Chapitre Terminal Marche Du Travail Partie I

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CHAPITRE II : LE TRAVAIL ET l’EMPLOI PARTIE I : DIVISION DU TRAVAIL ET LIEN SOCIAL. SECTION I ) LA DIVISION DU TRAVAIL VUE PAR LES ECONOMISTES LIBERAUX. I - LA DIVISION DU TRAVAIL CHEZ ADAM SMITH (premier texte p 93) A - L’ORIGINE DE LA DIVISION DU TRAVAIL : UN PENCHANT NATUREL A L’ECHANGE ( doc 4 p 342). Postulat :Smith écrit , la division du travail est « la conséquence nécessaire , quoique lente et graduelle , d’un certain penchant à tous les hommes , ( ... ) , c’est le penchant qui le porte à trafiquer , à faire des trocs et des échanges d’une chose pour une autre . » Selon Smith, la division du travail résulterait donc d’un déterminant naturel : l’homme est instinctivement poussé à échanger. Mais l’homme ne doit pas compter sur la bienveillance de ses contemporains, car il vit dans un monde où l’égoïsme domine, l’individu recherchant son intérêt personnel rationnellement (l’homme est naturellement un homo oeconomicus). Conséquences :Dès lors , l’homme « serait bien plus sûr de réussir s’il s’adresse à l’intérêt personnel de ses semblables et s’il les persuade que leur propre avantage leur commande ce qu’il souhaite d’eux . ( ... ) Donnez-moi ce dont j’ai besoin et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin pour vous-même. » Conclusion : On constate donc que , selon Smith , l’échange va conduire l’homme qui est rationnel , qui sait donc qu’il n’est pas apte à réaliser toutes les taches ( voir la parabole du sauvage ) à se diviser le travail .

B - DIVISION DU TRAVAIL ET AUGMENTATION DES GAINS DE PRODUCTIVITE ( doc 2 p 469) . Conséquences de la division du travail : Cette division du travail va permettre d’obtenir de formidables gains de productivité ce qui traduit une efficacité beaucoup plus forte de la main d’œuvre. (cf. la manufactures d’épingles doc 2 p 341 ) Les déterminants de l’augmentation des gains de productivité : trois facteurs permettent d’expliquer la croissance de la productivité du travail :

Source : la revanche des ses - chaque ouvrier spécialisé est plus habile individuellement, car il n’opère plus qu’une seule tâche simple, ce qui lui permet d’être beaucoup plus habile et efficace. - grâce à la division du travail, les déplacements entre chaque tâche , qui sont du temps perdu , sont réduits . - la division du travail favorise la mécanisation du processus de production : chaque ouvrier se voit dès lors confier des tâches plus simples.

C - UN CERCLE VERTUEUX ( doc 6 p 343 ) .

Selon A.Smith, la division du travail et l’échange s’intègrent dans un cercle vertueux : Penchant naturel -----> division du travail -----> accroît les gains de productivité---> baisse des prix ----> augmentation de la demande ----> augmentation de la taille du marché ----> augmentation de l’échange,etc. . La division du travail selon Smith permet donc de montrer que les intérêts de tous les individus membres de la société sont interdépendants (chacun est relié aux autres par la division du travail et l’échange) sans que les individus soient contraints (le lien est invisible , cf. la main invisible : 5 p 342 ) . Ceci améliore le bien-être de tous les participants (jeu à somme positive) CONCLUSION Néanmoins, comme le constate R.Boyer et G.Schmeder, A.Smith est tributaire de son temps , puisque : - excepté l’exemple de la manufacture d’épingles , Smith insiste beaucoup plus sur la forme traditionnelle de la division du travail dans laquelle la société est divisée verticalement entre métiers qui établissent des liens achat-vente - et non comme aujourd’hui horizontalement où s’établissent des liens entre employeurs et salariés.

II - LES FORMES DOMINANTES D’ORGANISATION DU TRAVAIL: TAYLORISME ET FORDISME . A - L’ORGANISATION SCIENTIFIQUE DU TRAVAIL DE F.W.TAYLOR(texte 2 p 93). 1 - le fondement de l’OST .

Source : la revanche des SES Postulat de base : Taylor part d’une hypothèse : les ouvriers flânent systématiquement : « chaque homme s’efforce d’en faire aussi peu qu’il est possible sans risque » . Justifications du postulat : Pour expliquer ce comportement, Taylor reprend l’analyse de Smith : - les hommes sont rationnels et égoïstes, les ouvriers ayant remarqué que toute augmentation de leur rendement sera suivie d’une réduction du taux payé à la pièce, - ils n’ont pas intérêt à accroître leur rythme de travail, tant que le système du salaire aux pièces demeure, tant qu’il est appliqué . Conséquence : Taylor constate (et , en cela , il est toujours un héritier de la pensée smithienne ) que « cette situation de sous-production se traduit par un manque à gagner pour le patronat , comme pour les ouvriers »(F.Stankiewicz)

Conclusion : Taylor va donc proposer une méthode d’organisation du travail qui vise (au moins en apparence) à améliorer simultanément le bien-être du patronat et des ouvriers.

2- les caractéristiques de l’OST . Taylor va opérer une double division du travail, qu’il veut baser sur l’application de méthodes scientifiques :

Source : la revanche des SES a - la division verticale du travail Son principe : dont le mot d’ordre est : aux bureaux de penser, aux ateliers d’exécuter ; c’est le principe de la séparation de la conception et de l’exécution (principe du up bottom : la délégation d’autorité se fait de haut en bas). Explication : Taylor considérait que seuls les bureaux disposaient de la capacité (ils sont composés d’ingénieurs ayant poursuivis de longues études), de la rationalité (cf. Weber) et du temps (ils se consacrent essentiellement à cette tâche) permettant de concevoir des méthodes de travail scientifiques, accroissant les gains de productivité. Conséquences : Le bureau doit donc établir « the one best way » , c’est-à-dire la seule et la meilleure façon de travailler ( la séquence idéale des mouvements à effectuer ) en un temps minimum ( le chronométrage ) . b - la division horizontale du travail principe: une fois conçue dans les bureaux , la division va être appliquée dans les ateliers . Elle consiste en la parcellisation des tâches : chaque ouvrier doit se voir confier une seule tâche élémentaire, que l’OST a permis d’isoler . Remarque : Cette méthode est particulièrement adaptée à la situation américaine qui se caractérise par une main-d’œuvre peu qualifiée, issue de l’immigration . On voit ici que Taylor a poussé à l’extrême les principes émis par A.Smith. problème : Toute la difficulté va être de faire accepter l’introduction de l’OST par les ouvriers . Solution : Cela ne pose aucun problème selon Taylor : - « Avec l’Organisation Scientifique, les intérêts variables des deux parties (employeurs et employés) sont les mêmes ; la prospérité de l’employeur ne peut durer que si elle est accompagnée de celle de l’employé, et inversement. Il est ainsi possible de donner à l’un et à l’autre ce qu’ils désirent : à l’ouvrier de gros salaires et au patron une main -d’œuvre bon marché ».

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L’introduction de l’OST va élever les gains de productivité, elle va donc permettre aux patrons d’augmenter les salaires tout en accroissant les profits et donc de faire accepter par l’ouvrier l’élévation des rythmes de travail.

Remarque : Néanmoins , comme l’écrit C.Clermont : « si la productivité des ouvriers a augmenté de 378 % , les salaires eux n’ont augmenté que d’environ 60 % » .Tous les partenaires n’ont donc pas bénéficié des même retombées de l’OST : la part des salaires dans la VAB a donc chuté !

B - LE FORDISME : UN APPROFONDISSEMENT DU TAYLORISME (texte 3 p 93). Ford reprend les principes émis par Taylor mais il va essayer de solutionner les difficultés auxquelles le taylorisme avait été confronté. Son action porte principalement sur deux points :

1 - LES CONDITIONS DE L’OFFRE limites du taylorisme : malgré le chronométrage , Taylor n’avait pu éviter totalement la flânerie des ouvriers (the fallacy), qui se reposaient durant les temps de déplacement sans qu’un contrôle réellement efficace puisse être mis en œuvre. Solutions mis en œuvre par Ford : Ford, en introduisant le convoyeur, fait en sorte que : « ce ne soit plus alors l’ouvrier qui circule autour d’un produit , c’est le produit qui se déplace devant une série d’ouvriers fixés à leur poste de travail » (O.Pastré) Conséquences : Désormais: - c’est la machine qui fixe le rythme de travail, ce qui interdit toute flânerie (cf. Les temps modernes de Chaplin) - mais en plus le convoyage réduit le nombre d’ouvriers qui sont affectés à la manutention, diminue les surfaces de production, permet donc d’obtenir des gains de productivité très importants. - Ceux-ci seront d’autant plus élevés que Ford va standardiser les méthodes de production ( il avait l’habitude de dire « vous pouvez choisir n’importe quelle voiture , pourvu que ce soit une Ford modèle T de couleur noire . » ) , ce qui permet l’accroissement des économies d’échelle donc des gains de productivité. Conclusion : L’introduction de cette nouvelle méthode de production a permis en quelques mois de quadrupler la productivité du travail.

2 - LES CONDITIONS DE LA DEMANDE : Problème auquel était confronté Ford : toute la difficulté était alors de trouver des débouchés qui puissent absorber le supplément de production issu de l’intensification du travail . Taylor n’avait pas su véritablement résoudre ce problème, l’économie était toujours menacée par un risque de surproduction. Solution mise en œuvre par Ford : le mérite va en revenir à Ford . Il va en introduisant le five dollars day augmenter les salaires et permettre à ses ouvriers de devenir ses meilleurs clients. Remarque : Néanmoins, comme l’écrit R.Castel : « c’est sans doute faire trop d’honneurs à Ford que de lui attribuer le mérite que de cette quasi-mutation anthropologique du rapport salarial : - En effet, l’institution du five dollars day correspond non à l’instauration d’un nouveau modèle collectif, mais à la recherche de la part d’un industriel individualiste d’une meilleure efficacité et rentabilité. - L’objectif de Ford est surtout de diminuer l’augmentation du turn-over (la rotation de la main d’œuvre) qui suivit l’introduction du travail à la chaîne l’intensification du travail mécontentant les ouvriers) . En augmentant les salaires, H.Ford fit l’une des plus belles économies de sa vie, puisqu’il attira davantage de main d’œuvre et diminua le turn-over. Conclusion : Il est donc essentiel de ne pas confondre Ford et le modèle de régulation institutionnel qualifié de fordisme (schéma p 94 et le texte en dessous jusqu’à investissement productif)) qui repose sur une logique macro-économique ( à opposer à la logique microéconomique de Ford ) basé sur: une production en grande série dégageant de forts gains de productivité se répercutant sous forme de baisse de prix autorisant un partage équitable de la valeur ajoutée entre le capital et le travail - assurant à la fois un investissement productif soutenu et une augmentation régulière des salaires propre à stimuler la consommation de masse. Ainsi, contrairement aux phases antérieures du capitalisme, l’offre ne bute plus sur une demande insuffisante (générant un risque de crise des débouchés), puisque les marchandises produites en longue série et à bas prix trouvent toujours des acquéreurs .

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On débouche ainsi sur un cercle vertueux tel celui décrit dans le schéma suivant :

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Source : http://www.lyc-arsonval-brive.ac-limoges.fr/simonnet/article.php3?id_article=32

III - LES LIMITES DE LA DIVISION DU TRAVAIL . A - L’ANALYSE SMITHIENNE DES LIMITES ( docs. 10 et 11 p 344 ). Constat : Dès le XVIII°siècle, A.Smith constate les effets pervers engendrés par la division du travail : la répétition continue d’un geste simple conduit à un abrutissement du salarié et donc à l’aliénation dans le travail qui va rendre les ouvriers incapables de penser . Solutions : Smith préconise donc une intervention de l’Etat (certes limitée mais réelle : cf chapitre politique économique et spécialité)qui vise à corriger les effets externes négatifs(l’abrutissement des ouvriers, cf. cours de première) résultant de l’introduction de la division du travail .

B - L’ECOLE DES RELATIONS HUMAINES (cf. complément de cours n°1) C - LES DEUX CRISES DU TAYLORISME( fin du texte p 94 à partir de ce régime de croissance) . 1- LA PREMIERE CRISE : 1960 - 1970 Constat : A partir des années 60 , on observe une remise en cause du modèle taylorien par les ouvriers les moins qualifiés qui en supportent le plus directement les conséquences . Des comportements nouveaux apparaissent : - le taux d’absentéisme progresse ( il dépasse 10 voire 20 % ) , le taux de turn-over augmente : RAPPEL : taux de turn over = nombre d’ouvriers ayant quitté l’entreprise durant l’année x 100 nombre de postes dans l’entreprise

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le nombre de défauts constatés dans la production augmente , ce qui traduit un désintérêt des ouvriers pour leur travail les conflits du travail se multiplient en particulier les grèves spontanées qui ne sont pas dirigées par les syndicats . la contradiction entre les valeurs hédonistes de confort et de jouissance développées par la société de consommation et l’intensification des méthodes de travail dans le cadre des entreprises . A.Gorz conclut : « la rationalisation du travail avait donc atteint sa limite » .

Répercussions :Toutes ces actions traduisent un rejet du modèle taylorien , trop abrutissant . Elles mettent en danger l’objectif même de ce modèle : l’obtention des gains de productivité . Remarque :Néanmoins , comme le constate F.Stankiewicz « associer la perte d’efficacité du taylorisme à la résistance ou à l’opposition des salariés est une idée robuste quand on l’applique aux années 70 . Transposer aux années 80 , cela devient une hypothèse héroïque » .

2- LA SECONDE CRISE DU TAYLORISME : 1980 ET SUIVANTES (1 p 96). Selon B.Coriat , deux séries de raisons peuvent expliquer la seconde crise du taylorisme : Première raison : -

Constat : - jusqu’aux années 60 , taylorisme et fordisme avaient dégagé des gains de productivité très importants . Mais , à partir de cette date , on constate que ces deux modes d’organisation du travail entrent dans leur limite historique d’efficacité c’est-àdire qu’ils ne sont plus aptes à assurer une efficacité accrue du travail.

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- Explications : deux facteurs principaux : • Ceci résulte en particulier de l’augmentation des défauts , que l’on peut alors constater : l’ouvrier taylorien subissant des rythmes toujours plus rapides de production tient les cadences mais pas la qualité . • De plus , « toute cette organisation ( taylorienne et fordienne ) est très lourde à mettre en place , est très lourde à modifier . » Or les caractéristiques de la demande ayant évolué , cela nécessite une adaptation très rapide de la part des entreprises des chaînes de production .

Seconde raison : -

Constat : en effet , la nature des marchés auxquels sont confrontées les entreprises ont fortement évolué et nécessitent de la part des entreprises une adaptation . : • Jusqu’aux années 70, les marchés étaient globalement demandeurs ; les entreprises n’avaient aucune difficulté à écouler leur production . • Au contraire , à partir de cette date , la situation s’inverse et les marchés deviennent globalement offreurs.

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Conséquences : Les capacités de production des entreprises deviennent donc supérieures à la demande solvable, la concurrence entre les entreprises devient beaucoup plus forte et nécessite de la part de celle-ci un changement d’objectifs : • B.Coriat écrit ainsi : «A l’objectif de quantité et de volume , au moindre coût possible qui demeure , s’ajoute désormais un objectif de qualité au sens que , gagner un marché suppose une capacité à s’adapter rapidement à un type particulier de produits , obéissant à des normes et à des spécifications chaque fois différentes . • En bref , cela signifie que , plutôt de fabriquer en très grande série des produits standardisés , satisfaire à la demande suppose , aujourd’hui une capacité accrue de fabriquer des séries plus restreintes de produits diversifiés adaptés à des demandes particulières qui ,elles-mêmes , sont changeantes tant en quantité qu’en qualité . ( ... ) • On peut donc dire qu’avec l’émergence de nouvelles normes de consommation se font jour de nouvelles normes de concurrence. »

Le schéma résumant les crises :

Source : http://www.lyc-arsonval-brive.ac-limoges.fr/simonnet/article.php3?id_article=32 Conclusion : Celles-ci semblent conduire inéluctablement à un abandon du taylorisme et du fordisme et à l’introduction de nouvelles méthodes de production , tout le problème étant de savoir lesquelles , les avis sont sur ce point très divergents . Néanmoins nombreux sont ceux qui se rallient à ce qui semble être une méthode miracle : la méthode japonaise connue sous le nom de Toyotisme ou méthode de Ohno .

IV - LE TOYOTISME , UNE METHODE MIRACLE (dernier texte p 93)? A - L’HISTORIQUE . Constat : Le toyotisme a été développé au Japon car les dirigeants de la firme étaient convaincus que les méthodes américaines n’étaient pas transposables au Japon dans le contexte des années 50, ceci pour 2 raisons : • le capital y est plus rare qu’aux Etats-Unis , l’installation de convoyeurs y est donc impossible . • il n’ y a pas , faute de marché suffisamment développé (le pays sort ruiné de la seconde guerre mondiale) , possibilité de produire en grandes séries : « Chez Toyota , la production est basée sur des séries limitées à partir d’un grand nombre de modèles offerts à la clientèle . » Conséquences :On se rend compte ainsi que les Japonais ont été contraints par les conditions qui dominaient alors au Japon d’innover et d’inventer un nouveau mode d’organisation du travail : • Celui-ci n’a pas intéressé les Européens jusqu’aux années 70, le taylorisme et fordisme leur semblaient mieux adaptés à leurs besoins . • En revanche, à partir du moment où la demande du marché a évolué , les Européens , comme les Américains ont alors considéré que le modèle japonais était celui qui était le plus adapté à la situation nouvelle à laquelle ils étaient confrontés .

B - LES PRINCIPES D’ORGANISATION . Sur bien des points, la méthode de Ohno prend le contre-pied de celles développées par Taylor et Ford, car elles visent des objectifs radicalement différents :

1 - DE LA PRODUCTION DE MASSE AUX FLUX TENDUS . limites du taylorisme et du fordisme : Taylor et Ford cherchaient à obtenir des gains de productivité en réalisant une production de masse standardisée . Dès lors , ils accordaient la priorité à l’amont sur l’aval : « Les postes situés en amont de la chaîne de fabrication poussent continuellement les pièces vers l’aval , sans se préoccuper de l’état d’avancement de la production. » Ceci présente de nombreux inconvénients : stockage de pièces importants , production excessive , transport et manutention inutile Solutions apportées par le toyotisme : au contraire , la méthode de Ohno cherche à s’adapter à la demande • L’objectif est donc de produire les quantités et qualités demandées par le marché et seulement celles-ci . « La production juste à temps accorde donc la priorité à l’aval sur l’amont » .(2 p 78) • C’est ainsi un autre modèle de circulation de l’information qui domine : « Le flux d’informations est totalement inversé , chaque poste en aval informe de ses besoins le poste amont qui lui est contigu , à l’aide de boîtes dans lesquelles sont placées des fiches cartonnées ( kanban ) . » • Ceci « permet de limiter les matières premières ou les produits semi-finis en attente . Ainsi est atteint l’objectif zéro stock par cette production en flux tendus , donc d’assurer une forte diminution des coûts de production. • Mais ceux-ci nécessitent un autre mode d’organisation de l’entreprise ;à la rigidité de la chaîne taylorienne s’oppose la flexibilité de l’atelier japonais , utilisant des machines polyvalentes et programmables et des ouvriers capables de s’adapter aux besoins de la production . • Les gains de productivité ne sont plus alors obtenus par des économies d’échelle mais aussi par les économies de variété et la qualité . Ceci améliore grandement l’efficacité de l’entreprise et accroît sa compétitivité dans le nouveau contexte de concurrence auquel elles sont confrontées .

2 - DE L’OUVRIER SPECIALISE A L’OUVRIER POLYVALENT ( élargissement et enrichissement des tâches , rotation des postes)

Limites du taylorisme et du fordisme : Taylor et Ford considéraient que l’ouvrier ne devait être qu’un bon exécutant , effectuant passivement les consignes données . Mais on se prive ainsi des capacités d’expérience et d’initiative des ouvriers . Solutions apportées par le toyotisme : Ohno a choisi une autre voie de rationalisation du travail : • au lieu de détruire les savoirs ouvriers et de parcelliser les tâches , il a préféré procéder par dé-spécialisation des professionnels pour les transformer non en ouvriers parcellaires mais en ouvriers polyvalents , c’est-à-dire que l’ouvrier doit être capable de s’occuper de tâches multiples . • Ceci nécessite de sa part , non plus de l’obéissance mais des capacités d’initiative : « L’auto-activation de la production consiste à doter d’une certaine autonomie les machines automatiques et les salariés afin d’avoir des mécanismes d’arrêt de la production , lorsque des anomalies sont constatées . » Ceci permet d’éviter des gaspillages engendrés par la chaîne . • L’ouvrier doit être aussi une force de proposition , visant à améliorer les méthodes de production ou la qualité des produits par le biais des cercles de qualité . • On ne considère donc plus les ouvriers comme des exécutants bornés , mais on cherche à profiter de leurs expériences et de leurs savoirs .

3- DE L’OUVRIER INDIVIDUALISTE AU TRAVAILLEUR EN EQUIPE limites du taylorisme et du fordisme : Taylor et Ford considéraient , dans une vision libérale , que l’ouvrier était un individualiste forcené qui cherchaient seulement à accroître son salaire . Solutions apportées par le toyotisme : « Chez Toyota , le travail est organisé en équipes , ce qui entraîne une solidarité . » Mais ce n’est pas le seul objectif recherché : • « la pression du groupe empêche l’absentéisme , car lorsqu’un ouvrier est absent dans une équipe , il n’est pas remplacé . C’est aux autres à prendre en charge sa part de travail . » • Le collectif de travail se voit dans le cadre de l’atelier chargé de réaliser une tâche en fonction de critères spécifiés ( temps , qualité , etc. ) , mais il est laissé libre de s’organiser comme il l’entend . • L’autonomie est donc très importante par rapport au taylorisme . • Le toyotisme considère que la motivation de l’ouvrier ne peut être complète si l’incitation s’arrête à l’augmentation des salaires, il faut plus, en particulier tenir compte de la dimension collective du travail. Conclusion : Le modèle de Ohno qui comporte une dimension holiste apparaît donc aujourd’hui comme la solution miracle qui permettrait de résoudre toutes les difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises . On peut néanmoins se demander dans quelle mesure le mythe ne dépasse pas la réalité .

C - UNE RELATIVISATION . 1 - UN MODELE MYTHIQUE . Les Européens et américains cherchent à appliquer un modèle japonais qui n’existe pas parce que ce modèle reste largement mythique et mal analysé . - on considère souvent que la méthode japonaise résulte de l’évolution technologique : « à nouvelles techniques , nouveaux contenus du travail » .Ceci repose sur l’idée qu’il y aurait un déterminisme technologique , l’introduction de l’informatique nécessitant un nouveau type d’organisation , de nouveaux salariés . - Ceci n’est pas totalement faux , mais il ne faut pas en conclure qu’il existerait un miracle technologique japonais et donc il ne faut pas attribuer le retard de compétitivité des entreprises européennes à la seule prise en compte des facteurs techniques , car alors : « les entreprises françaises vont remplacer les hommes par des machines , ne voyant pas que la différence de compétitivité tient moins à la technologie elle-même qu’au couple équipement-hommes pour lequel l’organisation de la production est un élément essentiel de la compétitivité . » ( D.TaddeI et B.Coriat ) . On constate ainsi que : • l’automatisation au Japon n’est pas plus avancée qu’en Europe , mais qu’elle débouche sur une gestion des relations humaines et des formes de mobilisation des salariés radicalement différentes . En Europe , la machine est considérée par les salariés comme l’ennemie de l’homme car elle détruit des emplois . • Au Japon , elle s’insère dans une organisation qui prend en compte la dimension humaine et qui vise à motiver les salariés . • Il apparaît donc difficile d’obtenir le résultat recherché par les entreprises françaises , qui veulent , tout à la fois , garder certains aspects du modèle japonais ( polyvalence , qualité , motivation de la main-d’œuvre ) tout en en rejetant d’autres ( autonomie , réduction des échelons hiérarchiques , garantie de l’emploi ). • Le modèle de l’emploi à vie qui paraît être la règle n’est en réalit réservé qu’a une minorit é de la population : les usines japonaises sont conçues pour produire avec un minimum de main d’œuvre, toute augmentation de la production est assurée soit par le recours aux heures supplémentaires, soit par l »’augmentation du travail temporaire et des sous tratants. Bien évidemment en cas de retournement de la conjoncture, les sous-traitants et travailleures temporaires ne sont plus nécessaires, et supportent les répercussions de la chute de la demande de biens.

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l’adoption du toyotisme et du ohnisme par les occidentaux semble d’autant plus discutable aujourd’hui que Toyota bute sur les limites du toyotisme : • En effet : « à force de tendre vers la production au plus juste , le système s’est privé de toute élasticité . • Ce faisant , il a rencontré ses limites d’acceptabilité sociale , les tensions sur le marché du travail se sont transformées en crise du collectif de travail au sein de la firme . » • C’est aujourd’hui tout le modèle japonais qui semble entrer en crise .

2 - LE TAYLORISME N’EST PAS MORT : LES NFOT (NOUVELLES FORMES D’ORGANISATION DU TRAVAIL) Constat : Comme l’écrivent B.Coriat et D.Taddei : « Non , le taylorisme n’est pas mort (...) , dans de nombreux secteurs de services , il est en progression .Il est de fait que les nouveaux outils automatisés contribuent plus souvent à banaliser et à routinier des tâches qui ne l’étaient pas qu’à les recomposer en des métiers véritables . Au cœur de nos entreprises , le modèle des années 50 , travail parcellisé et émietté , maîtrise disciplinaire , lignes hiérarchiques nombreuses et confuses , continue d’exercer ses effets . » ( cf. aussi docs 3 p 78, 5 p 79, 1 p 81 ) . Explications : Cette affirmation semble d’autant plus juste que : • malgré la différenciation de la demande , les entreprises recherchent toujours l’obtention de gains de productivité maxima . • Or , les techniques de production en petites séries , malgré l’automatisation , ne permettent pas d’en dégager suffisamment .(3 p 97) • Les entreprises vont donc s’efforcer de développer de nouvelles techniques de production qui leur permettent tout à la fois de différencier leur production et de bénéficier d’économie d’échelles .Ainsi , comme l’écrit G.duval ( premier texte p 94 ) : « Les apparences sont parfois trompeuses . Si l’aspect extérieur des produits est beaucoup plus différencié que dans le passé , le mouvement de standardisation de leur cœur , se poursuit et même s’accélère . ( ...) . • En fait , Taylor n’est pas mort , il est devenu plus intelligent . Les entreprises productrices ont réussi le tour de force d’accélérer la standardisation tout en donnant au consommateur le choix , grâce à deux techniques essentielles : la différenciation retardée et la modularité. » Etudions successivement chacune d’elles : -

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la différenciation retardée : elle consiste à concevoir le produit , de façon à ce que les différences voulues par les clients soient reportées le plus en aval possible du processus de production , afin de maximiser les économies d’échelle . Ainsi : « C’est la face avant d’un magnétoscope qui différencie le produit , on utilisera donc une pièce plastique rapportée . » Par contre, la base de l’appareil sera identique pour de nombreuses marques . la modularité : vise à répondre à la demande d’options ( ex : ABS , air-bag , ...) qui remettent en cause les caractéristiques du produit . Les entreprises vont résoudre ce problème en concentrant les options dans un sous-ensemble physiquement isolé qu’on ajoute au produit de base indifférencié . Finalement , comme l’écrit D. Linhart , : « il ne faut pas que l’ouvrier reste huit heures à visser ses boulons , point à la ligne . Il faut qu’il puisse s’exprimer aussi sur la façon dont il peut visser ses boulons . » . A cela s’ajoute la logique du flux tendu qui comme l’explique le doc 3 p 81 : « le flux tendu nous apparaît comme la forme la plus poussée de rationalisation du travail puisqu’il intègre les principes du fordisme (le flux) et ceux du taylorisme ( la reconduction de la divison du travail) , tout en résolvant ce que Taylor énonçait comme une question difficile, à savoir la motivation des salariés sur les objectifs de la directiopn de l’entreprise »

3 – LES NFOT SE GENERALISENT A L’ENSEMBLE DE L’ECONOMIE • • •

Le taylorisme et le fordisme n’avait concerné que les grandes entreprises industrielles (en particulier l’automobile), mais il n’avait pas touché les services Or grâce à l’introduction des NTIC on assiste depuis quelques années au développement d’une taylorisation des services (cf. doc. 4 p 81) qui permet d’assurer une surveillance accrue sur le travail (ici des caissières de supermarché). Le taylorisme et le fordisme n’avaient concerné que les ouvriers dont les tâches étaient parcellisés et les rythmes de travail accru, les NFOT se traduisent par la généralisation à toutes les catégories des pressions exercées non directement par le chef d’entreprise, ou la chaîne mais par les contraintes imposées par le client ( la demande) ainsi dans le doc 3 p 78 , on constate que 66% des cadres ont leur travail rythmé par une demande extérieure obligeant à une réponse immédiate ( c’est le cas de seulement 27% des ouvriers non qualifiés en 2003 , mais de 70% des employés de services )

4 – DES PROGRES A RELATIVISER ( dossier 2 p 81-83) •

Pour les partisans de l’introduction des NFOT , celles-ci vont libérer les salariés des contraintes imposées par le taylorisme et le fordisme ( travail à la chaîne , parcellisé dont le rythme ne cessait d’augmenter ) qui conduisaient à une augmentation des maladies professionnelles , à un désengagement des travailleurs ( hausse du turn-over ) et à un abrutissement des salariés ( entrant en contradiction avec l’augmentation des qualifications)

• •



Les NFOT allaient enrichir le travail , donner de l’autonomie , supprimer les tâches les plus répétitives et dangereuses ( robotisation ) ce qui devait se traduire par une amélioration du bien-être des ouvriers En réalité , on constate que le bilan est beaucoup plus ambigu puisque les NFOT se sont traduites par une intensification du travail , une multiplication des contraintes , une responsabilisation accrue . Tout cela génère une multiplication des maladies professionnelles ( dont le nombre a été multiplié par 4 entre 1995 et 2004 en France : 8 p 83) , l’apparition et le développement de nouvelles maladies ( troubles musculo-squelettiques : 10 p83 ) , mais aussi un état de mal-être psychologique ( développement des salariés déclarant être stressés et forte hausse du nombre de suicides ) . C.Dejours en conclut dans « la souffrance en France » « qu’on assiste à une banalité et à une banalisation du mal au travail , c’est-à-dire que les ouvriers acceptent la situation de souffrance comme relevant de la normalité » Les malades , les vieux sont alors considérés comme non compétitifs et sont exclus du marché du travail , ce qui conduit comme le démontre le doc 7 p 82 à une situation de dualisme ( cf Piore dans la partiez II )

Remarque : néanmoins les enquêtes récentes ( que l’on peut retrouver dans le dossier de février 2007 de Sciences humaines : « travail , je t’aime , je te hais » démontre qu’il n’y a aucune fatalité à la détérioration des conditions de travail ( ainsi si en France on recense 5000 accidents du travail pour 100 000 salariés , on en recense au Royaume –Uni que 1600 et 1475 en Suède ) .L’exemple américain démontre d’ailleurs qu’améliorer la santé au travail c’est possible ( la multiplication des sanctions financières à l’encontre des entreprises responsables de risques professionnels aussi bien par l’Etat que par les assurances privées a conduit les entreprises à améliorer les conditions de travail )

CONCLUSION Les principes : Les économistes libéraux considèrent que : • la division du travail est une réponse au besoin des individus d’améliorer leur bien-être matériel . • A.Smith et ses épigones ( disciples sans originalité personnelle ) postulent donc que l’individu est un homo oeconomicus rationnel et égoïste qui veut améliorer son confort matériel et qui dispose d’une rationalité lui permettant de mettre en oeuvre les moyens les plus efficaces , afin d’obtenir le résultat recherché . • Cette division du travail va avoir des répercussions non voulues , mais essentielles ; elle va rendre les individus interdépendants , sans qu’il y ait besoin de règles contraignantes leur imposant une coordination . • On retrouve ici le principe de la main invisible qui tisse un lien marchand entre les membres de la société . Ce lien marchand est d’autant plus avantageux qu’il libère l’individu des communautés qui le contraignaient , tout en leur apportant une amélioration du bien-être matériel. Les limites : Deux types de critiques essentielles vont être développées à l’encontre de cette conception : - la première est une critique de type marxiste . la seconde une critique plus sociologique développée en particulier par Durkheim .

SECTION II - UNE REMISE EN CAUSE DE LA CONCEPTION LIBERALE DE LA DIVISION DU TRAVAIL ET DE LA CONCEPTION DU LIEN SOCIAL EN DECOULANT I) LA CRITIQUE MARXISTE . Déterminants de la division du travail dans l’analyse marxiste :Marx considère que la division du travail est naturelle , qu’elle existe donc dans toutes les sociétés , qu’elle trouve son origine dans des différences de sexes et d’âges ( donc sur une base physiologique) . Explications de l’apparition de la division manufacturière du travail :Par contre , la division manufacturière du travail telle celle décrite par A.Smith dans le célèbre exemple de la manufacture d’épingles est exclue des sociétés traditionnelles . Marx écrit : « Les lois des corporations du Moyen-Age empêchaient méthodiquement la transformation du maître en capitaliste , en limitant par des édits rigoureux le nombre maximum de compagnons qu’il avait le droit d’employer . » Cette citation nous indique bien que : • dans la conception marxiste la division du travail décrite par Smith ne vise pas seulement à accroître les gains de productivité et donc le bien-être matériel ( même si Marx ne nie pas que cet objectif existe ) • mais à justifier la transformation du maître de corporation dont la sphère d’action était limitée en un capitaliste qui pourra , au nom de l’efficacité et de l’intérêt collectif , exploiter

en toute bonne conscience ses ouvriers et assurer ainsi la domination du capital sur le travail . Exemple vérifiant l’analyse marxiste :Prenons ainsi l’exemple de l’application des méthodes tayloriennes et fordiennes ; telles qu’elles sont étudiées par B.Coriat, dans une perspective marxiste, dans son livre « L’atelier et le chronomètre ». Selon lui , les raisons qui expliquent à la fin du XIX° siècle aux USA , l’application de l’OST ne sont pas celles avancées par Taylor . B.Coriat insiste sur deux types d’objectifs : • le premier est d’ordre conjoncturel : les entrepreneurs américains sont confrontés à une main-d’œuvre fraîchement immigrée , généralement peu qualifiée ; ils ne peuvent donc laisser une grande autonomie à leurs salariés .Le taylorisme comme le fordisme vont être deux modes d’organisation qui vont permettre d’intégrer les salariés non qualifiés . • le second est d’ordre structurel et répond davantage à une problématique marxiste : aux Etats -Unis comme en Europe , le patronat voit son pouvoir sur les salariés limité par les ouvriers de métier ( organisés en syndicats ) qui disposent d’un savoir-faire méconnu du patron , qui leur assure un pouvoir d’autonomie et de marchandage , considéré par le patronat comme freinant l’accumulation du capital . L’objectif non déclaré mais recherché par le patronat par le taylorisme est donc : • de s’approprier le savoir-faire des ouvriers professionnels ( c’est la division verticale du travail ) , les bureaux essayant de maîtriser les savoirs techniques , dont les ouvriers de métier avaient le monopole . • les entrepreneurs peuvent alors se passer des ouvriers professionnels ou tout au moins réduire leur autonomie et leur pouvoir de marchandage , en les mettant en concurrence avec les ouvriers spécialisés . • « En substituant à l’ouvrier de métier , l’ouvrier-masse à peine immigré , non qualifié et surtout non organisé ( les syndicats d’ouvriers de métier n’acceptaient pas la main-d’œuvre non qualifiée ) , le capital modifie en sa faveur et pour longtemps l’état d’ensemble du rapport des classes . » Conséquences de la mise en œuvre de la division du travail manufacturière : c’est désormais le capital qui impose son rythme et ses normes propres à la production de marchandises : • l’ouvrier ne maîtrisant plus désormais l’ensemble du processus de production , se voit rabaisser au statut : « de complément vivant d’un mécanisme mort qui existe indépendamment d’eux » ( Marx ) . • L’ouvrier est donc désormais asservi à la machine, il est selon les propres mots de Marx aliéné ( c’est-à-dire que l’homme est dépossédé de ses moyens de production, de sa production, et finalement de son être, puisqu’il lui est impossible de se sentir concerné par ce qu’il fait, puisqu’il ne maîtrise plus les différentes étapes de la production). Répercussions positives de la division du travail dans l’analyse marxiste : Il ne faut pourtant pas en conclure que Marx rejette la division du travail, ce qu’il critique c’est sa dimension capitaliste : • « D’une part, la division du travail apparaît donc comme progrès historique et facteur nécessaire de développement dans le procès de formation économique de la société, • mais d’autre part, elle se révèle comme un moyen d’exploitation civilisé et raffiné. » (Marx). Relativisation de l’analyse marxiste : Il faut néanmoins relativiser les critiques marxistes émises à l’encontre du taylorisme et du fordisme, car, selon R.Castel : « l’homogénéisation scientifique des conditions de travail a-t-elle forgé une conscience ouvrière débouchant sur une conscience de classe aiguisée par la pénibilité de l’organisation du travail. Ainsi paradoxalement Taylor a-t-il contribué à l’homogénéisation de la classe ouvrière et à sa prise de conscience. » Points communs entre l’analyse de Marx et celle de Durkheim : Le schéma théorique de Durkheim n’est pas fondamentalement différent de celui de Marx. Pour l’un comme pour l’autre, la relation de causalité va de l’infrastructure matérielle à la superstructure : ici la lutte pour la vie et la division du travail, là les rapports de production ( l’infrastructure ) déterminent les idées morales, le droit et les liens sociaux ( la superstructure ) Oppositions entre les analyses de Marx et de Durkheim :Néanmoins l’analyse marxiste de la division du travail s’opposera à celle que proposera Durkheim ; en effet, comme l’écrivent P.M.Blau et R.L.Milby : • « Marx considère ces conséquences néfastes ( absence de solidarités, inégalités sociales ) comme typiques de la division du travail capitaliste • alors que Durkheim y voit des formes pathologiques rares. Elles sont pour lui révélatrices d’un état de crise des années 1890 »

II) LA CRITIQUE DURKHEIMIENNE : LE REJET DES EXPLICATIONS DES ECONOMISTES LIBERAUX. Postulat expliquant selon les libéraux l’apparition de la division du travail :Selon les économistes, la division du travail peut être analysée comme la réponse à un problème auquel sont confrontés les individus. :



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La division du travail doit donc être vue comme un construit humain : les individus ayant intérêt à se partager les tâches afin d’accroître le rendement de la collectivité, ou plus exactement d’être plus productif que leurs concurrents et de gagner des parts de marché ( les deux visions n’étant pas contradictoires mais complémentaires, vu les bienfaits de la concurrence ) . • Les économistes libéraux basent donc leur analyse sur l’utilitarisme et l’individualisme méthodologique : Ils partent d’un individu représentatif, l’homo oeconomicus qui est égoïste et rationnel (comportement naturel à l’homme). Ils étudient les actions de cet individu : en recherchant son intérêt personnel, il a intérêt à diviser le travail. Puis ils agrègent ces comportements individuels afin de faire apparaître la société qui en est le résultat.

Durkheim s’oppose à cette conception en la réfutant sur plusieurs points : • « il ne croit guère au rôle joué par le calcul rationnel dans la vie sociale ». Il rejette donc le postulat de l’homo oeconomicus : « La division du travail ne met pas en présence des individus mais des fonctions sociales. » ( Durkheim ). • il remet en cause l’idée que la société est seulement le résultat des comportements individuels des individus sans véritable lien, ne recherchant dans le contact avec les autres que leur intérêt personnel. « Si la division du travail produit la solidarité, ce n’est pas seulement parce qu’elle fait de chaque individu un échangiste, comme le disent les économistes ; c’est qu’elle crée entre les hommes tout un système de droits et de devoirs qui les lient les uns aux autres d’une manière durable. »( Durkheim). La division du travail n’affecte donc pas que des intérêts individuels et temporaires. • les économistes croient que la division du travail est le résultat conscient de la rationalité individuelle. Elle serait donc « un construit humain au sens économique du terme, c’est-àdire une élaboration volontaire imaginée par des innovateurs et consacrée par le marché » ( D.Clerc ). • Durkheim considère au contraire que la division du travail est le produit largement inconscient de la société. En effet, comme l’indique R.Nisbet : « Dire que les hommes se sont partagés le travail et ont attribué à chacun un métier propre afin d’augmenter l’efficacité du rendement collectif, c’est supposer les individus différents les uns des autres et conscients de leurs différences avant la différenciation sociale. En fait, la conscience de l’individualité ne pouvait pas exister avant la solidarité organique et la division du travail. La recherche rationnelle d’un rendement accru ne peut expliquer la différenciation sociale, car cette recherche suppose justement la différenciation sociale ». Conclusion : Durkheim reproche donc aux économistes libéraux de faire de la conséquence la cause. On se rend compte que ce sont deux analyses de la société qui s’opposent : • chez les libéraux, la société est un produit de la volonté humaine, résultat d’une démarche intentionnelle ; • au contraire, chez Durkheim : « La société s’autoproduit sans intention initiale. » ( D.Clerc ) : « Les hommes marchent parce qu’il faut marcher et ce qui détermine la vitesse de cette marche, c’est la pression plus ou moins forte qu’ils exercent les uns sur les autres. (... ) La civilisation se développe parce qu’elle ne peut pas se développer ; une fois qu’il est effectué, ce développement se trouve généralement être utile ou, tout au moins il est utilisé ; il répond à des besoins qui se sont formés en même temps, parce qu’ils dépendent des même causes, mais c’est un ajustement après coup. » ( Durkheim). • Les économistes néo-classiques considèrent donc que la destruction des liens sociaux traditionnels qui étouffent les individus et les empêchent donc de révéler leur rationalité est un pré-recquis à la division du travail. Une fois que celle-ci se sera imposée, il ne subsistera entre les individus qu’un lien social marchand qui présentera l’avantage d’assurer l’autonomie des individus, tout en les rendants interdépendants et en leur apportant le bien être matériel. • Durkheim, au contraire, considère que : « le laisser-faire tend à produire les crises sociales contemporaines qui font craindre une guerre entre les possédants et les autres. » Le principale reproche qu’émet Durkheim à l’encontre des libéraux sur ce point est de sacrifier la solidarité, le lien social à la liberté individuelle, en considérant que l’autorégulation du marché résoudra tous les problèmes. Cette analyse est selon Durkheim beaucoup trop optimiste . Transition : Durkheim est très sévère vis-à-vis de la conception libérale de la division du travail . Il ne faut pas pour autant en conclure que Durkheim sous-estime les effets de la division du travail . Au contraire , il lui accorde une place essentielle , mais il en donne une vision très différentes de celles des économistes

SECTION III - LES MUTATIONS DU TRAVAIL ET DE L’EMPLOI I – L’EVOLUTION DE LA CONDITION SALARIALE (10 à 16 p 87-90) INTRODUCTION : DEFINITION : QU’EST-CE-QU’UN SALARIE ?(définition p 105) Selon O.Marchand : • « en matière de droit , définir le salarié revient à définir le contrat de travail qui lie le travailleur avec l’entreprise qui l’emploie . On définit alors le contrat de travail comme la convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre , sous la subordination de laquelle elle se place moyennant une rémunération . • A l’inverse , l’activité indépendante répond à une logique de prestation de services régie par le droit commercial . »

A – LE CONTRAT DE TRAVAIL SOURCE D’EFFICACITE SELON LES LIBERAUX Comme l’indique R.Castel , A.Smith fonde l’économie politique sur la liberté de l’échange sur le marché . Problème : la société traditionnelle a développé un modèle d’organisation du travail basé : • sur le travail forcé : par exemple , la corvée féodale • sur l’organisation corporatiste du travail qui vise à interdire toute forme de libre concurrence sur le marché afin d’assurer la conformité de l’ordre social Solution préconisée par Smith et les libéraux : la libéralisation du travail : « la plus sacrée et la plus inviolable des propriétés est celle de sa propre industrie (aux travailleurs ) ( … ) ; l’empêcher d’employer cette force et cette adresse de la manière qu’il juge la plus convenable est une violation manifeste de cette propriété primitive » . Il devient alors impératif de détruire l’ordre social arbitraire de l’Ancien Régime afin d’assurer l’avènement d’un monde social rationel . C’est ce que mettra en œuvre la Révolution française quand elle supprima, par la loi Le Chapelier et le décret d’Allarde les corporations et toute forme d’organisation ouvrière : « il n’ y a plus de corporations dans l’Etat ( … ) , il n’y a plus que l’intérêt particulier de chaque individu et l’intérêt général » . Désormais : • les hommes naissent libres et égaux en droit • il n’existe plus aucune entrave à la liberté de contracter sur le marché du travail • le travail devient donc une marchandise vendue sur un marché obéissant à la loi de l’offre et de la demande • l’ échange est , selon Smith , un jeu à somme positive puisque l’ouvrier et son employeur étant libres et égaux n’acceptent de signer un contrat que s’ils y trouvent leur compte ( puisque ceux sont des homo oeconomicus égoïstes et rationnels )

B – AU XIX° SIECLE , LA CONDITION SALARIALE DETERIORE LE BIEN-ETRE DES INDIVIDUS Limite de l’analyse libérale : contrairement à ce qu’affirment les libéraux , durant la Révolution française , le peuple n’a jamais revendiqué une nouvelle organisation du travail basée sur les principes de la liberté . Au contraire , il revendiquait un contrôle des prix et une meilleure rémunération du travail . Castel peut en conclure : « le peuple se sentait davantage protégé par les formes traditionnelles du travail réglé que par une liberté sauvage , à défaut de ces protections il en appelait aux pouvoirs publics pour obtenir de nouvelles régulations et non la liberté du travail . Le libre contrat de travail paraît bien avoir été imposé aux travailleurs dans un rapport de domination politique » . On comprend ainsi pourquoi K.Marx considérait que la Révolution française était avant tout une Révolution ayant servi aux intérêts de la bourgeoisie , la liberté du travail étant selon lui une des conditions de l’exploitation Un salariat indigne : D.Méda écrit : « le salariat a longtemps constitué une condition indigne et principalement caractérisée par l’insécurité » . Celle-ci trouvait son origine dans deux sources : • la faiblesse des revenus tirés du travail qui ne permet pas d’assurer un revenu décent à la famille ( même avec l’emploi de tous ses membres , femmes et enfants compris ) • le caractère déterminé et potentiellement non reconductible de l’activité , c’est-à-dire le travail au jour le jour • on comprend dès lors que le statut de salarié considéré comme facteur de dépendance et de précarité est dévalorisé , alors qu’au contraire l’activité indépendante appuyée sur la propriété d’une terre , d’un atelier ou d’une boutique était le gage de la liberté et de la sécurité , l’indépendant disposant d’un capital pour assurer sa vieillesse

C – LA CONSOLIDATION DE LA CONDITION SALARIALE AU XX ème SIECLE. Une profonde transformation : la condition salariale va se caractériser par la sécurité , la protection et donc devenir recherché : on entre dans une société » dans laquelle de repoussoir le salariat devient le modèle privilégié d’identification ». On peut distinguer différentes raisons : • le droit du travail des salariés va bénéficier progressivement de règles et de garanties : le contrat portera peu à peu sur une prestation indéterminée pour une durée indéterminée , en échange d’un salaire(pour lequel un minimum légal sera institué : SMIG puis SMIC), de congés payés, etc. • la relation individuelle entre employeur et salarié s’inscrit progressivement dans une logique collective, protectrice , porteuse de sens et de statut. • avec la création de la Sécurité Sociale , le statut de salarié bénéficie de protections contre les conséquences financières de la maladie , du chômage et de l’incapacité de travailler • au même moment , le statut d’indépendant entre en crise : exode rural des petits agriculteurs ruinés par le processus de modernisation , incapacité des artisans et des commerçants de résister à la concurrence de l’industrie et des grandes surfaces Conséquence : le salariat connaît une progression continue puisque les salariés représentent 56 % des actifs en 1896 , 67,2 en 1954 et 90 % aujourd’hui (1 p 100)Cmouvement est général :

Constat : durant les 30 Glorieuses , le droit du travail manifestait une tendance nette à l’homogénéisation : • les syndicats revendiquant une standardisation des conditions d’emploi et de salaire au niveau des branches industrielles • revendications souvent acceptées par les entreprises qui pour égaliser les conditions de concurrence dans des économies peu ouvertes , avaient intérêt à standardiser les conditions de travail et d’emploi au niveau de la branche • les prérogatives attachées d’abord au seul travail salarié ,couvre progressivement contre les principaux risques sociaux, non seulement les familles des travailleurs, mais aussi les non salariés et même la quasi-totalité des nonactis. Le modèle de l ’empl oi t ota l : cette évolution donne naissance au modèle de l’emploi total : • emploi salarié : le travail indépendant devenant marginal (moins de 10% des emplois) • le lien entre l’employeur et le salarié est ferme : il s’agit d’un statut bénéficiant du CDI ( Contrat à Durée Indéterminée ) souvent intégré à des conventions collectives • s’intégrant le plus souvent à des systèmes de promotion basés essentiellement sur l’ancienneté • c’est un emploi à temps plein : c’est le vecteur principal d’identification et d’insertion sociale de l’individu • il relève d’un seul employeur et s’exerce sur un lieu spécifique. conclusion : Robert Castel peut alors caractériser la société salariale par deux indicateurs : • c’est l’idée d’un continuum social qui s’impose, c'est-à-dire que même si les conditions sociales sont inégales, il existe de réelles possibilités d’interaction et de mobilité sociale entre elles. • L’emploi est le fondement du statut social : occuper un emploi confère des droits et des garanties de fait

D – L’ECLATEMENT DE LA SOCIETE SALARIALE ? 1 – CONSTAT (2 p 97) -

On assiste à une remise en cause de la norme de l’emploi total , avec le développement des emplois dits atypiques :





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O.Marchand écrit : « « ces dernières années , en France , les trois quarts des embauches réalisées par des établissements de plus de 50 salariés se sont faits sur des contrats courts ( … ) . Si l’emploi temporaire ne concerne encore qu’une minorité d’emplois ( autour de 10 % ) , il constitue l’essentiel de ce qui bouge sur le marché du travail » Les emplois atypiques s’opposent à l’emploi typique ou normal sur les caractéristiques suivantes : • ils sont à durée limitée ( CDD ou intérim ) • à temps partiel ( parfois contraint : quand on les interroge , les salariés souhaiteraient travailler à temps plein ) .On assiste aussi à une individualisation et une annualisation du temps de travail . • les augmentations de salaires accordées dans le cadre d’a&ccord de branches sont remises en cause, on assiste à une individualisation des rémunérations • le salarié n’a pas de lien direct avec la personne pour laquelle il travaille qui n’est pas son employeur dans le cas de l’interim • le salarié qui est donc externalisé ( 7 p 90) par rapport à l’entreprise ne bénéficie pas des conventions collectives , des promotions à l’ancienneté , de la formation continue

On constate un renouveau du travail non salarié qui peut prendre deux formes : • On assiste à une multiplication des créations d’entreprise ( soutenues par les politiques gouvernementales : cf les mesures prises par le gouvernement Raffarin, et la politique de soutien aux créations d’entreprise encouragée par le président N Sarkozy) • On assiste à un développement de la parasubordination , c’est-à-dire des zones grises qui prolifèrent dans l’emploi entre le salarié proprement dit et le chef d’entreprise : c’est le cas de nombreux experts comptables , avocats qui bénéficient d’une grande latitude d’autonomie dans les tâches qui leur sont confiées , mais qui , en contrepartie , sont soumis à une obligation de résultats . On assiste à une remise en cause globale des protections collectives dont bénéficient le statut salarié ( en particulier , crise de l’Etat-Providence )

Cela concerne particulièrement les jeunes sortis précocement du système scolaire :

Source : Le Monde

Cela ne concerne pas que la France :

Source : Le Monde 2 – EXPLICATIONS -

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la crise économique des années 70 s’est traduite par des marchés globalement offreurs , dans lesquels la demande est beaucoup plus volatile et requiert à la fois une meilleure qualité , des prix plus bas , des produits différenciés .La norme de l’emploi total paraît alors inadapté au contexte économique , ce qui explique le développement des emplois atypiques qui permettent aux entreprises de mieux s’adapter aux fluctuations de la conjoncture jusqu’aux années 70 , la logique keynésienne mettant en avant l’accroissement de la demande prévaut ( cf partie II ) .A partir des années 80 , la priorité est donnée : « aux impératifs de la rentabilité économique et à l’apologie de l’entreprise pensée comme la seule source de richesse sociale . Les droits et les protections du travail sont , dès lors , perçus comme des obstacles à l’impératif catégorique de la compétitivité » ( R.Castel ). Le salariat avait contribué à la constitution de collectifs de travail caractérisé par une solidarité ouvrière encadrée par des syndicats .La crise et la montée du chômage ont permis de casser ces collectifs en externalisant , en multipliant les contrats précaires ( vous serez embauché en CDI si vous correspondez aux attentes de l’entreprise ) en remettant en cause les accords de branche et en individualisant les salaires . la crise du régime fordiste pendant les années 70 a conduit , selon D.Plihon , à la mise en oeuvre de nouveaux choix idéologiques et politiques : « un nouveau régime de croissance se met progressivement en place : le capitalisme actionnarial dans lequel la finance de marché joue un rôle central (… ) . Ces principales caractéristiques sont : un nouveau partage de richesses au sein des entreprises ; la prépondérance du pouvoir des actionnaires induisant de nouvelles formes de gouvernement d’entreprises .(… ) Les nouvelles politiques d’inspiration libérale remettent en question le compromis capital-travail antérieur en créant un rapport de forces favorables aux entreprises et aux détenteurs du capital financier . » 3- RELATIVISATION

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malgré la crise de la société salariale , 90% des actifs sont salariés , les travailleurs indépendants demeurent très minoritaires , en particulier car une grande partie des entreprises sont lancés par des chômeurs qui , n’arrivant pas à retrouver un emploi , créent leur propre entreprise dont , malheureusement , une grande partie fait faillite rapidement . Ainsi , certains auteurs considèrent que la France ne manque pas d’entreprises , mais qu’au contraire , elle en a trop ,trop petites et peu compétitives comparativement à nos voisins européens . Castel considère que l’on ne peut prétendre que nous soyons sorti de la société salariale : « jusqu’à ces toutes dernières années , on pouvait et on devait parler d’un effritement de la société salariale . En pesant le sens des mots , effritement signifie que la structure de ce type de société se maintient alors que son système de régulation se fragilise . »

II – DE LA QUALIFICATION A LA COMPETENCE ? (7 p80) A – LA QUALIFICATION 1 – DEFINITION La qualification c’est l’ensemble des connaissances, des aptitudes et des expériences que requiert l’exercice d’un emploi déterminé ( qualification d’emploi ou d’un poste ) ou qu’est susceptible de mettre en œuvre un individu . Le schéma suivant permet de mieux saisir la polysémie du terme qualification :

La qualification individuelle repose sur : - la formation , c’est-à-dire l’ensemble des connaissances acquises durant les études , quelles soient obtenues au cours de la scolarité ( formation initiale) ou en formation continue , c’està-dire durant la période d’activité . Cette qualification peut être définie comme générale , car : • elle s’acquiert à l’extérieur de l’entreprise par la formation institutionnelle , • qu’ elle consiste en un ensemble de connaissances formalisées qui permettent de réagir correctement à des situations aléatoires et de sélectionner les réponses pertinentes face à l’imprévu • cette qualification s’inscrit en France dans une nomenclature définie par l’INSEE qui distingue 6 niveaux allant du niveau VI ( sans diplôme ) au niveau I ( diplôme de second ou troisième cycle universitaire ou de grande école ) - l’expérience acquise durant le parcours professionnel ( formation sur le tas ) : • qui correspond dans un contexte technique et social bien particulier à des pratiques transmises au sein du collectif de travail sous forme de trucs . • cette formation est généralement spécifique à l’entreprise et ne sert plus à rien , n’est pas reconnue si le salarié quitte l’entreprise La qualification du poste ou de l’emploi comprend l’ensemble des aptitudes requises pour réaliser des tâches qui définissent le poste : aptitudes intellectuelles , dextérité , durée d’apprentissage pour occuper le poste , … La -

qualification définie par les grilles salariales : prend en compte la formation requise et l’expérience nécessaire pour occuper un poste . Elle résulte de négociations entre les employeurs et les syndicats . Historiquement , la classification apparaît avec le Front Populaire en 36 et est véritablement codifiée , standardisée après la seconde guerre mondiale par la grille Parodi qui codifie les emplois en fonction de normes de compétences certifiées officiellement par l’institution scolaire , le diplôme étant l’outil le plus efficace pour établir une échelle simple de qualifications .

2 – LE DEBAT : AUGMENTATION DE LA QUALIFICATION OU PROCESSUS DE DEQUALIFICATION ET DE DECLASSEMENT DE LA MAIN D’ŒUVRE ? a – une augmentation réelle de la qualification de la main d’oeuvre -

du XIX° siècle jusqu’à la seconde guerre mondiale : • la concurrence ne s’exerce pas essentiellement par la qualité des produits et l’innovation .Dès lors, la formation de la main d’œuvre n’est pas considéré comme un facteur de compétitivité et de croissance, • la scolarisation vise à former des citoyens et les intégrer dans la société

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à partir de 45 et surtout des années 60 : • se développe l’idée que l’éducation est un investissement, que la main d’œuvre représente un capital humain (cf. théorie de G.Becker dans la partie II ) dont l’efficacité est source de croissance et permet aux pays développés, dans un contexte de concurrence exacerbée , d’accroître la compétitivité qualité • au même moment , s’opère une demande des familles qui espèrent , par l’accroissement du niveau de diplôme et la démocratisation du système scolaire , voir leurs enfants s’élever dans la hiérarchie sociale .

b – la thèse de la déqualification -

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G.Friedmann ( sociologue français ) a observé au cours des années 50 l’impact du taylorisme et développé l’idée d’une déqualification du travail du fait de l’évolution technologique . Selon lui , les tâches de production sont parcellisées par la machine , l’avenir du travail humain semble alors condamné à un émiettement ( thèse du travail en miettes ) , à une disparition du métier et à une atrophie de la personnalité . Dans les années 90 , des auteurs comme H.Braverman ont renouvelé la thèse en substituant à la déqualification la polarisation des qualifications .Selon eux , la technologie expliquerait , dans le long terme : • un déclin des qualifications ouvrières , c’est-à-dire une perte des savoir-faire , une parcellisation des tâches • la conception du travail étant un concentré aux mains de nouveaux salariés surqualifiés ( cf. la thèse du dualisme du marché du travail dans la partie II ) . c – la thèse du déclassement ( dossier 4 p 87-89 ) • • • •

on assiste , depuis le début des années 60 , à une prolongation de la durée des études ( doc 1 p 87 ) qui permet d’augmenter notablement le niveau de qualification de la population ( la part de la population active sans diplôme a été divisé par 3 entre 71 et 2002 , celle ayant un diplôme supérieur au bac a été multipliée par 4,5 : docs 2 et 3 p 87) . Cela répondait à une demande des entreprises qui pour lancer des produits plus innovants , pour améliorer la qualité et pour résister à la concurrence des PED à bas salaire , avaient besoin d’une main d’œuvre plus qualifiée , donc plus productive ( cf théorie du capital humain de Becker , partie II ) A priori , on s’attendait à observer une meilleur intégration des diplômés sur le marché du travail et à une meilleur adéquation entre l’offre et la demande de travail Or , on constate , en réalité , un déclassement quel que soit le niveau de diplôme des salariés ( doc 6 p 88 ) , une augmentation des probabilités de chômage qui résulte du cumul de 2 phénomènes : o Une inflation des diplômes autoentretenue ( plus le diplôme se dévalue , plus la nécessité de poursuivre des études longues est forte : cf chapitre mobilité sociale ) o La détérioration des conditions économiques qui génère un phénomène de file d’attente ( cf docs 8 et 9 p 89 )

Remarque : Comme l’indique le doc 7 p 89 , le risque de déclassement social est d’autant plus important que l’on descend dans la hiérarchie sociale des parents

B – VERS LA COMPETENCE ? 1 – DEFINITION -

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au sens strict , la compétence est l’ensemble des savoir et des savoir faire nécessaire afin d’effectuer avec succès une tâche donnée ou remplir un objectif défini . La compétence est alors synonyme de qualification de l’emploi ou du poste . au sens large , la compétence comprend plusieurs dimensions : • le savoir , c’est-à-dire ce que l’on connaît • le savoir-faire , c’est-à-dire l’expérience et la capacité à agir efficacement sur le lieu de travail • le savoir être qui désigne la façon dont l’individu s’adapte à un groupe de travail et se comporte conformément aux objectifs de la direction .

2 – LES RAISONS DU DEVELOPPEMENT DE LA COMPETENCE : MODELE SCIENTIFIQUE OU CHOIX IDEOLOGIQUE ? a – DE LA QUALIFICATION A LA COMPETENCE , UNE EVOLUTION QUI S’IMPOSE DU FAIT DU CHANGEMENT DE CONTEXTE (4 p 79 et 8 p 80) - Il est possible de relier le niveau moyen de qualification des actifs avec le mode dominant d’organisation du travail. Ainsi, le niveau moyen de qualification des salariés dépend du mode dominant d’organisation du travail. • L’OST a contribué à la déqualification ou à la bipolarisation de la qualification (ingénieurs-cadres et OS) des salariés. En effet, ce mode productif repose sur la stricte soumission, obéissance, hyperspécialisation, du personnel. • Suite à la crise de l’OST, l’adoption de NFOT (nouvelles formes d’organisation du travail) a contribué à la requalification ou la reprofessionnalisation des salariés, à travers l’initiative, la polyvalence, la compétence, la réactivité et l’autonomie des salariés.

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Mais l’on sait aussi que les qualifications ont été pensés et définis dans un contexte taylorien , c’est-à-dire un univers productif de prescriptions et de certitudes caractérisé par une division des tâches et une affectation des salariés à ces tâches prédéfinies Or , le monde actuel requiert des adaptations permanentes à des aléas .Le Medef considère alors que : « le marché , les process de production et les nouvelles formes organisation impose la compétence », car selon E.Oiry et A.d’Iribane: • le marché a changé • les technologies flexibles permettent de répondre à ces nouvelles exigences , • mais ,pour les utiliser , il est nécessaire de changer l’organisation du travail • la gestion des compétences , c’est-à-dire l’abandon de la notion de poste de travail est l’unique façon de répondre à ces nouvelles exigences du marché et de la technologie • dès lors , la gestion des compétences correspondant à un nouveau type de rapport salarial , il faut changer l’actuel : substituer au système traditionnel qui faisait appel à des institutions pour définir la qualification un système de gestion des compétences assurant une relation directe entre l’individu et son employeur • en effet , le travailleur doit réagir rapidement à l’événement et non reproduire un geste ; le savoir-faire et la spécialité techniques sont utiles mais insuffisants , le salarié doit mettre en œuvre des qualités mêlant à la technique des capacités de communication , de relations humaines , de management , de réactions , d’initiative , d’innovations , capacités éminemment individuelles qui ne sont pas mesurables par la seule analyse du niveau de diplôme

Conclusion : On peut considérer que la compétence repose sur des méthodes scientifiques et objectives b- DE LA QUALIFICATION A LA COMPETENCE : UN CHANGEMENT DE RAPPORT DE FORCES ? (docs 5 et 6 p 82) -

B.Brunhes constate , au contraire , que : • si la qualification s’acquiert part des formations et des stages , peut être validée par des stages ou un concours , se mesure de façon objective et s’inscrit dans une grille • la compétence , en revanche , qui ajoute aux données purement techniques des éléments de savoir-être , de savoir communiquer , qui peuvent être plus au moins innés ou résulter de la socialisation familiale est beaucoup plus difficile à mesurer : « un classement par la compétence est toujours sujet à caution faute d’appréciation parfaitement objective » - contrairement à ce qu’affirment les partisans de la compétence : • compétence et qualification ne se limitent jamais à des définitions objectives : « la qualification n’est pas une chose , il s’agit d’une appréciation sociale de la valeur différentielle des travaux et non un phénomène technique individualisé » • la reconnaissance sociale des qualifications s’inscrit donc toujours dans un jeu conflictuel entre salariés et direction d’entreprise .Pour les salariés , des critères tels que les diplômes , l’ancienneté permettent de limiter l’arbitraire patronal - dès lors , on saisit mieux l’attrait de la notion de compétence pour les entreprises : • elle leur permet d’individualiser la relation qu’elles ont avec leurs salariés ,qui ne sont plus protégés par les collectifs de travail . La compétence étant très spécifique à l’entreprise , les salariés ont très peu de chance de retrouver du travail ailleurs s’ils viennent à être licenciés ( contrairement aux qualifications , les compétences qui ne sont pas classées dans une grille officielle sont indéchiffrables sur le marché du travail ) les qualités recherchées chez les candidats à l’embauche reposent sur les compétences et évitent soigneusement la mise en équivalence avec des grilles de qualification , elles ne sont pas rémunérées .L’entreprise peut dès lors embaucher des gens performants , autonomes , faisant preuve d’initiative alors que les salaires qu’ils perçoivent sont équivalents à ceux que percevaient les OS fordistes .

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