Feminisation Difficultés D'apprentissage Du Genre Des Noms

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UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et littératures françaises et romanes

LA FEMINISATION Les difficultés d’apprentissage du genre des noms pour les francophones natifs et non-natifs

FRANCKEN Virginie MATHIEU Candice

Travail réalisé dans le cadre du cours : Grammaire descriptive II (Roma-B-304)

ANNÉE ACADÉMIQUE 2007-2008

1. Introduction Dans le cadre du débat sur la féminisation, notre travail portera sur les difficultés d’apprentissage du genre des mots pour les natifs et les non natifs. La langue française est complexe, en ce sens où chaque règle se voit correspondre quelques exceptions, entendons par « quelques » une quantité non négligeable. Le genre des mots en français n’échappe pas à ce phénomène, bien au contraire, il l’illustre parfaitement. Nous tenterons de démontrer de manières diverses que le féminin possède déjà son lot de particularités, par la suite nous nous demanderons si la féminisation apporte des difficultés supplémentaires ou si elle suit les règles de la formation du féminin et nous conclurons le travail par l’enquête sociologique ayant pour objectif de répondre à la question suivante : La féminisation a-t-elle été assimilée ? Thomas Collin illustre à merveille notre pensée lorsqu’il écrit : « le genre des noms en français est purement conventionnel, et ne repose sur aucune règle stricte »1. Il est intéressant de remarquer l’utilisation du groupe « aucune règle stricte ». En effet, les règles à propos du genre des noms sont nombreuses et pourtant, malgré leur nombre élevé, elles ne parviennent pas à réglementer un minimum la formation du féminin. De plus, les études synchroniques de Rigault (fondées sur la phonétique), prouvent que l’apprentissage du genre grammatical s’acquiert « intuitivement » et est donc un « comportement conditionné »2. Une personne non native possède-telle cette intuition ? Nous ne nous avancerons pas trop en répondant par la négative, « l’apprenant étranger typique ne dispose ni des réflexes d’usage du francophone ni d’un environnement linguistique permettant de les créer ou de les renforcer »3.

1

Adolphe Thomas, Dictionnaire des difficultés de la langue française, Paris, Larousse, 1971, p. 186. 2 André Rigault, « Les Marques du genre », dans Le Français dans le monde 57, Juin 1968, p. 38. 3 Mustapha Bénouis, « Les Épines du genre des noms : quelques cas particuliers », dans The French review, vol. 67, Avril 1994, p. 746.

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2. Les causes majeures des difficultés du genre des noms Le genre des noms peut poser problème à de nombreuses personnes non natives ainsi qu’à des personnes dont la langue maternelle est le français (même à des romanistes avertis !). À quoi cela est-il dû ? Plusieurs réponses sont envisageables…

2.1. La faiblesse des règles de formation du féminin Penchons-nous d’abord sur les règles de la formation du féminin. Prenons la grammaire du Bon Usage et regardons de plus près le chapitre consacré à la formation du féminin. La règle générale est la suivante : On forme le féminin des mots en ajoutant un e muet à la forme masculine4 comme dans ami, amie. Il faut ajouter à celle-ci les règles qui stipulent que dans certains cas, un redoublement de la consonne finale est nécessaire. Citons brièvement, les finales en –el, –on, –en et –et (sauf préfet et sous-préfet) doublent leur consonne devant l’e au féminin. Les finales en –an ne doublent donc pas le n sauf dans 4 cas : chouan, paysan, Jean, valaisan. Voilà en un petit paragraphe une vue d’ensemble de l’ampleur des difficultés que pose le féminin en français. Globalement, nous partons d’une règle générale, à celle-ci viennent s’ajouter d’autres règles qui sont des exceptions à la première règle (l’ajout d’un e muet n’est pas suffisant, il faut également redoubler la consonne finale). A ce niveau, cela pourrait encore paraître normal mais qu’en est-il des exceptions à ces exceptions ? Comprenons donc, préfet et sous-préfet dans le cas du redoublement du t dans les mots en –et. Notons que nous nous trouvons toujours dans le point concernant la règle générale. Le paragraphe

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Maurice Grevisse, Le Bon Usage, Paris, Duculot, 1993, p. 226.

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suivant du Bon usage s’intitule « féminins à terminaisons spéciales ». Nous analyserons un seul type de féminin dans ce chapitre, les féminins des noms en – eur dont la règle générale est la suivante : Les noms en –eur ont leur féminin en – euse5 comme menteur, menteuse. Trois règles s’ajoutent à cette règle générale pour les noms en –eur qui en soit est déjà une exception ! Comment s’y retrouver alors que toutes les règles ne sont qu’une accumulation de cas particuliers ?

2.2 L’absence de logique On pourrait également expliquer ces difficultés par le manque de logique de notre langue, en effet, pourquoi nomme-t-on une moustiquaire, l’objet empêchant un moustique de pénétrer dans une pièce ? De même, pourquoi certains hommes portent- ils une barbe et/ou une moustache, attributs typiquement masculins ? Citons aussi un hémisphère alors qu’en décomposant le mot, sphère apparaît comme un terme féminin. Les illustrations de l’absence de sens au niveau du genre sont légion. La langue française regorge de pièges et l’hésitation quant au genre de certains mots est récurrente : dit-on un ou une aphte ? Un pore ou une pore ? Un ou une effluve ? Un ou une astérisque ? Nous avons ici mis en lumière les nombreux problèmes que pose le féminin, il n’est pas nécessaire de creuser encore ou de tenter de trouver d’autres causes aux difficultés rencontrées. Il serait plus intéressant de s’attarder maintenant sur les règles qui ont été édictées à l’occasion de cette féminisation massive des noms et de se demander si cette dernière n’apporte pas encore des complications aux règles du Bon usage qui sont déjà trop arbitraires.

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Maurice Grevisse, Le Bon Usage, Paris, Duculot, 1993, p. 228.

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3. Les règles morphologiques de la féminisation Nous nous sommes penchés sur l’arrêté du Conseil supérieur de la langue française émis en 2005. Ce dernier propose une liste de règles morphologiques pour la mise au féminin des noms de métier, fonction, grade ou titre. À première vue, elles semblent conformes aux règles du Bon usage, en conséquence, on ajoute un e final à la forme masculine, on retrouve également les cas particuliers vus plus haut (cf. 2.1). Cependant une nouveauté vient s’adjoindre à cet ensemble, à savoir, La forme féminine est identique à la forme masculine lorsqu’au nom ne correspond pas de verbe6 Illustrons cela avec un exemple : un professeur donne une professeur. Repositionnons-nous à présent par rapport à la question de base. Il semble que, malgré une majorité écrasante de règles communes, la féminisation rajoute néanmoins quelques exceptions : une docteur, une ingénieur, une procureur et une professeur, déjà citées plus haut. La féminisation n’avait-elle pas pour objectif de généraliser la mise au féminin des noms ? Pourtant ceci prouve indubitablement le contraire ! Pourquoi ne pas simplement suivre la règle de base par l’adjonction d’un e final ? Cette complexité, qui peut sembler abordable aux personnes dont le français est la langue maternelle, perd toute son accessibilité aux non natifs. Si la féminisation prône la généralisation de la mise au féminin, pourquoi s’encombre-t-elle encore d’exceptions ?

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Site officiel de la Communauté française, Mettre au féminin, 2005, http://www2.cfwb.be/franca/pg026.htm, consulté le 26 novembre 2007.

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3.1. L’assimilation des règles introduites par la féminisation Il nous a semblé judicieux, après avoir décortiqué les règles, de vérifier l’assimilation de ces dernières. Dès lors, nous avons réalisé une enquête sociologique s’adressant aux non natifs d’une part et aux personnes natives d’autre part. Il est important de souligner que celle-ci a été accomplie de manière directe, c’est-à-dire qu’elle fait appel à une réaction spontanée (sans consultation d’un quelconque outil se référent à la féminisation et sans discussion avec une quelconque personne à propos de ce même sujet).

3.1.1. Les questionnaires d'enquête Questionnaire A : personnes natives 1a De quel sexe êtes-vous ? (Cocher la réponse adéquate) F M 1b Dans quelle tranche d’âge êtes-vous ? (Cocher la réponse adéquate) moins de 20 ans entre 20 et 40 ans plus de 40 ans 1c Quelle profession exercez-vous ? 2

Êtes-vous au courant du décret du Conseil de la Communauté française de 1993 relatif à la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre ?

3 Donnez le féminin des noms de métiers suivants : Conducteur Berger Docteur Chercheur Écrivain Plombier 4 La féminisation prône que le féminin de docteur soit « une docteur »

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L’avez-vous déjà entendu ? Si non, comptez-vous l’utiliser à présent ?

Questionnaire B : personnes non natives 1a De quel sexe êtes-vous ? (Cocher la réponse adéquate). F M 1b Dans quelle tranche d’âge êtes-vous ? (Cocher la réponse adéquate) moins de 20 ans entre 20 et 40 ans plus de 40 ans 1c Quelle profession exercez-vous ? 2 Depuis combien de temps êtes-vous en Belgique ? 3 Pensez-vous maîtriser la langue française autant que votre langue maternelle ? 4 Trouvez-vous le français plus difficile que votre langue maternelle ? 5 Donnez le féminin des mots suivants : Chercheur Boulanger Pharmacien Écrivain Instituteur

3.1.2. Les résultats de l’enquête Après avoir épluché les questionnaires destinés aux personnes natives, nous avons pu constater plusieurs faits alarmants concernant l’assimilation des règles de la féminisation. Prenons le cas du mot « écrivain », une grande majorité de personnes interrogées donne « écrivain » comme féminin à la place d’ « écrivaine ». En ce qui concerne le féminin de « docteur », une étonnante diversité de terme a été relevée : « doctoresse », « docteresse » et même

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« docteure ». Seulement la moitié des personnes natives ont utilisé le terme adéquat, à savoir « docteur ». Ces deux féminins étaient introduits en tant que « piège », étant donné que les règles de la féminisation les avaient modifiés. Cependant, il est assez inquiétant de remarquer que les féminins censés être acquis ne le sont pas nécessairement. En l’occurrence, de nombreuses personnes sont persuadées que les mots « plombier » et « chercheur » n’acceptent pas de féminin. Il se dégage également de l’enquête qu’une minorité est au courant du décret du Conseil de la Communauté françaises de 1993 relatif à la féminisation des noms de métiers, fonction, grade ou titre. De plus, lorsque les gens prennent connaissance de la forme adéquate (une docteur), ils se montrent réticents à l’employer. Néanmoins, il faut distinguer les gens de moins de 20 ans ou entre 20 et 40 ans qui sont plus réceptifs à ces changements et qui désirent souvent modifier leurs mauvaises habitudes en terme d’orthographe. Ceci vient peut-être du fait que leurs erreurs sont moins ancrées et qu’il leur est donc plus facile de rectifier le tir. On s’est aperçues aussi que les femmes avaient plus tendance à mettre au féminin que les hommes. En ce qui concerne les non natifs, étonnement, ils pensent que la langue française n’est pas plus difficile que leur langue maternelle. Cependant, des erreurs ont été relevées sur leurs questionnaires. Ceci peut être expliqué par leur manque d’intuition face à une langue qu’ils ne maîtrisent pas totalement. De ce fait, ils appliquent à la lettre les mécanismes de formation du féminin étudiés et ne s’aperçoivent pas toujours d’erreurs qui nous semblent aberrantes. Certaines personnes interrogées nous ont fait remarquer que dans leur langue la féminisation est systématique (emploi du o/a comme dans chico, chica). En conséquence, ils nous considèrent machistes de par leur apprentissage du français. Relevons aussi la réaction significative des gens par rapport à notre questionnaire. Plusieurs personnes, qu’elles soient natives ou non natives, nous ont gratifiées d’un « aie » ou d’un visage horrifié à la vue de notre formulaire

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concernant la féminisation. Ceci prouve encore une fois que le sujet de la féminisation est délicat et complexe, et engendre, dans la plupart des cas, des réticences.

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4. Conclusion La démarche que nous avons suivie tout au long du travail nous a amenées à tirer une conclusion majeure. En effet, l’enquête sociologique a permis d’étayer notre première impression, à savoir que la féminisation n’est pas acquise. Pourquoi ne pas éliminer une fois pour toutes ces exceptions qui ne font qu’entraver l’apprentissage du genre des noms pour tout un chacun. Il est grand temps de rayer de notre langage ce célèbre dicton : C’est l’exception qui confirme la règle…

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Bibliographie BÉNOUIS Mustapha, « Les Épines du genre des noms : quelques cas particuliers », dans The French review, vol. 67, Avril 1994, p. 746. GREVISSE Maurice, Le Bon Usage : grammaire française, Paris, Duculot, 1993, 1762 p. NIEDZWIECKI Patricia, Au féminin!: code de féminisation à l’usage de la francophonie, Paris, A.-G. Nizet, 1994, 285 p. RIGAULT André, « Les Marques du genre », dans Le Français dans le monde, n° 57, Juin 1968, p.37-43. THOMAS Adolphe, Dictionnaire des difficultés de la langue française, Paris, Larousse, 1971, 435 p. TRUDEAU Danielle, « Changement social et changement linguistique: la question du féminin », dans The French Review, vol. 62, n° 1, Octobre 1988, pp. 77-87. Site officiel de la Communauté française, Mettre au féminin, 2005, http://www2.cfwb.be/franca/pg026.htm, consulté le 26 novembre 2007.

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