Babillard de discussion et d’opinion selon Ronald Désormeaux
Judo-Ron no 2/2009 Babillard de discussion et d’opinion Le Sensei et son perfectionnement Lors de notre dernière discussion, nous avons abordé l’essentiel de la préparation de la leçon de judo. Dans le présent article, je veux faire ressortir les responsabilités et le rôle du Sensei instructeur. Ce n’est pas parce qu’une personne détient le grade de ceinture marron ou noire qu’il est automatiquement baptisé Sensei. Le fait de pouvoir livrer de bons combats et faire habilement quelques techniques de compétition ne nous lègue pas ce privilège. Tous les athlètes de pointe ne sont pas doués ou intéressés à prendre en charge une classe de judo. Les responsabilités associées au rôle de professeur et enseignant sont d’envergure. Au Canada, 95% des professeurs sont des bénévoles qui aiment le judo et ce qu’il apporte de positif aux judokas. Il faut cependant être réaliste et constater que nombreux sont ceux et celles qui sont restés figés sur leur expérience passée et qui ne profitent pas entièrement des opportunités d’amélioration qui leurs sont présentées. Le Sensei a pour fonction de transmettre non seulement les rudiments physiques du judo mais aussi de voir à ce que l’application des trois principes du judo (Shin Gi Tai) puisse servir à l’apprenant dans l’amélioration de sa vie et dans celle de sa communauté. Depuis quelques années, l’enthousiasme pour le judo a diminuée sensiblement chez les adeptes de notre discipline. Mille raisons sont évoquées pour laisser tomber la pratique. Entre autres : il est difficile à apprendre tous les aspects, les résultats tangibles sont souvent hors de la portée des plus pressés, l’apprentissage est long, routinier et parsemé d’embûches, le climat est trop rigide, le vocabulaire trop compliqué et les coutumes sont étrangères sans compter l’existence de maintes notions très ésotériques pour la majorité. Lorsque mis sous pression, certains qui se désistent ont évoqué que l’approche du professeur ne répondait plus à leurs attentes, que leurs objectifs immédiats n’étaient pas rencontrés et que l’engagement discipliné vers des objectifs trop lointains étaient trop exigeants. Il faut constater que nous vivons dans une période où les résultats escomptés sont instantanés et très individualisés. Cette vision du monde est très éloignée des objectifs du judo qui demandent un cheminement progressif vers l’amélioration de soi et de son prochain. Comme Sensei, il nous faut posséder et maintenir une vision qui soit juste et honnête de ce que le judo exige et quelles sont nos responsabilités. Nous sommes là, au devant les autres, nous sommes des exemples sur qui les adeptes vont établir leur cible. Nos interventions vont servir à mouler une partie de leur caractère, et ce, pour toute une vie. Même à titre de bénévole, sommes-nous à la hauteur du défi? Sommes-nous prêts à changer certaines manières de faire pour être plus efficient et plus efficace? Résister aux changements conduira certainement vers une plus grande atrophie de notre clientèle.
Babillard de discussion et d’opinion selon Ronald Désormeaux
Je suis d’avis qu’il faut rapprocher ces deux écarts contemporains. Notre Dojo est l’environnement d’influence et notre leçon de judo est notre outil de préférence. Pensons à enseigner notre judo aux débutants d’abord pour son attrait physique où les résultats sont palpables dès les premières leçons, où chacun y trouve le plaisir de réaliser de petites performances qui valorisent l’ego pour ensuite travailler de pair avec eux afin d’établir d’autres objectifs qui seront plus grands plus intellectuels de nature. Les objectifs choisis doivent être mesurables et réalisés à l’intérieur d’un calendrier d’activités qui soit bien pensé et mis de l’avant avec coordination et enthousiasme. Ce calendrier doit être connu par nos adeptes, on se doit d’en faire part aux divers responsables afin d’assurer une solidarité de la démarche. Il doit être revu annuellement, échelonner des activités mensuelles, les objectifs de cours généraux et les leçons spécifiques. Pour maintenir le titre de Sensei et responsable de cours, procédons à une réévaluation de notre façon de faire : redéfinissons nos objectifs, établissons les frontières entourant la matière à enseigner, assurons-nous de notre compétence technique et pédagogique, déterminons à l’avance comment nous allons présenter les divers principes et quels seront les moyens dont nous disposerons pour en faire la démonstration et le suivi. Dotons-nous d’outils de travail qui permettront de bonnes évaluations et maintiendront un compte rendu des résultats. Comme bénévole et enseignant, il nous faut confirmer notre engagement devant l’exigence de nos élèves qui demande d’interagir avec des gens compétents et respectueux. Nous donnons de notre temps, de notre expertise, voilà déjà de beaux cadeaux que nous faisons à nos collègues et à notre entourage. Osons se demander les questions : possédons-nous la motivation nécessaire par amour du judo et sommes-nous prêts à accepter nos responsabilités? Sommes-nous suffisamment compétent dans notre matière première? Connaissons-nous d’autres sujets de complémentarité qui puissent renforcir nos interventions: psychologie, sociologie, didactique, physiologie, anatomie etc. Sommes-nous capable de démonter notre flexibilité d’adaptation aux divers groupes, à imaginer et créer de nouvelles approches pour mieux répondre aux demandes différentes etc.? Sommes-nous en mesure de communiquer clairement et honnêtement nos idées à nos élèves, aux autres intervenants et responsables? Si nous avons des hésitations à répondre, il est grand temps d’admettre que nous ne sommes pas EXPERT en toute chose et d’embarquer dans un plan personnel de découvertes et redressements. Apprenons d’abord à mieux utiliser l’encadrement organisationnel qui nous est fourni par Judo Canada et Judo Québec concernant l’enrichissement de la formation des cadres. Cherchons à acquérir de nouvelles connaissances par le truchement de lectures choisies, d’échanges, de séminaires et stages techniques. Profitons des interventions des seniors et hauts gradés et sachons profiter des échanges inter-club. Prenons le temps de se comparer à d’autres dans le métier et ce, d’une façon constructive et non dépréciative. Gardons notre esprit d’étudiant, cultivons notre esprit critique, allons vers la découverte de choses nouvelles qui puissent être intégrées dans nos leçons.
Babillard de discussion et d’opinion selon Ronald Désormeaux
Consultons plusieurs sources de renseignements, acceptons les différences d’approches et nuançons nos conclusions. Chaque petit renseignement nouveau et intégré à nos leçons nous permettra de mieux valoriser notre enseignement. Soyons fier d’être attribué le titre de Sensei et sachons nous affirmer dans notre rôle. N’oublions pas que le respect de nous-même inspire le respect des autres.