simplement dû au fait que, mineur a donné mineuse, conformément à la règle, étant un terme courant et populaire. Quant à mineure, sa forme pourrait venir de son lien avec majeur, et de l’influence que son féminin majeure a pu exercer.

6.2. Sens identique Toute une série de mots est pourvue de deux formes féminines distinctes dont le sens analogue en autorise une utilisation indifférente. Quelques exemples, parmi d’autres : auteur, ingénieur, écrivain, poète, chasseur, docteur, sculpteur, enquêteur,… qui peuvent toutefois se rassembler en trois grands groupes.

6.2.1. Auteur, ingénieur Au départ formes épicènes, ces exemples, auxquels peuvent s’en ajouter de nombreux autres (proviseur, successeur, professeur,…) témoignent de la volonté de clarté offerte aux femmes. Le Conseil supérieur de la langue française laisse le choix entre les formes « anciennes », une auteur, une ingénieur et les « nouvelles », une auteure, une ingénieure qui, grâce à leur –e (muet), écarte toute confusion à l’écrit. Écrivain, bien que ne finissant pas par –eur, peut également se classer ici. Le –e final d’écrivaine n’y est assurément pas muet mais le principe reste le même : accéder à une précision (orale et graphique dans ce cas) de l’énoncé.

6.2.2. Poète, chasseur, docteur Tous trois possèdent un féminin « traditionnel » en –esse : une poétesse, une chasseresse et une doctoresse. Mais l’évolution de la langue tend à les

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supprimer, au profit de formes plus simples, voire même plus logique. L’usage retient ainsi : une poète (forme épicène, finissant par un –e, v. le point 4), une chasseuse27 (mot en –eur auquel « correspond un verbe en rapport sémantique direct28 ») et une docteure (suivant les modèles d’auteure, ingénieure,… ; v. le sous-chapitre 1° de cette même rubrique).

6.2.33 Sculpteur, enquêteur Leurs féminins sont soit sculpteuse et enquêteuse, soit sculptrice et enquêtrice. Les premiers sont les formes qui suivent la règle : les masculins en –teur donnent –teuse si le mot peut être rapproché sémantiquement d’un verbe qui contient un – t – dans sa terminaison. À sculpteur correspond sculpter, à enquêteur, enquêter. Tout est régulier. Pourtant les féminins en –trice se rencontrent également et sont reconnus par le Conseil supérieur de la langue française. Si les locuteurs utilisent ces tournures et ne sont pas dérangés par leur statut « d’exception », c’est peut-être parce que, pour la plupart, la règle de féminisation est simplement « les masculins en –teur ont un féminin en –trice », sans restriction. Sculpteur et enquêteur font donc naturellement sculptrice et enquêtrice.

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Chasseresse « se maintient surtout dans l'usage littéraire, en particulier lorsqu'il est joint à Diane, nom de la déesse de la chasse. » (note du Conseil supérieur de la langue, sur le site) 28 Site officiel de la Communauté française de Belgique, Service de la langue française, Mettre au féminin, Règles, http://www2.cfwb.be/franca/femini/feminin.htm, consulté le 1er décembre 2007

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Conclusion La féminisation des noms en français pose donc différents problèmes. Qu’ils soient dus à l’embarras des locuteurs à utiliser des termes inhabituels, peu courants (par l’absence de réalité à laquelle ils devraient renvoyer), aux ambiguïtés que crée cet usage, aux règles « à tiroirs », aux exceptions, ils empêchent d’y voir clair et de s’en sortir aisément parmi toutes ces considérations. La Communauté française de Belgique a tenté d’y mettre de l’ordre par un décret et une série de recommandations mais malheureusement, même si ces démarches offrent une relative égalité hommes/femmes, elles n’ont pas réussi à atteindre le sommet de leur ambition : certains termes restent épicènes sans raison, l’accès d’autres à une forme distincte a été paralysé par les limites mêmes de la langue. Mais le principal frein à une féminisation totale ne serait-il pas, avant tout, la difficulté des locuteurs à l’accepter ?

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Bibliographie 1) Dictionnaires Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, Rey Alain, Paris, 1992 Le Robert Mini, sous la direction de Danièle Morvan, Paris, 1995 Le Nouveau Petit Robert, sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, 1996 Le Petit Larousse Illustré 2006, sous la direction de Philippe Merlet, Paris, 2005

2) Internet Site officiel de la Communauté française de Belgique, Service de la langue française, Mettre au féminin, http://www2.cfwb.be/franca/femini/feminin.htm

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