1-diagnostic Palu 2009

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Médecine et maladies infectieuses 39 (2009) 36–40

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Peut-on remplacer en première intention le frottis/goutte épaisse par un test de diagnostic rapide pour le diagnostic du paludisme? L’expérience de Mayotte Can the thick drop/smear examination for malaria be replaced by a rapid diagnostic test in first intention ? The Mayotte experience G.-Y. de Carsalade a,∗ , R. Lam Kam a , J.-F. Lepere b , A. de Brettes a , D. Peyramond c a

Service des urgences, centre hospitalier de Mayotte, BP 04, 97600 Mamoudzou, Mayotte b Dispensaire de Bandraboua, centre hospitalier, Mayotte c Service des maladies infectieuses, centre hospitalier de la Croix-Rousse, Lyon, France Rec¸u le 29 janvier 2008 ; accepté le 10 septembre 2008 Disponible sur Internet le 31 octobre 2008

Résumé Cadre. – À Mayotte, le paludisme est un problème de santé publique. Dans la fin des années 1990, l’apparition d’un haut niveau de résistance à la chloroquine et l’augmentation du nombre de cas ont obligé à repenser la politique de prise en charge. Depuis 2001, sur toute l’île, systématiquement en première intention un test de diagnostic rapide (Optimal IT® Diamed) remplace le frottis/goutte épaisse dont les résultats étaient trop souvent tardifs. Méthode. – Nous avons colligé les données épidémiologiques du paludisme sur l’île et avons organisé, sur deux sites (le service des urgences de l’hôpital, un dispensaire), une étude prospective entre mars 2005 et février 2006 concernant tous les patients (104 et 139 cas respectivement) chez qui le diagnostic de paludisme avait été posé. Résultats. – Quatre-vingt-huit pour cent des patients au centre hospitalier et 96 % au dispensaire eurent le diagnostic de paludisme posé au premier test Optimal IT® . Lorsqu’un second test Optimal IT® était pratiqué dans les trois jours suivant un premier négatif, devant la persistance des symptômes, les parasitémies étaient faibles (0,08 à 0,66 %). Cela plaide pour des faux-négatifs du test dus à une faible parasitémie. Conclusions. – Ces résultats associés aux données épidémiologiques du paludisme à Mayotte montrent que, malgré ses limites (nécessité d’une habitude/rigueur lors de son exécution, sensibilité un peu inférieure à celle d’une goutte épaisse), l’utilisation du test Optimal IT® en première intention au lieu du frottis et de la goutte épaisse a favorisé une prise en charge plus précoce des cas de paludisme. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Settings. – Malaria is a public health problem in the French island of Mayotte (160,000 inhabitants) in the Indian Ocean. In the late 1990, resistance to chloroquine greatly increased, and so did the number of malaria cases, so that a new health policy had to be adopted. Since 2001, the initial smear/thick drop examination, the results of which took too long to obtain, has systematically been replaced by a rapid diagnosis test (Optimal IT® Diamed) in all hospitals and public health centers. Method. – Epidemiological data of malaria on the island was collected and a prospective study was made from March 2005 to February 2006, on two sites (the emergency department of the main hospital and a rural health centre) on all patients presenting with malaria (104 and 139 cases respectively). Results. – The first Optimal IT® test diagnosed the condition accurately in 88 and 96% of the cases, respectively. Every time symptoms would persist after negative test results and an Optimal IT® test was repeated within three days, the parasitemia level was low (0.08 to 0.66%). Very low parasitemia level was very likely to account for a false negative (test result).



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G.-Y. de Carsalade).

0399-077X/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medmal.2008.09.004

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Conclusions. – These results concerning malaria (and its epidemiological data) in Mayotte show that the initial use of an Optimal IT® test instead of the thin/thick blood smear results in a faster management of patients with malaria, although the Optimal IT® test is slightly less sensitive and requires training/practice. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Test de diagnostic rapide ; Paludisme ; Mayotte Keywords: Rapid diagnostic test; Malaria; Mayotte

1. Introduction Dans l’île de Mayotte, collectivité départementale franc¸aise peuplée de 160 000 habitants, située dans l’océan Indien à 300 km de Madagascar, le paludisme reste un problème de santé publique. Avant 2001, pour confirmer le diagnostic de paludisme, un frottis et une goutte épaisse (GE) étaient demandés en première intention. À cause de délais très longs pour obtenir les résultats, les prescripteurs avaient pris l’habitude de prescrire largement un traitement présomptif. Dans la fin des années 1990, l’apparition d’un haut niveau de résistance à la chloroquine et l’augmentation du nombre de cas (442 cas avaient été déclarés en 1997 sans décès, 1240 cas dont huit décès en 2000) ont obligé à repenser la politique de prise en charge. En 2001, les autorités sanitaires ont décidé de délivrer gratuitement à toutes les structures de santé de l’île des tests de diagnostic rapide (le test Diamed Optimal IT® [TO] a été choisi) pour remplacer en première intention le frottis et la GE, dont les résultats étaient trop souvent tardifs. Elles ont également préconisé l’arrêt des traitements présomptifs et ont remplacé la chloroquine par, initialement, l’association chloroquine–fansidar puis, depuis 2007, par l’arthéméter–luméfantrine. Toutes ces mesures ont été remarquablement appliquées par les différents acteurs de santé. Le remplacement du frottis/GE, méthode de référence, par un test de diagnostic rapide sur tout le territoire était-il raisonnable ? Cela ne risquait-il pas d’entraîner, pour une minorité de patient, un retard de prise en charge préjudiciable ? Pour essayer d’évaluer la première recommandation (suppression du frottis/GE en première intention et son remplacement par le TO sur l’île), nous avons, d’une part, organisé sur deux sites une étude prospective entre mars 2005 et février 2006 concernant tous les patients chez qui le diagnostic de paludisme avait été posé et, d’autre part, colligé les données épidémiologiques sur le paludisme. 2. Matériels et méthodes Le système sanitaire de l’île s’appuie sur 19 dispensaires, un seul centre hospitalier à Mamoudzou, lieu unique d’hospitalisation, et une dizaine de médecins libéraux. Dans toutes les structures de santé, le TO est pratiqué en première intention chez tous les patients ayant de la fièvre au dessus de 38,5◦ C ou toute situation clinique faisant suspecter un paludisme. Le test est fait soit par un infirmier soit par un médecin. Chaque patient ayant un TO positif bénéficie immédiatement d’un prélèvement afin de réaliser un frottis/GE pour évaluer la parasitémie. Quand le TO est positif et que l’état du

patient le permet, le patient rec¸oit un traitement antipaludique et récupère le résultat de son frottis/GE le lendemain. Sauf cas particulier, le frottis et la GE ne sont plus prescrits en première intention. Le TO (Cressier, Suisse) est basé sur la mise en évidence des lactates déshydrogénases parasitaires (pLDH) communes à toutes les espèces plasmodiales couplées à celle d’une isoforme spécifique de Plasmodium falciparum. La présence de la pLDH est révélée par des antigènes monoclonaux dirigés contre les isoformes de l’enzyme. L’enzyme a une durée de vie de 12 heures et ne permet uniquement, à la différence des tests utilisant l’HRP2, que le diagnostic de paludisme évolutif. Il permet, en revanche, le diagnostic des quatre espèces plasmodiales. Son seuil de sensibilité déclarée est de 50 à 100 parasites par microlitre (0,001–0,002 %), soit la sensibilité d’un frottis lu pendant 30 minutes par un technicien entraîné. Le résultat est obtenu en 20 minutes. Notre étude prospective s’est déroulée de mars 2005 à février 2006. Nous avons colligé les cas de paludismes diagnostiqués sur deux sites : le service des urgences du centre hospitalier de Mamoudzou, passage obligé pour tout patient nécessitant une hospitalisation et centre de consultation important, et le dispensaire de Bandraboua situé dans la zone de l’île la plus atteinte par le paludisme. Pour chaque cas, les données suivantes étaient notées : l’âge, le sexe, le type de symptôme, la durée d’évolution, le nombre de consultation(s) antérieure(s) depuis le début des signes et la prescription ou non du TO lors de cette(ces) consultation(s) et son résultat, la prescription de traitement antipaludique présomptif, les résultats des examens biologiques et l’évolution du malade lorsque celui-ci était hospitalisé. Nous avons vérifié sur les registres d’hospitalisation des services de médecine, de pédiatrie et de réanimation du centre hospitalier qu’il n’y avait pas eu des patients originaires de Mamoudzou et étant passé au moins une fois aux urgences qui nous avaient « échappé ». Dans le service des urgences, un registre des patients ayant eu un TO nous a permis de s’assurer, sur ce site, d’une déclaration exhaustive. L’histoire de la maladie de tous les patients ayant été hospitalisés en réanimation (quel que soit leur lieu de consultation sur l’île) ou ayant eu une parasitémie supérieure à 5 % durant notre étude a été colligée. Nous avons recueilli les données épidémiologiques du paludisme auprès de la Dass de Mayotte et des différents services d’hospitalisation du centre hospitalier de Mayotte. En 2005, une enquête [1] auprès de tous les médecins généralistes de l’île utilisant le TO a été effectuée. Les calculs statistiques ont été réalisés avec le test du Khi2 .

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3. Résultats Le TO est largement utilisé par les médecins de l’île : 30 422 tests ont été consommés en 2005 pour une population estimée à 160 000 habitants. De mars 2005 à février 2006, nous avons colligé prospectivement 104 et 139 fiches de recueil de données de cas de paludisme respectivement aux urgences du centre hospitalier de Mamoudzou (CHM) et au dispensaire de Bandraboua. Autant nos données sont exhaustives pour le service des urgences, autant cela correspond à environ la moitié des cas de paludisme diagnostiqués à Bandraboua (Tableau 1). Avec 243 cas cumulés sur les deux sites, l’étude comprend environ la moitié des cas de paludisme (515 cas déclarés sur toute l’île en 2005) diagnostiqués sur l’île. Les cas de paludismes vus aux urgences et au dispensaire ne sont pas tout à fait les mêmes. Beaucoup de patients impaludés vus au service des urgences avaient déjà eu un TO positif lors d’une consultation antérieure (18 sur 42). Il s’agissait des patients adressés d’un dispensaire, soit après un traitement de première ligne inefficace soit parce qu’ils présentaient des signes de gravité d’emblée. La non pratique du TO lors des consultations antérieures était due le plus souvent à l’absence de fièvre ou à une fièvre inférieure à 38,5◦ C lors de la consultation et une anamnèse peu évocatrice. Sans pouvoir définir un taux de sensibilité précis, on peut dire que le TO a permis (s’il était fait) de détecter 88 % des patients impaludés au premier test au CHM et 96 % au dispensaire de Bandraboua, zone hyperendémique de l’île. Il existe une différence significative (p < 0,02) entre les deux lieux de l’étude. Sur les deux sites, les patients ayant eu un TO négatif aux consultations précédentes étaient tous infectés par du P. falciparum. Ils avaient des parasitémies faibles quand les consultations avaient eu lieu entre zéro et trois jours avant (entre 0,08 et 0,66 %). Entre quatre et sept jours avant, les parasitémies se situaient entre 0,24 et 2,08 % ; au-delà de sept jours, il

n’y avait que deux patients qui présentaient respectivement une parasitémie à 0,66 et 11,5 %. Durant notre étude, trois cas de paludisme adressés aux urgences furent diagnostiqués par un frottis/GE en première intention. Dans deux cas sur trois, le frottis avait été fait systématiquement par le biologiste devant une thrombopénie. Dans le troisième cas, devant un tableau d’hépatosplénomégalie et d’AEG traînante un bilan biologique large en ville comprenant un frottis/GE a permis de poser le diagnostic. Dans cinq cas, malgré un TO faiblement positif (quatre aux urgences et un à Bandraboua) la recherche d’hématozoaire n’a pas été confirmée par le frottis/GE. Tous ces patients, ayant rec¸u un traitement antipaludique le jour même avant de récupérer leurs résultats de frottis/GE le lendemain, n’ont pas eu d’investigation supplémentaire. Il nous était donc impossible de savoir s’il s’agissait de réel faux-positif. Aucun des patients n’a rec¸u de traitement antipaludique s’il avait un TO négatif. Parmi les quatre patients admis en réanimation pour paludisme (tous dus à P. falciparum) durant la période de l’étude, un n’avait jamais consulté, deux patients avaient consulté une fois avant que le diagnostic de paludisme soit posé mais n’avaient pas eu de TO. Pour le quatrième, il n’y avait aucun retard de prise en charge. Le diagnostic de paludisme avait été posé le jour même grâce au TO. Devant l’aggravation de son état malgré sa mise sous Lariam® , le patient avait été adressé aux urgences. Cinq patients aux urgences ont présenté une parasitémie supérieure à 5 %.Tous ces patients étaient infectés par P. falciparum : trois étaient déjà traités pour le paludisme (TO positif ou bilan biologique), une patiente n’avait pas consulté et un patient avait eu un TO négatif (un des deux patients sus-cités au paragraphe consultation antérieure avec TO négatif) lors d’une consultation dix jours auparavant. Les trois patients du dispensaire de Bandraboua présentant une parasitémie supérieure à 5 % (toutes dues à P. falciparum) n’avaient pas consulté auparavant.

Tableau 1 Caractéristiques des cas de paludisme diagnostiqués entre mars 2005 et février 2006 aux urgences du CHM et au dispensaire de Bandraboua. Features for patients with malaria, diagnosed between March 2005 and February 2006 in the emergency ward of CHM and in the primary care unit of Bandraboua.

Nombre de cas de paludismes diagnostiqués Âge moyen (ans) Hommes (%) Femmes (%) Durée moyenne de l’ancienneté des symptômes (jours) Patients ayant déjà consulté pour les mêmes symptômes Ayant déjà eu un TO positif lors de(s) consultation(s) antérieure(s) Ayant déjà eu un TO négatif lors de(s) consultation(s) antérieure(s) N’ayant pas eu de TO lors de(s) consultation(s) antérieure(s) Pratique du TO non précisée lors de(s) consultation(s) antérieure(s) Diagnostic fait autrement que par le TO Patient ayant eu un traitement présomptif depuis le début des symptômes % de Plasmodium falciparuma avec une parasitémie moyenne (%) % de Plasmodium vivaxa % de Plasmodium malariaea Pas de parasite retrouvé à la GEa a

Résultat confirmé par le frottis.

Service des urgences du CHM

Dispensaire de Bandraboua

Total

104 21,4 61 39 4,3 42 18 11 7 3 3 0 85,5 1,1 8,4 1,2 4

139 21,6 75 25 3 11 0 5 5 1 0 0 91,2 1,2 2,4 7,2 1

243

53 18 16 12 4 3 0

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Tableau 2 Données épidémiologiques du paludisme à Mayotte de 1997 à 2007[S]. Epidemiological data for malaria in Mayotte from 1997 to 2007[S].

Nombre de cas de paludisme Hospitalisation en réanimation Nombre total des hospitalisations Nombre de décès dus au paludisme

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

442 13 DM 0

756 17 DM 3

1192 24 185 4

1240 32 225 8

631a 38 245 5

1841 18 266 2

792 10 98 1

743 8 99 2

515 2 60 0

496 4 40 0

556 2 58 1

DM : données manquantes. a Les chiffres de 2001 publiés, 631 cas, sont incomplets à cause d’une grève de plusieurs mois des microscopistes.

Le nombre d’hospitalisations tous services confondus, mais aussi dans le service de réanimation, est en nette diminution depuis 2001. Entre 2000 (dernière année sans utilisation du TO) et 2005, non seulement le nombre de cas de paludisme hospitalisé tous services confondus a diminué de manière significativement plus importante (p < 0,001) que le nombre de cas de paludisme, mais aussi le nombre de cas de paludisme hospitalisé en réanimation a diminué de manière significativement plus importante (p < 0,01) que le nombre de cas de paludisme. La mortalité due au paludisme est aussi en nette diminution depuis 2000 (Tableau 2). Sur les 53 médecins généralistes de l’île utilisant le TO, 49 (92 %) ont répondu aux questionnaires sur l’utilisation du TO [1]. Soixante-six pour cent déclaraient prescrire un frottis/GE malgré un TO négatif devant une forte suspicion clinique et 59 % déclaraient ne pas débuter de traitement présomptif malgré un tableau évocateur avec un TO négatif. Vingt-quatre pourcent disaient prescrire parfois un frottis/GE sans TO préalable, 96 % confirmaient un TO positif par un frottis/GE. Enfin, 21 % déclaraient des difficultés d’application du test (essentiellement une difficulté d’aspirer le sang jusqu’au trait avec la pipette fournie, le sang ne montant pas par capillarité), 41 % constataient rarement des tests douteux malgré l’emballage individuel du test : 85 % réalisaient alors un second test 24 heures plus tard, les 25 % restant prescrivant un traitement antipaludique. Enfin, 95 % considéraient que la surcharge de travail induite par l’utilisation du test était largement compensée par son intérêt diagnostique. 4. Discussion Depuis sa mise sur le marché, plusieurs études [2–12] ont montré l’intérêt du TO. Elles ont retrouvé une sensibilité et une spécificité comprises entre 80 et 100 %. L’intérêt de notre étude est d’évaluer sa « robustesse » quand il est utilisé par de nombreux acteurs de santé (médecins, infirmiers principalement), mais aussi et surtout d’évaluer le remplacement en première intention du frottis/GE par le TO dans le contexte particulier de Mayotte. Comme beaucoup d’auteurs l’ont souligné [13–15] et comme les résultats de l’enquête auprès des médecins de l’île sur l’utilisation du TO le confirment [1], la pratique du test demande une certaine habitude (difficulté d’aspirer les 10 ␮l de sang avec la pipette donnée) et de la rigueur dans son exécution. La lecture des bandes tests lors d’une antigénémie faible est parfois délicate. La lecture du test doit se faire peu de temps après que celui-ci ait été terminé car parfois, une demi-heure à une heure

après, apparaît une coloration a minima des bandes tests qui n’a pas de signification. Depuis 2004, une présentation du TO en sachet individuel (mieux adapté au degré d’hygrométrie élevé local) a fait presque totalement disparaître les tests douteux. Malgré tous ces inconvénients mineurs, quatre ans après sa mise en place, on peut noter une très bonne appropriation du test par les soignants : 30 422 TO avaient été utilisés en 2005 et il n’y avait eu que trois cas de paludisme sur les 243 de l’étude qui avaient été diagnostiqués autrement que par TO. Sur le site de Bandraboua, nous avons recueilli environ la moitié des cas diagnostiqués durant l’étude ce qui est en accord avec le fait qu’un seul médecin sur les deux travaillant au dispensaire avait participé à l’étude. Leur fonction au sein du dispensaire étant identique, la répartition des patients qu’ils voient étant le plus souvent aléatoire et notre étude étant prospective, cela n’est pas une cause de biais statistique. Avec 96 % des paludismes diagnostiqués au premier TO au dispensaire de Bandraboua et 88 % aux urgences, nous retrouvons une sensibilité équivalente à celle des études sus-citées. La différence de pourcentage entre les deux sites est significative (p < 0,02). Une prévalence plus importante du paludisme chez les patients consultants pour une fièvre à Bandraboua (zone la plus atteinte de l’île) peut expliquer partiellement cette différence. Une meilleure pratique/habitude du test par un personnel médical et paramédical qui en fait beaucoup plus qu’aux urgences l’explique probablement aussi. Lorsque le second TO était pratiqué dans les trois jours qui suivait le premier devant la persistance des symptômes, les parasitémies étaient faibles (0,08 à 0,66 %) et cela traduisaient, très probablement le plus souvent, un faux-négatif du test à cause d’une parasitémie initiale faible. Cela souligne l’importance de répéter le TO dans le temps comme on le faisait pour la GE. Il est à noter que tous ces fauxnégatifs initiaux étaient des patients atteints par le P. falciparum. N’ayant pas pratiqué de frottis/GE systématique à toute suspicion de paludisme, il est possible que des patients ayant eu des parasitémies faibles, d’autant plus qu’elles furent à Plasmodium vivax ou malariae, aient guéri sans traitement. Notre étude montre aussi que l’abandon des traitements présomptifs n’est pas préjudiciable aux patients à condition de savoir répéter régulièrement les TO si la symptomatologie persiste. Les suspicions de TO faussement positifs (frottis/GE négatif sur le prélèvement fait immédiatement après un TO faiblement positif) n’ont pu être investigué car, en pratique, un traitement antipaludique avait toujours été débuté avant que le patient ne récupère leurs résultats le lendemain. Néanmoins, le nombre beaucoup plus important de faux-positifs aux urgences qu’au

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dispensaire (quatre versus un) s’explique entre autre par une meilleure appropriation du test par le personnel du dispensaire de Bandraboua comme nous le suggérions dans le paragraphe précédent. Une meilleure appropriation/utilisation du test se traduisant par moins de faux-positifs et moins de faux-négatifs de celui-ci. L’analyse des dossiers des patients hospitalisés de mars 2005 à février 2006 ayant eu le plus de risque d’avoir une prise en charge retardée (les patients hospitalisés en réanimation et ceux ayant une parasitémie supérieure à 5 %) montre qu’à part un cas (patient ayant une parasitémie à 11,5 %, dix jours après un premier TO négatif) où l’on peut surtout regretter que le patient ait attendu si longtemps pour reconsulter, aucun patient n’a eu à pâtir de la prescription en première intention du TO. Entre 2000 (dernière année sans TO) et 2005 (année de notre étude), il y a une diminution significativement plus importante (p < 0,001) du nombre d’hospitalisations pour paludisme tous services confondus que du nombre de cas de paludisme ainsi que du nombre d’hospitalisations en réanimation que de cas de paludisme (p < 0,01). Ces chiffres sont en faveur d’une prise en charge plus précoce du paludisme bien que la modification du protocole thérapeutique de première intention (chloroquine–fansidar en 2005 versus chloroquine en 2000) ait eu aussi une influence. 5. Conclusion Dans le contexte particulier de Mayotte, notre étude prospective et le recueil des données épidémiologiques de l’île nous permettent de conclure que la suppression du frottis/GE en première intention et son remplacement systématique par un test de diagnostic rapide, le TO, a favorisé une meilleure prise en charge du paludisme. Néanmoins, il nous faut souligner ses limites : test nécessitant une certaine habitude/rigueur pour obtenir, en pratique courante, une sensibilité et spécificité la plus proche possible de celle rapportée dans les études mais, de toute fac¸on, une sensibilité un peu inférieure à la GE. Le succès de ce test ne doit pas faire oublier de préciser aux patients que le TO doit être répété si la symptomatologie persiste, comme on le faisait avec le frottis/GE. Durant toute la durée de notre étude, nous n’avons eu a déploré qu’un retard de prise en charge potentiellement préjudiciable pour un patient qui avait pratiqué son second test dix jours après un premier TO négatif alors que sa symptomatologie persistait.

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