Provocative statements Voici une traduction du texte "Provocative statements", rédigé par les bibliothécaires américains du forum Taiga (une conférence qui a rassemblé à Chicago une cinquantaine de professionnels). Le nom taiga est choisi en référence au changement climatique qui affectera le monde de l'information, et des adaptations nécessaires à la survie des bibliothécaires. (vu dans LibraryJournal et CultureLibre). *** Affirmations provocatrices D'ici 5 ans : 1/ Les structures traditionnelles d'organisation des bibliothèques ne seront plus fonctionnelles. Les bibliothécaires de renseignement et de catalogage tels que nous les connaissons n'existerons plus. Les services internes et publics auront fusionné dans un nouveau groupe appelé "service de consultation". Le service au public et la formation des usagers, sous toutes leurs formes, auront fusionné ou disparu. 2/ Les bibliothèques auront réduit la masse physique de leur collection d'au moins 50%. Les services internes voient des réductions semblables et ces changements influencent les bibliothèques nationales également (elles sont probablement fusionnées). 3/ La majorité des questions trouvent leur réponse dans "Google réponses" ou quelque chose d'équivalent. Il n'y aura plus de bureaux ou de services de renseignements situé dans la bibliothèque. A la place, des services publics de renseignements seront situés à l'extérieur des bibliothèques physiques. Cette méta-recherche rendra obsolète les bibliothécaires de renseignement. 4/ Toute découverte d'information commencera par Google, y compris la découverte de ressources de bibliothèques. La séparation progressive du contenu et du contenant d'origine entraînera une révolution dans la découverte d'informations. 5/ Un grand nombre de bibliothèques n'auront plus d'OPACs locaux. Nous seront entrés dans un nouvel âge de consolidation des données (catalogues partagés ou catalogues intégrés dans les outils de découverte), de nos catalogues et de nos collections. Le système d'ERM et le SIGB seront un, et la découverte sera externalisée. 6/ Il n'y aura plus de site web de bibliothèque monolithique. Au lieu de cela, les données des bibliothèques seront propulsées vers des sites généralistes, directement vers les utilisateurs. 7/ Les services informatiques des universités auront fusionné avec les bibliothèques.
La bibliothèque sera associée à l'infrastructure des services de support d'études et de recherches. Sa valeur dépendra de sa capacité à attribuer les ressources appropriées aux différents travaux en cours. 8/ Il n'y aura plus de bibliothécaires tels que nous les connaissons. Le personnel aura peut-être un MBA ou sera expert en informatique et en données. Tout le personnel de bibliothèques aura besoin de qualifications techniques équivalentes à celles qu'ont les personnels d'aujourd'hui dans les systèmes et services Web. La courbe toujours croissante des technologies entraînera un turn-over important parmi les bibliothécaires traditionnels ; l'âge moyen du personnel de bibliothèque aura chuté à 28. 9/ Les éditeurs et les intermédiaires auront nettement changé. Beaucoup d'éditeurs petits ou spécialisés fusionneront. Les agents d'abonnement et les fournisseurs de livre auront de nouveaux modèles économiques. La diffusion des livres et des périodiques autres que Sciences-Techniques-Médecine ne sera plus commercialement viable. 10/ Les livres électroniques et leurs appareils de lectures seront omniprésents. La standardisation aura comme par magie rendu cela possible. Les mini-lecteurs seront omniprésents et les ressources de bibliothèque devront leur être compatibles pour répondre aux besoins des usagers. 11/ La simple agrégation des ressources ne sera pas suffisante. Elles devront être prêtes à utiliser et projetées dans l'environnement de l'utilisateur (my.yahoo, e-portfolio, CMS, aggrégateur RSS). Le flux d'information devient le centre de l'attention, et supplante les bases de données et les sites web. Le rôle de la bibliothèque est de projeter des services spécialisés dans les flux de recherches et d'étude. 12/ Pour l'utilisateur final, les « environnements intermédiaires » seront aussi importants que les services des bibliothèques. Les usagers construisent dans ces environnements le flux de leurs informations et leur identité numérique : aggrégateurs RSS, systèmes de formation à distance, uPortal, my.yahoo, flickr, myspace, options de recherche des logiciels Microsoft, etc... 13/ Les bibliothèques fourniront des services partagés de conservation et sauvegarde du patrimoine culturel, savant, historique et institutionnel. Ces démarches ne se feront plus au coup-par-coup mais seront intégrées dans une stratégie de collaboration, une approche partagée. 14/ Les services d'assistance aux chercheurs seront courants. L'espace numérique de travail deviendra l'un des outils du chercheur, parmi un panel de services. 15/ La communauté des bibliothèques reconnaît la débilitante fragmentation de ses structures de collaboration, et décide de se concentrer sur un nombre réduit d'initiatives et d'organismes. Elles reconnaissent que les améliorations locales doivent être orientées vers la recherche d'efficacité globale.
*** Ces formulations reflètent beaucoup le profil de leurs émetteurs (vraisemblablement jeunes, travaillant en bibliothèque universitaire et chargés de projets informatiques). Et elles n'abordent pas le problème des facteurs sociologiques incertains (évolutions de l'individualisme, des communautés, des organisations?). Quoiqu'il en soit la violence de ces prévisions se veut incitative. Anticiper les changements dans l'accès à l'information, et transformer tout de suite le modèle de fonctionnement des bibliothèques. Cela m'évoque deux interventions françaises récentes. M. Roland, pour qui il ne faut pas créer des "bibliothèques numériques" indépendantes, mais fournir du contenu adapté aux plates-formes extérieures. Et AM.Bertrand, qui incite les bibliothécaires à passer d'un modèle réactif à un modèle proactif. Extraits des propositions émises lors des conférences du forum Taiga : * Le rôle du bibliothécaire ne sera pas de valider l'information, mais de coordonner les contributions des utilisateurs. "The Quality of Information" * Il ne suffit plus de bien manager et de s'adapter progressivement aux nouvelles technologies. Il faut connaître les outils concurrents en les utilisant et les imitant. Si vous passez des années à simplement vous habituer et à essayer de "bien comprendre" : tout aura déjà changé d'ici là. Les bibliothèques ne peuvent plus se contenter de tatonner et de s'éparpiller comme elles le font d'habitude. "My goodness, life is different" *Nous observons une transition courante : une technologie qui permet à un groupe important de personnes de faire ce qui auparavant nécessitait de l'expertise ou des moyens financiers importants. Le résultat que cette technologie permet d'obtenir est initiallement inférieur en qualité : alors les experts la rejette et ne réalisent que trop tard la menace qu'elle représente pour eux. "Transforming Public Services in the "Amazon/Google" Age"
* Les bibliothèques auront toujours un rôle majeur à jouer, quelque soit la nature des documents (grille de Lorcan Dempsey, qui met en rapport rareté et accessibilité).
Il faut accorder plus d'importer à l'environnement numérique de l'usager qu'à celui du catalogue. Un premier pas : attribuber des url aux notices bibliographiques. "Four Pictures and a Conclusion: The Third Age of Libraries in a Network Environment" * Il faut effectuer un travail post-google : construire une communauté de contenus pour une communautés d'usagers, développer des outils et des sélections par importance et accessibilité des documents, gérer l'archivage, gérer les droits. Il faut cesser de se complaire dans l'auto-apitoiement (difficultés de compétences, de budgets, de coopérations) ou attendre que ça se passe. Nos collections sont plus importantes que jamais, la bibliothéconomie est partout, et nos moyens de coopérations sont inédits. "Kentucky Fried Collections at the Drive-Thru Library" *La mission que se donne Google est d'organiser l'information mondiale, et de la rendre accessible et utilisable. Alors la mission des bibliothèques est peut-être de donner à la communauté un accès sans barrière à de l'information de qualité, dans le cadre de support aux services, à l'éducation, formation et recherche, et en favorisant les coopérations entre usagers ? http://www.blogger.com/ * Logo dans "Being A Librarian In the Quaternary Era"