Khalid Chraibi - Collected Articles 31 March 2009

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  • Pages: 184
Khalid Chraibi Collected articles 2006 – 2009 All articles are protected by Copyright

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31 Mars 2009

:

Le présent document regroupe les articles publiés entre 2006 et 2009 : - par le magazine économique « Economia » (Casablanca) - sur le site Oumma.com (Paris) - sur le site américain Tabsir.net (New York) - sur les sites anglais « SaudiDebate » et « ArabLife » (London) - dans l’encyclopédie Wikipedia (anglais) - sur le site Khalid Chraibi online

Accès rapide aux articles dans ce document : - w01 - articles du magazine économique « Economia » (Casablanca) à partir page 3 - w02 - sur le site Oumma.com (Paris) à partir page 54 - w03 - sur le site Tabsir.net (USA) à partir page 107 - w04 - sur les sites anglais « SaudiDebate » et « ArabLife » (London) à partir page 118 - w05 - articles traduits en italien à partir page 144 - w06 - article de l’encyclopédie Wikipedia (anglais) à partir page 151 - w07 - la problématique du calendrier islamique à partir page 161 - W08 - sur le site « Khalid Chraibi online » page 177

Articles publiés par Economia : La charia, le « riba » et la banque p. 5 ci-dessous Le défi de la qualité p. 7 Les « secrets » des entreprises compétitives p. 9 Plan « Emergence » et développement industriel p.11

Mise à niveau : les raisons d’un échec p. 13 Il n’est de richesse que d’hommes p. 15 Réforme fiscale, privatisations et développement p. 17 Bâtisseurs d’empire p. 19 Paradoxes p. 21 La CGEM à l’ère du candidat unique p. 23 Formation et compétitivité p. 25 La Banque Mondiale, la croissance et l’emploi p. 28 Le Groupe CDG p. 31 Le Groupe COSUMAR, locomotive de la filière sucrière p. 34 La politique des « champions nationaux » p. 44 Intérêt public et intérêts privés p. 46 1er muharram : Calendrier lunaire ou islamique p. 49 La « mise à niveau » des entreprises est mal partie p. 52 M. Jettou s’attaque au chômage p. 54

Articles à lire en ligne sur Oumma.com : • • • • • • • • • • •

La charia et les droits de la femme au 21è siècle La charia, le « riba » et la banque Le mariage misyar : entre parodie et libertinage (partie 1/2) Charia, droits des femmes et lois des hommes Le mariage misyar : entre parodie et libertinage (partie 2 et fin) Islam, laïcité et droits humains Le Cheikh d’Al Azhar et le Mufti d’Egypte : des lectures différentes de la charia 1er muharram : Calendrier lunaire ou islamique ? Aimé Césaire : « Il est bien plus difficile d’être un homme libre que d’être un esclave » Le Roi Christophe de Haïti : « On nous vola nos noms » La problématique du calendrier islamique

Articles sur SaudiDebate.com (ArabLife.org) : www.saudidebate.com http://www.saudidebate.com/index.php?option=com_content&task=view&id=662&Ite mid=0

W01

Khalid Chraibi - Economia Chroniques d'économie marocaine

La charia, le « riba » et la banque Economia Mai 2007

Khalid Chraibi Un courant religieux conservateur, prenant naissance dans les Etats du Golfe, se propage depuis plusieurs années dans les autres pays musulmans, s’étendant à de nombreux aspects de la vie quotidienne. Par exemple, sous l’influence des prédicateurs du Moyen Orient, des Marocains se demandent, aujourd’hui, (comme beaucoup de musulmans résidant en Europe et en Amérique du Nord), si les opérations de banque moderne sont conformes à la charia, alors que d’autres citoyens n’hésitent pas à affirmer que seules les opérations des « banques islamiques » sont « halal ». Cette influence des Etats du Golfe sur la culture des musulmans résidant dans d’autres pays, ressort clairement de la question posée, au cours de l’été 2006, au prédicateur qatari Yusuf alQaradawi, alors en visite au Maroc : un Marocain peut-il licitement contracter un prêt à intérêt auprès d’une banque marocaine, pour financer l’achat d’un logement, puisqu’il n’existe pas au Maroc de banques offrant des « produits islamiques » ? Le prédicateur s’est référé à une décision du Conseil Européen de la Fatwa, qui autorise les minorités islamiques vivant en Europe, sans accès à des banques opérant selon les règles de la charia, à prendre de tels prêts, en se basant sur la règle : « La nécessité abolit les interdits » (addarouratou toubihou al mahdhourat). D’après lui, cette règle s’applique parfaitement au cas marocain. L’influence des prédicateurs du Moyen Orient sur les Marocains, en matière de choix bancaires, s’amplifiera, sans doute, au cours des prochaines années, du fait que Bank al Maghrib a maintenant autorisé le système bancaire national à commercialiser des « produits islamiques » sélectionnés, dans le cadre de « fenêtres » spécialisées. Le revirement des autorités marocaines, qui se sont opposées au cours des deux dernières décennies à ce genre d’opérations, s’explique, entre autres, par l’engagement des opérateurs des pays du Golfe à investir plusieurs milliards de dollars dans l’économie marocaine, à la seule condition qu’on leur fournisse les « conduits » adéquats. Au cœur du débat sur les institutions bancaires des deux types, on trouve le concept d’intérêt. La banque moderne l’applique dans ses opérations, alors que la banque « islamique » en nie l’utilisation. Or, dans l’esprit de nombreux musulmans, le concept d’intérêt est inextricablement lié à celui de « riba », que le Coran interdit de manière explicite et sans équivoque. Le riba recouvre en premier lieu l’usure, sur l’interdiction de laquelle il y a unanimité. Mais, d’après une majorité des oulémas, il englobe aussi « l’intérêt sous toutes ses formes ». Mais, de nombreux experts estiment, depuis le milieu du 19è s., que l’extension de la notion de riba aux intérêts bancaires, sur la base du « qiyas » et de l’ijtihad, s’est faite sur des bases juridiques discutables, dans la mesure où les opérations de banque moderne sont de nature totalement différente de ce qui existait en Arabie, au temps de la Révélation. En effet, ce n’est qu’aux 19è et 20è s., suite à l’occupation de différents pays musulmans par des Etats européens, que les structures bancaires modernes, utilisant des instruments financiers incorporant le concept d’intérêt, ont fait leur apparition dans ces pays. Les oulémas ont assez rapidement compris le fonctionnement du système, et réalisé que l’intérêt constituait une rémunération justifiée du capital financier et de l’épargne.

C’est ce qui explique que, depuis un siècle et demi, les Grands Muftis d’Egypte et Sheikhs d’Al-Azhar, ayant assimilé cette conclusion, déploient des efforts théoriques considérables pour établir la différence entre les intérêts bancaires (aux retombées économiques positives et donc souhaitables) et le riba prohibé. Ce n’est guère le lieu de citer, ici, toutes les fatwas significatives énoncées sur ces questions, en Egypte, pendant le dernier siècle. Muhammad Abduh, Mahmud Shaltut, Muhammad Sayyed Tantawi ou Nasr Farid Wasil (tous Grands Muftis d’Egypte et Sheikhs d’Al-Azhar), sont les auteurs de textes importants, pour ne citer que certains des noms connus sur le plan international. Tous ces éminents experts de la charia considèrent que l’assimilation du riba à l’intérêt bancaire est discutable, et constitue une interprétation abusive des règles du droit musulman. Abd al Mun’im Al Nimr, ancien ministre des Habous d’Egypte, fournit une bonne illustration de ces propos : « L’interdiction du riba se justifie par le tort porté au débiteur. Mais, puisqu’il n’y a aucun tort porté aux personnes qui procèdent à des dépôts dans une banque, l’interdiction du riba ne s’applique pas aux dépôts en banque. » Des raisonnements similaires s’appliquent aux divers autres aspects des opérations bancaires. Quand on limite le domaine du riba à celui de l’usure, comme le font ces juristes islamiques éminents, la banque moderne n’est plus concernée par le riba, puisqu’elle ne se livre pas à l’usure. Et c’est exactement cela le raisonnement marocain en la matière, par exemple. Quant à la proposition selon laquelle les activités des banques islamiques n’incorporent pas d’intérêt, elle soulève un débat de fond. D’après certains, ces banques se contenteraient, dans certains cas, de procéder à des manipulations sémantiques, substituant un mot à un autre (« loyer » au lieu d’ « intérêt », par exemple) ou introduisant des étapes multiples dans une procédure (rédaction de deux contrats au lieu d’un seul), pour atteindre leurs buts lucratifs, tout en respectant, en apparence, les stipulations de la charia. Cela ferait partie des « hiyals » (ruses juridiques) dans lesquelles les théologiens musulmans sont passés maîtres, au cours des siècles.

Le défi de la qualité Economia Avril 2007 Chronique Entreprise

Khalid Chraibi A l’ère de la mondialisation, la qualité des produits et services constitue une condition essentielle de succès sur le marché, compte tenu de l’intensification de la concurrence sur le plan mondial. Mais, au Maroc, la qualité fait, depuis longtemps, figure de parent pauvre dans les préoccupations de nombreux opérateurs économiques. Les Marocains observent, depuis la fin des années 60, une détérioration graduelle, mais indiscutable, de la qualité de nombreux produits agricoles, industriels ou de l’artisanat. Ainsi, des fruits et légumes difformes et sans goût sont proposés aux ménagères qui font leur marché, sans commune mesure avec la qualité des produits d’il y a une trentaine d’années. Des produits d’artisanat d’une grande médiocrité sont proposés aux touristes. Même les produits de grande consommation et les produits industriels ne font pas exception à cette tendance. Le déclin de la qualité des produits marocains s’explique, en partie, par des considérations historiques. Avec le retour en France des « colons » à partir des années 60 et la « marocanisation » de nombreuses activités à partir des années 70, les activités de production sont passées sous le contrôle d’hommes d’affaires marocains qui avaient fait leur fortune dans le commerce, l’immobilier, les professions libérales ou les services. Ils n’avaient, en général, ni les connaissances techniques, ni l’expérience spécifique requise pour gérer les entreprises qu’ils reprenaient. Profitant de situations de rente sur des segments de marché captifs, efficacement « protégés » par les barrières douanières, ils ont cherché à maximiser leur profit, et usé habilement de l’effet de levier pour prendre progressivement le contrôle d’autres entreprises. Mais, l’amélioration de la qualité de production, le développement de nouveaux produits, ou l’exploration de marchés étrangers ne faisaient pas partie, en général, de leurs préoccupations prioritaires. Ils s’étaient contentés de faire un « placement », qu’ils seraient prêts à céder à un bon prix, quand l’occasion s’en présenterait. Ayant le plus souvent développé leur savoir-faire et aiguisé leurs talents en travaillant sur le tas, tout au long d’une longue carrière, ces repreneurs n’ont pas ressenti le besoin de s’entourer de spécialistes dans leurs nouveaux domaines d’activités. Ils ont préféré nommer aux postes-clés de ces entreprises des hommes de confiance, ou des membres de leur famille. Cette approche est parfaitement illustrée, dans le secteur agricole, par le peu d’intérêt que les grands propriétaires terriens manifestent pour le recrutement d’ingénieurs agronomes. Ils ne mesurent que le coût « élevé » de ces derniers, et non la contribution positive qu’ils pourraient faire au développement des activités de leur propriété agricole. Ils préfèrent donc se contenter de petit personnel d’encadrement, formé sur le tas, pour gérer les opérations. L’ouverture des frontières marocaines aux opérateurs et aux produits étrangers bouscule aujourd’hui toutes les données de cette situation. Pour survivre dans ce nouvel environnement, les opérateurs économiques marocains devront impérativement faire preuve de grandes facultés d’adaptation, en relevant, en premier lieu, le défi de la qualité. Mais, le peuvent-ils ?

Un premier élément de réponse est fourni par le secteur de la sous-traitance qui, depuis des décennies, produit des articles de qualité, répondant à des cahiers de charges précis et rigoureux, à la satisfaction des clients étrangers les plus divers. Les Marocains peuvent donc faire une production de qualité, quand les circonstances l’exigent. Mais, peuvent-ils faire cela au niveau de l’ensemble des activités ? L’expérience du Japon en matière d’amélioration de la qualité de production à l’échelle nationale fournit des indications intéressantes à cet égard. A la fin des années 40, le Japon était un pays complètement dévasté par la guerre, qui cherchait par tous les moyens à se reconstruire. L’économie japonaise, basée depuis toujours sur les activités d’exportation, avait du mal à se relever des décombres, et les produits japonais étaient devenus synonymes de médiocrité. Pourtant, en une dizaine d’années, la situation fut radicalement transformée grâce à William E. Deming, un statisticien américain en mission auprès des forces américaines au Japon, qui avait développé une méthodologie originale de contrôle de qualité de production, basée sur l’utilisation des méthodes statistiques. S’adressant aux Présidents des plus grandes entreprises japonaises en 1951, Deming leur déclara : "Aujourd'hui, les produits que vous fabriquez sont considérés comme de la camelote. Mais, si vous m’écoutez, et si vous faites ce que je vous dis, dans cinq ans on opposera des barrières douanières à vos produits, et le niveau de vie au Japon finira par égaler celui des pays les plus prospères". En appliquant les techniques de contrôle de qualité prônées par Deming, l’industrie japonaise connut une transformation considérable en quelques années. Dès les années 60, elle figurait parmi les industries les plus développées, en termes de savoir-faire. Le label « Made in Japan » devint synonyme de qualité sur le plan mondial. Il l’est toujours.

Les « secrets » des entreprises compétitives Economia Mars 2007 Chronique Entreprise

Khalid Chraibi Au Maroc, les managers ont souvent tendance à considérer les effectifs d’une entreprise comme de simples « postes de travail » à gérer de très près, afin de s’assurer que chacun remplit correctement la fonction qui lui est dévolue. Ainsi, l’aide-comptable peut-il exercer pendant des années les activités pour lesquelles il a été recruté, sans que l’entreprise n’attende rien de plus, de lui. Grâce à l’expérience acquise sur le tas, il peut espérer gravir, au fil des ans, quelques échelons avant d’atteindre, selon l’expression de Peter, le « seuil de son incompétence ». Mais, est-ce vraiment ainsi qu’on tire le meilleur parti des hommes, dans la société moderne ? Dans les pays du Tiers Monde, les chefs d’entreprise risquent de répondre par l’affirmative à cette question, sans hésitation. De leur point de vue, l’entreprise comporte un vaste réseau de fonctions spécifiques qui doivent être assurées de manière fiable, et les hommes sont recrutés pour répondre à ces besoins. Mais, dans les pays industrialisés, cette vision des choses est périmée depuis plus d’un demi-siècle. Jack Welch, PDG de General Electric (GE) et l’un des maîtres à penser de la gestion moderne, en fournit une bonne illustration. Welch est un praticien chevronné de la gestion, ayant occupé les fonctions de PDG de General Electric (GE) pendant deux décennies. Il en a fait l’une des entreprises les plus dynamiques sur le plan mondial, employant près de 340 000 personnes dans 100 pays, opérant dans des domaines diversifiés (ampoules électriques, générateurs électriques, appareils d’imagerie médicale, moteurs d’avion, plastiques, services financiers…). Le chiffre d’affaires de la société est passé de 27 milliards $ en 1980 à 130 milliards $ en 2000. La capitalisation boursière est passée de 14 milliards $ à plus de 400 milliards $. La société est aussi l’une des entreprises les plus admirées du monde. Elle occupe en 2006, pour la sixième fois, la place « numéro 1 » dans les classements préparés séparément par la revue américaine « Fortune » et le « Financial Times » de Londres. Welch attribue la croissance spectaculaire de son entreprise, au cours de ses deux décennies de présidence, à la conjonction de deux facteurs : le choix des hommes et la libre circulation des idées. D’après lui, l’entreprise doit constamment placer l’accent sur les valeurs d’abord, avant les chiffres. Pour réussir dans ses activités, elle doit attirer les meilleurs talents et leur donner toutes les occasions de s’épanouir, transformant ceux qui en ont le potentiel en véritables leaders. GE consacre à cet effet un temps énorme et des sommes considérables à la formation et à la gestion de carrière de son personnel, bien au-delà de tout ce qui se fait habituellement dans l’industrie américaine. D’après Welch, les responsables de l’entreprise, à tous les niveaux, doivent avoir une vision claire de comment « mieux faire » les choses qui doivent être faites. Ils doivent stimuler, motiver et inspirer les gens autour d’eux, au lieu de les énerver, de les déprimer et de les contrôler. Les membres du personnel doivent avoir l’autonomie nécessaire pour prendre leurs propres décisions, et ne pas être traités en simples agents d’exécution de décisions prises aux niveaux les plus élevés de la hiérarchie.

Les procédures doivent être simplifiées, l’atmosphère informelle et détendue, afin que les personnes concernées puissent remettre en cause les décisions des patrons, à chaque fois qu’elles le jugent utile. Les managers et l’ensemble du personnel doivent travailler comme des membres d’une seule équipe, et être récompensés sur la base des résultats du travail de groupe. L’entreprise doit être constamment en train d’améliorer la qualité de ses produits, pour qu’ils soient incontournables pour les clients. A cet effet, elle doit innover en permanence, afin de rester dans la course face à ses concurrents. Elle doit sans arrêt développer sa capacité à se renouveler, à se donner des défis et à les remporter. Les responsables doivent être à l’affût d’idées nouvelles, d’où qu’elles viennent, et apprendre à les utiliser à l’avantage de la société. Ils doivent assurer un bon suivi de tout ce qui se décide, tout en luttant contre les comportements bureaucratiques qui produisent des blocages. Le changement doit être perçu à tous les niveaux de l’entreprise comme une chance à saisir, pour améliorer la situation de la société, même quand il dérange les habitudes et les intérêts établis. Le personnel de GE est constamment mobilisé pour atteindre les objectifs de la société, ne serait-ce que pour éviter de faire partie des 10 % des effectifs dont GE se sépare chaque année, parce qu’ils sont les plus mal classés, lors des évaluations annuelles. En les remplaçant par des personnes répondant mieux à ses besoins, la société s’assure de rester à un niveau élevé de compétitivité. Welch n’est pas un guru visionnaire, qui développe ses théories de gestion dans une « tour d’ivoire », mais un véritable praticien de l’art de la gestion d’entreprise. Ayant présidé pendant vingt ans aux destinées de l’une des plus grandes entreprises du monde, avec le succès que l’on connaît, il mérite certainement qu’on étudie ses idées avec la plus grande attention.

Plan « Emergence » et développement industriel : Economia Février 2007 Chronique Entreprise

Khalid Chraibi Avec l’ouverture progressive des frontières aux produits étrangers au cours des dernières années, le marché marocain a été inondé de produits d’importation qui ont connu une grande faveur auprès du public, au détriment des produits locaux. Des entreprises de plus en plus nombreuses connaissent de ce fait des difficultés certaines, parce qu’elles n’ont pas su mettre en œuvre des stratégies industrielles et commerciales efficaces pour protéger leurs parts de marché contre cette concurrence étrangère. L’échec de la politique de mise à niveau n’a fait qu’exacerber la vulnérabilité de telles entreprises. Nonobstant cela, les industriels marocains sont invités à se tourner vers les marchés étrangers, pour y développer des débouchés pour leurs produits, afin de consolider leurs positions et de s’intégrer aux nouvelles donnes de la mondialisation du commerce. Mais, le peuvent-ils réellement ? Dans un monde industriel en mutation, à quel avenir l’industrie marocaine peut-elle raisonnablement aspirer ? Les pouvoirs publics et les opérateurs industriels se sont évidemment sentis interpelés par ces questions au cours des dernières années, ce qui les a conduits à l’élaboration du plan « Emergence ». Ce dernier se propose de mettre en valeur les facteurs compétitifs d’industries marocaines choisies, pour mieux les positionner sur le plan international. Il s’articule, on s’en souvient, autour de quatre grands axes d’intervention : Encouragement de la filière « offshore » de services et processus administratifs (tels que les « callcenters », la comptabilité, la gestion administrative, etc.) ; Création de zones de sous-traitance industrielle centrées sur les activités d’exportation dans les domaines de l’automobile, de l’électronique, de l’aéronautique, etc. ; La modernisation des secteurs agro-alimentaire (en particulier les fruits et légumes et les industries des corps gras) ; industries de transformation des produits de la mer ; textile ; et artisanat orienté export ; et L’amélioration de l’environnement des affaires par la mise en œuvre de mesures appropriées d’ordre administratif, fiscal, etc., afin de donner aux opérateurs économiques les incitations et les appuis dont ils ont besoin pour développer leurs activités. Le Plan « Emergence » constitue, ainsi, une sorte de plan de développement industriel axé sur les nouvelles opportunités de production et de commercialisation offertes par la mondialisation. Mais, peut-il réellement réaliser les objectifs ambitieux qu’il s’est fixés, tels que celui d’atteindre en dix ans le niveau de développement de la Malaisie, et en vingt ans celui de l’Espagne ? Peut-il surtout constituer des assises solides pour le développement de l’industrie marocaine de manière plus générale ? La Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) est précisément spécialisée dans l’analyse de telles questions. Dans son « Rapport sur le commerce et le développement , 2006 » publié en septembre 2006, elle analyse l’évolution de l’environnement

économique international et fait des recommandations au sujet des mesures de politique économique susceptibles d’entraîner la croissance économique et la création d’emplois, en relevant le niveau de vie à long terme dans les pays en développement. La CNUCED observe que, dans de nombreux pays du Tiers Monde, « les mesures de libéralisation de l’économie adoptées dans les années 80 et 90, à la demande des organisations financières internationales, ont accentué les inégalités, au lieu de les atténuer. Elle souligne que toute prescription relative au développement économique doit tenir compte de la situation propre de chaque pays : il n’y a pas de solution unique et universelle. » La CNUCED recommande aux gouvernements de renforcer les entreprises locales et de veiller à ce que les règles du commerce international et les conditions imposées par les institutions financières internationales ne brident pas de manière excessive ces pays en les empêchant d’adopter la ligne de conduite la plus favorable à leurs intérêts. Elle leur recommande également de protéger les entreprises naissantes, « en recourant avec circonspection aux subventions et aux droits de douane, jusqu’à ce que les producteurs locaux puissent affronter la concurrence internationale en vendant des produits de plus en plus élaborés ». « Des subventions temporaires soigneusement conçues peuvent favoriser des investissements novateurs, de même que des mesures temporaires de protection à l’encontre des importations peuvent susciter des processus d’apprentissage parmi les entreprises locales. » Elle recommande l’« intégration commerciale stratégique », permettant aux entreprises locales de s’introduire prudemment et de façon ordonnée sur les marchés internationaux. La CNUCED apporte, indirectement, un complément d’éclairage utile aux actions retenues dans le cadre du Plan « Emergence », lorsqu’elle souligne que la restructuration économique ne peut être confiée uniquement aux forces des marchés, et que les gouvernements doivent faire preuve de volontarisme pour stimuler la dynamique de ces marchés.

Mise à niveau : les raisons d’un échec : Economia Janvier 07 Chronique entreprise

Khalid Chraibi Le programme de mise à niveau des entreprises marocaines a eu 10 ans en 2006, mais ni l’Union Européenne qui l’a parrainé sur le plan financier et technique, ni les organismes marocains qui lui sont associés n’ont songé à célébrer cet anniversaire, tant le bilan qui peut en être dressé est décevant, comparé aux attentes. Pourtant, lors de son lancement il y a 10 ans, le programme était doté, a priori, de tout ce qu’il fallait pour réussir. Il se justifiait du fait que, depuis le milieu des années 1990, l’économie marocaine s’était résolument ouverte sur le monde extérieur, avec l’adhésion du Maroc à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 1994, suivie de la signature de l’accord d’association avec l’Union Européenne (1996). Au cours des années suivantes, des accords ont été signés avec l’Association européenne de libre échange (1997) ; puis, avec la Turquie, la Tunisie, l’Egypte et la Jordanie (« accord d’Agadir ») ; et enfin, avec les Etats-Unis (2004). Dans l’optique de l’ouverture totale des frontières du Maroc aux produits et aux opérateurs étrangers en 2010, il était nécessaire de placer l’entreprise marocaine dans les meilleures conditions possibles pour assurer sa pérennité, conserver ses parts de marché sur le plan interne, et développer ses activités d’exportation, afin de profiter de la dynamique de la mondialisation. Le programme de mise à niveau devait ainsi permettre de mener des actions dans des domaines aussi diversifiés que le renforcement des infrastructures ; l’amélioration de la formation professionnelle ; la promotion des exportations ; le renforcement des associations professionnelles ; le développement de l’infrastructure technologique ; la réalisation de diagnostics d’entreprises ; le financement de la mise à niveau, etc. Les associations professionnelles étaient mobilisées pour encourager leurs adhérents à y participer. « Euro-Maroc Entreprise » fut créée pour gérer toutes ces activités sur le terrain. Elle devait réaliser des activités de pré-diagnostics, organiser le financement et la réalisation de diagnostics approfondis et de plans d’affaires, mettre en relation les entreprises marocaines avec des partenaires étrangers… Mais, le programme eut beaucoup de mal à décoller, pour de multiples raisons. La multiplicité et la complexité des règles de fonctionnement de l’Union Européenne et les innombrables conditions à remplir pour le démarrage du programme entraînèrent des retards sévères dans sa mise en œuvre. La démarche d’Euro-Maroc Entreprise était, de son côté, si pointilleuse et complexe, dans son souci de respecter toutes les règles et contraintes établies par l’Union Européenne pour la mise en œuvre du projet, qu’elle réduisit presque à néant son impact sur le secteur industriel. En 2002, Euro-Maroc Entreprise dressait le bilan suivant de ses opérations cumulées sur plusieurs années : « Sur un total de 250 entreprises ayant déposé un dossier de demande à Euro-Maroc Entreprise depuis sa création, 150 ont été retenues et 100 pré-diagnostics ont été réalisés. Sur les 50 demandes déposées pour le passage à la deuxième phase, 20 ont pu être retenues jusqu’à présent. Un plan d’affaires a été réalisé pour une seule entreprise ».

Tirant la leçon de quelques cinq années de « démarrage » du programme, les différents partenaires procédèrent à sa refonte en 2002. En vue de dynamiser le processus, l’Etat renforça sa position comme acteur dans la mise en oeuvre du programme de mise à niveau. Mais, l’éparpillement des responsabilités entre de nombreux intervenants, en même temps que la centralisation des décisions à un niveau hiérarchique élevé, finit par gripper le système. Une Agence nationale pour la promotion de la PME (ANPME) fut créée, devant jouer un rôle de premier plan dans la mise en œuvre du programme révisé de mise à niveau. Mais, malgré le regroupement des lignes de crédit étrangères auprès de cette agence, pour une plus grande efficacité, les résultats continuèrent d’être décevants. Les procédures étaient interminables et les entreprises avaient beaucoup de difficultés à accéder aux fonds, relativement modestes. Les PME continuèrent d’expliquer leur peu d’empressement à y recourir par les nombreuses contraintes auxquelles elles étaient confrontées, dans les domaines de la fiscalité, du foncier et du crédit, entre autres. Le programme continua d’être perçu par les utilisateurs potentiels comme un simple programme de bailleurs de fonds étrangers, qui ne suscitait guère de véritable mobilisation au niveau national. Il a fini par ressembler à une greffe que l’organisme aurait rejetée, pour de multiples raisons. Seule, l’Union Européenne a sauvé la mise, grâce à sa stratégie gagnant-gagnant. En effet, si le programme de mise à niveau réussissait, il donnait beaucoup de travail aux cabinets-conseils européens qui devaient nécessairement être associés à l’opération de mise à niveau. Et s’il s’embourbait, c’étaient les entreprises européennes qui profiteraient de la situation, et trouveraient plus de facilité à s’imposer sur le marché marocain, face à des entreprises marocaines mal préparées à défendre leurs parts de marché.

Il n’est de richesse que d’hommes : Economia Décembre 2006 Chronique Entreprise

Khalid Chraibi L’Union Marocaine pour la Qualité (UMAQ) a organisé, du 13 au 17 novembre 2006, la Semaine Nationale de la Qualité sous le thème : « Investir dans nos ressources humaines, c’est développer nos performances ». Elle a également placé l’édition 2006 du Prix National de la Qualité sous le thème : "Croire dans les ressources humaines, c'est la clé du succès". L’UMAQ appelle ainsi l’attention des entreprises sur l’une des ressources les moins valorisées de notre pays. En effet, quand le chef d’entreprise marocain dresse la liste des atouts dont son entreprise dispose pour développer et diversifier ses activités, pour améliorer ses produits, ou pour étendre sa part de marché, que ce soit sur le plan national ou à l’étranger, ce ne sont pas les ressources humaines de l’entreprise qui lui viennent spontanément à l’esprit. Il pensera plutôt à des facteurs à son avis plus importants tels que les infrastructures, les biens d’équipement et les ressources financières dont l’entreprise dispose, les marques importantes qu’elle commercialise, les brevets qu’elle détient, la part de marché qu’elle occupe, l’assistance technique étrangère qu’elle peut éventuellement mobiliser dans ses activités, etc. Par contre, dans son esprit, le personnel sera le plus souvent considéré comme un facteur de production de l’entreprise, qui fait partie des rubriques de charges, et non de celles des ressources. Cette vision des choses n’est pas propre au secteur industriel. Elle prédomine dans tout le pays. Ainsi, bien que le Maroc soit un pays à vocation agricole, et que le nombre des experts en agriculture y soit des plus modestes, les ingénieurs agronomes marocains ont le plus grand mal à trouver un emploi dans les grandes propriétés agricoles privées. Les propriétaires terriens préfèrent, en effet, faire l’économie du salaire d’un ingénieur agronome, se contentant de petit personnel d’encadrement formé sur le tas pour prendre soin de leurs activités agricoles. Dans leur esprit, l’ingénieur agronome ne leur apportera pas grand’chose d’utile, pour justifier son salaire. Il ne sera pas une ressource qui enrichira leurs activités, mais plutôt une charge à éviter. Des exemples similaires, se rapportant à tous les métiers, viennent à l’esprit à foison. En conséquence, on se retrouve dans la situation paradoxale où des diplômés de haut niveau, dans les spécialités les plus diverses, sont au chômage dans un pays où tout, en vérité, reste à faire pour répondre aux besoins quotidiens de la population ou pour améliorer son bien-être. Bien plus, ceux qui en ont la possibilité sont encouragés à partir à l’étranger, pour y chercher du travail, comme si le marché de l’emploi au Maroc était déjà saturé, et comme si ces diplômés ne pouvaient rien apporter d’utile à l’économie marocaine. Cette approche témoigne d’une méconnaissance grossière des données de la situation. En effet, il y a cinq siècles déjà, le célèbre homme de loi et économiste français, Jean Bodin, affirmait : « Il n’y a de richesse que d’hommes ». Il signifiait par là que, dans le domaine militaire, sur lequel portait son analyse, ce sont les hommes, plus que tout autre facteur, qui font la puissance d’une nation. L’expérience des pays industrialisés au cours des derniers siècles témoigne, s’il en était besoin, que la proposition de Jean Bodin s’applique également à d’autres domaines, tels que ceux de l’économie ou de l’entreprise. En effet, les grandes puissances économiques contemporaines ont énormément misé, depuis plus d’un siècle, sur la valorisation de leurs ressources humaines, à travers l’enseignement généralisé, le développement de l’enseignement supérieur, l’aide aux étudiants, la formation

professionnelle sur une grande échelle, la recherche, etc. Toutes ces mesures ont aidé à transformer les ressources humaines de ces pays en autant de leviers de développement de leur puissance et de leur richesse, tant au niveau des Etats qu’à celui des citoyens. Aujourd’hui, les entreprises marocaines n’ont pas d’autre choix, si elles veulent survivre, que de se « mettre à niveau », selon l’expression consacrée, pour faire face, dans des conditions viables, à la concurrence internationale à laquelle elles seront confrontées, de manière de plus en plus vive, au cours des prochaines années. Il faut souligner à cet égard que même les entreprises qui faisaient le plus illusion, face à leurs concurrents nationaux, se sont révélées d’une grande vulnérabilité, ces dernières années, une fois confrontées à une concurrence étrangère déterminée. Elles devront donc développer leur capacité de performance, en mettant en place des structures compétitives et des compétences techniques très fortes, que ce soit au niveau de leur organisation, de leur encadrement, ou de la gestion de leurs ressources matérielles, humaines, financières, techniques ou managériales. La mise en place de structures et d’une politique de gestion méthodique des ressources humaines, à l’instar de ce qui se pratique dans les grandes entreprises occidentales, jouera un rôle essentiel dans le succès de cette opération, validant la proposition de l’UMAQ selon laquelle : « Croire dans les ressources humaines, c'est la clé du succès ».

Réforme fiscale, privatisations et développement : Economia Novembre 2006 Chronique entreprise

Khalid Chraibi Au moment de présenter le projet de loi de finances 2007 au Parlement, le Ministre des Finances a toutes les raisons de se réjouir. L’économie marocaine témoigne d’une bonne santé, avec une croissance du PIB aux environs de 7,5 %, une inflation maîtrisée, un déficit inférieur à 3 %, malgré la facture pétrolière en hausse, et un compte courant extérieur excédentaire, grâce aux performances du tourisme (+ 29 %), aux recettes des MRE (+ 16,5 %) et à une amélioration des exportations (+ 11,7 %). Alors que les avoirs extérieurs sont à leur niveau le plus élevé, les recettes fiscales se sont également nettement améliorées (IS + 27 %, TVA + 18 %), grâce à l’amélioration aussi bien de l’activité économique que du rendement de l’administration. Cette bonne tenue de l’économie marocaine en 2006 a rendu possible la mise en œuvre des changements fiscaux programmés pour 2007, comprenant, en particulier, une réforme de l’impôt sur le revenu (IGR, devenu IR), la promulgation du Code des impôts et la réforme de la fiscalité locale. Le changement au niveau de l’IR touche aussi bien les taux que la grille des revenus : le seuil non imposable est relevé de 20 000 dh à 24 000 dh ; le taux applicable au salaire annuel supérieur à 120 000 dh est ramené de 44% à 42 % et une nouvelle tranche de 60 000 dh à 120 000 dh est créée, imposée au taux de 40 %. De ce fait, la pression sur les revenus salariaux enregistrera une baisse d’environ 3 % sur pratiquement tous les niveaux de salaire, améliorant le pouvoir d’achat de la population de manière générale. Le code des impôts, qui sera promulgué en 2007, ne contiendra pas, quant à lui, de nouveautés significatives, mais récapitulera tous les éléments introduits dans les Lois de finances de 2004, 2005 et 2006. Placé sous les signes de l’harmonisation, la simplification et la réduction du nombre des articles (ramenés à 252 au lieu de 415 auparavant), il consacrera l’amélioration de l’administration fiscale et sa modernisation. Quant à la réforme de la fiscalité locale, préparée par le ministère de l’Intérieur, avec l’appui de celui des Finances, elle sera marquée par la réduction du nombre de taxes locales, ramenées à onze, et se traduira par la mise en place de nombreux assouplissements. La taxe professionnelle se substituera à la patente et la taxe d’habitation remplacera la taxe urbaine. Tous ces changements devraient déboucher sur une simplification ainsi qu’une baisse de la pression fiscale locale. La TVA, par contre, sera maintenue en l’état, sans changements majeurs en 2007. L’objectif de deux taux de TVA, réclamé de nombreux côtés, continuera de faire l’objet d’étude de la part des services de l’administration fiscale. En ce qui concerne la réforme de l’IS, réclamée de longue date et avec persistance par le patronat, le Ministre des Finances «comprend la légitimité de cette revendication de la CGEM». Le principe d’une baisse de trois points du taux d’imposition des sociétés (de 35 à 32 %) est, semble-t-il, déjà acquis. Le Ministre observe, dans ce contexte, qu’ «il est vrai

qu’à 35% le taux de l’IS est élevé mais, avec la provision pour investissement, il n’est réellement que de 28 à 30% ». La baisse de l’IS pourrait être envisagée pour l’année 2008, si les circonstances économiques et financières s’y prêtent. Si l’Etat décide d’appliquer cette réforme, il faudra alors supprimer la provision pour investissement dès 2007, puisque l’IS est toujours acquitté sur le bénéfice de l’exercice précédent. Mais, l’Etat doit d’abord identifier d’autres ressources à lever, pour compenser le manque à gagner important qui découlera de cette réforme. Or, divers indicateurs économiques et financiers peuvent prêter à anxiété en 2007. A titre d’illustration, la croissance du PIB ne se situerait qu’à quelques 3,5 % par rapport à 2006. Le total des dépenses de la dette s’élèverait, quant à lui, à quelques 59 milliards dh, dont 9,5 milliards dh pour la dette extérieure (+ 2,75 %) et 49,6 milliards dh pour la dette intérieure (+ 40,8 %). Le coût du service de la dette s’accroîtra de quelques 33 % (correspondant à 30 % du budget général). Quant à la Caisse de compensation, elle absorbera près de 16 milliards dh. Un taux d’endettement aussi élevé se situe clairement à un seuil critique qu’il n’est guère recommandable de dépasser, et rend les finances publiques bien vulnérables. Si l’on écarte l’option du recours à l’emprunt, le Ministère des finances en sera réduit à envisager d’autres options, telles que la privatisation de grandes entités publiques, qui pourraient faire tomber des recettes substantielles dans son escarcelle. Des organismes tels que l’OCP, la CDG, l’ODEP ou l’ONCF pourraient ainsi se trouver dans la ligne de mire des experts du Ministère, au cours des prochaines années. Mais, la cession de tels organismes fera progressivement passer les fleurons de l’économie marocaine aux mains des étrangers, seuls assez riches pour s’en porter acquéreurs, même s’ils ne sont pas nécessairement aussi soucieux que les nationaux des besoins et des priorités du pays. Est-ce bien raisonnable de mettre des étrangers aux commandes de ce que nous avons édifié de mieux au Maroc, depuis un siècle, et d’en faire les décideurs de ce que sera le développement du pays à l’avenir ? Par contre, le Ministère des Finances pourrait explorer avec profit les effets sur les finances publiques d’une réduction substantielle des dépenses associées au train de vie de l’Etat. Nul doute qu’il identifierait des économies considérables à réaliser en ce domaine. La sagesse populaire n’enseigne-t-elle pas, à cet égard, que le bon père de famille doit vivre selon ses moyens, sans commettre d’excès, ni dilapider son héritage, s’il en a fait un, ni laisser de dettes à ses héritiers ?

Bâtisseurs d’empire : Economia Octobre 2006 Chronique entreprise

Khalid Chraibi Au cours des dernières années, quelques Groupes économiques et financiers marocains occupant des positions-clé dans le paysage industriel, commercial et financier du pays ont saisi au vol les occasions qui se présentaient (introductions en Bourse, « privatisation » des participations détenues par l’Etat, etc.) pour procéder à une restructuration en profondeur du patrimoine économique qu’ils détenaient, renforçant leur main-mise sur de nombreux secteurs d’activité. Ils ont ainsi pris de plus en plus l’allure de « conglomérats », c’est-à-dire des regroupements au sein d’un même holding d’entreprises hétéroclites, oeuvrant dans les secteurs les plus divers, dont le seul point commun est qu’ils ont le même actionnaire de référence. Ce faisant, le pouvoir de décision économique et financier s’est trouvé de plus en plus concentré, pour le meilleur comme pour le pire, entre les mains de ces entrepreneurs reconvertis en « bâtisseurs d’empire ». Parmi les nombreux Groupes qui relèvent de cette catégorie (AKWA, BMCE, Chaâbi, Holmarcom, etc.), le Groupe ONA est particulièrement représentatif de la situation, que son Président décrit en 2006 comme suit : « Le groupe ONA est un groupe industriel à logique d’opérateur multipolaire centré sur des positions de leadership, dans des métiers dont la croissance accompagne le développement économique du Maroc et de la région. » Aujourd’hui, les marques du Groupe, nombreuses et diversifiées, sont ultra-présentes dans les foyers marocains, et pourraient accompagner tous les moments forts d’une journée normale (lait, yoghourt, raïbi, sucre, huiles Lesieur, Cristal, Huilor ou Oléor, savons de ménage (dont La Main) et de toilette (dont Le Paon) ; voitures de tourisme Peugeot, Citroën ou Renault, services bancaires et d’assurance auprès d’AttijariWafa bank, AXA Assurance Maroc, Wafa Assurance ou le Cabinet Agma Lahlou-Tazi ; hypermarchés Marjane, supermarchés Acima ; télévision de 2M. Mais les activités du Groupe ONA couvrent également d’autres créneaux très importants de biens durables et de services, qui sont beaucoup moins connus du grand public, tels que : les mines (Managem…), l’immobilier de luxe et de loisirs (Amelkis et golfs), la pêche en haute mer (Marona), le conditionnement de produits de la mer (La Monégasque), le négoce international (Optorg), etc. Si l’on continue avec l’exemple de l’ONA, on relève que le Groupe a renforcé en 2005 sa position dans le secteur sucrier, avec la reprise des sucreries publiques par Cosumar. Mais il a également manifesté sa volonté de se diversifier sur le plan de la région nord-africaine, avec l’acquisition par Attijariwafa bank de 54 % de la Banque du Sud en Tunisie, par exemple. Le Groupe entre également, en 2006, dans des activités à fort potentiel de croissance à moyen terme comme les télécoms (obtention par Maroc Connect de la 3è licence de téléphonie fixe à mobilité restreinte) et les « utilities » (services aux collectivités, notamment dans le secteur de l’eau, de l’énergie, de l’environnement ou encore de l’assainissement). Le Groupe qualifie ces activités de relais de croissance.

Grâce à toutes ces actions et initiatives, le Groupe ONA joue clairement le rôle de leader dans le développement de nombreux secteurs économiques du pays. D’ailleurs, depuis que la SNI en a pris le contrôle, le Groupe ONA a, encore plus que par le passé, les moyens de ses ambitions. Cependant, l’expérience vécue des conglomérats incite à beaucoup de prudence à leur égard, comme modèles d’organisation. Ils ont connu leur plus fort développement aux Etats-Unis, à partir des années 1960, et furent parés à l’origine de toutes les vertus. Mais ils prirent rapidement des allures de prédateurs et de spéculateurs, prenant de grands risques dans leurs opérations, et finissant presque tous par disparaître dans les décennies suivantes, à cause de leurs montages financiers très vulnérables. Au Maroc aussi, de nombreux effets pervers peuvent être associés aux activités des conglomérats, et toutes sortes de dangers peuvent les guetter, même quand ils semblent, aux yeux de l’observateur externe, faire un parcours sans faute : bureaucratie, lenteurs (et parfois de l’improvisation) dans la prise de décision, un certain arbitraire parfois dans les choix retenus par le management. La dispersion de l’équipe dirigeante sur des activités qui n’ont rien de commun entre elles, conduit à des erreurs d’appréciation, élimine le « professionnalisme » et le sens du « métier ». Les relations privilégiées avec des banques importantes, membres du conglomérat, aboutissent à biaiser les opérations de prêt de ces dernières, afin de sauvegarder les intérêts du conglomérat. La facilité d’accès au financement auprès des banques du Groupe encourage les dérapages dans la sélection des projets à développer, y compris les choix à caractère spéculatif. Elle favorise également le surendettement du Groupe, source de tous les dangers. L’arbitrage financier entre le financement de différents projets prioritaires devient difficile en cas de difficultés d’un projet important. Le conglomérat essaiera toujours d’user de sa position dominante pour verrouiller ses secteurs d’activités à l’entrée de concurrents, et a généralement divers moyens d’atteindre ses objectifs en la matière ; parallèlement à cela, l’entreprise dominante a tendance à développer un laisser-aller dans divers aspects de ses produits et de ses activités, en l’absence d’une concurrence sérieuse. Finalement, même des équipes de management de premier plan connaissent des hauts et des bas dans leur performance (exemple des dérives des équipes dirigeantes de la BNDE ou du CIH). Les conglomérats peuvent donc être de mode actuellement au Maroc, et mener des opérations très profitables pour leurs actionnaires, mais ce n’est pas sur eux qu’il faut compter pour le développement économique et social du pays, à long terme. Une saine concurrence devrait être maintenue dans la sphère économique, entre tous les opérateurs nationaux, afin d’éviter les dérapages auxquels les opérations de ces « bâtisseurs d’empire » pourraient se prêter.

Paradoxes : Economia n° 7 - septembre 2006 Chronique entreprise

Khalid Chraibi A l’ère de la mondialisation, les marocains ressentent beaucoup d’attrait pour tout ce qui provient de l’étranger, qu’il s’agisse de produits, de services ou de conseil. Mais, dans certaines situations, cet intérêt devient manifestement excessif, et nous fait perdre de vue nos intérêts bien compris. Ainsi, de nombreuses communes confient-elles à des organismes étrangers la gestion des activités de distribution d’eau et d’électricité, ou de ramassage des ordures ménagères, etc. Ne serait-il pas plus raisonnable de les confier à des opérateurs marocains expérimentés, à un moment où tout devrait être mis en œuvre pour promouvoir l’emploi dans le pays ? Ou bien estime-t-on qu’ils ne peuvent pas maîtriser la technicité de telles opérations ? D’autres services nécessitant des investissements plus lourds mais générant aussi des bénéfices plus intéressants, tels que la gestion d’autoroutes ou de ports, sont également souvent confiés à des opérateurs étrangers, après un demi-siècle d’indépendance. De même, au niveau du conseil d’entreprises, des commandes pour des montants considérables sont régulièrement passées aux cabinets spécialisés étrangers, au détriment des professionnels marocains oeuvrant dans les mêmes domaines d’activité. Pendant ce temps, les jeunes marocains diplômés des meilleures écoles étrangères hésitent à rentrer au pays, une fois leurs études terminées, de peur de se retrouver au chômage. Lorsque ces jeunes marocains décrochent un travail à l’étranger, dans une multinationale, faut-il s’en réjouir ? Car, la société marocaine perd tout le bénéfice de l’investissement national considérable qu’elle a effectué dans leur formation pendant une vingtaine d’années, au profit d’opérateurs étrangers. L’attrait de l’étranger se manifeste également, au niveau industriel, à l’occasion de la cession des fleurons de l’industrie marocaine à des investisseurs étrangers. Il ne s’agit, le plus souvent, que d’un transfert de titre de propriété, sans grande signification sur le plan économique, mais l’événement est célébré comme une étape marquante dans le développement de l’industrie nationale. Est-ce bien raisonnable de se réjouir de la cession de notre patrimoine, qui ne devrait s’effectuer que lorsque nous y sommes contraints et forcés ? Sur un plan un peu différent, au niveau des entreprises, le marché national a été inondé, au cours des dernières années, dans le cadre de la « mondialisation », de milliers de produits et de services de toutes provenances, répondant aux besoins les plus courants comme aux goûts les plus exotiques des consommateurs et des investisseurs. Le consommateur marocain ne peut que s’en réjouir, bien sûr. Mais, de nombreux entrepreneurs marocains voient la part de marché de leurs produits rétrécir comme une peau de chagrin, entraînant des difficultés de tous ordres, qui mènent à des réductions de personnel ou même à des fermetures d’usines.

Par ailleurs, les produits marocains connaissent souvent de grands déboires sur les marchés étrangers. Où sont donc passés les bienfaits de la mondialisation, tant vantés lors de la signature des accords internationaux ? Enfin, certains marocains sont tellement subjugués par l’étranger qu’ils demandent une nationalité étrangère dès qu’ils disposent du moindre prétexte pour ce faire. Pendant ce temps, des citoyens moins favorisés perdent, semble-t-il, tout espoir de trouver un travail dans leur pays, d’y fonder un foyer, ou d’y construire leur avenir. Ils n’hésitent pas à traverser l’océan dans de frêles embarcations, au péril de leur vie, pour entrer sans papiers dans des pays étrangers où ils espèrent, éventuellement, un jour, obtenir un travail et régulariser leur situation. Ne serait-il pas plus raisonnable, dans ces conditions, de faire preuve de plus de solidarité au niveau national, et d’œuvrer tous ensemble pour réduire ces paradoxes ? Ne pouvons-nous pas mettre en commun nos ressources, notre savoir-faire, notre ingénuité, pour construire le Maroc de demain, au lieu d’offrir ce que nous avons de mieux à des étrangers, au détriment de la communauté nationale ?

La CGEM à l’ère du candidat unique : Economia n° 6 Juillet 2006 Chronique Entreprise

Khalid Chraibi Le poste de Président de la CGEM comporte prestige, visibilité, et de réelles possibilités d’influer sur le cours des événements dans le champ économique, pour celui qui se sent une vocation de leader. L’élection du nouveau Patron des patrons, une fois tous les trois ans, est donc l’occasion d’une très forte mobilisation des adhérents, dans cette organisation regroupant des milliers d’entreprises réparties dans une multiplicité de fédérations. Mais, les élections de 2006 ont fait exception à cette règle. Bien qu’une demi-douzaine de noms de candidats aient été avancés dans la presse, de manière récurrente, pendant des mois, aucune des personnalités mentionnées n’a franchi le pas décisif de déposer un dossier de candidature. Cet état des choses inquiéta suffisamment le Président sortant pour qu’il demande à son Conseil juridique de lui indiquer la procédure légale à appliquer le 30 juin, le cas échéant, si personne ne se portait candidat aux fonctions de Président dans les délais impartis. La « frilosité » des candidats potentiels s’explique en partie, d’après certains, par les mésaventures que le Président sortant de la Confédération patronale auraient connues, à la suite de sa mémorable sortie médiatique de l’été 2005. Ayant fait part très franchement, dans une interview, de ses frustrations au sujet de différentes questions d’ordre politique, économique et social, sans s’entourer des précautions oratoires appropriées, il s’attira, semble-t-il, des vexations protocolaires et professionnelles suffisamment significatives pour échauder des membres influents de la Confédération et refroidir les ambitions des candidats potentiels à sa succession. Mais, le facteur explicatif le plus important réside probablement dans les calculs électoraux pointus auxquels les candidats peuvent se livrer, sur la base de la nouvelle distribution des voix électorales par adhérent, après la réforme des statuts de 2005. Compte tenu de la multiplicité des « clans » au sein de la CGEM, aux intérêts divergents et aux stratégies incompatibles entre elles, il est difficile à l’un de leurs candidats de dégager une majorité viable. En contraste, le club très fermé des grands groupes a énormément étendu son influence au sein de la Confédération, au cours des dernières années, et peut mobiliser, aujourd’hui, un nombre considérable de voix électorales au profit du candidat de son choix. Il peut ainsi faire pencher la balance de manière décisive, face à un électorat divisé. La candidature « impromptue » de M. Hafid Elalamy à la présidence de la Confédération s’inscrit fort logiquement dans cette optique. C’est un enfant de la maison, un homme connu de tous, au charme débonnaire, aux grandes qualités humaines, à la grande expérience professionnelle également, couvrant l’informatique et les assurances au Canada, l’ONA, Agma, la CNIA, l’offshoring, etc. au Maroc. Non seulement a-t-il indéniablement réussi dans sa carrière d’homme d’affaires, mais il est très bien introduit dans les cercles influents du pays, « un membre du sérail ». Fort intelligemment, il explique les différents montages financiers et boursiers sur lesquels il a bâti sa fortune personnelle, au cours des dernières années, pour bien montrer qu’il n’y a pas anguille sous roche. Les grands groupes qui le parrainent le présentent comme un « candidat de la dernière chance », l’homme au profil idoine pour « débloquer la situation » et pour impulser la CGEM dans une nouvelle direction, plus en ligne avec l’image et les besoins du « nouveau Maroc ».

Le candidat Elalamy observe : « Prendre la responsabilité de la CGEM, ce n’est pas chercher des galons. Ce n’est pas un bâton de maréchal, c’est une responsabilité. Le Maroc n’est pas en situation où l’économie va aller de mieux en mieux sans volonté de réformes et sans engagement de la part de tous les opérateurs économiques. » Il pense qu’il faut régénérer la CGEM, qui doit adopter une démarche, des positions et un mode de fonctionnement plus en phase avec la conjoncture marocaine actuelle, tant sur le plan national qu’international. La CGEM doit revenir à sa mission première : défendre les intérêts de ses adhérents et de l’économie, « en évitant les débats stériles ». Elle doit essayer, autant que faire se peut, d’aider l’entreprise marocaine à mieux vivre son époque. Elle doit contribuer à trouver, avec le Gouvernement, le Parlement et les différentes institutions du pays, les moyens d’activer la croissance et la création de richesses pour tous. La CGEM doit transmettre aux patrons le message qu’ils doivent prendre en main leur avenir, ensemble, maintenant que l’Etat essaie de se désengager autant que faire se peut du champ économique. Elle doit accompagner les entreprises dans leurs stratégies, les aider à se réadapter en cas de besoin, pour s’intégrer dans le flux de la mondialisation. Elle doit donner aux opérateurs une vision macroéconomique et une capacité d’anticipation. Ainsi, même s’ils sont pris dans l’engrenage des activités quotidiennes, ils doivent pouvoir obtenir auprès d’elle une vision claire de l’économie mondiale en évolution. Le candidat veut établir un dialogue constructif avec l’ensemble des interlocuteurs : pouvoirs publics, partenaires sociaux et autres. Les adhérents attendent de la CGEM qu’elle défende leurs intérêts, et elle doit avoir les moyens de le faire. Or, demande-t-il, « si elle coupe les canaux de communication avec le pouvoir, avec les partenaires syndicaux, comment peut-elle régler les problèmes » ? Il insiste sur la nécessité d’éviter toute confusion entre le politique, l’économique et le stratégique. Il est important que chacun joue sa partition, toute sa partition mais uniquement sa partition. Le candidat, qui est féru de musique, explique : « Prenez un orchestre philharmonique. Vous avez des percussions, des violons et un chef d’orchestre. Lorsque les violonistes déposent leurs violons et s’improvisent percussionnistes, nous obtenons une cacophonie. Chacun doit assumer pleinement sa mission. Lorsque, au sein de la CGEM, j’ai une politique économique que je souhaite voir mettre en place et que je dois communiquer au législatif, est-ce de la politique que de lui expliquer comment l’économie pourrait mieux fonctionner ? » Le discours séduit, autant que la personnalité chaleureuse du candidat. Mais, sera-t-il vraiment capable de traduire son discours dans les faits, et saura-t-il maintenir l’équilibre indispensable entre les PME et les grandes entreprises, dans les préoccupations de la Confédération ? Lui qui défend la création des champions nationaux, pour des raisons économiques, saura-t-il faire en même temps tout ce qui est nécessaire pour renforcer le tissu économique principal de la CGEM : la PME/PMI ?

Formation et compétitivité : Economia n° 5, juin 2006 Chronique Entreprise

Khalid Chraibi La formation continue du personnel est-elle un atout pour l’entreprise, dans ses efforts de développement de produits compétitifs et dans sa lutte pour l’accroissement de ses parts de marché ? Les chefs d’entreprise marocains ne le pensent pas, si l’on en croit une enquête citée dans le rapport de la Banque Mondiale sur l’économie marocaine, rendu public en avril 2006, sous le titre « Promouvoir la croissance et l’emploi à travers la diversification productive et la compétitivité ». Plus de 80 % des chefs d’entreprise interrogés ont déclaré ne pas offrir de formation professionnelle à leur personnel « parce qu’elle n’était pas nécessaire ». Le dédain des entrepreneurs marocains pour les activités de formation « place le pays parmi ceux qui ont le plus bas niveau de formation dans les entreprises». Pire encore, il constitue, de l’avis de la Banque Mondiale, l’une des contraintes significatives qui réduisent la compétitivité des entreprises marocaines et découragent l’innovation, débouchant sur un faible taux de croissance aussi bien des unités concernées que de l’économie marocaine globalement. Les auteurs du rapport observent, à cet effet, à titre d’illustration, qu’au Maroc « les travailleurs peu qualifiés et à faible valeur ajoutée prédominent dans les entreprises orientées vers l’export. Ceux qui ont passé moins de six ans à l’école représentent 45 % de leurs effectifs, et 7 % seulement ont effectué plus de 12 années de scolarisation. » De manière plus générale, ils relèvent qu’à peine 9 % des travailleurs marocains ont terminé leurs études secondaires. Comment s’explique, dans ces conditions, le faible intérêt témoigné par les entreprises marocaines pour les activités de formation alors que, en contraste, pratiquement toutes les entreprises américaines, européennes ou asiatiques avec lesquelles elles risquent de se trouver en situation de concurrence sur les mêmes marchés offrent des opportunités de formation continue à leur personnel ? Les réponses des entreprises marocaines à ce sondage méritent qu’on s’y arrête, parce qu’elles aident à identifier les vraies raisons pour lesquelles les activités de formation restent embryonnaires. Ainsi, nombre d’entreprises déclarent-elles ne disposer que du strict volume de personnel nécessaire à leur bon fonctionnement, et sont donc réticentes à le libérer à des fins de formation, pendant les heures de travail. D’autres unités craignent de voir le personnel qu’elles auront contribué à former les quitter pour un poste plus attrayant ailleurs, réduisant à néant le bénéfice pour l’entreprise des efforts de formation consentis. Pour moins d’un-cinquième des chefs d’entreprise interrogés, ce sont des considérations d’ordre financier qui justifient leur désintérêt pour les activités de formation. Ils soulignent la nature fastidieuse et complexe du mécanisme de remboursement par les autorités concernées des frais des activités de formation, et le caractère imprévisible du montant des remboursements qui seront effectivement reçus par l’entreprise.

Les experts en formation ajoutent que la majorité des dirigeants marocains d’entreprises n’ont qu’une connaissance approximative des besoins de formation de leur personnel. Nombre d’entre eux sont habitués à gérer des « postes de travail » (et non pas les hommes qui les occupent), chaque membre du personnel ayant une fonction spécifique à remplir, tel un rouage dans une machine. Le chef d’entreprise est satisfait quand la machine tourne correctement, c’est-à-dire quand tous les participants sont en place et accomplissent leur tâche de la manière qu’il attend d’eux. Les sociologues pourraient ajouter, dans ce contexte, qu’une majorité des décideurs dans les entreprises marocaines ne sont pas issus d’Ecoles Supérieures de Commerce, mais ont le plus souvent développé leur savoir-faire et aiguisé leurs talents en travaillant sur le tas, tout au long d’une longue carrière. Ne se basant que sur leur vécu, et en l’absence du référentiel culturel requis, il leur est difficile d’apprécier à sa juste valeur la contribution positive pour l’entreprise d’une formation continue du personnel, dont ils ne mesurent de manière évidente que le coût. En tout état de cause, il est clair qu’une vision statique de l’employeur gérant des postes de travail ne peut guère intégrer de la manière appropriée la nécessité des activités de formation. En effet, celle-ci repose sur une vision dynamique des ressources humaines, intégrant comme paramètres de base la mobilité du personnel entre différentes fonctions, ainsi que la possibilité de progression d’un employé d’un niveau de responsabilité à un autre. Elle implique de ce fait l’existence de plans de carrière, ce qui est en rupture totale avec une vision statique des « postes de travail ». Au moment où le Maroc se prépare à l’ouverture totale de ses frontières aux produits et aux opérateurs étrangers en 2010, il est plus nécessaire que jamais de placer l’entreprise marocaine dans les meilleures conditions possibles pour assurer sa pérennité, conserver ses parts de marché sur le plan interne, et développer ses activités d’exportation afin de profiter de la dynamique de la mondialisation. Les activités de formation continue forment un élément essentiel de la mise à niveau du personnel des entreprises, afin qu’il contribue à produire des produits de qualité, au moindre coût, sans gaspillage, dans le respect des spécifications et des délais. Il existe dans les grands centres industriels du pays une offre conséquente de programmes de formation adaptés aux besoins des différentes catégories de personnel d’entreprise, ayant son origine tant au niveau de l’OFPPT (Office de formation professionnelle) qu’à celui d’innombrables organismes privés de formation qui se sont multipliés depuis les années 1980. Un régime de contrats spéciaux de formation (CSF) a été mis en place pour permettre aux entreprises à jour dans leurs contributions au titre de la taxe de formation professionnelle de se faire rembourser un pourcentage variable de leurs dépenses de formation (70 à 90 %) pour des programmes de formation essentiellement approuvés à l’avance. Mais les procédures des CSF sont « complexes, lentes et arbitraires », de l’avis des entreprises qui y ont recours. Afin d’encourager les entreprises à recourir sur une grande échelle aux activités de formation, il est donc nécessaire de revoir l’ensemble du système de financement, en se fixant comme objectif le remboursement intégral aux entreprises concernées du coût des formations réalisées, de manière automatique, et sans délais. A cet effet, il serait temps d’assimiler le coût de ces formations, sur le plan du principe, aux charges normales de gestion. L’entreprise procédant à des actions de formation devrait donc pouvoir passer directement les coûts encourus en charges, et réduire d’un montant correspondant les sommes qu’elle doit verser à l’Etat au titre de la taxe de formation professionnelle. Les services de l’Administration fiscale devraient procéder au contrôle de la véracité des charges de formation, selon les mêmes principes et modalités qu’ils appliquent au contrôle des autres charges de fonctionnement de l’entreprise.

Ce n’est qu’à ce prix que le Maroc pourra définitivement lever les obstacles qui se dressent dans la voie de la formation continue dans l’entreprise, garante ellemême de la compétitivité des produits marocains à l’ère de la mondialisation.

La Banque Mondiale, la croissance et l’emploi : Economia n° 4 mai 2006 Chronique Entreprise

Khalid Chraibi Depuis sa création au milieu des années 1940, la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), également connue sous l’appellation de Banque Mondiale, procède à l’étude approfondie et régulière de la situation économique et des perspectives d’évolution des pays les plus divers de la planète. Après avoir passé au peigne fin les économies dévastées des pays occidentaux, à la fin de la deuxième guerre mondiale, et aidé à leur reconstruction, elle a étendu ses talents en matière de finance, d’analyse et de conseil aux pays du Tiers Monde, à partir des années 1950, quand ils ont accédé en cascade à leur indépendance, et souhaité bénéficier des prêts à taux d’intérêt subventionné (et du savoir-faire fourni en bonus) de cette institution. Elle a ainsi développé une expertise sans pareil dans l’analyse des questions associées à la croissance et au développement économiques, tant sur le plan théorique que pratique, grâce aux ressources financières et humaines considérables qu’elle a pu mobiliser à cet effet, ainsi qu’aux économistes de renom qu’elle associe régulièrement à ses activités. Par conséquent, un rapport de la Banque Mondiale sur l’évolution de l’économie marocaine, comme celui intitulé « Promouvoir la croissance et l’emploi par la diversification productive et la compétitivité » du 14 mars 2006 est toujours d’une lecture enrichissante. Une réflexion énigmatique d’Elhanan Helpman, placée en exergue, fournit le fil directeur de l’exposé : « Pourquoi certains pays sont-ils riches et d'autres pauvres ? Les économistes s’interrogent depuis l'époque d'Adam Smith. Pourtant, après plus de deux cents ans, le mystère de la croissance économique n'est toujours pas résolu. » La Banque Mondiale note, à cet égard, que « la problématique de croissance au Maroc reste une énigme » et fait même au passage un mea culpa inattendu : « Dans la Stratégie de Coopération 20052009 (CAS), la Banque reconnaît la mauvaise compréhension de l’évolution de la croissance marocaine durant la dernière décennie, et d’une manière générale, de l’histoire de la croissance au Maroc. » Mais, une fois ceci dit, la Banque procède au diagnostic détaillé de la situation actuelle, et lance des pistes de réflexion et des propositions pour montrer les voies par lesquelles le Maroc pourrait enclencher une croissance forte et pérenne, génératrice d’emplois. Elle rappelle les atouts importants dont le Maroc jouit aujourd’hui, tels que : sa position géographique privilégiée, des prix relativement stables, une dette publique réduite, un système financier renforcé, de bonnes infrastructures, une éducation réformée, une politique volontaire de développement du tourisme et les réalisations de la politique de privatisation. L’image de marque du pays auprès des agences internationales de notation de risque est également bonne, du fait de sa stabilité politique et sociale.

Cependant, de l’avis de la Banque, la nécessaire transformation des structures de l’économie marocaine se fait trop lentement ; les exportations sont confrontées à une forte concurrence sur les principaux marchés étrangers ; le pays continue à réaliser une production à faible valeur ajoutée ; la compétitivité des produits exportés laisse à désirer, tant au niveau de la qualité que des prix. La Banque dresse alors la liste de certaines contraintes importantes qui se dressent, à son avis, dans la voie d’une forte croissance : un marché du travail rigide ; une politique fiscale qui exerce une charge trop élevée sur les entreprises et représente un handicap pour le recrutement ; un régime de change à parité fixe qui ne favorise pas la compétitivité internationale des produits ; un niveau de protectionnisme encore élevé malgré les récentes réductions tarifaires et la signature de plusieurs accords de libre échange (ALE) ; des défaillances de formation qui placent le Maroc parmi les pays qui ont le plus bas niveau de formation dans les entreprises. Pour relancer une croissance forte, le rapport propose une panoplie de mesures, telles que : maintenir le salaire minimum à niveau constant ; réformer la fiscalité en réduisant l'impôt sur le bénéfice des sociétés et le taux d'imposition de l'IGR ; simplifier le régime de la taxe sur la valeur ajoutée ; effectuer progressivement la transition vers un régime de taux de change flexible ; accélérer la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires ; et octroyer aux entreprises des incitations additionnelles au titre de la formation. Le rapport propose également d’adopter des mesures pour encourager l’embauche des demandeurs d'un premier emploi et des femmes, par une réduction temporaire du salaire minimum par exemple ; l'introduction à terme d'un programme d'assurance chômage ; et la réforme du système de sécurité sociale en vue de réduire la part de la pension dans le salaire brut, tout en renforçant les mécanismes de cotisations volontaires. Nombre de propositions contenues dans ce rapport reflètent le point de vue des opérateurs économiques marocains et leur sembleront parfaitement légitimes. Différents groupes sociaux considèreront certaines propositions comme plutôt discutables, en fonction de leurs intérêts et acquis. Le lecteur marocain sera probablement déçu de voir qu’il est encore demandé aux classes sociales les plus défavorisées de faire des sacrifices, en attendant les jours meilleurs. Contrairement à ce que Elhanan Helpman affirme, depuis qu’Adam Smith a publié ses « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » en 1776, les sciences économiques ont fait preuve d’une grande richesse, vitalité et créativité dans l’analyse des rouages économiques nationaux, l’identification des facteurs de croissance et l’évaluation de leur rôle dans les contextes économiques les plus divers. Le livre de théorie économique le plus célèbre du 20è s., « La théorie générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie » de John Maynard Keynes, publié en 1936, fut entamé comme une réflexion sur les causes du chômage et les politiques susceptibles de le résorber, à la suite de la crise de 1929. Mais Keynes se rendit vite compte que les emplois durables ne pouvaient pas être créés à coups de palliatifs, et que c’étaient les mécanismes de base de l’économie qui devaient être réévalués dans leur ensemble, en vue de créer les conditions propices à la croissance économique, seule capable de générer des emplois.

Bien que des milliers de livres et d’articles aient été publiés depuis cette époque sur ces questions, ils sont tous l’œuvre d’économistes issus de pays industrialisés, ou formés dans le moule de pensée des universités européennes et américaines. Ils abordent l’analyse de ces questions selon les paradigmes des pays industrialisés, ce qui explique qu’il n’y ait pas eu beaucoup de progrès dans l’analyse de ces questions, du point de vue des pays du Tiers Monde.

Le Groupe CDG : Economia n° 4 Entreprise du mois

Une institution financière publique dédiée au développement

Khalid Chraibi La Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG) est une institution financière publique chargée de recevoir, de conserver et de gérer des ressources d’épargne qui, de par leur nature ou leur origine, requièrent une protection spéciale (dépôts, consignations, fonds de retraite…). Elle gère des actifs totalisant près de 100 milliards dhs, détenus en grande partie sous forme de valeurs du Trésor et de participations dans des sociétés cotées en Bourse. A côté de ses missions financières de base, le groupe CDG a été chargé dès ses débuts d’un rôle de levier de développement dans de nombreux secteurs économiques tels que la promotion immobilière, le tourisme, l’aménagement de zones (touristiques, urbaines et industrielles), les infrastructures, les services aux collectivités locales… De telles opérations constituent, aujourd’hui encore plus qu’hier, un vecteur majeur d’activités du groupe. Lors de sa création en 1959, la CDG avait eu pour mission de centraliser certains types d’épargne requérant une protection spéciale (dépôts, consignations…), et de canaliser leur emploi dans des investissements productifs dans des domaines où ils jouissaient d’une sécurité adéquate, tels que les assurances, l’immobilier ou même le tourisme, désigné comme secteur prioritaire à l’époque. La Compagnie Générale Immobilière (CGI) et la Société Centrale de Réassurance (SCR) furent créées en 1960, suivies de Maroc Tourist en 1961. Par la suite, la CDG développa très fortement aussi bien ses ressources que ses emplois, dans les secteurs de la gestion de fonds institutionnels, la prévoyance, la finance et les assurances. Elle créa ou prit le contrôle d’institutions spécialisées leaders dans leur domaine d’activité telles que CIH, SofacCrédit, SNI, Maroc-Leasing, Caisse Nationale de Retraites et d’Assurances (CNRA), Régime Collectif d’Allocation de Retraite (RCAR), Caisse Marocaine des Marchés (CMM)… Pendant 45 ans, la CDG accompagna les transformations de l’économie nationale en s’adaptant pour répondre aux besoins de chaque époque ou pour saisir les opportunités qui s’offraient à elle. Elle développa ainsi une expertise et un savoir-faire propre dans de nombreux métiers, réalisant par exemple de grands projets d’urbanisme tels que Hay Ryad à Rabat, tout en devenant un acteur principal dans le marché financier. Aujourd’hui, le Groupe CDG est un acteur de référence dans ses principaux métiers : Gestion des fonds institutionnels et prévoyance, Banque finance et assurance, Développement territorial. Il ambitionne aussi de devenir un catalyseur d’investissements dans le long terme, grâce à l’expertise et au savoir-faire qu’il a développés dans la réalisation de grands projets territoriaux ainsi que dans l’animation des marchés financiers. Les ressources du Groupe à fin 2005 ont atteint 96,86 milliards dhs (+ 5 % par rapport à 2004). Son bilan totalise 50 milliards dhs (+ 9 %), et les dépôts collectés près de 42 milliards dhs (+ 10 %). Le portefeuille obligataire atteint 31,75 milliards dhs et le portefeuille « actions, placements et participations » 9,18 milliards dhs.

Le résultat net s’est élevé à 1,66 milliards dhs contre 1,17 milliards dhs en 2004 (+ 41 %). Le produit net bancaire de la seule CDG s’élève à 1,32 milliards dhs, comparé à 1,36 milliards dhs au cours de l’année antérieure. Le Groupe emploie près de 5000 personnes dans une trentaine de filiales métiers. Parmi les faits marquants des activités du Groupe au titre de l’exercice 2005, on peut relever les développements suivants par métier : Au titre de la gestion des fonds institutionnels et prévoyance : la CDG a conclu deux accords avec l’OCP et l’ONE pour le transfert global de leurs caisses de retraite respectives au RCAR, portant sur plus de 36 000 salariés et 31 000 pensionnés. Un accord d’absorption a également été conclu avec la JLEC (Jorf Lasfar Energy company) pour que les droits à pension du personnel de cet organisme soient transférés au RCAR. La CNRA prendra en charge la pension différentielle en complément de celle garantie par le RCAR en faveur du personnel de l’OCP, l’ONE et la JLEC. La CDG est désignée comme établissement dépositaire et gestionnaire des fonds issus de l’Assurance Maladie Obligatoire. Au volet Banque Finances et Assurances : Le plan de redéploiement de la BNDE est parachevé. La CDG procède à la demande de retrait de son agrément, en même temps qu’elle crée la banque d’investissement du groupe CDG, dénommée CDG Capital. La CDG prend le contrôle du CIH et confirme la volonté de développement de la banque. La Société Centrale de Réassurance porte son capital à 1 milliard dhs. La CDG développe un partenariat stratégique avec le Groupe Holmarcom visant à construire un pôle d’assurance important centré sur les compagnies Atlanta et Sanad. Au titre de la réalisation des grands projets territoriaux structurants : CDG Développement met en place sa nouvelle organisation et porte son capital à 1,73 milliards dhs. Elle prend en charge ou participe à la réalisation de projets importants et diversifiés dont on peut citer à titre d’illustration : PDR de la ville de Fès, aménagement de la zone touristique Ghandouri , projet Casashore (première zone d’offshoring du Maroc située à Casablanca), projet Technopolis (la future cité de la technologie de Rabat-Salé), chantier de la Marina de Casablanca, et projet d’AMWAJ (dans le cadre du projet d’aménagement de la vallée du Bouregreg). Le groupe CDG a procédé par étapes, depuis le début des années 2000, à la redéfinition de ses structures, à l’adaptation de son organisation, à la définition d’orientations stratégiques claires et à l’adoption d’une déclaration de politique d’investissement visant à mieux gérer les risques afférents aux activités du Groupe, dans le but : - de rester garant de la sécurité des fonds des déposants, tout en gardant à l’esprit les notions de performance et de rentabilité ; et

- de contribuer de manière significative à la réalisation des objectifs de développement économique et social du Maroc, dans le cadre des missions qui lui sont confiées, et en tirant le meilleur parti du savoir-faire de ses filiales. Les principaux aspects de ces changements sont développés dans les différents volets de ce dossier.

Le Groupe COSUMAR, locomotive de la filière sucrière : Economia n° 3 Avril 2006 Entreprise du mois

Opportunités, menaces et défis

Khalid Chraibi Le Groupe Cosumar est devenu l’opérateur incontournable dans le secteur du sucre au Maroc, depuis sa reprise des 4 sucreries nationales privatisées par l’Etat en été 2005. Il doit maintenant jouer le rôle de locomotive de toute la filière sucrière, que ce soit au niveau du développement de l’amont agricole qui fait vivre 80 000 familles ; de la restructuration et de la mise à niveau des 14 usines qui produisent près de la moitié du sucre consommé au Maroc ; ou des énormes défis que le secteur doit relever dans le cadre de la politique de libéralisation. Volet n° 1 : Le Groupe Cosumar aujourd’hui Peu de Marocains savent aujourd’hui que le pain de sucre fut produit au Maroc dès le 12ème siècle, à partir de la canne à sucre cultivée dans les régions de Souss et de Chichaoua. Pendant tout le Moyen Age, le sucre resta une denrée rare et précieuse que l’on ne consommait que dans les demeures des gens les plus aisés. Son commerce engendrait de grandes richesses, comme le rappellent les guides des tombeaux saâdiens de Marrakech, qui expliquent que le roi Ahmed El Mansour Ed-Dahbi troquait le sucre « poids pour poids, contre les matériaux les plus riches : or, onyx, marbre d’Italie » quand il édifiait le Palais EI Badi. Ce n’est cependant qu’à partir de 1929 que le pain de sucre apparaît de manière permanente sur la scène marocaine, lorsque la société sucrière Saint Louis, de Marseille, s’implanta à Casablanca sous le sigle de COSUMA, pour produire, à partir de sucre brut importé, le fameux pain de sucre « La Panthère », compagnon indissociable, depuis lors, de toutes les cérémonies de thé au Maroc. La société connut un développement exceptionnel au cours de sa longue existence, passant d’une production de sucre raffiné de 100 t/j à ses débuts à un niveau de 2 100 t/j aujourd’hui, dans son usine de Casablanca. En 1967, la société fut « marocanisée », cédant une part de 50 % de son capital à l’Etat, et son sigle connut une légère extension pour devenir COSUMAR. Dans les années 1970, elle accompagna la politique nationale de développement des cultures sucrières en créant deux sucreries dans le périmètre agricole de Doukkala-Abda, l’une à Sidi Bennour et l’autre à Khemis Zemamra. Ces deux unités enregistrèrent une forte croissance de leurs activités, avant d’être fusionnées avec Cosumar en 1993. La société entra dans le giron de l’ONA en 1985, consolidant ses assises dans l’économie marocaine en s’adossant au groupe économique numéro un du pays. Ses principaux actionnaires aujourd’hui comprennent l’ONA (56 %), la CIMR (13 %), la SNI (10 %) et diverses sociétés d’assurances et de banque. Ses actions furent cotées à la Bourse des valeurs de Casablanca à partir de 1985. COSUMAR a constamment œuvré pour l’amélioration de sa compétitivité, la modernisation de son outil industriel, la formation de son personnel et l’application d’une démarche « qualité » et « sécurité » rigoureuses dans ses activités.

En 2004, elle célébra ses 75 ans d’existence, et pouvait s’enorgueillir d’être en excellente forme. Elle était toujours le numéro 1 du secteur sucrier. Ses ventes s’élevaient à 720 m t, correspondant à plus de 68 % du marché national. Elles se répartissaient entre le sucre granulé (46 % du marché), le pain de sucre (88 %) et le sucre en morceaux et lingots (95 %). La société avait des assises financières solides, ses fonds propres avoisinant 1.5 milliards dh, son chiffre d’affaires 3.2 milliards dh, et son résultat net 250 mdh. Elle employait près de 1 900 personnes. Sa raffinerie était implantée à Casablanca, et ses usines de transformation de betterave sucrière à Sidi Bennour et Zemamra, avec une capacité de traitement de 14 000 tb/j. Les 4/5è de sa production de sucre raffiné étaient réalisés à partir de sucre brut importé, et 1/5è était obtenu à partir du sucre brut ayant son origine dans l’amont agricole marocain. Malgré cette réussite exceptionnelle, Cosumar continue de se préoccuper constamment de la compétitivité de ses produits, ce qui se traduit par un souci permanent de développer son outil industriel et de l’adapter aux nouvelles donnes de situations changeantes. Ainsi, compte tenu de l’essor considérable que connaît l’activité betteravière dans la région Abda-Doukkala, Cosumar a lancé début 2004 un grand projet d’extension des sucreries de Sidi Bennour, pour un investissement de 800 mdh. Dans une première phase correspondant à la campagne 2004-2005, la capacité devait passer de 6000 à 10 000 tb/j, et dans une deuxième phase, en 2006, elle devait être portée à 15 000 tb/j, avec notamment le transfert et l’installation des équipements de la sucrerie de Zemamra à la sucrerie de Sidi Bennour. Le traitement de la betterave serait ainsi concentré sur Sidi Bennour alors que l’activité de conditionnement des produits finis serait maintenue sur les deux sites, ce qui devrait optimiser l’exploitation au niveau des deux sites. Le projet a été concrétisé dans de très bonnes conditions. Cosumar a également lancé en 2004 un projet de construction de plate-forme de stockage de 12 000 m², et d’une capacité de 20 000 t, sur le site de la raffinerie de Casablanca, afin de rationaliser la gestion des stocks et d’améliorer le service aux clients. Cette opération se justifie du fait que quelques 600 000 t de sucre transitent par l’espace de livraison casablancais, correspondant à 55 % de la consommation nationale de sucre. De même, Cosumar a participé à l’opération de privatisation des 4 sucreries SUTA, SURAC, SUNABEL et SUCRAFOR, dont elle a acquis en été 2005 les participations détenues par l’Etat pour un montant de 1367 mdh. Elle se retrouve ainsi l’unique opérateur sucrier au Maroc, désormais, avec les capacités de traitement suivantes installées dans chaque région : Casablanca , pour le raffinage du sucre brut importé (production de 2100 t/j de pain de sucre raffiné) et le conditionnement des produits finis. Région des Doukkala (Sidi Bennour et Zemamra), avec une capacité de transformation de 14 000TB/J. Région du Tadla (Suta), avec une capacité de transformation de 14 400 tonnes betterave/Jour. Région du Gharb-Loukkos (Sunabel), avec une capacité de transformation 15 000 tonnes betterave/Jour. Région du Gharb-Loukkos (Surac), avec une capacité de transformation de 9 500 tonnes canne/Jour. Région de Moulouya (Sucrafor), avec une capacité de transformation de 3 000 tonnes betterave/Jour.

Il faut noter que les cultures sucrières, s’étendant sur une superficie de 90 000 ha, font vivre plus de 80 000 familles d’agriculteurs au niveau de l’amont agricole, soulignant l’ampleur de la tâche à laquelle Cosumar sera confrontée. Cependant, la société a déjà accumulé une bonne expérience en la matière, dans le cadre de la gestion de ses activités dans les sucreries de Doukkala. A ce stade, Cosumar projette d’investir 1.6 milliard dh dans la restructuration et le développement de la filière sucrière sur les six prochaines années. Elle espère élargir les superficies cultivées de 25 % et augmenter le revenu des agriculteurs de 40 % sur la prochaine décennie. Elle compte aussi poursuivre la mise à niveau de la filière sucrière en favorisant les synergies entre les différents sites de production et l’amont agricole. Rappelons que la privatisation des 4 sucreries s’est réalisée sans que le processus de libéralisation initié en 1996 ait progressé. La libéralisation des prix à la consommation des matières premières et des produits finis n’est toujours pas appliquée.

Volet n° 2 : Groupe Cosumar : Opportunités, menaces et défis

Rencontre avec M. Mohammed Fikrat, PDG de Cosumar : Khalid Chraibi Malgré un calendrier extrêmement chargé, coincidant avec la présentation des résultats de Cosumar pour l’année 2005, M. Mohammed Fikrat, PDG de Cosumar, a très aimablement accepté de rencontrer MM. Abdelmajid Ibenrissoul et Khalid Chraibi, respectivement rédacteur en chef et chroniqueur d’Economia. Ci-dessous, la synthèse de leur entretien : A la question : « Y a-t-il une situation de monopole de fait ? », Mr Fikrat observe que, bien que Cosumar soit devenue l’unique opérateur au niveau du secteur sucrier, il serait abusif d’assimiler cela à une situation classique de monopole. Ce sont clairement les Pouvoirs Publics qui définissent la ligne de conduite de la filière sucrière et qui fixent, actuellement, les règles du jeu à tous les niveaux névralgiques. L’administration détermine le prix payé aux producteurs de betterave et de canne à sucre au niveau de l’amont agricole, le système de tarification douanière et les taux appliqués aux importations, le forfait payé par la Caisse de compensation et le prix de vente des produits finis aux consommateurs. Le rôle de Cosumar se réduit, en quelque sorte, dans le système actuel, à une activité de façonnage pour répondre aux besoins du marché, dans le cadre défini par l’Etat. De son côté, Cosumar a des engagements à tenir vis-à-vis des agriculteurs, afin de sécuriser leurs revenus, et de préserver la pérennité de l’amont agricole sucrier. Elle doit accompagner l’amont agricole, et y généraliser les bonnes pratiques, pour améliorer la productivité des surfaces affectées aux cultures sucrières. La filière de production du sucre, secteur intégré, est organisée autour de règles qui définissent les rôles de tous les intervenants, et des dispositions pour les faire respecter. Cette organisation, si elle est bien animée, fera sans doute que tous les intervenants contribueront de la manière requise au développement compétitif de la filière sucrière, dans une stratégie gagnant-gagnant. Il faut souligner à cet égard que la filière sucrière est régulée et organisée par l’Etat dans tous les pays, quel que soit leur niveau de développement. D’une part, elle est souvent fortement intégrée dans l’amont agricole, induisant ainsi une création et distribution de richesse importante. D’autre part, chaque Etat producteur veut s’assurer de son bon développement, pour ne pas exposer son marché domestique aux fluctuations de volumes et de prix sur les marchés internationaux très volatiles. Loi sur la concurrence : Ceux qui se réfèrent aux dispositions de la loi sur la concurrence peuvent être rassurés : non seulement c’est l’Etat qui a bien mené le processus de la privatisation qui a mis Cosumar en situation d’opérateur unique, mais les juristes de Cosumar se sont assurés, au cours de la concrétisation de cette privatisation, que tous les aspects juridiques de l’opération étaient conformes aux exigences des lois applicables. Concentration de pouvoir au niveau d’un opérateur marocain unique : Il y avait un prétendant français et un prétendant espagnol à la reprise des 4 sucreries. Aucun marocain ne peut regretter que ce soit l’opérateur marocain numéro 1 du secteur qui ait fait la meilleure offre sur les plans technique et financier, et qui ait remporté le résultat. Les décideurs économiques ont opté

pour l’offre de Cosumar parce qu’ils connaissent sa compétence dans ce domaine, parce que son offre est crédible, et n’a rien à envier aux opérateurs étrangers. Si on pense maintenant à la taille des unités de production elles-mêmes, il faut réaliser que nos grandes unités ne sont que des PME quand elles sont comparées aux unités européennes ou américaines. Intégration des sucreries nationales dans le Groupe Cosumar : La société est consciente de la nécessité d’un projet concerté d’intégration et de développement de l’industrie sucrière, englobant l’ensemble des 14 unités de raffinage et de transformation. A cet effet, elle a élaboré un projet ambitieux, dénommé « Intégration, Développement Industriel, Mise A niveau GlobalE » , soit « INDIMAGE 2012 », qui vise à améliorer sa compétitivité et à assurer une meilleure satisfaction de ses clients. Ce projet s’articule autour de cinq axes majeurs : - L’accompagnement de l’amont agricole sucrier dans la définition et la réalisation d’un plan de développement et d’amélioration des performances, - La construction d’un solide partenariat gagnant-gagnant et pérenne avec tous les acteurs du secteur, - La mise à niveau et le développement de l’outil industriel pour l’amener aux standards internationaux, - L’amélioration de l’organisation et des processus métiers et de gestion, - Le partage des mêmes valeurs d’entreprise en vigueur dans le Groupe favorisant la culture de la performance. Afin de réussir ce grand défi, le Groupe Cosumar, a d’ores et déjà identifié différentes synergies, immédiatement mobilisables, à travers la mise en œuvre de 18 chantiers d’intégration et de développement qui couvrent les principaux champs d’action. Investissements et financement : Pour financer les investissements requis, le Groupe compte utiliser un emprunt bancaire d’un montant de 700 mdh, et mobiliser en accompagnement les flux de trésorerie interne des sociétés. Flambée du prix du sucre sur le marché international : De nombreux facteurs ont été à l’origine d’une hausse considérable du prix du sucre depuis novembre dernier. On peut en citer trois : - une forte spéculation sur ce produit de la part des fonds de pension américains ; - une baisse du volume de sucre brésilien offert sur le marché international. En effet, la hausse du prix du pétrole a poussé les Brésiliens à se reporter sur l’utilisation de l’éthanol, fabriqué à base de canne à sucre, comme carburant des véhicules, en substitution à l’essence devenu trop cher. Comme le Brésil est le premier producteur mondial de sucre, l’effet de ce transfert est important, parce que les troisquarts des véhicules brésiliens vendus roulent indifféremment à l’éthanol ou à l’essence. - les nouvelles orientations de l’Union européenne en matière sucrière ont également eu leur effet sur le volume de sucre faisant l’objet du commerce international. Critiquée par de nombreux pays

producteurs de sucre, qui l’accusent de subventionner ses producteurs, l’Union Européenne se retire actuellement du marché international du sucre, dans lequel elle traitait jusqu’à 5 mt. Il faut savoir que 30 % seulement du sucre produit dans le monde fait l’objet de négoce international, dont une grande partie est échangée dans le cadre d’accords bilatéraux. Donc, moins du cinquième de la production mondiale se retrouve vraiment sur le marché international, d’où les fluctuations importantes qu’on peut y observer. Les autorités marocaines ont suspendu l’application de la tarification douanière, pour conserver le niveau du prix cible actuellement en vigueur, soit un maximum de 4 700 dh/t, quel que soit le cours du marché international. Etant donné que le Maroc dépend des importations de sucre brut pour assurer plus de la moitié de la production nationale de sucre raffiné, c’est un problème important que les autorités étudient actuellement, en vue de lui apporter la solution appropriée. Accord de libre échange avec les Emirats Arabes Unis : L’accord de libre échange spécifie clairement que les produits bénéficiant de ses dispositions doivent avoir une valeur ajoutée de 40 % réalisée dans le pays d’origine. Les professionnels du sucre savent que le sucre importé des EAU ne peut pas prétendre à ce taux de valeur ajoutée, pour des raisons techniques, et ne peut donc pas se prévaloir des dispositions de l’ALE. Les relations avec l’ONA : Elles sont, bien sûr, excellentes. En sa qualité de filiale du Groupe ONA, la gestion de Cosumar s’inscrit dans le cadre des orientations stratégiques de ses actionnaires. Mais, chaque filiale a ses propres organes de prise de décision et de management. Le Conseil d’administration de chaque filiale contrôle et oriente le fonctionnement et le développement de la société concernée.

Volet n° 3 : La filière sucrière marocaine : Khalid Chraibi Dans les premières années suivant l’indépendance du Maroc, les Pouvoirs Publics ont appliqué une stratégie de développement économique axée, entre autres priorités, sur le développement de productions nationales en substitution aux importations, dans les secteurs où cela était faisable. A l’époque, la consommation nationale de sucre était légèrement inférieure à 400 000 t. Les trois usines de raffinage existantes (dont Cosuma, filiale de la société sucrière Saint-Louis de Marseille, représentait plus de 80 % de la capacité installée) importaient du sucre brut qui était traité sur place, pour satisfaire près de 90 % des besoins des consommateurs, le solde étant importé sous forme de sucre blanc raffiné. Les experts gouvernementaux estimèrent qu’il était possible de développer la production de sucre au Maroc, à partir de la culture de betterave sucrière et de canne à sucre, en substitution aux importations. Le projet se justifiait aux trois niveaux agronomique, économique et social. Il permettait de promouvoir de nouvelles cultures capables de servir de pôles de développement pour les activités agricoles au niveau des régions choisies, de réaliser des économies de devises considérables, et de sécuriser l’approvisionnement du marché en visant à atteindre progressivement l’autosuffisance alimentaire pour une denrée de première nécessité. La première sucrerie nationale entra en activité à Sidi Slimane en 1963, pour traiter la production betteravière lancée dans le périmètre irrigué du Gharb sur une surface de 4000 ha. Une production de 84 000 t de betteraves y fut récoltée, donnant 12 000 t de sucre brut. Ce premier succès fut suivi de l’implantation de 11 autres unités sucrières dans 5 grandes zones de production : le Gharb, le Loukkous, Tadla, Doukkala et Moulouya. Le financement de ces investissements se fit souvent dans le cadre d’accords de coopération bilatérale avec des pays d’Europe de l’Ouest et de l’Est, ce qui se traduisit par l’utilisation de technologies de production de sucre très différentes, et d’inégale efficacité, d’une unité à l’autre. Une réglementation étatique rigoureuse fut appliquée à toute la filière sucrière. Les Offices de Mise en Valeur Agricole (ORMVA) assuraient la gestion de l’amont agricole (organisation des campagnes sucrières, approvisionnement en facteurs de production, financement, encadrement des agriculteurs…). Ils jouaient également le rôle d’intermédiaire entre les producteurs de matières premières (betterave et canne) et les sucreries. L’Office National du Thé et du Sucre (ONTS) importait le sucre brut livré aux sucreries pour leurs activités de raffinage. L’Etat fixait les prix payés par les usines aux producteurs de la betterave et de la canne à sucre, le prix du sucre brut fourni aux raffineries, et celui du produit fini vendu au consommateur. Les Pouvoirs Publics décidèrent de maintenir ce dernier prix inchangé à un bas niveau, quel que soit le prix de revient du sucre produit localement dans les usines de transformation et les raffineries, parce que le sucre était considéré comme une denrée de première nécessité. A cet effet, l’Etat décida d’appliquer au secteur un système de subvention géré par la Caisse de Compensation, dont les dispositions assuraient, entre autres, une marge bénéficiaire à chaque unité sucrière, quel que soit son coût de production. Cette politique ambitieuse de développement de la filière sucrière se poursuivit pendant des années. Il en résulta une grande extension des périmètres irrigués affectés à ces cultures nouvelles. L’application d’une politique favorable des prix pour soutenir la production de betterave et de canne à sucre se

traduisit par un développement continu de la production. Le taux d’autosuffisance passa de 4 % en 1960 à 28 % en 1970, dépassant 60 % dans les années 1980. Comme il a été indiqué, Cosumar, l’opérateur privé dominant de la filière, dont l’Etat avait racheté la moitié du capital en 1967, procéda à l’implantation d’une sucrerie à Sidi Bennour, et d’une autre à Khemis Zemamra dans les Doukkala, dans les années 1970. Au cours des années 1980, l’application par les Pouvoirs Publics marocains du Programme d’Ajustement Structurel (PAS) recommandé par les organisations financières internationales se traduisit par un désengagement progressif du secteur public de toutes sortes d’activités au niveau du secteur sucrier. Puis, en 1996, d’autres mesures visant la dérégulation du secteur furent adoptées, dans le cadre de la nouvelle politique de libéralisation. Ainsi, le système de compensation fut modifié pour assurer aux usines une subvention forfaitaire de 2000 dh par tonne vendue, dans le but de les inciter à mieux gérer leurs coûts de production, qui avaient connu une dérive sérieuse. L’augmentation régulière de la consommation de sucre, conjuguée à de fortes hausses du prix d’achat sur le marché international, déboucha sur une forte croissance du montant total de la compensation au sucre, qui passa de 50 mdh en 1985 à 800 mdh en 1996 et à 2 milliards dh en 2002. Un nouveau système de tarification douanière fut également mis en place, s’appliquant aux importations de sucre, visant à maintenir le prix de revient du sucre importé autour des niveaux observés pour les produits locaux. En 1997, en préparation de la libéralisation du secteur, l’Etat procéda au regroupement des entreprises publiques du secteur sucrier en quatre sociétés : Sunabel, Surac, Suta et Sucrafor. Leur transfert au secteur privé fut à l’examen pendant de nombreuses années, sans que se présente un repreneur sérieux, à cause des difficultés financières importantes de ces sociétés et du manque de visibilité du secteur sucrier, dans l’attente des dispositions spécifiques de la politique de libéralisation qui devait lui être appliquée. Ce n’est qu’en septembre 2005 que cette privatisation put être concrétisée, lorsque Cosumar, un opérateur national chevronné, détenteur d’une expertise de 75 ans au niveau de la production industrielle et de plus d’un quart de siècle au niveau de l’amont agricole, procéda à l’acquisition des quatre sucreries pour un montant de 1367 mdh, donnant naissance à un opérateur unique au niveau de la production de sucre au Maroc : le Groupe Cosumar.

Volet n° 4 : Le sucre dans le monde : Khalid Chraibi Le sucre est un glucide présent à l’état naturel dans tous les fruits et légumes. Produit par photosynthèse, le processus naturel qui transforme la lumière du soleil en énergie vitale, il est présent en grande quantité dans la canne à sucre et dans la betterave à sucre, toutes deux utilisées pour la production commerciale de sucre. La canne à sucre, une herbe géante qui croît en climat chaud et humide et emmagasine le sucre dans sa tige, aurait d’abord poussé à l’état naturel dans les îles du Pacifique Sud il y a 4000 ans. On la retrouve en Inde, où la technique d’extraction et de transformation du jus de canne en « sarkara » (origine sanskrit du mot « sucre ») aurait été développée vers 500 av. J.C. Les Perses, puis les Grecs rapportent chez eux ce « roseau qui produit du miel, sans le concours des abeilles ». Le savoir-faire se propage vers la Chine, l’Iran et le monde musulman, avant d’atteindre, des siècles plus tard, le monde occidental, lors des croisades. La betterave, en tant que substitut de la canne, ne sera connue que vers le milieu du 18ème siècle, quand le chimiste berlinois Andreas Sigismund Marggraf prouve que le sucre de betterave et celui de canne sont identiques. S’acclimatant mieux en climat tempéré et emmagasinant le sucre dans sa racine blanche, elle connaîtra son essor en France grâce aux mesures d’encouragement édictées par Napoléon pour encourager la production de sucre de betterave à l’époque du « blocus continental ». En 1900, près de la moitié de la production mondiale est à base de sucre de betterave, mais la proportion n’est plus que d’un tiers à la fin du 20è s. Le sucre est utilisé soit de manière directe, en tant que « sucre de bouche », présenté en morceaux ou en poudre (20 % des ventes en France) ; ou de manière indirecte, quand il est incorporé par différentes industries alimentaires, chimiques et pharmaceutiques dans leurs produits (80 %). Les sucres que l'on trouve dans les aliments contenant des glucides se transforment tous en glucose dont le corps se sert comme énergie. En l’an 2000, 31 millions d’ha étaient affectés aux cultures sucrières dans 111 pays (38 pays cultivant la betterave, 65 la canne, 8 les deux) ; 2440 sucreries étaient en activité (790 de betterave, 1560 de canne) ; le chiffre d’affaires atteignait 65 milliards $ H.T., réparti entre 80 pays exportateurs et 150 pays importateurs ; l’activité générait 2 millions d’emplois. En 2004-2005, la production mondiale de sucre blanc s’élevait à 142 m t, dont le tiers environ (54 m t) était destiné aux exportations. Les principaux pays producteurs de sucre de canne sont : le Brésil (28 m t), l’Inde (14 m t), la Chine (9 m t), le Mexique (6 m t), l’Australie (5.5 m t), la Thaïlande (5.4 m t). Les plus grands producteurs de sucre de betterave incluent : l’Allemagne (4.7 m t), la France (4.5 m t), les E.U. (4.2 m t). Les principaux pays exportateurs sont : le Brésil (19.2 m t), l’U.E. (6.1 m t), l’Australie (4.2 m t), la Thaïlande (3.2 m t), l’Afrique du Sud (1.2 m t), le Guatemala (1.1 m t), la Colombie (1.1 m t), Cuba (0.9 m t). Les principales multinationales opérant dans le secteur incluent des géants tels que : Tate & Lyle en Grande Bretagne ; ou en France : Groupe Tereos (11 sucreries), Saint Louis Sucre (5 sucreries), Groupe Cristal Union (4 sucreries), Groupe Vermandoise (4 sucreries).

Encadré indépendant sur

ETHANOL La production d’alcool éthylique d’origine agricole (éthanol) se fait par fermentation du sucre contenu dans les jus extraits de betterave ou de canne, dans les sirops issus de la cristallisation ou dans la mélasse. L’alcool obtenu de la betterave a plusieurs destinations : alcool de bouche et d’industrie, carburant, parfumerie ou encore pharmacie. Il prend le nom de bioéthanol lorsqu’il est utilisé comme carburant. Soit il est incorporé directement à l’essence à hauteur de 10 % à 25 %, soit il est utilisé pur dans certains moteurs. Il s’agit du biocarburant le plus utilisé dans le monde à l'heure actuelle. En Europe, on utilise l’ETBE (Ethyltertiobutyléther), un mélange contenant pour moitié du bioéthanol et un dérivé pétrolier. L’ETBE est incorporé à l’essence super sans plomb jusqu’à 15 %. A la fin de l’année 2005, le gouvernement français s’est engagé à promouvoir une incorporation directe de bioéthanol dans les essences à hauteur de 5,75 % en 2008 et 7 % en 2010. Ces mesures participent ainsi au programme écologique de réduction des émissions de gaz à effet de serre (accords de Kyoto) ainsi qu’à la réduction de notre dépendance énergétique. Marché français de l’éthanol : en 2005, les surfaces de « betterave alcool » s’élèvent à 39 000 hectares dont 11 000 hectares pour la production de bioéthanol. Pour la campagne betteravière 2004-2005, la production française totale d’éthanol est de 4,5 millions d’hectolitres, dont 1 million d’hectolitres pour le bioéthanol. Marché mondial de l’éthanol : en 2005, les 5 premiers pays producteurs d’éthanol sont le Brésil, les Etats-Unis, l’Inde, l’Union Européenne et la Russie. Le Brésil et les Etats-Unis occupent de très loin les deux premières positions : 167 millions d’hectolitres pour le Brésil (éthanol produit à partir de la canne) et 165 millions d’hectolitres pour les Etats-Unis (éthanol produit à partir du maïs). (Source : CEDUS Centre d’Etudes et de Documentation du Sucre, Paris, Le Sucre, Memo Statistique 2005).

La politique des « champions nationaux » : Economia n° 3 avril 2006 Chronique Entreprise

Khalid Chraibi Une course soutenue à la concentration se déroule au Maroc depuis de nombreuses années. Elle restructure le paysage industriel, commercial et financier du pays dans des secteurs aussi variés que celui des holdings (rapprochement SNI/ONA) ; des banques (fusion BCM/Wafabank ; regroupement CDG/BNDE/CIH ; absorption de SMDC par BP) ; des assurances (fusion RMA/Wataniya ; et auparavant, fusions en cascade d’Al Amane - L’Entente – la Compagnie Africaine d’Assurances AXA Assurances Maroc) ; des produits et services pétroliers (fusion Samir/SCP ; rachat par AKWA de participations importantes de Oismine dans le même domaine d’activités) ; du secteur sucrier (privatisation par Cosumar des quatre sucreries SURAC, SUNABEL, SUTA et SUCRAFOR, qui s’ajoutent à ses unités de production de Casablanca, Zemamra et Sidi Bennour) ; et du secteur des huiles de table (fusion Lesieur Afrique/Unigral Cristal ; rachat de SEPO, d’Oléor… par le même Groupe). Certains de ces regroupements s’inscrivent dans le cadre de la politique de « privatisation » des participations détenues par l’Etat, des introductions en Bourse, ou de l’évolution normale des affaires. D’autres, tels que les fusions BCM/Wafabank ou RMA/Wataniya, se justifient, selon leurs promoteurs, par la nécessité économique de créer des « champions nationaux » capables de servir de véritables locomotives de développement dans leur secteur d’activité, et de faire face à la concurrence étrangère, lorsqu’elle se manifestera en force à partir de l’échéance 2010, à l’occasion de l’ouverture totale des frontières aux opérateurs et produits étrangers. L’argument se défend, quand on songe que de nombreuses entreprises internationales ayant des chiffres d’affaires se comptant en dizaines de milliards de dollars (banques, compagnies aériennes, laboratoires pharmaceutiques, industries diverses…) cherchent elles-mêmes, aujourd’hui, à fusionner avec certains de leurs concurrents, pour mieux se positionner sur la scène mondiale. Nos grandes entreprises nationales ne sont que des PME, quand elles sont mesurées à l’aune des standards européens ou américains. La consolidation de petites entreprises, en vue de créer de nouveaux ensembles desservant des parts de marché de 15 à 20 % chacun, permettrait de les doter de meilleurs atouts pour survivre, face aux menaces de la mondialisation. Leur « mise à niveau » de manière organisée, en vue d’optimiser l’utilisation de leurs ressources matérielles, humaines, techniques, financières et managériales et de leur know-how individuel, devrait logiquement se traduire par un gain pour leurs actionnaires aussi bien que pour le consommateur, tout en assurant leur pérennité. Ceci dit, l’atteinte de la taille critique ne doit pas être parée de toutes les vertus. Elle ne constitue nullement un remède-miracle. Un nombre restreint d’opérateurs marocains ont prédominé dans différents secteurs économiques au cours du dernier quart de siècle, sans que cela se traduise nécessairement par une prestation de service de haut niveau de leur part. Ils se sont parfois contentés de rendre des prestations de qualité moyenne, tout en développant, quand ils le pouvaient, des situations de rente dans un marché captif, en engrangeant des bénéfices qui les satisfaisaient. Ce n’est donc pas uniquement au niveau de la taille qu’il faut rechercher les faiblesses des entreprises, mais également à celui des compétences managériales de leurs dirigeants et du savoir-faire qu’ils

peuvent mobiliser dans leur gestion. Leur capacité à se mettre à l’écoute du client, leur volonté de le servir, au lieu de l’exploiter, sont des indicateurs primordiaux. Les restructurations opérées à l’occasion des fusions doivent ainsi se préoccuper autant des questions de qualité du management que de qualité de production. En tout état de cause, il ne s’agit pas, sous prétexte de consolider les assises des « champions nationaux», de mettre les destinées d’un secteur d’activités entre les mains d’un nombre restreint d’opérateurs (un « cartel » dans la terminologie économique), si distingués soient-ils, ni de leur sacrifier le maintien d’une saine concurrence sur le marché, entre entreprises de taille comparable. Comme l’expérience marocaine vécue le prouve, ce n’est qu’à ce prix que les entreprises resteront en éveil, à l’écoute des besoins du consommateur, constamment à la recherche d’innovations et de produits nouveaux, d’améliorations de qualité ou de réductions de coûts de revient, pour fidéliser leur clientèle et améliorer leur taux de pénétration du marché. L’analyse prend une toute autre dimension lorsque le regroupement concerne deux entreprises de taille moyenne, dont chacune dessert déjà une part importante du marché national, aboutissant à créer une « entreprise dominante » capable de desservir 60-70 % environ de ce marché, Au niveau de la politique économique nationale, le devenir du secteur devient étroitement dépendant des décisions d’une entreprise dominante. Selon les priorités qu’elle se fixe dans son plan d’opérations, les investissements auxquels elle procède, la politique d’approvisionnements qu’elle applique, les partenariats qu’elle noue avec des opérateurs nationaux et étrangers, les emprunts qu’elle contracte, etc., elle devient un centre de décision économique principal du pays. Elle se trouve alors confrontée à un arbitrage continu, et parfois difficile, entre ses propres intérêts, en tant qu’opérateur privé, et les intérêts du secteur tout entier. Peut-elle, par exemple, maintenir une situation de saine « concurrence » avec la multiplicité de PME dont chacune dessert des parts de marché de 5 ou 10 %, sans succomber à la tentation de les « brider » dans leurs activités pour servir ses propres intérêts ? Or, la politique des « champions nationaux » ne doit pas se faire au détriment des PME. Comme l’histoire des grandes réussites industrielles et commerciales le démontre abondamment, il n’est pas nécessaire d’être riche pour entreprendre : il suffit de bonnes idées et d’une ferme volonté d’entreprendre et de réussir dans les affaires, comme en témoignent nombre d’entreprises venues au monde dans un garage avant de partir à la conquête du monde (Ford, Hewlett Packard, Motorola, Microsoft…). Toutes les précautions doivent donc être prises pour assurer la pérennité des PME, qui sont les chevilles ouvrières du développement d’une économie performante et de création d’emplois, en même temps qu’elles favorisent l’apparition d’une classe moyenne significative, tous trois facteurs importants de stabilité sociale du pays. Pour toutes ces raisons, les pays industrialisés (Etats-Unis, Union Européenne…) ont mis en place des législations très sophistiquées, non seulement pour empêcher le développement de monopoles ou de cartels, mais également pour empêcher les entreprises géantes d’abuser de leur position dominante sur un marché, et pour veiller au maintien d’une saine concurrence entre tous les opérateurs économiques de manière plus générale. Au Maroc également, il serait de la plus haute importance d’accompagner la mise en œuvre d’une politique des « champions nationaux » de règles similaires, adaptées au contexte de notre pays, pour assurer le respect des règles de bonne gouvernance dans la sphère économique.

Intérêt public et intérêts privés : Economia n° 2 Mars 2006 Chronique Entreprise

Khalid Chraibi Le rapport « 50 ans de développement humain », présente une remarquable rétrospective des politiques appliquées et des résultats obtenus dans les principaux secteurs économiques et sociaux depuis la proclamation de l’indépendance. Ceux qui s’intéressent au secteur privé marocain trouveront matière à réflexion dans l’excellente contribution du professeur Mohamed Saïd Saâdi, retraçant l’évolution du secteur privé au cours du demi-siècle écoulé et évaluant sa modeste contribution à la croissance économique et au développement humain du pays. De la lecture de ces rétrospectives, on retient que la panoplie de mesures édictées dans le but d’améliorer le niveau de vie économique et social de la population en général au cours de ce demisiècle n’ont eu qu’une portée réduite par rapport aux objectifs visés, mais ont fourni à ceux qui ont su profiter de leurs dispositions l’opportunité d’édifier des fortunes privées importantes. Le secteur industriel en fournit une illustration intéressante. Les pouvoirs publics se sont évertués à mettre en place, depuis l’indépendance, des institutions appropriées, à même de favoriser la croissance industrielle et le développement humain, et à faire émerger une classe d’entrepreneurs et de gestionnaires compétents, innovateurs et dynamiques, capables de faire tourner les rouages de la machine économique. La politique économique se fixa des objectifs raisonnables et viables, tels que le développement des exportations agricoles et du tourisme, la substitution de productions nationales aux produits importés et l’association de capitaux nationaux et étrangers dans les principaux domaines d’activité économique. Dans ce but, une politique de promotion du secteur privé fut mise en œuvre, basée sur un impressionnant, mais tout à fait logique, système d’incitations. Des codes d’investissement furent adoptés, accordant des avantages sous forme de primes d’équipement, de bonification des taux d’intérêt, de couverture du risque de change, de garantie de transfert des capitaux des investisseurs étrangers… Des mesures de protection douanière (taxation et contrôle des importations…) furent édictées pour favoriser le développement de productions nationales de biens de consommation courante, en substitution aux importations. Afin d’encourager les industries orientées vers les exportations, des régimes économiques spéciaux en douane furent mis en place, permettant l’importation en suspension de droits de douane des matières premières destinées à être utilisées dans la production de produits destinés à l’exportation. Pour financer leurs investissements, les entrepreneurs purent bénéficier de crédits importants, octroyés à des conditions avantageuses (faible taux d’intérêt, durée de remboursement étendue) par des institutions spécialisées nouvellement créées ou remises à niveau telles que la Banque Nationale de Développement Economique (BNDE), le Crédit Immobilier et Hôtelier (CIH), la Caisse Nationale de Crédit Agricole (CNCA), etc.

D’autres institutions spécialisées, telles que l’Office de Développement Industriel (ODI) ou l’Office de Commercialisation et d’Exportation (OCE) furent mis en place, pour aider les opérateurs économiques à développer leurs activités sur des bases bien étudiées. Afin de maintenir la compétitivité des produits marocains sur le plan international, qui était associée dans l’esprit des décideurs économiques à un faible coût de main d’œuvre, une politique de bas salaires fut appliquée, y compris le blocage du SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) sur des durées prolongées. La décision de « marocanisation » des activités économiques vint à point nommé ajouter la dernière pierre à l’édifice en 1973, en obligeant les propriétaires étrangers opérant dans de nombreux secteurs à prendre des associés marocains. Or, à l’heure où l’on dresse le bilan du cinquantenaire, on constate que toutes les mesures indiquées, pourtant parfaitement justifiées et adaptées aux besoins de la situation de l’époque, n’ont eu qu’un effet marginal sur le développement du secteur privé industriel. La contribution de ce secteur à la valeur ajoutée nationale est restée modeste, les produits continuant d’être parfois de qualité moyenne ou médiocre et les prix beaucoup plus élevés que ceux des produits étrangers comparables. Les exportations ont continué d’être faibles et les importations plus nécessaires que jamais, alors que le taux de chômage de la population urbaine continuait de grimper. Pourquoi le secteur industriel n’a-t-il pas fait preuve du dynamisme, de l’esprit d’innovation, des grandes réalisations escomptés, après que l’Etat lui ait fourni tous les moyens pour prendre son essor et apporter une contribution importante au développement économique et humain du pays ? Les principales sociétés industrielles ont été vendues par leurs propriétaires étrangers, depuis l’indépendance, à des opérateurs marocains qui n’avaient ni la vocation d’entrepreneurs industriels, ni l’expérience ou le profil requis, ayant fait fortune dans des activités liées au commerce, à l’immobilier et à la propriété agricole. Ces opérateurs avaient simplement su tirer parti des avantages de la politique économique appliquée par l’Etat, usant de leur accès privilégié à l’appareil administratif, de leurs liens avec le pouvoir politique, ou encore des relations qu’ils entretenaient avec les banquiers de la place et avec les opérateurs économiques étrangers. Les nouveaux propriétaires se sont empressés de développer des situations de rente, sur des segments de marché captifs, tout en usant habilement de l’effet de levier pour prendre progressivement le contrôle d’autres entreprises. La concentration de pouvoir économique qui en a résulté s’est parfois traduite par l’édification de véritables conglomérats ayant des pôles diversifiés (financier, industriel, commercial), dont les dirigeants étaient des membres d’une même famille, principalement intéressés par le brassage des affaires en vue d’un gain rapide. En conséquence, ils n’accordaient qu’un intérêt de second ordre à d’autres préoccupations telles que la gestion des ressources techniques, financières ou humaines d’une entreprise déterminée, qu’ils étaient prêts à revendre à un bon prix quand l’occasion se présenterait. Le développement de nouveaux produits, l’amélioration de la qualité de production ou l’exploration de marchés étrangers ne faisaient pas partie de leurs préoccupations prioritaires, tant que les affaires « rapportaient gros » par ailleurs. Bien sûr, toutes généralisations sont excessives. Le tissu industriel a également vu la multiplication de milliers de PME tout au long de cette période, à l’initiative, cette fois, de véritables entrepreneurs fortement motivés, prêts à innover, à prendre des risques, à sortir des sentiers battus pour développer des activités pointues et pour se faire une place dans un créneau qu’ils étaient parfois les seuls à avoir identifié. On connaît tous des « success stories » marocaines, des « self made man » à l’américaine, mais ces entreprises restent pour l’essentiel

vulnérables et fragiles, des affaires de famille au vrai sens du terme, et leur contribution à l’activité du secteur industriel reste mineure.

1er muharram : Calendrier lunaire ou islamique ? Economia n° 2 Mars 2006 Société

Khalid Chraibi Depuis que l’usage du calendrier grégorien s’est généralisé dans les pays musulmans, après leur occupation par des puissances étrangères aux 19è et 20è siècles, le calendrier islamique s’est progressivement trouvé relégué à des fonctions de protocole et de représentation, qu’il assume essentiellement à l’occasion du 1er muharram, du 1er ramadan, de l’aïd el fitr ou de l’aid al adha. Nul ne songerait, de nos jours, à dater un contrat, à faire des réservations de billets d’avion ou de chambres d’hôtel, ou à programmer une conférence internationale sur la base des données de ce calendrier. En effet, ses dates sont associées à des jours différents dans différents Etats musulmans et il ne permet pas, à l’intérieur du même pays, de planifier d’activités au-delà du mois en cours. A titre d’illustration, le 1er shawal 1426, jour de célébration de l’aïd el fitr, correspondait au mercredi 2 novembre 2005 en Libye et au Nigéria ; au jeudi 3 novembre dans 30 pays dont l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte, l’Arabie Saoudite et une partie des Etats-Unis ; au vendredi 4 novembre dans 13 pays dont le Maroc, l’Iran, le Bangladesh, l’Afrique du Sud, le Canada, une partie de l’Inde et une partie des EtatsUnis ; et au samedi 5 novembre dans une partie de l’Inde. Cet état des choses n’est nullement exceptionnel, mais se renouvelle chaque mois. Faudrait-il conclure, à partir de cette illustration, que le calendrier lunaire doit être définitivement abandonné, dans les sociétés musulmanes, au profit du calendrier grégorien ? Nullement. En fait, comme nous le verrons, ce sont les procédures d’élaboration du calendrier islamique qui doivent être réévaluées. Sur le plan astronomique, les données de la situation sont simples. Le mois lunaire débute au moment de la « conjonction » mensuelle, quand la Lune se trouve située sur une ligne droite entre la Terre et le Soleil. Le mois est défini comme la durée d’une rotation de la Lune autour de la Terre (29,53 j), donnant pour l’année de 12 mois une durée de 354,37 j. Les astronomes ont posé, il y a quelques milliers d’années, la convention que des mois de 30 j et de 29 j se succédaient en alternance, ce qui permettait de faire correspondre la durée de rotation de la Lune sur deux mois successifs à un nombre de jours entiers (59), laissant à peine un petit écart qui se cumulait pour atteindre 24 h (soit l’équivalent d’un jour) en 2,73 ans. Il suffisait d’ajouter un jour tous les trois ans au calendrier lunaire pour solder cet écart, de la même manière qu’on ajoute un jour tous les quatre ans au calendrier grégorien. Le calendrier islamique est basé sur de toutes autres conventions. Le Prophète a recommandé aux fidèles de commencer le jeûne du mois du ramadan avec l’observation de la naissance de la nouvelle lune [au soir du 29è j du mois] et d’arrêter le jeûne avec la naissance de la nouvelle lune (du mois de shawal). « Si le croissant n'est pas visible (à cause des nuages) comptez jusqu'à 30 j. ». Les théologiens et les autorités temporelles en ont déduit, à tort ou à raison, que chacun des Etats islamiques devait (ou pouvait) procéder pour son propre compte à l’observation mensuelle de la nouvelle lune dans le ciel (ou à défaut attendre l’achèvement d’un 30è j) avant de décréter le début d’un nouveau mois sur son territoire, au lieu de faire démarrer le mois avec la conjonction mensuelle.

Or, le croissant lunaire ne devient vraiment visible que quelques 18 h après la conjonction, et sujet à l’existence de conditions favorables relatives à des facteurs tels que le nombre d’heures écoulées depuis la conjonction ; les positions relatives du Soleil, du croissant lunaire et de l’observateur ; l’altitude de la lune au coucher du soleil ; le lieu où l’on procède à l’observation ; l’angle formé avec le soleil au moment du coucher ; les conditions d’observation (pollution, humidité, température de l’air, altitude) ; les conditions météorologiques (absorption et extinction des rayons lumineux en provenance de la Lune, la température au sol, les effets saisonniers) ; le contraste de brillance entre le croissant lunaire et le ciel ; la limite de détection de l’œil humain… Selon les mois et les saisons, les conditions favorables d’observation de la nouvelle lune seront réunies en des sites différents du globe terrestre. Des astronomes et des informaticiens réputés ont établi des procédures permettant de prédire à l’avance, chaque mois, dans quelles régions du globe les conditions optimales seront réunies pour observer la nouvelle lune. Ainsi, en 1984, un physicien malais, Mohamed Ilyas, a pu tracer au niveau du globe terrestre une ligne de démarcation, ou ligne de date lunaire, à l'ouest de laquelle le croissant est visible le soir du nouveau mois, alors qu’il ne peut être vu à l’est de cette ligne que le soir suivant. Mais tous ces efforts, si admirables soient-ils, restent marginaux par rapport à la question centrale : « qu’est-ce qui empêche l’adoption par les sociétés islamiques du calendrier lunaire basé sur le calcul astronomique, puisqu’il répond parfaitement aux besoins de leur situation ? » Il faut rappeler, dans ce contexte, que la dynastie des Fatimides en Egypte a utilisé ce calendrier au cours d’une période de deux siècles, entre les 10è et 12è s., avant qu’il ne tombe dans l’oubli à la suite d’un changement de régime. Ce sont des arguments d’ordre théologique, fondés essentiellement sur deux ou trois hadiths du Prophète, qui sont le plus souvent cités pour préserver le statu quo et empêcher l’utilisation du calcul astronomique. Mais, ils laissent sceptiques. En effet, le Coran n’interdit nulle part l’usage du calcul astronomique, qui est donc licite. Un verset déclare : "C'est Lui (Dieu) qui a fait du Soleil une clarté et de la Lune une lumière ; il en a déterminé les phases afin que vous connaissiez le nombre des années et le calcul du temps". Le Prophète a simplement recommandé aux fidèles une procédure d’observation de la nouvelle lune qui était parfaitement courante à l’époque, et adaptée au contexte de la région, quand les étoiles servaient de points de repère aux Bédouins au cours de leurs déplacements dans le désert. L’observation de la lune n’était qu’un moyen, pour déterminer le début du mois, et non pas une fin en soi, un acte d’adoration. Le hadith relatif à l’observation n’établissait pas une règle immuable, pas plus qu’il n’interdisait l’utilisation du calendrier astronomique. A titre d’illustration, l’Arabie Saoudite a abandonné en 1999 la procédure d’observation de la nouvelle lune, pour lui substituer une nouvelle procédure basée sur le calcul des horaires de coucher du soleil et de la lune aux coordonnées de la Mecque, le soir du 29è j de chaque mois. Le coucher du soleil avant la lune indique le début du nouveau mois. Dans le cas inverse, le mois en cours aura une durée de 30 j. De nombreux experts défendent la notion que le hadith ne parle pas d’une observation visuelle de la nouvelle lune, mais plutôt de l’acquisition de l’information, selon des sources crédibles, que le mois a débuté. Cela ouvre de toutes autres perspectives dans la discussion de cette question. Quant au hadith du Prophète selon lequel les bédouins ne savent ni lire ni compter, et doivent donc éviter d’utiliser le calcul (astronomique), Ibn Taymiya observe que l’argument pouvait être fondé au début du 7è s. mais conteste qu’il puisse encore s’appliquer aux musulmans des siècles plus tard, après qu’ils aient été à l’avant-garde du développement de la connaissance scientifique, y compris en

astronomie, pendant des siècles. Il souligne que les musulmans n’auraient pas de quoi s’enorgueillir s’ils étaient restés illettrés. Plus généralement, on peut observer que les juristes musulmans s’enorgueillissent de la capacité de la loi islamique à s’adapter en tous temps, en tous lieux et en toutes circonstances aux besoins des sociétés les plus diverses. Nombre de points fondamentaux de la loi ont fait l’objet d’interprétations différentes, au fil des siècles. Pourquoi serait-il donc impossible de substituer une autre interprétation au hadith du Prophète sur la question de l’utilisation par la communauté musulmane du calendrier basé sur le calcul astronomique ?

La « mise à niveau » des entreprises est mal partie : Par Khalid

Chraibi

Depuis l’adhésion du Maroc à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 1994, l’économie marocaine s’est résolument ouverte sur le monde extérieur. L’accord d’association avec l’Union Européenne signé en 1996 fut rapidement suivi d’un accord de libre-échange avec l’Association européenne de libre échange en 1997 ; puis d’accords similaires avec la Tunisie, l’Egypte et la Jordanie (« accord d’Agadir ») en février 2004 ; et avec les Etats-Unis en mars 2004. Ces accords, dictés par la nécessité pour le Maroc de s’intégrer aux nouvelles donnes de l’économie mondiale, ouvrent de nouveaux débouchés aux produits marocains capables de se faire leur place sur les marchés étrangers. Ils constituent également pour l’entrepreneur marocain un formidable défi à relever, car il doit désormais faire face à la concurrence internationale sur le marché interne. Opérant pendant des décennies sur un marché « captif » efficacement « protégé » par les barrières douanières, dans lequel il pouvait développer une « situation de rente », l’entrepreneur marocain a souvent été tenté par la solution de facilité de chercher à maximiser son profit, sans souci d’améliorer la qualité de ses produits ou d’en réduire les coûts de production. Ni les opérateurs dominants ni les PME n’ont vu la nécessité de développer des structures compétitives ou des compétences techniques très fortes, que ce soit au niveau de leur organisation, de leur encadrement, ou de leur gestion des ressources financières, techniques ou humaines. Même ceux qui faisaient le plus illusion face à leurs concurrents nationaux pouvaient se révéler d’une grande vulnérabilité, une fois confrontés à une concurrence étrangère déterminée. A l’ère de l’ouverture des frontières, il était donc impératif d’aider l’entreprise marocaine à s’adapter pour survivre dans cet environnement nouveau. Dès les lendemains de l’accord avec l’Union Européenne, un programme de « mise à niveau » de l’entreprise marocaine fut développé à cet effet. Le concept de « mise à niveau » avait été développé à la fin des années 1980, pour aider le Portugal à s’intégrer à l’Europe. Le savoir-faire ainsi acquis fut étendu à l’occasion à d’autres pays se trouvant dans des situations similaires (Jordanie, Egypte, Syrie, Tunisie, Maroc, Sénégal…). Au Maroc, il devait développer la capacité de performance de l’économie marocaine dans son ensemble, afin qu’elle puisse résister à la concurrence des pays de l’Union Européenne et des pays du Sud de la Méditerranée. Des actions devaient être menées dans des domaines aussi diversifiés que le renforcement des infrastructures ; l’amélioration de la formation professionnelle ; la promotion des exportations ; le renforcement des associations professionnelles ; le développement de l’infrastructure technologique ; la réalisation de diagnostics d’entreprises ; le financement de la mise à niveau… Les entreprises marocaines devaient passer d’un style de gestion souvent « patriarcal » à des méthodes de gestion modernes. Des alliances entre entreprises dans les mêmes domaines d’activité devaient déboucher sur la constitution de « grappes industrielles », qui les porteraient à la taille requise pour améliorer leur productivité, réduire leurs coûts, mieux utiliser leur capital financier et leurs ressources humaines. Une entité spécialisée dénommée « Euro-Maroc Entreprise » fut créée pour gérer toutes ces activités sur le terrain. Elle devait réaliser des activités de pré-diagnostics, organiser le financement et la

réalisation de diagnostics approfondis et de plans d’affaires, mettre en relation les entreprises marocaines avec des partenaires étrangers… A cause de la complexité des mesures institutionnelles requises et de l’éparpillement des efforts, le programme de mise à niveau eut beaucoup de mal à démarrer. Un bilan de l’opération dresse le tableau suivant, à l’issue de plusieurs années d’opération : « Sur un total de 250 entreprises ayant déposé un dossier de demande à Euro-Maroc Entreprise depuis sa création, 150 ont été retenues et 100 pré-diagnostics ont été réalisés. Sur les 50 demandes déposées pour le passage à la deuxième phase, 20 ont pu être retenues jusqu’à présent. Un plan d’affaires a été réalisé pour une seule entreprise ». Tirant la leçon de quelques cinq années de « démarrage » du programme, les différents partenaires procédèrent à sa refonte en 2002, l’axant entre autres mesures sur « l’amélioration de l’offre marocaine sur les marchés extérieurs par l’exploitation de gisements de productivité et de niches ; la diversification et l’intensification des exportations grâce à une politique de promotion de la qualité des produits ; l’adaptation de la formation professionnelle aux besoins de l’économie ; une amélioration du cadre institutionnel, des infrastructures et de l’organisation de l’administration… » Dans ce but, le nouveau programme de mise à niveau s’est axé sur « le renforcement de la structure d’accueil et l’infrastructure technologique ; l’appui aux associations professionnelles ; le développement de la formation professionnelle ; et l’assistance technique aux entreprises. » Une Agence nationale pour la promotion de la PME (ANPME) fut créée, devant jouer un rôle de premier plan dans la mise en œuvre du programme révisé de mise à niveau. Qu’en est-il de la réalisation de ce programme révisé ? Il semble qu’il progresse mieux que son précecesseur, et que le nombre d’entreprises bénéficiaires des prestations du programme aient notablement augmenté. Cependant, compte tenu de la complexité du système, de l’ampleur des objectifs à atteindre et du retard accumulé (toutes ces « années perdues », pourrait-on dire), elles ne dépasseront guère quelques 5 % des entreprises industrielles de plus de 10 salariés recensées. Contrairement à ce qui avait été escompté lors de son lancement, au lendemain de la conclusion de l’accord d’association avec l’Union Européenne, le programme de mise à niveau, dans toutes ses versions, n’aura donc d’impact que sur une fraction infime du tissu industriel marocain. Il ne jouera qu’un rôle marginal dans la préparation de l’économie marocaine à faire face à la concurrence internationale, à l’échéance de 2010. Pour résumer tous ces efforts, le titre d’une pièce de Shakespeare vient à l’esprit : « Beaucoup de bruit pour rien. »

M. Jettou s’attaque au chômage : Economia n° 1 – Février 2006 Chronique Entreprise

Khalid Chraibi En 50 ans, les gouvernements successifs se sont attaqués au problème du chômage en multipliant les mesures institutionnelles et les remèdes conjoncturels. Malgré cela, il y a aujourd’hui près d’un million et demi de chômeurs au Maroc, et près d’une personne sur cinq de la population active en milieu urbain est sans emploi. Avec le temps, le chômage a changé de nature. Maintenant, il touche toutes les classes sociales, des plus démunis aux mieux éduqués. Les jeunes diplômés qui effectuent leurs études à l’étranger sont tentés d’y rester à la recherche d’un premier emploi, faute de débouchés visibles au Maroc. L’« Initiatives Emploi » lancée par le Premier Ministre le 22 septembre dernier à Skhirat vise l’emploi de quelques 200 000 diplômés chômeurs en trois ans. Tout comme le Plan français de lutte contre le chômage élaboré par le gouvernement Villepin, il propose des mesures au niveau des entreprises et de l’auto-emploi. Mais celles-ci, bien qu’attrayantes à première vue, sont entourées de contraintes qui en réduisent sérieusement la portée. Ainsi, le PM offre-t-il de bonnes incitations fiscales et sociales aux entreprises recrutant des diplômés chômeurs dans le cadre d’un « contrat de premier emploi » à durée déterminée de 24 mois. Mais, les entreprises peuvent être tentées de solder chaque contrat échu, remplaçant les anciennes recrues par de nouveaux jeunes diplômés, afin de continuer à bénéficier des avantages fiscaux et sociaux associés à l’opération. L’obligation d’être inscrit pendant 12 mois à l’ANAPEC avant de pouvoir bénéficier des dispositions du « contrat de 1er emploi » réduit également le nombre de chômeurs auxquels ces dispositions profiteront dans l’immédiat. Enfin, on peut se demander où l’ANAPEC, déjà en difficulté, trouvera les fonds nécessaires pour rémunérer les cabinets de placement qui seront associés à l’opération. Au niveau de l’auto-emploi, le PM encourage les diplômés chômeurs dotés de plus d’esprit d’initiative et de créativité à créer leur propre très petite entreprise (TPE). Avances en fonds propres (10% du projet d'investissement jusqu’à concurrence de 15 000 dhs), et prêts bancaires jusqu’à hauteur de 90% de l'investissement, plafonnés à 250 000 dhs/projet, avec garantie de l’Etat, rendent l’opération plausible. Indéniablement, certains jeunes diplômés talentueux sauront profiter de l’aubaine. Mais l’opération se prêtera également à beaucoup d’abus, d’improvisation et d’accidents de parcours, transformant en dépenses « à fonds perdus » une partie du fonds global de 2 milliards dhs alloué à ces actions. Les contrôles rigoureux qui seront appliqués au lancement et à la gestion de chaque projet de TPE réduiront les dégâts, mais freineront aussi l’éclosion des TPE. Pourra-t-on vraiment atteindre l’objectif officiel de 30 000 TPE employant chacune 3 personnes (soit un total de 90 000 emplois) créées en 3 ans ? En ce qui concerne la grande masse des chômeurs (plus des 4/5èmes de l’ensemble) , le Premier Ministre compte essentiellement sur les « grands chantiers » en cours de réalisation pour assurer la relance économique du pays au cours des trois prochaines années, aidant ce faisant à résorber une

partie du chômage et à créer des emplois nouveaux (complexe portuaire et commercial de Tanger Méditerranée, mise en valeur de la vallée du Bouregreg, autoroutes, rocade méditerranéenne...). La « politique des grands travaux » a souvent permis de relancer la croissance économique et l’emploi dans les pays développés qui traversaient une mauvaise passe conjoncturelle. La raison en est que le taux de valeur ajoutée dans la production nationale y est très élevé, et les effets d’entraînement très forts. Un coup de pouce peut fort bien faire redémarrer la machine économique grippée, grâce aux effets multiplicateurs qu’il engendre. Mais, le raisonnement ne s’applique guère (ou bien peu) à la situation d’un pays du Tiers Monde. Par exemple, s’agissant des « grands chantiers » auxquels le Premier Ministre fait référence, ce sont des sociétés étrangères qui remportent l’essentiel des appels d’offres internationaux associés à leur réalisation. Les sociétés adjudicatrices importent de leur propre pays une proportion écrasante des produits, des services et de l’encadrement requis pour la réalisation du projet. Les fortes retombées bénéfiques des grands chantiers ont donc bien lieu, mais… sur les économies des pays étrangers qui obtiennent les marchés ! De grandes entreprises s’y épanouissent, et génèrent chiffres d’affaires impressionnants, profits élevés et emplois nouveaux, aussi bien directs qu’induits… Mais les retombées des grands chantiers sur l’économie marocaine sont bien modestes, en comparaison de cela, à cause du peu d’argent qui y est réellement dépensé dans le cadre de ces « grands chantiers », de la faiblesse du taux de valeur ajoutée dans la production nationale et de la dilution rapide des effets d’entraînement (ou effets multiplicateurs). Ainsi, les emplois créés pendant la période de réalisation du projet peuvent être importants (surtout au niveau de la main d’œuvre temporaire), mais ils se situent à des niveaux marginaux en ce qui concerne les emplois durables. Quant au transfert de technologie et de know-how associés à ces grands projets, ils restent généralement bien en-deçà des niveaux escomptés. Ajoutez à cela qu’une partie importante des fonds utilisés pour réaliser ces grands projets provient de sources de financement étrangères (multilatérales, bilatérales ou crédits commerciaux). Le service de la dette du projet (intérêts et échéances du principal) détourne encore une fois vers des opérateurs étrangers, chaque année, une partie importante des fonds dégagés par la mise en œuvre du projet, réduisant d’autant sa contribution à long terme au développement économique du pays. Cela explique que l’on puisse être sceptique au sujet des résultats « escomptés » des mesures annoncées à Skhirat. On peut regretter, à cet égard, que le PM n’ait pas jugé utile de présenter une évaluation des résultats obtenus par les anciens programmes de lutte contre le chômage des diplômés chômeurs (soutien financier aux jeunes promoteurs dans les années 1980, actions de formationinsertion associées au CNJA dans les années 1990...). On se souvient que le premier a été comparé à un gouffre financier, dont les résultats n’ont guère été probants, alors que l’opération « formationinsertion », hautement médiatisée à l’époque, n’a contribué à employer que quelques 35 000 personnes en 10 ans, autant dire une goutte d’eau dans l’océan du chômage. La publication d’un rapport annuel sur la mise en œuvre du Plan de Skhirat sera, de ce point de vue, d’un intérêt certain. Le chômage, assurément, n’est qu’une manifestation de l’état de santé précaire de l’économie marocaine en général, et de celui des entreprises en particulier. D’évidence, c’est à ces deux niveaux que les vrais problèmes se posent, et qu’ils doivent être étudiés et résolus. La « mise à niveau » de l’économie dans son ensemble, et de l’entreprise en particulier, constituent des passages obligés si l’on veut les doter de structures compétitives dans le cadre de la mondialisation des activités économiques. Ce n’est qu’à ces conditions que les opérateurs économiques, ayant retrouvé des assises plus solides, pourront procéder aux recrutements dont ils ont vraiment besoin, et dont le niveau sera d’autant plus important que les perspectives de développement seront meilleures.

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Khalid Chraibi - Oumma.com

Oumma.com 9 février 2009

Droits de la femme en Islam : la stratégie des « « meilleures pratiques » (2/2) Khalid Chraibi Exemples des « meilleures pratiques » Les « meilleures pratiques » de droit musulman de la famille n’ont rien de révolutionnaire. Par définition, elles ne pourraient pas l’être, sauf à titre comparatif entre pays musulmans, puisqu’elles doivent toutes être conformes à la charia, et faire déjà partie du code de droit de la famille appliqué dans un pays musulman se rattachant à l’un des quatre rites sunnites. Elles se reconnaissent au fait qu’elles octroient plus de droits à la femme et à l’enfant, ou qu’elles protègent mieux leurs intérêts que d’autres règles de droit musulman relatives aux mêmes rubriques. Afin d’illustrer ce que les « meilleures pratiques » recouvrent, l’association « Sisters in Islam » (SIS) de Malaisie en a dressé une liste représentative, basée sur les différents codes nationaux actuellement en vigueur dans le monde musulman, en les regroupant par rubrique.

Age du mariage : 18 ans pour les garçons et les filles (Maroc, Droit de la famille, 2004)

Consentement des parties : Aucun mariage ne sera valable sans le consentement explicite des deux époux, exprimé librement par chacun d’eux (Tanzanie, Tunisie, Maroc, etc.)

Wali (Tuteur) : En Tunisie, le mari et la femme ont le droit de contracter eux-mêmes leur mariage, ou de donner une procuration à leurs représentants. Sri Lanka, Bangladesh, Pakistan (sous le rite hanafite) : aucun wali n’est requis pour les femmes de rite hanafite qui ont atteint la puberté. Cameroon , Fiji, Gambia, Turquie, Uzbekistan, Kyrgyztan : aucun wali n’est requis.

Témoins au mariage : Au Sénégal, deux témoins adultes sont requis, un par époux (sans spécification de sexe).

Polygamie : En Tunisie, elle est interdite. Au Maroc, le Code de 2004 impose des conditions draconiennes et encourage l’épouse à inclure dans le contrat de mariage, si elle le désire, une clause pour interdire un second mariage de l’époux

Nouchouz (désobéïssance de l’épouse) : Turquie, Indonésie, Tunisie : Egalité entre les époux dans les décisions relatives à la famille.

Divorce : Tunisie : Le divorce est prononcé par le juge uniquement. L’homme et la femme ont les mêmes bases pour réclamer le divorce. Indonésie : L’époux, marié sous la loi musulmane, doit fournir à la Cour de la charia une notification écrite de son intention de divorce. Les six raisons pour divorcer s’appliquent de la même manière à chacun des époux. Une procédure de réconciliation doit être appliquée. Dans le cas où elle échoue, le divorce est prononcé à titre définitif.

Pension alimentaire : En Tunisie, l’épouse divorcée aux torts de son mari peut recevoir un montant forfaitaire, des biens mobiliers ou immobiliers ou des versements mensuels. Le montant de la pension est déterminé en tenant compte du niveau de vie auquel la femme était habituée durant son mariage. En Turquie, la partie aux moindres torts et qui va subir un préjudice du fait du divorce peut demander une compensation raisonnable, payée mensuellement ou en un seul versement.

Droits de garde des enfants : Cameroun et Républiques d’Asie Centrale : La garde peut être confiée à l’un ou l’autre des parents, en tenant compte des meilleurs intérêts de l’enfant. Tunisie : Durant le mariage, les deux parents ont des droits égaux de garde. En cas de divorce, la Cour décide de la garde en fonction des meilleurs intérêts de l’enfant. Si elle est confiée à la mère, celle-ci l’exerce également en matière de voyage, d’éducation et des questions financières.

Portée des « meilleures pratiques » Les dispositions juridiques qualifiées de « meilleures pratiques » peuvent sembler parfaitement banales, compte tenu des normes du droit de la famille, en ce début du 21è siècle. Mais, d’après les associations féminines, leur application améliorerait de manière considérable le cadre de vie de millions de femmes et d’enfants dans le monde musulman. Dans un premier temps, elle réduirait de manière considérable les excès dont les autorités font preuve, dans de nombreux pays, dans l’interprétation des règles religieuses, au détriment des droits des femmes. Ces excès, fortement médiatisés au cours des dernières années, sont illustrés par l’interdiction faite aux femmes de conduire un véhicule, parce que ce serait contraire à la charia ; l’imposition d’une stricte ségrégation entre les sexes dans les lieux publics, les hôpitaux et le système éducatif ; l’obligation de porter des vêtements d’un type particulier tels que le hijab, le niqab ou la « burqua » ; ou même, parfois, l’interdiction d’exercer toute activité professionnelle… A plus long terme, l’adoption des « meilleures pratiques » jetterait les bases pour la redéfinition du statut juridique des femmes, dans le monde musulman, en leur donnant les moyens de se protéger contre les abus auxquels elles sont parfois confrontées dans leur vie quotidienne, qu’il s’agisse de mauvais traitements, de violence conjugale, de répudiation, de polygamie, de pratiques discriminatoires sur le lieu de travail ou de harcèlement sexuel…

Obstacles à l’adoption des « meilleures pratiques » La stratégie des « meilleures pratiques » bouscule de nombreux intérêts établis, dans les pays où elle cherche à s’appliquer, comme en Malaisie ou au Maghreb. Ses défenseurs se heurtent, donc, à l’opposition de nombreuses institutions et corps constitués. Les autorités politiques de nombreux pays ne souhaitent guère perdre une partie de leur emprise sur la moitié de la population, en dotant les femmes de règles qui leur permettraient de mieux défendre leurs intérêts dans la société, et réduiraient donc leur dépendance vis-à-vis des pouvoirs établis. Les oulémas ont du mal à accepter l’idée d’une intrusion dans leur législation de nouvelles règles de droit musulman, basées sur un autre rite que le leur, alors que toute leur éducation a été basée sur une tradition de rejet des autres rites, depuis des siècles. Les partis politiques, sachant qu’ils opèrent dans une société traditionnelle, rejettent par réflexe toute innovation touchant au domaine du sacré, avec la conviction qu’ils reflètent fidèlement les désirs de leurs électeurs. Les partis fondamentalistes, pour leur part, ont fait de la religion, et en particulier du slogan « application de la charia », leur cheval de bataille pour accéder au pouvoir. Ils voient donc d’un mauvais œil toute innovation en matière de droit musulman, et la qualifient de « bid’a » à rejeter, pour éviter toute concurrence sur leur fief. Les femmes elles-mêmes ont été conditionnées, dans les sociétés traditionnelles, à penser que le droit musulman (qu’elles confondent à tort avec les prescriptions coraniques) est immuable. Elles sont convaincues, dans leur grande majorité, que tout changement en matière de droit de la famille doit être rejeté, parce que de tels changements ont pour seul objectif de greffer en terre musulmane les idées et pratiques de l’Occident. Enfin, sur le plan international, les Etats musulmans auraient beaucoup de mal à se mettre d’accord sur l’adoption des « meilleures pratiques », à appliquer de manière conjointe et cohérente dans l’ensemble des pays musulmans. Pour ne pas être débordés sur leurs flancs par les pays plus conservateurs et par les partis fondamentalistes, ils préfèrent maintenir le statu quo.

Application de la stratégie des « meilleures pratiques » Sur la base de leur expérience vécue en ce domaine, les ONG savent que la stratégie des « meilleures pratiques » du droit musulman de la famille n’a de chances de déboucher sur des résultats tangibles que si les associations féminines parviennent à persuader une majorité des acteurs politiques, économiques et sociaux du pays de l’intérêt, pour l’ensemble de la société, de l’adoption de ces « meilleures pratiques. » Cette action doit donc, nécessairement, englober tout l’éventail des composantes de la société, qu’il s’agisse des pouvoirs publics, des organisations syndicales, ou des corps constitués à caractère religieux comme le Conseil des Oulémas. Elle doit également pouvoir s’appuyer sur les vrais détenteurs du pouvoir, au sommet de l’Etat. Dans l’application de cette stratégie, les associations féminines s’appuient, de plus en plus, sur des réseaux de coopération qu’elles ont tissés entre elles, sur le plan international. La stratégie des « meilleures pratiques » a ainsi été développée conjointement, sur le plan conceptuel, par le groupe maghrébin « Collectif 95 – Maghreb Egalité », qui regroupe les

associations féminines les plus importantes du Maroc, d’Algérie et de Tunisie, et par « Sisters in Islam » de Malaisie. Bibliographie Al_Qaradawi, Yusuf : Assahwa al_Islamiya, Le Caire, 1991 An-Na’im, Abdullahi A. : ed. Islamic Family Law in a changing world, London, Zed Books, 2002 Women for Reform (WFR): “Shadow report” from Saudi Arabia’s ad hoc group of women to CEDAW, 2007 Saudi Arabia: Official Government Report to CEDAW, 2007 Maroc: Code de droit de la famille, 2004 Collectif 95 Maghreb-Egalité : Dalil (guide) de l’égalité dans la famille au Maghreb, 2003 Collectif 95 Maghreb-Egalité : Cent mesures et dispositions pour une codification égalitaire des Codes de Statut Personnel, 1995 Freedom House: Women’s Rights in the Middle East and North Africa, 2005 United Nations Development Programme (UNDP): The Arab Human Development Report 2005 – Towards the Rise of women in the Arab world, 2006 Sisters In Islam (SIS): Best practices in family law Sisters In Islam (SIS): Guide to equality in the family in Malaysia Rand Corporation: “Best practices” Progressive family laws in Muslim countries, 2005 Women Learning Partnership (WLP): Best practices in family law

Oumma.com 5 février 2009

Droits de la femme en Islam : la stratégie des « « meilleures pratiques » (1/2) Khalid Chraibi Dans tous les pays musulmans, à l’exception de la Turquie, le statut de la femme est régi par les règles du droit musulman. Parmi la panoplie de règles juridiques qui définissent ce statut, il est possible d'identifier, pour chaque rubrique, des règles spécifiques, appliquées dans un pays donné, qui octroient plus de droits aux femmes ou qui protègent mieux leurs intérêts. D’après les organisations de défense des droits des femmes, l'application de ces règles (dénommées par elles « meilleures pratiques » du droit musulman de la famille) contribuerait à réformer le droit de la famille "de l'intérieur", dans le cadre de la charia, et à le rapprocher de manière significative des normes internationales contemporaines.

L'unité de la charia dans la diversité des rites Contrairement à ce que beaucoup de musulmans pensent, la charia n'est pas la même dans l’ensemble des pays musulmans. Elle varie même de manière considérable d’un pays à l’autre, et d’une époque à l’autre. Il ne s'agit pas d'une dérive, mais d'un choix délibéré effectué par les fondateurs des grandes écoles juridiques, et entériné par les califes et leurs successeurs, dès les premiers siècles de l'Islam. Ainsi, lorsque Malik ibn Anas eut préparé, à la demande du calife Abu Jaafar al Mansur, sa compilation de règles de droit intitulée « al-Muatta », le calife lui proposa de faire adopter cet ouvrage dans l’ensemble des territoires du califat pour servir de code de droit musulman de référence. La justice y serait ainsi rendue de manière uniforme, en appliquant partout les mêmes règles. Mais, Malik s’y opposa, semble-t-il, expliquant que les différentes communautés musulmanes avaient déjà adopté chacune ses propres règles et sa méthodologie d’élaboration du fiqh. Il estimait qu’il valait mieux les laisser libres de leurs choix. Les fondateurs des quatre grandes écoles de pensée juridique sunnite (Abu Hanifa, Malik ibn Anas, Chafi’i, Ibn Hanbal) ont, d'ailleurs, chacun emphatiquement souligné, dans ses enseignements à ses disciples, qu’il n’était en aucun cas le détenteur d’une Vérité absolue en matière d’interprétation des règles du droit musulman. Ses interprétations des dispositions de la charia ne devaient en aucun cas être considérées comme des données définitives, qui lieraient les musulmans en tous lieux et en tous temps. Si une école de pensée juridique différente présentait une meilleure interprétation d’une règle, il fallait en tenir compte. C’est ce qui explique l’ouverture d’esprit et la richesse des travaux des juristes musulmans, pendant des siècles, jusqu’à ce que les autorités politiques décrètent la « clôture de l’ijtihad » au 10è siècle. Les juristes musulmans s'enorgueillissent, aujourd'hui, de la diversité des règles développées par les différentes écoles juridiques islamiques, la décrivant comme une bénédiction du Ciel. D’après eux, toutes ces règles sont conformes aux prescriptions coraniques et à la Sunnah, malgré leurs différences. Mais, cette diversité d'interprétations complique de manière considérable le travail des associations de défense des droits des femmes, quand elles doivent oeuvrer dans des

environnements juridiques aussi différents que ceux de l’Arabie Saoudite ou du Maroc, par exemple, qui se réclament pourtant tous de la charia.

Deux exemples contrastés : l’Arabie Saoudite et le Maroc D’après un rapport soumis par un groupe de femmes s’identifiant comme « Women for reform » (Femmes pour la Réforme) au « Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes » de l’ONU (CEDAW) en 2007, les femmes saoudiennes se plaignent d’être confrontées de manière routinière, dans leur vie quotidienne, à de grandes difficultés, du fait des facteurs suivants : - Il existe une ségrégation totale entre les sexes, avec toutes les conséquences négatives qui s’ensuivent pour les femmes, dans tous les aspects de leur vie - Pendant toute leur existence, les femmes saoudiennes vivent littéralement « sous la tutelle » d’un mâle, qu'il s'agisse d'un père, d'un mari ou d'un proche parent - « Sans la permission de son « tuteur », une femme ne peut ni étudier, ni accéder aux soins médicaux, ni se marier, ni voyager à l’étranger, ni gérer des affaires, ni faire pratiquement quoi que ce soit de significatif… » En réponse à ces observations, les autorités saoudiennes expliquent que la charia a défini des règles différentes s'appliquant à chacun des deux sexes. Par conséquent, en appliquant à chacun des deux sexes les règles de la charia qui le concernent, elles ne bafouent les droits d’aucun individu, qu’il soit mâle ou femelle. La charia présente, tout simplement, une conception des droits humains qui diffère de celle des pays occidentaux. Les autorités saoudiennes ajoutent que le Coran et la Sunna contiennent des règles claires et incontournables, visant à s’assurer que les femmes jouissent des mêmes droits et responsabilités que les hommes, sur une base d’égalité. « Si une femme est victime de discrimination ou d’une injustice, les lois du pays exigent qu’on la rétablisse dans ses droits. » En contraste, au Maroc, le Code de Statut Personnel de 1957, adopté au lendemain de l’indépendance, a été entièrement refondu en 2004, à la suite de plusieurs décennies de lutte des associations féminines, pour tenir compte de l’évolution de la société marocaine dans le demi-siècle écoulé. Le Code, dans sa nouvelle mouture, a complètement redéfini le statut juridique de la femme au sein de la famille et de la société, le rapprochant considérablement des normes internationales. Il place la famille sous la responsabilité conjointe des deux époux, permet à la femme d’agir comme son propre tuteur, et fixe à 18 ans l’âge minimum de mariage des personnes des deux sexes. Il impose des conditions draconiennes au mariage dans le cadre du régime de polygamie et encourage l’épouse à inclure dans le contrat de mariage, si elle le désire, une clause pour interdire un second mariage de l’époux. Il place la répudiation sous un strict contrôle judiciaire et exige la répartition équitable des biens du couple avant que le divorce ne puisse être finalisé. Les oulémas et juristes marocains associés à la refonte du Code soulignent que toutes ses dispositions ont été basées sur une lecture attentive, minutieuse et complète de la charia, dans toute sa complexité, en tenant compte des « meilleures pratiques » juridiques en vigueur dans les autres pays musulmans. Pourtant, à la suite de cette refonte du Code, les autorités marocaines ont progressivement levé les différentes réserves qu’elles avaient précédemment exprimées au sujet de l’application sur le territoire marocain de certaines dispositions de différentes

conventions internationales relatives aux droits de la femme et de l’enfant « qui pouvaient être incompatibles avec les prescriptions religieuses ».

La stratégie des « meilleures pratiques » Confrontées à un tel éventail d’interprétations dans les règles appliquées au statut de la femme dans les différents pays musulmans, les organisations de défense des droits des femmes comprennent parfaitement la vanité d'essayer de remettre en cause les interprétations qui sont à la base des règles appliquées dans un pays donné. Ainsi, bien que les cas saoudien et marocain soient représentatifs de situations extrêmement différentes, aussi bien les autorités saoudiennes que marocaines sont convaincues que les dispositions juridiques appliquées au statut de la femme sur leur territoire sont parfaitement conformes aux prescriptions de la charia. Les ONG féminines telles que « Collectif 95 Maghreb-Egalité » ou « Sisters in Islam » de Malaisie, qui ont étudié ces questions de manière approfondie, proposent une nouvelle stratégie pour faire progresser la cause des droits des femmes musulmanes : « Si toutes ces règles sont également valables dans la charia, et si certaines d'entre elles accordent plus de droits aux femmes ou protègent mieux leurs intérêts, n'est-ce pas ces règles (dénommées les "meilleures pratiques" du droit musulman) qui devraient s'appliquer en droit de la famille, en ce début du 21è siècle, de préférence aux règles qui sont moins favorables aux droits des femmes ? Pourquoi les femmes devraient-elles faire les frais de ces différences d'interprétation, qui sont clairement le fait des hommes ? » A l'appui de ce dernier point, les ONG féminines rappellent que les Codes de Statut Personnel des différents pays musulmans font périodiquement l'objet de révision (Egypte 2000, Mauritanie 2001, Maroc 2004, Algérie 2005), alors qu'ils se basent sur les prescriptions coraniques et la Sunnah. Si les règles présentées dans ces codes ont été périodiquement changées, n'est-ce pas là la preuve que beaucoup de dispositions contenues dans les codes de droit de la famille relèvent du choix des hommes, et non de prescriptions religieuses ?

Le calendrier musulman en 10 questions (2/2)

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lundi 29 septembre 2008 – par Khalid Chraibi Question 9 : Quels sont les arguments des juristes musulmans qui prônent l’utilisation du calcul ? Le cadi Ahmad Muhammad Shakir (18), un juriste éminent (19) de la première moitié du 20è s., qui occupa en fin de carrière les fonctions de Président de la Cour Suprême de la Charia d’Egypte, est un bon représentant de cette tendance. Il a publié, en 1939, une étude originale axée sur le côté juridique de la problématique du calendrier islamique, sous le titre : « Le début des mois arabes … la charia permet-elle de le déterminer en utilisant le calcul astronomique ? » (20) D’après lui, le Prophète a tenu compte du fait que la communauté musulmane (de son époque) était « illettrée, ne sachant ni écrire ni compter », avant d’enjoindre à ses membres de se baser sur l’observation de la nouvelle lune pour accomplir leurs obligations religieuses du jeûne et du hajj. Mais, la communauté musulmane a évolué de manière considérable au cours des siècles suivants. Certains de ses membres sont même devenus des experts et des innovateurs en matière d’astronomie. En vertu du principe de droit musulman selon lequel « une règle ne s’applique plus, si le facteur qui la justifie a cessé d’exister », la recommandation du Prophète ne s’applique plus aux musulmans, une fois qu’ils ont appris « à écrire et à compter » et ont cessé d’être « illettrés ». Shakir rappelle également le principe de droit musulman selon lequel « ce qui est relatif ne peut réfuter l’absolu, et ne saurait lui être préféré, selon le consensus des savants. ». Or, la vision de la nouvelle lune par des témoins oculaires est relative, pouvant être entachée d’erreurs, alors que la connaissance du début du mois lunaire basée sur le calcul astronomique est absolue, relevant du domaine du certain.

Il rappelle également que de nombreux juristes musulmans de grande renommée ont pris en compte les données du calcul astronomique dans leurs décisions. Shakir souligne, en conclusion, que rien ne s’oppose, au niveau de la charia, à l’utilisation du calcul pour déterminer le début des mois lunaires et ce, en toutes circonstances, et non à titre d’exception seulement, comme l’avaient recommandé certains ulémas. Il observe, par ailleurs, qu’il ne peut exister qu’un seul mois lunaire pour tous les pays de la Terre, basé sur le calcul, ce qui exclut la possibilité que le début des mois diffère d’un pays à l’autre. Le professeur Yusuf al-Qaradawi, Président du Conseil Européen pour la Fatwa et la Recherche (CEFR) est un autre représentant de cette tendance. En 2004, il a publié une étude intitulée : « Calculs astronomiques et détermination du début des mois », (21) dans laquelle il prône pour la première fois, vigoureusement et ouvertement, l’utilisation du calcul pour l’établissement du calendrier islamique. Il cite à cet effet, avec approbation, de larges extraits de l’argumentation juridique développée par Shakir dans son étude de 1939. La « Islamic Society of North America », le « Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord » et le « Conseil Européen pour la Fatwa et la Recherche » appartiennent également, désormais, à cette école de pensée, ayant annoncé, tour à tour, en 2006 et en 2007, leur décision d’utiliser, dorénavant, un calendrier annuel basé sur le calcul astronomique. (22) Ils justifient leur décision selon les mêmes lignes de raisonnement que Shakir et al-Qaradawi. Question 10 : Y a-t-il des efforts de la part des musulmans pour développer un calendrier islamique « universel » ? Au cours du dernier demi-siècle, la Ligue arabe, l’Organisation de la Conférence Islamique et d’autres institutions similaires ont présenté à leurs Etats membres plus d’une demi-douzaine de propositions dans le but de développer un calendrier islamique commun. Bien que ces propositions n’aient jamais abouti, jusqu’ici, les efforts continuent dans cette voie, à la recherche d’une solution acceptable pour toutes les parties concernées. De son côté, le Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord (CFAN), qui s’est senti depuis des années interpelé par cette question, a annoncé au mois d’août 2006 sa décision mûrement réfléchie (22) d’adopter désormais un calendrier islamique basé sur le calcul, en prenant en considération la visibilité du croissant où que ce soit sur Terre. (23) Utilisant comme point de référence conventionnel, pour l’établissement du calendrier islamique, la ligne de datation internationale (International date line (IDL)), ou Greenwich Mean Time (GMT), il déclare que désormais, en ce qui le concerne, le nouveau mois lunaire islamique en Amérique du Nord commencera au coucher du soleil du jour où la conjonction se produit avant 12 : 00 GMT. Si elle se produit après 12 : 00 GMT, alors le mois commencera au coucher du soleil du jour suivant. Le CFAN retient le principe de l’unicité des matali’e (horizons), qui affirme qu’il suffit que la nouvelle lune soit observée où que ce soit sur Terre, pour déterminer le début du nouveau mois pour tous les pays de la planète qui recevraient l’information. Après avoir minutieusement étudié les cartes de visibilité du croissant lunaire en différentes régions du globe, (3) il débouche sur la conclusion suivante :

Si la conjonction se produit avant 12 : 00 GMT, cela donne un temps suffisant pour qu’il soit possible d’observer la nouvelle lune en de nombreux points de la Terre où le coucher du soleil intervient longtemps avant le coucher du soleil en Amérique du Nord. Etant donné que les critères de visibilité de la nouvelle lune seront réunis en ces endroits, on pourra considérer qu’elle y sera observée (ou qu’elle aurait pu l’être si les conditions de visibilité avaient été bonnes), et ce bien avant le coucher du soleil en Amérique du Nord. Par conséquent, sur ces bases, les stipulations d’observation de la nouvelle lune seront respectées, comme le prescrit l’interprétation traditionnelle de la charia, et le nouveau mois lunaire islamique débutera en Amérique du Nord au coucher du soleil du même jour. Si la conjonction se produit après 12 : 00 GMT, alors le mois commencera en Amérique du Nord au coucher du soleil du jour suivant. La décision de 2006 du Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord (CFAN) a suscité de l’intérêt dans de nombreux pays musulmans, dans la mesure où elle tient compte des exigences de l’interprétation traditionnelle de la charia, tout en permettant d’établir à l’avance un calendrier islamique annuel, qui peut en fait s’appliquer à l’ensemble du monde musulman. Le début des mois de ce calendrier serait programmé sur la base du moment (parfaitement prévisible, longtemps à l’avance) auquel la conjonction se produira chaque mois. Des astronomes d’une dizaine de pays se sont ainsi réunis au Maroc, en novembre 2006, en vue de discuter de la possibilité d’adoption d’un calendrier islamique universel. D’après un rapport publié par Moonsighting.com en décembre 2006, à une très forte majorité, comprenant l’Arabie Saoudite, l’Egypte et l’Iran, les astronomes ont estimé que le calendrier adopté par le Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord pouvait être utilisé comme calendrier islamique universel. (24) (25) Mais, le CFAN a changé de position en 2007, et décidé de se rallier à une décision du Conseil Européen pour la Fatwa et la Recherche (CEFR) qui s’alignait sur les paramètres du calendrier saoudien d’Umm al Qura (17) pour déterminer le début des mois musulmans (en utilisant comme paramètres que la « conjonction » se produise « avant le coucher du soleil aux coordonnées de la Mecque », et "que le coucher de la lune ait lieu après celui du soleil" aux mêmes coordonnées.) (26) Sur le plan méthodologique, la substitution des paramètres du calendrier d’Umm al Qura à ceux établis par le CFAN dans sa décision d’août 2006 a les effets suivants : L’exigence que la « conjonction » se produise « avant le coucher du soleil aux coordonnées de la Mecque », au lieu de 12 :00 h GMT, comme spécifié auparavant par le CFAN, augmente de 3 heures la plage durant laquelle la conjonction sera prise en compte. Ceci améliore les chances pour que le premier jour du nouveau mois, déterminé selon la méthodologie du calendrier d’Umm al Qura, ne soit décalé que d’un jour par rapport au calendrier lunaire établi par les observatoires astronomiques. Par contre, le paramètre selon lequel « le coucher de la lune doit avoir lieu après celui du soleil aux coordonnées de la Mecque » introduit une condition restrictive par rapport aux paramètres établis par le CFAN en 2006. Il implique que la nouvelle lune doit être potentiellement visible à la Mecque le soir qui suit la conjonction, alors que le CFAN basait son raisonnement sur le fait que la nouvelle lune serait potentiellement visible « quelque part sur Terre ».

D’après le CFAN, les données du calendrier ainsi établi ne diffèrent que de manière marginale de celles obtenues par l’application de sa méthodologie d’août 2006. Le CFAN et le CEFR justifient l’adoption des nouveaux paramètres par le souci de développer un consensus des musulmans à travers le monde sur des questions d’intérêt commun, dont celle du calendrier. Les décisions du CFAN et du CEFR ont déjà eu les retombées importantes suivantes : Le principe d’utilisation du calendrier basé sur le calcul est officiellement parrainé par des leaders religieux connus et respectés de la communauté musulmane (20) (21) (22) ; Il est adopté officiellement par des organisations islamiques dont nul ne conteste la légitimité (26) ; Les communautés musulmanes d’Europe et d’Amérique sont disposées à l’utiliser pour la détermination du début de tous les mois, y compris ceux associés à des occasions à caractère religieux. La traduction de ces décisions, sur le plan concret, sera influencée de manière importante par l’attitude des différents Etats musulmans à leur égard, puisqu’ils ont le dernier mot en la matière, sur leur territoire. Par exemple, l’Arabie Saoudite n’utilise le calendrier d’Umm al Qura que pour la gestion des affaires administratives du pays. (17) Elle affirme qu’il n’est pas conforme à la charia de l’utiliser pour la détermination des dates à caractère religieux, telles que le début du mois de Ramadan, les eids al-Fitr et al-Adha, les dates associées au Hajj, le 1er Muharram, etc. Mais, lorsque l’utilisation du calendrier basé sur le calcul sera entrée dans les mœurs en Europe et aux Etats-Unis, les esprits ne seront-ils pas plus disposés, en Arabie Saoudite et dans d’autres pays musulmans, à utiliser un calendrier établi d’un commun accord, du type de celui d’Umm al Qura, pour la détermination du début des mois lunaires, y compris ceux associés aux occasions religieuses ? Les initiatives du CFAN et du CEFR pourraient donc amener de nombreux Etats musulmans à développer progressivement un consensus, à l’avenir, au sujet d’un « calendrier islamique universel » à l’usage de toutes les communautés musulmanes du monde. (27) Notes : (3) Moonsighting.com (17) Van Gent : The Umm al Qura calendar (18) Ahmad Muhammad Shakir (notice biographique détaillée en arabe) (19) Un auteur de référence en matière de science du hadith (20) Ahmad Shakir : « Le début des mois arabes … la charia permet-elle de le déterminer en utilisant le calcul astronomique ? » (publié en arabe en 1939) reproduit par le quotidien « AlMadina », 13 octobre 2006 (n° 15878) (21) Yusuf al-Qaradawi : « Calculs astronomiques et détermination du début des mois » (en arabe) (22) Zulfikar Ali Shah The astronomical calculations : a fiqhi discussion

(23) Fiqh Council of North America : Islamic lunar calendar (24) Morocco meeting : Breakthrough for global Islamic calendar (25) Morocco meeting, November 2006, details (26) Islamic Center of Boston, Wayland : Moonsighting Decision documents (27) Ce texte s’inspire de deux articles de l’auteur publiés par Oumma.com sous les titres « 1er muharram : calendrier lunaire ou islamique ? » (15 mai 2006) et « La problématique du calendrier islamique » (2 février 2007), refondus et complétés par une analyse des décisions de 2007 du Conseil Européen pour la Fatwa et la Recheche (CEFR), de l’Islamic Society of North America (ISNA) et du Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord (CFAN). Références en français : Emile Biémont, Rythmes du temps, Astronomie et calendriers, De Borck, 2000, 393p Louisg : Le début des mois dans le calendrier musulman Louisg : Le Calendrier musulman Nidhal Guessoum : Le problème du calendrier islamique et la solution Képler Mohamed Nekili : Vers un calendrier islamique universel Jamal Eddine Abderrazik, « Calendrier Lunaire Islamique Unifié », Editions Marsam, Rabat, 2004. Références en anglais : Helmer Aslaksen : The Islamic calendar Selected articles on the Islamic calendar Islamic Crescent’s Observation Project (ICOP) : Selected articles on the Islamic calendar Mohamed Odeh : The actual Saudi dating system

Mots clés Calendrier Islamique

Khalid Chraibi Economiste (U. de Paris, France, et U. de Pittsburgh, USA), a occupé des fonctions de consultant économique à Washington D.C., puis de responsable à la Banque Mondiale, avant de se spécialiser dans le montage de nouveaux projets dans son pays.

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Le calendrier musulman en 10 questions (1/2)

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vendredi 26 septembre 2008 – par Khalid Chraibi « Le soleil et la lune (évoluent) selon un calcul (minutieux) » (Coran, Ar-Rahman, 55 : 5) « C’est Lui (Dieu) qui a fait du Soleil une clarté et de la Lune une lumière ; il en a déterminé les phases afin que vous connaissiez le nombre des années et le calcul du temps » (Coran, Yunus, 10 : 5) « Les ulémas n’ont pas le monopole d’interprétation de la charia. Evidemment ils doivent être consultés au premier plan sur les questions de la charia. (Mais) ce ne sont pas eux qui font la loi religieuse, de même que ce ne sont pas les professeurs de droit qui font la loi, mais les parlements » (Ahmed Khamlichi, Point de vue n° 4) Question 1 : Pourquoi les musulmans se basent-ils sur l’observation de la nouvelle lune pour déterminer le début des mois ? Quand les compagnons du Prophète l’interrogèrent sur la procédure à suivre pour déterminer le début et la fin du mois de jeûne, il leur recommanda de commencer le jeûne du mois du ramadan avec l’observation de la naissance de la nouvelle lune [au soir du 29è j du mois] et d’arrêter le jeûne avec la naissance de la nouvelle lune (du mois de shawal). « Si le croissant n’est pas visible (à cause des nuages) comptez jusqu’à 30 j. ». (1) A l’époque, les bédouins ne savaient ni écrire, ni compter. Ils ne connaissaient rien à l’astronomie, dont les données n’étaient pas communément disponibles. Ils étaient habitués à observer la position des étoiles, de nuit, pour se guider dans leurs déplacements à travers le désert, et à observer l’apparition de la nouvelle lune pour connaître le début des mois. La recommandation du Prophète cadrait parfaitement avec les données de leur situation. Question 2 : Pourquoi la nouvelle lune, à sa naissance, est-elle visible dans certaines régions du globe seulement ? Le nouveau mois lunaire commence, sur le plan astronomique, à partir du moment où la « conjonction » mensuelle se produit, c’est-à-dire quand la Lune se trouve située sur une ligne droite entre la Terre et le Soleil. A ce moment-là, la lune est invisible. Le croissant lunaire ne commence à être visible, en général, que quelques 18 h après la « conjonction », et uniquement lorsque des conditions favorables d’observation sont réunies. Elles incluent le

nombre d’heures écoulées depuis la conjonction ; les positions relatives du Soleil, du croissant lunaire et de l’observateur ; l’altitude de la lune au coucher du soleil ; le lieu où l’on procède à l’observation ; l’angle formé avec le soleil au moment du coucher ; la limite de détection de l’oeil humain ; etc. (2) Chaque mois, la nouvelle lune sera d’abord aperçue à certains endroits spécifiques du globe, avant de devenir visible partout ailleurs, par la suite. Question 3 : Peut-on déterminer à l’avance les lieux les plus favorables à l’observation de chaque nouvelle lune ? Des astronomes musulmans renommés, tels que Ibn Tariq (8è s.), Al-Khawarizmi (780 ?-863), Al-Battani (850-929), Al-Bayrouni (973-1048), Tabari (11è s.), Ibn Yunus (11è s.), Nassir alDin Al-Tousi (1258-1274 ?), etc. ont accordé un intérêt particulier à l’étude des critères de visibilité de la nouvelle lune, dans le but de développer des techniques de prédiction fiables du début d’un nouveau mois. Mais, ce n’est que récemment que des astronomes et des informaticiens réputés ont réussi, en conjuguant leurs efforts, à établir des procédures permettant de prédire à l’avance, chaque mois, dans quelles régions du globe les conditions optimales seront réunies pour observer la nouvelle lune. Ainsi, en 1984, un physicien de Malaisie, Mohamed Ilyas, a pu tracer au niveau du globe terrestre une ligne de démarcation, ou ligne de date lunaire, à l’ouest de laquelle le croissant est visible le soir du nouveau mois, alors qu’il ne peut être vu à l’est de cette ligne que le soir suivant. (2) Aujourd’hui, les cartes détaillées des zones de visibilité de la nouvelle lune sont établies de manière mensuelle, à l’avance, et publiées dans des sites tels que « Moonsighting.com ». (3) Question 4 : L’observation de la nouvelle lune, où qu’elle se fasse, ne devrait-elle pas marquer le début du nouveau mois pour tous les musulmans ? En théorie, lorsque la nouvelle lune est observée quelque part, cela marque le début du nouveau mois pour les musulmans situés dans toutes les régions où l’information parvient. Au temps de la Révélation, quand les communications dans l’espace étaient difficiles, cette règle ne concernait que des régions géographiques limitées, proches du lieu d’observation. Mais, aujourd’hui, avec les moyens de communication modernes, une information peut être diffusée dans le monde entier presque instantanément. Le champ d’application de la règle est donc beaucoup plus vaste. (4) (5) Cependant, dans le but d’affirmer leur souveraineté, les Etats musulmans procèdent généralement, chacun pour son propre compte, à l’observation mensuelle de la nouvelle lune dans le ciel (ou à défaut attendent l’achèvement d’un 30è j) avant de décréter le début d’un nouveau mois sur leur territoire. Chaque Etat a défini ses propres paramètres et procédures en la matière, compliquant encore plus la situation. (6) Question 5 : Puisque le mois lunaire ne peut avoir que 29 jours, ou 30 jours, pourquoi y a-t-il parfois un décalage de deux jours (et parfois même de trois jours) dans le début du mois du ramadan, ou dans la célébration de l’aïd al Fitr, dans différents pays ?

Logiquement, le début du nouveau mois ne devrait différer que de 24 heures entre tous les pays de la planète. Certains Etats observeraient la nouvelle lune le soir du 29è jour du mois, alors que les autres comptabiliseraient un mois de 30 jours. En pratique, il en va autrement, puisque le 1er ramadan 1428, par exemple, correspondait au mercredi 12 septembre 2007 dans 2 pays ; au jeudi 13 septembre dans 40 pays ; et au vendredi 14 septembre dans 9 pays. (7) De même, le 1er shawwal 1428, jour de célébration de l’aïd elFitr, correspondait au jeudi 11 octobre 2007 dans 1 pays, au vendredi 12 octobre dans 33 pays, au samedi 13 octobre dans 23 pays et au dimanche 14 octobre dans 3 pays. (8) Etant donné que différents Etats musulmans décrètent des jours différents pour le début du même mois, ils atteignent également le 30è jour du mois en des jours différents. Des considérations d’ordre politique ou géo-stratégiques, ainsi que des défaillances humaines dans l’observation de la nouvelle lune, expliquent aussi certains décalages. Des astronomes musulmans ont procédé, au cours des dernières années, à des études approfondies de ces questions. Ils ont abouti à la conclusion que les débuts de mois décrétés dans les pays islamiques sur une période de plusieurs décennies étaient souvent erronés, pour les raisons les plus diverses. (2) (9) Question 6 : Est-ce qu’il existe un calendrier lunaire basé sur le calcul ? Le calendrier lunaire basé sur le calcul astronomique existe depuis la plus haute Antiquité. Il était déjà un outil hautement performant du temps des Babyloniens (18è s. av. J.C.). Le mois lunaire débute, on l’a vu, au moment de la « conjonction » mensuelle, quand la Lune se trouve située sur une ligne droite entre la Terre et le Soleil. Le mois est défini comme la durée moyenne d’une rotation de la Lune autour de la Terre (29,53 j environ). La lunaison (période qui s’écoule entre deux conjonctions) varie au sein d’une plage dont les limites sont de 29, 27 j au solstice d’été et de 29,84 j au solstice d’hiver, donnant, pour l’année de 12 mois, une durée moyenne de 354,37 j. Sur le plan astronomique, les mois lunaires n’ont pas une durée de 30j et de 29j en alternance. Il y a parfois de courtes séries de 29 j suivies de courtes séries de 30 j, comme illustré par la durée en jours des 24 mois lunaires suivants, correspondant à la période 2007-2008 : « 30, 29, 30, 29, 29, 30, 29, 29, 30, 30, 29, 30, 30, 30, 29, 30, 29, 29, 30, 29, 29, 30, 29, 30 » Les astronomes ont posé, depuis des millénaires, la convention que des mois de 30 j et de 29 j se succèderaient en alternance, dans le but de faire correspondre la durée de rotation de la Lune sur deux mois consécutifs à un nombre de jours entiers (59 j). Cela laissait à peine un petit écart mensuel de 44 mn environ, qui se cumulait pour atteindre 24 h (soit l’équivalent d’un jour) en 2,73 ans. Pour solder cet écart, il suffisait d’ajouter un jour au dernier mois de l’année, tous les trois ans environ, de la même manière qu’on ajoute un jour tous les quatre ans au calendrier grégorien. Le « calendrier tabulaire » ainsi élaboré comprend 11 années dites « abondantes », d’une durée de 355 j chacune, dans un cycle de 30 ans (années n° 2, 5, 7, 10, 13, 16, 18, 21, 24, 26 et 29), alors que les années dites « communes », d’une durée de 354 j, sont au nombre de 19. (10)

Question 7 : Pourquoi les musulmans n’utilisent-ils pas le calendrier lunaire basé sur le calcul ? Le Coran n’interdit pas l’utilisation du calcul astronomique dans l’élaboration du calendrier. Il précise seulement que l’année lunaire ne comprend que 12 mois. (11) Mais, suite à la recommandation du Prophète aux Bédouins de commencer et d’arrêter le jeûne du mois du ramadan avec l’observation de la nouvelle lune, le consensus des ulémas se forgea solidement, pendant 14 siècles, autour du rejet du calcul, à part quelques juristes isolés, dans les premiers siècles de l’ère islamique, qui prônèrent l’utilisation du calcul pour déterminer le début des mois lunaires. (12) Sur le plan institutionnel, seule la dynastie (chi’ite) des Fatimides, en Egypte, a utilisé un calendrier basé sur le calcul, entre les 10è et 12è s., avant qu’il ne tombe dans l’oubli à la suite d’un changement de régime. (13) L’argument majeur utilisé pour justifier cette situation se fonde sur le postulat des ulémas, selon lequel il ne faut pas aller à l’encontre d’une prescription du Prophète. (14) Ils estiment qu’il est illicite de recourir au calcul pour déterminer le début des mois lunaires, puisque le Prophète a recommandé la procédure d’observation visuelle. (4) Question 8 : Le hadith du Prophète sur l’observation de la nouvelle lune pour débuter le jeûne du ramadan constitue-t-il une prescription religieuse immuable et incontournable ? Depuis le début du 20è s., de plus en plus de penseurs islamiques, ainsi qu’une poignée d’ulémas de renom, remettent en cause les arguments présentés contre l’utilisation du calcul. A leur avis, le Prophète a simplement recommandé aux fidèles une procédure d’observation de la nouvelle lune, pour déterminer le début d’un nouveau mois. L’observation du croissant n’était qu’un simple moyen, et non pas une fin en soi, un acte d’adoration (‘ibada). Le hadith relatif à l’observation n’établissait donc pas une règle immuable, pas plus qu’il n’interdisait l’utilisation du calendrier astronomique. (4) (15) D’après certains juristes, le hadith ne parle même pas d’une observation visuelle de la nouvelle lune, mais simplement de l’acquisition de l’information, selon des sources crédibles, que le mois a débuté. (16) Cela ouvre naturellement de toutes autres perspectives dans la discussion de cette question. D’ailleurs, en Arabie Saoudite, le calendrier d’Umm al Qura (à usage administratif uniquement) est préparé depuis de nombreuses années en utilisant une procédure basée sur le calcul astronomique, et qui n’a rien à voir avec l’observation de la nouvelle lune. Par convention, si la conjonction se produit avant le coucher du soleil aux coordonnées de la Mecque, le soir du 29è j du mois en cours, et si le soleil se couche avant la lune, un nouveau mois commence. Autrement, le mois en cours aura une durée de 30 j. (17) On peut aussi noter que les musulmans trouvent parfaitement licite d’utiliser le calendrier grégorien dans la gestion de toutes leurs affaires, et l’utilisent de manière routinière, depuis de nombreux siècles, sans avoir la moindre appréhension qu’ils pourraient, ce faisant, enfreindre des prescriptions religieuses. L’usage du calendrier solaire grégorien, basé sur le calcul astronomique, serait-il donc licite, alors que l’usage du calendrier lunaire islamique, basé sur le même calcul, serait illicite

A suivre... Notes : (1) Al-Bokhary, Recueil de hadiths (3/119) (2) Karim Meziane et Nidhal Guessoum : La visibilité du croissant lunaire et le ramadan, La Recherche n° 316, janvier 1999, pp. 66-71 (3) Moonsighting.com (4) Allal el Fassi : « Aljawab assahih wannass-hi al-khaliss ‘an nazilati fas wama yata’allaqo bimabda-i acchouhouri al-islamiyati al-arabiyah », rapport préparé à la demande du roi Hassan II du Maroc, Rabat 1965 (36 p.), sans indication d’éditeur (5) Abi alfayd Ahmad al-Ghomari : Tawjih alandhar litaw-hidi almouslimin fi assawmi wal iftar, 160p, 1960, Dar al bayareq, Beyrouth, 2è éd. 1999 (6) Procédure d’observation de la nouvelle lune par pays (7) Etat d’observation du début du Ramadan 1428 par pays (8) Etat d’observation du début de Shawwal 1428 par pays (9) Nidhal Guessoum, Mohamed el Atabi et Karim Meziane : Ithbat acchouhour alhilaliya wa mouchkilate attawqiti alislami, 152p., Dar attali’a, Beyrouth, 2è éd., 1997 (10) Emile Biémont, Rythmes du temps, Astronomie et calendriers, De Borck, 2000, 393p (11) Dans l’Arabie pré-islamique, les bédouins utilisaient un calendrier lunaire basé sur une année de 12 mois. Mais ils avaient pris l’habitude, depuis l’an 412, de leur adjoindre un 13è mois mobile, (dont le concept avait été emprunté au calendrier hébraïque), dans le but de faire correspondre le mois du hajj à la saison d’automne. Ces ajustements ayant fait l’objet de grands abus, le Coran les a réprimés en fixant à douze le nombre de mois d’une année et en interdisant l’intercalation du 13è mois. Les versets du Coran (At-Touba 9 : 36 et 37) sont les suivants : (Coran 9 : 36) : « Le nombre de mois, auprès d’Allah, est de douze (mois), dans la prescription d’Allah, le jour où Il créa les cieux et la terre. » (Coran 9 : 37) : « Le report d’un mois sacré à un autre est un surcroît de mécréance. Par là, les mécréants sont égarés : une année, ils le font profane, et une année, ils le font sacré, afin d’ajuster le nombre de mois qu’Allah a fait sacrés. Ainsi rendent-ils profane ce qu’Allah a fait sacré. Leurs méfaits leurs sont enjolivés. Et Allah ne guide pas les gens mécréants. » (12) (13) (14) Muhammad Mutawalla al-Shaârawi : Fiqh al-halal wal haram (édité par Ahmad Azzaâbi), Dar al-Qalam, Beyrouth, 2000, p. 88

(15) Le cheikh Abdul Muhsen Al-Obaikan, conseiller du Ministère de la Justice d’Arabie Saoudite, remet lui-même en cause la méthode utilisée par le Conseil Judiciaire Suprême d’Arabie Saoudite, qui se base sur l’observation de la nouvelle lune à l’œil nu pour décréter le début du mois. Compte tenu de l’état d’avancement de la science et de la technologie modernes, utiliser l’œil nu pour déterminer le début et la fin du mois de ramadan relève, à son avis, d’une démarche primitive. « Il n’y a pas d’autre façon de le dire, c’est du sousdéveloppement à l’état pur. » Rapporté par Anver Saad, « The Untold Story of Ramadhan Moon Sighting » Daily muslims, October 07, 2005 (16) Al-Ghazali, Ihya’e ouloum addine, cité dans al-Ghomari, p 30 (17) Références en français : Emile Biémont, Rythmes du temps, Astronomie et calendriers, De Borck, 2000, 393p Louisg : Le début des mois dans le calendrier musulman Louisg : Le Calendrier musulman Nidhal Guessoum : Le problème du calendrier islamique et la solution Képler Mohamed Nekili : Vers un calendrier islamique universel Jamal Eddine Abderrazik, « Calendrier Lunaire Islamique Unifié », Editions Marsam, Rabat, 2004. Références en anglais : Selected articles on the Islamic calendar Islamic Crescent’s Observation Project (ICOP) : Selected articles on the Islamic calendar Mohamed Odeh : The actual Saudi dating system

Mots clés Calendrier Islamique

Khalid Chraibi Economiste (U. de Paris, France, et U. de Pittsburgh, USA), a occupé des fonctions de consultant économique à Washington D.C., puis de responsable à la Banque Mondiale, avant de se spécialiser dans le montage de nouveaux projets dans son pays.

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La charia et les droits de la femme au 21è siècle Par Khalid Chraibi mardi 11 mars 2008

Des dispositions nationales différentes en fonction des interprétations La question des droits de la femme dans les pays musulmans est entourée de paradoxes. L’islam fut un précurseur en matière de libération de la femme, redéfinissant dès le 7è siècle son statut au sein de la société, et lui donnant sa pleine quote-part de droits et de responsabilités. Elle acquit le droit de recevoir un héritage, de gérer librement ses biens et d’accéder au domaine du savoir, entre autres innovations dans sa situation. La charia redéfinit et rééquilibra les rôles respectifs des époux, au sein de la famille, afin que chacun d’eux puisse assumer pleinement les responsabilités qui lui étaient attribuées, et contribuer de manière efficace à l’épanouissement de la cellule familiale et à la consolidation des assises de la communauté. Les autorités politiques et religieuses des pays musulmans insistent, à cet égard, dans les documents qu’elles soumettent à des organismes internationaux spécialisés, tels que le « Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes » de l’ONU (CEDAW), sur le fait que « le Coran et la Sunna contiennent des règles qui ne souffrent d’aucune ambiguïté en faveur de la non-discrimination entre les hommes et les femmes, visant à s’assurer que les femmes jouissent des mêmes droits et responsabilités (que les hommes), sur une base d’égalité. » Elles ajoutent que « si une femme est victime de discrimination ou d’une injustice, les lois du pays exigent qu’on la rétablisse dans ses droits. » Néanmoins, en ce début du 21è siècle, les associations féminines opérant dans le domaine des droits des femmes, ainsi que les différents organismes internationaux spécialisés en la matière, estiment que le statut de beaucoup de femmes reste peu enviable, dans de nombreux pays musulmans. Les femmes dont ces associations s’occupent vivent dans des foyers caractérisés par l’oppression, l’exploitation, le mauvais traitement, la menace constante de répudiation, la polygamie, la violence domestique, les « crimes d’honneur », le mariage « misyar », etc. Elles sont, de même, victimes de pratiques discriminatoires sur le lieu de travail, que ce soit au niveau de l’emploi, du statut, du niveau de rémunération et de responsabilités exercées, des promotions, etc., sans parler des cas de harcèlement sexuel. Ainsi, à l’occasion de la soumission par l’Arabie Saoudite à la CEDAW, en 2007, de son premier rapport sur la condition de la femme en Arabie Saoudite, un groupe de femmes s’identifiant comme « Women for reform » (Femmes pour la Réforme) fit parvenir anonymement à la CEDAW un « shadow-report » (contre-rapport) de 75 pages détaillant toutes les difficultés auxquelles les femmes saoudiennes étaient confrontées, de manière routinière, dans tous les aspects de leur vie quotidienne.

Ce rapport dénonce la ségrégation totale qui existe entre les sexes, et toutes les conséquences négatives qui s’ensuivent pour les femmes, dans tous les aspects de leur vie. « Women for reform » expliquent, avec force détails, que les femmes saoudiennes vivent littéralement « sous tutelle » d’un mâle et, « sans la permission de son « tuteur », une femme ne peut ni étudier, ni accéder aux soins médicaux, ni se marier, ni voyager à l’étranger, ni gérer des affaires, ni faire pratiquement quoi que ce soit de significatif… » En réponse à ces observations, les autorités politiques et religieuses d’Arabie Saoudite répliquent qu’elles ne font preuve d’aucune discrimination dans leur manière de traiter les femmes. Elles se contentent d’appliquer les règles de la charia. Elles expliquent qu’en appliquant à chacun des deux sexes les règles de la charia qui le concernent, les autorités politiques ne bafouent les droits d’aucun individu, qu’il soit mâle ou femelle. Elles font, tout simplement, preuve d’une conception des droits humains qui est différente de celle des pays occidentaux. Mais, est-ce vraiment le cas ? On peut se poser honnêtement la question, sur la base des deux exemples suivants. Ils illustrent ce que beaucoup de personnes peuvent considérer comme des abus dont les autorités font preuve, dans certains pays musulmans et dans certaines situations, quand elles confondent ce qui relève, à proprement parler, des coutumes et traditions du pays et ce qui peut être attribué, à juste titre, à la charia. Par exemple, la charia interdit-elle à la femme de conduire un véhicule, comme l’ont affirmé pendant les deux dernières décennies les autorités politiques saoudiennes, sur la base d’une fatwa du Grand Mufti du pays ? La situation était étonnante, dans la mesure où aucun autre pays musulman n’interdit à la femme de conduire un véhicule. Le raisonnement du Grand Mufti, pour justifier l’interdiction, est également inattendu : en sortant seule dans son véhicule, la femme serait confrontée à toutes sortes de tentations peu recommandables, auxquelles elle risquerait de succomber. Aujourd’hui, les dirigeants du pays affirment, au plus haut niveau, qu’il s’agit d’une simple « question de société » sans rapport avec la religion, et qui doit être réglée par consensus, dans le cadre de discussions au sein des familles et des groupes sociaux. Mais, à ce jour, et malgré les déclarations de certaines personnalités, les femmes ne sont toujours pas autorisées à obtenir un permis de conduire, parce que des groupes saoudiens puissants s’opposent à toute modification du statu quo. La question de la « khulwa », dans certains pays du Moyen Orient, pourrait également relever de ce genre de cas. Les médias internationaux ont rapporté, en février 2008, l’histoire de Yara, une saoudienne de 40 ans, mariée et mère de 3 enfants, cadre supérieur d’une grande société financière, qui fut arrêtée par des membres de la « Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice », alors qu’elle prenait un café avec un collègue, en public, dans un établissement réputé de la chaîne Starbucks, à Riyad, en attendant le début d’une conférence professionnelle organisée par ses employeurs. Elle fut détenue pendant plusieurs heures dans une isolation totale, à la prison de Riyad. Son téléphone lui fut confisqué, et elle dut « confesser » par écrit, sous la contrainte, avoir commis la faute de « khulwa », parce qu’elle s’était assise à la même table qu’un homme, sans la présence d’un « mehrem », (c’est-à-dire un proche parent qu’elle ne pouvait pas épouser, chargé de surveiller sa conduite). Un interlocuteur invisible lui répéta comme une litanie, pendant tout son temps de détention, qu’elle était une femme de mauvaise vie.

La faute de « khulwa » est habituellement sanctionnée, dans les pays du Golfe, de 80 à 160 coups de fouet et de 3 à 6 mois de prison ferme. Yara ne put ressortir de prison, et échapper à une telle sanction, que grâce aux interventions de son mari en haut lieu. Mais, existe-t-il vraiment en droit musulman une faute de « khulwa » sanctionnée par la charia, comme l’affirme le Ministère de la Justice saoudien ? Ou bien s’agit-il de simples coutumes et traditions locales, confondues à tort avec la religion, comme l’affirment les associations de défense des droits des femmes, qui observent qu’il n’existe aucune mention de la « khulwa » dans le Coran, et que de nombreux pays musulmans (comme ceux d’Afrique du Nord) ne font aucune référence à une « infraction » de « khulwa » dans leur application de la charia ? Les juristes musulmans ne s’étonnent guère de l’existence de pratiques différentes, dans l’application de la charia, d’un pays musulman à l’autre. L’existence officielle de 4 rites différents dans l’islam sunnite (Abu Hanifa, Chafii, Malik, Ibn Hanbal), et d’un rite shiite principal les a habitués à la confrontation, sur de nombreux points de droit, de raisonnements juridiques complexes, aboutissant à des conclusions différentes selon les rites. Ils savent également que, dans chaque pays qui a codifié le droit civil sous forme d’une « moudawwana » nationale, les autorités politiques et religieuses du pays interprètent différentes dispositions de la charia selon leur propre conception des choses, même au sein du même rite. La comparaison des « moudawwanas » adoptées en Egypte en 2000 et au Maroc en 2004 témoigne, ainsi, des divergences importantes dont les juristes musulmans peuvent faire preuve dans l’interprétation de la charia, même s’agissant de pays musulmans à culture relativement comparable. Les juristes s’enorgueillissent de cette flexibilité du droit musulman, qu’ils considèrent comme une bénédiction du ciel, et une preuve de sa vitalité et de sa capacité à s’adapter aux besoins de tous les musulmans, en tous temps et en tous lieux. Les associations féminines musulmanes devraient également se réjouir de cette flexibilité, grâce à laquelle elles peuvent espérer accomplir des progrès considérables dans la protection des droits des femmes dans les pays musulmans, dans le respect aussi bien de la lettre que de l’esprit de la charia.

Islam, laïcité et droits humains Par Khalid Chraibi mardi 8 janvier 2008

Quand on est à la fois Français et musulman, les questions suivantes peuvent parfois se poser avec acuité : Est-ce la citoyenneté française qui doit primer, avec les lois qui lui sont associées, ou bien est-ce que ce sont les convictions religieuses de l’individu, et les prescriptions juridiques qui les accompagnent ? Ainsi, lors du débat sur la laïcité, il y a quelques années, certains membres de la communauté musulmane ont-ils adopté des positions extrêmes sur la question du foulard, alors que certaines jeunes filles affirmaient fièrement, avec le soutien de leurs parents, qu’elles préfèreraient abandonner l’école, tout simplement, plutôt que d’y retourner sans foulard. Mais, les bienfaits de l’éducation sont tellement incommensurables, par rapport au fait de porter un foulard, que la question ne devrait même pas se poser à un esprit raisonnable. Le Prophète n’a-t-il pas préconisé de « rechercher la connaissance jusqu’en Chine, si nécessaire » ? Alors, s’il faut sacrifier un foulard pour obtenir une éducation dont on recueillera, soi-même et toute sa communauté, les bénéfices toute sa vie, le prix est-il si élevé ? La question s’est également posée au niveau des structures médicales : « S’il n’y a pas de chirurgien femme pour pratiquer une opération sur une femme, faut-il laisser un homme pratiquer l’opération, ou faut-il laisser la femme mourir tout simplement ? » Seuls, des hommes accordant bien peu de valeur à la vie humaine en général, et à celle de leur femme en particulier, la laisseraient mourir dans de telles conditions, plutôt que de la laisser se faire opérer par un homme. La loi française ne laisse aucune latitude de ce genre à l’homme. La vraie question à se poser est la suivante : « Qui a donné à l’homme musulman un tel droit de vie ou de mort sur sa femme ? » Certainement pas l’islam, ni le droit musulman. Pourtant, de telles situations sont observées tous les jours dans de nombreux pays. De tels comportements se rattachent le plus souvent à l’extrémisme religieux, plutôt qu’à une vraie connaissance de l’islam et de ses enseignements. Autrement, comment s’expliquer que les gardes d’une école primaire d’Arabie Saoudite aient enfermé une vingtaine de fillettes dans une école en flammes, il y a quelques années, les laissant délibérément mourir, brûlées vives, ou asphyxiées par la fumée, sous prétexte que les petites filles ne portaient pas leur foulard sur la tête, au moment où l’incendie s’est déclaré, et ne pouvaient donc pas sortir tête nue dans la rue, pour sauver leur vie ? De nos jours, de tels comportements sont d’autant plus incompréhensibles que l’islam prône l’établissement de la « communauté du milieu » (al oummat-al-wassat), celle qui se situe par

définition loin de tout extrême, ou à équidistance des positions extrêmes. « Al oummat-alwassat » est également la communauté des justes. Pour sa part, le Prophète a recommandé, aux musulmans d’éviter tout extrémisme dans la pratique de la religion (al-ghoulouwwou fiddine), rappelant que ce sont les prises de position extrémistes qui ont provoqué la ruine des anciennes communautés humaines. A un deuxième niveau, encore plus complexe, se posent au Français musulman des questions de droit telles que les suivantes : Faut-il contester les lois interdisant la polygamie ou la répudiation ? Faut-il revendiquer un régime spécial les autorisant pour les minorités musulmanes ? Faut-il se soumettre à la loi interdisant aux parents de marier leur fille, contre son gré, à un homme choisi par eux, ou la contester ? Faut-il se soumettre à la loi mettant à égalité les parts d’héritage, sans distinction de sexe, ou la contester ? Mais, la polygamie, la répudiation, ou le mariage d’une fille, contre son gré, à un homme choisi par ses parents, ne sont que des indications de l’usage sélectif, et inique pour les femmes, que beaucoup de musulmans font des enseignements de la charia. Ils le font souvent de bonne foi, dans la mesure où la majorité des musulmans confondent aisément, aujourd’hui, traditions et prescriptions religieuses. Mais, une lecture attentive de la charia démontre l’existence de règles très strictes qui s’appliquent à de telles situations, et qui en font l’exception et non la règle. Les hommes, cependant, s’empressent d’oublier les règles qui les incommodent pour ne retenir que celles qui les avantagent. Quant à la question de l’égalité des parts d’héritage, sans discrimination sur la base du sexe, elle se pose dans le monde moderne de manière bien différente de la manière dont elle se posait aux femmes de la communauté musulmane au 7è s. A l’époque, les femmes de bonne famille vivaient au foyer, s’occupaient de leur ménage et d’élever leurs enfants. Elles disposaient d’esclaves pour les aider dans leurs tâches. L’homme subvenait à tous les besoins de la famille. Afin d’empêcher que les terres, les animaux et autres biens de la tribu ne passent sous le contrôle d’autres tribus, à travers les mécanismes des mariages et de l’héritage, la tribu musulmane n’accordait à la femme que la moitié de la part d’héritage d’un homme. Il faut se souvenir, cependant, que l’islam a innové de manière considérable, à l’époque de la Révélation, en introduisant cette part d’héritage destinée à la femme, alors qu’elle n’en recevait aucune dans les communautés d’Arabie, avant l’islam. Mais, aujourd’hui, combien de foyers doivent survivre sans homme, surtout lorsque le mari peut répudier sa femme sur un coup de tête, lui laissant la charge de toutes les dépenses en plus des enfants à élever ? Même dans les ménages unis, combien de femmes sont obligées de travailler pour que le ménage dispose de revenus adéquats pour couvrir les besoins courants de la famille, et pour s’acheter une voiture ou une maison, ou prendre des vacances ?

Lorsque le ménage a des enfants à élever, et qu’ils doivent faire des études supérieures à un coût élevé, la femme n’a-t-elle pas besoin d’argent, autant que son mari, pour aider à couvrir de telles dépenses ? Dans les pays musulmans, les voies de progrès en matière juridique existent, et sont faciles à repérer, dans la mesure où les codes de la famille appliqués présentent des différences importantes sur des points significatifs. Par exemple, les dispositions de la « moudawana » (code de la famille) adoptée au Maroc en 2004 diffèrent grandement des dispositions appliquées en Egypte depuis l’an 2000 ou à celles en vigueur en Arabie Saoudite. Le contraste est encore plus frappant lorsqu’on compare les dispositions de droit musulman appliquées sur ces questions dans des pays non-arabes tels que l’Indonésie, la Malaisie, l’Inde, le Pakistan, le Sénégal, le Nigéria ou l’Afrique du Sud. Le droit musulman témoigne ainsi d’une grande richesse et souplesse pour faire face à toutes les situations auxquelles la communauté musulmane peut se trouver confrontée. Mais, les autorités politiques et religieuses des pays musulmans se refusent à les exploiter, parce qu’elles ont été habituées pendant 10 siècles d’immobilisme politique, économique, social et intellectuel à rejeter tout changement, toute innovation, toute « bid’a ». Actuellement, les associations de droits humains et les associations de droits de la femme dans les pays musulmans se fixent des objectifs relativement modestes. Elles voudraient simplement obtenir des autorités que les conventions internationales sur le respect des droits de l’homme, de la femme et de l’enfant signées par les Etats musulmans y soient appliquées, confortant les dispositions énoncées par l’islam lui-même en la matière, et souvent peu respectées. Mais, en France, les lois nationales ont réglé ces questions depuis de nombreuses années, de manière conforme aux droits humains, à l’esprit de justice, d’équité et de solidarité familiale, au point que beaucoup d’associations des pays musulmans les considèrent comme des modèles de ce qu’elles voudraient réaliser à long terme. N’est-il pas plus raisonnable pour le Français musulman, dans ces conditions, de construire son avenir sur la base de ces acquis, qui sont parfaitement conformes à l’esprit de l’islam, plutôt que de chercher à les remettre en cause ?

La charia, le « riba » et la banque Par Khalid Chraibi samedi 29 septembre 2007

Un courant religieux conservateur, prenant naissance dans les Etats du Golfe, se propage depuis plusieurs années dans les autres pays musulmans, s’étendant à de nombreux aspects de la vie quotidienne. Par exemple, sous l’influence des prédicateurs du Moyen Orient, des Marocains se demandent, aujourd’hui, (comme beaucoup de musulmans résidant en Europe et en Amérique du Nord), si les opérations de banque moderne sont conformes à la charia, alors que d’autres citoyens n’hésitent pas à affirmer que seules les opérations des « banques islamiques » sont « halal ». Cette influence des Etats du Golfe sur la culture des musulmans résidant dans d’autres pays, ressort clairement de la question posée, au cours de l’été 2006, au prédicateur qatari Yusuf alQaradawi, alors en visite au Maroc : un Marocain peut-il licitement contracter un prêt à intérêt auprès d’une banque marocaine, pour financer l’achat d’un logement, puisqu’il n’existe pas au Maroc de banques offrant des « produits islamiques » ? Le prédicateur s’est référé à une décision du Conseil Européen de la Fatwa, qui autorise les minorités islamiques vivant en Europe, sans accès à des banques opérant selon les règles de la charia, à prendre de tels prêts, en se basant sur la règle : « La nécessité abolit les interdits » (addarouratou toubihou al mahdhourat). D’après lui, cette règle s’applique parfaitement au cas marocain. L’influence des prédicateurs du Moyen Orient sur les Marocains, en matière de choix bancaires, s’amplifiera, sans doute, au cours des prochaines années, du fait que Bank al Maghrib a maintenant autorisé le système bancaire national à commercialiser des « produits islamiques » sélectionnés, dans le cadre de « fenêtres » spécialisées. Le revirement des autorités marocaines, qui se sont opposées au cours des deux dernières décennies à ce genre d’opérations, s’explique, entre autres, par l’engagement des opérateurs des pays du Golfe à investir plusieurs milliards de dollars dans l’économie marocaine, à la seule condition qu’on leur fournisse les « conduits » adéquats. Au cœur du débat sur les institutions bancaires des deux types, on trouve le concept d’intérêt. La banque moderne l’applique dans ses opérations, alors que la banque « islamique » en nie l’utilisation. Or, dans l’esprit de nombreux musulmans, le concept d’intérêt est inextricablement lié à celui de « riba », que le Coran interdit de manière explicite et sans équivoque. Le riba recouvre en premier lieu l’usure, sur l’interdiction de laquelle il y a unanimité. Mais, d’après une majorité des oulémas, il englobe aussi « l’intérêt sous toutes ses formes ». Mais, de nombreux experts estiment, depuis le milieu du 19è s., que l’extension de la notion de riba aux intérêts bancaires, sur la base du « qiyas » et de l’ijtihad, s’est faite sur des bases

juridiques discutables, dans la mesure où les opérations de banque moderne sont de nature totalement différente de ce qui existait en Arabie, au temps de la Révélation. En effet, ce n’est qu’aux 19è et 20è s., suite à l’occupation de différents pays musulmans par des Etats européens, que les structures bancaires modernes, utilisant des instruments financiers incorporant le concept d’intérêt, ont fait leur apparition dans ces pays. Les oulémas ont assez rapidement compris le fonctionnement du système, et réalisé que l’intérêt constituait une rémunération justifiée du capital financier et de l’épargne. C’est ce qui explique que, depuis un siècle et demi, les Grands Muftis d’Egypte et Sheikhs d’Al-Azhar, ayant assimilé cette conclusion, déploient des efforts théoriques considérables pour établir la différence entre les intérêts bancaires (aux retombées économiques positives et donc souhaitables) et le riba prohibé. Ce n’est guère le lieu de citer, ici, toutes les fatwas significatives énoncées sur ces questions, en Egypte, pendant le dernier siècle. Muhammad Abduh, Mahmud Shaltut, Muhammad Sayyed Tantawi ou Nasr Farid Wasil (tous Grands Muftis d’Egypte et Sheikhs d’Al-Azhar), sont les auteurs de textes importants, pour ne citer que certains des noms connus sur le plan international. Tous ces éminents experts de la charia considèrent que l’assimilation du riba à l’intérêt bancaire est discutable, et constitue une interprétation abusive des règles du droit musulman. Abd al Mun’im Al Nimr, ancien ministre des Habous d’Egypte, fournit une bonne illustration de ces propos : « L’interdiction du riba se justifie par le tort porté au débiteur. Mais, puisqu’il n’y a aucun tort porté aux personnes qui procèdent à des dépôts dans une banque, l’interdiction du riba ne s’applique pas aux dépôts en banque. » Des raisonnements similaires s’appliquent aux divers autres aspects des opérations bancaires. Quand on limite le domaine du riba à celui de l’usure, comme le font ces juristes islamiques éminents, la banque moderne n’est plus concernée par le riba, puisqu’elle ne se livre pas à l’usure. Et c’est exactement cela le raisonnement marocain en la matière, par exemple. Quant à la proposition selon laquelle les activités des banques islamiques n’incorporent pas d’intérêt, elle soulève un débat de fond. D’après certains, ces banques se contenteraient, dans certains cas, de procéder à des manipulations sémantiques, substituant un mot à un autre (« loyer » au lieu d’ « intérêt », par exemple) ou introduisant des étapes multiples dans une procédure (rédaction de deux contrats au lieu d’un seul), pour atteindre leurs buts lucratifs, tout en respectant, en apparence, les stipulations de la charia. Cela ferait partie des « hiyals » (ruses juridiques) dans lesquelles les théologiens musulmans sont passés maîtres, au cours des siècles. Ainsi, par exemple, un musulman habitant aux Etats-Unis, et cherchant à acheter un logement en utilisant un crédit bancaire, s’est adressé simultanément à une banque américaine conventionnelle et à une banque islamique opérant aux Etats-Unis pour obtenir leur devis au sujet du coût global de l’opération. A sa grande surprise, le devis de la banque islamique était plus élevé que celui de la banque conventionnelle américaine. Il s’est adressé à un site islamique d’internet, pour essayer d’obtenir une explication. Un théologien renommé lui a répondu qu’il y avait encore peu de banques islamiques opérant aux Etats-Unis, d’où les devis élevés de ces dernières.

Mais, continuait-il, la situation ne manquera pas de s’améliorer, à l’avenir, quand il y aura suffisamment de banques islamiques en activité sur le territoire américain, pour les obliger à baisser le prix de leurs prestations du fait de la concurrence. La question que le théologien n’a pas abordée dans sa réponse, et qui est pourtant importante, est la suivante : « Si le devis de la banque islamique qui n’applique pas d’intérêt est supérieur à celui de la banque conventionnelle qui en applique un, quel est l’avantage pour le consommateur qu’une banque n’applique pas le taux d’intérêt assimilé au riba, si elle lui fait payer des commissions et des frais d’un montant supérieur à celui qu’impliquent le taux d’intérêt et les frais des banques conventionnelles ? » Car, il faut bien le constater, le prêt sans intérêt de la banque islamique lui revient plus cher (ou dans le meilleur des cas aussi cher) que le prêt avec intérêt de la banque conventionnelle. Ce n’est certainement pas l’objectif recherché par l’islam, quand il dénonce la pratique du riba.

Charia, droits des femmes et lois des hommes Par Khalid Chraibi vendredi 11 mai 2007

Depuis un quart de siècle, un fort vent de conservatisme religieux souffle dans de nombreux pays musulmans, avec des effets dévastateurs sur les droits des femmes. Au nom d’un retour à la pureté du temps de la Révélation, des groupes extrémistes ont décrété, à leur accession au pouvoir en Afghanistan, en Malaisie, en Somalie ou au Nigéria, une stricte ségrégation entre les sexes dans les lieux publics, les hôpitaux et le système éducatif, etc.. Ils ont imposé aux femmes le port de vêtements tels que le hijab, le niqab ou la « burqua », et leur ont interdit, entre autres mesures répressives, d’exercer toute activité professionnelle. Sous prétexte d’appliquer la charia, ils ont bafoué non seulement les droits que l’Islam avait octroyés aux femmes dès le 7è siècle, mais également l’essentiel des acquis des femmes en matière juridique, économique, politique et sociale, qu’elles avaient obtenus à l’issue de décennies de haute lutte à travers les pays musulmans, tout au long du 20è siècle. Cette régression des droits des femmes prend actuellement, et avec le passage des ans, une ampleur croissante dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie. Etrangement, elle fait également des adeptes dans les communautés musulmanes d’Europe et d’Amérique du Nord. Même des pays qui avaient échappé aux tourmentes de l’extrémisme, à travers leur histoire, tels que la Tunisie et le Maroc, en sont aujourd’hui affectés. Face à l’assaut des courants religieux conservateurs sur les droits des femmes, les associations féminines musulmanes ont dû revoir leur stratégie. Pendant des décennies, elles avaient mis l’accent sur la nécessité d’appliquer dans leur intégralité les dispositions des conventions internationales sur les droits de la femme que les pays musulmans avaient signées, sous l’égide de l’ONU. Elles insistaient, en particulier, sur la nécessité de lever les réserves exprimées par les gouvernements de ces pays au sujet de diverses dispositions de ces conventions, qui les vidaient d’une grande partie de leur contenu. Sous la pression de la nécessité, de nombreuses associations se sont attelées à la lecture attentive de la charia, afin de développer de nouveaux outils pour lutter efficacement contre les discours des extrémistes religieux. Comme l’explique la pakistanaise Riffat Hassan, elles ont découvert, à leur grande surprise, qu’il existait un grand fossé « entre ce que le Coran disait au sujet des droits des femmes et ce qui se faisait en réalité dans un environnement culturel islamique ». « Par conséquent », observe-t-elle, « il faut distinguer entre le texte coranique et la tradition islamique. Ce sont les hommes qui ont procédé, presque exclusivement, à l’interprétation du Coran, depuis les temps les plus anciens. Ils faisaient cela au sein d’une culture patriarcale dominée

par eux. Le Coran a donc été interprété du point de vue culturel des hommes – ce qui a évidemment affecté les droits des femmes. » La Nigérienne Ayesha Imam a procédé à une étude minutieuse de cette question, dans un article intitulé « Les droits des femmes dans les lois musulmanes ». Elle explique qu’il faut “distinguer entre l’Islam – la voie d’Allah – d’une part, et ce que les musulmans font, d’autre part. » D’après elle, l’Islam ne peut pas être remis en cause, mais ce que les musulmans font peut l’être, car ce ne sont que des êtres humains, qui sont sujet à l’erreur. D’après elle, bien que les lois religieuses tirent leur inspiration du divin, elles ne doivent pas être confondues avec des lois divines. La charia incorpore le facteur humain dans tous les aspects de son élaboration, de son développement et de sa mise en œuvre. Le nombre de versets coraniques à la base de la charia est très modeste, comparé à la multitude et à la complexité des règles juridiques qui constituent le corpus du droit musulman. Même les experts n’arrivent pas à s’accorder sur le sens exact de divers versets coraniques. Par ailleurs, il est admis que de nombreux hadiths sont apocryphes, et sont le produit de luttes entre sectes ou entre dynasties. Certains hadiths relevant de cette catégorie semblent avoir eu pour unique objectif de réduire les droits des femmes, bien qu’ils ne puissent s’appuyer ni sur des dispositions coraniques ni sur d’autres hadiths pour les conforter. Ayesha Imam note, à ce propos, que les musulmans croient, à tort, que la charia est la même dans l’ensemble des pays musulmans, alors qu’elle varie de manière considérable d’un pays à l’autre, et d’une époque à l’autre. Cela est parfaitement illustré par l’existence de quatre grandes écoles de pensée juridique dans la seule tradition de la sunna (et qui s’élevaient à une vingtaine dans des temps plus anciens). Il existe également un rite shiite regroupant un nombre considérable d’adeptes, et de nombreux courants religieux d’importance moindre, qui regroupent néanmoins des millions d’adhérents chacun. Les fondateurs des quatre grandes écoles de pensée juridique sunnite ont emphatiquement souligné, en leur temps, que leurs interprétations des dispositions de la charia ne devaient en aucun cas être considérées comme des données définitives, qui lieraient les musulmans en tous lieux et en tous temps. Par conséquent, observe-t-elle, « le refus de l’ijtihad n’obéït pas à une prescription religieuse. Ni le Coran ni la Sunna n’exigent cela. Bien au contraire, aussi bien le Coran que la Sunna encouragent la pensée individuelle, le raisonnement et la diversité d’opinion. » A l’appui des observations de Mme Ayesha Imam, on peut citer la multiplicité de codes nationaux de statut personnel appliqués, aujourd’hui, dans les pays musulmans. Les exemples d’évolution des dispositions de la charia à travers le temps, dans le même pays, abondent également. Les différents textes de loi formant code du Statut Personnel, qui ont été successivement appliqués en Egypte au cours du 20è siècle, illustrent cette proposition. Le Code du Statut Personnel appliqué au Maroc peut également servir d’illustration, ayant enregistré des modifications considérables, entre sa première version adoptée en 1957, au lendemain de l’accession du pays à l’indépendance, et le nouveau Code de la famille adopté en 2004. Il faut noter que ce dernier est le fruit d’un demi-siècle de lutte des associations féminines marocaines pour la réforme de nombreuses dispositions restrictives que le texte de 1957

comprenait et ce, face à une opposition acharnée des mouvements religieux conservateurs, en particulier au cours des dernières années. Ces derniers ont d’ailleurs failli faire capoter le projet de réforme, qui ne put être sauvé que grâce à l’appui personnel décisif du roi Mohamed VI. Le Code marocain de la famille de 2004 place cette dernière sous la responsabilité conjointe des deux époux. Il permet à la femme d’agir comme son propre tuteur, et fixe à 18 ans l’âge minimum de mariage des personnes des deux sexes. Il impose des conditions draconiennes au mariage dans le cadre du régime de polygamie et encourage l’épouse à inclure dans le contrat de mariage, si elle le désire, une clause pour interdire un second mariage de l’époux. Il place la répudiation sous un strict contrôle judiciaire et exige la répartition équitable des biens du couple avant que le divorce ne puisse être finalisé. L’exemple marocain est intéressant à étudier, dans la mesure où toutes les dispositions du nouveau Code sont basées sur une lecture attentive, minutieuse et complète de la charia, dans toute sa complexité. Nul ne peut lui reprocher de s’être éloigné de la lettre ou de l’esprit du droit musulman, pour incorporer des concepts et des règles issus de la culture occidentale. La comparaison des dispositions des textes de loi adoptés au Maroc en 2004 et en Egypte en 2000 témoigne, quant à elle, des divergences considérables dont les juristes musulmans peuvent faire preuve dans l’interprétation et l’application de la charia, même dans le cas de pays musulmans à culture relativement comparable, par ailleurs. Les juristes musulmans s’enorgueillissent de cette flexibilité du droit musulman, qui constitue pour eux la preuve de sa vitalité. Les associations féminines peuvent aussi s’en réjouir, puisqu’elle peut leur permettre de réaliser des progrès considérables en matière de droits des femmes musulmanes, dans le respect aussi bien de la lettre que de l’esprit de la charia.

La problématique du calendrier islamique Par Khalid Chraibi vendredi 2 février 2007

« Le soleil et la lune (évoluent) selon un calcul (minutieux) » (Coran, Ar-Rahman, 55 : 5) « C’est Lui (Dieu) qui a fait du Soleil une clarté et de la Lune une lumière ; il en a déterminé les phases afin que vous connaissiez le nombre des années et le calcul du temps » (Coran, Yunus, 10 : 5) « Les ulémas n’ont pas le monopole d’interprétation de la charia. Evidemment ils doivent être consultés au premier plan sur les questions de la charia. (Mais) ce ne sont pas eux qui font la loi religieuse, de même que ce ne sont pas les professeurs de droit qui font la loi, mais les parlements » (Ahmed Khamlichi, Point de vue n° 4) (1) Introduction Le calendrier islamique souffre de faiblesses indéniables. Ses dates sont associées à des jours différents dans différents Etats musulmans et il ne permet pas, à l’intérieur du même pays, de planifier d’activités au-delà du mois en cours. A titre d’illustration, le 1er shawal 1426, jour de célébration de l’aïd el fitr, correspondait au mercredi 2 novembre 2005 en Libye et au Nigéria ; au jeudi 3 novembre dans 30 pays dont l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte, l’Arabie Saoudite et une partie des Etats-Unis ; au vendredi 4 novembre dans 13 pays dont le Maroc, l’Iran, le Bangladesh, l’Afrique du Sud, le Canada, une partie de l’Inde et une partie des Etats-Unis ; et au samedi 5 novembre dans une partie de l’Inde. (2) Cet état des choses n’est nullement exceptionnel, mais se renouvelle chaque mois. Pourtant, le calendrier lunaire, basé sur le calcul, est en mesure de remplir parfaitement toutes les fonctions que les sociétés modernes en attendent. Mais, suite à l’interprétation que les ulémas ont donnée à un célèbre hadith du Prophète sur le début des mois lunaires, le mois lunaire islamique s’est retrouvé déconnecté de ses fondements conceptuels et méthodologiques astronomiques, ce qui a rendu caduques les fonctions du calendrier musulman, qui ne peut pas être établi à l’avance. (3) De nombreux penseurs islamiques et juristes de renom se sont sentis interpelés par cette situation et ont publié à diverses reprises, depuis le début du 20è s., des études qui prônent l’utilisation par la communauté musulmane d’un calendrier islamique basé sur le calcul, dont ils confirment et démontrent la licité. La célèbre étude du cadi Ahmad Shakir (1939) (4), aux conclusions de laquelle le professeur Yusuf al-Qaradawi s’est dernièrement rallié (2004) (5) et les récentes décisions du Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord (2006) (6) s’inscrivent dans cette ligne de pensée.

Le ‘alem et le calendrier Le Coran n’interdit pas l’usage du calcul astronomique. Cependant, au temps de la Révélation, quand les Bédouins interrogèrent le Prophète sur la procédure à suivre pour déterminer le début et la fin du mois de jeûne, il leur recommanda de commencer le jeûne du mois du ramadan avec l’observation de la naissance de la nouvelle lune [au soir du 29è j du mois] et d’arrêter le jeûne avec la naissance de la nouvelle lune (du mois de shawal). « Si le croissant n’est pas visible (à cause des nuages) comptez jusqu’à 30 j. ». (7) De ce fait, à part quelques juristes isolés, dans les premiers siècles de l’ère islamique, qui prônèrent l’utilisation du calcul pour déterminer le début des mois lunaires (8), le consensus des ulémas se forgea solidement, pendant 14 siècles, autour du rejet du calcul. Sur le plan institutionnel, seule la dynastie des Fatimides, en Egypte, a utilisé un calendrier basé sur le calcul, entre les 10è et 12è s., avant qu’il ne tombe dans l’oubli à la suite d’un changement de régime. L’argument majeur utilisé pour justifier cette situation a trait au dogme : il n’est pas loisible d’aller à l’encontre d’une prescription du Prophète. (9) Il est illicite de recourir au calcul pour déterminer le début des mois lunaires, alors que le Prophète a recommandé la procédure d’observation visuelle. (10) De nombreux ulémas soulignent, de plus, que le calendrier basé sur le calcul décompte les jours du nouveau mois à partir de la conjonction, laquelle précède d’un jour ou deux l’observation visuelle de la nouvelle lune. S’il était utilisé, le calendrier basé sur le calcul ferait commencer et s’achever le mois de ramadan, et célébrer toutes les fêtes et occasions religieuses, en avance d’un jour ou deux par rapport aux dates qui découlent de l’application du hadith du Prophète, ce qui ne serait pas acceptable du point de vue de la charia. (10) Mais, depuis le début du 20è s., de plus en plus de penseurs islamiques, ainsi qu’une poignée d’ulémas de renom, remettent en cause de tels arguments. A leur avis, le Prophète a simplement recommandé aux fidèles une procédure d’observation de la nouvelle lune, pour déterminer le début d’un mois nouveau. A l’époque, les bédouins se basaient sur la position des étoiles, de nuit, pour se guider dans leurs déplacements à travers le désert et observaient l’apparition de la nouvelle lune pour connaître le début des mois. Le Prophète n’a fait que les conforter dans leurs habitudes ancestrales. L’observation du croissant n’était qu’un simple moyen, et non pas une fin en soi, un acte d’adoration (‘ibada). Le hadith relatif à l’observation n’établissait donc pas une règle immuable, pas plus qu’il n’interdisait l’utilisation du calendrier astronomique. D’après certains juristes, le hadith ne parle même pas d’une observation visuelle de la nouvelle lune, mais simplement de l’acquisition de l’information, selon des sources crédibles, que le mois a débuté. (11) Cela ouvre naturellement de toutes autres perspectives dans la discussion de cette question. L’Arabie Saoudite a d’ailleurs abandonné en 1999 la procédure d’observation de la nouvelle lune, pour lui substituer une nouvelle procédure basée sur le calcul des horaires de coucher du soleil et de la lune aux coordonnées de la Mecque, le soir du 29è j de chaque mois. Le coucher

du soleil avant la lune indique le début du nouveau mois. Dans le cas inverse, le mois en cours aura une durée de 30 j. Des études, de plus en plus nombreuses, réalisées par des astronomes musulmans au cours des dernières années, démontrent par ailleurs que les débuts de mois décrétés dans les pays islamiques sur une période de plusieurs décennies étaient très souvent erronés, pour toutes sortes de raisons. (12) et (13) L’opinion juridique du cadi Shakir Le cadi Ahmad Muhammad Shakir (14) mérite une mention à part dans ce débat. Il s’agit d’un juriste éminent de la première moitié du 20è s., qui occupa en fin de carrière les fonctions de Président de la Cour Suprême de la Charia d’Egypte (tout comme son père avait occupé les fonctions de Président de la Cour Suprême de la Charia du Soudan), et qui reste, de nos jours encore, un auteur de référence en matière de science du hadith. (15) Il a publié, en 1939, une étude importante et originale axée sur le côté juridique de la problématique du calendrier islamique, sous le titre : « Le début des mois arabes … la charia permet-elle de le déterminer en utilisant le calcul astronomique ? » (4). D’après lui, le Prophète a tenu compte du fait que la communauté musulmane (de son époque) était « illettrée, ne sachant ni écrire ni compter », avant d’enjoindre à ses membres de se baser sur l’observation de la nouvelle lune pour accomplir leurs obligations religieuses du jeûne et du hajj. Mais, la communauté musulmane a évolué de manière considérable au cours des siècles suivants. Certains de ses membres sont même devenus des experts et des innovateurs en matière d’astronomie. En vertu du principe de droit musulman selon lequel « une règle ne s’applique plus, si le facteur qui la justifie a cessé d’exister », la recommandation du Prophète ne s’applique plus aux musulmans, une fois qu’ils ont appris « à écrire et à compter » et ont cessé d’être « illettrés ». Les ulémas d’aujourd’hui commettent donc une erreur d’interprétation lorsqu’ils donnent au hadith du Prophète sur cette question la même interprétation qu’au temps de la Révélation, comme si ce hadith énonçait des prescriptions immuables, alors que ses dispositions ne sont plus applicables à la communauté musulmane depuis des siècles, en vertu des règles mêmes de la charia. Shakir rappelle le principe de droit musulman selon lequel « ce qui est relatif ne peut réfuter l’absolu, et ne saurait lui être préféré, selon le consensus des savants. ». Or, la vision de la nouvelle lune par des témoins oculaires est relative, pouvant être entachée d’erreurs, alors que la connaissance du début du mois lunaire basée sur le calcul astronomique est absolue, relevant du domaine du certain. Il rappelle également que de nombreux juristes musulmans de grande renommée ont pris en compte les données du calcul astronomique dans leurs décisions, citant à titre d’exemples Cheikh Al-Mraghi, Président de la Cour Suprême de la charia d’Egypte ; Taqiddine Assoubaki et Takiddine bin Daqiq al-Eid.

Shakir souligne, en conclusion, que rien ne s’oppose, au niveau de la charia, à l’utilisation du calcul pour déterminer le début des mois lunaires et ce, en toutes circonstances, et non à titre d’exception seulement, comme l’avaient recommandé certains ulémas. Il observe, par ailleurs, qu’il ne peut exister qu’un seul mois lunaire pour tous les pays de la Terre, basé sur le calcul, ce qui exclut la possibilité que le début des mois diffère d’un pays à l’autre. (16) L’utilisation du calendrier basé sur le calcul rendra possible la célébration le même jour, dans toutes les communautés musulmanes de la planète, d’événements à caractère hautement symbolique sur le plan religieux, tels que le 1er muharram, le 1er ramadan, l’aïd al fitr, l’aïd al adha ou le jour de Arafat, lors du hajj. Cela renforcera considérablement le sentiment d’unité de la communauté musulmane à travers le monde. Cette analyse juridique du cadi Shakir n’a jamais été réfutée par les experts en droit musulman, 66 ans après sa publication, ce qui conforterait la notion que les ulémas n’ont rien trouvé à y redire, sur le plan juridique. Il faut noter, dans ce contexte, que le professeur Yusuf al-Qaradawi s’est récemment rallié formellement à la thèse du cadi Shakir. Dans une importante étude publiée en 2004, intitulée : « Calcul astronomique et détermination du début des mois », (5) al-Qaradawi prône pour la première fois, vigoureusement et ouvertement, l’utilisation du calcul pour l’établissement du calendrier islamique, une question sur laquelle il avait maintenu une réserve prudente jusquelà. Il cite à cet effet avec approbation de larges extraits de l’étude de Shakir. La décision du Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord (CFAN) De son côté, le Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord (CFAN), qui s’est senti depuis des années interpelé par cette question, a annoncé au mois d’août 2006 sa décision mûrement réfléchie d’adopter désormais un calendrier islamique basé sur le calcul, en prenant en considération la visibilité du croissant où que ce soit sur Terre. Utilisant comme point de référence conventionnel, pour l’établissement du calendrier islamique, la ligne de datation internationale (International date line (IDL)), ou Greenwich Mean Time (GMT), il déclare que désormais, en ce qui le concerne, le nouveau mois lunaire islamique en Amérique du Nord commencera au coucher du soleil du jour où la conjonction se produit avant 12 : 00 GMT. Si elle se produit après 12 : 00 GMT, alors le mois commencera au coucher du soleil du jour suivant. (6) La décision du CFAN est d’un grand intérêt, parce qu’elle conjugue avec une grande subtilité les exigences théologiques des ulémas avec les données de l’astronomie. Le CFAN retient le principe de l’unicité des matali’e (horizons), (16) qui affirme qu’il suffit que la nouvelle lune soit observée où que ce soit sur Terre, pour déterminer le début du nouveau mois pour tous les pays de la planète. Après avoir minutieusement étudié les cartes de visibilité du croissant lunaire en différentes régions du globe, il débouche sur la conclusion suivante : Si la conjonction se produit avant 12 : 00 GMT, cela donne un temps suffisant pour qu’il soit possible d’observer la nouvelle lune en de nombreux points de la Terre où le coucher du soleil intervient longtemps avant le coucher du soleil en Amérique du Nord. Etant donné que les critères de visibilité de la nouvelle lune seront réunis en ces endroits, on pourra considérer

qu’elle y sera observée (ou qu’elle aurait pu l’être si les conditions de visibilité avaient été bonnes), et ce bien avant le coucher du soleil en Amérique du Nord. Par conséquent, sur ces bases, les stipulations d’observation de la nouvelle lune seront respectées, comme le prescrit la charia, et le nouveau mois lunaire islamique débutera en Amérique du Nord au coucher du soleil du même jour. Si la conjonction se produit après 12 : 00 GMT, alors le mois commencera en Amérique du Nord au coucher du soleil du jour suivant. Conclusion La problématique du calendrier islamique ne soulève pas de difficultés au niveau de son volet astronomique. Ce sont les volets théologique, culturel et politique qui posent problème. Les ulémas ont donné à un hadith du Prophète sur le début des mois lunaires une interprétation qui a déconnecté le mois islamique de son ancrage astronomique, l’exposant à tous les aléas. Mais, comme le démontrent des juristes éminents, ce hadith peut être analysé de diverses manières. L’interprétation traditionnelle qui en a été donnée par les ulémas a forgé un consensus autour du rejet du calcul, considéré comme illicite. Mais, le cadi Shakir et le professeur al-Qaradawi affirment maintenant que l’utilisation du calcul est parfaitement licite, parce que le hadith en question ne s’applique plus, selon les règles de la charia, aux sociétés islamiques modernes. Le Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord (CFAN) a développé, pour sa part, une solution alternative, qui se situe à mi-chemin entre les deux positions précitées. Elle conjugue avec une grande subtilité les exigences théologiques des ulémas avec les derniers développements dans les connaissances astronomiques relatives au début des mois lunaires. La solution retenue par le CFAN est particulièrement attrayante, du fait qu’elle permet de résoudre de manière élégante un problème épineux, considéré comme insoluble pendant des générations. En effet, elle permet l’établissement à l’avance d’un calendrier lunaire islamique annuel, dont le début des mois est programmé sur la base du moment (parfaitement prévisible, longtemps à l’avance) auquel la conjonction se produira chaque mois. Le raisonnement du CFAN peut s’appliquer, sans retouches, à l’ensemble des communautés islamiques de la planète. Il leur permettrait d’établir ensemble, à l’avance, un calendrier islamique annuel unique, valable en tous lieux du globe, dans le respect des règles de la charia. Les gouvernants des Etats islamiques, seuls vrais décideurs en la matière, ont donc un choix à faire entre le maintien du statu quo, l’adoption du raisonnement juridique « pur et dur » du cadi Shakir ou l’application de la solution « intermédiaire », mais tout de même élégante et efficace, développée par le CFAN. Il est bon de rappeler, à ce propos, que le calendrier julien, lui aussi, a connu toutes les mésaventures imaginables, en son temps, avant d’atteindre son statut actuel de référence universelle, grâce aux adaptations dont il a fait l’objet au cours des siècles. En 1267, Roger Bacon écrivait, à son sujet :

« Le calendrier est intolérable pour le sage, une horreur pour l’astronome et une farce pour le mathématicien ». Pourtant, il a surmonté sa crise de croissance, grâce aux soins dont il a été entouré. Car, comme Jules César le résume si bien : "Nos fautes, cher Brutus, ne sont point dans nos étoiles, mais dans nos âmes prosternées." (17)

Notes (1) Ahmed Khamlichi : « Point de vue n° 4 », Rabat, 2002, p. 12 (2) http://www.moonsighting.com/ (3) Khalid Chraibi : 1er muharram : calendrier lunaire ou islamique (Oumma.com) (4) Ahmad Shakir : « Le début des mois arabes … est-il licite de le déterminer par le calcul astronomique ? ». (en arabe, publié en 1939) reproduit dans : Quotidien arabe « al-madina », 13 octobre 2006 (n° 15878) : http://ahmadmuhammadshakir.blogspot.com/ (5) Yusuf al-Qaradawi : « Calcul astronomique et détermination du début des mois » (en arabe) : http://www.islamonline.net/Arabic/contemporary/2004/10/article01b.shtml (6) Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord : http://www.moonsighting.com/ (7) Al-Bokhary, Recueil de hadiths (3/119) (8) Abderrahman al-Haj : « Le faqih, le politicien et la détermination des mois lunaires » (en arabe) : http://www.islamonline.net/Arabic/contemporary/2003/10/article03.shtml (9) Muhammad Mutawalla al-Shaârawi : Fiqh al-halal wal haram (édité par Ahmad Azzaâbi), Dar al-Qalam, Beyrouth, 2000, p. 88 (10) Allal el Fassi : « aljawab assahih wannass-hi alkhaliss ‘an nazilati fas wama yata’allaqo bimabda-i acchouhouri al-islamiyati al-arabiyah », rapport préparé à la demande du roi Hassan II du Maroc, Rabat 1965 (36 p.), sans indication d’éditeur (11) Al-Ghazali, Ihya’e ouloum addine cité dans al-Ghomari (réf. 16 ci-dessous), p 30 (12) Karim Meziane et Nidhal Guessoum : La visibilité du croissant lunaire et le ramadan, La Recherche n° 316, janvier 1999, pp. 66-71 (13) Nidhal Guessoum, Mohamed el Atabi et Karim Meziane : Ithbat acchouhour alhilaliya wa mouchkilate attawqiti alislami, 152p., Dar attali’a, Beyrouth, 2è éd., 1997 (14) Ahmad Muhammad Shakir (notice biographique détaillée en arabe) : http://www.islamonline.net/Arabic/history/1422/09/article17.shtml

(15) Un auteur de référence en matière de science du hadith http://www.sounna.com/article.php3 ?id_article=106 (16) Abi alfayd Ahmad al-Ghomari : Tawjih alandhar litawhidi almouslimin fi assawmi wal iftar, 160p, 1960, Dar al bayareq, Beyrouth, 2è éd. 1999 (17) Shakespeare : Jules César, Acte I, Scène 2

1er muharram : Calendrier lunaire ou islamique Par Khalid Chraibi lundi 15 mai 2006

Depuis que l’usage du calendrier grégorien s’est généralisé dans les pays musulmans, après leur occupation par des puissances étrangères aux 19è et 20è siècles, le calendrier islamique s’est progressivement trouvé relégué à des fonctions de protocole et de représentation, qu’il assume essentiellement à l’occasion du 1er muharram, du 1er ramadan, de l’aïd el fitr ou de l’aid al adha. Nul ne songerait, de nos jours, à dater un contrat, à faire des réservations de billets d’avion ou de chambres d’hôtel, ou à programmer une conférence internationale sur la base des données de ce calendrier. En effet, ses dates sont associées à des jours différents dans différents Etats musulmans et il ne permet pas, à l’intérieur du même pays, de planifier d’activités au-delà du mois en cours. A titre d’illustration, le 1er shawal 1426, jour de célébration de l’aïd el fitr, correspondait au mercredi 2 novembre 2005 en Libye et au Nigéria ; au jeudi 3 novembre dans 30 pays dont l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte, l’Arabie Saoudite et une partie des Etats-Unis ; au vendredi 4 novembre dans 13 pays dont le Maroc, l’Iran, le Bangladesh, l’Afrique du Sud, le Canada, une partie de l’Inde et une partie des Etats-Unis ; et au samedi 5 novembre dans une partie de l’Inde. Cet état des choses n’est nullement exceptionnel, mais se renouvelle chaque mois. Faudrait-il conclure, à partir de cette illustration, que le calendrier lunaire doit être définitivement abandonné, dans les sociétés musulmanes, au profit du calendrier grégorien ? Nullement. En fait, comme nous le verrons, ce sont les procédures d’élaboration du calendrier islamique qui doivent être réévaluées. Sur le plan astronomique, les données de la situation sont simples. Le mois lunaire débute au moment de la « conjonction » mensuelle, quand la Lune se trouve située sur une ligne droite entre la Terre et le Soleil. Le mois est défini comme la durée d’une rotation de la Lune autour de la Terre (29,53 j), donnant pour l’année de 12 mois une durée de 354,37 j. Les astronomes ont posé, il y a quelques milliers d’années, la convention que des mois de 30 j et de 29 j se succédaient en alternance, ce qui permettait de faire correspondre la durée de rotation de la Lune sur deux mois successifs à un nombre de jours entiers (59), laissant à peine un petit écart qui se cumulait pour atteindre 24 h (soit l’équivalent d’un jour) en 2,73 ans. Il suffisait d’ajouter un jour tous les trois ans au calendrier lunaire pour solder cet écart, de la même manière qu’on ajoute un jour tous les quatre ans au calendrier grégorien. Le calendrier islamique est basé sur de toutes autres conventions. Le Prophète a recommandé aux fidèles de commencer le jeûne du mois du ramadan avec l’observation de la naissance de

la nouvelle lune [au soir du 29è j du mois] et d’arrêter le jeûne avec la naissance de la nouvelle lune (du mois de shawal). « Si le croissant n’est pas visible (à cause des nuages) comptez jusqu’à 30 j. ». Les théologiens et les autorités temporelles en ont déduit, à tort ou à raison, que chacun des Etats islamiques devait (ou pouvait) procéder pour son propre compte à l’observation mensuelle de la nouvelle lune dans le ciel (ou à défaut attendre l’achèvement d’un 30è j) avant de décréter le début d’un nouveau mois sur son territoire, au lieu de faire démarrer le mois avec la conjonction mensuelle. Or, le croissant lunaire ne devient vraiment visible que quelques 18 h après la conjonction, et sujet à l’existence de conditions favorables relatives à des facteurs tels que le nombre d’heures écoulées depuis la conjonction ; les positions relatives du Soleil, du croissant lunaire et de l’observateur ; l’altitude de la lune au coucher du soleil ; le lieu où l’on procède à l’observation ; l’angle formé avec le soleil au moment du coucher ; les conditions d’observation (pollution, humidité, température de l’air, altitude) ; les conditions météorologiques (absorption et extinction des rayons lumineux en provenance de la Lune, la température au sol, les effets saisonniers) ; le contraste de brillance entre le croissant lunaire et le ciel ; la limite de détection de l’œil humain... Selon les mois et les saisons, les conditions favorables d’observation de la nouvelle lune seront réunies en des sites différents du globe terrestre. Des astronomes et des informaticiens réputés ont établi des procédures permettant de prédire à l’avance, chaque mois, dans quelles régions du globe les conditions optimales seront réunies pour observer la nouvelle lune. Ainsi, en 1984, un physicien malais, Mohamed Ilyas, a pu tracer au niveau du globe terrestre une ligne de démarcation, ou ligne de date lunaire, à l’ouest de laquelle le croissant est visible le soir du nouveau mois, alors qu’il ne peut être vu à l’est de cette ligne que le soir suivant. Mais tous ces efforts, si admirables soient-ils, restent marginaux par rapport à la question centrale : « qu’est-ce qui empêche l’adoption par les sociétés islamiques du calendrier lunaire basé sur le calcul astronomique, puisqu’il répond parfaitement aux besoins de leur situation ? » Il faut rappeler, dans ce contexte, que la dynastie des Fatimides en Egypte a utilisé ce calendrier au cours d’une période de deux siècles, entre les 10è et 12è s., avant qu’il ne tombe dans l’oubli à la suite d’un changement de régime. Ce sont des arguments d’ordre théologique, fondés essentiellement sur deux ou trois hadiths du Prophète, qui sont le plus souvent cités pour préserver le statu quo et empêcher l’utilisation du calcul astronomique. Mais, ils laissent sceptiques.En effet, le Coran n’interdit nulle part l’usage du calcul astronomique, qui est donc licite. Un verset déclare : "C’est Lui (Dieu) qui a fait du Soleil une clarté et de la Lune une lumière ; il en a déterminé les phases afin que vous connaissiez le nombre des années et le calcul du temps" (Younous, X :5). Le Prophète a simplement recommandé aux fidèles une procédure d’observation de la nouvelle lune qui était parfaitement courante à l’époque, et adaptée au contexte de la région, quand les étoiles servaient de points de repère aux Bédouins au cours de leurs déplacements dans le désert. L’observation de la lune n’était qu’un moyen, pour déterminer le début du mois, et non pas une fin en soi, un acte d’adoration. Le hadith relatif à l’observation n’établissait pas une règle immuable, pas plus qu’il n’interdisait l’utilisation du calendrier astronomique. A titre d’illustration, l’Arabie Saoudite a abandonné en 1999 la procédure d’observation de la nouvelle lune, pour lui substituer une nouvelle procédure basée sur le calcul des horaires de

coucher du soleil et de la lune aux coordonnées de la Mecque, le soir du 29è j de chaque mois. Le coucher du soleil avant la lune indique le début du nouveau mois. Dans le cas inverse, le mois en cours aura une durée de 30 j. De nombreux experts défendent la notion que le hadith ne parle pas d’une observation visuelle de la nouvelle lune, mais plutôt de l’acquisition de l’information, selon des sources crédibles, que le mois a débuté. Cela ouvre de toutes autres perspectives dans la discussion de cette question. Quant au hadith du Prophète selon lequel les bédouins ne savent ni lire ni compter, et doivent donc éviter d’utiliser le calcul (astronomique), Ibn Taymiya observe que l’argument pouvait être fondé au début du 7è s. mais conteste qu’il puisse encore s’appliquer aux musulmans des siècles plus tard, après qu’ils aient été à l’avant-garde du développement de la connaissance scientifique, y compris en astronomie, pendant des siècles. Il souligne que les musulmans n’auraient pas de quoi s’enorgueillir s’ils étaient restés illettrés. Plus généralement, on peut observer que les juristes musulmans s’enorgueillissent de la capacité de la loi islamique à s’adapter en tous temps, en tous lieux et en toutes circonstances aux besoins des sociétés les plus diverses. Nombre de points fondamentaux de la loi ont fait l’objet d’interprétations différentes, au fil des siècles. Pourquoi serait-il donc impossible de substituer une autre interprétation au hadith du Prophète sur la question de l’utilisation par la communauté musulmane du calendrier basé sur le calcul astronomique ?

Le mariage misyar : entre parodie et libertinage (partie 1/2) Par Khalid Chraibi mardi 5 septembre 2006

Définition du mariage misyar Nikah al Misyar ("mariage du voyageur" en arabe) est un montage juridique qui permet à un couple musulman sunnite de s’unir par les liens du mariage, sur la base du contrat de mariage islamique usuel, sans que le mari ait à prendre d’engagements financiers vis-à-vis de sa femme. Cette dernière l’en dispense par une clause du contrat de mariage par laquelle elle renonce à certains de ses droits (tels que la cohabitation des époux, le partage égal des nuits entre toutes les épouses en cas de polygamie, le domicile, la subvention à l’entretien « nafaqa », etc...) (1). L’épouse continue de mener une vie séparée de celle de son mari, et de subvenir à ses besoins par ses propres moyens. Mais, son époux a le droit de se rendre chez elle (ou au domicile de ses parents, où elle est souvent supposée résider), à toute heure du jour ou de la nuit, quand il en a envie. Le couple peut alors assouvir de manière licite des « besoins sexuels légitimes » (auxquels l’épouse ne peut d’ailleurs pas se soustraire). Le mariage misyar constitue, d’après certains, une adaptation spontanée du régime du mariage aux besoins concrets de personnes qui n’arrivent plus à se marier de la manière traditionnelle dans des pays tels que l’Arabie Saoudite, le Koweït ou les Emirats Arabes Unis, à cause de la cherté des loyers et de la vie en général ; des montants élevés des dot exigés ; et d’autres raisons économiques et financières similaires. (2) Il répond aussi aux besoins d’une société conservatrice qui sanctionne sévèrement le "zina" (la fornication) et autres relations sexuelles entretenues hors du cadre du mariage. Les théologiens expliquent qu’il convient aux jeunes aux moyens trop modestes pour fonder un foyer ; aux veuves aisées (nombreuses dans la région), ayant leur propre domicile et leurs propres ressources financières, et qui ne peuvent plus espérer se remarier selon la formule habituelle (ou ne le désirent pas), parce qu’elles ont par exemple des enfants à charge ; aux femmes divorcées (également nombreuses) ; ainsi qu’aux « vieilles filles » qui voient leur jeunesse se faner dans un célibat involontaire, sans avoir goûté aux joies du mariage, pour quelque raison que ce soit. Il y a ainsi un million et demi de femmes réduites au célibat forcé dans la seule Arabie Saoudite. (3) Le cheikh d’Al-Azhar Muhammad Sayyed Tantawi, et le professeur Yusuf Al-Qaradawi notent cependant dans leurs écrits et leurs conférences qu’une très forte proportion des hommes qui prennent une épouse dans le cadre du mariage misyar sont des hommes déjà mariés. (4) Certains traits de ce mariage évoquent le mariage mut’a, en vigueur en Arabie

avant l’Islam, et pratiqué encore de nos jours par la communauté shiite, qui le considère comme une forme licite d’union, alors que les musulmans sunnites la considèrent comme illicite. (5) Mais, le mariage mut’a est basé sur un contrat à durée déterminée, alors que le contrat de mariage misyar est d’une durée indéterminée (même si le mari n’envisage cette union, le plus souvent, que comme un mariage temporaire, qui débouche sur un divorce dans 80 % des cas). La popularité du mariage misyar aujourd’hui résulte, probablement, d’une méconnaissance de sa véritable nature, et de ses implications légales au niveau du mari, de la femme et des enfants qui peuvent naître dans le cadre de ce mariage. La licité du mariage « misyar » Le mariage misyar soulève des questions importantes et complexes, tant sur le plan juridique que social : est-il licite ? Ne bafoue-t-il pas les droits légitimes de l’épouse ? Quelle est la valeur juridique de la renonciation de l’épouse à certains de ses droits ? Quelles sont les conséquences de cette situation sur le plan familial et social ? Contrairement à une croyance largement répandue, le mariage misyar relève, sur le plan juridique, du régime général du droit musulman, et non d’un régime spécial. Sa conformité à toutes les exigences de la charia est une condition sine qua none de sa validité. Par conséquent, quand les juristes musulmans affirment qu’il est parfaitement licite, ils signifient simplement, par là, que l’acte de mariage doit remplir toutes les conditions requises par la charia (accord des parties, présence d’un tuteur dans certains rites, versement par le mari à son épouse (ou au « tuteur ») d’une dot d’un montant convenu entre eux (qui peut être important ou modeste, à leur gré), présence de témoins, publicité du mariage...). (6) L’Académie Islamique du Fiqh (AIF), un organe spécialisé de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), vient de conforter ce point de vue dans une fatwa (7) du 12 avril 2006. (8) et (9) La clause par laquelle la femme renonce à certains de ses droits (la cohabitation des époux, le domicile, la subvention à l’entretien (nafaqa)...) soulève, quant à elle, des questions de droit plus subtiles. Appartient-elle à cette catégorie de clauses bien connues en droit musulman, qui sont contraires à l’essence du mariage, et qui vicient et rendent nulle l’union légale qui en est assortie ? Ou bien encore, à cette deuxième catégorie de clauses, qui sont frappées de nullité, alors que l’acte de mariage reste valable ? Le Cheikh d’Al-Azhar Muhammad Sayyed Tantawi rappelle, à cet égard, que le droit musulman confère aux époux le droit de convenir entre eux, dans le cadre du contrat de mariage, de certaines stipulations particulières relatives à leurs droits et obligations réciproques. Quand les époux conviennent, dans le cadre du mariage « misyar », que la femme renoncera à certains de ses droits d’épouse, cela est parfaitement légal, si telle est la volonté librement exprimée de l’épouse. (10) L’ancien grand mufti d’Egypte Nasr Fareed Wassel ajoute, dans ce contexte, que la femme peut légitimement renoncer à certains de ses droits au moment du mariage, si elle le souhaite, du fait qu’elle a des ressources personnelles, par exemple, ou que son père se propose de continuer à subvenir à ses besoins. Mais, en cas de changement de circonstances, elle peut revendiquer tous les droits que la loi lui confère en sa qualité d’épouse (comme la « nafaqa » par exemple), parce que ce sont des droits inaliénables dans le cadre du mariage. (11)

Wassel souligne que la clause de renonciation ne constitue qu’une promesse de ne pas revendiquer certains droits. Elle a une portée morale certaine, mais est sans valeur sur le plan juridique. L’épouse peut donc la respecter tant qu’elle lui convient, et revenir dessus en cas de besoin. Il observe qu’une telle clause n’affecte en rien, par ailleurs, les droit des enfants qui naîtraient de cette union, qu’il s’agisse de la reconnaissance de paternité, des effets de la filiation, de la prise en charge financière des enfants par leur père, des droits de l’épouse et des enfants à leur part d’héritage, etc. (12) L’éminent théologien saoudien Abdullah bin Sulaiman bin Menie, membre du Conseil Supérieur des Ulémas d’Arabie Saoudite, corrobore ce point de vue. D’après lui, l’épouse peut revenir à tout moment sur sa renonciation et exiger de son époux de lui donner tous ses droits, y compris qu’il vive avec elle et qu’il prenne en charge sa « nafaqa ». Le mari est alors libre de lui donner satisfaction ou d’opter pour le divorce (comme tout mari en a le droit, de toutes les façons). (13) Le professeur Yusuf Al-Qaradawi, (qui dit ne pas apprécier ce type de mariage, mais est bien obligé de reconnaître sa licité (14)), préfère carrément que la clause de renonciation ne soit pas inscrite dans l’acte de mariage, mais fasse l’objet d’un simple accord verbal entre les parties. (15) Il souligne à cet égard que les musulmans sont tenus par leurs engagements, qu’ils soient écrits ou verbaux. Il conforte ainsi le point de vue de Wassel et de bin Menie sur cette question. Il ajoute que l’inclusion de cette clause dans l’acte n’invaliderait pas ce dernier, ce qui conforte le point de vue des deux autres juristes quand ils disent que la clause peut être contestée par la femme, et ne plus s’appliquer, sans que cela remette en cause la validité du mariage lui-même.

A suivre... Notes et Références (1) Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage (www.Islamonline.net) (2) Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage (www.answering-islam.org) (3) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, (1999), (en arabe), p 10 (4) Jobarti, Somayya : Misyar marriage – a marvel or misery ? (www.arabnews.com) (5) Al-Qaradawi, Yusuf : Mut’ah marriage (www.islamonline.net) (6) Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage (www.islamonline.net) et Zawaj al misyar, p 11 (7) Une fatwa, qu’elle émane du Cheikh d’Al Azhar, du Grand mufti d’Egypte, ou de l’Académie Islamique du Fiqh (AIF) par exemple, n’est pas un texte de loi ou une décision judiciaire dont l’application s’impose de manière impérative à qui que ce soit. Son objectif est de présenter un point de vue juridique compétent qui permet à toutes les parties intéressées de

mieux saisir ce que la loi dit sur une question d’actualité, d’après l’auteur de la fatwa. Les conclusions de la fatwa ne s’imposent qu’à lui-seul. Ainsi, nul des 43 Etats-membres de l’AIF n’a la moindre obligation d’appliquer les dispositions de la fatwa de l’AIF, qui sont d’ailleurs incompatibles avec les législations nationales de certains d’entre eux en matière de droit de la famille. Voir à ce sujet la déclaration de Sheikh Abdul Mohsen Al-Obeikan, vice-ministre de la Justice d’Arabie Saoudite, au quotidien « Asharq alawsat », en date du 09/07/06, au sujet de la valeur juridique de la fatwa de l’AIF (www.asharqalawsat.com). En voici quelques extraits : « (AlAwsat d’Asharq) De temps en temps, à l’occasion de ses réunions périodiques, l’Académie Islamique du Fiqh publie diverses fatwas ayant trait à des questions qui préoccupent les musulmans. Cependant, ces fatwas ne sont pas considérées comme s’imposant aux états islamiques. Quel est votre point de vue sur cette question ? (Obeikan) Naturellement, elles ne s’imposent pas aux états islamiques membres de l’Académie. (Al-Awsat d’Asharq) Mais, quel est l’intérêt de dégager un consensus au niveau de l’Académie Islamique du Fiqh sur des fatwas qui ne s’imposent pas aux Etats membres ? (Obeikan) Il y a une différence entre un juge et un mufti. Le juge rend une sentence qui s’impose aux personnes concernées. Le mufti, quant à lui, émet une fatwa qui explique un point de vue juridique, mais sa décision ne s’impose à personne. Les décisions de l’Académie Islamique du Fiqh sont des fatwas qui ne s’imposent pas aux autres. Elles expliquent seulement le point de vue juridique, comme c’est exposé dans les livres de fiqh. (Al-Awsat d’Asharq) Bien, que diriez-vous au sujet des fatwas de la Chambre d’Ifta [ organization saoudienne officielle de fatwa ] ? Ses fatwas ne s’imposent-elles pas aux autres ? (Obeikan) Je ne suis pas d’accord avec vous sur ce point. Même les décisions de la Chambre d’Ifta ne s’imposent à personne, que ce soit aux individus ou à l’Etat. » (8) Al-Marzuqi Saleh Secrétaire Général AIF, interviewé par TV Alarabiya.net le 12/04/06 au sujet des décisions de l’AIF (http://metransparent.com) (9) An-Najimi, Muhammad : membre de l’AIF, interviewé par TV Alarabiya.net le 28/04/06 au sujet des décisions de l’AIF (10) cité dans Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (en arabe), p. 14 ; voir également Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, (1999), (en arabe), p. 12 (www.alarabiya.net) (11) cité dans Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (en arabe), p. 16 (12) cité dans Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (en arabe), p. 16 ; voir également Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, p. 15 où il recommande que le contrat de mariage misyar soit enregistré pour préserver les droits des enfants en cas de contestation. (13) cité par Al-Hakeem, Mariam : Misyar marriage gaining prominence among Saudis (www.gulfnews.com) (14) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar p. 8 (15) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar , pp.13-14

(16) Bin Menie, Abdullah bin Sulaïman : fatwa concernant le mariage misyar (et opinions d’Ibn Othaymin, Muhammad Saleh et Al-Albany, Nassirouddine sur la même question) (en arabe) (www.bab-albahrain.net) (17) Yet another marriage with no strings (www.metimes.com) : comité de fatwa d’Al-Azhar contre misyar

Le mariage misyar : entre parodie et libertinage (partie 2/2) Effets pervers du mariage « misyar » Bien que le mariage « misyar » soit parfaitement licite en droit, de l’avis des théologiens, et que l’épouse puisse à tout moment revendiquer les droits auxquels elle a renoncé lors de la conclusion de l’acte de mariage, de nombreux juristes comme Muhammad Ibn Othaymin ou Nassirouddine Al-Albany, (16) de même que de nombreux professeurs d’Al Azhar (17) s’opposent à lui du fait qu’il contredit l’esprit du droit du mariage islamique, et a des retombées négatives importantes sur la femme, sur la famille et sur la communauté. Il conduit à une dégradation des mœurs au niveau des hommes, qui adoptent un comportement irresponsable vis-à-vis de leurs épouses. D’après l’expérience des « agences matrimoniales misyar », l’homme qui recourt au mariage « misyar » a déjà, le plus souvent, un domicile fixe et une épouse aux besoins de laquelle il pourvoit. (18) Il ne lui viendrait pas à l’idée d’épouser une deuxième femme dans le cadre d’un régime de polygamie, s’il lui fallait obtenir l’accord préalable de sa première épouse et assumer des responsabilités financières additionnelles importantes vis-à-vis de sa seconde femme. Mais, grâce au mariage « misyar », cet homme se sent dégagé de toute responsabilité financière et morale envers une deuxième épouse, comme si elle n’était qu’un partenaire sexuel licite, une maîtresse « halal ». Il croit qu’il peut mettre fin à cette relation par un simple acte de répudiation, à tout moment, sans aucune conséquence négative pour lui-même. (19) Etant donné qu’il s’abstient généralement de parler de son remariage à sa première épouse, la relation au sein du couple en est faussée, et de grandes complications peuvent s’ensuivre, culminant même en un divorce, lorsque la femme finit par l’apprendre. Quant à la seconde épouse, son statut est dévalorisé, parce qu’elle n’a aucun droit sur son mari, que ce soit au niveau du temps qu’il lui consacre, de sa présence dans le foyer, ou de l’aide qu’il peut lui apporter sur le plan financier. De plus, ce mariage débouche à plus ou moins long terme sur un divorce, (dans 80 % des cas, d’après certains), quand la femme ne convient plus à son mari. Elle se retrouve abandonnée, solitaire comme avant son mariage, mais traumatisée par l’expérience. Son statut social souffre aussi de sa répudiation. Pour ces raisons, Al-Albany estime que le mariage « misyar » n’est pas licite, parce qu’il va à l’encontre des objectifs et de l’esprit du mariage en islam, tel qu’ils sont décrits dans ce verset du Coran :

« … parmi Ses signes qu’Il ait créé pour vous à partir de vous-mêmes des épouses, afin qu’auprès d’elles vous trouviez l’apaisement ; qu’Il ait entre elles et vous établi affection et miséricorde… » ? (20) Le mariage misyar semble également s’inscrire à l’opposé de la recommandation du verset bien connu : "(Vous sont permises) les femmes vertueuses d’entre les croyantes, et les femmes vertueuses d’entre les gens qui ont reçu le Livre avant vous, si vous leur donnez leur mahr, avec contrat de mariage, non en débauchés ni en preneurs d’amantes." (21) Al-Albany et Wassel soulignent aussi les problèmes familiaux et sociaux qui découlent du mariage misyar, en cas de naissance d’enfants dans le cadre d’une telle union. Les enfants élevés par leur mère dans un foyer dont le père est toujours absent, sans raison, connaissent parfois de graves perturbations sur le plan psychologique (16) et (22). La situation empire si la femme a été abandonnée ou répudiée par son mari "misyar", sans moyens de subsistance, comme c’est généralement le cas. Quant à Ibn Othaymin, il reconnaît la licité du mariage misyar sur le plan purement juridique, mais estime qu’il faut s’y opposer parce qu’il s’est transformé en une véritable marchandise commercialisée sur une grande échelle par les « agences matrimoniales », sans aucun rapport avec la nature du mariage islamique. (16) Les auteurs contestataires soulignent également les retombées négatives de ce type de mariage sur l’ensemble de la communauté, parce qu’il donne libre cours à des pratiques sexuelles qui donnent une fausse idée des croyances, des valeurs et des pratiques religieuses de la communauté. Ainsi, de riches touristes musulmans de la région du Golfe se rendent régulièrement en vacances dans des pays exotiques où ils « épousent » des call-girls locales, selon les rites islamiques, pour que leurs ébats soient « halal » (licites sur le plan religieux). Dans certains cas, le notaire de l’ « agence matrimoniale » locale prépare en même temps les documents de mariage et ceux du divorce, pour gagner du temps. (23) De telles parodies du mariage islamique portent préjudice à l’image de l’ensemble de la communauté, et peuvent aussi avoir une mauvaise influence sur la jeune génération. De nouveaux codes de droit de la famille Les défenseurs du mariage misyar reconnaissent qu’il se prête à de telles dérives, mais soulignent qu’elles ne sont pas de son seul fait. Elles découlent plus généralement de la manière dont les hommes interprètent et appliquent les règles du droit musulman : la polygamie débridée, la répudiation facile, associées à une grande richesse, en sont les facteurs de base. Il serait donc plus juste d’expliquer cet état des choses comme un héritage des temps médiévaux, quand le mariage était défini par les auteurs musulmans comme « un contrat posé en vue d’acquérir le droit de jouir de la femme ». (24)

Les organisations féminines font souvent observer, à cet égard, que les versets du Coran et les Hadiths relatifs à ces questions ont le plus souvent été interprétés, tout au long de l’histoire des sociétés islamiques, en faveur des hommes et au détriment des droits des femmes et des enfants. (25) Elles rappellent que de nombreux mouvements féministes et auteurs réformistes ont demandé, tout au long du 20è s., qu’il soit procédé à une lecture différente du droit musulman de la famille, en utilisant une approche moderne, en vue de l’adapter aux besoins d’une société contemporaine. A leur avis, il est possible de respecter scrupuleusement aussi bien les prescriptions coraniques que les dispositions des conventions internationales relatives aux droits de la femme et de l’enfant. (26) Mais, cela implique que la communauté islamique moderne reconnaisse à leur juste valeur le rôle central de la femme et de la famille comme des piliers de la communauté, au lieu de les dévaloriser. Il ne serait plus possible aux hommes de recourir à des « hiyals » (ruses juridiques pour contourner les dispositions légales), telles que celles sur lesquelles le mariage « misyar » est basé, pour traiter leurs épouses en citoyens de seconde classe. Différents pays musulmans ont procédé à une réinterprétation des dispositions de la charia relatives au droit de la famille, à la lumière des besoins d’une société moderne, dans le cadre d’un « ijtihad » (interprétation juridique) propre à chaque pays. Chacun d’eux a établi de nouvelles règles d’application de telles dispositions en fonction de ses circonstances, de ses besoins et de ses objectifs sociaux. La définition suivante du mariage, qu’on peut lire dans un Code de la famille adopté récemment, illustre la manière dont ces pays essaient d’établir un nouvel équilibre dans les relations au sein de la famille, entre le mari et l’épouse : « Le mariage est un pacte fondé sur le consentement mutuel en vue d’établir une union légale et durable, entre un homme et une femme. Il a pour but la vie dans la fidélité réciproque, la pureté et la fondation d’une famille stable sous la direction des deux époux, conformément aux dispositions du présent Code ». (27) Dans les pays où de telles lois ont été promulguées, le mariage « misyar » ne peut pas avoir cours. Notes : (16) Bin Menie, Abdullah bin Sulaïman : fatwa concernant le mariage misyar (et opinions d’Ibn Othaymin, Muhammad Saleh et Al-Albany, Nassirouddine sur la même question) (en arabe) (www.bab-albahrain.net) (17) Yet another marriage with no strings (www.metimes.com) : comité de fatwa d’Al-Azhar contre misyar (18) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, p. 24 - voir également : Jobarti, Somayya : Misyar marriage – a marvel or misery ? (www.arabnews.com) (19) Marriage of convenience is allowed, says Grand Imam Tantawi (www.dailyexpress.com.my) (20) (Coran, XXX : 21)

(21) (Coran, V : 5) (22) Wassel cité dans Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (en arabe), p 16) (23) Arabian Sex Tourism (www.danielpipes.org) – voir aussi : Indonesia Deports Saudis for Running Marriage Racket (www.arabnews.com) (24) Chehata, Chafik : droit musulman, Dalloz, Paris, 1970, p. 68 (25) Voir par exemple Ahmed, Leila : Women and gender in islam, Yale University Press, 1992 – ou Hassan, Raf’at, Islam and women’s rights (arabic translation, 2000) – ou Amin, Qassim : Tahrir al mar’a (26) Voir par exemple Zineddine, Nadhera : Assoufour wal hijab – ou Zineddine, Nadhera : Alfatat wa chchouyoukh (27) Royaume du Maroc, Code de la famille, 3 février 2004, art. 4

Le Cheikh d’Al Azhar et le Mufti d’Egypte : des lectures différentes de la charia Par Khalid

Chraibi

lundi 26 juin 2006

« La femme est-elle habilitée à diriger la prière ? La charia l’y autorise-t-elle ? » La question, sous son apparence anodine, soulève, de l’avis des experts, des points de droit complexes qui méritent qu’on s’y arrête.En effet, ni le Coran, ni la Sounna, les deux sources fondamentales de la charia, ne se prononcent sur cette question, laissant donc, en théorie, une totale liberté de décision aux communautés musulmanes, chacune selon ses spécificités et ses options. Pourtant, des juristes musulmans illustres, représentant des écoles de pensée différentes, tentent d’imposer chacun le point de vue de son école comme étant le seul qui reflète réellement le point de vue de la charia. Ainsi, Mohamed Sayed Tantaoui, Grand Cheïkh d’Al Azhar (Le Caire) et Yusuf Qaradawi, juriste égyptien émérite, estiment-ils qu’une femme ne peut pas diriger une prière mixte. Par contre, Cheïkh Ali Jomaa, Grand Mufti d’Egypte, souligne qu’il « n’y a pas de consensus interdisant à la femme de diriger la prière. S’il y a des hommes qui acceptent d’être dirigés par une femme, toujours en matière de prière, qu’ils le fassent ». Jomaa ne voit pas non plus d’obstacle à ce qu’une femme puisse accéder à la fonction la plus haute en matière de jurisprudence religieuse, celle de mufti. Entre le Cheikh d’Al Azhar et le Mufti d’Egypte, qui faut-il croire ? Qui reflète réellement le point de vue de la charia ? On peut même se demander s’il s’agit vraiment d’un point de charia, et non point d’une simple question de traditions nationales, en l’absence de toute référence à la question de l’imamat de la femme dans le Coran et la Sounna. La question n’est point d’ordre purement académique. En mai 2006, elle a fait l’objet d’une (courte) polémique au Maroc, un pays dont le champ religieux est pourtant en cours de restructuration et de modernisation depuis l’accession du roi Mohamed VI au trône en 1999. Le ministère marocain des affaires islamiques a procédé, dans le cadre du programme de modernisation du champ religieux, à la formation d’une première promotion d‘imams et de « morchidates », chargés « d’enseigner, d’expliquer le Coran, le Hadith et la Sounna, c’est-àdire d’instruire, de former et de répondre aux besoins des femmes et des hommes en ce qui concerne leur vie religieuse ». Les imams (hommes) ayant, parmi leurs prérogatives, de diriger la prière du vendredi dans les mosquées et d’y faire le prêche, des journalistes se demandèrent si les « morchidates » (femmes) allaient assumer les mêmes responsabilités. Un haut responsable du ministère observa que rien, dans la charia, ne s’opposait à cela, ce qui provoqua des réactions immédiates dans certains médias, poussant les autorités du pays à

demander au Conseil Supérieur des Oulémas du Maroc (CSO) de clarifier la position de la Charia à propos de l’imamat de la femme « selon le rite malékite ». Dans une fatwa datée du 26 mai 2006, le CSO observa que le Maroc avait choisi d’appliquer le rite malékite depuis la constitution de l’Etat marocain, et que ce rite « s’est orienté vers ce qui est généralement admis, à savoir que la femme n’est pas habilitée à diriger la prière, tel que l’enseignent les propos des imams du rite, toutes époques confondues. » Il conclut qu’il « n’a jamais été prouvé, que ce soit dans l’Histoire du Maroc ou chez ses oulémas, qu’une femme ait dirigé à la mosquée la prière des hommes ou des femmes. C’est là une tradition perpétuée par les habitants de ce paisible pays et consacrée à travers les temps. » Il faut noter, pour mettre les choses dans leur véritable perspective, que les femmes marocaines ne se sentiront pas déçues ou frustrées de ne pas pouvoir diriger la prière ou de faire le prêche dans les mosquées. En effet, après une lutte de plusieurs décennies pour la réforme du code du statut personnel, et grâce à l’appui décisif du roi Mohamed VI, les organisations féminines marocaines ont vu leurs efforts couronnés de succès en 2004 par l’adoption d’un nouveau Code de la famille. Largement inspiré de la Charia, comme le précédent, il se distingue de ce dernier par une lecture plus moderne de ses dispositions et est considéré, à juste titre, comme l’une des législations les plus progressistes du monde arabe en la matière. Aujourd’hui, les femmes marocaines concentrent leurs efforts sur la mise en œuvre, dans la vie quotidienne et au niveau des tribunaux, des dispositions du nouveau Code, sans se laisser distraire par des polémiques marginales. Rappelons aussi qu’une fatwa, qu’elle émane du Cheikh d’Al Azhar ou du Grand mufti d’Egypte, par exemple, n’est pas un texte de loi ou une décision judiciaire dont l’application s’impose de manière impérative à qui que ce soit. Son objectif est de présenter un point de vue juridique compétent qui permet à toutes les parties intéressées de mieux saisir ce que la loi dit sur une question d’actualité. Comme il ressort de l’exemple cité, deux des plus grandes autorités de la charia en Egypte peuvent faire des lectures différentes de la charia, défendre des thèses opposées et déboucher sur des conclusions incompatibles entre elles, alors qu’elles traitent de la même question. Le CSO est donc parfaitement fondé de faire sa propre lecture des faits, et d’invoquer le rite malékite, qui est à la base du droit musulman appliqué au Maroc depuis des siècles, ainsi que les traditions marocaines, pour rendre une opinion juridique qui explique au public marocain ce que la pratique marocaine en matière d’imamat de la femme a été dans le passé. C’est aussi son droit de recommander que le Maroc continue à éviter l’imamat de la femme à l’avenir, d’autant plus que, dans ce cas précis, l’application de cette recommandation ne dérangera personne dans la société marocaine. La situation est tout autre, si l’on essaie de dépasser le cas précis à l’étude, pour se placer au niveau des principes généraux de droit. On est alors fondé de se poser la question : Est-ce que les choix de société qui ont été faits par les oulémas marocains au cours des siècles passés doivent nécessairement être perpétués à l’avenir, dans tous les cas de figure ? Doivent-ils être notre seul guide pour la construction de notre société de demain ? La société actuelle n’a-telle pas le droit d’opérer ses propres choix, en tenant compte de ses circonstances présentes et des objectifs qu’elle cherche à atteindre ?

Une interview d'Aimé Césaire : " Difficile d'être un homme libre" : Par Khalid Chraibi jeudi 29 juin 2006

La Tragédie du Roi Christophe, malgré les scènes de détente quila parsèment, est une pièce extrêmement dure. Historiquement, elle retrace un épisode authentique de l’Histoire d’Haïti, mais souvent, on a l’impression que, par-delà Haïti, c’est à l’Afrique moderne que le Roi Christophe s’adresse. Que représente pour vous cette pièce ? Tout d’abord, je désire insister sur le fait que la tragédie du Roi Christophe représente un épisode authentique de l’Histoire d’Haïti. En France, beaucoup de gens m’interrogent sur le Roi et croient que c’est une histoire imaginaire. Il n’en est rien. Nous avons une documentation extrêmement détaillée sur le règne du Roi Christophe, les ruines de la Citadelle qu’il a construite pourcommémorer à tout jamais la libération d’Haïti existent encore. La pièce respecte scrupuleusement l’histoire, les événements, au point que beaucoup de mots prononcés par Christophe sont historiques, parfois rapportés tels quels. C’est donc une pièce haïtienne, Antillaise avant tout. J’ai même essayé de donner à la langue française cette couleur antillaise, à la fois dans le vocabulaire et la syntaxe. Cette atmosphère authentique, on la retrouve aussi dans une certaine emphase, très caractéristique de la vie politique haïtienne. Cela, pour mettre en garde contre les analogies trop rapides. Mais, il est clair que par-delà Haïti, le Roi Christophe de ma pièce s’adresse à l’Afrique(indirectement, si vous voulez). J’ai été frappé moi-même, et si j’ai choisi ce sujet, c’est pour cela, par l’intérêt que l’épisode du Roi Christophe présente, et les analogies qui existent entre les problèmes qu’il eut à résoudre et ceux auxquels doivent faire face les pays sous-développés. Aucune analogie n’est totale, mais en fait le Roi Christophe, c’est un peu l’homme d’Etat aux prises avec les problèmes de l’indépendance réalisée, quand il faut édifier l’Etat : c’est à ce moment-là que se présentent les grands problèmes : liberté, démocratie ou autocratie, les relations entre le « leader » et le « peuple », le grave problème du choix des idéologies, le problème de la différentiation en classes sociales de la population. Le Roi Christophe est aux prises avec tout cela, et dramatiquement, il échoue, car il n’est pas préparé à cela... Il est un esclave révolté, un homme de sang et d’orgueil, mais malgré ses bonnes intentions, il échoue. Je ne cache pas, dans ma pièce, ses faiblesses ni ses ridicules, mais ne le condamne pas, car par-delà son ridicule, il y a l’amour qu’il porte à son « peuple » (je n’aime pas ce terme, mais il n’y en a pas d’autre !), et l’orgueil collectif qu’il veut rendre à ses concitoyens humiliés par la colonisation. Son aventure est tragique : il s’isole, un fossé se creuse entre lui et la population, et il se retrouve seul. Or, c’est là le problème de la condition de l’homme politique

dans les pays sous-développés, et en Afrique particulièrement. Je n’ai pas voulu faire une pièce didactique, dont l’objet essentiel serait « d’enseigner », ... ce qui ne signifie pas non plus qu’on ne puisse pas en tirer la leçon. On me demande souvent : « Etes-vous Christophien ou non ? » . La réponse n’est pas simple. Je suis choqué par toute une série d’attitudes du Roi Christophe, qui a un côté « nouveau riche », un côté « Monsieur Jourdain ». Et puis, par les moyens extrêmement brutaux, le côté « despote » du personnage qui ne peut avoir mon approbation. Mais le Roi Christophe n’est pas un héros, c’est un homme, dans toute sa complexité, et c’est cela qui est dramatique, pathétique. L’originalité de ma pièce, c’est de montrer l’aspect multiple des gens. On peut ne vouloir voir dans le Roi Christophe que son ridicule, ces ducs de la Marmelade qu’il nomme à sa « Cour », et dire : « Eh bien, voyez les nègres ! ». Ce que j’ai voulu faire, c’est expliquer ces singeries humainement, et on s’aperçoit alors qu’il y a une démarche qui ne manque pas de pathétique ni de grandeur. En fin de compte, c’est ce côté pathétique, « grand », qui émerge le plus. Le Roi Christophe est un esclave, et ses démarches sont maladroites, ridicules parfois, mais attendrissantes. Ces démarches, je les comprends. Et il y a surtout la tragédie de l’homme qui dit : « On nous vola nos noms ». Car, moi-même, mon nom, qu’a-t-il d’authentique par rapport à moi ? Ce que j’ai voulu, c’est, par-delà le ridicule, retrouver et expliquer la démarche humaine. Car, il est très facile de se moquer des Haïtiens qui ont de « drôles de noms », tous ces Toussaint, etc., mais il ne faut pas oublier que ces noms, ces sobriquets (Trou Bonbon, Tape-à-l’œil...) ce sont les Français qui les ont donnés aux Antillais. Vous parlez du Roi Christophe avec respect pour sa souffrance, mais avec amour aussi, bien qu’il soit le « tyran ». A ce sujet, un des personnages de votre pièce dit, et cela explique le drame du Roi Christophe : « L’Histoire pour passer n’a parfois qu’une voie. Et tous l’empruntent... si bien que celles de la liberté et de l’esclavage se confondraient. » Cette affirmation est très grave, à notre époque caractérisée par le « mythe du Chef ». Voudriez-vous, pour éviter tout malentendu, nous expliquer plus en détail votre pensée ? Le problème de la mystique du Chef est en effet extrêmement grave. Lénine, c’est aussi le chef, si vous voulez. Mais il ne faut pas de malentendu : Christophe échoue ; et c’est parce qu’il a pris la mystique du chef, qu’il s’est isolé, qu’il n’a pas suffisamment tenu compte de son peuple, qu’il échoue. Parce qu’il ne manifeste pas de « compréhension », comme dit un des personnages. Pourquoi alors la pièce est-elle un hymne à Christophe ? C’est parce que, malgré toutes ses erreurs, ses faiblesses, c’est un homme qui a voulu la grandeur de son peuple, qui a voulu réhabiliter sa race, parce qu’il était porté, dans ses actes, par une grandiose aspiration à la dignité. C’est un homme très ambigu, mais très important en ce qu’il constitue une articulation historique : c’est un homme de transition. Je n’ai pas voulu simplifier, j’ai voulu montrer les choses dans leur ambiguïté. Lénine lui aussi, qui comprenait cet aspect ambigu des hommes, a parlé en termes élogieux de certains hommes de l’Histoire qui étaient de grands féodaux, mais qui étaient aussi des libérateurs de leur peuple. En dehors du côté politique du Roi Christophe, il y a le côté humain : c’est le problème de l’homme seul, de l’action, du tragique de la condition humaine. Mais il y a aussi le côté

religieux et métaphysique, qui ne ressort pas à la lecture de la pièce, mais que j’ai accusé à la représentation sur scène : il y a l’existence d’une lutte secrète. Remarquez le couple Christophe-Hugonin. Tout le monde y voit un côté shakespearien : roi et bouffon. Mais plus profondément, il faudrait partir d’un côté africain. Christophe, l’homme dur, est la représentation du Dieu « SHANGO », le grand « Dieu du ciel » de la mythologie du Dahomey, du Brésil et de Haïti. C’est le « tonnerre », Dieu très violent, mais bienfaisant et rajeunisseur : il est l’orage, qui est violent, mais qui féconde la terre en apportant la pluie bienfaisante. Extraordinairement, Shango est le seul Dieu de la mythologie qui se tue : il se pend. L’autre aspect des choses est représenté dans cette mythologie par un Dieu-clown, que les Anglais appellent « trickster » (qui joue des tours), incarné dans la pièce par le « bouffon » Hugonin. C’est un Dieu malin qui, sous son caractère ironique, représente l’autre aspect, complémentaire, des choses. C’est la lutte de l’esprit ironique contre l’esprit sérieux. Or, Christophe s’est suicidé, et Hugonin devient fou. Le « bouffon » qui devient fou, c’est cela la tragédie, aussi, dans son horreur. Vous avez écrit, en introduction à votre pièce :« Les pays coloniaux conquièrent leur indépendance, là est l’épopée.L’indépendance conquise, ici commence la tragédie. » Voudriez-vous nous commenter cette pensée ? Effectivement, la lutte pour l’indépendance est glorieuse, magnifique. Mais, je dirais que c’est « relativement facile ». Qu’on ne se méprenne pas sur ma pensée. La lutte pour l’indépendance coûte beaucoup de sang et de larmes, c’est un acte héroïque, mais c’est « facile » comparé aux problèmes qu’il faut résoudre, une fois l’indépendance conquise. La lutte est épique, mais avec du courage et de l’enthousiasme, c’est réalisable. C’est l’épopée. Après l’indépendance, c’est la tragédie. Car, c’est à ce moment-là, et les gens devraient s’en rendre compte, que la lutte difficile commence, que la lutte pour la libération prend son sens. A ce moment-là, on lutte pour soi-même, il n’y a plus d’alibi possible, l’homme est aux prises avec lui-même. C’est là le côté le plus viril de la lutte, mais aussi le plus dur.Car l’esclave, à la limite, n’a pas de responsabilités :théoriquement, il se contente de faire le travail qu’on lui ordonne de faire, de manger et de dormir. Naturellement, il est bien plus difficile d’être un homme libre que d’être un esclave. Mais toute la dignité de l’homme vient de ce qu’il préfère la liberté difficile à l’esclavage et la soumission faciles. C’est de cela que les pays nouvellement indépendants doivent prendre conscience, c’est de cela que le Roi Christophe a pris conscience... Sekou Touré a très bien exprimé cela en répondant au Général de Gaulle : « Nous préférons la pauvreté dans la liberté à l’opulence dans l’esclavage. » Votre œuvre, l’une des plus profondément originales du Tiers Monde et des temps modernes d’une manière générale, trouve son inspiration la plus puissante dans les racines les plus « authentiques » de Haïti et de sa culture, mais c’est en même temps une œuvre extrêmement difficile et élaborée du point de vue artistique. C’est l’un des points les plus délicats de l’art contemporain du Tiers Monde : l’art doit-il d’abord chercher à être accessible au grand public, ou bien l’artiste doit-il faire son travail « en artiste », sans faire de concessions aux contingences de son époque ?

Votre question est extrêmement intéressante, et soulève un problème très important. Je vais essayer d’y répondre. Tout d’abord, bien que mon œuvre soit « haïtienne », je suis Martiniquais, non Haïtien. Mais je suis « Antillais » surtout (les Antilles englobant Haïti, la Martinique, etc. Haïti m’a intéressé parce qu’elle a l’histoire la plus mouvementée, la plus passionnante, la plus glorieuse, la plus malheureuse aussi. Savez-vous que Haïti est la première colonie noire à s’être battue pour son indépendance puis, une fois son indépendance conquise, à prendre le régime de république ? Cela se passait à la fin du 18è s. Et pourtant, actuellement, le peuple haïtien est l’un des peuples les plus malheureux, à cause de la situation que vous connaissez. J’ai été fasciné par Haïti, parce que c’est une sorte « d’œil grossissant » pour toutes les Antilles, et pour l’Afrique aussi, et en étudiant l’histoire d’ Haïti, on pourrait avoir une idée de tous les problèmes du Tiers-Monde. En ce qui concerne votre question sur l’œuvre « difficile », c’est un problème esthétique extrêmement important. Difficile ? Vous dirais-je qu’à mon avis, cela n’est pas entièrement, totalement vrai ? En ce qui concerne mon œuvre, en particulier mon recueil de poèmes « Cahier d’un retour au pays natal », je dois vous dire que ce qui m’a toujours frappé, c’est que malgré leur caractère de prime abord « ésotérique », mes lecteurs les plus compréhensifs sont des gens du peuple. Il y a des milliers d’Africains qui connaissent par cœur de grands extraits du « Cahier d’un retour... », et pourtant c’est une œuvre difficile. Les hommes de culture française, occidentale, sont ceux qui parlent le plus de la difficulté de mon œuvre. Cette œuvre rejoint, par ses démarches, les démarches de la pensée dite « primitive ». Des gens disent : « c’est du surréalisme ». Mais alors, beaucoup de paysans africains font du surréalisme sans le savoir, car la pensée africaine n’est pas analytique, sa démarche est synthétique, analogique et métaphorique. C’est cela le « surréalisme ». Le surréalisme est opposé à la tendance analytique occidentale, mais est conforme à la pensée africaine. Vous avez l’exemple de cet Africain, Amos Tutola, homme du peuple qui était concierge dans un hôtel, et qui s’est mis à écrire des œuvres d’une poésie et d’une fraîcheur extraordinaires, toutes en métaphores. S’il était sorti de l’université, on aurait dit : « c’est un surréaliste ». Le développement de la culture occidentale s’est fait au détriment du sens de l’image, et on est très surpris de voir combien mon œuvre,dite difficile par les intellectuels, est relative. Mais il y a un problème malgré tout, et c’est pour cela que, depuis quelque temps, je me suis dirigé vers l’art théâtral. Pour moi, le théâtre est le moyen de sortir de la contradiction que vous signalez, et de mettre la poésie à la portée des masses, de « donner à voir » comme dirait Eluard. Le théâtre, c’est la mise à la portée du peuple de la poésie. Le théâtre est très important dans nos pays sous-développés, il y a dans ces pays une faim de théâtre. Car ce sont des pays quis’interrogent. Autrefois, ils étaient soumis à une domination étrangère, ils subissaient leur sort. Maintenant, ce sont eux qui forgent leur destinée, et mettent en question, et le théâtre est la mise en question de la vie par elle-même. Avec l’indépendance, le Tiers-Monde est arrivé à l’âge où l’on s’interroge sur soi-même, et c’est là l’âge du théâtre. Arthur Miller a écrit : « L’art se doit de témoigner sous peine de tomber dans l’artifice et la complaisance. Quand je parle de l’art en tant que témoin, c’est simplement pour lui rendre sa fonction première, qui est d’ouvrir les yeux à la vie et non pas de procurer un faux réconfort. » Cela, c’est le thème de « l’art engagé », un des thèmes les plus discutés du Tiers-Monde. Quels commentaires feriez-vous à propos de cette citation ?

Je suis tout à fait d’accord avec cette phrase de Miller et, à ma manière, je considère que je témoigne. Le Roi Christophe est un témoignage. « Ouvrir les yeux à la vie », comme dit Miller, c’est ce que je disais tout à l’heure : « la vie qui prend conscience d’elle-même et fait prendre conscience (par le théâtre). » Je suis rigoureusement « engagé » et ne conçois pas qu’un artiste du Tiers-Monde ne soit pas engagé. Cela ne signifie pas que l’engagement permet d’éviter les problèmes esthétiques qui se posent à l’artiste, mais l’engagement est nécessaire. Je ne conçois même pas que nous ne puissions pas l’être. Je ne conçois pas que l’artiste puisse rester un spectateur indifférent, refusant de prendre une option. Mais, attention à la notion d’engagement : engagement ne signifie pas pour l’artiste être engagé dans un parti politique, avoir sa carte de membre, et son numéro. Etre engagé, cela signifie, pour l’artiste, être inséré dans son contexte social, être la chair du peuple, vivre les problèmes de son pays avec intensité, et en rendre témoignage. Pour citer un maghrébin, Kateb Yacine par exemple est un hommeabsolument représentatif. Son œuvre reflète les souffrances du peuple algérien qui lutte pour la libération, elle porte témoignage. C’est cela l’engagement. Toute œuvre d’art, d’ailleurs, à condition d’être profonde, porte témoignage, et elle ne le peut que si elle estvraiment vécue, sous-tendue par tout le drame intérieur de l’écrivain,qui résulte de l’engagement. Kateb Yacine, c’est l’Algérie. Ce qu’il faut distinguer, c’est les niveaux de l’engagement. L’engagement politique est un niveau. Mais ce n’est pas le seul niveau. Le deuxième niveau est celui de l’engagement de l’écrivain, et cet engagement est plus fort encore. Il faut fixer l’engagement de l’écrivain à son propre niveau. Si cela n’était pas vrai, alors Dostoïevski ne serait pas un artiste engagé, à cause de ses attitudes politiques. Et pourtant, Dostoïevski est un artiste engagé, qui porte témoignage, parce que nul n’a exprimé de manière aussi profonde la réalité du peuple russe. Je lutte là contre une conception trop primaire et schématique del’engagement, et contre la littérature des « mots d’ordre », la littérature « dirigée » qu’on a pu voir naître dans certains pays.L’artiste doit être suffisamment engagé dans sa situation pour vivre dramatiquement à lui tout seul les problèmes de son peuple. Dans cette optique, Kateb Yacine porte tout le drame du peuple algérien, tout comme Kafka portait le drame du peuple juif. C’est cela l’art engagé.

Le Roi Christophe de Haïti : « On nous vola nos noms » : « La Tragédie du Roi Christophe », d’Aimé Césaire Par Khalid Chraibi mercredi 10 mai 2006

A. Césaire : « Haïti est la première colonie noire à s’être battue pour son indépendance puis, une fois son indépendance conquise, à prendre le régime de république. Cela se passait à la fin du 18è s. Actuellement, le peuple haïtien est l’un des peuples les plus malheureux, à cause de la situation que vous connaissez. J’ai été fasciné par Haïti, parce que c’est une sorte « d’œil grossissant » pour toutes les Antilles, et pour l’Afrique aussi, et en étudiant l’histoire d’Haïti, on pourrait avoir une idée de tous les problèmes du Tiers-Monde. » (Extraits d’un entretien avec A. Césaire réalisé par K. Chraibi) « La Tragédie du Roi Christophe », une pièce d’Aimé Césaire créée au théâtre de l’Odéon à Paris en mai 1965, raconte la tragique épopée de Christophe, un esclave, cuisinier de son état, qui prit une part éminente à la lutte de libération d’Haïti, devenant général, puis s’autoproclamant roi, avant de devenir un dictateur sanguinaire. Ni héros, ni saint, ni usurpateur, c’était un homme doué d’une immense bonne volonté, qui essayait désespérément de trouver sa voie. Cherchant à émuler la grandeur de la France, il s’entoura tout d’abord d’une Cour grandiose, « parfaite réplique en noir de ce que la vieille Europe a fait de mieux en matière de Cour », parce que « la forme, mon cher, c’est ça, la civilisation ». Pendant quelque temps, il fut un chef très populaire, contrairement à son rival, « cette couille molle de Pétion qui a proposé de verser une indemnité aux anciens colons, lui, un Noir, pour les avoir imprudemment frustrés du privilège de posséder des noirs. » Mais, Christophe, l’ancien esclave, comprend rapidement qu’il ne suffit pas de s’entourer d’une Cour, pour effacer la tragédie du peuple haïtien « déraciné, humilié par la colonisation, ravalé collectivement au rang de la bête ». Il observe avec amertume : « Jadis, on nous vola nos noms. D’estampilles humiliantes on oblitéra nos noms de vérité. Sentez-vous la douleur d’un homme de ne savoir pas de quel nom il s’appelle ? A quoi son nom l’appelle ? » Maintenant qu’il est roi, il décide : « De noms de gloire je veux couvrir vos noms d’esclaves, de noms d’orgueil nos noms d’infamie, de noms de rachat nos noms d’orphelins ». Pour symboliser cette « nouvelle naissance », Christophe rêve de construire une Citadelle, immense, gigantesque, « une ville, une forteresse, un lourd cuirassé de pierre inexpugnable ... à ce peuple qu’on voulut à genoux, un monument qui le mît debout... une citadelle construite par le peuple tout entier et symbolisant « la liberté de tout un peuple ». Il faudra travailler, et travailler encore, car « la liberté ne peut subsister sans le travail. » Il s’agit d’une œuvre gigantesque à soutenir si on veut mettre « tout cela debout », « mettre tout cela debout et à la face du monde, et solide. »

Mais, les paysans haïtiens ne comprennent guère la nécessité de construire cette citadelle. Ils ne comprennent pas la logique de ce roi qui leur déclare : « Ou bien on brise tout, on bien on met tout debout », et qui décide que « la liberté, ce n’est pas la liberté facile. » Mais Christophe insiste : « On brise, cela peut se concevoir... Tout par terre, la nudité nue. Restent la terre, le ciel : les étoiles, la nuit, nous les Nègres avec la liberté, les racines, les bananiers sauvages. Ou bien on met debout. Et vous savez la suite. Alors, il faut soutenir. Il faut porter : de plus en plus haut. De plus en plus loin. » Christophe est convaincu d’avoir fait le bon choix et décide d’obliger son peuple à le soutenir, « au besoin par la force ». D’où le commencement d’une dictature sanguinaire, impitoyable, qui réglemente les heures de travail et les heures de repos, déclarant inconstitutionnel le droit à la fatigue et à la lassitude. Malgré toute la peine que cela lui fait, Christophe n’hésite pas à mettre à mort ses plus vieux compagnons de route, lorsqu’ils commencent « à trop parler ». Quand ses propres généraux lui font défection, il se retrouve seul, atteint de surcroit de paralysie à cause du surmenage auquel il s’est astreint. Il mit fin à ses jours de manière tragique, en se tirant une balle dans la tête, lorsqu’il apprit que son armée avait complètement rallié l’armée de ses rivaux. Le roi Christophe, dans sa quête de réhabilitation de sa race, vis-à-vis d’elle-même et vis-àvis du monde entier, a-t-il trop demandé à son peuple ? Il s’en défend : « Je demande trop aux hommes. Mais pas assez aux Nègres, Messieurs. S’il y a une chose qui, autant que les propos des esclavagistes, m’irrite, c’est d’entendre nos philanthropes clamer, dans le meilleur esprit sans doute, que tous les hommes sont des hommes et qu’il n’y a ni blancs ni noirs. C’est penser à son aise, et hors du monde, Messieurs. Tous les hommes ont les mêmes droits. J’y souscris. Mais, du commun lot, il en est qui ont plus de devoirs que d’autres. Là est l’inégalité. Une inégalité de sommations, comprenez-vous ? A qui fera-t-on croire que tous les hommes, je dis tous, sans privilège, sans particulière exonération, ont connu la déportation, la traite, l’esclavage, le collectif ravalement à la bête, le total outrage, la vaste insulte, que tous, ils ont reçu plaqué sur le corps, au visage, l’omniniant crachat ? Nous seuls, Messieurs, vous m’entendez, nous seuls, les nègres. Alors, au fond de la fosse. C’est bien ainsi que je l’entends. Au plus bas de la fosse. C’est là que nous crions : de là que nous aspirons à l’air, à la lumière, au soleil. Et si nous voulons remonter, voyez comme s’imposent à nous, le pied qui s’arcboute, le muscle qui se tend, les dents qui se serrent... Et voilà pourquoi il faut en demander aux nègres plus qu’aux autres : plus de travail, plus de foi, plus d’enthousiasme, un pas, un autre pas, encore un autre pas et tenir gagné chaque pas. C’est d’une remontée jamais vue que je parle, Messieurs, et malheur à celui dont le pied flanche. » Pour nombre de personnes, le roi Christophe reste, à l’instar de Spartacus, le symbole de l’homme révolté contre la condition d’esclavage qui a prévalu pendant des millénaires dans les sociétés les plus diverses. Mais, aussi inattendu que cela soit, dans sa quête pathétique d’une identité qui lui soit acceptable, le roi Christophe peut aussi être considéré comme le précurseur et le modèle d’une multitude de leaders « visionnaires » qui se sont succédés depuis les années 1950 dans les pays d’Afrique, d’Asie, d’Europe de l’Est ou d’Amérique Latine. Comme lui, ces derniers ont tour à tour joué le rôle de libérateurs adulés et de chefs écoutés, avant d’assumer le rôle de dictateurs sanguinaires.

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Khalid Chraibi – Tabsir.net tabsir.net Sat 16 Aug 2008

Issues in the Islamic Calendar Posted by tabsir under Islamic Rituals , Islamic Sciences

Full Moon on lunar eclipse and Venus, dated June 18, 2008 - Photo by Mohamad Soltanolkotabi by Khalid Chraibi “The sun and the moon follow courses (exactly) computed;” (Koran, Ar-Rahman, 55 : 5) “It is He Who made the sun to be a shining glory and the moon to be a light (of beauty), and measured out stages for it; that ye might know the number of years and the count (of time).” (Koran, Yunus, 10:5) “The ulamas do not have the monopoly of interpretation of the shariah. Of course, their advice must be sought in the first place on shariah matters. (But) they do no make religious law, in the same way that it is not the law professors who make the law, but parliaments.” (Ahmed Khamlichi, Point de vue n° 4)

Issue # 1: Why do Muslims observe the new moon to determine the beginning of months? When the Messenger was asked by his Companions for a method to determine the beginning of the month of fasting, he told them to begin fasting with the observation of the new moon (on the evening of the 29th day of sha’aban) and to end fasting with the new moon (of the month of shawal). “If the crescent is not visible (because of the clouds), count to 30 days”. (1) At that time, the Bedouins didn’t know how to write or how to count. They knew nothing about astronomy. But, they were used to observe the stars, at night, in order to find their way in the desert, and to observe the birth of the new moon to determine the beginning of months. The Messenger’s recommendation fitted perfectly with the specifics of their situation.

Issue # 2: Why is the new moon visible, at its birth, in some regions of the world only? The new lunar month begins, for astronomers, with the monthly “conjunction”, when the Moon is located on a straight line between the Earth and the Sun. At that moment, the Moon is invisible. The lunar crescent begins to be visible only some 18 hours after the “conjunction”, and only subject to the existence of a number of favourable conditions relative to weather, time, geographic location, as well as various astronomical parameters (number of hours after conjunction; relative positions of the Sun, the lunar crescent and the observer; altitude of the moon at sunset; site of observation; limits of vision of the human eye…). (2) Each month, the new Moon will be visible, at first, at some specific sites on Earth, before it can be seen elsewhere.

Issue # 3: Can we identify in advance the most favourable sites for the observation of each new moon? Renowned Muslim astronomers, such as Ibn Tariq (8th c.), Al-Khawarizmi (780 ?- 863), AlBattani (850-929), Al-Bayrouni (973-1048), Tabari (11th c.), Ibn Yunus (11th c.), Nassir alDin Al-Tousi (1258-1274 ?), etc. devoted much attention to the study of the criteria of visibility of the new moon, with the objective of developing efficient techniques of forecasting of the beginning of a new month. But, it’s only in recent times that some astronomers and information systems experts succeeded in developing procedures which make it possible to identify in advance, each month, the areas on Earth in which favourable conditions will exist for the observation of the new moon. Thus, in 1984, a physicist from Malaysia, Mohamed Ilyas, succeeded in drawing on the Earth map a “line of lunar date”, at whose west the crescent will be visible on the evening of the new month, whereas it won’t be seen, East of this line, until the next evening. (2) Today, detailed maps of the areas of visibility of the new moon are monthly drawn, well in advance, and published in such sites as « Moonsighting.com ». (3)

Issue # 4: Shouldn’t the observation of the new moon, wherever it is carried out, mark the beginning of a new month for all Muslims? In theory, when the new moon is observed, this indicates the beginning of a new month for all Muslims in the areas in which the information is received. At the time of Revelation, when communications from one region to another were difficult, this rule applied essentially to the geographic areas which were proximate to the site of observation. But, today, with modern communication means, and instant transmission of news throughout the world, the area in which the rule could apply is much wider. (4) (5) However, in order to demonstrate their sovereignty, most Islamic States generally proceed with their own monthly observation of the new moon (or, failing that, await the completion of 30 days) before declaring the beginning of a new month on their territory. Each State has defined its own applicable parameters and procedures in this matter, thereby adding to the complexity of the situation. (6)

Issue # 5: Since the lunar month can only have 29 days or 30 days, why is there a difference of two days (and sometimes even three days) in the celebration of the beginning of Ramadan or of eid alFitr in different countries? Logically speaking, either a State will observe the new moon on the evening of the 29th day, or it will complete a count of 30 days. So, the beginning of a new month should differ by only 24 hours between the countries of the world. But this is not verified, in practice. Thus, the 1st Ramadan 1428 corresponded to Wednesday 12 September 2007 in 2 countries; to Thursday 13 September in 40 countries; and to Friday 14 September in 9 countries. (7) Similarly, the 1st Shawwal 1428, date of celebration of Eid al-Fitr, corresponded to Thursday 11 October 2007 in 1 country; to Friday 12 October in 33 countries; to Saturday 13 October in 23 countries; and to Sunday 14 October in 3 countries. (8) Since different Muslim States determine different days for the beginning of the same month, they also reach the 30th day of the month on different days. Political and geostrategic considerations, as well as human errors in the observation of the new moon, also explain some discrepancies. The Muslim astronomers who proceeded, in recent years, with in-depth studies of these issues reached the conclusion that the beginning of months that were announced by Islamic States over a period of several decades was often erroneous, for a number of reasons. (2) (9)

Issue # 6: Is the lunar calendar based on calculations a satisfactory alternative to the observation of the new moon?

The lunar calendar based on astronomical calculations has been in existence for some four millennia. It was already used by the Babylonians in the 18th c. B.C. Each lunar month begins, as was stated, at the time of the monthly “conjunction”, when the Moon is located on a straight line between the Earth and the Sun. The month is defined as the average duration of a rotation of the Moon around the Earth (29.53 days). The lunation (period of time between two successive new moons) varies within a zone whose limits are 29.27 days at the Summer solstice and 29.84 days at the Winter solstice, giving for the 12 months’ year an average length of 354.37 days. From an astronomical point of view, lunar months do not alternate between a length of 30 days and 29 days in succession. There are, at times, short series of 29 d, and at other times short series of 30 d, as illustrated by the length (in days) of the following 24 lunar months, corresponding to the period 2007-2008 : « 30, 29, 30, 29, 29, 30, 29, 29, 30, 30, 29, 30, 30, 30, 29, 30, 29, 29, 30, 29, 29, 30, 29, 30 » The astronomers formulated the convention, over two thousands years ago, that months of 30 days and 29 days would succeed each other, in order for two successive months to add up to 59 full days. This left only a small monthly variation of 44 minutes to account for, which added up to a total of 24 hours (i.e. the equivalent of one full day) in 2.73 years. To settle accounts, it was sufficient to add one day every three years to the lunar calendar, in the same way that one adds one day to the Gregorian calendar, every four years. The “tabular calendar” thus obtained includes 11 “abundant” years, with a duration of 355 d each, within a cycle of 30 years (years # 2, 5, 7, 10, 13, 16, 18, 21, 24, 26 and 29), whereas there are 19 « common » years, with a duration of 354 d each. (10)

Issue # 7: Why don’t Muslims use the lunar calendar based on calculations? The Koran does not prohibit the use of astronomical calculations for the establishment of the calendar. At the methodological level, it merely specifies that the lunar year has only 12 months. (11) But, based on the Messenger’s recommendation to the Bedouins to start and to end the fast of the month of Ramadan with the observation of the new moon, the Ulamas (Muslim jurists) developed a consensus to reject the use of calculations, based on the postulate that one shouldn’t go against the teachings of the Messenger (12). This consensus has lasted for 14 centuries. The only exceptions were a handful of theologians, in the early years of Islam, who saw no contradiction between the Messenger’s teachings and the use of astronomical calculations to determine the beginnings of lunar months. (13) At the institutional level, the (shi’ite) dynasty of Fatimids in Egypt was the only State to use a pre-calculated calendar, over a period of two centuries, between the 10th and 12th centuries, before a change of political regime reactivated the procedure of observation of the new moon. (14)

Issue # 8: Does the hadith of the Messenger concerning the observation of the new moon establish an immutable rule of law?

Since the beginning of the 20th century, many Islamic thinkers have questioned the arguments presented against the use of calculations. They consider that the Messenger’s recommendation to the faithful was merely adapted to the culture of the times, and should not be confused with the acts of worship (‘ibada). In their opinion, the hadith about observation did not establish an immutable rule of law, no more than it forbade the use of a calendar based on astronomical calculations. (4) (15) They note that, over long periods of Islamic history, the hadith under discussion was not interpreted to mean the visual observation of a new moon, but only the acquisition of information, according to credible sources, that the month had begun. (16) This opens entirely different vistas in the discussion of this question. They observe that Saudi Arabia’s Umm al Qura calendar (which is used for administrative purposes only) has been prepared for years based on the calculation of the schedules of sunset and moonset at the coordinates of Mecca, on the evening of the 29th day of each month. By convention, if the “conjunction” takes place before sunset at the coordinates of Mecca, and if the sun sets before the moon, this signals the beginning of a new month. Otherwise, the new month will begin on the next evening, after the completion of 30 days. (17) This procedure has little to do with the observation of the new moon. They also note that Muslims find it perfectly licit to use the Gregorian calendar to manage all their activities, and have been doing so for centuries, without having any misgivings about it. Why should the use of the solar Gregorian calendar, based on astronomical calculations, be considered as licit, whereas the use of the lunar Islamic calendar, based on the same astronomical calculations, would violate Islamic religious prescriptions?

Issue # 9: Is it licit to use a calendar based on calculations? Egyptian cadi Ahmad Muhammad Shakir (18) is the spokesman and the theoretician of this school of thought. He is a distinguished jurist of the first half of the 20th century, who was to become President of the Egyptian Supreme Court of the Shariah at the end of his career, and who remains to this day an author of reference in the field of hadith (19). He published, in 1939, a detailed legal opinion on the subject of the Islamic calendar, entitled: “The beginning of arab months… is it licit to determine it using astronomical calculations?” (20) According to him, the Messenger took into account the fact that the Muslim community of his time was « illiterate, not knowing how to write nor how to count. » So, he recommended to its members to observe the new moon to carry out their religious duties at the time of fasting and hajj. But the community evolved considerably over time, and some of its members even became experts in astronomy. According to the principle of Muslim law which states that « a rule is no longer applicable, when the factor which justified its existence has disappeared », the Messenger’s recommendation didn’t apply anymore to the Muslims, after they had learned to write and count and had ceased being illiterate. Therefore, according to Shakir, contemporary ulamas commit an error of interpretation when they give to the Messenger’s hadith the same interpretation that applied at the time of

Revelation, as if the hadith prescribed immutable rules. But, it has stopped being applicable to the Muslim community long ago, based on the principles of the shari’ah themselves. Furthermore, Shakir refers to the principle of Muslim law according to which « what is relative cannot refute what is absolute, nor can it be preferred to it, according to the consensus of the ulamas. » The observation of the new moon with the naked eye is relative, and can be the subject of error, whereas the knowledge of the beginning of lunar months, based on astronomical calculations, is absolute, and belongs to the domain of certainty. He observes that numerous distinguished Muslim jurists have taken into account astronomical calculations data in reaching their decisions. He concludes that there is nothing in the shari’ah which opposes the use of calculations to determine the beginning of all lunar months, in all circumstances, and not only in special situations, as had been recommended by some ulamas. For Shakir, there can exist only one lunar month applicable in all countries of the world, based on astronomical calculations. This precludes the possibility that the beginning of the month should differ from one country to another. He adds that the use of the same pre-calculated calendar in all Muslim countries will give them an opportunity to celebrate all major Islamic events on the same day, throughout the world, thereby increasing their feeling of solidarity and unity as an “ummah”. It should be noted that Shakir’s reasoning parallels some of Ibn Taymiyyah’s (1263-1328) own observations on this subject, developed centuries earlier. In a discussion of the hadith of the Messenger according to which the Bedouins can neither write nor count, and must thus avoid using (astronomical) calculations, Ibn Taymiya observes that the argument may have been justified at the beginning of the 7th century, but he questions whether it could still apply to Muslims centuries later, after they had been at the vanguard of development of scientific knowledge, including in the field of astronomy. (21) In recent years, Yusuf al-Qaradawi, a distinguished jurist, who is also President of the European Council for Fatwa and Research (ECFR) became another well-known representative of this line of thinking. In 2004, he published an article entitled: “Astronomical calculations and determination of the beginning of months” (22) in which he expressed his full support for the use of calculations in the establishment of the Islamic calendar. Throughout his analysis, he quoted extensively and approvingly the major legal arguments developed by cadi Shakir in his 1939 study. The advocates of the use of calculations gained in strength, in the last few years, when the « Islamic Society of North America » (ISNA), the « Fiqh Council of North America » (FCNA) and the « European Council for Fatwa and Research » (ECFR) announced, in 2006 and 2007 respectively, their decision to use, from then on, a calendar based on calculations. (23) They justified their decision using the same type of legal reasoning which was pioneered by Shakir and further developed by al-Qaradawi in their respective studies. (24) (25)

Notes : (1) Al-Bokhary, Hadiths (3/119) (2) Karim Meziane et Nidhal Guessoum : La visibilité du croissant lunaire et le ramadan, La Recherche n° 316, janvier 1999, pp. 66-71

(3) <">Moonsighting.com (4) Allal el Fassi : « Aljawab assahih wannass-hi al-khaliss ‘an nazilati fas wama yata’allaqo bimabda-i acchouhouri al-islamiyati al-arabiyah », a report prepared at the request of King Hassan II of Morocco, Rabat 1965 (36 p.), with no indication of editor (5) Abi alfayd Ahmad al-Ghomari : Tawjih alandhar litaw-hidi almouslimin fi assawmi wal iftar, 160p, 1960, Dar al bayareq, Beyrouth, 2nd ed. 1999 (6) Procedure of observation of the new moon by country (7) The observation of the new moon of Ramadan 1428 by country (8) The observation of the new moon of Shawwal 1428 by country (9) Nidhal Guessoum, Mohamed el Atabi and Karim Meziane: Ithbat acchouhour alhilaliya wa mouchkilate attawqiti alislami, 152p., Dar attali’a, Beyrouth, 2nd ed., 1997 (10) Emile Biémont, Rythmes du temps, Astronomie et calendriers, De Borck, 2000, 393p (11) In pre-Islamic Arabia, the Bedouins used a lunar calendar based on a year of 12 months. But they added to it, beginning in 412, a movable 13th month (whose concept was borrowed from the Jewish calendar), in order to make the month of hajj correspond to the autumn season. After major abuses were associated with these adjustments, the Koran set the number of months in the year to 12 and prohibited the intercalation of a 13th month. The Koranic verses are as follows: (Koran 9: 36) “The number of months in the sight of Allah is twelve (in a year), so ordained by Him the day He created the heavens and the earth; of them four are sacred: that is the straight usage. So wrong not yourselves therein, and fight the Pagans all together as they fight you all together. But know that Allah is with those who restrain themselves”. (Koran 9: 37) “Verily the transposing (of a prohibited month) is an addition to Unbelief: the Unbelievers are led to wrong thereby: for they make it lawful one year, and forbidden another year, in order to adjust the number of months forbidden by Allah and make such forbidden ones lawful. The evil of their course seems pleasing to them. But Allah guideth not those who reject Faith”. (12) Muhammad Mutawalla al-Shaârawi: Fiqh al-halal wal haram (édité par Ahmad Azzaâbi), Dar al-Qalam, Beyrouth, 2000, p. 88 (13) Abderrahman al-Haj: « The faqih, the politician and the determination of lunar months» (in Arabic) (14) Helmer Aslaksen: The Islamic calendar (15) Sheikh Abdul Muhsen Al-Obaikan, a Councilor in the Ministry of Justice of Saudi Arabia, is clearly favourable to the use of modern technology to determine the beginning of months. He says : « Using the naked eye to determine the beginning and end of Ramadan is primitive in an age of modern science and technology. There is no other way to put it. It’s pure backwardness.” » (Anver Saad, « The Untold Story of Ramadhan Moon Sighting » Daily muslims, October 07, 2005) (16) Al-Ghazali: ‘Ihya’e ‘ouloum addine’, quoted in al-Ghomari, p 30 (17) Van Gent : The Umm al Qura calendar (18) Ahmad Muhammad Shakir (biographical notice in Arabic) (19) An author of reference in the science of hadith (in French) (20) Ahmad Shakir:<"> « The beginning of Arab months … is it licit to determine it using astronomical calculations? » (published in arabic in 1939) reproduced by the daily « AlMadina », October 13, 2006 (n° 15878) (21) Ibn Taymiyyah: Fiqh azzakat wa asseyyam, Dar al fikr al ‘arabi, Beyrouth, 1996, p. 133 ff. and p. 142 : Ibn Taymiyyah has a good knowledge of the astronomical facts. He rejects the use of a tabular calendar, in which months alternate between 30 days and 29 days in sequence, with the addition of a day every three years approximately. He explains that this calendar does not truthfully represent the astronomical facts, because it does not take into account the existence of series of two or three months of 30 days in a row, and at other times series of two

or three months of 29 days in a row, as they happen, but only adjusts for them in the framework of a 30 year cycle. (p. 142) (22) Yusuf al-Qaradawi: « Astronomical calculations and determination of the beginning of months » (in arabic) (23) Fiqh Council of North America: Islamic lunar calendar (24) Zulfikar Ali Shah: The astronomical calculations: a fiqhi discussion (25) These developments were detailed in an article published by Tabsir.net on July 23, 2008 entitled: Khalid Chraibi: Can the Umm al Qura calendar serve as a global Islamic calendar? References : Helmer Aslaksen: The Islamic calendar Moonsighting.com: Selected articles on the Islamic calendar Islamic Crescent’s Observation Project (ICOP): Selected articles on the Islamic calendar Mohamed Odeh: The actual Saudi dating system Khalid Chraibi: Can the Umm al Qura calendar serve as a global Islamic calendar? Khalid Chraibi: It is time for the Islamic world to replace lunar uncertainty with scientific facts (SaudiDebate.com, September 5, 2007)

Khalid Chraibi – Tabsir.net tabsir.net Wed 23 Jul 2008

Can the Umm al Qura calendar serve as a global Islamic calendar? Posted by tabsir under Islam and Christianity , Islam in America , Islamic Rituals , Islamic Sciences , Saudi Arabia

by Khalid Chraibi Over the past 50 years, the Arab League, the Organization of the Islamic Conference (OIC) and other similar bodies presented their member States with over a half-dozen proposals aiming at the establishment of a common Islamic calendar. Although none of these proposals was adopted, efforts in search of a solution that could be satisfactory to all interested parties continue to this day. For its part, the Fiqh Council of North America (FCNA) was also regularly confronted with the responsibility of telling its Muslim American audience when to start fasting, when to celebrate «eid al-Fitr», «eid al-Adha», etc. After several years of study of the legal issues involved, it reached a decision, which it announced in August 2006, to use henceforth a pre-calculated Islamic calendar, taking into consideration the sightability of the new moon anywhere on Earth. (1) First, it retains the well-known principle of unicity of horizons (matâli’) which states that it is sufficient to observe the new moon anywhere on Earth, in order to declare the beginning of a new lunar month, applicable in all areas in which the information is received. Second, it uses the International date line (IDL) or Greenwich Mean Time (GMT) as its conventional point of reference to conduct its analysis.

Based on the maps of sightability of the new moon in the various regions of Earth, which are now regularly prepared by professional astronomers, (2) FCNA reached the conclusion that when the conjunction took place before 12:00 noon (GMT), there was enough time left for the new moon to be seen in numerous areas on Earth where sunset took place long before sunset in North America. Since the criteria of sightability of the new moon were met in these areas, the new moon would be observed (or could have been observed if weather conditions had been adequate) long before sunset in North America. Therefore, the requirements of sightability of the new moon as set by the shari’ah would be respected, and the new lunar month could begin in North America on sunset of the same day. On the other hand, if the conjunction took place after 12:00 noon GMT, the month would begin in North America on sunset of the following day. The FCNA decision aroused much interest in many Muslim countries, because it elegantly met the requirements of the traditional interpretation of the shari’ah, while making use of the state-of-the art know-how in the field of astronomy to respond to the needs of the modern age. It was thought that this solution could be applicable in other Muslim countries, and could give them a chance to adopt the same pre-calculated Islamic calendar (prepared on an annual basis, long in advance), in order to fulfill all the religious duties as well as to manage all other tasks. An international conference was thus held in Morocco, in November 2006, to study the issues involved, with the participation of astronomers from Saudi Arabia, Egypt, Jordan, UAE, Iran, Guinea, Libya, Morocco, and the USA. The overwhelming majority of the participants, including Saudi, Egypt, and Iran astronomers agreed that the calendar adopted by Fiqh Council of North America could be used as a Global Islamic Calendar. (3) (4) But FCNA changed position in 2007 to align itself on a new decision by the European Council for Fatwa and Research (ECFR), which used the same parameters as those of the Umm al Qura calendar (5) to determine the beginning of Islamic months. These parameters are as follows : the “conjunction” must take place “before sunset at the coordinates of Mecca” and “moonset must take place after sunset” at the same coordinates. (6) FCNA and ECFR justify the adoption of the new parameters by their desire to help develop a consensus within the Muslim community throughout the world on issues of common interest, among which that of the calendar. From a methodological point of view, the substitution of the parameters of Umm al Qura calendar to those initially set by FCNA in its August 2006 decision has the following consequences: • The requirement that the “conjunction” take place “before sunset at the coordinates of Mecca” instead of 12:00 noon GMT, as previously specified by FCNA, adds 3 hours to the time period during which the conjunction will be taken into account. This improves the chances that the first day of the new month will immediately follow the day on which the conjunction takes place. • But, the requirement that “moonset take place after sunset” at the Mecca coordinates sets an unduly restrictive condition, which didn’t exist in FCNA parameters of 2006. It implies that the new moon will be potentially sightable at Mecca on the evening of the day of conjunction, whereas the FCNA based its reasoning on the fact that the new moon would be potentially sightable “somewhere on Earth”.

According to FCNA, the data of the calendar thus obtained differs only marginally from the data developed using its methodology of August 2006. Concretely, the decisions of FCNA and ECFR have already had the following results: • The principle of use of a calendar based on calculations is officially sponsored by religious leaders who are well-known and respected within the Muslim community (7) (8) (9) • This principle is officially adopted by Islamic organizations whose legitimacy and credibility are unquestionable; • The Muslim communities in Europe and America are willing to use this calendar to determine the beginning of all months, including those associated with religious events. The impact of these decisions, worldwide, will of course depend on the attitude of the various Muslim Governments towards them, since it is the latter which have the last word on such matters, each one in its territory. For example Saudi Arabia only uses the Umm al Qura calendar for administrative purposes. (5) It considers that it would be against the shari’ah to use it for the determination of religious dates, such as the beginning of Ramadan, eids al-Fitr and al-Adha, the dates associated with Hajj, the 1st of Muharram, etc. But, once the use of the calendar based on calculations becomes part and parcel of the culture of the Muslim community in Europe and America, won’t the minds in Saudi Arabia be more open to the use of the Umm al Qura calendar for the determination of all lunar months, including those associated with religious occasions? The initiatives of CFAN and ECFR may thus help many Muslim States develop, in time, a consensus about the adoption of a “Global Islamic calendar” for use by all Muslim communities in the world. (10) Footnotes : (1) Fiqh Council of North America Islamic lunar calendar (2) http://www.moonsighting.com/ (3) Moonsighting.com 1427 Zul Hijja (4) Morocco meeting November 2006 Moonsighting.com (5) Van Gent: The Umm al-Qura Calendar of Saudi Arabia (6) Islamic Center of Boston, Wayland Moonsighting decision (7) Yusuf al-Qaradawi : « Astronomical calculations and the determination of the beginning of months » (in Arabic) (8) Zulfikar Ali Shah: The astronomical calculations: a fiqhi discussion (9) Ahmad Shakir : « The beginning of arab months … is it legal to determine it using astronomical calculations? » (published in Arabic in 1939) reproduced in the Arab daily « AlMadina », 13 October 2006 (n° 15878) (10) This article updates a previous article on the subject entitled : “It is time for the Islamic world to replace lunar uncertainty with scientific facts” published by SaudiDebate.com on 5 September 2007 and reproduced at http://aster77.wordpress.com/category/islamiccalendarcalendrier-islamique/ under the title: “Towards a global Islamic calendar”.

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Khalid Chraibi - SaudiDebate.com Muslim society issues - Islamic law –

Saudi judge ignores Quranic rights in harsh decision over the ‘Girl of Qatif’ Tuesday, 22 January 2008

By Khalid Chraibi In a memorable scene in Ingmar Bergman’s movie Wild Strawberries, Isak, the central character, dreams that he is standing in court, waiting to be sentenced. But he has no clue as to the charges against him. When the judge declares him guilty, he asks, bewildered: “Guilty of what?” The judge replies flatly: “You are guilty of guilt”. “Is that serious?” asks Isak. “Unfortunately,” replies the judge. The verdict in the case of the ‘Girl of Qatif’, as the incident has become known worldwide, is as bewildering to most people as the judge’s verdict was to Isak. How can a young bride of 18 who has been subjected to the harrowing experience of being blackmailed by a former ‘telephone boyfriend’, then gang-raped 14 times in a row by seven unknown assailants, be further brought to trial for the offence of khalwa and condemned to 90 lashes? How does one justify raising the punishment to 200 lashes and 6 months in jail when she appealed the first sentence? The case had all the necessary ingredients to become an instant cause célèbre, when word of it reached the global news agencies. It received very large coverage in the media, with the verdict being criticized by commentators, politicians and citizens in all walks of life, within the region and in far away countries. Amnesty International protested against the flogging verdict (which was also applicable to the men involved in the case), observing that “the use of corporal punishment constitutes cruel, inhuman and degrading punishment.” It added that “the criminalisation of khalwa is inconsistent with international human rights standards, in particular, an individual’s right to privacy.” The sentence against the ‘Girl of Qatif’ and the boy who sat with her in the car “should therefore be declared null and void”.

The Saudi authorities were perplexed and incensed by such criticisms. As far as they were concerned, the court sentence against the ‘Girl of Qatif’ was made in application of the Shari’ah as it has traditionally been interpreted in the country, and raised no particular or unusual issues. The Saudi Ministry of Justice observed, in a statement, that the girl went out to meet her male acquaintance “without a mahram, a legal guardian, and exchanged with him forbidden affairs through the illegal khalwa. She knows that khalwa with an unrelated man is forbidden by Shari’ah and by doing this she has broken the sacred matrimonial contract.” Her punishment is thus perfectly justified in Islamic law. But, the ‘Girl of Qatif’, her husband and her lawyer questioned several points in the Ministry’s statement, as well as the legal grounds on which the sentence was based. According to them, the girl had not put herself in this situation of khalwa out of her own free will. She and the boy who was raped with her had been chatting regularly on the phone for two years, since they were both 16, but without meeting. Somehow, the boy obtained her picture. When she got married at age 18, she wanted her picture back, and the boy agreed to do that, if she met him in his car, in a public mall. After returning her picture to her, the boy volunteered to drive her home but, on their way, they were overtaken by another car, which compelled them to stop. They were kidnapped and taken to a deserted place, where the boy and the girl were separately subjected to a gang-rape. The girl’s husband insisted that there was no adultery involved in this case, nor was there any sexually-oriented activity between the couple in the car. The meeting only took place to allow the girl to retrieve her picture which, moreover, was harmless and did not show her in any compromising position. In his opinion, it had been bad judgment on the part of the girl to go to this meeting, but there was nothing more to it. The lawyer of the ‘Girl of Qatif’, Abdul Rahman al-Lahem, argued, for his part, that there was no khalwa between the girl and the ex-boyfriend, in the legal sense, “because they met in a public place”. Moreover, the boy was trying to blackmail the girl with the picture, and she wanted to retrieve it… She was forced to meet him in a "khalwa", which invalidates the rule of "personal will" in Shariah. As Saudi jurists agree, the legal definition of khalwa doesn’t apply to the situation when a person is in dire need to attend such a meeting, or does so under duress. The Saudi judiciary accepted to review the case, but before it began looking into it, Saudi Arabia’s King Abdullah decided, on December 17, to pardon the ‘Girl of Qatif’, bringing the dramatic story of this girl to a compassionate ending.

Despite this humane conclusion to the case, many Muslims would agree with Amnesty International, that “the criminalisation of ‘Khalwa’ is inconsistent with international human rights standards, in particular, an individual’s right to privacy.” Of course, if any human rights organization in the area were to present the political/religious authorities of the Gulf States with a proposal to suppress any sanctions for khalwa, they

would reject it out of hand, on the grounds that it was “inconsistent” with Muslim law. But this only demonstrates the important differences which continue to exist between Muslim countries in their interpretation of the prescriptions of the Shari’ah. Everybody agrees that there are no Qur’anic verses which forbid khalwa, or define any sanction applicable to it. The main text of reference on the subject is a hadith of the Messenger, which states: “'Whosoever believes in Allah and the Last Day, let him not be alone with a woman who has not a Mahram (male relative who she cannot marry) with her. Indeed, the third (person) is alShaytan!” [Ahmad]. This hadith implies that, when a man and a woman are alone in a secluded place, there may be temptation lurking. But, at the same time, Islam teaches moral responsibility and individual accountability, underlining the fact that each person is individually responsible for their actions before God. Therefore, in North African countries, for example, the hadith on khalwa is viewed as merely indicating ethics of conduct, in order to avoid committing sins of the flesh. Some people may frown on a situation of khalwa but, as long as no fault has been committed there is no reason to apply any sanction. Punishment is only called for when actions which are forbidden by law actually take place, such as adultery, prostitution, and the like. In other countries, such as the Gulf States, the hadith has been interpreted by the ulema as forbidding khalwa. But, even in that case, the Messenger did not define any punishment to be applied to those who put themselves in such a situation. It was the ulema, through their own ijtihad – their personal reflection – over the centuries, who studied the ‘offence’ in its various aspects, defined its nature and decided on the applicable sanctions (under the ta’azir approach, in which the judge has latitude to decide on the applicable sanction).

When a case such as that of the ‘Girl of Qatif’ gains worldwide publicity, most Muslim people find themselves at a loss to understand why different Muslim countries, applying the same Islamic law, implement it with such strikingly different results. How can the same action be a punishable offence that is severely sanctioned in one region, whereas in another region it is no offence at all, and carries no punishment? The situation becomes even more perplexing when a Saudi judge explains, in an interview published by a major Saudi daily newspaper, that the Courts have shown “compassion and pity” for the girl (when she was condemned to 90 lashes, later raised to 200 lashes plus 6 months in jail). If that had not been the case, it was his opinion, as a judge with 30 years experience, that the judges “should have condemned the girl of Qatif to death”, together with the other people involved in the case.(1) One is reminded of Ali ibn Abu Talib’s observation that it is human beings (with all their frailties) who interpret the Shari’ah. In the Gulf States, personal status law has not yet been codified into a mudawwana, and both the judges and the people have some difficulty at times, distinguishing between tribal ‘law’ and customs and the prescriptions of Islamic law, especially in ta’azir situations.

One would think, in these conditions, that there is latitude for change in the judicial system’s view of khalwa in the Gulf States, if the political authorities were inclined to do so. The only major obstacle to be confronted is the weight of traditions. “Unfortunately,” says Suhaila Hammad, a writer who supports women’s rights, “tradition and customs control many people here (in Saudi Arabia) and they confuse them with Islamic law. As for the argument that we should introduce women’s rights gradually, I say Islam came 1,428 years ago. Are all these centuries not enough to understand it?” (2) Notes: (1) Okaz newspaper, Nov 27, 2007 : an interview with judge Ibrahim al-Khodhairi (in Arabic) (2) Heba Saleh, ‘Women’s rights: Barrier of silence has been broken’, Financial Times, December 4, 2007

It is time for the Islamic world to replace lunar uncertainty with scientific facts: Wednesday, 05 September 2007

By Khalid Chraibi Muslim people regularly get puzzled at the inability of the Islamic calendar to predict precisely, well in advance, the day on which major Islamic events are to take place, such as the first day of ramadan, or eid al-fitr, or eid al-adha, or the first day of the new Islamic year. They may even get annoyed because they cannot arrange in advance such ordinary things as taking a few days off from work on such occasions, making hotel bookings or flight reservations, or avoiding to make business or travel commitments on such dates. The Islamic calendar's shortcomings are indeed severe, since the data it shows each month differs from one Muslim country to another, and the information it provides does not extend beyond the current month. For instance, the first day of « ramadan » 1427 corresponded to Saturday, September 23, 2006 in 20 countries ; Sunday, September 24 in 46 countries ; and Monday, September 25 in 5 countries. (1) This situation is in no way unusual, but can be observed every month. Nowadays, the Muslims use the Gregorian calendar to meet all their needs, and only care about Islamic dates on momentous Islamic occasions. However, the Islamic calendar only lost its usefulness when Muslim theologians disconnected it from its astronomical, conceptual and methodological moorings, early in the 7th century. It could fulfill all the basic functions of a calendar, and meet all the needs of modern man, within the Muslim community, on a worldwide basis, if it were prepared using the applicable scientific concepts, methods and parameters developed in astronomy. Cadi Ahmad Shakir, President of the Egyptian Supreme Court of the Shari'ah, explained in a famous 1939 study that there was absolutely no obstacle, on the theological level, to the establishment of such an Islamic calendar, using astronomical calculations. (2) In 2004, renowned jurist Yusuf al-Qaradawi announced his full support for Shakir's analysis and conclusions. (3) For its part, the Fiqh Council of North America (FCNA), acting independently, presented in 2006 an ingenious, well thought-out methodology which permits the adoption of a pre-calculated calendar, while meeting all the requirements of the Shari'ah (4). The lunar calendar is based on a year of 12 months adding up to 354.37 days. Each lunar month begins at the time of the monthly "conjunction", when the Moon is located on a straight line between the Earth and the Sun. The month is defined as the average duration of a

rotation of the Moon around the Earth (29.53 days). The astronomers formulated the convention, over two thousands years ago, that months of 30 days and 29 days would succeed each other, adding up over two successive months to 59 full days. This left only a small monthly variation of 44 minutes to account for, which added up to a total of 24 hours (i.e. the equivalent of one full day) in 2.73 years. To settle accounts, it was sufficient to add one day every three years to the lunar calendar, in the same way that one adds one day to the Gregorian calendar, every four years. The Islamic calendar, however, is based on a different set of conventions. When the Messenger was asked for a method to determine the beginning of the month of fasting, he recommended to the faithful to begin fasting with the observation of the new moon (on the evening of the 29th day of sha'aban) and to end fasting with the new moon (of the month of shawal). "If the crescent is not visible (because of the clouds), count to 30 days". Thereafter, each Islamic State proceeded with its own monthly observation of the new moon (or, failing that, awaited the completion of 30 days) before declaring the beginning of a new month on its territory, instead of using a pre-calculated calendar, as computed by professional astronomers. But, the lunar crescent becomes really visible only some 18 hours after the conjunction, and only subject to the existence of a number of favourable conditions relative to weather, time, geographic location, as well as various astronomical parameters... According to the months and seasons, the favourable conditions of observation of the new moon will be met in different sites on Earth. The Koran prohibits nowhere the use of astronomical calculations for the establishment of a pre-calculated calendar. The procedure is therefore perfectly and undisputably licit. Numerous theologians in the early years of Islam saw no contradiction between the Messenger's teachings and the use of astronomical calculations to determine the beginnings of lunar months. (5) The dynasty of Fatimids in Egypt used a pre-calculated calendar over a period of two centuries, between the 10th and 12th centuries, before a change of political regime reactivated the procedure of observation of the new moon. But the majority of Muslim theologians insist nowadays that, no matter what, one can't go against the Messenger's teachings. They interpret his recommendation concerning the observation of ramadan's new moon as if it were part of the fundamental Islamic dogma. It would be utterly wrong, in their view, to use a calendar based on the conjunction, because one would start fasting, end fasting, and celebrate all other important Islamic events about two days earlier than would be the case, if the procedure of observation of the new moon were applied. However, many Islamic thinkers insist that the Messenger's recommendation to the faithful was merely adapted to the culture of the times. It should not be confused with the acts of worship. (6) The Saudi authorities must share this view, somehow, since the country gave up in 1999 the procedure of observation of the new moon, to substitute to it a procedure based on the calculation of the schedules of sunset and moonset at the coordinates of Mecca, on the evening of the 29th day of each month. If the sun sets before the moon, this signals the

beginning of the new month. In the opposite case, the month-in-progress lasts 30 days. This procedure has little to do with the observation of the new moon. (7) One should also note that, during long periods of Islamic history, the hadith under discussion was not interpreted to mean the visual observation of a new moon, but only the acquisition of information, according to credible sources, that the month had begun. This opens entirely different vistas in the discussion of this question. (6) As for the hadith of the Prophet according to which the Bedouins can neither read nor count, and must thus avoid using (astronomical) calculations, Ibn Taymiya observes that the argument may have been justified at the beginning of the 7th century, but he questions whether it could still apply to Muslims centuries later, after they had been at the vanguard of development of scientific knowledge, including in the field of astronomy. Sheikh Abdul Muhsen Al-Obaikan, a Councilor in the Ministry of Justice of Saudi Arabia, is clearly favourable to the use of modern technology to determine the beginning of months. He says : « Using the naked eye to determine the beginning and end of Ramadan is primitive in an age of modern science and technology. There is no other way to put it. It's pure backwardness." » (8) Egyptian cadi Ahmad Muhammad Shakir (who was to become President of the Egyptian Supreme Court of the Shariah at the end of his career, and who remains to this day an author of reference in the field of hadith) (9), wrote a lengthy legal opinion in 1939 on the subject of the Islamic calendar, entitled : "The beginning of arab months... is it legal to determine it using astronomical calculations?". (2) According to him, the Messenger took into account the fact that the Muslim community of his time was « illiterate, not knowing how to write nor how to count ». So, he recommended to its members to observe the new moon to carry out their religious duties at the time of fasting and hajj. But the community evolved considerably over time, and some of its members even became experts in astronomy. According to the principle of Muslim law which states that « a rule is no longer applicable, when the factor which justified its existence has disappeared », the Messenger's recommendation didn't apply anymore to the Muslims, after they had learned to read and count and had ceased being illiterate. Therefore, according to Shakir, contemporary ulamas commit an error of interpretation when they give to the Messenger's hadith the same interpretation that applied at the time of Revelation, as if the hadith prescribed immutable rules. But, it has stopped being applicable to the Muslim community long ago, based on the principles of the shari'ah themselves. Furthermore, Shakir refers to the principle of Muslim law according to which « what is relative cannot refute what is absolute, nor can it be preferred to it, according to the consensus of the ulamas. » The observation of the new moon with the naked eye is relative, and can be the subject of error, whereas the knowledge of the beginning of lunar months, based on astronomical calculations, is absolute, and belongs to the domain of certainty.

Shakir reaches the conclusion that there is nothing in the shari'ah which opposes the use of calculations to determine the beginning of all lunar months, in all circumstances, and not only in special situations, as had been recommended by some ulamas. For him, there can exist only one lunar month applicable in all countries of the world, based on astronomical calculations. The use of the same pre-calculated calendar in all Muslim countries will give them an opportunity to celebrate all major Islamic events on the same day, throughout the world, thereby increasing their feeling of solidarity and unity. In the 68 years since their publication, Shakir's conclusions have not been refuted by any Muslim jurist. As a man of law, and as an expert on hadith, he continues to be highly considered by his peers, long after his death. (9) Thus, Yusuf al-Qaradawi, the well-known theologian and jurist, has lavishly praised Shakir in a 2004 article entitled : "Astronomical calculations and determination of the beginning of months" in which he expressed his full support to cadi Shakir's conclusions. (3) The Fiqh Council of North America (FCNA) was also regularly confronted with the responsibility of telling its Muslim American audience when to start fasting, when to celebrate « eid al-fitr », etc. After several years of study of the legal issues involved, it reached a decision, which it announced in August 2006, to use henceforth a pre-calculated Islamic calendar, taking into consideration the sightability of the new moon anywhere on Earth. (4) The decision of the Fiqh Council of North America (FCNA) combines the theological requirements of the ulamas with the state of the art in the field of new moon observation. First, it retains the well-known principle of unicity of horizons (matali'e) which states that it is sufficient to observe the new moon anywhere on Earth, in order to declare the beginning of a new lunar month, applicable in all areas in which the information is received. (10) Second, it uses the International date line (IDL) or Greenwich Mean Time (GMT) as its conventional point of reference to conduct its analysis. Based on the maps of sightability of the new moon in the various regions of Earth, which are now regularly prepared by professional astronomers, (11) the FCNA reached the conclusion that when the conjunction took place before 12:00 noon (GMT), there was enough time left for the new moon to be seen in numerous areas on Earth where sunset took place long before sunset in North America. Since the criteria of sightability of the new moon were met in these areas, the new moon would be observed (or could have been observed if weather conditions had been adequate) long before sunset in North America. Therefore, the requirements of sightability of the new moon as set by the shari'ah would be respected, and the new lunar month could begin in North America on sunset of the same day. On the other hand, if the conjunction took place after 12:00 noon GMT, the month would begin in North America on sunset of the following day. The Islamic calendar can adequately fulfill all the functions of a calendar, and meet all the needs of the Muslim community throughout the world, if it is set up using the concepts, methods and parameters developed by professional astronomers. But it can fulfill none of these functions if it is based on the monthly observation of the new moon with the naked eye, carried out separately in each independent country.

The majority of ulamas base themselves on tradition to state that one should respect the recommendation of the Messenger to observe the new moon in order to start fasting. But, according to Cadi Shakir, from a purely legal point of view, this view isn't defensible anymore. In his 1939 legal opinion, he concludes that there is no theological objection to the establishment of a pre-calculated Islamic calendar, based on astronomical calculations. Professor Al-Qaradawi now concurs with this conclusion (2004). For its part, the Fiqh Council of North America, conscious of the intricacies of the issues involved, developed in 2006 a solution which elegantly meets the requirements of the shari'ah, while making use of the state-of-the art know how in the field of astronomy to respond to the needs of the modern age. This solution is applicable in all Muslim countries, and gives them a chance to adopt the same pre-calculated Islamic calendar (prepared on an annual basis, long in advance), in order to fulfill all the religious duties as well as to manage all other tasks. The rulers, political leaders and religious authorities in each Muslim country now have the clear choice between adopting either the conclusions of Cadi Shakir, or the solution developed by the Fiqh Council of North America, or perpetuating the status quo. According to a report entitled « Break through for Global Islamic Calendar » published on « Moonsighting.com » in late December 2006, some countries were trying to develop a common stand on this issue in the autumn 2006: « In November 2006, there was an International Conference in Morocco about adopting a Global Islamic Calendar. Astronomers from Saudi Arabia, Egypt, Jordan, UAE, Iran, Ginnea, Libya, Morocco, and USA participated. Overwhelming majority including Saudi, Egypt, and Irani astronomers agreed with the calendar (adopted by Fiqh Council of North America), that can be used as a Global Islamic Calendar. Morocco is willing to adopt it immediately. Further development on this issue will follow as time progresses. » (12)

Footnotes (1) http://www.moonsighting.com/1427rmd.html

(2) Ahmad Shakir : « The beginning of arab months ... is it legal to determine it using astronomical calculations? ». (published in arabic in 1939) reproduced in the arab daily « al-madina », 13 october 2006 (n° 15878) : http://ahmadmuhammadshakir.blogspot.com/ (3) Yusuf al-Qaradawi : « Astronomical calculations and determination of the beginning of months » (in arabic) : http://www.islamonline.net/Arabic/contemporary/2004/10/article01b.shtml (4) Fiqh Council of North America: http://www.moonsighting.com/calendar.html (5) Abderrahman al-Haj : « The faqih, the politician and the determination of lunar months » (in arabic) : http://www.islamonline.net/Arabic/contemporary/2003/10/article03.shtml (6) Allal el Fassi : « Aljawab assahih wannass-hi al-khaliss ‘an nazilati fas wama yata'allaqo bimabda-i acchouhouri al-islamiyati al-arabiyah », report prepared at the request of King Hassan II of Morocco, Rabat, 1965 (36 p.), with no indication of editor

(7) The Umm-al-Qura calendar of Saudi Arabia http://www.phys.uu.nl/~vgent/islam/ummalqura.htm

(8) Anver Saad, « The Untold Story of Ramadhan Moon Sighting » Daily muslims, October 07, 2005 : http://www.muslimsweekly.com/index.php?option=com_content&task=view&id=804&Itemid=63 (9) Ahmad Muhammad Shakir (biographical notice in arabic) : http://www.islamonline.net/Arabic/history/1422/09/article17.shtml (10) Abi alfayd Ahmad al-Ghomari : Tawjih alandhar litaw-hidi almouslimin fi assawmi wal iftar, 160p, 1960, Dar al bayareq, Beyrouth, 2nd ed. 1999 (11) http://www.moonsighting.com/ (12) http://www.moonsighting.com/1427zhj.html

Extremists cannot claim Koranic justification for violence despite proud boasts of ‘jihadis’: Saturday, 28 July 2007

By Khalid Chraibi Watching TV news programmes these days, one gets the impression that the whole Middle East is in turmoil, with terrible acts of violence taking place routinely in a multiplicity of settings. The distress is at its peak in Iraq where, every single day, trucks and cars laden with explosives are rammed into crowded places, such as a central market or a mosque at the time of the midday prayer, and detonated, killing dozens of civilians and wounding hundreds of people. This wave of violence is only marginally directed at foreign troops of occupation. The overwhelming majority of the victims are civilians who are not even individually targeted, but simply belong to a group that their adversaries have decided to attack, such as the employees of some administration, or the members of a religious group (Sunni or Shi'a). Many of the victims are accounted for merely as "collateral damage", i.e. people who happened to be standing within the range of an explosive device, at the time of explosion. The authors of these acts of violence proudly describe themselves as "jihadists", "salafi", etc. to underline their Islamic affiliations. Based on this, Western governments and media lump all these acts together under the generic label of "terrorism", attributing them to a resurgence of religious extremism in the Muslim world. They either present them as symbols of an ongoing "clash of civilizations" between Islamic countries and the West, or point at them as an indication of the struggle between conservatism and modernity in Muslim societies. Nevertheless, most Muslims find it hard to reconcile these acts of violence with the teachings of their religion. But, the political/religious leaders who mastermind such actions have developed their own "fatwas" about them, which they use to convince would-be suicidebombers of the righteousness of their acts of violence. They justified their actions as follows, in a recent interview published by a major American newspaper: "In the typical car bombing, God will identify those who deserve to die - for example, anyone helping the enemy - and send them to hell. The other victims will go to paradise. ‘The innocent who is hurt, he won't suffer. He becomes a martyr himself'." (1)

Nor, do they feel any distress about the random killing of children in such operations, because "Children receive special consideration in death. They are not held accountable for any sins until puberty, and if they are killed in a jihad operation they will go straight to heaven. There, they will instantly age to their late 20s, and enjoy the same access to virgins and other benefits as martyrs receive." (1) Many Saudi youth have been associated, in recent years, with this type of violence, in such diverse settings as Palestine, Afghanistan, Iraq, Lebanon, Yemen, North Africa, etc. The Saudi authorities are worried about this situation, and try to develop new guidelines to provide the youth with the appropriate religious guidance, including within the environment of summer camps this summer, to enable them to distinguish between true Islamic teachings and "deviant ideology". Thus, at a meeting with more than 600 imams and khateebs in late June 2007, Saudi Interior Minister Prince Naif expressed his concern about Saudi youth involvement in acts of violence in Iraq and Lebanon. He was quoted by the Saudi Press Agency as asking the imams, and beyond them Saudi society more generally: "Do you know that your children who go to Iraq are used only for blowing themselves up, causing the deaths of innocents? Are you happy for your children to become instruments of murder?" He's reported to have added: "Do you want people in your society who call you, your state and your leaders infidels?" The Prince emphasized the positive role that imams and khateebs could play in the country's fight against terrorism, "deviant ideology" and destructive thoughts and ideas, by regularly using the Friday sermon in over 14 000 mosques to expose the "deviants" and their ideology. In theory, the task of the imams and khateebs is quite straightforward and simple. They have to explain to Saudi youth that Islam is based on the respect of life and property, freedom, equality, solidarity and justice for all. It is the religion of "ummat al wassatt" (the community of the Just, or of the Middle position) as explained in the following verse: "Thus have We made of you an Ummat justly balanced, that ye might be witnesses over the nations, and the Messenger a witness over yourselves;..." (Al-Baqarah II:143) Islam opposes extremism in religion, as explained in the verse: "Say: O People of the Book! exceed not in your religion the bounds (of what is proper), trespassing beyond the truth, nor follow the vain desires of people who went wrong in times gone by, who misled many, and strayed (themselves) from the even Way." (Al-Maidah, V:77) The Prophet also warned repeatedly and strongly against extremism in religion, emphasizing that it was the cause of the disasters which befell earlier nations. Thus, Islam abhors the indiscriminate killing of civilians and non-combatants. The high value that Islam places on human life is clearly expressed in a multiplicity of Kor'anic verses such as: "...take not life, which Allah hath made sacred, except by way of justice and law: thus doth He command you, that ye may learn wisdom." (Al-An'am, VI:151) Or: "if anyone slew a person - unless it be for murder or for spreading mischief in the land - it would be as if he slew the whole people: and if any one saved a life, it would be as if he saved the life of the whole people." (Al-Maidah V:32)

The principle of sacredness of human life is also emphasized in the "Universal Islamic Declaration of Human Rights" of 19 September 1981 (21 Dhul Qaidah 1401) which states: "Human life is sacred and inviolable and every effort shall be made to protect it. In particular no one shall be exposed to injury or death, except under the authority of the Law." Islam also established very strict rules on how to deal with cases of murder. Capital punishment can be applied by a court of law, which respects due process. But, no individual is allowed to take the law into his own hands, to decide at his personal whim who is to live and who is to die, etc. Such a situation, if it were to take place, would be comparable to a state of "fitna", which is strongly denounced by Islam. The Muslim community is organized to handle and resolve all the conflicts between its members through peaceful means, or using the alternative means which the shari'ah has established. The imams are also to remind the youth that, even in a situation of warfare, Islam has established very strict rules, which all parties to the conflict have to respect. These rules were observed during the life of the Prophet, with the objective of ensuring that damages were limited to what was necessary, without unnecessary destruction of life (women, civilians, old people, non-fighters) and property (trees, orchards, wells, cattle, etc.). The Caliph Abu Bakr reminded his troops of these rules, on the eve of their departure for battle, as follows: "Stop, O people, that I may give you ten rules for your guidance in the battlefield. Do not commit treachery or deviate from the right path. You must not mutilate dead bodies. Neither kill a child, nor a woman, nor an aged man. Bring no harm to the trees, nor burn them with fire, especially those which are fruitful. Slay not any of the enemy's flock, save for your food. You are likely to pass by people who have devoted their lives to monastic services; leave them alone." It is clear from the preceding statements that Islam is definitely opposed to the indiscriminate killing of people, no matter what the circumstances may be. It also stands against takfeer, which is another aspect of extremism. Clearly, one cannot say on a whim that other Muslim people are "kouffar" (infidels) who can therefore be killed without any misgivings. This would be the most extreme case of "fitna". Resort to violence, even at the State level, is the exception and not the rule. It must take place within strict rules: no abuse of power, no excess, respect of non-combatants (civilians, women, children, elderly...), respect of private property, which must not be destroyed except in extreme situations... One can't say, in this respect, that he wants to promote the values and principles of Islam, while he violates himself all its fundamental rules to achieve his own political objectives. In short, in a modern State, people cannot take the law into their own hands. Individuals can't declare war to foreign States. Nor can they declare war to their own established Government. Otherwise, the community enters into a situation of anarchy, of "fitna". The confusion between politics, religion and "fitna" is promoted by all the parties concerned in the conflicts raging in the Middle East, because it fits with each participant's agenda. Western Governments and media can point to the violence and explain it by religious extremism, so that they don't have to delve into the complex political conflicts taking place in Palestine, Iraq, Afghanistan, Iran, etc. The political authorities of a country can explain the

violence as the product of "religious extremism" or of a "deviant" ideology, rather than as a rebellion against their authority. The "jihadists" can claim that they are merely trying to achieve the objective of a unified "ummah" set by Islam, rather than the political objectives they truly have in mind, such as the conquest of power in a given country. The people at large may be left bewildered by all these conflicting claims. But, the unquestionable fact is that Islam is the religion of "ummat al wassatt" (the nation of the Just people, or the people of the Middle position) which abhors all acts of extremism in any aspect of life. In particular, Islam is based on the respect of life and property, freedom, equality, solidarity and justice for all. One can't do away with all the values it stands for, and everything it teaches, and still assert with any credibility that he's acting on its behalf.

Notes: (1) Michael Moss and Souad Mekhennet: 'The Guidebook For Taking A Life', The New York Times, Week in Review, June 10, 2007)

Pope and people must understand truth of Qu’ranic teachings on jihad and religious freedom Thursday, 07 June 2007

By Khalid Chraibi In his Regensburg lecture of September 12, 2006 Pope Benedict XVI argued that Islam, contrary to Christianity, had resorted to violence and coercion to spread its faith (1). Quoting a long-forgotten 14th century Byzantine emperor in support of his argument, the Pope commented: "The emperor must have known that surah 2 : 256 reads: "There is no compulsion in religion". It is one of the surahs of the early period, when Muhammad was still powerless and under threat. But naturally the emperor also knew the instructions, developed later and recorded in the Qur'an, concerning holy war." The Pope then quoted the emperor as saying: "Show me just what Muhammad brought that was new, and there you will find things only evil and inhuman, such as his command to spread by the sword the faith he preached". The Pope's derogatory remarks offended the Muslim community worldwide. Many media analysts saw in it the clear imprint of the Vatican's campaign to disparage Islam, in order to counter its progress in developing countries. The ulamas criticized the Pope for misrepresenting the facts concerning the Qur'anic verses he quoted, and for being clearly prejudiced in his discussion of Islamic thought and history. They reminded him that the principle of religious freedom was enunciated in numerous Qur'anic verses, none of which was ever abrogated. Moreover, the Qur'an only prescribed Jihad to the Muslims as a defensive war to protect themselves and their faith when under attack. The incident provided an opportunity for Muslims and non-Muslims alike to acquaint themselves with the Qur'an's real stand on the issue of religious freedom. The Qur'an proclaims the principle of religious freedom not in one, but in a multiplicity of verses, interspersed in many surahs, usually in the context of the discussion of the Messenger's mission. The description of the latter sets out its scope, limits and contents, with indications as to how it is to be carried out, and how the Messenger is to deal with a variety of issues, including his nearest kinsmen, the People of the Book, the polytheists, etc. (2)

According to this description, the Messenger's main function is to convey the Lord's Message, to expound openly what he has been commanded and to give a clear warning to the people. He is "to invite all to the Way of the Lord with wisdom and beautiful preaching; and argue with them in ways that are best and most gracious." But, he is not set over people to arrange their affairs, and is not to overawe them by force. He can admonish them but, if they disobey him, he is to leave them alone, to their own choice. "Let him who will, believe, and let him who will, reject (it)." Or again: "Everyone acts according to his own disposition." "Those who receive Guidance, do so for the good of their own souls; those who stray, do so to their own loss." This point is so important in the Qur'anic message that it is reiterated on several occasions, using different wordings: "If people accept guidance, they do it for the good of their own souls, and if any stray, the Messenger is only a Warner." "If any will see, it will be for [the good of] his own soul; if any will be blind, it will be to his own [harm]: the Messenger is not [here] to watch over their doings." Thus, if he discusses the Lord's Message with People of the Book and they dispute with him, the Messenger is to say to them: "Allah is our Lord and your Lord: for us [is the responsibility for] our deeds, and for you for your deeds, there is no contention between us and you." Similarly, "If people argue with him, dispute with him, charge him with falsehood, he is to say: ‘My work to me, and yours to you! Ye are free from responsibility for what I do and I for what ye do!'" In such situations, the Messenger is "to turn away from them, have patience with what they say, and leave them with noble [dignity]." The Messenger is repeatedly reminded that: "If it were Allah's Will, He could gather people together unto true guidance." "If it had been Allah's Plan, they would not have taken false gods: but the Lord did not send the Messenger to watch over their doings, nor is he set over them to dispose of their affairs." The reason for the existence of religious freedom is explained in the following way: "If Allah had so willed, He would have made mankind a single People, but [His plan is] to test them in what He hath given them; so they must strive as in a race in all virtues." On one occasion, the Messenger is admonished in the following terms: "If it had been the Lord's Will, they would all have believed, all who are on earth! Wilt thou then compel mankind, against their will, to believe!" The most-often quoted verse reads: "Let there be no compulsion in religion. Truth stands out clear from error [...]." Contrary to the Pope's assertion, this verse was not revealed in Makkah, in "the early period, when Muhammad was still powerless and under threat," but in a later period, in al-Madinah, when the Messenger was in a situation of relative power and security. The occasion is narrated in all tafsir textbooks: in pre-Islamic times, some women gave their child to a Jewish family to raise, often in the Jewish faith, in the belief that this would give him a better chance to survive. When the parents of such children converted to Islam, the children were reluctant to follow suit, so the Messenger was asked by the parents whether they could coerce their children into changing their faith. The verse quoted by the Pope

forbade the parents to exercise any such coercion, stating: "Let there be no compulsion in religion." The Messenger is repeatedly reminded that, no matter what happens, it is not his role to punish anyone who rejects the Lord's Message:"...thy duty is to make (the Message) reach them: it is Our part to call them to account." "It is not for the Messenger, but for the Lord to make the decision whether to turn in Mercy to the unbelievers or to punish them. It will be for the Lord to call them to account." The Messenger is to "leave them alone until they encounter that Day of theirs, wherein they shall [perforce] swoon [with terror]." Although the principle of religious freedom is thus perfectly established in the Qur'an, and was never abrogated, the Muslim communities have at times had difficulties in applying it, for all kinds of reasons. As an illustration, Islamic jurists diverge to this day on how to deal with the issue of apostasy. Some consider that the Qur'anic principle of religious freedom covers the cases of apostasy, but most ulamas dispute that view, basing themselves on the Sunnah. Nevertheless, it remains as a fact that the Qur'an, while denouncing the people who commit apostasy, does not prescribe any sanction to be applied to them by any other person, as is clear from the following verses: "Those who believe, then reject Faith, then believe [again] and [again] reject Faith, and go on increasing in unbelief, Allah will not forgive them nor guide them on the way." "Anyone who, after accepting Faith in Allah, utters Unbelief, - except under compulsion, his heart remaining firm in Faith - but such as open their breast to Unbelief, on them is Wrath from Allah, and theirs will be a dreadful Penalty." As to Jihad, the consensus of the ulamas today is that the Qur'an prescribes it to the Muslims only to defend themselves and their faith, when under attack. This appears explicitly in the following verses, which were the first revealed on the subject of Jihad: "To those against whom war is made, permission is given [to fight], because they are wronged; and verily, Allah is Most Powerful for their aid; [They are] those who have been expelled from their homes in defiance of right, [for no cause] except that they say, "Our Lord is Allah." Did not Allah check one set of people by means of another, there would surely have been pulled down monasteries, churches, synagogues, and mosques, in which the name of Allah is commemorated in abundant measure. Allah will certainly aid those who aid His [cause]; for verily Allah is Full of Strength, Exalted in Might, [able to enforce His Will]." The Qur'an never prescribes Jihad as an offensive war, to extend Islamic rule to foreign lands and to convert their people "by the sword". Those who defend these views merely interpret Qur'anic verses in a manner which suits their own purposes. They are merely attributing to Islam their own views on the subject. Based on the numerous rebuttals of the Pope's assertions that were published by the ulamas in the media worldwide, one can draw the following conclusions: The Qur'an proclaims the principle of religious freedom, explicitly and unequivocally, throughout dozens of different verses interspersed in a variety of surahs. It prescribes the use of dialogue and persuasion to transmit the Muslim message, and forbids the use of any form of coercion towards anyone to this end. This principle was upheld throughout the life of the

Messenger and was applied to all, including the Muslim's own children raised in the Jewish faith. As to Jihad, the Qur'an prescribes it to the Muslims only to defend themselves and their faith, when under attack. Notes: (1) Pope's speech at University of Regensburg http://www.cwnews.com/news/viewstory.cfm?recnum=46474 (2) All Qur'anic quotations are from the Qur'an's English translation at www.al-islam.com (Kingdom of Saudi Arabia, Ministry of Islamic Affairs site) : http://quran.alislam.com/Targama/DispTargam.asp?nType=1&nSeg=0&l=eng&nSora=1&nAya=1&t=eng

Mixed message on 'riba' leaves Muslims trapped between usurers and lenders: Tuesday, 24 April 2007

By Khalid Chraibi The question put to scholar Yusuf al-Qaradawi at a youth gathering in Morocco, in the summer of 2006, was innocuous enough: in the absence of Islamic banking in Morocco, is it licit for a Moroccan to take an interest-bearing loan from a conventional bank to buy a home? Al-Qaradawi referred his audience to a ruling by the European Council for Fatwa, which authorized Muslim minorities living in Europe, with no access to Islamic banking, to take such a loan, based on the rule that: “Necessity allows the use of what is illicit” (addarouratou toubihou al mahdhourat). He added that, since the Moroccans had no possibility to buy a home except through the conventional banking system, their situation was comparable to that of Muslim minorities living in countries in which Islamic banking was not the norm. The ruling applicable to the latter was also applicable to them. Al-Qaradawi’s fatwa raises the issue of the compliance of modern banking with the shari’ah, a subject of continuing controversy between traditionalist and modernist religious thinkers. Between usury and interest Modern banking is inextricably linked with interest, which many contemporary Muslims associate with riba. Since the Qur’an prohibits riba, explicitly and unequivocally, they are convinced that modern banking activities are “illicit”. But the definition of riba is elusive. For centuries, the ulema have been faced with the difficult challenge of sorting out, generation after generation, what the riba prohibition should apply to, and they have not reached any consensus on this matter to this day. Of course, the ulema agree that riba refers, in the first place, to usury, i.e. “the lending of money with an exorbitant interest charge for its use”. But a majority of ulema consider that riba also refers, in a second meaning, to “interest under all its forms”. This was the position of al-Azhar’s Research Council when it ruled, in 1965: “Interest on all types of loans is forbidden Riba. There is no difference in this regard between so called consumption and production loans. Moreover, Riba is forbidden (haram) in small as well as large quantities, whether it is effected through time deposits, demand (or checking) deposits, or any interestbearing loan contract. All such dealings are among the forbidden Riba”. This was also the position upheld, more recently, by the Islamic Fiqh Academy (IFA), an affiliate of the Organization of Islamic Conference, which was established by its 43 member

States to try to develop an Islamic consensus about just such complex fiqh issues. In a 1985 resolution, IFA stated: “Any increase or interest on a debt which has matured, in return for an extension of the maturity date, in case the borrower is unable to pay ; and the increase (or interest) on the loan at the inception of its agreement, are both forms of usury, which is prohibited under Shari’ah.” Under this definition, conventional banking operations are all “illicit”, because they incorporate interest, i.e. “a charge for borrowed money, generally a percentage of the amount borrowed”. But, modern financial activities differ in kind from anything that existed at the time of Revelation. One may wonder, therefore, with Abdullah Yusuf Ali, about the legitimacy of extending to them the riba prohibition, based on “qiyas” and “ijtihad”. Says Ali, best known for his classic translation of the Qur’an into English: “Our Ulema, ancient and modern, have worked out a great body of literature on Usury, based mainly on economic conditions as they existed at the rise of Islam. I agree with them on the main principles, but respectfully differ from them on the definition of Usury… My definition would include profiteering of all kinds, but exclude economic credit, the creature of modern banking and finance.” Modern banking structures and financial instruments were introduced in Muslim countries at the time of their occupation by foreign Western powers, in the 19th and 20th Centuries. When Islamic jurists saw how these modern banking institutions and their assorted financial tools were used to develop the national economy, they understood the positive role that interest could play in modern society. They realized that its total prohibition in economic and financial dealings could conflict with society’s economic and social needs and aims, and could hamper the country’s development. The voices of al-Azhar For these reasons, from the 19th Century on, Egyptian Grand Muftis and Sheikhs of al-Azhar, as well as numerous religious leaders in various Muslim countries, have been earnestly looking for ways and means to convert the total prohibition of interest into a selective one, in order to reconcile the prevailing definition of riba with the economic and financial requirements of modern society. Muhammad Abduh, the mufti of Egypt and Sheikh of al-Azhar, was a pioneer in this field, when he wrote a fatwa to the effect that interest paid by the Egyptian Post Office on “personal savings accounts” was lawful. He also explained to the readers of “al-Manar” that the use of interest could be quite licit in some financial dealings, and have nothing to do with a riba situation. He wrote: “When one gives his money to another for investment, and payment of a known profit, this does not constitute the definitely forbidden Riba, regardless of the pre-specified profit rate… This type of transaction is beneficial both to the investor and the entrepreneur. In contrast, Riba harms one for no fault other than being in need, and benefits another for no work except greed and hardness of heart. The two types of dealings cannot possibly have the same legal status (hokum).” Another Sheikh of al-Azhar, Mahmud Shaltut, wrote a fatwa in which he declared that interest paid on State bonds was licit, when issued by the State to meet public needs, and to further the country’s economic development. He even asserted that any transaction which was offered by

the State, with a fixed interest in advance, was licit, since there was no exploitation of either party in such cases. Muhammad Sayyed Tantawi, the present Sheikh of al-Azhar, though a traditional, orthodox scholar, worked for decades along the same lines as his predecessors, to try to disentangle interest from riba. As Grand Mufti of Egypt (1986-96), he ruled that fixed interests on bank deposits were “halal”, even suggesting that the legal terminology used for bank interest and bank accounts be changed, to avoid their assimilation to riba. Furthermore, in 2002, the ulema of Al-Azhar, working under Tantawi’s direction, revised the 1965 stand of the institution on riba. They approved a fatwa which stated that “investing funds with banks that pre-specify profits or returns is permissible, and there is no harm therein.” For Tantawi: “…the bank investing the money for a pre-specified profit becomes a hired worker for the investors, who thus accept the amount the bank gives them as their profits, and all the excess profits (whatever they may be) are thus deemed the bank’s wages. Therefore, this dealing is devoid of riba.” He adds : “We do not find any Canonical Text, or convincing analogy, that forbids pre-specification of profits, as long as there is mutual consent.” Bankers and shari’ah One could quote many other efforts by distinguished Muslim jurists, aiming at separating interest from riba. For instance, Abd al Mun’im Al Nimr, a former Minister of Awqaf in Egypt, explained in a 1989 article that the prohibition of riba was essentially justified by the harm caused to the debtor. Therefore, since there was no harm caused to depositors in banks, the prohibition of riba did not apply to bank deposits. Explains Nasr Farid Wasil, Tantawi’s successor as Grand Mufti of Egypt: “So long as banks invest the money in permissible venues (halal), then the transaction is permissible (halal)... The issue is an investment from money. Otherwise, it is forbidden (haram)...” He adds: “There is no such thing as an Islamic or non Islamic bank. So let us stop this controversy about bank interest.” The banking debate revolves, therefore, essentially, around the definition of riba. A conservative definition of riba equates it with banking interest. On that basis, modern banking systems in Muslim countries are described as “illicit”, because they use interest in their operations. But, according to a number of Grand Muftis of Egypt, and Sheikhs of Al-Azhar, this is an outdated view of the banking issue. In their opinion, riba should be equated with usury only. Since modern banking does not use usury in its operations, it is not concerned with the riba issue, and raises no problem of compliance with the shari’ah. Explains Moroccan law professor Ahmed Khamlichi, in this respect: “The ulema don’t have the monopoly of interpretation of the shari’ah. Of course, they must rank high in consultations on shari’ah issues. [But] they don’t make the religious law, in the same way that it’s not the law professors who make the law, but the parliaments”. Sovereign States have promulgated their own national codes, whose contents take into account the specifics of the country, which may differ considerably from one country to

another, and over time. One shouldn’t be surprised, therefore, to discover that what’s licit in one country may be considered as illicit in another, and that the items in these categories may also change over time. The important thing to remember is that, in each country, it is the law of the land which applies, as defined by its national institutions. That’s what’s “licit” in that particular country, at that particular time.

Women cite Qu’ranic rights as Muslim modernists use law to confront culture of oppression: Monday, 02 April 2007 By Khalid

Chraibi

The status of Arab women underwent a drastic change in the 7th Century, with the advent of Islam. The new faith liberated them from a situation of tutelage and granted them their full share of rights and responsibilities within Muslim society. The part they played in family life and in the community increased markedly, as they acquired the right to inherit property, conduct business, and have access to knowledge. But these rights, to this day, aren’t properly implemented in many communities, and the issue of women’s rights continues to be at the center of a controversy in many countries. Thus, associations handling the cases of women in difficult situations describe innumerable instances of oppression, exploitation or mistreatment, with many women living under the threat of repudiation, polygamy, domestic violence, “honour” killings, and the like. At work, women suffer from discriminatory practices with regard to employment status, pay scales, responsibilities, promotion, not to mention sexual harassment. In recent years, women’s rights have further deteriorated in various areas of the world, as extremist groups have become increasingly influential in the political and legislative life of different African and Asian countries. The Taliban regime in Afghanistan illustrated this development, imposing strict segregation between the sexes, compelling women to wear a burqa covering them from head to toe, denying them the right to education and to adequate health care, and preventing them from work. It also instituted lashings and amputations as forms of corporal punishment. But the experience of Afghanistan’s women under the Taliban was in no way unique, as Zainah Anwar wrote of Malaysia : “New shari’a criminal laws were passed [in the 1990s in Malaysia], designed to ensure that the Muslim lifestyle does not transgress Islamic teachings. New offences were created, and moral surveillance, strict enforcement and more severe punishment of Muslims were introduced. The Islamic Family Law, one of the most enlightened personal status laws in the Muslim world, was amended to make divorce and polygamy easier for men, and reduce men’s financial responsibilities towards women.” Women reading the Shari’ah Until these developments, women's associations throughout the Muslim world had given high

priority to putting pressure on Governments to implement the UN-sponsored international conventions these countries had signed, concerning human rights in general, and women's rights in particular. They also wanted them to withdraw the reservations they had expressed on signing these conventions concerning various provisions – on the grounds that they “conflict with religion” – since the reservations had the effect of diluting much of the conventions’ usefulness. The changed conditions in the Muslim world led these associations to redefine their priorities and to include a serious study of the Shari’ah, in order to determine for themselves what it really said, with the objective of developing new tools to oppose the repressive new laws, policies and amendments to existing laws that were being introduced by Islamic groups. Says Nora Murat, from Malaysia’s Sisters in Islam organisation: “If, as believers, we want to live a life according to the tenets of our faith, a simplistic call to return to an idealised golden age of Islam, that has little bearing on the realities of today’s world, cannot be the answer. And yet the answers can be found within our faith - if only we have the intellectual vigour, the moral courage, and the political will to strive for a more enlightened and progressive interpretation of the Qur’an in our search for answers. For us in Sisters in Islam, this is not heretical; rather it is imperative, if religion is to be relevant to our lives today.” Women's associations were further motivated in their study of the Qu’ran and Sunnah by the realization, in the words of Pakistan’s Riffat Hassan, that “there was a big gap in what the Qu’ran was saying about women’s rights and what was actually happening in Muslim culture. So, one has to distinguish between Qu’ranic text and the Islamic tradition. The interpretation of the Qu’ran from the earliest times till now has been done almost entirely by men. It was also done in a male-dominated patriarchal culture. So the Qu’ran was interpreted through a male-centric cultural lens—which obviously has affected women’s rights.” Women’s study of the Shari’ah convinced many of them, in the words of Nigeria’s Ayesha Imam, of the need “to distinguish between Islam – the way of Allah – on the one hand, and, what Muslims do – those who believe in Islam and attempt to practice it – on the other”. In a paper entitled “Women's rights in Muslim laws”, she explains: “Islam is not questioned. But, what Muslims (human fallible people) make of Islam can be”. She observes that, though religious laws draw their inspiration from the divine, they are not the same as divine laws. They “do rely on human agency to elaborate, implement and enforce them”. She explains that, in many situations, even the experts do not agree on the definitive meaning of verses in the Qu’ran. Moreover, it is admitted that “many hadith (accounts of the life of the Prophet) are apocryphal, motivated by inter-sect and dynastic rivalries”. Several hadiths of this type seem to have had as their principal aim to put restrictions on women’s rights, although they do not fit with surahs (chapters) in the Qu’ran or with other hadith. Ms. Imam adds that many people believe the shari’ah to be the same everywhere, throughout the Muslim world. But the fact is that it varies significantly from one country to another, as well as over time. The existence of four main schools of Shari’ah in the Sunni tradition illustrates the diversity of interpretations. The founders of these schools themselves declared emphatically, and repeatedly, that their views should not be considered as final or binding on all Muslims. So, “refusing further ijtihad (personal reflection) is not a religious or divinely sanctioned act. It is not required in the Qu’ran or by the Sunnah. To the contrary, both the Qu’ran and hadith refer approvingly to thinking, reasoning and diversity of opinion”.

Though Ms. Imam’s analysis may come as a surprise to readers who have been raised in the belief of the singularity of Shari’ah in Muslim countries, the facts suggest otherwise, as is easily verified by a comparison of current Personal Muslim Law in various countries. Personal Muslim Law also undergoes important changes over time within the same country, as illustrated, for example, by the evolution of family law in Egypt in the 20th Century. The reform of Morocco’s Family Law in 2004 illustrates, for its part, the considerable change in women’s rights that can be achieved over time, through a progressive, but faithful and equitable implementation of the provisions of the Shari’ah. Change within the religious framework Morocco’s Moudawana (Personal Status Law) of 1957, though relatively modern and equitable in many respects, showed a clear conservative bias in its interpretation of many provisions of the Shari’ah, putting several undue restrictions on women’s rights. The network of Moroccan women associations fought for a half-century to obtain its reform. In methodological terms, the revision was to be based on a very attentive reading of the Shari’ah, taking into account as faithfully, as fully and equitably as possible, all relevant surahs and hadiths applicable to every aspect of Muslim personal law. Nevertheless, a major controversy developed around the project, between modernist groups and conservative political forces, jeopardizing the whole operation, which was only saved through the personal intervention of King Mohamed VI. Acting as Amir al-Moumineen (Commander of the Faithful), and assisted with the advice of the Council of Ulama, the King of Morocco had the final say on how to resolve difficulties of a religious nature, and he provided detailed explanations to Parliament on the choices he made. The Parliament had the final say on non-religious issues. The reformed Family Law came into effect in 2004. Among other things, it makes the family the joint responsibility of both spouses, rescinding the wife’s duty of obedience to her husband. It allows women to be their own guardians, and raises the minimum age of marriage for women to eighteen years. It puts prohibitive restrictions on polygamy, by requiring the consent of the first wife, the notification of the second wife of the existence of the first one, and a judge’s consent to the second marriage – which may be granted if he is satisfied that the husband will grant equal status to each wife, in every respect. The Law makes polygamy grounds for divorce by the first wife, and promotes the use of a marriage contract to exclude the possibility of a second marriage by the husband. It puts repudiation under strict judicial control, and requires an equitable distribution of the couple’s assets before a divorce can be final. The Moroccan Family Law of 2004 may have its shortcomings, but it is unquestionably rooted in the Shari’ah, in every respect. Nevertheless, thanks to a more modern interpretation of the stipulations of the Shari’ah, it affords a considerable progress in the situation of women in Morocco. Who decides what is Islamic? Most womens’ associations working in the field of women’s rights understand fully, today, the

usefulness of the strategy of change within the religious framework. Having drawn the lessons of past experiences, they are better prepared to confront the real issues. This shows clearly in the following observations by women working in the field. Asks Zainah Anwar: “If Islam is to be used as a source of law and public policy to govern the public and private lives of citizens, then the question of who decides what is Islamic and what is not, is of paramount importance. What are the implications for democratic governance when only a small, exclusive group of people is accorded the right to interpret the Text and codify it? Particularly when they do so very often in a manner that isolates the Text from the socio-historical context in which it was revealed, isolates classical juristic opinion from the socio-historical context of the lives of the founding jurists of Islam, and isolates the Text from the context of contemporary society.” Adds Nora Murat: “Knowledge that the Qur’an supports the universal values of equality, justice and a life of dignity for women, gives us the courage and conviction to stand up and argue with those who support discrimination against women in the name of religion. It is this knowledge that gives us the confidence to tell them that there are alternative views on the subject and that their obscurantist view, which discriminates against women, is not the only view in Islam.” References: Zainah Anwar: Islamisation and its impact on laws and law making process in Malaysia Nora Murat: Sisters in Islam: Advocacy for change from within the religious framework Riffat Hassan: Interview by Samina Ibrahim, Newsline, Karachi, April 2001 Ayesha Imam: Women's rights in Muslim laws Morocco: Family Law 2004

W05

Khalid Chraibi - Selected Writings Gli estremisti non possono cercare giustificazioni nel Corano



di Khalid

Chraibi

Pubblicato in Religione e fatwa, tra fede e politica il 14 Novembre 2007 Paese: Arabia Saudita Testata: SaudiDebate.com Tag: Arabia Saudita, Corano, fatwa, Iraq, movimenti salafiti, religione, terrorismo Stampa questo articolo

28/07/2007 Guardando i notiziari televisivi in questi giorni, si ha l’impressione che l’intero Medio Oriente sia in agitazione, con terribili atti di violenza che hanno luogo ormai abitualmente in molteplici scenari. L’angoscia raggiunge il suo culmine in Iraq, dove ogni singolo giorno auto e camion imbottiti di esplosivo vengono lanciati contro luoghi affollati, come un mercato o una moschea durante la preghiera di mezzogiorno, uccidendo decine di civili e ferendo centinaia di persone. Questa ondata di violenza è solo marginalmente rivolta contro le truppe straniere di occupazione. La stragrande maggioranza delle vittime sono civili che non sono neanche presi di mira individualmente, ma semplicemente appartengono ad un gruppo che i loro avversari hanno deciso di attaccare, come ad esempio gli impiegati di qualche amministrazione, o i membri di un gruppo religioso (sunnita o sciita). Molte delle vittime vengono citate come

semplici “effetti collaterali”, ovvero come persone che hanno avuto la sventura di trovarsi nel raggio d’azione di un ordigno esplosivo al momento dell’esplosione. Gli autori di questi atti di violenza si definiscono orgogliosamente come “jihadisti”, “salafiti”, ecc., per sottolineare la loro appartenenza islamica. Sulla base di ciò, i governi occidentali ed i media classificano tutti questi atti sotto la generica definizione di “terrorismo”, riconducendoli ad una recrudescenza dell’estremismo religioso nel mondo islamico. Essi li presentano come simboli di uno “scontro di civiltà” in corso fra i paesi islamici e l’Occidente, o li considerano come un sintomo della lotta fra conservatorismo e modernità all’interno delle società islamiche. Ciò nondimeno, la maggior parte dei musulmani trova difficile conciliare questi atti di violenza con gli insegnamenti della propria religione. Ma i leader politico-religiosi che dirigono simili azioni hanno sviluppato le loro proprie “fatwa” in proposito, e le utilizzano per convincere i potenziali attentatori suicidi della giustezza dei loro atti di violenza. Essi hanno giustificato le loro azioni nella maniera seguente, in una recente intervista pubblicata da un importante giornale americano: “Nella tipica esplosione di un’autobomba, Dio identificherà coloro che meritano di morire – ad esempio chiunque aiuti il nemico – e li manderà all’inferno. Le altre vittime andranno in paradiso. L’innocente che viene ferito non soffrirà. Diviene egli stesso un martire” (’The Guidebook For Taking A Life’, The New York Times, Week in Review, June 10, 2007). […] Molti giovani sauditi sono stati associati, negli ultimi anni, a questo tipo di violenze, in scenari diversi come la Palestina, l’Afghanistan, l’Iraq, il Libano, lo Yemen, il Nordafrica, ecc.. Le autorità saudite sono preoccupate per questa situazione, e cercano di sviluppare nuove linee guida per fornire ai giovani un appropriato orientamento religioso, in modo da metterli in grado di distinguere fra i veri insegnamenti islamici e l’ideologia “deviante”. Così, ad un incontro con più di 600 imam e predicatori alla fine di giugno 2007, il ministro degli interni saudita, principe Naif, ha espresso la propria preoccupazione per il coinvolgimento della gioventù saudita negli atti di violenza in Iraq ed in Libano. L’agenzia Saudi Press riferisce che egli ha domandato agli imam, e più in generale alla società saudita: “Sapete che i vostri figli che vanno in Iraq vengono usati solo per farsi esplodere causando la morte di persone innocenti? Siete felici del fatto che i vostri figli diventino strumenti di morte?”. Egli avrebbe poi aggiunto: “volete nella vostra società persone che chiamano voi, il vostro stato, ed i vostri leader ‘infedeli’?” Il principe ha sottolineato il ruolo positivo che gli imam ed i predicatori potrebbero giocare nella lotta del paese contro il terrorismo, l’ideologia “deviante”, ed i pensieri e le idee distruttive, utilizzando regolarmente il sermone del venerdì in più di 14.000 moschee per smascherare i “devianti” e le loro ideologie. Teoricamente, il compito degli imam e dei predicatori è del tutto semplice e chiaro. Essi devono spiegare ai giovani sauditi che l’Islam è basato sul rispetto della vita e della proprietà, sulla libertà, l’uguaglianza, la solidarietà, e la giustizia per tutti. E’ la religione della “ummat al-wasat” (la comunità del giusto mezzo), come è spiegato dal seguente versetto: “Abbiam fatto di voi una comunità equilibrata, cosicché possiate essere testimoni di fronte alle nazioni, ed il Messaggero sia testimone di fronte a voi…” (Sura della Vacca,II: 143)

L’Islam si oppone all’estremismo nella religione, come è spiegato nel versetto: “Dì: Oh gente del Libro, non eccedete i limiti nella vostra religione, cercando al di là della verità, e non seguite i vani desideri di coloro che sbagliarono già in tempi passati, e che traviarono altri, smarrendo la retta via” (Sura della Mensa,V: 77) Anche il Profeta mise ripetutamente in guardia dall’estremismo nella religione, sottolineando che questa fu la causa dei disastri che accaddero alle altre nazioni. Dunque, l’Islam aborre l’uccisione indiscriminata di civili e di non combattenti. L’alto valore che l’Islam ripone nella vita umana è chiaramente espresso in numerosi versetti coranici, come: “Non uccidete il vostro prossimo, che Dio ha reso sacro, se non per via di giustizia: così Egli vi ha prescritto, affinché impariate la saggezza” (Sura del Bestiame,VI: 151) Oppure: “Chiunque abbia ucciso una persona che non abbia ucciso a sua volta, o che non abbia disseminato la corruzione sulla terra, è come se avesse ucciso l’umanità intera. E chiunque abbia salvato una vita, è come se avesse salvato l’umanità intera” (Sura della Mensa, V: 32) Il principio della sacralità della vita umana è anche sottolineato dalla “Dichiarazione Islamica Universale dei Diritti dell’Uomo” del 19 settembre 1981, che afferma: “La vita umana è sacra ed inviolabile, ed ogni sforzo deve essere fatto per proteggerla. In particolare, nessuno dovrà essere ferito o ucciso, se non per autorità della Legge”. L’Islam ha anche stabilito regole molto rigorose su come trattare i casi di omicidio. La pena capitale può essere applicata da un tribunale che rispetti un giusto processo. Ma, a nessun individuo è permesso di utilizzare la legge a propri fini, di decidere secondo il proprio capriccio chi deve vivere e chi deve morire, ecc.. Una situazione del genere, se dovesse aver luogo, sarebbe comparabile ad uno stato di “fitna” (discordia, divisione, ribellione), che è fortemente condannato dall’Islam. La comunità musulmana è organizzata in modo da gestire e risolvere tutti i conflitti fra i suoi membri attraverso mezzi pacifici, o utilizzando i mezzi alternativi che la sharia ha stabilito. Gli imam devono ricordare ai giovani che, anche in una situazione di guerra, l’Islam ha stabilito delle regole molto rigide, che le parti in conflitto devono rispettare. Queste regole erano osservate durante la vita del Profeta, con l’obiettivo di assicurare che i danni fossero limitati al minimo, senza una inutile distruzione della vita (donne, civili, anziani, non combattenti) e della proprietà (alberi, orti, pozzi, bestiame, ecc.). Il califfo Abu Bakr ricordava queste regole alle proprie truppe, alla vigilia della loro partenza per la battaglia, nella maniera seguente: “Fermatevi, gente, affinché io possa darvi dieci regole che vi guidino sul campo di battaglia. Non commettete tradimento e non deviate dalla retta via. Non mutilate i cadaveri. Non uccidete bambini, né donne, né anziani. Non fate male agli alberi, non bruciateli col fuoco, soprattutto quelli che portano frutti. Non uccidete le greggi del nemico, ma salvatele per il vostro sostentamento. Potreste incontrare persone che hanno consacrato la propria vita al servizio monastico; lasciateli andare”. Dalle precedenti affermazioni risulta chiaro che l’Islam si oppone senza dubbio all’uccisione indiscriminata di persone, a prescindere da qualsiasi circostanza.

L’Islam si oppone, inoltre, al “takfir” (la pratica di accusare altri musulmani di miscredenza), che è un altro aspetto dell’estremismo. Chiaramente, nessuno può dire a proprio piacimento che altri musulmani sono “kuffar” (infedeli) che possono essere uccisi senza timore. Questo sarebbe il caso più estremo di “fitna”. Ricorrere alla violenza, anche a livello dello stato, è un’eccezione e non la regola. E’ qualcosa che deve aver luogo all’interno di rigide norme: nessun abuso di potere, nessun eccesso, rispetto per i non combattenti (civili, donne, bambini, anziani…), rispetto della proprietà privata, che non deve essere distrutta se non in situazioni estreme…A questo proposito, uno non può dire che intende promuovere i valori ed i principi dell’Islam, se egli stesso viola tutte le sue norme fondamentali al fine di raggiungere i propri obiettivi politici. Concludendo, in uno stato moderno nessuno può utilizzare la legge per i propri fini. I singoli individui non possono dichiarare guerra ad uno stato straniero. Né possono dichiarare guerra al proprio governo. Altrimenti, la comunità entra in una situazione di anarchia, di “fitna”. La confusione fra politica, religione, e “fitna” è promossa da tutte quelle parti che sono interessate al divampare dei conflitti in Medio Oriente, perché ciò si accorda alla loro agenda politica. I governi occidentali possono puntare il dito contro la violenza e spiegarla con l’estremismo religioso, così da non dover scavare più a fondo nei complessi conflitti politici che hanno luogo in Palestina, Iraq, Afghanistan, Iran, ecc.. Le autorità politiche di un paese possono spiegare la violenza come il prodotto dell’ “estremismo religioso” o di una ideologia “deviante”, piuttosto che come una ribellione contro la propria autorità. I “jihadisti” possono sostenere di voler soltanto tentare di realizzare l’obiettivo di una “umma” (comunità, nazione) unificata e regolata dall’Islam, piuttosto che gli obiettivi politici che essi hanno realmente in mente, come la conquista del potere in un dato paese. La gente potrebbe rimanere confusa da tutte queste rivendicazioni in conflitto fra loro. Ma il fatto innegabile è che l’Islam è la religione della “ummat al-wasat” (la nazione del giusto mezzo) che aborre tutti gli atti di estremismo in ogni aspetto della vita. In particolare, l’Islam è basato sul rispetto della vita e della proprietà, sulla libertà, l’eguaglianza, la solidarietà, e la giustizia per tutti. Non ci si può sbarazzare di tutti i suoi valori, e di tutto ciò che esso insegna, e continuare ad affermare con una qualche credibilità che si sta agendo nell’interesse dell’Islam.

Titolo originale: Extremists cannot claim Koranic justification for violence despite proud boasts of ‘jihadis’

Shari‘ah, Riba (Interessi) e Banca Minareti.it - Il Portale del mondo arabo-islamico italiano

"Un economista musulmano entra nel dibattito sulla posizione dell'Islam nei confronti del sistema bancario e la proposta di fondare nuove banche "Islamically correct"." di Khalid

Chraibi *

Da diversi anni, una corrente religiosa conservatrice nata negli Stati del Golfo si sta diffondendo in altri paesi musulmani, influenzando molti aspetti della vita quotidiana. Per esempio, sotto l’influenza dei predicatori del Medio Oriente, i marocchini (come gran parte dei musulmani residenti in Europa e in Nord America) si chiedono oggi se le operazioni bancarie moderne siano conformi alla shari‘ah, mentre altri non esitano ad affermare che solo le operazioni delle «banche islamiche» sono «halal» [lecite]. Questa influenza degli Stati del Golfo sulla cultura dei musulmani residenti in altri paesi emerge chiaramente nella domanda posta al predicatore del Qatar Yusuf al-Qaradawi durante l'estate 2006, allora in visita in Marocco: un marocchino può usufruire lecitamente di un prestito concesso a interesse da una banca marocchina per pagare l'acquisto di una casa, visto che in Marocco non esistono banche che offrano «prodotti conformi alla legge islamica »? Il predicatore ha fatto riferimento ad una decisione del Consiglio Europeo della Fatwa che autorizza le minoranze islamiche residenti in Europa, che non hanno accesso alle banche operanti secondo le regole della shari‘ah, ad usufruire di tali prestiti basandosi sulla regola: «La necessità abolisce i divieti», (addarouratou toubihou al mahdhourat). Secondo lui, questa regola si applica perfettamente al caso marocchino. L'influenza dei predicatori del Medio Oriente sui Marocchini in materia di scelte bancarie aumenterà sicuramente nei prossimi anni, poiché recentemente Bank al-Maghrib ha autorizzato il sistema bancario nazionale a commercializzare, presso appositi sportelli, prodotti selezionati, «conformi alla legge islamica». Il repentino cambio di atteggiamento da parte delle autorità marocchine, che negli ultimi due decenni si erano opposte a questo tipo di operazioni, si spiega, tra le altre cose, con l’impegno degli operatori dei paesi del Golfo a investire parecchi miliardi di dollari nell'economia marocchina, purché venissero forniti loro dei «canali» adeguati. Al centro del dibattito sui due tipi d’istituzioni bancarie si trova il concetto d’interesse. La banca moderna l'applica nelle sue operazioni, mentre la banca «islamica» ne nega l’uso. Ora, secondo molti musulmani, il concetto d’interesse è indissolubilmente legato a quello di «riba», che il Corano vieta in modo esplicito ed inequivocabile.

Il termine riba riguarda in primo luogo l’usura, sul cui divieto c'è unanimità, ma, secondo la maggior parte degli ulema, questo termine ingloba anche il concetto d’interesse «in tutte le sue forme». Tuttavia, secondo numerosi esperti, a partire dalla metà del XIX secolo, l'estensione del termine riba agli interessi bancari, sulla base del «qiyas» [confronto] e dell’igtihad [sforzo d’interpretazione], ha fondamenti giuridici discutibili, in quanto le operazioni della banca moderna sono di natura totalmente differente da ciò che esisteva in Arabia al tempo della Rivelazione. Difatti, è soltanto nel XIX e XX secolo, in seguito all'occupazione da parte degli Stati europei di vari paesi musulmani, che le strutture bancarie moderne sono apparse in questi paesi, utilizzando strumenti finanziari che fanno proprio il concetto di interesse. Gli ulema hanno compreso abbastanza velocemente il funzionamento del sistema, e capito che l'interesse costituiva una rimunerazione giustificata dell’investimento e del risparmio del capitale finanziario. Per questo motivo, da un secolo e mezzo, i Grandi Mufti d’Egitto e gli Sheikh d’Al-Azhar, avendo fatta propria questa conclusione, si producono in notevoli sforzi teorici per stabilire la differenza tra gli interessi bancari (contraddistinti da aspetti economici positivi e dunque auspicabili) e il riba proibito. Non è certo il momento di citare tutte le fatwa significative formulate nell’ultimo secolo in Egitto su questi aspetti. Muhammad Abduh, Mahmud Shaltut, Muhammad Sayyed Tantawi o Nasr Farid Wasil (tutti Gran Muftì d’Egitto e Sheikh di Al-Azhar) sono tutti autori di testi importanti al riguardo, solo per menzionare qualche nome conosciuto a livello internazionale. Tutti questi eminenti esperti della shari‘ah ritengono che paragonare il termine riba all'interesse bancario sia una discutibile ed impropria interpretazione delle regole del diritto musulmano. Abd al Mun’im Al Nimr, ex ministro degli Habous d’Egitto, ci spiega meglio con queste parole: «Il divieto del riba è giustificato dal torto che si arreca al debitore. Ma, poiché non si arreca nessun torto alle persone che depositano soldi in una banca, l’interdizione del riba non si applica ai depositi bancari.». Ragionamenti simili sono utilizzati in diversi altri aspetti delle operazioni bancarie. Limitando il concetto di riba all’usura, come fanno questi eminenti giuristi islamici, la banca moderna non è più coinvolta dalla questione del riba, in quanto non pratica l’usura. Ed è proprio questa l’opinione marocchina in materia. Quanto all’affermazione secondo cui le attività delle banche islamiche non implicano alcun interesse, ciò solleva una questione di fondo. Secondo alcuni, queste banche si limiterebbero, in certi casi, a rielaborazioni verbali, sostituendo una parola ad un’altra («utile» invece di «interesse», per esempio) o frazionando la stessa procedura in passaggi distinti (per esempio stesura di due contratti al posto di uno solo), per raggiungere i loro scopi lucrativi, pur rispettando, in apparenza, le prescrizioni della shari‘ah. Ciò farebbe parte delle «hiyals» [astuzie giuridiche] nelle quali i teologi musulmani sono divenuti maestri nel corso dei secoli. Ecco l’esempio di un musulmano, residente negli Stati Uniti e che, cercando di comprare una casa tramite prestito bancario, si è rivolto simultaneamente sia ad una normale banca americana che ad una banca islamica operante negli Stati Uniti per avere un preventivo sul costo complessivo dell'operazione. Con sua gran sorpresa, ha scoperto che il preventivo della

banca islamica era più elevato di quello della normale banca americana. Così si è rivolto ad un sito internet islamico, per cercare di ottenere una spiegazione. Un teologo famoso gli ha risposto che c'erano ancora poche banche islamiche operanti negli Stati Uniti, per questo motivo i preventivi di queste ultime erano più alti. Ha poi continuato assicurando che la situazione sarebbe sicuramente migliorata in futuro, quando ci sarebbero state abbastanza banche islamiche attive sul territorio americano da obbligare loro ad abbassare il prezzo delle prestazioni per via della concorrenza. Il problema, pur importante, che il teologo non ha affrontato nella sua risposta, è il seguente: «Se il preventivo della banca islamica, che non applica interesse, è superiore a quello di una normale banca che ne applica uno, qual è il vantaggio per il consumatore che si rivolge ad una banca che non applica il tasso di interesse assimilato al riba, visto che questa stessa banca gli fa pagare commissioni e spese per un importo superiore a quello delle normali banche, che utilizzano invece il tasso di interesse?» Alla fine, bisogna ben constatare che il prestito senza interesse della banca islamica risulta più costoso (o nel migliore dei casi caro allo stesso modo), del prestito a interesse della banca convenzionale. Di sicuro questo non è l'obiettivo perseguito dall'islam, quando denuncia la pratica del riba. * Economista (Università di Parigi e Università di Pittsburgh, USA), ha svolto prima la funzione di consulente economico a Washington D.C., poi di responsabile alla Banca Mondiale, prima di specializzarsi nella realizzazione di nuovi progetti nel suo paese. - Traduzione dal francese a cura di Rosa Penna (20/11/2007 - Redazione)

W06

Wikipedia Encyclopedia:

"Misyar" marriage Wednesday, August 02, 2006

Khalid Chraibi “(Lawful unto you in marriage) are (not only) chaste women who are Believers, but chaste women among the People of the Book, revealed before your time, when ye give them their due dowers, and desire chastity, not lewdness, nor secret intrigues.” (Quran V,5) Summary of major findings : Contrary to widely-held beliefs, misyar marriage fits within the general regime of marriage in Muslim law, and not in a special regime. Its fulfillment of all the requirements of the sharia is a sine qua none condition for its validity. Muslim law confers on the parties the right to set up in the marriage contract certain particular stipulations relative to their reciprocal rights and obligations. When the parties agree, within the framework of the marriage "misyar", that the woman will give up some of the rights the law confers to her as a wife, this is perfectly legal, if that is her will freely expressed. But, in the event of a change of circumstances, she can assert all the rights which the law confers to her in her capacity as a wife (like the "nafaqa" for example), because these are inalienable rights within the framework of the marriage. The clause of renunciation constitutes only a promise not to assert certain rights. It has an undeniable standing as a moral commitment, but is of no value on the legal level. The wife can thus respect it as long as she wishes, and reclaim all her legal rights when she needs to do so. Such a clause does not affect in any way the rights of the children who could be born from this union, such as the recognition of paternity, the effects of filiation, the financial responsibility of the father for his children, or the lawful rights of the wife and children to their share of inheritance, etc. Despite the fact that the "misyar" marriage is perfectly legal, according to the theologians, and that the wife can reclaim at any time the rights which she gave up at the time of establishment of the marriage contract, many theologians like Muhammad Ibn Othaymin or Nassirouddine Al-Albany, as well as many Al Azhar professors, are opposed to this type of marriage because it contradicts the spirit of the islamic law of marriage and has perverse effects on the woman, the family and the community in general.

Definition of a Misyar Marriage

"Nikah Misyar" or "travellers' marriage" (Arabic language|Arabic]]: {{Ar|‫ )}}نكاح المسيار‬can be described as a legal framework of [[marriage]] in which a [[Islam|Muslim]] couple is united by the bonds of marriage, based on the usual Islamic marriage contract, but without the husband having to take the usual financial commitments with respect to his wife. The latter exempts him from some of them by a clause of the marriage contract through which she gives up some of her rights (such as cohabitation with the husband, the equal division of the nights between all the wives in the event of [[polygamy]], the residence, the subsidy of maintenance "nafaqa", etc...). (1) The wife continues to carry out a separate life from that of her husband, living in her home and providing for her needs by her own means. But her husband has the right to go to her home (or to the residence of her parents, where she is often supposed to reside), at any hour of the day or the night, whenever he wants to. The couple can then appease in a licit way their "legitimate sexual needs" (to which the wife cannot refuse herself). The marriage misyar represents, according to some, a spontaneous adaptation of the mode of marriage to the concrete needs of people who are not able any more to marry in the traditional way in countries such as [[Saudi Arabia]], [[Kuwait]] or the [[United Arab Emirates]], because of the dearness of the rents ; the high cost-of-life in general; the high amounts of [[dowry]] required; and other similar economic and financial reasons. (2) It fits the needs of a conservative society which punishes severely “[[zina]]” ([[fornication]]) and other sexual relationships which are established outside the bonds of marriage. The [[Theology|theologians]] explain that it is suitable for young people whose resources are too limited to found a home ; for the all too-numerous widows living in the area, who have their own residence and their own financial resources, and who cannot hope to marry again according to the usual formula (or do not wish to), because they have dependent children, for example ; for the numerous divorcees ; as well as for the "old maids" who see their youth fading in an involuntary celibacy, without having tasted the joys of marriage, for one reason or another. Thus, a million and half women are reduced to a situation of forced celibacy in Saudi Arabia alone. (3) The Sheikh of [[Al-Azhar]] [[Muhammad Sayid Tantawi]] and the well-known theologian [[Yusuf Al-Qaradawi]] note, however, in their writings and in their lectures, that a major proportion of the men who take a spouse in the framework of the marriage "misyar" are already married men. (4) Some traits of this marriage are reminiscent of the Nikah [[Mut'ah]] which was practised in Arabia before Islam, and is still practised by [[Shia]] Muslims as a legitimate form of marriage, although it is considered as an illicit one by [[Sunni]] Muslims. (5) But, whereas the Nikah Mut'ah is based on a contract with a fixed date of expiration, the Misyar marriage contract is concluded for an indeterminate period (even though the husband who enters into this union looks at it only as a temporary marriage, which ends up in divorce in 80 % of the cases). The popularity of misyar marriage today results, probably, from a misunderstanding about its real nature, and about its true legal implications for the husband, the wife and the children that may be born from this marriage.

Licitness of misyar marriage From a legal standpoint, the marriage "misyar" raises several complex issues : is it licit ? Doesn’t it violate the wife’s legitimate rights ? What is the legal value of the wife’s renunciation to some of her rights ? What effets does this situation have on the family and at the social level ? Contrary to widely-held beliefs, misyar marriage fits within the general regime of marriage in Muslim law, and not in a special regime. Its fulfillment of all the requirements of the sharia is a sine qua none condition for its validity. Thus, when Muslim theologians say that the "misyar" marriage is perfectly licit, all they mean is that the contract on which it is based must fulfill all the requirements set out by the charia (agreement of both parties ; presence of a tutor in certain rites ; payment by the husband to his wife (or to the "tutor") of a dowry of an amount agreed upon between them (which can be important or modest, according to their wishes) ; presence of witnesses ; publicity of the marriage...). (6) The Islamic Fiqh Academy (IFA), a specialized body of the Organization of the Islamic Conference (OIC), has conforted this point of view in a fatwa (7) of April 12, 2006. (8) and (9) The clause by which the woman gives up some of her rights (the cohabitation of the couple, the residence, the subsidy towards maintenance (nafaqa)...) raises, for its part, more subtle points of law. Does it belong with this category of well-known clauses in Muslim law which are against the essence of the marriage contract, and which vitiate the latter and make it null, as well as the legal union which is based upon it? Or, maybe, with this second category of clauses which are struck of nullity, whereas the marriage contract remains valid? The Sheikh of Al-Azhar Muhammad Sayyed Tantawi reminds one, in this respect, that Muslim law confers on the parties the right to set up in the marriage contract certain particular stipulations relative to their reciprocal rights and obligations. When the parties agree, within the framework of the marriage "misyar", that the woman will give up some of the rights the law confers to her as a wife, this is perfectly legal, if that is her will freely expressed. (10) The former mufti of Egypt Nasr Fareed Wassel adds, for his part, that the woman can legitimately give up some of her rights at the time of marriage, if she so wishes, owing to the fact that she has private means, for example, or that her father intends to continue to provide for her needs. But, in the event of a change of circumstances, she can assert all the rights which the law confers to her in her capacity as a wife (like the "nafaqa" for example), because these are inalienable rights within the framework of the marriage. (11) Wassell notes that the clause of renunciation constitutes only a promise not to assert certain rights. It has an undeniable standing as a moral commitment, but is of no value on the legal level. The wife can thus respect it as long as she wishes, and reclaim all her legal rights when she needs to do so. He adds that such a clause does not affect in any way the rights of the children who could be born from this union, such as the recognition of paternity, the effects of filiation, the financial

responsibility of the father for his children, or the lawful rights of the wife and children to their share of inheritance, etc. (12) The eminent Saudi theologian Abdullah bin Sulaiman bin Menie, a member of the Higher Council of Ulemas of Saudi Arabia, corroborates this point of view. In his opinion, the wife can denounce at any time the renunciation she agreed to at the time of marriage, and require of her husband that he give her all her rights, including that he live with her and provide for her financial needs ("nafaqa"). The husband can then either give her satisfaction or grant her a divorce (a right that any husband can exercise at any time, anyway). (13) Professor Yusuf Al-Qaradawi , for his part, observes that he doesn’t support this type of marriage, but has to recognize that it is licit (14). He then states straightforwardly his preference that the clause of renunciation be not included within the marriage contract, but be the subject of a simple verbal agreement between the parties (15). He underlines the fact that Muslims are held by their commitments, whether they are written or verbal. He thus conforts the point of view of Wassel and bin Menie on this question. He adds that the inclusion of this clause in the act would not invalidate the latter, which rejoins the point of view of the other two lawyers when they say that the clause can be denounced by the woman, and be declared without legal value, without calling into question the validity of the marriage itself.

Negative effects of misyar marriage Despite the fact that the "misyar" marriage is perfectly legal, according to the theologians, and that the wife can reclaim at any time the rights which she gave up at the time of establishment of the marriage contract, many theologians like Muhammad Ibn Othaymin or Nassirouddine Al-Albany (16), as well as many Al Azhar professors (17), are opposed to this type of marriage because it contradicts the spirit of the islamic law of marriage and has perverse effects on the woman, the family and the community in general. It leads to a degradation of men’s morals, resulting in an irresponsible behaviour towards their spouses. Based on the experience of the "misyar marriage agencies", the man who resorts to the "misyar" marriage is usually married to a first wife with whom he shares a residence, and to the financial needs of whom he provides. (18) It wouldn’t come to this man’s mind to marry a second wife within the regime of polygamy, if he had to obtain the agreement of his first wife and to assume important additional financial responsibilities towards his second wife. But, thanks to the "misyar" marriage, this man feels relieved of any financial or moral responsibility towards his second wife, as if she were only a licit sexual partner, a mistress “halal”. He thinks he can bring this relationship to an end by a mere act of repudiation, at any time, without any negative consequences for himself. (19) Since he usually refrains from telling his first wife of his second marriage, the relationship within the couple is distorted, resulting at times in major complications which can even end in divorce, when the first wife finds out about the situation. As to the second wife, her status is devalued, because she does not have any right on her

husband, be it over the time he gives her, his presence at her home, or his financial contribution to help her cover her own needs. Moreover, this type of marriage ends up sooner or later in divorce, (in 80 % of the cases, according to some), when the wife is no longer to the liking of the husband. She finds herself abandoned, to lead a solitary life as before the marriage, but traumatized by the experience. Her social status also suffers from her repudiation. For these reasons, Al-Albany considers that the "misyar" marriage is not licit, because it runs counter to the objectives and the spirit of marriage in islam, as described in this verse from the Quran : “And among His Signs is this, that He created for you mates from among yourselves, that ye may dwell in tranquillity with them, and He has put love and mercy between your (hearts)…” (20) It also seems to run counter to the recommendations of this well-known verse from the Quran : “(Lawful unto you in marriage) are (not only) chaste women who are Believers, but chaste women among the People of the Book, revealed before your time, when ye give them their due dowers, and desire chastity, not lewdness, nor secret intrigues.” (21) Al-Albany and Wassel also underline the family and social problems which result from the “misyar” marriage, particularly in the event that children are born from this union. The children raised by their mother in a home from which the father is always absent, without reason, may develop serious disturbances on the psychological level (16) and (22). The situation becomes even worse if the wife is abandoned or repudiated by her husband "misyar", with no means of subsistence, as usually happens. As for Ibn Othaymin, he recognizes the licity of “misyar” marriage from the legal standpoint, but considers that it should be opposed because it has been turned into a real merchandise that is being marketed on a large scale by “marriage agencies”, with no relation to the nature of Islamic marriage. (16) The authors who oppose this type of marriage also underline its harmful effects on the community at large, in that it allows the development of questionable sexual practices which put the community's religious beliefs, values and practices in a dubious light. Thus, wealthy Muslim tourists from the Gulf region regularly go on vacation to exotic places where they “marry" local call-girls according to Islamic rites, in order for their frolicking to be "halal" (licit in a religious sense). In some cases, the notary of the local “marriage agency” prepares simultaneously the papers of marriage and those of divorce, to save time. (23) Such parodies of islamic marriage carry a prejudice to the image of the whole community, and can also have a bad influence on the younger generation.

New family law codes The proponents of the marriage "misyar", though they recognize that it can result in such drifts, observe that it doesn’t have a monopoly on them. They result, more generally, from the

way in which men interpret and apply the rules of Muslim law : unslung polygamy, easy repudiation, associated with great wealth, are its basic factors. It would therefore be more accurate to explain this state of things as a heritage from medieval times, when marriage was defined by Muslim authors as "a contract posed in order to acquire the right to enjoy the woman". (24) Women organizations often observe, in this respect, that the Quranic verses and the Hadiths which deal with these issues have, more often than not, been interpreted, throughout Muslim history, in favour of men and at the expense of women's and children's rights. (25) They remind one that numerous feminine movements and reformist authors have been asking, throughout the 20th c., for a different reading of Muslim family law, using a modern point of view, in order to adapt it to the needs of a modern society. In their view, one can scrupulously respect both the provisions of a religious nature and women's and children’s rights, as established by modern international law. (26) But this requires that the modern Muslim community recognize at its proper value the central role of the woman and the family within the community, instead of devaluing them. It wouldn’t be possible, anymore, for men to resort to "hiyals" (legal gimmicks to go around the law) such as those on which the marriage "misyar" is based, to treat their spouses as second class citizens. Various Islamic countries have reinterpreted the provisions of the charia relative to family law, in the light of the needs of a modern society, through their own "ijtihad" (legal scholarship) efforts. Each one of them has set for itself new rules of application of these dispositions, based on its own circumstances, needs and social objectives. The following definition of marriage, which one can read in a recently adopted Code of family law, illustrates how these countries are trying to establish a new equilibrium in the relationships within the family, between husband and wife : “Marriage is a pact based on mutual assent in order to establish a legal and durable union, between a man and a woman. Its purpose is a life in reciprocal fidelity, purity and the foundation of a stable family under the direction of the two spouses, in accordance with the provisions of this Code.” (27) In the countries which have promulgated such laws, "misyar" marriage cannot take place.

Notes and Références (1) Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage [http://www.islamonline.net/servlet/Satellite?pagename=IslamOnline-EnglishAsk_Scholar/FatwaE/FatwaE&cid=1119503544160 ] (2) Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage [http://answeringislam.org.uk/Index/M/misyar.html] (3) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, (1999), (in arabic), p 10

(4) Jobarti, Somayya : Misyar marriage – a marvel or misery ? [http://www.arabnews.com/?page=9§ion=0&article=64891] (5) Al-Qaradawi, Yusuf : Mut’ah marriage [http://www.islamonline.net/servlet/Satellite?cid=1119503544100&pagename=IslamOnlineEnglish-Ask_Scholar%2FFatwaE%2FFatwaEAskTheScholar ] (6) Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage [http://www.islamonline.net/servlet/Satellite?pagename=IslamOnline-EnglishAsk_Scholar/FatwaE/FatwaE&cid=1119503544160 ] et Zawaj al misyar, p 11 (7) A fatwa, whether it originates with the Sheikh of Al-Azhar, with the Mufti of Egypt, or with the Islamic Fiqh Academy (IFA), for example, is not a text of law or a court order with which everybody must comply, whether he likes it or not. A fatwa’s objective is merely to present a qualified legal point of view, which makes it possible for all interested parties to better understand what the law has to say on a given topic, according to the author of the fatwa. The only person that is committed to the fatwa is its author. Thus, none of the 43 member States of IFA is under any compulsion to apply the IFA fatwa, whose provisions may even be incompatible with the national codes of family law of some of them. * See for example an interview given by Sheikh Abdul Mohsen Al-Obeikan, vice-minister of Justice of Saudi Arabia, to the arabic daily "Asharq al awsat" on July 9, 2006, in which he discusses the legal value of a fatwa by the Islamic Fiqh Academy (IFA) on the subject of misyar marriage, which had been rendered by IFA on April 12, 2006. Some relevant excerpts follow : (Asharq Al-Awsat) From time to time and through its regular meetings, the Islamic Fiqh Academy usually issues various fatwas dealing with the concerns Muslims. However, these fatwas are not considered binding for the Islamic states. What is your opinion of this? (Obeikan) Of course, they are not binding for the member Islamic states. (Asharq Al-Awsat) But, what is the point of the Islamic Fiqh Academy's consensus on fatwas that are not binding for the member States? (Obeikan) There is a difference between a judge and a mufti. The judge issues a verdict and binds people to it. However, the mufti explains the legal judgment but he does not bind the people to his fatwa. The decisions of the Islamic Fiqh Academy are fatwa decisions that are not binding for others. They only explain the legal judgment, as the case is in fiqh books. (Asharq Al-Awsat) Well, what about the Ifta House [official Saudi fatwa organism] ? Are its fatwas not considered binding on others? (Obeikan) I do not agree with this. Even the decisions of the Ifta House are not considered binding, whether for the people or the State.[http://www.asharqalawsat.com/english/news.asp?section=3&id=5572] (8) Al-Marzuqi Saleh Secretary General IFA, interviewed by TV Alarabiya.net on 12/04/06 concerning the IFA decisions [http://metransparent.com/texts/ulemas_legalize_misyar_marriage.htm] (9) An-Najimi, Muhammad : member of IFA, interviewed by TV Alarabiya.net on 28/04/06 concerning the IFA decisions [http://www.alarabiya.net/Articlep.aspx?P=23324]

(10) quoted in Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (in arabic), p. 14 ; see also Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, (1999), (in arabic), p. 12 (11) quoted in Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (in arabic), p. 16 (12) quoted in Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (in arabic), p. 16 ; see also Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, p. 15 in which he recommends that the marriage contract be registered to protect the rights of children in case of dispute. (13) quoted by Al-Hakeem, Mariam : Misyar marriage gaining prominence among Saudis [http://www.gulfnews.com/Articles/RegionNF.asp?ArticleID=165873] (14) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar p. 8 (15) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar , pp.13-14 (16) Bin Menie, Abdullah bin Sulaïman : fatwa concerning the marriage misyar (and opinions by Ibn Othaymin, Muhammad Saleh et Alalbany, Nassirouddine on the same subject) (in arabic) [http://www.bab-albahrain.net/forum/showthread.php?p=329473#post329473] (17) Yet another marriage with no strings [http://www.metimes.com/articles/normal.php?StoryID=20000407-042210-7478r] fatwa committee of al azhar against misyar (18) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, p. 24 - see also : Jobarti, Somayya : Misyar marriage – a marvel or misery ? [http://www.arabnews.com/?page=9§ion=0&article=64891] (19) Marriage of convenience is allowed, says Grand Imam Tantawi [http://www.dailyexpress.com.my/news.cfm?NewsID=42349] (20) (Quran, XXX : 21) (21) (Quran, V : 5) (22) Wassel quoted in Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (in arabic), p 16) (23) Arabian Sex Tourism [http://www.danielpipes.org/article/3022] – see also : Indonesia Deports Saudis for Running Marriage Racket [http://www.arabnews.com/?page=1§ion=0&article=85970&d=3&m=8&y=2006] (24) Chehata, Chafik : droit musulman, Dalloz, Paris, 1970, p. 68 (25) See for example Ahmed, Leila : Women and gender in islam, Yale University Press, 1992 – or Hassan, Raf’at, Islam and women’s rights (arabic translation, 2000) – or Amin, Qassim : Tahrir al mar’a (26) See for example Zineddine, Nadhera : Assoufour wal hijab – or Zineddine, Nadhera : Alfatat wa chchouyoukh

(27) Kingdom of Morocco, Code of family law, 3 February 2004, art. 4 [http://66.102.9.104/search?q=cache:Im_QZ2myMBsJ:www.a-er.org/fileadmin/user_upload/Commissions/EqualOportunities/EventsAndMeetings/2006/Kirun aLe_nouveau_Code_de_la_famille_au_Maroc.ppt+Maroc+code+famille+2004&hl=fr&gl=ma &ct=clnk&cd=6&client=firefox-a]

External links English * Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage [http://www.islamonline.net/servlet/Satellite?pagename=IslamOnline-EnglishAsk_Scholar/FatwaE/FatwaE&cid=1119503544160 ] * Al-Qaradawi, Yusuf : Mut’ah marriage [http://www.islamonline.net/servlet/Satellite?cid=1119503544100&pagename=IslamOnlineEnglish-Ask_Scholar%2FFatwaE%2FFatwaEAskTheScholar ] * Al-Qaradawi, Yusuf : The philosophy of marriage in islam [http://www.islamonline.net/servlet/Satellite?pagename=IslamOnline-EnglishAsk_Scholar/FatwaE/FatwaE&cid=1119503543574] * Kutty : Conditions of valid marriage [http://www.islamonline.net/servlet/Satellite?cid=1119503546572&pagename=IslamOnlineEnglish-Ask_Scholar%2FFatwaE%2FFatwaEAskTheScholar ] * Siddiqi : Witnesses and mahr (dower) for marriage [http://www.islamonline.net/servlet/Satellite?cid=1119503549066&pagename=IslamOnlineEnglish-Ask_Scholar%2FFatwaE%2FFatwaEAskTheScholar ] * Al-Qasim : Temporary marriage (mut'ah) [http://www.islamtoday.com/show_detail_section.cfm?q_id=367&main_cat_id=17] * Urfi marriage [http://marriage.about.com/od/islammarriage/g/urfi.htm?once=true&] * Yet another marriage without strings [http://www.metimes.com/articles/normal.php?StoryID=20000407-042210-7478r] fatwa committee of al azhar against misyar * Misyar marriage [http://answering-islam.org.uk/Index/M/misyar.html] * Misyar marriage [http://lexicorient.com/e.o/misyar.htm] * Misyar marriage [http://marriage.about.com/od/islammarriage/g/misyar.htm] * Misyar marriages [http://ziadrazak.net/?p=176] * Dahiru Atta, Aisha : Misyar marriages : a puzzle or a solution ? [http://www.islamonline.net/English/family/2005/07/article04.shtml] * Misyar marriage – a marvel or misery ? [http://www.arabnews.com/?page=9§ion=0&article=64891] * Misyar offers marriage-lite in strict Saudi society [http://news.yahoo.com/s/nm/20060719/od_nm/saudi_marriage_dc_3] * Al-Hakeem, Mariam : Misyar marriage gaining prominence among Saudis [http://www.gulfnews.com/Articles/RegionNF.asp?ArticleID=165873] * Part time marriage the rage in Egypt [http://answeringislam.org.uk/Index/M/passerby_marriages.html] * No strings attached marriage enrages Gulf women [http://www.metimes.com/articles/normal.php?StoryID=20060425-070226-4676r]

* Prostitution is now official and religiously condoned in Arab land [http://sabbah.biz/mt/archives/2006/04/27/prostitution-is-now-official-and-religiouslycondoned-in-arab-land/] * Marriage or mockery ? [http://www.saudigazette.com.sa/index.php?option=com_content&task=view&id=10823&Ite mid=116] * Al-Obeikan, Sheikh Abdul Mohsen, vice-ministre de la Justice d'Arabie Saoudite : interview de Asharq al-Awsat du 09/07/06 où il discute de la valeur légale de la fatwa de l'AIF [http://www.asharqalawsat.com/english/news.asp?section=3&id=5572]

Arabic * Al-Marzuqi Saleh Secretary General of IFA, interviewed by TV Alarabiya.net on the subject of the IFA decisions on 12/04/2006 [http://metransparent.com/texts/ulemas_legalize_misyar_marriage.htm] * An-Najimi, Muhammad : member of IFA, interviewed by TV AlArabiya.net on the subject of the IFA decisions on (28/04/06) [http://www.alarabiya.net/Articlep.aspx?P=23324] * Bin Menie, Abdullah bin Sulaïman : fatwa concerning marriage misyar (and opinions of Ibn Othaymin and Al-albany on the same subject) * [http://www.bab-albahrain.net/forum/showthread.php?p=329473#post329473]

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La problématique du calendrier islamique : le 4 février 2007 (version complète définitive)

Khalid Chraibi Dernière mise à jour : 4 février 2007 « Le soleil et la lune (évoluent) selon un calcul (minutieux) » (Coran, Ar-Rahman, 55 : 5) (1) « C'est Lui qui a fait du soleil une clarté et de la lune une lumière, et Il en a déterminé les phases afin que vous sachiez le nombre des années et le calcul (du temps). » (Coran, Yunus, 10 : 5) (2) « Les ulémas n'ont pas le monopole d'interprétation de la charia. Evidemment ils doivent être consultés au premier plan sur les questions de la charia. (Mais) ce ne sont pas eux qui font la loi religieuse, de même que ce ne sont pas les professeurs de droit qui font la loi, mais les parlements » (Ahmed Khamlichi) (3) « Une conférence internationale s’est tenue au Maroc en novembre 2006 concernant l’adoption d’un calendrier islamique universel. Des astronomes d’Arabie Saoudite, d’Egypte, de Jordanie, des Emirats Arabes Unis, d’Iran, de Guinée, de Libye, du Maroc et des Etats-Unis y ont participé. A une très forte majorité, comprenant l’Arabie Saoudite, l’Egypte et l’Iran, les astronomes se sont mis d’accord sur le calendrier (adopté par le Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord) qui peut être utilisé comme calendrier islamique universel. Le Maroc est disposé à l’adopter immédiatement. D’autres développements sur cette question seront publiés au fur et à mesure. » (Moonsighting.Com, 25 décembre 2006) (4) Introduction Depuis que l’usage du calendrier grégorien s’est généralisé dans les pays musulmans, après leur occupation par des puissances étrangères aux 19è et 20è siècles, le calendrier islamique s’est progressivement trouvé relégué à des fonctions de protocole et de représentation, qu’il assume essentiellement à l’occasion du 1er muharram, du 1er ramadan, de l’aïd el-fitr ou de l’aïd al-adha. Nul ne songerait, de nos jours, à dater un contrat, à faire des réservations de billets d’avion ou de chambres d’hôtel, ou à programmer une conférence internationale sur la base des données de ce calendrier. En effet, ses dates sont associées à des jours différents dans différents Etats musulmans et il ne permet pas, à l’intérieur du même pays, de planifier d’activités au-delà du mois en cours. A titre d’illustration, le 1er shawal 1426, jour de célébration de l’aïd el fitr, correspondait au mercredi 2 novembre 2005 en Libye et au Nigéria ; au jeudi 3

novembre dans 30 pays dont l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte, l’Arabie Saoudite et une partie des Etats-Unis ; au vendredi 4 novembre dans 13 pays dont le Maroc, l’Iran, le Bangladesh, l’Afrique du Sud, le Canada, une partie de l’Inde et une partie des Etats-Unis ; et au samedi 5 novembre dans une partie de l’Inde. (4) Cet état des choses n’est nullement exceptionnel, mais se renouvelle chaque mois. Pourtant, le calendrier lunaire, basé sur le calcul, est en mesure de remplir parfaitement toutes les fonctions que les sociétés modernes en attendent. Mais, suite à l’interprétation que les ulémas ont donnée à un célèbre hadith du Prophète sur le début des mois lunaires, le mois lunaire islamique s’est retrouvé déconnecté de ses fondements conceptuels et méthodologiques astronomiques, ce qui a rendu caduques les fonctions du calendrier musulman, qui ne peut pas être établi à l’avance. (5) De nombreux penseurs islamiques et juristes de renom se sont sentis interpelés par cette situation et ont publié à diverses reprises, depuis le début du 20è s., des études qui prônent l’utilisation par la communauté musulmane d’un calendrier islamique basé sur le calcul, dont ils confirment et démontrent la licité. La célèbre étude du cadi Ahmad Shakir (1939) (6), aux conclusions de laquelle le professeur Yusuf al-Qaradawi s’est dernièrement rallié (2004) (7) et les récentes décisions du Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord (2006) (8) s’inscrivent dans cette ligne de pensée. L’astronome et le calendrier Le calendrier lunaire basé sur le calcul astronomique était déjà un outil hautement performant du temps des Babyloniens (18è s. av. J.C.). Il répond parfaitement, de nos jours encore, aux divers besoins d’une société moderne. Le mois lunaire débute au moment de la « conjonction » mensuelle, quand la Lune se trouve située sur une ligne droite entre la Terre et le Soleil. Le mois est défini comme la durée moyenne d’une rotation de la Lune autour de la Terre (29,53 j environ).La lunaison varie au sein d'une plage dont les limites sont de 29. 27 j au solstice d'été et de 29.84 j au solstice d'hiver, donnant, pour l’année de 12 mois, une durée moyenne de 354,37 j. L’astronome babylonien Kidinnu (4è s. av. J.C.?), très connu pour ses travaux astronomiques, a calculé la durée du mois synodique comme égale à 29j, 12h 44 mn 3,3 s, alors que la valeur admise aujourd’hui est de 29j, 12h 44mn 2,8 s, soit environ une demi seconde d’écart. Les astronomes ont posé, depuis des millénaires, la convention que des mois de 30 j et de 29 j se succédaient en alternance, ce qui permettait de faire correspondre la durée de rotation de la Lune sur deux mois consécutifs à un nombre de jours entiers (59), laissant à peine un petit écart mensuel de 44 mn environ, qui se cumulait pour atteindre 24 h (soit l’équivalent d’un jour) en 2,73 ans. Pour solder cet écart, il suffisait d’ajouter un jour au dernier mois de l’année, tous les trois ans environ, de la même manière qu’on ajoute un jour tous les quatre ans au calendrier grégorien. Les années dites « abondantes » du calendrier islamique, d’une durée de 355 j chacune, sont au nombre de 11 dans un cycle de 30 ans (années n° 2, 5, 7, 10, 13, 16, 18, 21, 24, 26 et 29), alors que les années dites « communes », d’une durée de 354 j, sont au nombre de 19. Dans l’Arabie pré-islamique, les bédouins utilisaient un calendrier lunaire basé sur une année de 12 mois. Mais ils avaient pris l’habitude, depuis l’an 412, de leur adjoindre un 13è mois mobile, (dont le concept avait été emprunté au

calendrier israélite), dans le but de faire correspondre le mois du hajj à la saison d’automne. Ces ajustements ayant fait l’objet de grands abus, le Coran les a réprimés en fixant à douze le nombre de mois d’une année et en interdisant l’intercalation du 13è mois. (9) Mais il ne fournit aucune autre indication d’ordre méthodologique concernant la confection du calendrier lunaire, et ne fait aucune référence au calcul astronomique. Les bédouins étaient habitués à observer la position des étoiles, de nuit, pour se guider dans leurs déplacements à travers le désert, et à observer l’apparition de la nouvelle lune pour connaître le début des mois. Quand ils interrogèrent le Prophète sur la procédure à suivre pour déterminer le début et la fin du mois de jeûne, il leur recommanda de commencer le jeûne du mois du ramadan avec l’observation de la naissance de la nouvelle lune [au soir du 29è j du mois] et d’arrêter le jeûne avec la naissance de la nouvelle lune (du mois de shawal). « Si le croissant n'est pas visible (à cause des nuages) comptez jusqu'à 30 j. ». (10) La recommandation confortait dans ses habitudes ancestrales une communauté qui ne savait ni écrire ni compter et qui n’avait pas d’accès, de toutes façons, à d’autres méthodes de suivi des mois. Les données astronomiques n’étaient pas communément disponibles pour être utilisées par la population de manière pratique, en tous lieux, comme c’est le cas aujourd’hui pour les agendas et calendriers, par exemple. Les ulémas et les autorités temporelles en ont déduit, à tort ou à raison, que chacun des Etats islamiques devait (ou pouvait) procéder pour son propre compte à l’observation mensuelle de la nouvelle lune dans le ciel (ou à défaut attendre l’achèvement d’un 30è j) avant de décréter le début d’un nouveau mois sur son territoire, au lieu de faire démarrer le mois avec la conjonction mensuelle. Or, le croissant lunaire ne devient généralement visible que quelques 18 h après la conjonction, et sujet à l’existence de conditions favorables résultant de facteurs tels que le nombre d’heures écoulées depuis la conjonction ; les positions relatives du Soleil, du croissant lunaire et de l’observateur ; l’altitude de la lune au coucher du soleil ; le lieu où l’on procède à l’observation ; l’angle formé avec le soleil au moment du coucher ; les conditions d’observation (pollution, humidité, température de l’air, altitude) ; la limite de détection de l'oeil humain ; etc. (11) Selon les mois et les saisons, les conditions favorables d’observation de la nouvelle lune seront réunies en des sites différents du globe terrestre. Des astronomes musulmans de renom, des temps médiévaux, tels que Ibn Tariq (8è s.), Al-Khawarizmi (780 ?-863), Al-Battani (850-929), Al-Bayrouni (973-1048), Tabari (11è s.), Ibn Yunus (11è s.), Nassir al-Din Al-Tousi (1258-1274 ?), etc. ont contribué de manière importante, pendant plusieurs siècles, au développement des connaissances théoriques et appliquées dans le domaine de l'astronomie. Ils ont accordé un intérêt particulier à l’étude des critères de visibilité de la nouvelle lune, dans le but de développer des techniques de prédiction fiables du début d’un nouveau mois. Mais, ce n’est que récemment que des astronomes et des informaticiens réputés ont réussi, en conjuguant leurs efforts, à établir des procédures permettant de prédire à l’avance, chaque mois, dans quelles régions du globe les conditions optimales seront réunies pour observer la nouvelle lune. Ainsi, en 1984, un physicien de Malaisie, Mohamed Ilyas, a pu tracer au niveau du globe terrestre

une ligne de démarcation, ou ligne de date lunaire, à l'ouest de laquelle le croissant est visible le soir du nouveau mois, alors qu’il ne peut être vu à l’est de cette ligne que le soir suivant. (11) Cependant, malgré leur intérêt considérable sur le plan théorique, ces travaux ne sont encore d’aucune aide sur le plan pratique, parce qu’ils continuent d’associer le début du mois nouveau à l’observation mensuelle de la nouvelle lune, une démarche qui ne permet pas d’établir des calendriers annuels à l’avance. Des voies de progrès plus concrètes ont été proposées par les penseurs islamiques modernes, qui ont étudié les aspects théologiques de la problématique du calendrier. Le ‘alem et le calendrier Le Coran n’interdit pas l’usage du calcul astronomique. Mais, comme il a été indiqué, le Prophète recommanda aux Bédouins de commencer et d'arrêter le jeûne du mois du ramadan avec l’observation de la nouvelle lune. (10) De ce fait, le consensus des ulémas se forgea solidement, pendant 14 siècles, autour du rejet du calcul, à part quelques juristes isolés, dans les premiers siècles de l’ère islamique, qui prônèrent l’utilisation du calcul pour déterminer le début des mois lunaires. (12) Sur le plan institutionnel, seule la dynastie des Fatimides, en Egypte, a utilisé un calendrier basé sur le calcul, entre les 10è et 12è s., avant qu’il ne tombe dans l’oubli à la suite d’un changement de régime. L’argument majeur utilisé pour justifier cette situation se fonde sur le postulat des ulémas, selon lequel il ne faut pas aller à l’encontre d’une prescription du Prophète. (13) Ils estiment qu’il est illicite de recourir au calcul pour déterminer le début des mois lunaires, du moment que le Prophète a recommandé la procédure d’observation visuelle. (14) De nombreux ulémas soulignent, de plus, que le calendrier basé sur le calcul décompte les jours du nouveau mois à partir de la conjonction, laquelle précède d’un jour ou deux l’observation visuelle de la nouvelle lune. S’il était utilisé, le calendrier basé sur le calcul ferait commencer et s’achever le mois de ramadan, et célébrer toutes les fêtes et occasions religieuses, en avance d’un jour ou deux par rapport aux dates qui découlent de l’application du hadith du Prophète, ce qui ne serait pas acceptable du point de vue de la charia. (14) Mais, depuis le début du 20è s., de plus en plus de penseurs islamiques, ainsi qu’une poignée d’ulémas de renom, remettent en cause de tels arguments. A leur avis, le Prophète a simplement recommandé aux fidèles une procédure d’observation de la nouvelle lune, pour déterminer le début d’un mois nouveau. Les bédouins se basant sur la position des étoiles pour se guider dans leurs déplacements à travers le désert et pour connaître le début des mois, le Prophète n’avait fait que les conforter dans leurs habitudes ancestrales. L’observation du croissant n’était qu’un simple moyen, et non pas une fin en soi, un acte d’adoration (‘ibada). Le hadith relatif à l’observation n’établissait donc pas une règle immuable, pas plus qu’il n’interdisait l’utilisation du calendrier astronomique. Cheikh Abdul Muhsen Al-Obaikan, conseiller du Ministère de la Justice d’Arabie

Saoudite, remet lui-même en cause la méthode utilisée par le Conseil Judiciaire Suprême d’Arabie Saoudite, qui se base sur l’observation de la nouvelle lune à l’œil nu pour décréter le début du mois. Compte tenu de l'état d'avancement de la science et de la technologie modernes, utiliser l’œil nu pour déterminer le début et la fin du mois de ramadan relève, à son avis, d'une démarche primitive. « Il n’y a pas d’autre façon de le dire, c’est du sous-développement à l'état pur. » (15) D’après certains juristes, le hadith ne parle même pas d’une observation visuelle de la nouvelle lune, mais simplement de l’acquisition de l’information, selon des sources crédibles, que le mois a débuté. (16) Cela ouvre naturellement de toutes autres perspectives dans la discussion de cette question. L’Arabie Saoudite a d’ailleurs abandonné en 1999 la procédure d’observation de la nouvelle lune, pour lui substituer une nouvelle procédure basée sur le calcul des horaires de coucher du soleil et de la lune aux coordonnées de la Mecque, le soir du 29è j de chaque mois. Le coucher du soleil avant la lune indique le début du nouveau mois. Dans le cas inverse, le mois en cours aura une durée de 30 j. (17) Des études, de plus en plus nombreuses, réalisées par des astronomes musulmans au cours des dernières années, démontrent par ailleurs que les débuts de mois décrétés dans les pays islamiques sur une période de plusieurs décennies étaient souvent erronés, pour les raisons les plus diverses. (11) et (18). Il est clair, de ce point de vue, que lorsque le mois basé sur l’observation de la nouvelle lune débute en des jours différents dans des pays islamiques différents, un seul début de mois basé sur ce critère peut être considéré comme fondé sur le plan astronomique, tous les autres étant erronés. D’ailleurs, les musulmans considèrent qu'il est parfaitement licite d’utiliser le calendrier grégorien dans la gestion de toutes leurs affaires, et l'utilisent de manière routinière, depuis de nombreux siècles, sans avoir la moindre appréhension qu'ils pourraient, ce faisant, enfreindre des prescriptions religieuses. Pourquoi l’usage du calendrier solaire grégorien basé sur le calcul astronomique serait-il licite, alors que l’usage du calendrier lunaire islamique, basé sur le même calcul, serait illicite ? L’opinion juridique du cadi Shakir Le cadi Ahmad Muhammad Shakir (19) mérite une mention à part dans ce débat. Il s’agit d’un juriste éminent de la première moitié du 20è s., qui occupa en fin de carrière les fonctions de Président de la Cour Suprême de la Charia d’Egypte (tout comme son père avait occupé les fonctions de Président de la Cour Suprême de la Charia du Soudan), et qui reste, de nos jours encore, un auteur de référence en matière de science du hadith. (20) Il a publié, en 1939, une étude importante et originale axée sur le côté juridique de la problématique du calendrier islamique, sous le titre : « Le début des mois arabes … la charia permet-elle de le déterminer en utilisant le calcul astronomique ? » (6). D’après lui, le Prophète a tenu compte du fait que la communauté musulmane (de son époque) était « illettrée, ne sachant ni écrire ni compter », avant d’enjoindre à ses membres de se baser sur l’observation de la nouvelle lune pour accomplir leurs obligations religieuses du jeûne et du hajj.

Mais, la communauté musulmane a évolué de manière considérable au cours des siècles suivants. Certains de ses membres sont même devenus des experts et des innovateurs en matière d’astronomie. En vertu du principe de droit musulman selon lequel « une règle ne s’applique plus, si le facteur qui la justifie a cessé d’exister », la recommandation du Prophète ne s’applique plus aux musulmans, une fois qu’ils ont appris « à écrire et à compter » et ont cessé d’être « illettrés ». Les ulémas d’aujourd’hui commettent donc une erreur d’interprétation lorsqu’ils donnent au hadith du Prophète sur cette question la même interprétation qu’au temps de la Révélation, comme si ce hadith énonçait des prescriptions immuables, alors que ses dispositions ne sont plus applicables à la communauté musulmane depuis des siècles, en vertu des règles mêmes de la charia. Shakir rappelle le principe de droit musulman selon lequel « ce qui est relatif ne peut réfuter l’absolu, et ne saurait lui être préféré, selon le consensus des savants. ». Or, la vision de la nouvelle lune par des témoins oculaires est relative, pouvant être entachée d’erreurs, alors que la connaissance du début du mois lunaire basée sur le calcul astronomique est absolue, relevant du domaine du certain. Il rappelle également que de nombreux juristes musulmans de grande renommée ont pris en compte les données du calcul astronomique dans leurs décisions, citant à titre d’exemples Cheikh Al-Mraghi, Président de la Cour Suprême de la charia d’Egypte ; Taqiddine Assoubaki et Takiddine bin Daqiq al-Eid. Shakir souligne, en conclusion, que rien ne s’oppose, au niveau de la charia, à l’utilisation du calcul pour déterminer le début des mois lunaires et ce, en toutes circonstances, et non à titre d’exception seulement, comme l’avaient recommandé certains ulémas. Il observe, par ailleurs, qu’il ne peut exister qu’un seul mois lunaire pour tous les pays de la Terre, basé sur le calcul, ce qui exclut la possibilité que le début des mois diffère d’un pays à l’autre. (21) L’utilisation du calendrier basé sur le calcul rendra possible la célébration le même jour, dans toutes les communautés musulmanes de la planète, d’événements à caractère hautement symbolique sur le plan religieux, tels que le 1er muharram, le 1er ramadan, l’aïd al fitr, l’aïd al adha ou le jour de Arafat, lors du hajj. Cela renforcera considérablement le sentiment d’unité de la communauté musulmane à travers le monde. Cette analyse juridique du cadi Shakir n’a jamais été réfutée par les experts en droit musulman, 66 ans après sa publication, ce qui conforterait la notion que les ulémas n’ont rien trouvé à y redire, sur le plan juridique. Il faut noter, dans ce contexte, que le professeur Yusuf al-Qaradawi s’est récemment rallié formellement à la thèse du cadi Shakir. Dans une importante étude publiée en 2004, intitulée : « Calcul astronomique et détermination du début des mois », (7) al-Qaradawi prône pour la première fois, vigoureusement et ouvertement, l’utilisation du calcul pour l’établissement du calendrier islamique, une question sur laquelle il avait maintenu une réserve prudente jusque-là. Il cite à cet effet avec approbation de larges extraits de l’étude de Shakir. La décision du Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord (CFAN)

De son côté, le Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord (CFAN), qui s’est senti depuis des années interpelé par cette question, a annoncé au mois d’août 2006 sa décision mûrement réfléchie d’adopter désormais un calendrier islamique basé sur le calcul, en prenant en considération la visibilité du croissant où que ce soit sur Terre. Utilisant comme point de référence conventionnel, pour l’établissement du calendrier islamique, la ligne de datation internationale (International date line (IDL)), ou Greenwich Mean Time (GMT), il déclare que désormais, en ce qui le concerne, le nouveau mois lunaire islamique en Amérique du Nord commencera au coucher du soleil du jour où la conjonction se produit avant 12 : 00 GMT. Si elle se produit après 12 : 00 GMT, alors le mois commencera au coucher du soleil du jour suivant. (8) La décision du CFAN est d’un grand intérêt, parce qu’elle conjugue avec une grande subtilité les exigences théologiques des ulémas avec les données de l’astronomie. Le CFAN retient le principe de l’unicité des matali’e (horizons), (21) qui affirme qu’il suffit que la nouvelle lune soit observée où que ce soit sur Terre, pour déterminer le début du nouveau mois pour tous les pays de la planète. Après avoir minutieusement étudié les cartes de visibilité du croissant lunaire en différentes régions du globe, il débouche sur la conclusion suivante : Si la conjonction se produit avant 12 : 00 GMT, cela donne un temps suffisant pour qu’il soit possible d’observer la nouvelle lune en de nombreux points de la Terre où le coucher du soleil intervient longtemps avant le coucher du soleil en Amérique du Nord. Etant donné que les critères de visibilité de la nouvelle lune seront réunis en ces endroits, on pourra considérer qu’elle y sera observée (ou qu’elle aurait pu l’être si les conditions de visibilité avaient été bonnes), et ce bien avant le coucher du soleil en Amérique du Nord. Par conséquent, sur ces bases, les stipulations d’observation de la nouvelle lune seront respectées, comme le prescrit la charia, et le nouveau mois lunaire islamique débutera en Amérique du Nord au coucher du soleil du même jour. Si la conjonction se produit après 12 : 00 GMT, alors le mois commencera en Amérique du Nord au coucher du soleil du jour suivant. Conclusion La problématique du calendrier islamique ne soulève pas de difficultés au niveau de son volet astronomique. Ce sont les volets théologique, culturel et politique qui posent problème. Les ulémas ont donné à un hadith du Prophète sur le début des mois lunaires une interprétation qui a déconnecté le mois islamique de son ancrage astronomique, l’exposant à tous les aléas. Mais, comme le démontrent des juristes éminents, ce hadith peut être analysé de diverses manières. L’interprétation traditionnelle qui en a été donnée par les ulémas a forgé un consensus autour du rejet du calcul, considéré comme illicite. Mais, le cadi Shakir et le professeur al-Qaradawi affirment maintenant que l’utilisation du calcul est parfaitement licite, parce que le hadith en question ne s’applique plus, selon les règles de la charia, aux sociétés islamiques modernes. Le Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord (CFAN) a développé, pour sa part, une

solution alternative, qui se situe à mi-chemin entre les deux positions précitées. Elle conjugue avec une grande subtilité les exigences théologiques des ulémas avec les derniers développements dans les connaissances astronomiques relatives au début des mois lunaires. La solution retenue par le CFAN est particulièrement attrayante, du fait qu’elle permet de résoudre de manière élégante un problème épineux, considéré comme insoluble pendant des générations. En effet, elle permet l’établissement à l’avance d’un calendrier lunaire islamique annuel, dont le début des mois est programmé sur la base du moment (parfaitement prévisible, longtemps à l’avance) auquel la conjonction se produira chaque mois. Le raisonnement du CFAN peut s’appliquer, sans retouches, à l’ensemble des communautés islamiques de la planète. Il leur permettrait d’établir ensemble, à l’avance, un calendrier islamique annuel unique, valable en tous lieux du globe, dans le respect des règles de la charia. Les gouvernants des Etats islamiques, seuls vrais décideurs en la matière, ont donc un choix à faire entre le maintien du statu quo, l’adoption du raisonnement juridique « pur et dur » du cadi Shakir ou l’application de la solution « intermédiaire », mais tout de même élégante et efficace, développée par le CFAN. Il est bon de rappeler, à ce propos, que le calendrier julien, lui aussi, a connu toutes les mésaventures imaginables, en son temps, avant d’atteindre son statut actuel de référence universelle, grâce aux adaptations dont il a fait l’objet au cours des siècles. En 1267, Roger Bacon écrivait, à son sujet : « Le calendrier est intolérable pour le sage, une horreur pour l’astronome et une farce pour le mathématicien ». (22) Pourtant, il a surmonté sa crise de croissance, grâce aux soins dont il a été entouré. Car, comme Shakespeare le fait si bien dire à Jules César : "Nos fautes, cher Brutus, ne sont point dans nos étoiles, mais dans nos âmes prosternées." (23) Notes * Cet article résulte de la fusion de deux articles publiés sur www.Oumma.com sous les titres - 1er muharram : calendrier lunaire ou islamique ? (avril 2006) et - La problématique du calendrier islamique (Janvier 2007) (1) Coran, Ar-Rahman (55 : 5) http://quran.alislam.com/Targama/DispTargam.asp?nType=1&nSora=55&nAya=5&nSeg=1&l=eng&t=frn (2) Coran, Yunus (10 : 5) http://quran.alislam.com/Targama/DispTargam.asp?nType=1&nSeg=0&l=eng&nSora=10&nAya=5&t=frn (3) Ahmed Khamlichi : « Point de vue n° 4 », Rabat, 2002, p. 12 (4) http://www.moonsighting.com/1427zhj.html

(5) Khalid Chraibi : 1er muharram : calendrier lunaire ou islamique http://www.oumma.com/spip.php?article2040 (6) Ahmad Shakir : « Le début des mois arabes … est-il licite de le déterminer par le calcul astronomique ? ». (en arabe, publié en 1939) reproduit dans : Quotidien arabe « al-madina », 13 octobre 2006 (n° 15878) : http://ahmadmuhammadshakir.blogspot.com/ (7) Yusuf al-Qaradawi : « Calcul astronomique et détermination du début des mois » (en arabe) : http://www.islamonline.net/Arabic/contemporary/2004/10/article01b.shtml (8) Conseil du Fiqh d’Amérique du Nord : http://www.moonsighting.com/calendar.html (9) Coran, At-Touba 9 : 36 et 37 : (Coran 9 : 36) : Le nombre de mois, auprès d'Allah, est de douze (mois), dans la prescription d'Allah, le jour où Il créa les cieux et la terre. (Coran 9 : 37) : Le report d'un mois sacré à un autre est un surcroît de mécréance. Par là, les mécréants sont égarés: une année, ils le font profane, et une année, ils le font sacré, afin d'ajuster le nombre de mois qu'Allah a fait sacrés. Ainsi rendent-ils profane ce qu'Allah a fait sacré. Leurs méfaits leurs sont enjolivés. Et Allah ne guide pas les gens mécréants. http://quran.alislam.com/Targama/DispTargam.asp?nType=1&nSeg=0&l=eng&nSora=9&nAya=36&t=frn (10) Al-Bokhary, Recueil de hadiths (3/119) (11) Karim Meziane et Nidhal Guessoum : La visibilité du croissant lunaire et le ramadan, La Recherche n° 316, janvier 1999, pp. 66-71 (12) Abderrahman al-Haj : « Le faqih, le politicien et la détermination des mois lunaires » (en arabe) : http://www.islamonline.net/Arabic/contemporary/2003/10/article03.shtml (13) Muhammad Mutawalla al-Shaârawi : Fiqh al-halal wal haram (édité par Ahmad Azzaâbi), Dar alQalam, Beyrouth, 2000, p. 88 (14) Allal el Fassi : « Aljawab assahih wannass-hi al-khaliss ‘an nazilati fas wama yata’allaqo bimabda-i acchouhouri al-islamiyati al-arabiyah », rapport préparé à la demande du roi Hassan II du Maroc, Rabat 1965 (36 p.), sans indication d'éditeur (15) Anver Saad, « The Untold Story of Ramadhan Moon Sighting » Daily muslims, October 07, 2005 : « In an interview with a Saudi newspaper, Saudi religious scholar Sheik Abdul Muhsen Al-Obaikan argued that using the naked eye to determine the beginning and end of Ramadan was primitive in an age of modern science and technology. "There is no other way to put it. It's pure backwardness," he said. » http://www.muslimsweekly.com/index.php?option=com_content&task=view&id=804&Itemid=63 (16) Al-Ghazali, Ihya’e ouloum addine cité dans al-Ghomari (réf. 21 ci-dessous), p 30 (17) The Umm-al-Qura calendar of Saudi Arabia http://www.phys.uu.nl/~vgent/islam/ummalqura.htm (18) Nidhal Guessoum, Mohamed el Atabi et Karim Meziane : Ithbat acchouhour alhilaliya wa mouchkilate attawqiti alislami, 152p., Dar attali'a, Beyrouth, 2è éd., 1997

(19) Ahmad Muhammad Shakir (notice biographique détaillée en arabe) : http://www.islamonline.net/Arabic/history/1422/09/article17.shtml (20) Un auteur de référence en matière de science du hadith http://www.sounna.com/article.php3?id_article=106 (21) Abi alfayd Ahmad al-Ghomari : Tawjih alandhar litaw-hidi almouslimin fi assawmi wal iftar, 160p, 1960, Dar al bayareq, Beyrouth, 2è éd. 1999 (22) Roger Bacon (c. 1214 – c. 1292) http://literati.net/Duncan/CalendarExcerpt.htm (23) Shakespeare : Jules César, (Acte I, Scène 2) http://www.mediterranees.net/histoire_romaine/cesar/shakespeare/cesar1.html

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Tabsir.net Transmitted March 9, 2009 Revised and completed

Reforming Islamic family law: the « best practices » strategy Khalid Chraibi Many people in the Western world think that shari’ah is a set of legal rules which Muslim countries apply in a uniform way, in all matters of substance. However, shari’ah rules vary significantly from one country to another, as well as over time. Thus, the status of women in Muslim countries, which is ruled by shari’ah, differs significantly from one country to another. On any given issue, some national “personal status codes” grant women more rights or protect their interests better than other codes. According to feminine NGOs working in the field of Muslim women’s rights, the adoption by Muslim countries of the more favourable rules (designated as the “best practices”) would contribute significantly to the reform of family law “within the religious framework”, and bring it closer to contemporary international standards.

The unicity of shari’ah within the diversity of rites These differences between Muslim countries in the rules of applied shari’ah do not result from a drift by Muslim jurists operating in different national settings. The founders of the major legal schools of thought opted for this policy of diversity in the early days of Islam, and had it ratified by the first caliphs and their successors. Thus, when Malik ibn Anas prepared, at the request of the caliph Abu Jaafar Al Mansur, his major compilation of Muslim law known as “Al-Muatta”, the caliph wanted to use this work as the reference in Muslim law, in all the territories under Caliphate rule. But, Malik disagreed, on the grounds that each major Muslim community in the Caliphate already had its own rules and methodology in the field of “fiqh”, and should be left free to develop its own jurisprudence in this domain. Similarly, the founders of the four main schools of Shari’ah in the Sunni tradition (Abu Hanifa, Malik ibn Anas, Shafi'i, Ibn Hanbal), insisted, in their teachings, that their views should not be considered as final or binding on all Muslims, in all regions of the world and for all times. If a different legal school of thought presented a better interpretation of a rule, it should be given due consideration. This broadmindedness was a characteristic of the juridical culture of the times, and resulted in a wealth of output by Muslim jurists, over a period of several centuries, until the political authorities decided to put an end to all activities of juridical “ijtihad” in the 10th century. Muslim jurists pride themselves, today, on the diversity of rules developed by the various Islamic legal schools, describing it as a blessing from Heaven. According to them, all

these rules comply with Quranic prescriptions and with the teachings of the Sunnah, despite their differences. But, this diversity of interpretations adds to the complexity of the tasks of the associations of defense of women's rights, when they must handle cases in Muslim legal environments as different as those of Saudi Arabia and Morocco, for example, even though both claim that they merely apply shari’ah.

Two contrasted examples: Saudi Arabia and Morocco According to a report submitted in 2007 by the Saudi association “Women for reform” to the UN “Committee for the elimination of discrimination against women” (CEDAW), Saudi women are confronted in a routine way, in their daily life, with great difficulties, due to the following factors: - There is a total segregation between the sexes, with negative consequences for women, in all aspects of their life; - During their entire life, Saudi women live “under the tutelage” of a male guardian, be it a father, a husband or a blood relative; - “Without the permission of her “guardian”, a woman can neither go to school, nor obtain medical care, nor marry, nor travel abroad, nor manage a business, nor do anything of significance…”. Saudi authorities explain, however, that Shari’ah has defined a different set of rules for males and females. Consequently, by applying to each of the two sexes the appropriate Shari’ah rules, they do not violate anyone’s rights, whether male or female. Shari’ah merely presents a conception of human rights which differs from that of Western countries. In contrast, in Morocco, the Personal Status Code of 1957, adopted shortly after independence, was revised in-depth in 2004, following several decades of struggle by feminine associations, in order to reflect the evolution of Moroccan society over the past halfcentury. The new “Family law” completely redefined the legal status of women within the family and society, bringing it considerably closer to current international standards. Among other things, it makes the family the joint responsibility of both spouses, rescinding the wife’s duty of obedience to her husband. It allows women to be their own guardians, and raises the minimum age of marriage for women to eighteen years. It puts prohibitive restrictions on polygamy, by requiring the consent of the first wife, the notification of the second wife of the existence of the first one, and a judge’s consent to the second marriage – which may be granted if he is satisfied that the husband will grant equal status to each wife, in every respect. The Law makes polygamy grounds for divorce by the first wife, and promotes the use of a marriage contract to exclude the possibility of a second marriage by the husband. It puts repudiation under strict judicial control, and requires an equitable distribution of the couple’s assets before a divorce can be final. The Moroccan ulamas and jurists associated with the revision of the Code explain that all its provisions were based on an attentive and meticulous reading of the Shari’ah, in all its complexity, taking into account the “best practices” in use in other Muslim countries. However, following this recasting of the Personal Status Code, the Moroccan authorities progressively withdrew, one after the other, the reservations they had previously expressed about the application in Morocco of some provisions of various international

Conventions dealing with women's rights, which they had earlier considered as possibly “incompatible with religious prescriptions.”

The “better practices” strategy Confronted with such a range of interpretations in the rules applied to the status of women in various Muslim countries, feminine NGOs have understood the vanity of challenging any of these interpretations. Thus, although Saudi Arabia and Morocco differ in significant ways in their interpretation of Shari’ah, the authorities in both countries are fully convinced that they faithfully apply its prescriptions. Feminine NGOs such as “Collectif 95 Maghreb-Egalité” (which comprises the main feminine associations of Morocco, Algeria and Tunisia) or “Sisters in Islam” from Malaysia have studied these issues in-depth, and come up with a new strategy to achieve progress in the field of Muslim women's rights: “If all these different rules are equally valid in the Shari’ah, and if some of them grant more rights to women or protect their interests better, isn't it these rules (designated as the “best practices” in Islamic family law) which should be applied in Muslim countries, in the beginning of the 21st century, in preference to the rules which are less favourable to women's rights? Why should women pay the price for these differences in interpretation, which clearly are the acts of men?” In support of this last point, NGOs observe that, although the Personal Status Codes of Muslim countries are based on Quranic prescriptions and Sunnah teachings, they are periodically revised (Egypt 2000, Mauritania 2001, Morocco 2004, Algeria 2005…). Since the rules presented in these codes were periodically changed, isn't this conclusive evidence that many provisions contained in the codes of family law reflect man-made choices, which have nothing to do with religious prescriptions?

Representative “Best practices” In order to illustrate what the “best practices” entail, the Malaysian NGO “Sisters in Islam” (SIS) drew up the following listing of what it considers as representative “best practices”, regrouped by category, based on the provisions of current family laws in the Muslim world.

Age of the marriage: 18 years for boys and girls (Morocco) Assent of the spouses: Each of the two spouses must explicitly and freely express his assent to the marriage (Tanzania, Tunisia, Morocco, etc)

Wali (Tutor): In Tunisia, the would-be spouses can contract their marriage with no need for a wali. In Cameroon, Fiji, Gambia, Turkey, Uzbekistan, Kyrgyztan: no wali is necessary. In Sri Lanka, Bangladesh, Pakistan (under Hanafi rite): no wali is necessary for Hanafi women who reached puberty.

Witnesses to the marriage: In Senegal, two adult witnesses are required, one for each spouse (with no sex specification for the witnesses).

Polygamy: In Tunisia, it is prohibited. In Morocco, the 2004 Code established severe conditions, including the wife’s right to specify in the marriage contract, if she so wishes, a provision to prohibit a second marriage by the husband

Nushuz (disobedience of the wife): In Turkey, Indonesia, Tunisia, there is equality between the two spouses in decisions concerning family life matters.

Divorce: In Tunisia, divorce can only be pronounced by a judge. The two spouses can claim the same grounds for divorce. In Indonesia, the husband, married under Muslim law, must notify in writing the Shari’ah Court of his intention to divorce. The six grounds for divorce can be claimed equally by the spouses. A reconciliation procedure must be carried out. If it fails, the divorce is pronounced by the Court and is final.

Alimony: In Tunisia, if the husband is “at fault”, the divorced wife receives alimony whose amount is determined based on the standard of living to which she was accustomed during marriage. In Turkey, the spouse which is “least at fault” can claim reasonable compensation, paid either monthly or in a lump sum.

Custody of the children: The Court can entrust the custody of children to either one of the parents, taking into account the children’s best interests (Tunisia, Cameroon, Republics of Central Asia).

Impact of the application of the “best practices”: According to feminine associations operating in this field, the adoption by Muslim countries of the “best practices” in Islamic family law could have a considerable impact on the daily life of millions of women. It would eliminate some of the excesses to which the authorities go in their interpretation of the rules of shari’ah, at the expense of women's rights, such as the prohibition of women driving of a vehicle; the strict segregation between the sexes in public places, hospitals and schools; the obligation to wear clothing of a particular type such as hijab, niqab or “burqua”; or even, sometimes, the prohibition to work outside the home … The adoption of the “best practices” would also pave the way for a redefinition of the legal status of women in the Muslim world, giving them the juridical means to protect themselves from abuse in their daily life, whether under the form of ill-treatment, marital violence, repudiation, polygamy, discriminatory practices or sexual harassment in the workplace… Bibliography Al_Qaradawi, Yusuf : Assahwa al_Islamiya, Cairo, 1991 An-Na’im, Abdullahi A. : ed. Islamic Family Law in a changing world, London, Zed Books, 2002 Women for Reform (WFR): “Shadow report” from Saudi Arabia’s ad hoc group of women to CEDAW, 2007 Saudi Arabia: Official Government Report to CEDAW, 2007 Morocco : Family Law Code, 2004 Collectif 95 Maghreb-Egalité : Guide to equality in the family in the Maghreb, 2003 Collectif 95 Maghreb-Egalité : One hundred steps, one hundred provisions for an egalitarian codification of Family and Personal Status laws in the Maghreb, 1995 Freedom House: Women’s Rights in the Middle East and North Africa, 2005 United Nations Development Programme (UNDP): The Arab Human Development Report 2005 – Towards the Rise of women in the Arab world, 2006 Sisters In Islam (SIS): Best practices in family law Sisters In Islam (SIS): Guide to equality in the family in Malaysia

Rand Corporation: “Best practices” Progressive family laws in Muslim countries, 2005 Women Learning Partnership (WLP): Best practices in family law

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