La théorie des nombres et la musique: De Pythagore à aujourd'hui
Présenté à Madame Monica Nevins
Par Jean-François Lécuyer Romy Nehmé Gilbert Bélec
Université d'Ottawa Le 12 avril 2005
Résumé On serait porté à croire que les mathématiques et la musique n'ont aucun lien. Pourtant, c'est tout le contraire. Les deux sont en quelque sorte indissociables. Le lien principal entre les deux : les proportions. Mais plusieurs autres concepts de la théorie des nombres ont aussi un lien avec la musique : les nombres premiers, l'incommensurabilité, les fractions continues, les résidus quadratiques et même le théorème des restes chinois. Les deux premiers se rapportent principalement à la consonance des intervalles musicaux, alors que les autres ont un lien avec l'acoustique des salles de concert entre autres. Dans ce travail, nous allons d'abord aborder l'histoire de cette relation entre les mathématiques et la musique dans la section 1. À la section 2, nous allons définir quelques notions de base, entre autres les intervalles musicaux et leur addition, les proportions superparticulières et les proportions de nombres multiples. La section 3 traite des différentes théories de consonance. Plus particulièrement, cette section aborde différentes approches qui ont été utilisées pour essayer d'exprimer mathématiquement la structure de la gamme utilisée aujourd'hui. La théorie d'Euler est abordée dans la section 4. Cette théorie essaie de définir une mesure de la dissonance d'un accord. Dans la section 5, nous regardons de plus près les différents types de gammes musicales, entre autres la gamme pythagoricienne, l'intonation juste, le meantone et la gamme en tempérament égal. Par la suite, la section 6 aborde la notion de polyrythmes. Finalement, la section 7 porte sur le diamant de tonalité. Le tout se termine avec un regard sur le futur de cette relation entre la musique et les mathématiques.
1. Un peu d'histoire Ce survol de l'histoire est basé sur [3]. On peut lire un peu partout que ce sont les Grecs qui ont pour la première fois reliés la musique et les mathématiques, mais c'est faux en réalité, car c'est en Chine que tout a débuté. Mais, tout d'abord, voici quelques définitions importantes qui aideront à comprendre ce survol de l'histoire. Définition: 1) Une gamme est l'ensemble des différentes notes contenues dans l'intervalle d'un octave. 2) Une n-limite est une borne supérieure sur la complexité des harmonies admises par une gamme – cette définition sera utile lorsque nous aborderons le diamant de tonalité (section 7). Tout a d'abord commencé en Chine en l'an 2700 B.C. Lin Lun a trouvé une façon simple de construire une gamme pentatonique. Il a d'abord commencé avec une tige de bambou contenant 81 parties et il a ensuite coupé des tiges de bambou selon la séquence suivante:
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X1 = 81 X2 = 81 – 81/3 = 54 X3 = 81 – 81/3 + 54/3 = 72 X4 = 81 – 81/3 + 54/3 – 72/3 = 48 X5 = 81 – 81/3 + 54/3 – 72/3 + 48/3 = 64 n-1
On peut résumer cela par X1 = 81 et Xn = 81 + Σ (-1)i * Xi/3 pour n = 2,3,… i=1
Prenons ensuite la proportion que ces valeurs représentent par rapport aux 81 parties initiales. On obtient: 1/1, l'harmonie parfaite, et ensuite, on a 81/54 = 3/2 pour les 54 parties et on continue ainsi de suite pour obtenir les proportions 9/8, 27/16 et 81/64. C'est une version de ce qui sera plus tard la gamme de Pythagore , définie dans le paragraphe suivant, que Pythagore a défini au 6e siècle B.C. indépendamment. Définition: La gamme pythagoricienne est une gamme composée d'intervalles représentés par des proportions qui sont des multiples de 3/2 et 4/3. Il a aussi été le premier à diviser la gamme en 12 parties égales et a définir les proportions, en plus de découvrir l'incommensurabilité, c'est-à-dire l'existence des nombres irrationnels, qui a un rôle à jouer dans la théorie de la musique. La gamme de Pythagore sera définie dans la section 5. Vers 330 B.C, Archytas a un peu modifié la gamme pythagoricienne. Il a remplacé l'intervalle représenté par la proportion 81/64 par celui représenté par 80/64 = 5/4, qui donne un son beaucoup plus consonant. Il a aussi remplacé 9/8 par 8/7 qui, croyait-il, sonnait mieux à l'oreille, ce qui n'est pas le cas en réalité comme nous le verrons dans la section 2. Plus tard, vers 100 B.C., Ptolémée a défini sa version de la gamme. Les intervalles composant cette gamme correspondent aux proportions : C-D G-A
9/8 10/9
D-E A-B
10/9 9/8
E-F B-C
16/15 16/15
F-G
9/8
De plus, ses travaux impliquaient aussi qu'il avait eu connaissance le premier des proportions basées sur la 11-limite, abordée plus en détail dans la section 7. Mais plus tard, un philosophe nommé Porphyrie a condamné cette gamme parce qu'elle n'était pas bien divisée. Pour comprendre pourquoi, nous avons besoin de deux définitions: Définition: 1) Un demi-ton est la différence entre deux notes consécutives sur un piano (e.g. pour la gamme pythagoricienne, entre E et F, cette différence est la proportion 256/243 comme différence proportionnelle) 2) Un ton est composé de deux demi-tons
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Donc, Porphyrie a remarqué que si on enlève deux tons de l'intervalle représenté par la proportion 4/3, qui est en fait deux tons plus un demi-ton, on n'obtient pas un demi-ton, ce qui est une contradiction, ce qui fait que la gamme de Ptolémée n'est pas bien définie, car 4/3 * 8/9 * 8/9 = 32/27, qui n'est pas un demi-ton. Au 4e siècle, le Chinois Ho Tcheng-Tien a en quelque sorte défini la notion de tempérament égal plus de 1300 ans avant sa découverte en Europe. Définition: Un gamme en tempérament égal est une gamme qui est divisée en 12 intervalles exactement égaux. Il a aussi déterminé la longueur nécessaire des cordes pour ce type de gamme, mais il a fallu attendre au 17e siècle pour avoir une formule explicite, découverte par Marin Mersenne. Cette notion de tempérament égal est abordée dans la section 5. Au 16e siècle, Fransisco de Salinas est crédité pour avoir inventé le Meantone Temperament, un autre type de gamme musicale qui sera aussi abordée dans la section 5. Environ à la même époque, Gioseffe Zarlino a découvert que les intervalles les plus consonant étaient, en ordre du plus consonant au plus dissonant: 1) Ceux dont les proportions étaient formées de nombres successifs, e.g. 4/3, 2) Ceux impliquant des nombres composites plus petits que 6, c'est-à-dire des proportions qui sont des produits de proportions composées de nombres successifs plus petits que 6, e.g. 5/3 (=5/4 * 4/3) 3) Ceux impliquant des nombres composites plus grands que 6. Au 17e siècle, le mathématicien Marin Mersenne a montré mathématiquement que les intervalles composés du nombre 7 étaient aussi consonants, car les proportions engendrées s'approche des proportions de Pythagore. Nous n'aborderons pas ce sujet en détail ici. Au 18e siècle, Leonhard Euler est arrivé avec sa théorie de la musique, qui portait principalement sur la consonance et la dissonance des intervalles. Cette théorie sera discutée dans la section 4. Finalement, on peut aussi noter la contribution d'Hermann Helmholtz (19e siècle) qui a fait une analyse du rythme. Au début du 20e siècle, Arnold Schonberg a proposé une base en 12 tonalités au lieu de 7. Finalement, Harry Partsch a découvert le diamant de tonalité, sujet de la section 7, quelques années plus tard.
2. Notions fondamentales de la musique Cette section a pour but de définir quelques notions de base en relation à la musique et aux mathématiques. Il est important de commencer d'abord avec quelques définitions fondamentales.
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Définitions: 1) Un intervalle musical est la distance entre deux notes, représenté par une proportion. 2) Un octave est un intervalle qui correspond à la proportion 2/1. 3) L'addition des intervalles musicaux x/y et z/x résulte en l'intervalle musical caractérisé par la différence entre la première note du premier intervalle et la deuxième note du deuxième intervalle. Voici aussi un diagramme qui montre les différentes notes musicales, ainsi que les intervalles les plus utilisés avec leurs proportions.
Théorème: L'addition des intervalles musicaux se traduit par une multiplication de leurs proportions. [1] Cette transformation de la multiplication en addition se rapproche en fait de la notion de logarithme. Remarque: Beaucoup de gens croient qu'il aurait été plus simple de nommer les intervalles de manière à ce qu'on n'ait pas à les traiter différemment mathématiquement. En effet, si les intervalles avaient été définis selon le nombre de tons entre les deux notes, par exemple C à E = 2, au lieu du nombre de notes contenues dans l'intervalle, C à E = 3 alors l'addition des intervalles aurait aussi été une simple addition au niveau mathématique. Notation: On dénote les deux notes de l'intervalle de l'octave par X à x, où x est la note supérieure. Exemple: Divisons l'octave en deux intervalles, la quarte et la quinte, donc C à F 4/3, et F à c 3/2 . Pour l'addition des intervalles C – F et F - c, on obtient l'octave 2/1 = 4/3 * 3/2 en utilisant l'opérateur *. Une façon plus naturelle de traiter l'addition des intervalles, mentionnée dans la remarque, serait de définir C à F est égal à 3, le nombre de sauts effectués, et ainsi F à c aurait une valeur de 4. Ainsi, C – c = C – F + F – c = 3 + 4 = 7 sauts, ce qui est constant avec l'octave, et donc nous pourrions seulement additionner le nombres de sauts pour additionner les intervalles au lieu d'utiliser la multiplication.
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En autres mots, une concrétisation de cet exemple serait de traiter la relation entre les proportions et les intervalles en terme du nombre de vibrations. [2] Remarque: Afin que cela ne porte pas à confusion, lorsque que vous rencontrez un intervalle où la proportion est supérieure à 1, e.g. 4/3, il est exprimé comme une proportion de fréquences, tandis que son inverse dénote une proportion indiquant l'endroit même où doit être pincée la corde pour obtenir l'intervalle en question. Exemple: Si une corde vibre 200 fois par seconde lorsqu'elle est frappée, alors la note un octave au-dessus vibrera 400 fois et celle deux octaves au-dessus, 800 fois. En effet, un octave correspond à la proportion 2/1. Donc, 200 * 2/1 = 400 200 * 2/1 * 2/1 = 800 On peut représenter cela comme une série géométrique avec une valeur initiale de 200 et une raison de 2: 200 * 2n Dénotons le nombre de vibrations de la note initiale par C1 et celle un octave au-dessus par C2. On a donc: C1/C2 = 1/2 ↔ 2C1 = C2 Mais, la longueur des cordes est inversement proportionnelle au nombre de vibrations, ce qui nous donne : L1/L2 = 2/1 ↔ L1 = 2L2 où L1 et L2 sont les longueurs des cordes. Donc, la longueur des cordes diminue de moitié lors qu'on monte d'un octave, mais le nombre de vibrations doublent. Il est aussi intéressant de noter qu'un système de notes est déterminé pour un octave en particulier, et il est reproduit pour les octaves suivants. Donc, les symboles qui sont utilisés déterminent les notes pour un seul octave. Par exemple une note qui est 6 tons au dessus de la note C serait à nouveau la note c, bref, si on emploie le ton comme unité de base, les opérations que nous effectuons sont en (mod 6). Dû à l'infinitude des notes, on rencontre une autre contradiction au niveau mathématique, parce que par exemple, C à G + G à g = C à g, ce qui constitue toujours un quinte, mais un octave plus haut, ce qui correspond à la proportion 3/2*2/1 = 3/1, donc différente de la proportion initiale de 3/2. Il serait donc intéressant de trouver un moyen de ramener
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cette proportion entre 1 et 2, c'est-à-dire à l'intérieur de l'octave, comme nous l'avons fait avec la nomenclature des notes. Ceci est un problème qui reste ouvert. Maintenant, passons aux proportions superparticulières, qui relient aussi la consonance des intervalles musicaux et les proportions. Définition: Les proportions superparticulières sont des proportions qui sont de la forme (n+1)/n lorsqu'elle sont réduites, comme 6/4 =3/2. Le travail d'Archytas sur les proportions superparticulières a été très important. Il a déterminé que pour les nombres plus petits que 4, les proportions superparticulières donnaient des intervalles consonants. Il y a aussi prouvé le théorème suivant: Théorème: Une proportion superparticulière ne peut être divisée exactement en deux parties égales par un nombre entier – c'est-à-dire qu'il n'existe pas de proportions qui divise également une proportion superparticulière. [2] Preuve: Nous voulons montrer que si B/A = X/Y * X/Y, et que B/A est superparticulière, alors X ou Y n'est pas un entier; ce qui montrera qu'on ne peut diviser un intervalle représenté par des proportions superparticulières en deux parties égales par un nombre entier. Supposons que B/A est une proportion superparticulière. Alors il existe C, un nombre entier, tel que (C+1)/C = B/A. Mais B/A = X/Y * X/Y = X2/Y2, donc (C+1) – C = X2 – Y2 et donc X2 – Y2 = 1, et la seule solution dans les entiers est X = 1 et Y = 0, d'où B/A = 1/0, qui est impossible. Les proportions de nombres multiples ont aussi un lien avec la consonance des intervalles. Définition: Les proportions de nombres multiples sont des proportions (pas nécessairement superparticulières) qui sont composées de multiples de petits nombres premiers. Exemple: Les intervalles avec les proportions 9/8 et 8/7 semblent très près l'un de l'autre, mais celui avec la proportion 9/8 sonne probablement beaucoup plus harmonieux à l'oreille, car il est composé de multiples de 2 ou de 3, alors que 8/7 est entre autres composé du nombre premier 7. La proportion 16/9 est également composée de multiples de 2 et 3. Comme le nombre 7 est plus grand que les facteurs impliqués dans les proportions 9/8 et 16/9, l'intervalle qui a comme proportion 8/7 sera plus dissonant, malgré ce qu'on peut penser. [2,3] Comme les intervalles de la gamme de Ptolémée (voir section 1) sont représentés par des proportions de nombres multiples, c'est une gamme consonante. En effet, les nombres composant les proportions de sa gamme sont tous des multiples de 2,3 ou 5.
3. Théories des proportions et de la consonance
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Cette section a pour but d'introduire les principales théories relatant les proportions et la consonance des intervalles musicaux. Ces théories permettent de comprendre un peu mieux la structure des différentes gammes musicales. Les principaux sujets abordés ici seront la moyennes harmonique, la moyenne arithmétique, ainsi que la méthode géométrique de Kepler. Pythagore était convaincu que tout phénomène pouvait être expliqué uniquement par les nombres, en particulier les petits nombres naturels. Comme la musique était considérée une science au temps des Grecs, Pythagore fût le premier à établir les quatre consonances fondamentales de la gamme musicale. Jetons tout d'abord un coup d'oeil à la moyenne harmonique et en quoi elle est relié à la musique. Définition: Soit a,b,c E N. On dit que b est la moyenne harmonique de a et c si (a-b)/(b-c) = (a/c)
(1)
Si l'on combine cette équation avec la proportion de l'octave exprimée par a = 2c
(2)
on obtient, par substitution de (2) dans (1): b = (4/3)c. En effet, nous obtenons : (2c-b)/(b-c) = 2 2c-b = 2b-2c 4c = 3b b = (4/3)c Un des solutions à cette équation est b = 4 et c = 3, d'où on obtient a = 2*3 = 6 La série liée à cette moyenne harmonique, appelée série harmonique, est 6,4,3 (a,b,c). Cette série représente la division de l'octave en deux intervalles: la quinte en dessous de C, e.g. 6/4=3/2, et la quarte au-dessus de C, e.g. 4/3. Donc, l'unisson, 1/1 (C-C), l'octave 2/1(C-c), la quinte 3/2 (C-G) et la quarte 4/3 (G-c) constituent les quatre consonances de base de Pythagore. Remarque: On aperçoit que Pythagore omet la tierce (84/61) et la sixte (27/16) de sa liste d'intervalles consonants. De plus, Pythagore fût le premier à établir la loi suivante:
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Théorème: Si une corde est divisée selon une des quatre proportions correspondant aux consonances de Pythagore et qu'on pince la corde à l'endroit défini par cette proportion, suivie de la corde en entier, on entend l'intervalle défini par cette proportion. Cependant, la moyenne harmonique n'est pas la seule à avoir un lien avec la musique. On peut aussi jeter un coup d'oeil à la moyenne arithmétique. Définition: Soit a,b,c E N. On dit que b est la moyenne arithmétique de a et c si a-b = b-c
(3)
Perçue de cette façon, la gamme peut aussi être divisée arithmétiquement. Une des solutions pourrait être a = 4, b = 3, c = 2, d'où la série arithmétique, série liée à la moyenne arithmétique, 4,3,2 qui représente la division de l'octave de la façon suivante: la quarte en dessous (C-F), et la quinte au-dessus (F-c). Cette définition fut surtout utilisée pendant le Moyen-âge, surtout jusqu'au 12ème siècle, lorsque les influences de la musique occidentale, plus précisément le style musical polyphonique devint populaire. Ce style était caractérisé par une juxtaposition de plusieurs mélodies indépendantes, formant un tout harmonique, c'est-à-dire consonant, tel les chants grégoriens. Cependant, ce style évoquait les tierces et les sixtes, même que les compositeurs de cette période terminaient leurs pièces sur de tels accords sans sentir le besoin de résoudre la cadence (succession de groupes de notes pour réaffirmer la note principale et ajouter une pause dans la musique). Donc, à l'encontre de Pythagore, Zarlino a élargi la base d'intervalles consonants à l'aide de la série harmonique suivante: 15,12,10, où les deux composantes 15 et 12 forment la tierce mineure 5/4 et les composantes 12 et 10 forment la tierce majeure 6/5. En procédant de la même façon avec la série 8,5,3, on dérive la sixte mineure 8/5 et la sixte majeure, 5/3. Zarlino cherchait aussi à résumer les consonances par un trait qui s'appliquerait à l'ensemble des huit intervalles consonants. Zarlino remarquât que le nombre spécial était le '6', auquel nous avons fait référence dans notre survol historique, car tous les intervalles sont produit à partir des six premiers nombres naturels, excluant 0. De plus, il justifiait ce nombre harmonique en disant que '6' est le premier nombre parfait (i.e 1 + 2 + 3 = 1*2*3 = 6). Cependant, sa théorie n'était pas infaillible car il n'avait pas de raison crédible pour expliquer l'exception du '8' dans la sixte mineure sauf le fait que 8 = 4 + 4. Comme Zarlino, Kepler se basât sur les recherches de Pythagore, mais lui aussi n'était pas satisfait par l'omission des sixtes et des tierces. Cependant, pour lui, contrairement à ses prédécesseurs, les nombres n'étaient que des symboles discrets tandis que le son, lui, est continu. Logiquement, les consonances devaient être expliquées par des quantités continues. Dans son traité Harmonice Mundi, Kepler décrit que l'âme est au corps ce
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qu'est la courbe à la droite et d'après sa métaphysique étourdissante, il explique que le cercle est la source des proportions harmoniques. [5] D'après Kepler, la sphère représente la trinité, le centre, le Père, la surface son Fils et l'espace engendré, le saint esprit. Méthode géométrique: 1) dessiner un cercle de circonférence C avec un compas. 2) inscrire un polygone régulier à k côtés à l'intérieur du cercle avec une règle – il en résulte k arcs égaux de longueur Ck 3) les divisions créées par le polygone inscrit génèrent des proportions qui surviennent lorsqu'on compare des arcs découpés. Définitions: a) la partie est la proportion de la longueur (C1 + C2 + … )/C où Ci est l'arc du cercle sous-tendu par le côté du polygone tel que la somme des longueurs Ck des arcs est inférieure à ½ * C. b) le résidu est la proportion qui reste du cercle après y avoir retranché sa partie: (C – (C1 +C2 +...))/C c) le total est le nombre de côtés du polygone: k On veut maintenant comparer les proportions suivantes :total/partie (kC/(C1+C2+...), total/résidu (kC/(C-(C1+C2+...)) et résidu/partie ((C-(C1+C2+...))/(C1+C2+...)). Certaines conditions s'appliquent: Restrictions: 1) Seulement les polygones qui peuvent être construits avec un compas et une règle seront considérés. (i.e ceux qui ne peuvent pas être construits sont tels que leurs côtés sont incommensurables avec leur diamètre) – Kepler choisit cette raison en fonction de la compréhension de l'homme par rapport au travail de Dieu: si quelque chose n'était possible à construire, alors Dieu ne voulait pas que les humains peuvent le comprendre. [7]. Remarque: Ceci implique que les seuls polygones qui satisfont à ce critère ont k côtés, k généré par les séquences suivantes, où n E N, p est la partie et r est le résidu. Par exemple, on peut avoir p=2, r=3 et k=5. K1 = p*2n = {2,4,8,16,………} K2 = r*2n = {3,6,12,24,48,………} K3 = k*2n = {5,10,20,40,80,………} Nous allons voir plus tard qu'il survient des exceptions à cette règle.
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Cependant, comme les intervalles plus grands que l'octave sont permis, la restriction 1) n'est pas suffisante pour éliminer les redondances et à ce point, on génère un nombre infini de consonances. Donc, il faut ajouter la condition suivante 2) Les répétitions sont éliminées en raison de l'identité qui dit que deux notes qui forment l'intervalle d'une octave, les multiples par 2/1 de toute proportion déjà obtenue, sont équivalentes (i.e toute forme réductible, e.g. 8/6, est éliminée par la réduction permissible dans notre théorie des proportions car elle est équivalente à l'intervalle 4/3, déjà trouvé à ce point via la construction d'un polygone avec moins de côtés). Remarque : Même avec les deux premières restrictions, on aboutit encore avec un nombre trop grand de consonances, car en éliminant le 7 dû au fait qu'on ne peut construire un heptagone, ce qui nous assure que le ratio 7/1 (extrêmement dissonant) ne s'infiltrera pas dans notre ensemble de consonances, ce même ratio est réintroduit avec l'octogone, où un ratio résidu/partie donne la proportion 7/1, ce qui n'est pas consonant. 3) La section du cercle du polygone régulier génère une proportion consonante si et seulement si aucune des proportions total/partie, total/résidu et résidu/partie d'un polygone avec j côtés ne peut être générée par un polygone non constructible avec i, i <= k côtés. Cela veut dire que si une des trois proportions, pour un nombre fixe de côtés, est générée par un polygone non constructible, alors aucune des trois proportions ne peut produire un intervalle consonant. Par exemple, le ratio 8/5 (total/partie), généré par l'octogone, est permissible puisque ni 5/3 (résidu/partie) ou 8/3 (total/résidu) n'ont été éliminés par la restriction 1. Par contre, le ratio total/résidu 8/7 dans l'octogone est éliminé, car le ratio résidu/partie 7/1 correspondant est éliminé par la restriction 3 où le polygone non constructible est l'heptagone. Avec cette méthode géométrique, Kepler génère un total de 8 consonances avec seulement sept divisions; toutes les autres génèrent des dissonances ou des répétitions. Malgré le fait que cette théorie s'avère fort intéressante, un aspect erroné a éludé Kepler : Gauss en 1796 a démontré que certains polygones jugés non constructibles par Kepler, tel le polygone régulier à dix-sept côtés est en fait constructible avec seulement une règle et un compas. Sa théorie s'est écroulée suite à de telles mauvaises assomptions fondamentales à sa méthode. (voir restriction 1). Voici tout de même un tableau qui montre les intervalles produits par différents polygones, ainsi que leur consonance.[7]
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Tableau :
Kepler attaqua ensuite la définition de proportion harmonique en disant qu'il n'y avait pas de corrélation entre les proportions consonantes et les proportions harmoniques tandis qu'on associe généralement ce qui est harmonique à ce qui est consonant, plaisant à entendre. Par exemple, une séquence harmonique qui ne produit pas des proportions consonantes est 28, 24,21 où 24/21=8/7 et 28/24=7/6, deux intervalles plutôt dissonants. Kepler stipule alors que tout ce qui est entre deux notes consonantes et qui est lui-même consonant avec ces deux mêmes notes est alors consonant.
4. La théorie d'Euler Dans cette section, nous allons aborder la théorie d'Euler, qui a essayé de mesurer la dissonance d'un accord. La théorie d'Euler concorde avec sa façon de penser, soit que le cerveau humain jouit de l'ordre et des lois. Ce qu'Euler a tenté de faire est ce que plusieurs autres théoriciens ont délibérément essayer de contourner: définir une mesure quantitative de la dissonance d'un accord. Pour ce faire, il exprime le ratio de la fréquence d'un accord par le plus petit commun multiple des constituants de l'accord. La simplicité même de cette théorie mène par contre à plusieurs conclusions absurdes. Définition: La mesure de dissonance d'Euler est égale à ppcm(a,b,c,d) où a:b:c:d représente le ratio des quatre notes d'un accord formé par les notes X-Y-Z-A avec b/a = Y/X, c/b = Z/Y et d/c = A/Z. Ceci est également décomposable, c'est-à-dire valide pour 3 notes.
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Exemple: Si l'on prend l'accord de Do majeur, composé de C – E – G – c, le ratio de fréquence est donné par 4:5:6:8 et ppcm(4,5,6,8) = 120. Maintenant, prenons en considération l'accord extrêmement dissonant C – E – G – B où la septième majeure remplace l'octave. Cet accord donne le ratio 8:10:12:15 et ppcm(8,10,12,15) est aussi 120. Immédiatement, nous observons que le nombre de dissonance manque de précision et que deux accords tout à fait différents en fait de beauté esthétique du son produit sont identifiés par la même mesure de dissonance. Bref, elle ne touche pas au sujet du pourquoi on apprécie la musique, et si on prend l'accord de C – G – c, c'est-à-dire Do majeur moins sa tierce majeure C-E, ce qui forme un accord moins riche, ppcm(4,6,8) = 24. Ce résultat nous indique que le plus de notes qu'on néglige, le plus plaisant est l'accord qui en résulte. Si on exploite cette pensée, on serait porté à croire que le silence est la consonance parfaite.
5. L'élaboration des différentes gammes: Cette section porte sur les différents types de gammes musicales qui ont été utilisées à travers l'histoire. Définition: 1) un demi-ton chromatique dt constitue un demi-ton où les deux notes adjacentes ont le même nom, par exemple A et Ab. 2) un demi-ton diatonique dc constitue un demi-ton où les deux notes adjacentes ont un nom différent, par exemple A et G#. (La différence entre les deux est 1/18 de ton) 3) un ton constitue un demi-ton diatonique et un demi-ton chromatique, par exemple, un ton A – B est décortiqué en deux demi-tons, A – Bb – B, le premier A – Bb, est diatonique et le second, Bb- B est chromatique. La gamme de Pythagore Pythagore avait initialement quatre notes dans son octave, qui ressemble à C - - - F – G - - c. Pour trouver les notes manquantes, il suffit de répéter la séquence suivante: 1) monter d'une quinte (multiplier la proportion par 3/2) 2) monter d'une autre quinte (multiplier la proportion par 3/2) 3) descendre d'une octave (multiplier la proportion par 1/2) Si on commence avec le C fondamental et qu'on franchit deux quintes vers le haut et ensuite une octave vers le bas, on obtient la deuxième note de l'octave, D et C-D correspond à (3/2)(3/2)(1/2) = 9/8 ce qui implique qu'on doit pincer la corde à 8/9 de la longueur de la corde fondamentale pour produire cette note. Pour E, on franchit 4 quintes vers le haut, et deux octaves vers le bas, donc C-E = (3/2)4(1/2)2 = 81/64, etc. À la fin, on obtient la gamme définie par: C→C=1
C → D = 9/8
C → E = 84/61
C → F = 4/3 13
C → G = 3/2
C → A = 27/16
C → B =243/128
C → c = 2/1
Au premier coup d'œil, tout semble être mathématiquement correct. Monter de 12 quintes devrait nous donner la même note que monter de 7 octaves, car un octave = 12 demi-tons et une quinte = 7 demi-tons, alors 12*7 demi-tons = 7*12 demi-tons. Si on traduit cela en une expression mathématique, on devrait avoir que (3/2)12 = 27, mais (3/2)12 = 531441/4096 ≅ 129.746 et 27 = 128, donc ils ne sont clairement pas égaux =><=. C'est ce qu'appelle le comma pythagoricien. Cela échoue car: Théorème: Soit p et q des nombres premiers, p ≠ q. Alors px ≠ qy, ∀ x,y E N. Preuve: Par le théorème fondamental d'arithmétique, nous savons qu'il existe qu'une seule factorisation pour n'importe quel nombre z. Puisque la factorisation de px est p*p*......*p et la factorisation de qy est q*q*.......*q, il ne peuvent être égaux. Corollaire: 12 demi-tons ≠ 1 octave (*) et il n'existe aucune telle relation possible. • Méthode des fractions continues pour approximer une solution à l'équation (*) On peut prendre le logarithme en base 2 de chaque côté de l'expression 2x = 3y pour obtenir log22x = log23y. Ceci est équivalent à x*log2(2) = y*log2(3) <=> x = y*log2(3) et on désire avoir une solution avec des nombres rationnels pour x et y. Malheureusement, log2(3) (**) n'est pas un nombre rationnel. C'est ici où rentre en jeu la méthode des fractions continue comme moyen d'approximer (**) par un nombre rationnel. Ceci est atteint en coupant l'expansion à aN où on obtient le Nième convergent rationnel pN/qN. Théorème 1 : Si x est un nombre irrationnel et n >=1, alors
Preuve: voir [8]. Théorème 2: Si x est un nombre irrationnel, n>=1, 0 < q <= qn, avec p, q entiers, et p/q n'est pas égal à pN/ qN., alors,
Preuve: voir [8].
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Si on retourne à notre problème, ceci nous indique que notre problème se résume à évaluer 2x = 3 en imposant la condition plus stricte de ne considérer que les nombres rationnels et non pas juste des nombres entiers. La solution apparaît maintenant beaucoup plus simple; si on prend z = log23, et qu'on l'approxime par un nombre rationnel, on a que son expansion est: [1,1,1,2,2,3,1,5,2, 23,2,2,1,...] où les quelques premiers convergents sont: 1, 2, 3/2, 8/5, 19/12, 65/41, 84/53, 485/306. [8] Donc, pour chaque approximation, on a 3 = 2 log23 est approximativement égal à 2 pN/ qN où qN représente le nombre de demi-ton dans notre nouvelle octave et pN représente le nombre de demi-tons qu'il faut pour obtenir une quinte un octave plus haut. Notre système est basé sur le 4ème convergent ce qui nous donne que 12 quintes = 7 octaves + 0.019, mais il serait possible d'adopter d'autres convergents, tel que 53 quintes = 31 octaves + 0.003, qui a été suggéré par Nicolas Mercator, mathématicien danois qui a trouvé des manuscrits anciens rédigés par le théoricien chinois King-Fang deux siècles avant J.C. Ce système de gamme comprendrait 53 notes et serait aussi riche en consonances que la gamme à 12 demi-tons, et elle diminuerait la fausseté du comma pythagoricien! Mais hélas, la controverse continue. Maintenant, revenons à la gamme pythagoricienne. On veut maintenant trouver la valeur d'un ton pythagoricien. •
Pour trouver la valeur d'un ton pythagoricien t, on utilise le fait qu'un ton est en principe ce qui nous reste après la soustraction des intervalles : (C à G) - (C à F) = 3/2*3/4 = 9/8, donc t = 9/8.
•
Il nous manque encore les proportions entre les demi-tons diatoniques dt, E à F et B à C. Pour les trouver, on calcule l'intervalle C – F de deux façons. 1) C à F = deux tons t + un demi-ton dt, soi (C à D) + (D à E) + dt. Traduit mathématiquement, la proportions représentant C à F = 9/8*9/8* dt. 2) Cependant, C à F est aussi une quarte, donc la proportion de C à F = 4/3. (9/8)2 dt = 4/3, donc dt = 256/243.
Finalement, la gamme diatonique de Pythagore ressemble à la gamme suivante: C 9/8 D 9/8 E 256/243 F 9/8 G 9/8 A 9/8 B 256/243 c Maintenant, nous pouvons regarder quels sont les avantages et les inconvénients de la gamme pythagoricienne. Définition: Le cercle de quintes est un cercle qui constitue des quintes à partir de la note fondamentale de C. Il représente la différence entre un intervalle pure et l'addition de
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plusieurs intervalles qui en principe devraient nous redonner cet même intervalle mais pour des raisons propres à l'implémentation de la gamme en questions, l'intervalle pure n'égale pas l'addition des intervalles en question. Avantages: La gamme de Pythagore est constante avec la philosophie de Pythagore que tout phénomène naturel, ici la musique consonante, peut être représentée par des ratios contenant que des petits nombres naturels ou des puissances de petits nombres naturels. Critiques: On obtient un cercle de quintes qui n'est pas fermé, plutôt une spirale qui se propage à l'infini, conséquence directe du comma pythagoricien, problème qu'on appelle l'incompatibilité des consonances pures et l'endroit qui n'est pas fermé crée un intervalle en particulier qui résonne terriblement. L'intervalle par convention qui dénote cette lacune est de G# -Eb, le howling fifth, donc au lieu d'avoir une quinte pure, 2/3, on a une un intervalle qui n'est pas exactement 2/3 puisqu'on observe que 2dt = (256/243)2 = 65536/54756 = 1.110 qui n'est pas égal à 1.125 (ou 9/8), ce qui est la valeur d'un ton =><= car deux demi-tons est en principe égal à un ton. Ici, dc > dt (dc* 256/243 = 9/8 => dc = 2287/2048). De plus, on ne peut pas transposer de la musique, puisque la valeur des intervalles entre les notes créerait une mélodie différente dépendant de la note fondamentale choisie. Voici un diagramme, tiré de [3], qui montre ce cercle de quintes. Diagramme :
Intonation juste Pythagore faisait partie du groupe qui supporte ce type de gamme, mais suite au problème d'incompatibilité des consonances pures, des gens de tous les coins du monde essayèrent de se débarrasser de ce fameux comma pour préserver les petits nombres
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naturels dans les ratios. Zarlino décida de construire l'octave basé sur les fondements de Ptolémée et le syntonon diatonique (deux tons), c'est-à-dire qu'il essayât de réconcilier les consonances pures avec l'addition des consonances en construisant la gamme basée sur les consonances de base sur deux critères: -
l'octave est pure: 9/8 x 10/9 x 16/15 x 9/8 x 10/9 x 9/8 x 16 /15 = 2/1. la quinte est pure: 9/8 x 10/9 x 16/15 x 9/8 = 3/2. (et il en est de même pour toutes les intervalles C – note. )
Le résultat est: C 9/8 D 10/9 E 16/15 F 9/8 G 10/9 A 9/8 B 16/15 c Par contre, il n'a pas su éviter le problème pour la note de base dans l'intervalle si elle est aléatoire. Par exemple, F – A devrait être une tierce majeure 5/4. Cependant, 9/8 * 10/9 * 9/8 = 810/576, ce qui n'est pas égal à 4/5. On heurte encore une fois la même contradiction. Avantage: Si on considère seulement les intervalles partant d'une même note fondamentale, disons C, on obtient des intervalles purs pour tous intervalles. Critique: L'intonation juste différencie entre le ton majeur, soit 9/8 et le ton mineur, soit 10/9 ce qui est un inconvénient car la gamme n'est pas constante. Huygens démontre que si on insiste sur préserver la pureté de toutes les consonances, la gamme est instable on ne peut pas préserver le même pitch au courant d'un morceau. Par exemple, si on joue C – G, G – D, D – A, A – E, E – C, c'est-à-dire une quinte vers le haut, une quarte vers le bas, une quinte vers le haut, une quarte vers le bas, une tierce majeure vers le bas, on devrait aboutir à l'intervalle d'unisson 1/1 mais on obtient: (3/2)(3/4)(3/2)(3/4)(4/5) = 81/80, un comma syntonique un petit peu moins que 1. Comment accorder notre instrument alors? Définition: Le système de tempérament est construit autour du fait que l'oreille humaine peut en fait s'adapter à de légères déviations de la pureté des intervalles. Meantone temperament On a vu dans l'intonation juste que lorsque les quintes sont pures, la tierce majeure C- E est pythagoricienne (81/64) alors que nous voulons une tierce avec une valeur 81/80 plus petite. Il semble logique que pour remédier à ce problème, on doit faire en sorte que chacune des quatre quintes doit être réduite d'un quart de 81/80, ce qui équivaut à (81/80)1/4 . Cet ajustement nous donne une quinte avec l'intervalle suivant: (3/2)/ (81/80)1/4 = 1.4273, alors que la quinte pure est 3/2 = 1.5. Avantage: On a réussi à se débarrasser des deux différents tons de l'intonation juste, soit 9/8 majeur et 10/9 mineur puisque la tierce majeure est maintenant pure et elle comprend
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deux tons complets. Donc le ton tempéré est la moyenne proportionnelle des tons mineurs et majeurs, soit ((9/8)(10/9))1/2, d'où le nom meantone. Critique: Comme le demi-ton diatonique était plus petit qu'un demi-ton réel dans la gamme de Pythagore, ici c'est l'inverse qui se produit, demi-ton diatonique est plus gros qu'un demi-ton chromatique, mais ceci en pratique pose un problème, car sur un piano, on n'a qu'une note noire entre deux notes blanches. Forcément, nous devrions faire la décision soit d'opter pour C – C# - D (chromatique suivi par diatonique) ou C – Db – D (diatonique suivi par chromatique). Par contre, vu que le développement de cette gamme ce produisit au cours de la Renaissance, et que les notes colorées, ou noires, # et b n'étaient que rarement employées durant cette époque, on ignora ce problème inhérent à la gamme meantone. Tempérament égal Cette gamme, qui est présentement la convention en musique, vient d'un principe relativement simple: distribuer le comma également dans les douze demi-tons de l'octave, tous égal à (2/1)1/12 = 1.0595. Bach démontra toutes les possibilités de moduler et transposer de la musique avec son clavier bien tempéré ou il exploite la versatilité de cette gamme. Ce n'est donc pas surprenant que la majorité des gens ont vite su adopter ce système. Avantages: Notre cercle de quintes est maintenant fermé, donc le dilemme de quintes versus octaves est maintenant résolu. Ceci implique qu'on peut commencer un morceau sur littéralement n'importe quel ton de l'octave et que nous sommes quand même capable de récupérer les tons exacts du morceau original dans sa clé originale. De plus, les semitons chromatiques présents dans l'octave sont maintenant égaux aux demi-tons. Critique: Nous avons que l'octave est divisée en deux parties contenant six tons chacune: C-F# et F# -c, ce qui nous donne un intervalle d'une quarte augmentée. Donc, pour une division si rudimentaire de l'octave, on vient de compromettre la simplicité des proportions. Pour poursuivre la critique ci haut, un autre problème se rattache à la complexité de cette gamme: la longueur des cordes, m et n, qui produit une quarte augmentée doit satisfaire (m/n)2 = 2/1, car l'addition de deux quartes augmentées donne une octave. Mais, comme les Pythagoriciens l'ont découvert, cette équation n'a pas de solution dans les nombres rationnels, car 21/2 est irrationnel. Cependant, en pratique, les distances sont soit estimées, où on peut mettre la corde autour d'un triangle isocèle car on sait que le ratio de n'importe quel côté d'un triangle isocèle à l'hypoténuse est 21/2, ce qui nous donne un moyen pratique de séparer les cordes. Il est clair que la population des musiciens est divisée en deux: intonation juste versus le tempérament égal (le meantone s'approche du tempérament égal et est peu utilisé de nos jours). Les pianos et tous les instruments où les notes sont prédéfinies, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas ajustables pendant le jeu, sont accordés en tempérament égal tandis que les
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autres instruments recherchent l'intonation juste. De plus, il semble que quel que soit le système de gamme, il y aura toujours une division de la population pour diverses raisons, entre autres car différentes personnes considèrent différents critères cruciaux: simplicité des nombres versus répartition égale.
6. Les polyrythmes Un autre sujet intéressant est celui des polyrythmes, c'est-à-dire jouer deux lignes de piano à différents rythmes, comme deux triplets contre deux croches (ou 3 contre 2). Un compositeur moderne a même décidé de rendre les choses un peu plus intéressantes en composant une musique pour deux pianos, mais avec la proportion des deux vitesses égale à 21/2/2, musique qui ne peut évidemment pas être interprété par un humain. Maintenant considérons les différentes proportion comme étant les battements d'un métronome où un bat à x battements par unité et l'autre, à y battements par unité. Cela représente la notion de x contre y définie précédemment. Lemme: Si x et y sont rationnels, alors les métronomes reviendront au même niveau aux points de la forme a*ppcm(x,y) pour tout nombre naturel a. Plus les proportions sont compliquées, plus l'attente sera longue, ce qui est logique, car plus les nombres sont grands, plus le plus petit commun multiple va être grand habituellement. Mais dans le cas où un des nombres est irrationnel, les métronomes ne reviendront jamais au même point après le premier battement. On se retrouve maintenant au point culminant de la comparaison entre intonation et rythme, puisqu'en fin de compte, ce sont deux concepts similaires mais exprimés différemment. Exemple: Pour accorder deux instruments une quinte à part est équivalent à deux métronomes qui jouent le 3 contre 2(cependant une version beaucoup plus accélérée), ce qui implique que la quarte augmentée est équivalent à deux métronomes qui jouent le "(2)1/2 contre 2". Pour approfondir cette notion davantage, Galilée remarque cette même corrélation entre le rythme et l'intervalle musical en notant que le nombre de vibrations est proportionnel à l'inverse de la longueur d'où émane une théorie de la consonance versus la dissonance appelée «La théorie de coïncidence de la consonance», mais comme on ne peut quantifier le niveau de plaisir, cet énoncé a partiellement été vérifié par des techniques strictement expérimentales à l'aide de pendules, etc. En principe, Galilée stipule que la complexité des séries de vibrations est proportionnellement liée au niveau de plaisir que l'on ressent en écoutant. En autres mots, notre tympan est sensible au temps que ça prend pour les métronomes pour revenir à l'unisson et que notre cartilage se torture à l'infini lorsque les deux rythmes différents sont incommensurables, ce qui élucide le mystère de Kepler qui avait posé la question: «comment peut-on savoir si un ensemble de notes est plaisant à entendre s'il y a un abîme entre l'oreille et l'âme, qui elle, juge la musique?»
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7. Le diamant de tonalité Un autre concept important reliant les proportions et la musique est celui du diamant de tonalité. Définition: Le complément d'un intervalle musical est l'intervalle pour lequel la proportion lorsque multiplié par la proportion associée à l'intervalle initial est égal à 2/1 (octave). Le complément se retrouve toujours dans le même octave. Exemple: Le complément de 4/3 serait 3/2, car 4/3 * 3/2 = 4/2 = 2/1 = octave, et 3/2 est dans le même octave que 4/3. Un autre concept important est celui de n-limite, donc les versions les plus connues sont les 5-limite et 11-limite. Ce concept s'applique surtout lorsqu'on utilise l'intonation juste, donc des proportions simples. Définition: Une n-limite est une borne supérieure sur la complexité des harmonies admises par une gamme, telle que toutes les proportions ne contiennent pas de facteurs de nombres premiers supérieur à n. Par exemple, les accords mineurs et majeurs qui sont utilisées habituellement tombent dans la 5-limite en intonation juste. Cela est du au fait qu'elles sont seulement composées de nombres plus petits que 5. Il y a deux types de limites: les limites premières et limites impaires. Définition: Une limite première est telle que la factorisation des nombres formant la proportion est composée de nombres premiers plus petits ou égaux à n. Une limite impaire signifie que les nombres sont impairs au lieu d'être premiers. Exemples: 1) Un exemple de limite première est 9/8, car sa factorisation est (3*3*3)/(2*2) qui sont seulement des nombres premiers. 2) Un exemple de limite impaire est 15/9, car sa factorisation est (5*3)/(3*3), qui sont tous impairs. Le diamant de tonalité est relié au concept de n-limite. En particulier, le diamant de tonalité relié au 11-limite est très important. Supposons qu'on construit une gamme à partir de la note G. Ensuite, on trouve les cinq notes suivantes en tonalité majeure, qui sont: -
1/1, fondamentale dans notre série (G) 3/2, troisième harmonique de la série 5/4, cinquième harmonique 7/4, septième harmonique 20
-
9/8, neuvième harmonique 11/8, onzième harmonique
Pour la suite, il est important de noter que lorsque Harry Partsch a construit le diamant de tonalité, il a assumé que si un intervalle a une proportion a/b dans un octave, alors il a aussi cette proportion dans l'octave suivant, ce qui fait qu'il est nécessaire de multiplier par 2 lorsqu'on calcule des proportions à l'extérieur de l'octave. Ensuite, on construit la tonalité mineure en inversant la tonalité majeure. Donc, au lieu d'augmenter d'un 3/2, on baisse d'un 3/2, ce qui équivaut à inverser la proportion de l'intervalle en tonalité majeure et en multipliant par 2 (voir paragraphe précédent). Cela nous donne 4/3, qui est en fait le complément de la tonalité majeure. Donc, on continue ainsi en trouvant le complément pour les quatre autres proportions que nous avions en tonalité majeure, ce qui nous donne: -
1/1, fondamentale (G) 4/3, quinte pure sous 1/1 8/5, tierce pure sous 1/1 8/7, septième pure sous 1/1 16/9, neuvième pure sous 1/1 16/11, onzième pure sous 1/1
Pour remplir le reste du diamant, on part de la case du bas, et on construit des gammes vers la droite et la gauche. La colonne du milieu représente donc toujours la même note. Donc, on obtient:
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Pour plus de détails sur la façon de remplir le diamant, voir [3].
8. Le futur de la musique et des mathématiques: Si on trace l'histoire de l'évolution de la musique jusqu'à présent, on peut stipuler les choses suivantes: 1) l'oreille semble de mieux en mieux s'adapter aux dissonances et de plus en plus, les compositeurs s'aventurent dans des directions de composition qui jadis, n'auraient jamais vu le jour. 2) Dû à ce fait, il serait tout à fait raisonnable de croire que le future de la musique annonce peut-être la séparation de la gamme en un nombre plus élevé de tons, c'est-à-dire que les demi-tons deviendraient des quarts de tons, etc., et en se référant à l'élaboration de la gamme à 12 demi-tons, tel que nous la connaissons présentement, via la méthode des fractions continues, il suffit de regarder tous les dénominateurs des convergents, car ce sont eux qui dictent le nombre de demi-tons possibles dans l'expansion d'octaves plus complexes. Finalement, certaines personnes ont su faire des études interdisciplinaires, combinant leurs connaissances mathématiques à l'enrichissement de leurs compositions musicales, menant à des expériences fort intéressantes. Joseph Schillinger, mathématicien et musicien a introduit un tel système de composition musicale basé sur des intervalles de Fibonacci.
Références 1) Osserman, Robert, Prelude to Fermat : Math and Music 2) Mathematics and music, A Diderot Mathematical Forum, Edited by Gerard Assyag, Hans Georg Feichtinger and Jose Fransisco Rodrigues, Springer-Verlag, Berlin, 2002 3) Partch, Harry, Genesis of a Music, Regents of the University of Wisconsin, 1949 4) Lloyd, S. et Boyle, Hugh, Interval, Scales and Temperaments, St. Martin's Press, 1963 5) Garland, Trudi Hammel, Math and Music, Harmonious Connections, Dale Seymour Publications, 1995. 6) Jeans, James, Science and Music, Dover Publications, 1968. 7) Cohen, H.F, Quantifying Music, D.Reidel Publishing Company, 1984. 8) Olds, Carl Douglas, Continued Fractions, Random House, 1963.
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