Babillard de discussion et d’opinion selon Ronald Désormeaux
Judo Ron 11. LA PRATIQUE DU JUDO MÈNE À SA CONNAISSANCE Comprendre le judo c'est d’abord le pratiquer à fond. Jigoro Kano insistait sur la pratique régulière. À partir des séances d’entraînement quotidiennes, lui et ses collègues ont établis les bases scientifiques du judo afin de permettre à chaque judoka d’évoluer à un rythme personnel. La pratique quotidienne implique l’étude sur déplacements avec des adversaires différents. Le judoka en action utilise constamment ses habiletés techniques fondamentales. Lorsque le judoka est seul face à un partenaire participatif, il apprend à gérer son temps de combat et à utiliser les ressources physiques en place. Les moments d’action, de réaction et de non action vont attiser sa vigilance, sa créativité et son adaptation. Dans un entraînement dynamique, il cherche à équilibrer l’intensité de ses efforts et à s’adapter aux divers comportements de ses partenaires. Depuis Kano, les maîtres n’ont pas cessé d’encourager la pratique régulière. Tous insistent sur l’importance de répéter le plus grand nombre de techniques dans des conditions variées afin qu’elles deviennent des mouvements très personnalisés. Sensei Kawaishi disait :
¨ Chaque pratiquant doit exécuter les mouvements fondamentaux en les interprétant, les adaptant à lui, pour faire naître de cette adaptation, l’harmonie et l’efficacité.¨
La répétition seule ne garantie pas le succès. Répéter une faute mille fois ne la corrige pas. L’amélioration et la maîtrise sont possibles que s’il y a sincérité dans le travail et qu’il existe une possibilité de correction à l’occasion. ¨ De la sincérité découle l’efficience. Sans action sincère, il ne peut y avoir de véritable réaction.¨ Proverbe Zen
Ayant la volonté de participer et le courage de s’adapter, le judoka persévérant pourra compter sur la pratique quotidienne pour le conduire au succès. L’objectif n’étant pas de gagner sur l’autre, mais bien de placer une technique choisie qui conduira au IPPON. L’atteinte du IPPON est conditionnelle. Chaque projection est influencée par plusieurs facteurs dont : les habiletés motrices, le degré de flexibilité, la vitesse, la puissance et l’agilité de chacun. Il nous faut également considérer les masses physiques des compétiteurs, l’emploi des leviers, l’intention cachée, l’intuition, l’improvisation et le degré d’agressivité pour n’en mentionner que quelques- uns.
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L’étude du judo n’est pas que la récitation d’un alphabet technique, elle comprend tout ce qui est modelé par l’intuition et la créativité des participants. C’est d’ailleurs dans ce sens que le maître Kyoso Mifune 10ième dan disait dans Cannon of Judo que les techniques du judo sont illimitées. La créativité vient du mouvement et le mouvement sublime est celui qui est réalisé sans effort. » LA VÉRITÉ RÉSIDE DANS LES DÉPLACEMENTS
On ne fait pas du judo dans des situations stables ou neutres. C’est dans la pratique dynamique que les meilleurs résultats sont obtenus. C’est dans des combinaisons de déplacements continus et par des changements de postures soudaines réalisés avec des partenaires participatifs que le judo prend toute sa forme et sa splendeur. Les moyens employés dans les dojos pour réaliser cette dynamique sont : Le tandoku Renshu, travail éducatif par lequel le judoka travaille seul à de nombreux déplacements pour insérer mentalement sa technique et la répéter le plus souvent possible en imaginant des réactions ou situations potentielles. L’Uchi-Komi qui est le placement d’une technique qui est répété à cadence modérée sur un adversaire offrant une résistance limitée. Chaque tentative d’application est corrigée et les gestes inutiles sont éliminés un par un au cours de chacune des entrées. Le yakusoku-geiko est un exercice de déplacement sans opposition du partenaire. Le judoka se déplace souplement, à vitesse raisonnable, imitant l’intensité d’un combat mais sachant que le partenaire n’offrira aucune résistance. Il place sa technique pour chercher le IPPON.
Le Randori aussi appelé Kakari-Geiko a pour but la simulation d’un combat réel. Dans cette forme de confrontation, les deux partenaires passent tant à l’attaque qu’à la défensive sans se préoccuper de l’arrêt du combat même s’il y a IPPON. Le Randori favorise les échanges fréquents de partenaires afin d’utiliser la plus grande variété de tactiques et stratégies. « Être partout et nulle part en même temps. » M. Musashi
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Selon le professeur Michel Novovitch, le Randori sert à effectuer des mises au point importantes aux techniques personnalisées car elles sont faites à plein potentiel. Même au cœur de l’action du Randori, les judokas doivent garder en tête de se respecter mutuellement. Ils ne sont pas des ennemis mais bien des partenaires d’entraînement. Ultimement, le Randori doit permettre au judoka de se dépasser techniquement. La dernière forme d’entraînement dynamique porte le nom de Shiai (compétition formelle avec une intention de victoire et dominance). Dans ce genre de confrontation, les partenaires deviennent des opposants déterminés à obtenir, à l’intérieur d’un temps fixe, un IPPON ou une supériorité marquée par une combinaison d’avantages.
Une technique vaut un IPPON si elle contient les critères suivants : La projection se fait avec contrôle, force et vitesse et que Uke atteint le sol largement sur le dos. Lorsque Uke est retenu au sol en immobilisation pendant 25 secondes consécutives. Lorsque Uke abandonne à la suite d’une technique d’étranglement ou clef de bras.
Avec le Shiai, la psychologie du combat et l’intention de l’affrontement se transforment. L’exercice devient un duel entre deux opposants qui se respectent mais qui désirent démonter leur supériorité par une victoire définitive en jumelant leurs compétences techniques avec leur connaissance des règles de combat. Restreint par le temps, la victoire sera jugée par le IPPON ou combinaison de points accumulés fournis par l’application intelligente d’une technique, par le degré d’offensive, démontré, par le niveau d’initiative offert ou par l’abandon du combat par l’un des adversaire.
AU DELÀ DE LA DIMENSION TECHNIQUE - CHIKARA
Le judoka ne fait pas parti d’une ligne d’assemblage où il est invité à reproduire machinalement des gestes techniques. Sa formation va bien au-delà. On y trouve une dimension spirituelle qui lui donne son caractère spécial. Jigoro Kano le faisait remarquer : ¨ L’apprentissage n’a pas atteint son but si l’élève ne peut exécuter les mouvements quand il le veut et en dépit de l’opposition de son adversaire¨. ¨Le but de l’étude et des pratiques n’est pas seulement d’agrandir le champ de nos connaissances, mais de former en nous le caractère.¨ Kai Bara Ekken
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Quelques grands penseurs, nous ont signalé l’importance spirituelle et le besoin de se rendre au plus profond de soi pour comprendre l’action physique humaine. ¨ Le mouvement le plus simple est d’une extraordinaire complexité si nous considérons tout ce qui se passe dans notre corps pour l’exécuter. ¨Celui qui dans l’action voit l’inaction et qui dans le non agir voit le prolongement de l’action est le sage véritable.¨ Bhâgavata Gîta ¨L’obtention d’un judo supérieur ne peut s’accomplir par la technique seule. Le judoka désirant l’atteinte des hauts grades en judo doit s’efforcer de vivre selon certains enseignements moraux (du Zen entre autre) voulant que la force mentale soit supérieure à la force physique.¨ Tel est l’avis exprimé en 1959 par les chercheurs Watanabe et Avakian dans leur volume intitulé, Secrets of JUDO. Ces derniers insistent sur la nécessité d’acquérir un certain niveau de spiritualité par la pratique de la méditation afin de pouvoir combattre le stress du combat et accéder à un judo supérieur. Plusieurs diront que le recours à des pratiques anciennes tel le Zen est peu important. Pourtant ces deux chercheurs psychologues ont trouvé une association directe entre Zen et Judo qui se perpétuerait dans l’étude des katas.
Watanabe et Avakian ont identifié des exercices à l’origine du Kodokan concernant la concentration et qui seraient similaires à ceux pratiqués dans des écoles de Ju Jutsu où des professionnels pratiquaient la méditation par le Zen en guise de préambule aux démonstrations de kata. Ces exercices permettaient de mieux visualiser les mouvements à exécuter. Les mouvements exécutés en démonstration, dans un lapse de temps plus lent permettaient la mise au point des subtilités et la capture de l’essence comme le voulait les maîtres qui se joignaient au Kodokan.
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L’importance de la transmission de la technique par le kata devint un élément essentiel de la pédagogie adoptée par le Kodokan et demeure aujourd’hui le moyen d’examen pour les grades supérieurs.
Calligraphie de Pascal Krieger, (Sauritsu) pourRonald Désormeaux CHIKARA, Seishin Ryoku de Yawara no Michi….La voie de la souplesse par la force mentale
Les études universitaires du Maître Jigoro Kano et ses incursions dans les écoles avoisinantes l’avaient mis en présence du Zen et des autres formes de méditation. Il insistait pour que ses élèves et enseignants pratiquent les katas avec le même enthousiasme que le Randori. Son implication dans l’adoption du Koshiki no kata et des autres katas formels du Kodokan a été substantielle. Aujourd’hui, la majorité des judokas ne sont pas des professionnels et ne pratiquent pas aussi régulièrement que les pionniers du Kodokan. Exiger d’eux une formation aussi complète que celle qui dominait vers les 1890 n’est pas à la mesure du réel. Cependant, cet idéal de combiner Zen et Judo tel qu’exprimé par Avakian et Watanabe doit viser des objectifs plus atteignables et réalisables et prendre des dimensions plus modernes. Quelque soit le style de formation adopté, méditation, visualisation, préparation psychologique ou autre, une chose demeure : ` ` Il n’y a pas d’action humaine authentique et efficace sans un tonus mental adéquat. Plus ce tonus, cette tension, cette énergie mentale est puissante, plus l’action sera complète, harmonieuse et efficiente. `` 1
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Luis Robert, page 379.
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