Les Auteurs à L’œuvre

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  • Words: 20,892
  • Pages: 33
Lesauteurs I'ceuvr

a

--,

J:i

Liminaire -_ Dramaturgies europeennes'

La IiW~rature dramatique

a

europeenne/

gu'avoir subi nombre d'influences des techniques de composition

travers

trois generations,

et recueilli maints heritages. reposant

individualises

temps reconnaissables,

de communication

un langage

generale de la piece vers une fin qui laissefiltrer d'ecriture, des dizaines de pieces portent I'autre des composantes

indiquees

immediate,

un message.

temoignage,

a I'instant

transition entre I'avant et I'apres-guerre, O'Casey* ... sont de bons representants.

meme

ecrivain du realisme

a eux,

si parfois I'une ou ('est

ce que I'on

dont les auteurs qui font

tels Fabbri,

De Filippo~, Alberti* ou

Bien des ecrivains d'apres-guerre de leurs pieces:

s'Jiven~

il n'y a guere

formelle, entre Finale pathetique (1958).

socialiste fidele aux formules

Flamme au vent, du dissident Soijenitsyne, phones, quant

une tension

De telles formules

a mal.

est mise

quel que so It Ie contenu

d'ecart, pour ce qui est de !a structure de Pogodine,

un enjeu c1ai-

inscrits dans un espace et un

.peut designer sous Ie nom de c1assicisme moderne,

les memes schemas,

Heritage, d'abord,

sur une fable progressive,

rement indique, des personnages

ne peut

du passe,

et

qui date de 1968. Les ecrivains anglo-

durant les annees 1965-1975, restent les maitres drUIl dia-

logue serre, brillant, tout en coups d'epee Osborne*, Stoppard*,

a peine

mouchetee,

qu'i1s s'appellent

Nichols ou Parker: ils sont en filiation directe des Wilde, -

Shawet autres Coward. IIexiste neanrnoins

entre les ecrivains de la premiere

vante une difference dans Ie rythme temps et estiment

necessaire

volante rhetorique

d'aller jusqu'au

chaque personnage successivitediscursive pas

a determiner

de (presque)

respectant

- per~u souvent camme

d'ecntur:e:

tout dire

a

bout de leur pensee,

de la simultaneite

un systeme d'allegeance

temps: des trois generations

generation

et de la sui-

pius anciens prennent-leurleurs lecteurs, avec une replique apres replique,

Ie tour de parole de son interlocuteur.

un travers aujourd'hui,

a cell~

IE'S

en presence

Ce trait

ou I'on est passe de I'ere de la ~ explosive - ne suffit cependant

esthetique

particuliere,

dans cette anthologie,

sinon

a I'air du

iI est facile, sauf

exception, de dece!er parmi les auteurs, quelle que soit leur nationalite,

ceux qui

HI

.•. _•..•... _ ...!i~

a

apparlienili:r',t

regarcJent ecri,e;

I;; premiere.

On aurait tendance

~ croire aujourd'hui

en fait, i1sse plient au rythme d'intellection

lecteur: celui-ci ava.it besoir., pour des raisons de formation ,

de ret'ouver

ses marques ,: iI n'aurait

qu'ils se

de leur recepteur_ cultwreile et sociale ,

pas sLipporte d'etre brusque.

complaisance

langagiere,

Ie bien-ecrire, ii

Et ce qui est

avec tout ce que cela comporte

dite aristotelicienne,

la drama

repose sur Ie credo philosophique

que I

naLure ne fait pas de sauts (natura non tacit saltus), qu'elle - ef la dramaturgie meme coup - exige coherence, dans tous les dcmaines, ment, propose

de

toujours de solides adeptes.

Cor..me Ie souligne Brecht* dans la postface au Petit Mahagonny, turgie classique,

continuite,

psychiques

une dramaturgie

homogeneite,

harmonie,

d'

equilibre,

aussi bien que materiels, Or Brecht, precise~'

qui procede

par bonds et ruptures,

combinee'

avec une dialectique

de communication

plaisir de construction

du sens. eet heritage-Ia a ete re~u et assimile de fa~on dif.'

fuse par nombre

qui exige du lecteur tout un travail~ a 1975, sans que !'influence de'

des dramaturgesposterieurs

tan t e"

l'Europe de fa~on

a la fois

moins large et plus insis-

celui de Beckett. Laissons de ceM deux pieces du Roumain Visniec* et du

Serbe Bulatovic qui s'en prennent

11 Godot, soit pour dire qu'l/

,

,

est arrive, (c est Ie

'

vral pour les iecteurs de, annees '1950-1960 reste vrai pour une grande partie du public cultive d'aujourd'hui:

Un autre heritage parcourt

titre d'une des pieces), soit pour faire de cet absent autres demandent

un personnage

a q~l les

! Exercice d'ecole sans interet autre que de sIgna-

des comptes

I'espece de veneration en laquelle est tenu un auteur per~u com me un Ier d'i d' 'ie surtout chez des Britanniques comme Stop pard ou Pinter*. tylo e e un mo d e , , Ian age rarefie qui joue sur to utes ses ressources masquees chez ie stoppard de Ros~ncrantz et Guildenstern

modele d'un dialogue

sont morts';

piege ou chaque

est annulee par ia ,uivante dans une retention indetinie du sens chez Ie asser t Ion Pinter des toutes premieres pieces. D'ou, chez ce dernier, une impression de flou, '

d'ironie, voire de systeme provocateur

si !'auteur se refusait 11

et irritant, comme

son lecteur. Encore qu'il ne faille pas, pas plus avec Beckett qu'avec gerer une influence qui n'est profonde

qu'a proportion

Brecht, exa-

de sa dilution secrete et

quasi invisible dans Ie corps des CEuvres, so us la forme, notamment, nomie tendue du dialogue et d'un defi permanent

d'une

eco-

lance au recepteur.

Brecht sur eux soit per~ue comme telle. D'autres, au contraire, ont mis tres visiblement

leurs pas dans les siens; on repere aiors aisement

recours au passe pour dire Ie present (com me Ie fait I'Allemand

du brechtisme:

Dieter Forte dans Martin Luther etThomas lite);

les signes exterieur~

exploitation

Munzer, ou les Debuts de la comptabi:

de fables tirees du fonds asiatique:

devant les murs de 10 ville* de Dorst ressemble

pour sa philosophie

beaucoup

autant que pour sa forme parabole;

ment francophone

europeenne. Selon quels criteres en juger, etant entendu

c' est Ie cas aussi de Entre

de

et ChCEur, et son heros fait penser 11 Macky, a telle enseigne que la

Bonhomme et les incendiaires*

ture. 11y a des chCEurs dans Monsieur

du me me Frisch, des chCEurs et des chansons (pour

de compte celui de la fidelite

connaissance

a I'original,

suppose

de la Iitterature

dramatique

que n'entre pas en ligne

inconnu?

Pour un lecteur

d'orientation litteraire, sera-ce la fluidite de la lecture, la precision et la coherence de la syntaxe et des images, vocabulaire, supposee

I'originalite

rendre compte

la specificite du texte-source?

(plutot que I'elegance)

du style et du

au pius juste de ce qu'on soupr;:onne etre

Pour un lecteur plus au fait des exigences

scene et du jeu, ne sera-ce pas plutot la relative brievete

de la

des phrases qui donne

'aux actJurs la possibilite de respirer et de trouver leurs appuis, aux spectateurs

Sade*). Weiss est sans doute, de tous les auteurs (Bond* ou Muller*, notamment)

les moyens detenir,

qui se sont construits avec ou contre Brecht, Ie plus proche de sa pensee quand

dans son vocabulaire

il laisse les perspectives

nication passe aisement?

son esthetique

ouvertes sur des contradictions sans enseignement»

pro pre, conviendrait

coup plu$ brechtienne

non resolues. L'expression

qu'utilisait Durrenmatt*

pour designer

bien a Weiss: la formule, en effet, est beau-

que Ie marxisme

orthodoxe

d'un Forte faisant de Luther

- donc de la religion - ie complice du capitalisme naissant.

120

veritable

stricte-

ne pas dire des songs) dans ies pieces de -Weiss (Le Fantoche lusitanien ou Marat-

"piece pedagogique

i~--

d'une

ecran qui separe un lecteur de competence

a Homme pour Homme

Brecht est diffuse jusqu'en Turquie: L'Epopee d'AIi de Kechan, de Haldun Taner, uti~ piece passe pour L'Opera de quat'sous

La traduction est Ie premier

La Grande Imprecation

chien et loup de Hein et me me de La Grande muraille de Frisch*. L'influence

lise chansons

Traductions et langages

voire de redondance,

en vue d'en saisir Ie sens, les deux bouts de la phrase, simple et ses structures

syntaxiques,

de telle sorte que la commu-

Des lors n'est pas exclu un certain degre d'insistance,

pro pre

a contrecarrer

les " bruits

»

qui troublent

munication orale. Ces deux exigences sont deja Lelativement contradictoires

toute com-

et laissent Ie ledeur

depourvu de tout moyen de trancher : il ne peut se fier qu'a sa seule subjectivite.

II est rare en effet qu'une piece du theatre contemporain traductions

et donc 11 comparaison;

laquelle permettrait

ment de valeur, mais de constater, etre per~u comme

donne lieu 11 plusie ' non d'avancer

0

un ju

it I'appui, que Ie meme texte p

document

plus ou moins obscur ou poHique,

d'allusions culturelles ou, au contraire,

L"deal serait que Ie lecteur puisse juger sur oyes dans une forme passe-partout, I, t dos bonheurs que Ie traducn 'des dlfflcultes e pieceS, en prenant connalss~nce, 'Michel Bataillon accompagne-t-i1 sa traducteur a connus dans son travail. Amsl . , ostface ou il explique que, pour

plus ou moins cha

rabote au niveau du banal. Or iI est

sible de se livrer 11 cet exercice avec les deux traductions,

parues la meme an

(1989), du Temps et 10Chombre* de Strauss, Le lecteur suppose que les deux ducteurs,

Michel Vinaver d'un cote, Claude Porcell de I'autre, sont egaleme

competents

et scrupuleux,

la seule difference objective entre les deux etant q ,

Vinaver est auteur dramatique la scene mysterieuse chez Vinaver:

et Porcell universitaire, Si I'oil prend I'exemple

a Marie

ou la colonne se met 11 parler

«D'annee

en annee,

d'autant

D'autant croissent ies bienheureux»; bas, Autant que montent

Steuber, on obtien

plus au fond et plus au fon.

chez Porcell: «Au fiI des ans toujours pi

les heureux, »

si

Ie « bienheureux

» de Vinaver a un a'"

religieux et evoque Ie « Dieu rei eve tous ceux qui tom bent " de la Bible en I'i . crivant dans la theologie de la compensation

grace 11 laquelle les petits se retrOllf

veront grands devant Ie Seigneur (interpretation de la culture religieuse du lecteur I), les n'evoquent

Autres repliques alors qu'elle

hommes:

elle-meme subjective qui resulte

heureux» qui « montent",

chez Porcell,:

rien du tout. comparees:

c'est

Steuber qui s'adresse 11 la colonne, silence

«

maintenant

lui reprochant

Ie personnage

de Marie

d'avoir garde obstinement

avait les moyens, de satisfaire

Ie questionnement

Ie des

«Tu aurais eu toujours une reponse - et tu te taisais ? Alors tout n' Hait

que parole non prononcee

et jamais immobilite

d' objet - silence dernier?»

(Vinaver); tandis que Porcell propose": «Tu avais toujours une reponse - et tu te taisais? Ce n'Hait que mutisme, jamais la paix des choses -Ie' silence dernier,» Sans que "une des deux repliques soit plus explicite que I'autre, Ie lecteur peut estimer que « parole non prononcee" «Ia paix des choses» d' objet". «

son

»

Conclusion:

est plus poetique

est plus subtil que « mutism'e",

Ie lecteur ne peut que suspendre son jugement

texte sur descriteres

etrangers

immediate

peuvent

langue, germanique

et choisit

it la lettre du texte-source,

D'ailleurs, cette « lettre» est un objet insaisissable car Ie traducteur pour un lecteur fran~ais dont

mais que

(et different de sens) que «"immobilite

les exigences

travaille

de c1arte et de comprehension

etre tout 11fait inconciliables

avec Ie ton et I'esprit d'une

ou autre. Clarifier des lors serait raboter et trahir, transfor-

mer une statue de Phidias en copie academique

dont les traits saillants seraient

,

ion de Monsieur Mockinpott de Weiss ~, une ,PI personnage de Mockinpott est t , I' d'une piece ou e resterfidele a I'espnt bur esque , a' mi-chemin entre Guignol et o 'd'eux que grotesque, , une sorte de pantm ausSI 0 I'd ts et 11 recourir a toutes sortes de , , ' tef des jeux e mo ' Ubu, il a ete amene a mven , ,) qui restituent au plus juste un 'aragrammes calembours, a_peu-pres ... figureS (p ' " texte « la lettre " intradUlslble, I I t ur partage avec Ie traducteur, en , ue que e ec e ' La traduction est donc un nsq ", n ephemere, surtout quand re , °t' tie caractere provisol , smo , en mesurant la relativi e e , t familier et argotique perd toute speil s'agit d'ceuvres dont Ie vocabulalre souven 'ages qui relevent d'un milieu "I t t nsmis en mots et en 1m cificite territoriale s I es ra t saveur d'origine. Comment par . qui a perdU tou e sa " bien de chez nous ", mals 'd Arnoqueurs* de Bezhani sans tome f . I'argot albanals es exemple rendre en ran~als I b' n ges dialecte~ et des parlures . hexagonal? De p us, Ie ber dans un plttoresque, . f ais qui ne possede plus, pour echap" ' I nt posSible en un rany , ' n'ont pas d equlva e . folkloriques d'anciens parlers reglod d que des survlvances per la langue stan ar, , d ( 'tan breton alsacien), Comment rendre , ais monbon SOCCI" , nauX, authentlques m 'h I gallois d'un Povey dans TrOIS, Ie 'd' K tz* dans Haute Autnc e, e , Ie bavarols un roe , d 7 Surtout quand ce napolitain-Ia est , 'd' R ccello dans Ferdlnon 0, 1 napohtam un u 'd I culture parthenopeenne» , Au " e If uteur en « defenseur e a archa"isant et eng a , a ne en Italie et en Grande-Bretagne, la langue contraire de \a France, en Allem 9 , d' 'f" e pour que leurs locuteurs soient " "a I'autre assez IverSI Ie , parlee est, dune regIon " '1 t moques) par les possesseurs de la 'd tT' (et genera emen ' immediatement I en lies , I' de Rome ni a plus forte " ' d V . e n'est pas ce UI ' langue dominante: Iitalten e, emsI" ' Glasgow n'a rien a voir avec celui d'un 'd N les' \'anglals par ea. , raison, celUi e ap J , .....,-u.-.-. ~ "'"'gne que \'identite politique ~t , k de Lon~ '" tellt ",flsel Irland~is ou d'un coc ney ,', '. resulte directement de la langue I t culturelle dune region, , sodale, et pas seu emen , .. C1asse* , parler Ie gaelique, c est I tre Friel dans La Dermere· , , utilisee, comme e mon " ,. terd'lre de s'integrer dans la com'r rtes c'est aUSSlSino , affirmer son natlona Isme, ce '" rt' forme d' exclusion. Rien de tel munaute anglophone et d~nc Cholslr une ce alne

a

a

en France, -----.

.

.

1, Selon Ie mot de la trad,JCtnce 2000, p, 1.

HI

ug

uette Hatem,

.

L'Avant-scene

,~

01071

Theatre( n .. -'

dlJ

.

,

lcr

illin J

(I'M/NAIRE

1\

Traduire c' est trahir, sans doute; fisance, mais :a preuve qu'un

neanmoins,

mediateur

est present:

a

sans ~ui, Ie texte-sou

serait dos au fade. Une piece de theatre etranger se lit donc lect~ur qui interprete I'CEIJ'Ireavec son equation personnelle;

a trois

voix : celie

celie de I'auteur

a cree I'CEiivre et que I'on devine entre les lignes; celie du traducteur j'CEuvre et ia promeut

, 'b'I'te' de s'exprimer (dans Home , 'd I e et l'lmpossl I I entierement sur Ie dem u angag , I \angage lacunaire des pension- , , M erite Duras ou e de Storey, tradult par ~rg~ ,,' as se constituer en phrases) ;quand naires d'un hopital psychlatnque n arnve P t I' pprentissage et la maitrise " . 'montrer commen a aussi I'auteur consacre sa piece a 't ux maitres de la societe , du langage entra'lnent I'asservissemen a progresSiVe

ce n' est ni une tare ni une ins

qui reer

1.1une nouvelievie.

't' et done d'entente e~tre les (dans Gaspard* de Handke). de commumca Ion Bien loin d'etre un moyen . e menace: dans Le Regard de , . de l' Autre est per<;u com me un , M 'I Noir que croise une famille sur la Peuples, Ie langaged I'E pagnol del oral, e , f'homme sombre, e s. les spectateurs \e comprennent, mais ., en esoagnol pour que "I plage, s'expnme , "'I t cense parler un sabir insaisissable qu I _ nnages de \a piece I es d pour les pel so , , diatement interpretes 11mal. Fa<;on e d gestes chaleureux Imme accompagne e d ts est irrernpla<;able et combien, faute de ce ,, b' n Ie langage es mo . signifier com Ie :', d 'fl es elementaires de mefiance, vOlre I'hornme revlent 'lIte a es re ex '"' truCh eme nt ,

Une fois admis que !es mots Ius par un Fran~ajs sont passes par lefiltre d" traducteur

a qui

il est impossible de ne pas faire confiance,

neUe -, e'est I'avantage d'rlOrizons tresdivers

a

d'une comparaison

- que de nombreux

II apparait de fa~

grande echelle de texte's vena

dramaturges

travaillent la langue, c

:ains meme jusqu'a en inventer une qui leur soit propre et donc immediateme reconnaissabie, exempie,

sinon

immediatement

est Ie createur

comprehensible.

d'u~ sabir mi-enfantin,

valises et de prcNignernents

du LumpenproletGriat

idiome approximatif

traduisant,leur

neoiog;e schwabienne,

fait de

cocasses, revelateurs de la tendance

nages (plus proches

pai' derivation

Un Schwab',

mi-boursoufle,

de ses perso

que de la bourgeoisie)

a

user d'u

Olal-etre, En fait, dans I'interpretation

la prudence

ou suffixation

s'impose : la fabrication

p 010

de I

de mots nouveau

est farniliere aux germanophones

alois ql:l'eli

oGira1l:insolite et burlesque aux usager, du fran~ais, Ce qui n' est pas sans conse> ~uence : Schwab passera en' France pourune tant un etonnement

amuse alars qu'ur.

sorte de down du langage susei~

Ie,eteur autrichien

goOtera plutot Sq

'!iolence satirique, '.h~ . le;1,gue inventeepeut

i'etre

a cie muitiples

fins: telie ia langue reservee des

de haine.

' t'l ' multiples tranchants: les plus jeunes I I gage est un ou 1 a En somme, e an , . t d s'exprimer au plus pres du lan, d t ges Cholslssent souven e parmi les rama ur " ns Ie manient en poetes : Handke , " d I ' 'quelques-uns, piUS anCie , * gage pane e a rue " nore' au Par les villages ,

mme Voyage au pays so

dans de tres beaux textes co ,, t' en musicien redige en versets , p',. Berr-hard' surtou qUi, , Strauss dans Le . arc ',' I' h s sonores echappent malheureuseI:t' '"'ythm'ques et es nc esse , ' oont ,e$ qua; E'.s, -". " d thOle et d'harmonlques des , .Mais 51 les rechercnes e ry menta It1 Ions. « 2 K pause ». Chez ane! . 'I d la grammaire. Le signe / , 11se conformer aux reg es e une scanSion, et non _ 'nterrupt'lon 3 » On rend d" connalt une I ' indique I'instant ou Ie cours u, lalogue. , 'scules chez Muller ou . , des tpvtes entierement transcnts en malu contre aussl -" ,I

I

bureaucriJtes paiooique

dans Le Rapport dont

vous etes

i'objet* de Havel. C'e~t une vari§te

de Ii;::angue de bois ou tous les dirigeants socialistes etaient passes

ma'itre5 : veir La Fete en plein air, c!u r"erneHave:.

A ce compte,

Ie traitement

du

!angage se ~evele des plus v;aries-: vocables dont I'identite sociale et poHtique esi si forte que ieur empio! est interdit dans certaines bouches,tels chez Ie; Croates (ce dont rend compte

les mots serbes

Le Faust eroate de Snajder');

langage

hache des jeunes dans La Campagne de Crimp';

langage en boui:lie dans Vingt

ans, et afars i* de Don Duyns ; langage hoquetant

de Goetz dans Jeff Koons; la,,-

gage eclate dans 5tabat Mater* deTarantino d'un cote (chez Petrouchevska"ifl'); au empeche

; iangage profus jusqu'a ia logorrhee

de I'autre, langage

(chez Harrower). TOlltes cesvarietes

!'e'lelation psychique

ou sodaie, phiiosophique

retenu

(chez Fosse*)

de langue ont un pouvoir de meme, quand la pieCE est bfitie

--, t aru aux editions de L'Arche, 2, p, 8 de I'edition du TrOitemen , P . -ditions de L'Arche, 3, P. 8 du commentaire du traducteur sur Manque, paru aux e

Barker*, sans que cet appel lance majoration

rhHorique

ou d'exclamation egard

a I'esprit

a

ou thematique.

repondent

Chez d'autres,

a des intentions

de la langue-source,

a coule sous les ponts de la dramaturgie

a resoudre,

o

les points de suspensi

a

qu'i1 faudrait savoir dechiffrer

0rns

un bo ble continu et renouerles fils epars dans une histOire defamille. La en sem ' t d'ff' t ruction d'une fable peut etre cyclique et se developper, meme e I eren e, cons t . I h . *. Ie . e'nerations comme Ie fait Lygre dans Maman et mOl et es ommes. s sur troIS g' .,. I memes prenoms reapparaissent trois fois dans des vanantes, en symet~le, de a

insu~e:

qui, deja, I'oralise et I'anime.

a defini lafable comine«

progressive et continue,

s est donc bien plus qu'une habilete technique: Ie temps ouvert de la dratemp . , . b'\ orte4 turgie c1assique fait place aune temporalite Imrno Ie, m -' . ma IIest bien d'autres astuces de facture dramatique : I'acte III du Club, I~ DanOis

Ie signe d'u

pour saisir la fa~on dont chacun

son texte ecrit un regime personnel

Depui~ qu'Aristote

I'a:il so it automatiquement

que la fab

allant de A a Z et dynamisee par Ie vecteur d'un conf

soit devenue I'exception.

II n'en est rien, et bien des pieces de I'apr

guerre auraient pu etre ecrites il y a quelques siecles, pour ce qui est de ces deu instances canoniques manque~t

de la fable et du conflit. Les innovations,

pas, qui triturent

en suppnmant

neanmoins,

n'

de mille fa~ons les donnees de base. Par exemple"

Ie conflit interne aux personnages

affiche, les affects sont remplaces

: dans un theatre au didactism~'

par I'expression

des idees et lestensions

situent a un autre niveau, celui ou I'auteur prend Ie public pour un enjeu qui depasse la fable en question:

a partie

(ou

se

a temOin)

Handke dans Par les lIillages ou Frayn dans Copenhague. Mais ce type de piece~ .

Les maltres d'une composition cher du cote du Royaume-Uni. :able, I'une situee au debut du leu

«< comedie

salon

»,

d'amour

a la fois nouvelle et plaisante, il faut les cherArcadia, de Stoppard,

XIX'

metaphysique,

selon Jean-Marie Besset, son traducteur)

jourd'hui.

Puisque ce n'estplus

est bati sur une double'

siecle, I'autre, similaire pour ce qui est de I'en- ,

a arriere-plan

«I'attente

doublee d'une comedie de

mais avec des personnages

d'au-

anxieuse de la fin}) - contrairement

a

ce q~e pensa.it Brecht - qui reti~nt I'interet du public bourgeois, pourquoi ne pas partir de la fin et remonter

ment conflit puis indifference reciproque

? Quand il s'agit d'un desamour, iln'y

a ~as.de meilleur procede pour dire, d'entree, fait Pinter dans Ie bien-nomme des. moments

de temporalite

au Jour de la declaration

que Ie ver est d~ns Ie fruit. Ce que

Trahisons: on remonte pas orientes dans Ie

enflammee

son meilleur ami. L'amusant

progressive-

aux origines de la rencontre,devenue

«

a pas

de I'acte I pour .en constlt~er

continuite nj lien reperable, chiasme avec les morceaux

(avec, parfois,

fusion, d'improvisation

1 et 2 sont constrUlts, en

sinon que les morceaux

50 et 51. Au vrai, Ie nombre des situations et des peradoptee

et d'inachevement.

donne un,e impr:ssio~

~e pron d~

On aSSISte a la deperd1tlo

dialog a la dispersion de \a fable, qui n'est plus unique ni unifiee mais mult!ueet forme, avec cependant des reseaux thematiques qui perrnettent d'etablir sour-

a

dement un lien d'un morceau I'autre. De la discontinuite de la fable a sa fragmentation par nombre de dramaturges.

Les pieces-fragments

i\ n'y a qu'un pas, frar.cN abondent,

signees de Barker

avec LesPossibUMs, de lovanovic avec La Liberation de Skopje*, de Trolle dOllt les Berlin fin du monde et Fin du monde Berlin II * sont composees, sketches et de courts recits; signees de [bher"'-dont entre les inconnus qui traversent sonnage permanent de Fassbinder: aux personnages

chacune,

de

Les Relations de Claire n'offre,

chacun des fragments,

d'autre

lien qu'un per-

qui fait Ie lien entre la piece et les lecteurs i. signees encore

Preparadise Sorry Now* est constituee anonymes

e; a la thematique

de morceaux

commune.

tres courts

La rtlultiplicite

des

bon" sens) au point de depart,

(et imbibee) de Jerry

a Emma,

la femme de

est que tout Ie monde trompe tout Ie monde, que

chacun Ie sa it sans que cela provoque

courtes

sonnages est limite, mais la composition

ce que font Weiss dans Hold~r/i~'

est tout sauf seduisant.

les scenes

meme situation. Pinter, incontestablement I'un des plus retors des «false~rs de "t compo'se La June se couche de dix-sept sequences sans lien, placees de thea re", . '. . . 5 't des temps differents un seul personnage servant de POint fixe . La surerol en " .' 'lque est encore plus subtile proche du contrepOint musical ou structure d ra mat ' . composition polyphonique, dans Avant/apres de Schimmelpfenmg*: c'est ' f 'd d e Ia une piece en cinquante et un morceaux (morceaux plutot qu~ ~cenes) ormes e bre recits (parfois racontes a la premiere personne) qUi evoquent des pernom llll '11' " . . sonnages et des situations parfois recurrents d'une sequence a I autre mal~ sans

la synthese des faits", bien de I'ea

et I'on pourrait s'attendre

reprend toutes

de drame;

la reversion de la fable et du

4. Ladramaturge espagrlOle Cristina Alvarez adopte Ie meme sche~a d~~S Sans toL, . S. bouze "hontes» constituent la piece Sic'etait un spectacle de ImSlreVI( ; Ie lien d un sketch a I'autre est des plus tenus.

, ddrnposition qui seraient en jeu mais une autre vision du monde.

sequences (seize dam Mecc.::des*) tire la"'piece d'e Brasch vers Ie recit d' t ': c h awn des . fragments re~oit un titre comme on Ie fait" p'our des ' chau 'tant\ roman. Suauss ' quant a lui" p',opose avec Trilogie du revoir une iee· apl r '.. va-€C-Vlent perr'lanent des pefso ,. p e promena . . ' nnages, entrelacs de repllques courtes et c

d~s auteurs qui refusent la composition dairement et nettement

.11 Ii:

Le Cerceau ou Fosse dans toutes

composition irisee cbm

me

qui parlent6».

eiles deviennent

au

Ie tout de la

re, d u

generation anterieure

c.

,!"A..;)f! Encore af.aire a ce q 'n' U

~/1

. _....nom mer ,du .,' dramatique pourrClil

Eclat'"

i,

~;~;~,;,,m,~. d",,;,.e~ent d,m Iepo,' -d",m,tiqoe ou I<>ble" contiit ,~~e:~ , s ou ~ubsumes ,..•am une ent!te nOlJvelle ') ro ne. oont plus aes procedes de r

'

<

_~

'

,

-

a la Iitterature

(a partir des annees 1980) et meme de la vu sous son jour Ie plus debilitant rea lite «du

aurait dit Kantor. Pour ce qui concerne

ces pages, qui se veulent d'ordre

I'important

rang Ie pius bas",

est que ce personnage-Ia

Ie reste, il demeure fidele aux categories stabilite et permanence

des

(alcool, comme stricte-

n'est nouveau

que

subir ur,e action, menee elle-meme mules dramatiques;

psychiques

it

s'achemine

coherence,

celles-ci evitent vel's un nouveau

tous les signes statut,

mais en gommant

gril\es sDcio'iogiques dHerministes; au

a un

de reconnaissance

dans Ie rang de la caracterologie celui de locuteur.

trop clas-

Le locuteur

se

tout ce qui sera it trap facilement

;dentifiable et reducteur, tout ce'qui, notamment, existentiel, desindividualise,

ou

jusqu'a son terme. Mais iI existe d'autres for-

v'lsibles qui feraient rentrer Ie personnage sique:

de la tradition:

dans son etre, anime d'un desir qui lui fait determiner

t;~m : chez Handke, souvent; 6. CcmFieilta~re place en tetE;' de la "oiect: . , ,. p 65 a'e 'I'd't'--" 1 e .1 'vD de ~·Arche.

d'exister, saisis en pleine pate, la plus epaisse et

drogue, violences sexuelles et autres),

parie et parle du monde,



les textes.

par son langage et la brutalite de sa gestuelle (telle qu'elle est ecrite) mais, pour

a

~i----

D'ol! I'impres-

si I'on songe au « theatre de I'evier» des Britanniques

ment dramaturgique,

a

112P

affectee

dans Chutes, Neves dans

cela ne fait aucun doute si I'on se refere

annees 1960: theatre d'un quotidien

Cr,rr'iJ, les indications sceniques, aleatoires, emanent d'un temoi . !es personnagesen train d'ag!r, au present, dans Ie tem .' n qUi observ P t~lre qu'i1 en fait. On a,boutit alars a des didascalies int : m,eme du cammen .., c '.' t' , ' egrees aux dialogues it: ,e eI ae Ion etant assimilees I'un I'aut re d a!1S U' ne nwt '. >cf ' , arabe* d" Srhim' I" ' ~~~n~s : \:'he~s~,melangent si bie:-, aux dialogues et aux recits ue ,~i - . me ,.;, ,u,mes d'ecnwre ckamatique nett .,., q sparalssent \2:. l~ompositior. traditionnei:e. ement dlfferenclees sur lesquelles reposait!

~_

la fin du XIX'siecle. saupoudree,

initial reste imperceptible.

dramatique de la troisieme generation

I.e

ie

continuent

la pius epicee, souvent,

~Iexe: ~~~se~;,:e:; ~;:~ri~. Autres varia~tes, du plus simple au ~Ius ~om 9 . 9 . d" Murphy, les dldascalies sont e h' Concert (do carte de K nva Issantes; dan ; r • " .. .roetz, plus une seule parole; dans Atteintes 50 vie

'

a

vont encore plus loin dans Ie sens d'une les significations resonnent d'une replique sur I'autre

i'echo de quelque ebranlement

Que les personnages

• meme Handke sorte Pd ce. aa visuel qui requiert du lecteur ia projection de ce qu'il "t .'. e. r~ma C'est to t t h ,I en Images spatJalise If' mett u au re c, ose que Ie scenario que Handke avait ecrit sur la Cuisine po ou ne savions rien I'un. de I'aut

"

unique

la,« scene

u mel,

.

,~~age a~ pays sonore de Handke,

.'","

ses pieces, Motton*

sion d'une buee de sens' qui imbibe souterrainement

., ~ ~xpa,nslon d es didascalies est I'un des signes les plus nets d I . (Ion ., e a roman! v: de. I'ecriture theatral e, . d"'" e)a canslderables dans Preparatifs d'immortal't'



a

mais diiuee, parcellaire,

a

qui agissent dims les didascalies avaient ete mis na la o.

nlveau que les personnages

~,heure

repugnent

Au~dela le5 etoHes sont notre maison*,

: se:~ dn est,PluS approprie et la repartition traditionnelle entre I'auteur de:~ , d es 1 asca charges d u message-dialogue . " les et les personnages , ne t I ans Ie triple recit que constitue Ie Prometeo* de Garda I f'l d vau p airav" d ' e I con ucteur p , . ~rs es personnages' et des fables h't' e erogenes . chez Kan" d I' 'd' onginale de L'Amour d", Ph'd I' . ' ~,« ans e It ere, es dldascahes avaient pris la forme d'u d' I

I'

coup,

De fait, il est

d'un theme

d'u dynamisme retenu. Tchekhov a He bien evidemment I'initiateur de cette n forme d'eeriture, et certains auteurs, russes ou non, comme Slavkine* dans

que dans la mesure ou"( I s entrent ge, danscomme Ie cha 51 les .pers ' Fragmentation et montage ont a USSI . que Ique chose de roman mp visuel

et les personnages

autour

qui plaisait tant a Sarcey

L'action chez euX n'est pas absente

nages n'existaient spectateur. , ,

dNini et, du ~eme

faire"l morceau de bravoure

sa ISles au vol. Fragmentation et discontinuite ont uel '. ,0 graphique par cette composition qui tient du mo~ta que chose d.e cinema

centralisee

permettrait

de lui appliquer

iI va donc placer son discours niveau generique

a

les

un niveau

ou il est reduit a sa fonc-

chez Belbel* dans Caresses ou chez Crimp dans

.~ ,

Atteintes

a sa vie. Dans

est un comedien

maintes pieces (Minetti'

, . ' 'ce rocessus, IIva parler de lui comme d'un Gr!chkovets' a parfaltement pomte P, 'I tion d'un moi fige en soi: « Pour " , , a un mono\ogue-reve a , ' , 1 -:tre au passe; ce ser 'e'tait moi mais en reallte ,e au" 'nt et m'ont connu, c, , toUS ceux qUI me connalsse J tre personne et \a premiere n'exlste 't maintenant est une au ' , , 'Imoi" qui racon e ~a , '~t 7 Ce type de monologue mtechance de reapparal re », lus et n'a plus aucune " ( t n Ie faisant parvenir au lecteur) est P , e garde pour 501 tou e , - , d rieur que Ie person nag d I 'sante du fait que \a sincente es h "e de Berkoff* ren ue p at la base de Kvetc , plec,. d' loppe en contrepoint constant des rononces» In petto se eve monologues « P . ts des echanges entre personnages. , dialoguesmensongers,obJe d llitterature dramatique est de I'ordre do En consequence, tout un pan e .a et du commente. Au theatre de . avant d'etre celul d u connu er~u et du ressentl ., , . I' 'te 'a des concepts verbalises, s'est subP , d'" dlgeree qUI se Iml ' , . la signification JrIgee, ' , rriere-pensee ' Ie pense eXlste, 'A d I ation a partager sans a ' . stitue Ie theatre e a sens,' At comme un elixir de vie, essence des A . '\ era donne par surcro, , , " bien sur, mats I 5 't t ce qU'1est dit non celui qUi Ie dlL: les d L'importan es ' choses vues et enten ues. A etre dependantes, desormais; d'une subI nt pour elles-memes sans , 'A paroles va e , " 'ssable soit comme sans Interet. jectivite consideree SOlt comme msalSI ,

de Bernhard ... ), Ie person

qui n'a que cette seule identite. Ainsi, La Femme fantOm

l'Ecossaise Adshead est un long recit canfie a un seul locuteur qui endosse les roles necessites par les diverses situations evoquees. en plus marque du personnage, Autre consequence:

Sur I'anonymat

de

I'acteur etablit son royaume.

Ie personnage

n'a plus besoin d'etre en conflit pour

ter; ce n'est plus I'autre qui Ie gene ou I'attire mais l'Autre, c'est-a-dire

a

la som,

des tensions et des desirs! des obstacles ou des refus qui font qu'un homme ( une femme) se c~>nstruit ou se defait. Ces forces qui Ie soutiennent

ou I'ecras'

relevent pour une large part du passe et de la memoire qu'i1 veut en garde dont il veut se debamisser. production

europeenne

D'ol! la place impressionnante

les monologues

qu'occupent

et les monodrames,

da

et plus gener

ment!e recit, fait de croisements de souvenirs et d'appels d'air. La seule differe entre Ie recit romanesque

et ce nouveau recit theatral est que ce dernier se p ,

fere 11la premiere personne (et encore, pas toujours, voyez Hamlet-Machine' MUlier) et qu'H essaie de ne pas etre une si~'ple meditation

introspective,

A

egard, Conversation chez les Stein sur monsieur de Goethe absent' de Hacks est u chef-d'ceuvre

du genre;

n'avoir pu exercer

ce monologue

autant

qu'elle

vengeur

d'une amoureuse

I'aurait voulu sa domination

Homme reussit, sans sortir un instant de I'enonciation etre

a

la fois une confidence

feutree

de la locutrice, un portrait

Goethe et une charge satirique, incansciente

naturellement,

un long monologue et directement

interieur mais, paradoxalement,

au lecteur; par son rythme

«

personne" hargneux

de madamede

sur elle-meme. Autre tour de force dans Chat! du Hongrois brkeny';

5tei

la'piece e'

adresse systematiqueme

iriinterrompu»

(c'est Ie desir de I'a'

teur), elle doit donner I'impression d'une sorte de reve eveille ou Ie person nag suscite tel ou tel partenaire au gre de sesdesirs, de ses coleres ou de sa jalousie! rien n'est vecu dans Ie hie et nunc de I'enonciation,

tout est raconte.

Da

L'Histoire d'amour du siecle de la Finlandaise l1kkanen, ce texte donne comme red, est un long monologue narratrice.

Recit, theatre,

adresse a un «toi» absent qui, on s'en doute, a.trahi comment

faire Ie depart desormais?

ait monodrame.

la

On a atteint Ie'S i

limites de la forme dite theatrale. II n'est desormais

plus besoin de recourir a la forme monologue

Meme dans Ie cas d'une pluralite de personnages,

pour qu'i!

y

comme chet'

Fosse, chacun parle pour soi, par.le devant soi, un partenaire fGtcii 11ses cotes; iI ne fait que lui renvoyer la balle de son monologue

I r"

."

de~ue

sur Ie .Gra

a la premiere

I

interieur. Le jeune auteur russe

Les formes dramatiques , , 'I e dont on vient de parler, -Ie theatre europeen Outre la forme du mono ogu , nte's dans \a Iitterature dramatique d'ecriture peu represe affectionne deux types d' th'me traite pour lui-meme sans faux. h' At d 'bat autour un e fran~atse: Ie t ea re- e , d' traite du '!ournalisme; Ie theatre . . N' ht and Day de Stoppar , qUi . , fuyant: amsl 19 L B t' '11' de Lobositz de Hacks ou Martin h' t 'que comrne a a 01 e historique ou para IS on .' uthentiques Y sont reproduits, Luther de Forte. Parfois, des textes hlstonq,ueasuxaemeutes irlandaises de 1916; p t At de Parker consacre comme dans en eco e , I' o'u" 'Interviennent Danton et J R' bl' ue de Bouravs
'd

7, Comment (OJ mange

h' n* p 13 (ed. Les Solitaires intempestifs).

u C Ie

,

'

_

II

politique.

Poiitique

Allemands

se sont fait une specialite

qui est a ia source

Vicaire~, Weiss avec L'lnstruction,

du theatre

documentaire

Kipphardt

d'investigation

qui s'etait forme da

Ie regime nazi s'etait arrangee,

aupres de femmes

et 5e refaire une virginite de bans et honnetes democrates.

Leurs fils, au contraire

d'etres humain documentaire

pas'::

de comptes

avec Ie passe, mais II se voudra aussi'

de sentimentalisme

et d'effet.s rhetoriques.

L'occultatibn

de

Quai qu' en pensent les auteurs eux-m~mes, .ait pretendre

a I'objectivite

historique,

pas de foumir des informations,

Ii se livre aune demonstration;

ne sau"

indiscutables,

repondent

decrits, replace

les hommes

de la fiction - inherente

du reel; quand

que la dramatisation

(Iatente au patente)

attachee

a des

sans nulle interla plus seche.

bien representee

durant

les

Weiss, qui refait

avec L'lnstructionde

d' Auschwitz,

mais avec la piece de Kipphardt,

Mais 13encore I'objectivite pure est un leurre: la piece

pas sous-titree

«Oratorio

qui ne reconnaissait

en ooze chants»?

et la piece de Ie physicien

ni ses mots ni sa pen see dans Ie dernier

ne perd jamais ses droits,

Ie theatre

objet de spectacle:

Beckett (Fin de partie, ComMie)

notamment

c'est une tendance

celui de se europeenne

en quete d'auteur)

sont passes maitres : theatre

et

dans, sur et avec Ie

avec partais des variantes

orl-

. ginales. Theatre dans Ie theatre d'un Sinisterra avec i Ay Carmela 1*,d'un Walser* I

avec Un jeu d'enfant,

d'un McGuinness*

. usent de la mise en abymeavec

avec Quelqu'un

subtilite. Theatre

pour veiller sur moi;

ou chez O'Casey

comedien

Ie mecanisme fait !'objet

du theatre de Minetti*,

Bernhard ainsi que des Visiteurs tralisation - n'echappe

its

3 la fois dans ~,t sur Ie theatre

chez Ie meme Sinisterra dans Les Figurants, chez Saunders je vaus chanterai

dans Les Tambours

deuxieme acte ce qui s'est passe au premier*;

car il sera toujours loi.

. 8. Se~1 ~e ~caire est sans rapport direct avec I'Allemagne, sinon que Ie pape Pie XIIy apparait, aans son Indifference au sort des jUifset sa haine du bok:hevisme, tout pret 11 considerer Hitler comme un interlocuteur respectable.

32

non seulement

demonte

plutot qu'equilibre

toute composition theatrale erriousse peu ou prou la force de conviction arguments historiques deployes.

I'

annees 1960, en Aliemagne,

entre deux modes d'ecriture, sible au lecteur d'estimer

I~

egalement

if s'agit d'Histoire. On a donc affaire pour les oeuvres en question 3 une tension tension

de juxtaposer,

theatre, dont leurs cadets ant reinvesti la formule

et les faits dans Ie sens de

est une exigenceincontournable

fOrcE~eet des trafics

brut, ce que devrait etre un theatre

sensu qui se contenterait

prendre lui-meme comme

a une intention

a toute oeuvre d'art - avec la representation

que cette representation

de la prostitution

des faits au des textes cites dans leur materialite

pr0d~s des bourreaux

« une

et de recits recueillis

ancienne au Pirandello (Ce soir on improvise, Six personnages

I'Histoire, tel que con<;:upar I'auteur. Cette forme theatrale met en jeu les rapports etant entendu

stricto

En somme,

11s'appuie ~u/des

qui n'est pas. celie du decalque et a une visee politique qui, au-dela du

au des evenements

C'est ce que font trois auteurs

mOnologue de la piece?

if ne se contente

mais dans, I'art, donc dans la creation. Au vrai, ces pieces, sl

bOllm~es qu'e/les saient de references esthetique

victimes

Ce n' est pas du theatre

une

plus proche du journalisme

Kipphardt ne s'est-elle pas attire les critiques du principal interesse,

fai:S, mais pour produire un effet de reel qui inscrit I'entreprise non dansl'artifice (et Ie mensonge),

une peri ode iointaine,

partir de temoignages

y tendre,

Oppenheimer,

ce theatre documentaire

moldaves

».

de Weiss n'est-elle

- pour remettre la verife

toute relative d'ailleurs:

construitea

E,l cause: R.}. Oppenheimer.

I'Histoite s' etait faite avec une t~.iie rapidite et line telle efficacite qu'il fallai~ reeou":, ~iraux moyens meme de I'Histoire _. donc du document sur ses pieds 8. '

historique.

La forme proces semblerait

a "if ie

riOid, aussi objectif que possible, pour eviter que la gravite du debat ne soit enta;' (hee, etauulteree,

9

vention d'auteur,

Ji avolr a subir Ie poids d'une culpabilite que leurs peres auraiEont dO assumer. Ii va done s'agir d'un reglement

existe aujourd'hul,

que de la recherche

tragedie contemporaine,

avec, souven

pour effacer leur pass

rien a cacher et i1sne supportaient

plus haut concernent

moldaves, Crudu, ESinescu et Fusu, qui, dans Le Septieme Kafana, proposent

1'1 complicite tacite au directe des alltorites d'occupation, en 1945, n'avaient

evoques

forme de theatre documentaire

aussitOt apres la victoire des Allies: la grande majorite d

c,=ux qui s' etaient compromisavec

a peine adolEscents

Si les exemples

avec,

avec }oiH Brand au I'Histaire d'u

affaire ant voulu crever I'abces de silence et d'hypocrisie

ia societe allemande

dont I'

dans les annees 1960: Hochhuth

dans Mais, maman, Ie statut

dans La prochaihe du pere Ned*.

ifs naus racontent

psychique

fois

Visniec au

et social du

du Faiseur de theOtre et des Celebres de

de Strauss;

la societe

du spectacle

- sa thea-

pas 3 la satire de K6beli dans Peepshow dans les Alpes*,

9. Extrait de la preface de Chantal Lamarre, editions l'Espace d'un instant, 2003. La piece date de 2001. Sandrine Landen complete la piece par une postface nourrie de faits accablants et assortie d'un appareil de references juridiques et bibliographiques.

-=J. \\ ii

;!

---'1 "

;1 ':'11 tandis que, a I'inverse, les pouvoirs

sont exaltes dans Le Theatr

du theatre

Dagerman dans Le Condomne

et un acteur,

depuis des decennies,

disait deja Shakespeare:

5toppard

Ie redit avec verve da

Rosencrantz et Guildenstern sont morts* et Frisch dans Biographie, un jeu, it tel

de pays et d'ceuvres,par

enseigne

comme tel: langage,

qu'i1 devient impossible

de distinguer

Ie personnage


de BOiThert dans Dehors devant la porte'

la rigueur, de I'expressionnisme

ambulant Chopalovitch* de 5imovic. Difficile de faire Ie depart entre un hom

a mort');

est marque

majoritairement,

un naturalisme situations,

ou de

ensuite parce que Ie theatre europeen, dans un tres grand nombre

tellement banal qu'it ne se remarque

personnel

dramatique

pius

sont tires - ou font

personne (Ie vrai) dans L'Art de la comedie' de De Filippo. Encore plus sournoise,'

comme s'ils etaient tires - de I'univers d'experiencesles

plus revelatrices du reel :

ment, Ie Lituanien Parulskis, dans Le Trou de Selene, revele seulement

souftrances, miseres, violences ... Entre cent exemples,

songeons

a la toute

fin que sa piece n'etait qu'un jeu de theatre.

aux pieces du

Britannique Orton, a Vendredi, jour de fiberte' de Claus, a Liste noire de l'Espagnol

Le theatre possede bien d'autres armes pour derouter Ie lecteur et I'entrainer

Vallinau a Voix secretes de Penhall.

sur de fausses pistes dbnt iI do it se degager pour goQter Ie vrai sens de I'ceuvrei La parabole est I'un de ces procedes : elle s'installe souvent dans Ie passe ou dans' un environnement

fabulaire quelque

peu etrange:

Lazaritsa, par exemple, de

Raditchkov*, dans la piece du meme nom, s'est refugie dans un arbre dont iI ne tant iI a peur d'un chien qu'i1 a essaye de tuer et qui Ie guette i

peut descendre

Vive I'harmonie 1* de de Carvalho est une parabole sur Ie monde renverse avec ses ~ prisonniers qui ne veulent pas quitter leur prison. Des lors, I~histoire racontee ne prend tout son sel que si elle est pen;:ue dans une sorte de strabisme,

avec un .

regard croise, un ceil sur la fable, un autre sur ce qui est ecrit entre les lignes. cet egard, les pieces des dramaturges so us obedience transparentes

A.

des pays de l'Europe de l'Est, longtemps

sovietique, sont un festival d'allusions satiriques masquees pour Ie public de I'epoque,

mais

celles de Mrozek* (En pleine me~

Bertrand, Strip-tease .. .) comme celles de Schwajda (Le Miracle', L'Hymne). Mais les paraboles

peuvent

qu'elles susdtent seconde,

reposersur

des supports

de toute nature,

I'essentiel etant

une double lecture: celie, immediate, de la fable affichee, celie,

de I'interpretation

philosophique

oupoiitique.

Les exemples

legion: de Fabula de la Tcheque Fischerova a L'Ange de I'information de~arat-Sade*

en sont

de Moravia,

de Weiss it Gengis parmi les Pygmees' de Motton. Parfois, ce n'est

Espaces et temps Plus interessant est Ie fait que, generiquement,

Ie theatre

musicale tres precise quel'artiste ment; Nadas, beau joueur, donc que ma conception sion complete

qui en a ecrit Iii musique

reconnait:

primitive:

«

intitulee

Rencontre doit comporter

10.»

beaucoup sur cette interpenetration

des deux arts dans Les Tambours du pere

Ned: ces tambours

Sans aller aussi loin, O'Casey

comme

dans

reusement, Ie symbolisme n'echappe pas toujours a la simplification, na"ivete, comme dans Merd toi, f1euve du Russe Litvine.

voire a la

a

Parler de symbole risquerait de nous entrainer du cote d'une classification du theatre

europeen

en «ecoles",

parce que les -ismes repondent

ce qui serait doublement

sans objet, d'abord

a une epoque revolue ou il y avait encore des

genres et des influences subies ou revendiquees,

faciles a deceler (c'est Ie cas. a

insiste

sont ceux de la revolte et de la fete; its sont mieux capables

que la parole de les lier dans un meme rythme vital. Pour ce qui est de fa place des chansons au theatre,

oncrbirait

I'influence de Brecht determinante:

dans Deux otages; doit au music-hall piece, tandis que McGuinness Plus profonde

ielandais les couplets

televise: temps et espaces sans aucun soud d'une determine

deplacements se surimpriment

possible

et multiplication

a un

ou se succedent

realisation scenique;

sa

aussi Ie rythme .,du recit dans La Pate

a

(Iumiere, ~!acernent

des perso!lnagE's

des espaces:

dont

Ie.'

Happv

feuilleton popLilairc a grande vitesse,

la mobilite de la camera modeler, d'un autre Russe,

au tow: . r.Iar.~ !'2~p;~~P,5~?1'ICe oe

Sigariov. Crimp propose dans Getting Attention un decoupag€ les parametres

dont il ponctue

se tourne plutot vers Ie folklore locaL

est I'influence pu~dnema et de la television

encore

elle I'est

sur Ie Hacks de La Bataille de Lobositz, mais Behan*;

sur Weiss ou Frisch, egalement

birthday (702e episode) du Russe Kostienko ressemble

symbolique,

la

partition etablie par Laszlo Vidovszky

ment qui possede

d'un musiden ce/~bre de Buzzati. Malheu-

a 'modifiee sensible-

ce n'est la que la moitie de la piece. La ver-

et definitive de la tragedie

theatre retient sQuplessedes

alors une valeur d'elargissement

a lalitterature

Le texte que nous publions ne reflHe

pas la piece tout entiere qui exige cette duplication de lecture, mais tel ou tel ele. La Crue de Grass ou Fin dramatique

echappe

pour aller du cote de la musique : Nadas inscrit Rencontre' dans une perspective

sequentiel

, I'un a I'Clutre,irltcrpenetratior. des dialogues, etc.) sont tres precisement detaillH dans de longues didascalies. Autre fa.;on pour Ie theatre d'€tre influence par Ie cinema: quand la piece est tout pres de ressembler a un scenario de film. Dans Grand-pere et Ie demi-frere" de Hurlimann, quantite d'images sont a creer men. talement, entre lesquelles s'intercalent des phrases qui ebauchent des bribes de dialogues ou I'essentiel reste allusif: la combinaison de I'image (virtuelle) et des mots est indispensable pour qu'on saisisse Ie fil de I'histoire. Le recours a des formes d'ecriture cinematographique fait mieux prendre' conscience que I'espace est une composante essentielle du texte meme; loiri d'Hre Ie 'cadre, eventuellement secondaire, ou se situe une litterature drama. tique qui releve du theatre-conversation, iI s'impose pour ce qu'il est: une don. nee fondamentale de la perception qui determine la prise de vue sur Ie monde. Bien sOr, la critique mod erne (notamment avec Barthes et Odette de Mourgues a propos de Racine) I'avait souligne de langue date. Neanmoins, il a fallu plu' sieurs decennies avant que I'on passe d'une premiere revolution (celie des Beckett et autres lonesco, ou I'espace etait integre au texte, concretement et pour sa collaboration au fonctionnement dramatique de I'ceuvre) a une autre, celie a laquelle on assiste actuellement: Ie texte n'est plus dans I'espace, il fait i'espace, il est espace. Citons, comme deux extremes de cette con.ception, Atteintes a so vie de Crimp d'une part et Par les villages de Handke, de I'autre: chez Crimp, la vie contrastee d'une femme a ideritite flottante (son nom est une :;erie de variantes du mot« Anna », maiselle pourrait tout aussi bien s'appeler la Femme) se joue dans une mobifite incessante qui la mene du cabaret a une ville bombardee et d'un hotel bon marche a un «appartement aux hauls plafonas", ~ans ces~e meme et autre, a telle enseigne que to ute figuration de ces espaces est impossible. Chez Handke, II s'a.git d'espaces mentaux ou plutot d'espaces 2crits que la force du limgage doit rendre assez evocateurs pour que Ie cceur vivant de la piece, !a presence de la l\Jature, soit per~u sensoriellement. La en cere, aucune figuration Ii'est possible, sinor. de fa~on c/ .sive et metaphci:'ique. L'espace s'ecrit sur la page mais se vit et se voit, si I' 'n peut dire, dans la tete du recepteuJl
1 13.j

a

L_

que toute« mise en espace» autre que menta Ie, toute scenographie u~ peu trop H1ustrative,s'avereraient reductrices et archaIques. Ce qui ne veut pas dire que ce , t pe nouveali de textes ou toute frontiere est abolie sur la page entre des espaces y , , d distincts et des temps heterogenes (textes representes par es ceuvres comme Hotel Europa" de Stefanovski, Suite du Catalan Battle, Les Uns chez res autres* de A ckbourn et surtout la plupart des pieces de Schimmelpfennig) coupe I'herbe y . I" sous Ie pied a la mise en scene. Au contraire, celle-C1occupe une p ace a part mals entiere puisque I'espace a pour truchement Ie seul corps de I'acteur (gestuelle, voix, costume) dont Ie metteur en scene est comptable. Le temps, iI va de soil a partie Iiee avec I'espace dans un brouillage complet des temps objectifs, par surimpresssion des etats de conscience et des jeux de memoire: Alberti fait dialoguer, dans Nuitde guerre dans Ie musee du Prado", les ersonnages des toiles anciennes avec les combattants de la republique espa:nOle; dans Le Bonheur des autres, du Britannique Frayn, les personnages enchainent leurs repliques, bien qu'i1s ne soient pas mentalement dans Ie meme temps, ". meme ,'i1s sont, apparemment, dans Ie meme espace; nieme brouillage entre passe de I'intrigue et present du commentaire dans Epilogue a Yalta du Portugais Letria. Le melange des temps. s'il va jusqu'a confondre Ie passe avec un futur qui r,'aura pas lieu, mene a la destabiiisation totale des identites manipulees par I'auteur, comme dans Notre pere" de Kaff. C' est plutot alors I'ecriture romanesque qui est mise a contribution, avec cettedifference que, sur la page du texte theatral,le temps peut prendre de fa<;:on'tres sensible Ie parti du silence, mais d'un silence parle, dans un tempo qui doit tout au rythme biologique au spirituel du IOGJteuret rien au' temps de !'horloge : to utes les pieces d' Achternbusch (Gust, Ella') repoildent a cette intention, comme aussi certaines de Kr,oetz (Travail a domicile) ou celles de Fosse.

En somme .. la litterature dramatique europeenne s'eloigne de plus en plus de la Iitterature, d'une !itterature qui se limiterait a ce que signifient les mots: les ;n~ts ont du corps, ils sont des forces, desgestes, des sensations, des charges de sHence, tout autant et plus que des concepts. « IIfaut que Ie mot germe", disait Andre Breton: cette germination releve de i'esprit poetique, seul capable de faire sartir de la graine du sens des efflorescences inattendues, monstrueuses ou diaphanes. Verite d'evicence longtemps masquee par I'imperialisme de metteurs en scene qui plaquaient leur propre texte scenographique sur Ie texte ecrit.

L'autonomie

retrouvee des auteurs de theatre ne les condamne

sisme orgueilleux mais vain. Loin de mener Ie theatre tique ou au deperissement,

a un

les ecrivains de la scene travail lent

de sa juridiction, indispensable

pour qu'iI puisse repondre

monde comme il va. Mode d'ecriture

litteraire attrape-tout,

pas

a un

soli

isolement aristocrci

a I'elargissemen·

a sa mission

de dire Ie

toutes les approches

de ce monde Ivi sont bonnes et tous les arts sont de son gibier, pour peu qu'illes metamorphose I'incarnation

en mots, eux-memes

Saisie en aval comme morphose

prometteurs

d'une autre metamorphose;

sur un plateau. ininterrompue

en amant,

la Iitterature dramatique

du corps typographique

instaure la meta.

du texte en corps vivants

d'acteurs.

1. Les ages de la vie 2. Le theatre,

lieu d'identites

3. Les incertitudes

flottantes

du moi

4. Est-ce ainsi que les hommes 5. Families, je vous ai !

s'aiment

?

'I

L'interrogation

sur I'identite

a savoir

depuis qu'CEdipe a cherche

-i-

est au cCEur du theatre

bien mal lui en a pris - qui il etait. Son

enquete portait sur sa filiation, mais surtout sur les fondements lite.Tout Ie personnel 11

dramatique

a Peer

Faust, de Lorenzaccio

occidental,

d'hier et d'aujourd'hui,

traverser

tique quand

vaut-illa

S'accepter

peine de na'itre et, une

a

,

a soi,

encore plus problema-

la derive,

rendue

dans I'impossibilite

connaTtre un et stable. Les dereglements dus familiers 11 tout un chacun

par I'angoisse,

ne va pas de soi.

est une affaire de soi

Ie moi flotte

de Hamlet

lui a embo'ite Ie pas

les ages de la vie sans etre submerge

la rancceur au Ie degoGt? eet apprentissage

a Minetti,

Gynt et de Gaspard

etvitle meme mai-etre qui confine au mal d'etre: fois ne, comment

de sa personna-

ou Ie refus de se

de la psyche que la psychanalyse

alimentent

maintes

a ren-

pieces, qu'iI s'agisse du moi

d'un artiste fondu dans son ceuvre, de la nevrose d'une

adolescente,

du dechi-

rement suicidaire

d'un soldat

retour

de

ce semblant

d'etre

sur

d'une

guerre. Or la figure-est

femme

ou du visage dHigure

aussi cette apparence

theatrale,

lequel, pendant des siecles, on a pu tabler, avec tranquillite tinguer Ie moi de l'Autre. Aujourd'hui,

la confusion

et certitude,

pour dis-

des deux entites finit parfois

par abolir la frontiere entre les regnes et par pousser I'humain du cote du monstre et de la bestialite. Quand iI s:agit des comediens,

la mobilite, voire I'instabilite appartiennent

de

droit a leur identite. Bien plus, elle leur est necessaire : elle nourrit leur etre de papier et de mots et, du meme coup, se pose et se repose - car c'est un vieux debat -Ia question des territoires respectifs de la personne fictif.Les dramaturges

europeens

tion existentielle comme les consequences

et du personnage,

du temps de Pirandello, ils en exploitent

esthetiques,

les uns avec humour,

d'autres

ambigu'ites entre les multiples instances de ce moi partage ou en poete de la scene: Si I'on revient

a une

il y a oe l'Autre, beaucoup forme dramatique

a

l'Autre, I'amour,

plutOt toutes

en multipliant

est chargee

les

en histrion, en heros

d'Autre dans leur moL

qui ne se prend pas elle-meme

objet rnais s'appuie sur des fables et despersonnages, la relation priviiegiee

du reel et du

actuels n'en font plus I'objet d'une demonstra-

on se rend

vite

compte

pour que

de plus de malentendus,

d'echecs, voire de haine, que d'exaltation

heureuse, bien que Ie theatre europeen

- plus sans doute que Ie theatre fran<;ais - propose quelques d'un bel elan. Sinon, que de traverses connaissent

hymnes a I'amour'

ceux qui aiment, que Ie sexe

s'en mele ou non! Que de viols et de violences; que de pulsions impossibles ~

satisfaire sinon au detriment de I'objet du desir! Et quand

entre en jeu un autre rapport

la fa mille, il n'en va guere autrement accepter:

de dependance,

celui qu'impos~

et it semble tout aussi difficile de s'entre,

du fond de la situation la plus intolerable

it,~

l~tre ou ne pas naitre, telle est la question.

Ce qui semble aller de soi pour tout

un chacun est vecu com me une malediction

par les personnages

burg (Visages de feu) ou comme

la femme, I'enfant qu' elle porte, la mere, son fils, Ie fils, son' pere. le

meurtre est au bout de la relation. Parfois, cependant,

~;r"". ~~ .•.

un chant d'amour s'eleve

aux yeux de la morale traditionnelle:

et riche d'ambigu'ites

I'inceste d'CEdipe vecu comme un bonheur, voila la reponse que donne un ecr!;

s'accompagne

vain d'aujourd'hu!

Sort-on jamais vraiment

inconciliables,

its sont tous reunis sous les especes d'un couple heureux OU Ie

male, fils et mari de sa mere-epouse, la source de to ute vie.

revient 11 1'«origine du monde»

comme

a

d'un degoOt de tout sarcastique

Cet etat d'instabilite

par ceux de Fosse

et

a la domination

pour

des choses.

(Gaspard). BientOt la fin de I'adolescence et brutal (Vingt ans, et a/ors I).

de I'enfance, et I'age adulte est-il autre chose qu'un aller

et retour entre Ie presque plus et Ie pas encore?

pere.

a I'existence

les epreuves commencent

I'enfant qui se travaille pour acceder 11 la nomination Reussite trompeuse

au vieux my the. L'identite n'est plus dechiree entre des« moi»

un difficite acces

(Le Nom). Une fois qu'it est lance dans I'existence,

de von Mayen-

est pousse jusqu'au

C'est laquestion desespoir

que pose Notre

et au [ri, dernier appel

au secours avant Ie suicide; 4.48 Psychose est Ie signe extreme de I'insupportable obligation d'avoir 11 s'accepter.

Toute angoisse

comme autant de morides qui s'ignorent,

surmontee,

chaque generation,

s'installe dans son pre carre. Les rap-

ports entre les uns et les autres sont teintes de mefiance

et d'agressivite

Mais quand, avec les conflits, disparait toute possibilite d'echange, ia vieillesse, ce naufrage,

nourrie d'amertume

(Le Bus).

on parvient 11

et de regrets (Les Dernieres Lunes).

lV1arius von

© L'Arche,

KURT.-

Ne a Munich,

Marius van Mayenburg commence par faire des etudes de iitterature et de langue avant de venir Berlin et de suivre des cours d'ecriture scenique, notamment avec Tankred Dorst. Ses premieres pieces datent de 1 996 ; il est mis en scene par Thomas Ostermeier avec qui IIcollabore la Baracke de Berlin. En 1999, il s'integre f'equipe de la SchaubUhne, comme auteur, dramaturge et traducteur. De la dizaine d'ceuvres theatrales qu'il a ecrites, seules quatre sont traduites, semblables par I'enchevetrementdes lieux et des temps, par Ie clignotement incessant des points de vue, mais tres differentes par leur ton, encore que la violence etl'agressivite en soient I" marque commune .• , Le cours impitoyable del' existence repart avec son marteau-pilon, sl possible en pleine figure >', cette phrase de Mayenburg conviendrait 11 des personnages (ceux de Parasites au d' Eldorado) qui ne connaissent que d<.: breves iueurs d'espoir en forme d'appel a I'aide. Mais quand i! s'en prend la bourgeoisie allemande, I'auteur s'en donne cceur joie dans Ie portrait-charge et Ie jeu de massacre. Son Enfant froid est. une sorte de Feydeau br'utal et priapique, ou un personnage traverse la piece braquemart au vent t.andis que les autres, hommes et f~mmes, satisfont, 131 reves au en actes. leurs pulsians de mort au leurs besoins sex:Jeis. La verdeur de style se met alors au service d'un burlesque grin<;a'lt.

a

a

a

a

a

OLGA.KURT.-

lV1ayenburg,

2001, traduction

Visages de feu ~

Laurent

lV1uhleisen

Je peux me souvenir de ma naissance. Tu ne peux pas. Je peux.

.OLGA.-

Meme moi je ne peux pas me souvenir de ta naissance.

KURT.-

Parce que tu n'y etais pas.

]e suis deja sortie du pire: j'ai ~a derriere mol. Je me Ie dis encore une derniere fol5, pour en etre sure: c'est fini. La premiere impudence est oubliee, l'union avec Ia chair maternelle. Ensuite viennent les humiliations, il y a des photos de ~a : un nourrisson, un Hre de bouillie. La mere fait gUsser ses tetons sur un orifice quelcongue du corps et aussit6t, c;:ase met a suinter eta gicler par taus les autres. Enveloppe dans du plastique jusqu'au cou, et au cou c;:a degouline sur la bavette, Us te I'ont accrochee pour t'humilier, comme un d:.:apeau. Et quand tu cries, parce que tu veux te sortir de cette salete, ils te gavent de plus de bouillie encore, jusqu'a ce que tu ('etoufies enrin et qu'ils aient enfin Ia paix. <;::an'est que Ie debut" ]'ai tout c;:aderriere moL OLGA.--

Olga. <;a y est, je l'ai reve. C'etait Ia naissance, tout ce qu'il y a de plus clair. J' ai reve d'un train fantOme, je suis assis dans Ie wagon ct tout il coup ~a s'ebranIe, et il cogne contTe une porte battante avec un b!:uit du tonnerre, et la porte s'ouvre, et tout aevient noir.. et autour Ies ampoules muiticolores brillent dans les yeux des poupees fantomesi qui bougent sur leurs moteurs, et c;:asent Ie moisi. Mais maintenam je ne sais plus. KURT.-

U" ;eune homille, KUI( et sa S02ur, Olga, partagent une sorte de complicite amoureuse ,~tphilosoph~que oar.s Ie re.iet de leur farnill<~et dUf;londe.

Kurt va jt;squ'au

COL't de ses refuse:"1devenant iilcendiaire et en assassinant ses parents. Olga, amO\1reuse de Pilul, dn gar;.or:"ans

hlstGires,

j',t'

p':lrvier.t pas

a met1eiJ'au::odestnjctic!~

~ son terme;

ene s'enfuit finalement

avec Faul, laissant Kurt se sacrifier par !e,

flam,;,es.

total cf:sespoir d:d'une

gr::>:1deviolence, la piece est ponctuef. par

D'lFl

des references

a de grands

textes qui peuvent etre

ue Parrnenide,

des presocratiques

ou de Nietzsche. C' est inte'1se d d' une !Joesie noire; tets ies recits de naissance r"contes

ilU

debut de I'ceuvre (extra it choisiJ, successivernent par Ie frere et par la SCEU"

Vi:;ages de feu (Feuergesicht),

'i..visierne piece de von Mayenburg,

"

Munich par Thomas Ostermeier en 1 998 ; eile a obtenu ie prix Kleist.

et~(reee

~

OLGA.--

Quai done. ]'aiD)e pas ~a. Je dors.

AJars, c'est la naissance, au apres, c;:a,attends, qll.and Ie wagon sort avec un bruit de tonnerre, et qu'll fait de nouveau clair, et que je suis tout aveugle ?

KURT.-

OLGA.-

Tu dors encore. Viens, couche-toi ici.

(Kurt se couche pres d'Olga)

Tu es tout mouille. KURT.- C'est Ie liquide amniotique. C'est ce que je dis tout Ie temps Putain, toi quand tu dors .

:,-rrete maintenant avec ta naissance. (:a remonte a long. temps. A l'epoque on etait taus enCOredes hommes prehistoriques. OLGA.-

Kurt

s'effraye.

KURT.OLGA.-

Ton ventre't:st si tendre. Oui

(Kurt pleure)

Tu ne dais pas plemer, petit. Taus les ventres sont tendres. KURT.OLGA:-

besom.

]e l'ai oubHe. M~intenant, j'ai tout oublie. C' est egal. Tu as Ie droit d' oublier ta naissance, tu n' en as plus

Jon FOSSE NORVEGE

(NE

EN

1959)

Auteur, depui5 1983, d'une trentaine d'oeuvres diverses (romans, essais, poemes, ouvrages pour enfants), Jon Fosse n'est venu au theatre qU'en 1994, a la demande d'un metteur en scene. Depuis, seize pieces ont-vule jour. MaTtre d'une tension feutree au temps distendu, illui suffit de tres peu de gestes et de mots pour faire glisser les situations apparemment les plus banales (par ex empie, Ie trio c1assique d'une femme entre deux hommes) et les sentiments les plus conventionnels (la jalousie, I'amour maternel, I'hostilite entre les peres et les fils) vers'l'angoisse ou la menace, voire la violence. Le poids du passe et la crainte de I'avenir taraudent Ie present et en font eciater,la mince couche d'immobilite heureuse. Fosse cherche, dit-il, a creer « les moments cu un ange est en train de passer sur scene ». C'~st so!.'vent un ange no~r. L'immensite solitaire des paysages norvegiens (fjords et. forets) cont~ibue pour beaucoup ~ la tonalite mysterieuse de ses pieces. ;'osse seduit surtout par son type particulier d' ecriture. I! rejette ie theatre qui se nourrit de concepts et de rhetorique voyante; il cherche 11 faire ven!r la surface des mots )e, paro!e enfouie, fragile et p2ine

a

a

2,lldibl~ qui revele la verite des etrp-s. Tres jOlje partout en Europe, Fosse, tradLlit pa:- Terj€ Slr.di'1g, a e~0 intreduit en France ra~ Claude Regy,

L.'extrait chois! est tire de la deuxieme point et renfrognes.

visite 11 ses parents, pll,!tot ma'i en

Le silence regne dans les relations

I

Entre lui et la, Fille, une

Ie Gar~on se plaint d'avoir ete traite par Ie Pere comme s'il

n'exi:;tait pas; iI n'a ete d,esigne que par un ne s€:raient-i1spas indissolublement tain humour, developpe

I

familiales. Le Gar~on, mal

accueilli, se tapit dans un coin et se plonge dans lalecture. conversation s'engage:

I

piece ,de Fosse, Le Nom (1995): une loute'

jeune fille vient, avec son compagnon,rendre

«

i1» anonyme.

I

L'existence et I,enom'

J

lies? C'est Ie theme que Ie Gar'fon, avec un cer-

devant la Fille, plus pragmatique

~t, surtout, soucieuse de

:1

'I

I'enfant qu'elle porte.

j

;'1

,j

:~ q

'4 ~ I ; i

~'l

;iIi

jt'll:

f-oS!-e,

~---~

f.e NiJ;n ~ 1.0 L;Arch·~,

.

1998

1

traduction

-

Qui Je per,se qu'il y a un endroit ou les enfants s~)nt reunis avant de naitre au les enfants sont dans leurs ames Et pourtant ils se parlent entre eux a leur maniere dans leur propre langage d'anges

LE GAR':;:ON.-·

TC!r,e Sindihg

-,

Et taus ils ant pem de la naissance Car naitre ce n'est pas si simple C'est difficile c;:a Et allez savoir a quai ressembleront leurs parents LS GAj{~ON.-

LA FILLE.-

LE GAR<;::ON.LA FILLE.-

(Ie gar(:on regarde La fille, il sourit)

Et ils se demandent au ils vont atterrir Car ce n'est pas eux qui Ie decident Et voila qu'on decide au ils doivent aller Pour chaque enfant l'un apres l'autre on Ie decide . Mai j'irai en l'lorvege dit un enfant LA FlLLE.-

Ce que tu peux avair commeimaginatian

LE GAR<;::ON;-

Qui

Puis on decide pour un autre enfant Mai j'irai en Inde dit l'enfant Et un enfdi1t qui vaulait aller en Suede' atterrit en Finland~ LA"'FlLLE.-

Eh oui

Un enfant qui vouIait vivre a la ville se tetrouve a la campagne '2.t cc n'est que lon:qu'il sera grand e,.• .•...•.....''''r, nourra enfin vivre ii. la ville \i"'l~ ~""'.L:ian·~ '".r ... Ct tous Ies enfants son"!:impatients de decouvrir '}quai rcs5embieronL leurs parents OJ:;conUde ils sont impatien.ts LEG~it<;::bN.~

'C

. ';':",'

LA FiLLE.-·

~ •. '3 L __

il

Alms notre enf~nt vaetre de~u

Ca aui Et allez savoir

a quai

l'enfant va ressembler

Avec une mere comme moi aui

LE GAR<;::ON.- Et un enfant peut devenir pauvn~ au riche Beau au laid Oh comme ils sont impatients Et deja dans I~ ventre de sa mere l'enfant peut sentir a quai ressembleront ses parents LA FILLE.-

(riant)

Pauvre enfant

LE GAR<;::ON.- Qui l'enfant peut sentir si Ies parents lui plaisent au non si les parents ant des voix et des ames qui Iui plaisent au non (bref silence)

C'est ainsi Et je crois (ils'interrompt)

]e ne sais pas si on Iui plait ii eet enfant (Ie gar{:on regarde La fille, ['air intenogateur) LA HLLE.- Arrete de dire des beti~es C'est sewement parce que moi je ne te plais pas que tu penses Comme ~a

LE GARCON.- L'enfant est si impatient je sens (ornme cet enfant est impatient de voir a ,quoi naus ressemblons

De voir quoi ressemble

Peter HAN DKE

a

LA FILLE.-

(NE

EN

1942)

Qui Ie monde dans lequel il va entrer

LE GARi;:ON.LA FILLE.-

AHTRICHE

Poete, essayiste, cineaste et scenariste (il travaille avec Wim Wenders), romancier et auteur dramatique, Peter Handke est I'un des ecrivains majeurs de notre temps par I'ampleur de son ceuvre (une quiniaine de pieces et une quarantaine de romans et essais) et par la profondeur de sa visee esthetique. II a debute au theatre par une provocation directe qui fit scandale (Outrage au public, 1966); depuis lors, iI encha7ne des pieces qui sont autant d'enigmes (La Chevauchee sur Ie lac de Constance, 1970) au de poemes sans paroles (Voyage au pays sonore .....

Qui

LE GARi;:ON.- Il est impatient de decouvrir l'endroit au nous vivons A quai nous ressemblons et ce que nous sommes

Ne parle pas comme <;11. Ca me rend triste

LA FILlE.-

LE GAR<;:ON.LA FILLE.-

1989;

Mais je sens comme cet enfant est impatient

(en cal(;re) Est-ce que tu parles comme

m'embeter

<;a juste pan

e

(elle Ie regardeJ et iI hache Ia tete)

Arrete Taus ceux qui ne sont pas nes sont dans un ciel au se trouvent tous ceux qui ne sont pas nes La Us se tiennent tranquilles et impatients Oh cc:>mmeUs sont impatients

LE GARi;:ON.-

Arrete On dirait un livre Tu as besoin de

L'heure

au nous

ne savions rien I'un de I'autre,

1992);

La personnalite dramatique de Handke se signale par deux traits apparemment contradictoires: la haine du theatre et I'invention subtile d'une dramaturgie sans cesse renouvelee. Handke ne se laisse intimider ni par Beckett ni par Brecht, et il refuse au theatre d'avoir a se faire Ie vehicute du moindre message; tout realisme lui para7t mensonger, de quelque distanciation qu'on Ie pare, de quelque beau langage qu'on . I'habille. Or Ie langage merite une autre attention, celie d'etre pris comme objet meme de I'ecriture theatrale.

.

LA FILLE.-

(elIe sJinterrompt) LE GARi;:ON.- Car ceux qui ne sont pas nes sont aussi des hommes Tout comme les morts sont des hommes Si on veut etre un homme il faut penser que les hommes ce sont tous ceux qui sont morts . tous ceux qui ne sontpas nes et taus ceux qui vivent maintenant

Gaspard (Kaspar, 1967) montre comment,

a parler. La piece

tion et mise au pas conjointes. loup decouvert

a bout

parlant, on peut amener quelqu'un verbale" ", selon Handke: Educa-

Coince entre sa bestialite originelle (il est I'enfant-

dans les bois au xix· steele) et !a depersonna!isation

I'uniforme de la langue, Gaspard venir

« en

pourrait aussl s'appeler"torture

decette

s'evertue,

unique phrase:

a etl~un jour. " Tandis qu'i1 anonne, statut a donc ce personnage?

'qu'impose

durant toute la duree de la piece,

«j'aimerais

a

devenir comme celui qu'un autre

une voix off commente

ses agissements : que!

Bien qu'invisible, iI s'adresse directement

comme s'il etait une sorte de tireur,de ficelles, mi-inquisiteur, dans cette piece, les indications sceniques commencent

a Gaspard

I 'I :.:;j",">•

mi-analyste. En outre,

a prendre

une place qui va

(roitre jusqu'a faire Ie tout de I'ceuvre dans la production la plus recente de I'auteur:

~

II

j;;,

,

la « rornanisation » va devorer Ie theatral.

II ,,,,,.

~:

'Ii

Peter

© L' Arche,

Gaspard se defend avec sa phrase: ]'aimerais. Yaimetais devenir comme Ull jam. ]'aimeraiscOll1IIle celui qu"un jour. Un auti;:. Un celui autre. Un. if ;;ot1:ier;{

1971,

traductior.

Handke,

Georges-Arthur

Gaspar

Goldschmi

Tu commences, avec toi-meme tu, es un phrase tu, pourrais de toicmeme forme d'innombrables, phrases, mais tu es, ass' Hi, tu ne sais, pas que, tu es a."isisla. Tu n' pas assis, la parce que tu, ne sais pas que, es assis la tu, ne peux pas former de phrases de toi-meme,tu es assis ta, 'veste es boutonnee .. La ceinture, de ton, pantalon est, tTOp lache, tu n'as, pas de lacet 'ell, n'a pas de, ceinture ta veste, est ouverte, tu n'e pas, 12 du tout tu, es un la-, .::etdetache. T ue peux te detendre contre aucune phrase.

J'aimerais comme celui que.

Lapremiere deJivation :

Jl resiste plus violemment,

mais avec mains de sucd:s : Un.

A. CeluL Aimerais. Autre.

sa phra~e: j'aiIT.erais dcvelllr camille celui qU:Ull autre a etf
Le lacet teraic maL 11ne tefait pas mal parce que c'estun lacet; mais parce que Ie mot te mili1.que, et la difference entre Ie lacet sel1~ et ie lacet ·defait te fait mal, parce que tu ne sais pas ce que c'est que la difference entre Ie Iacet serre et Ie lacet detail. Laveste te fait mal et les cheveux te font mal. Toi, meme S1 tn ne te fais pas mal, tu te fais maL Tu te fais mal parce quetu ne sais pas ce que (' est que tu. La table te fait mal, et Ie rideau te fait mal: Les mots quetu entends et Ies mots que tu prononces te font maL Rien ne te fait mal, parce que tu ne sais pas ce que c'est que faire mal. et t011tte fait mal, parce que de rien du tout tu ne sais ceque cela signifie. Parce que l.u ne sais Je nom de den du tout, tout te fait

mal, meme si tu ne sais pas que cela te fait mal, parce que tu nesais pas ce que Ie mot faire mal signifie.

j'aiwerais devenir comme un celui autre qu'un autre celui a ete un jour.

Ete.

till-Ure

Ii continue a resister : Un ete. DE autre a devenir. Un autre celui. Comme un devenir. Un a UIl. Celui ete.. Aje. Je celui. Aimerais un autre. J'almerais un autre. Comme un celui autre. Un jour un autre. Un autre He. \...

cowme un jour.

Tu entends des phrases: quelque chose de sembi able a ta phrase: quelque chose de comparable. Tu compares. Tu peux faire jouer ta phrase contre d'autres phrases et deja obtenir quelque chose: t'habituer au lacet detait. Tu t'habitues deja a d'autres phrases sans lesquelles tn ne peux plus l' en sortir. Tu ne peuxdeja plus considerer ta phrase toute seuIe: deja elle n'est plus ta phrase: dejatu cherches d'autres phrases. Quelque chose est devenu impossible: quelque chose d'autre est devenu possible.

Comme un autre ceiui je qu'aimerais a ete un jour.

Ou

Gaspard resiste encore plus vioiemment, mais avec encore mains de sucd:s : Demeurir! Jemme! Autui! Jinq! Etrais! Venaul! Jun! Jau meum loutrais alcun suir.

es-tu assis ? Tu es assis tranquille. De quai parles-tu? Tu paries lentement. Que respires-tu? Tu respires regulierement. OU parles-tul Tu paries vite. Que respires-tu ? Tu expires et tu inspires. Quand es-tu assis ? Tu es assis plus tranquille. Ou respires-tu ? Tu respires plus vite. Quand parles-tu ? Tu paries plus fort. Qu'es-tu assis ? Tu respires. Que respires-tu ? Tu paries. De quai pariestu ? Tu es assis. OU es-tu assis? Tu exprimes et tu imprimes :

Don Duyns,

Don [)UYNS PAYS-BAS

(NE

© Les Solitaires

EN 1967)

intempestifs,

1998,

Vingt ans, et aiors [,; traduction

Mike Sens

a

Apres des etudes theatrales, terminees Amsterdam en 1990, D' Duyns devient en 1994 directeur artistique de la compagnie Growi .. up in Public. Son CEuvre, deja importante, bien que peu connue France, lui a valu Ie prix Perspectives en 1991. II est considere com Ie fer de lance de la « generation rien ". En fait, il a sur Ie theatre un poi de vue a la fois tres negatif (sur ce qui s'est fait jusqu'alors) et tres am tieux, voire idealiste, sur ce qui pourrait etre fait: « Ecrire du theatre I'art de ne pas formuler ce q·ui ne peut pas etreformule. Un art delica\ il s'agit de la vibration "entre les mots", et nullement de la platitude d mots en soL L'auteur dramatique se doit de (d)ecrire quelque chose q n'est pas du tout la encore, qui ne peut pas du tout etre la encore: contexte de ses mots plus tard sur la scene. "

Deux hommes - ou des femmes - avec de longues batbes ~t des foulards de la Palestine, genre Loek Zonneveld. fls fument du haschzsch. HOMME 1.-

Tu te souviens du temps, quand on etait rebelles ?

HOMME 2.-

Et commentJe

m'en souviens.

]'ai lance les premieres tomates au theatre. Bentz Van Den Berg aVCiitjuste entame sa premiere replique et

HOMME 1.-

flatsch! Droit dans la tranche! Tout Ie regime reactionnaire en miettes. A bas la bourgeoisie. . Du theatre moderne. Laferme a Loenersloot, La Mama, Ie Werktheater ! HOMME 2.-

J'ai lance Ie projet des bicyclettes blanches et j'organisais

Le titre entier de la piece est: Vingt am, et cilors!Contre qui peut-on encdre se rebel'

HOM1vfE 1.-

ler? au Peut-on encore se rebeller? (1998). Don Duyns y dresse de A jusqu'a Z (et

des happenings. Trap bien, tu sais. Robert Jasper Graotveld au Lieverdje, oui oui.

comme Ie texte propose est affecte d'un

«

Zero", c'est Ie demier moment - sym-

bolique - de la piece) Ie catalogue de la mediocrite et de la bouillie qu'est devenu Ie langage. IIy a beaucoup de des esperance dans ce constat d'impuissance ger quoi que ce soit, mais so us forme de derision et d'autoderision.

chistes de gauche, prompts a se flatter de leurs interventions tonitruilntes et

a vilipender

a I'ordre

a chan-

Les anciens anarde jadis

les bourgeois, Ie sont devenus a leur tour: i1sen appellent desormais

et a la police! Rien de plus pitoyable que de vieux avanhgardistes! -.J

HOMME Z.- Le magicien anti-fumee, oui. J'ai lance la bombe fumigene lors du mariage de Claus et Trix. Oui, non, scandaleux cette monarchie.

Avec un fasdste en plm! IlJaisait partie de la Wehrlacht tu sais, ou des 55, quelqlle cf'"ose de

HOMME 1.-

ce genre. HOMME 2.-

Autoritaire

a n'en

plUSfinir, je sais de q1'0i je parle.

n a faUu se defendre a C01!PSde pied. HOMME 1.-

Mieux vaut ;:woir une longue barbe qu~ d'ovoir la \"ue

}-!OMI"n: 1.-

QueUe tpoq...:e.

A

i-IOMMi': 2.-·

Dans k ternp~.

MOIl

HOMME 1..-

On s'eSt fait beaucO"up d'amis.

HOlvIME Z.-

On a perdu beau coup d'amis aussi.

HOMME 1.-

Eh oui, la ran~on du combat.

U::poquei.

Eva KOH

temps.

EsTON1E

(I,,'E

EN

1973)

Professeur de fran~ais dans un Iyceede Tallinn et traductrice d'Herv€ Cuibert, Eva Koff n'est cbnnue en France que par une seule piece,

HOMME 2.- II Y e~ avait qu'il fallait laisser tomber. Pas cap~bles de suivre Ies ideaux anarchistes de gauche. Des petIts-bourgeois. .

Notre pere (200i).

Pas frequentables.

HOMME 1.-

HO~ME 2.- ~a jeunesse d'aujourd'hui actlOns passees.

cueille encore les fruits de nos .

Librement inspire de L'Adversaire, roman d'Emmanuel

Ccmere, Notre pere est une

evocation assez precise de I'histoire du faux docteur Romand qui vecut dix-huit ans ~?~'1ME1..- NOllS etions G

l'avant-garde, eux l'arriere-garde. est facIle pour eux. Nous avions deja fait Ies percees.

z."-

N'empecheque ne trouves pas? HOM"ME

,-10MME L-

]e ne

SOTS

en faisant croire 11 sa famille qu'il etait attache aux services medicaux des Nations unies, 11 Ceneve; demasque,

c'est un sacre rnerdier en ce moment

tu '

Dans la politique crest Ie bordel aussi. faut de la poigne 5i tu veux man avis.

HOMME 1.-

HOMME 1.--

non?

constante

L'in-

des temps et

tues par leur pere quarid ils avaient cinq alors qu'au moment

(I'extrait se situe au debut de la piece) i1sse projettent

Us te prennent ton fric ces junkies et tout ce boucan _ ils appellent ~a de la musique - et la police n'est plus ce qu'elle etait. lIs . se foutent de notre gueule, la police.

HOMME 2.--

des identites : les deux enfants, qui ontete

et sept ans, revivent Ie passe de cette epoque

Un desastreoui. plus de chez mol..

HOMME 2.-

II DOUS

il tua sa femme, ses enfants et ses beaux-parents.

teret de I'ceuvre reside dans une confusion-surimpression

eu lieu, epoque ou i1sauraient eu respectivement

ou ils parlent

dans un avenir qui n'a pas

trente-deux

et trente-cinq ans, avec

chacun une histoire, marquee eile-meme par I'echec. Le jeu sur les temps et modes des verbes - Ie conditionnel il convient bien

a des

passe surtout - cree une sensation

personnages

qui ne sont que des fantomes

de flou inquietant

tateurs lointains de leur vie avortee. Leur mere aussi est per~ue de loin, comme une voix venue de nulle part, soit 11 I'age de vingt-cinq ans, juste avant de se marier, soit

Rester chez soL.. c'est Ie seul remede.

11 trente-cinq

Et puis Ie thealfe aujourd'hui... . ,

cite (entre guillemets) des extra its des rapports de police et de justice Ie concernant.

Nair. Musique

c'est n'importe .

My Generation, The Who. Anet abrupt.

:

ou des com men-

quai,

i.lns,au moment du drame. On ne voit jamais Ie faux docteur, mais on

La est Ie reel; mais iI est absent. Toute I'histoire est prise en main par Ie personnage de l'Ecrivain (mise en abyme de I'ecriture dans I'ecriture, bien evidemment) lisecomme

matiere premiere pour poser la question essentielle:

qui I'uti-

qu'est-ce qu'une

identite, et est-il possibie d~ s'en forger une en ne jouant que des roles?

Eva Koff, Notre pine.

© Presses

universitaires

de Caen,

2002,

traduction

Eva Toulouse

ELLE.-

II Y a quelqu'un

101.-

Je suis celibataire. Et tu as quelqu'un ?

ELLE.-

Sur la scene, deslits superposes. Eile est assise sur Ie lit d'en haut, les jambes pendantes. A cote, Lui, debout. Au bard de la scene, un grand tapis blanc, epais e'tmoelleux. (le regard fixe dans Ie lointain) Je te vois. Elle ne dit rien. Je te vois telle que tu aurais ete si tu avais grandi. LU1.-

ELLE.LUI.-

Tu es ici, juste

a cote,

sur la terrasse d'un prefabrique. En plein

soleil. Elle ne dit rien. TOIlvisage est gris, tu viens d'avoir trente-cinq ans. Tu attends ton premier enfant. On voit ,deja ton ventre. (une pause) Deux au trois ans avant, tu t'etais fait avorter.

Non. Je ne me sens proche de personne.

101.-

Les hommes sont plus lents que les femmes en cette matiere ...

ELLE.-

]'ai trente-deux aucun espoir.

101.-

Silence. 11a vendu la maison pour payer ses dettes, il loue un petit appartement. II est assis devant une table basse, il a un journal ~,la main. II ne lit pas. 11a Ie corps avachi, les yeux vides.

LUI.-

Qu'est-ce qui ne va pas?

L01.-

Je ne sais pas. On ne va plus Ie voir.

LU1.-

Rien du tout. Tu regardes droit devant taL Tu fais tomber la cendre de ta cigarette par terre.

LUI.-

ELLE.-

]e fume?

ELLE.LUI.-

Et je fais quai?

ELLE.-

Silence. (comme s'il entendait quelque chose de desagreable) Et r;a cause, et <;aradote ...

Silence.

ELLE.-

Et toi, tu es ou?

MoL .. ? A Paris, dans une soupente, de location sans doute.]e suis assis sur un divan elime. Je fume une cigarette. LUI.-

Tout seul ? Tout seul.

Encore heureux que ... r;a s'est passe comme r,:as'est passe.

\..-

u.J1.-

£LLE.-

Incineree. 11y a sept ans. Un CGlncer.

ELLE.-

Non sans remords. L'enfant risque d'etre handicape. Tu as la main qui tremble.

W1.-

Et maman?

Silence de la part des deux.

LU1.-

ELLE.-

I

Ou est. .. notre pere ?

ELLE.-

Avorter, c'est tuer.

C'est fa faute, ta faute, ta tres grande faute. Mais tu hai:ssais Ie pere.

Je n'ai plus

Je ne cherche rien.

ELLE.ELLE.-

ans, l€~gerement ventripotent...

Tu peux toujours trouver. •.

ELLE.LUI.-

MoL .. ? Je suis au ?

dans l'autre piece?

LUI.-

Toujourssur nollS? <;a raconte, r;a ecrit, r;a tourne des films, ~a met en scene ...

ELLE.- US

lu1.ELLE.-

ne savent rien de nous.

NallS leur avo"ns donne un bon sujet. Nous sommes ses enfants. Ils ne savent rien. Ils ne nous voient pas, meme s'ils Ie

voulaient.



'·,'1: t

.'

Eva Koll, Notre © Presses

universitaires

de Caen, 2002,

traduction

pere

Q

Eva Toulouse

11Ya quelqu'un

ELLE.LUI.-

Je suis celibataire. Et tu as quelqu'un

EL1.E.-

Sur la scene, des Zits superposes. Elle est assise sur Ie lit d'en haut, les jambes pendantes. A cote, Lui, debout. Au bard de la scene, un grand tapis blanc, epais e'tmoelleux. (Ie regard fixe dans Ie lointain) Je te vois. Elle ne dit rien. Je te vois telle que tu aurais ete si tu avais grandi. LUI.-

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Moi... ? Je suis Tu es ici, juste

au ?

a cote,

101.-

soleil. Elle ne dit rien. TOIlvisage est gris, tu viens d'avoir trente-cinq ans. Tu attends ton premier enfant. On voit ,deja ton ventre. (une pause) Deux au trois ans avant, tu t'etais fait avorter.

Les hommes sant plus lents que les femmes en cette matiere .. ,

J'ai trente-deux aucun espair.

LUI.-

Ou est...

Rien du tout. Tu regardes droit devant taL Tu fais tomber la cendre de ta cigarettepar terre. LUI.-

ELLE.-

Je fume?

'...101.- Non sans remords. L'enfant risque d'etre handicape. Tu as la maIn qui tremble.

11a vendu la maison pour payer ses dettes, il loue un petit appartement. Ii est assis devant une table basse, il a un journa.l ~.la main. II ne lit pas. II a Ie corps avachi, les yeux vides. Qu'est-ce qui ne va pas? Je ne sais pas. On ne va plus Ie voir.

ELLE.-

Et toi, tu es au ?

Moi... ? A Paris, dans une soupente, de location sans doute. Je suis assis sur un divan elime. Je fume une cigarette.

WI.-

ELLE.LU1.-

ELLE.LV!."'-

Tout seul ? Tout seul.

Et maman ? lncineree. 11y a sept ans. Un cancer.

Silence de la part des deux. £1LE.-

Encore heureux que ... \=as'est passe comme <;:as'est passe.

Silence. (comme s'il entendait quelque chose de desagreable) Et \=acause, et ya radote ...

Ll.J1.-

ELL£.-

Silence.

notre pere?

LUI.-

LU1.-

Et je fais qUai?

Je n'ai plus

Je ne cherche rien.

ELLE.-

LU1.-

ELLE.-

ventripotent...

Silence.

Avorter, c'est tuer.

C'est ta faute, ta faute, ta tIes grande faute. Mais tu haissais Ie pere.

ans, legerement

Tu peux toujaurs trouveL.

ELLE.-

ELLE.ELL£.-

?

Non. Je ne me sens proche de personne.

ELLE.-

101.-

sur la terrasse d'un prefabrique. En plein

dans l'autre piece?

LUI.-

Toujourssur nous ? c;a raconte, <;.:a ecrit, <;.:a toume des films, \=amet en scene ...

ELL£.- US ne LlIf.-

savent rien de nollS.

NallS leur availS donne un bon sujet. Nous sommes ses enfants.

ELLE.- Ils Ile savent den. 11s ne nous voient pas, meme s'ils Ie voulaient.

LUi.-

Elle, c'est ma SeEur, Je

£LL['-

sUl~sa

filiE:.·II avait une fille.

LUl.-

J'ai cinq am,

ELLE.--

A l'epoque,

tnan rrere etait

a la matemelle.

C'Hait mon dernier anniversaire. Papa m'avait fait cadeau d'un train electrique avec les rails. LUI.-

ELL£.-

Ii avait

une fille et un fih

i-m.- Ma seeur a vecu plus d:annees que moL..

• • •

II Hait marie, pere de deux enfants, C'etait ecrit sur tous ses papiers. E.l~LE.-

Elevee aux meilleures ecoles d'art dramatique (Bristol, Birmingham), Sarah Kane a commence par etre metteur en scene (occasion nellement actrice) avant d'ecrire des monologues interdits par ellede pubiication. En 1993, les deux premieres scenes de Biasted (Aneantis) sont creees dans Ie cadre du theatre universitaire; la piece fera scandale

a

quand elle sera montee Londres. en 1995. L'Amour de Phedre (1996) est un sommet de provocation au'todestructrice avec, ia fin, un vautour « qui descend du ciel et commence a manger [Ie] cadavre [d'Hippolyte] ». Cralle (Manque) est la derniere piece creee de son vivant, en aoOt 1998: quatre personnages designes par des I~ttres s'expriment en un langage eclate et lacunaire, a I'image de· leur solipsisme angoisse. Kane a connu :.me carriere fulgurante qui I'a menee en peu d'annees de i'anonyrnat Ii;notoriete, puis 11 la mort par suicide. Les six pieces qu'elle laisse constituent une ceuvre majeure par I'intensite de ses constantes: insupportable violence de son langage et des actes qu'elle decrit ou suggere (viols, sod om ie, cannibalisme, mutilations, necrophagie ... ), noirceur sans remission de son rapport au monde, accent de sincerite inou'j qui s'en degage. Ni complaisante ni exhibitionniste, Kane ne fait apparemment que Ie tour de son moi, mais il contient Ie monde: memes echecs, memes trucages, .memes incapacites se connaTtre et a s'accepter. Constamment en manque (c'est Ie titre de I'une de ses pieces), Kane denonce et se denonce.

a

a

a

4.48, c'est I'heure de sa mort que Kane annonce, des raisons qui la poussent d'une surimpression

II

-It i~

a en

en quasi-simultaneite

de I'acte et

finir. Auteur, Kane offre un cas unique, au theatre,

des temps qui fait co'incider, de fa~on pour ainsi dire parfaite,

ce qu'e!le ecrit et ce qu',elle vito l'effet produit est d'une emotion

a rendre

tateur honteux

aussi terrifiants.

de son statut,

en face de refus et de desespoir

Ie spec-

Pourtant, Ie ton re:>te de I'ordre du constat:

elle regie ses ccmptes avec elie-meme

et dresse Ie catalogue

froidement,

de ses impuissances,

comme si tout retour

a la

vie etait exclu. III'est, 11la fin du texte propose, ou Kane fait Ie compte de ses pulsations: elles vont de la vitalite la plus franche

a I'arret

presque total du rythme

cardiaque.

Je suis triste Je sens que l'avenir est sans espoir et que tout ~ane peut pas s'arranger Je suisfatiguee et mecontente de tout Je suis un echec total sur Ie plan humain ]e suis coupable, je suiS punie ]'aimerais me tuer J'etais capable de pleurer avant mais je suis maintenant au-dela des larmes ]'ai perdu tout interet pour les autres Je ne peux pas prendre de decisions ]e ne peux pas manger ]e ne peux pas dorrnir ]e ne peux pas penser ]e ne peux pas vaincre ma solitude, ma peur, mon ctegoilt Je suis grosse Je ne peux pas ecrire ]ene peux pas aimer Mon frere est mourant, man amour est mourant, je les tue tous les deux Je fonce vers ma mort ]e suis terrifiee par les medicaments ]e ne peux pas faire l'amour Je ne peux pas baiser Je ne peux pas rester seule Je ne peux pas rester avec Ies autres Mes hanches sont trap fortes ]'ai horreur de mes organes genitaux

A.4

je me pendrai au son du souffle de mon amour Je ne veux pas mourir Je me suis trouvee si deprimee par Ie fait d'etre martelle que j'ai decide de me suicider Je ne veu.x pas vivre Je 5uis jalouse de mon amour qui dort et lui convoite son inconscience artificieHe Quand il s'eveillera il m'enviera ma nuit a penser sans dormiret ma parole que Ies medicaments ne brouiHent pas Je me suis resignee a la mart cette annee II y en a qui parleront d'autocomplaisance (ils ont bien de la chance de ne pas en connaitre la verite) II y en a qui reconnaitront Ie simple effet de Ia souffiance C'est 13ce qui devient m'pn etatnormal

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quand Ie ctesespoir fera sa visite

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, c'lete des «naufrages

de l'autocar"

50

representative

de toute

(pour reprendre

une epoque:

un titre de Steinbeck)

est

elle n'a que les mots responsabilite

et

conscience coliec;tive,1I la bouche, mais elle ment et ~a saute aux yeux.

Stanislav Stratiev est un journaliste qui s' est tourne vers Ie theatre ' 1976, tout en etant I'auteur de nombreux recits satiriques; il fut ega ment sc~nariste de cinema et dirigea Ie Theatre de la Satire de Sofia,

•• • • •

Stanislav

Stratiev,

traduction

Le Bus"

Catherine

© Actes Lepront

sud.Papiers,

et Andree

1991,

Coconnier

a

1992 1998. "est considere en Bulgarie comme Ie maitre de I'absurd\}. Pour adopter cette esthetique qui est en meme temps une vision d~ monde, i!conviei1t d'inventer une parabole, la plus abracadabrante possible, et de ia pousser dans ses derniers retranchements, OUeclate soA absurdite apparente, mais tres ,dechiffrable pour les spectateurs ;Jrenhent un malin plaisir en decoder toutes les allusions, camme sati~, a la foi~ejouissante et feroce des autorites en place. Ce type d'ecritLit~ fut une forme de resistance politique particulierement efficace dans I~~' pays de l'Est communiste: Mrozek en Pologne et Havei en IchecoL s:ovaquie en ont fourni de savoureux specimens. Stratiev, lui, dirde sa. piece Les Thermes romains (1974) : «Les thermes romains, decouverts par hasard dans une salle de sejour, catalysent des actes de pl~s en' plus invraisernblables --,'elarglssement des fouilles dans tout j'appartement cortre la volonte de son proprietaire, la nomination d'un sauveteur pour s'occuper de nageurs inexistants, etc. » Meme double jeu de faux et de vrai sens dans La Veste de daim (1978). Rien d'€tonnant 11ce que, long. t.emps, Ie pouvoir en place ait fait grise mine 11Stratiev,

q~j

a

(en aiant) Ne vous avisez pas de Ia toucher, espece de mufles. J'eventre Ie premier qui Ia touche 1.... LE GARCON AMOUREUX.-

RAISOl'>l'NABLE.-

Pourquoi tant de bruit? Ce sera une conversation

tres

ordinaire. Alors fais-Ia to i-me me !

LE GARCON AMOUREUX.-

RAISONNABLE.II faudrait que la conversation soit. .. interessante. Vous savez,une conversation purement humaine, purement sentimentale, purement feminine.

Je m'en fous, Ie premier qui ia touche est un

LE GAR<;:ON AMOUREUX.-

homme mort! Tu ne peux pas dire que tu t'en faus.Tu fais partie de cette societe. NoliS avons des problemes communs. RAlSONNABLE.-

LE GAR<;aN

Mais vous voulez les resoudre

AMOUREUX.-

a nos

depens,

n'est-ce pas? RAlSON1--lABLE.-

estallf jouey ~", D':;5 est e;ne pa(abo,e S;,irie rapport de j'individu et des gouv~rnants,

mais aussi

su: 't heu,.: des gereniticJIls .. sc:r i'ego'fsrne des uns et Fhypo::risie de, ::tLti~S: un chCiutfelF cie l,.J;"

p~i5

de fo1ie, conduit

'a

tornbeau o;jvert et affoie

SES

passagers.

h:·ur!c. ~br,e 'c'ienk 11j", raison, on lui delegue un m~sici2.n : res~ttat nuL 0" est Slli ' ;~ point d"'i,;( tiE~pecile,r :c !l:'L..-,(;;CUi" ."fnauri;use pour:ui (.~xtr3it c'loisi) ;. ?!it:: :.t recllse

2U

;',orn de i'amour et

2t.C>L:~ cos~,-,r?our ia protege •.., Sont en pr,'serrce,en Raisannable, i~ 0eraisonnable

« faire

din diceii que iance i'auteur et

a i'elan

la COl1versatil",:;

Gar~on Amo",,'eux est pret

pius des deux tourtereaux,!c

et i'lrresponsable. Leurs iflterientions

un ton qr3.iH:liioqu<:nt qu; scom: fa;.Ix :la languE
Ie

sont tr21ees

oe bois moralisatl'ice

SL;~

;c.er1.::;i:,~e P?$

passionne d,,, :a jeunesse. Cetti: micro"

(montrant

la, i1n'a

I.E GARCON AMOURE.UX.'1011S

eventr/; taus

Ie Virtuose) Quand tout a l'heure cet homme a ses depel'is ..

pas ait que c'etait

C'est son affaire. Ne la touchez pas, sinon je

j

11est clair qu'll n' a aucun scrupule. J eune fiile, toi, au maim, i.l ~3udrait te montrer plus intelligente. Tu vois dans queUe sb.:ation nous sornmes ? ,va, vas-y un petit moment. II n'y a pas de quoi avoir peur. ..

iRRESPONSABi.E.-

Irresponsable tend Lamain vel'S celIe de La[rune Fille. EIle a un mouvement de re::ul. .Le Gal'fOn cTie; «Ne la touchez pas!» et se precipite VeTS brespul1sable. Les auiTes tentent de l'an-eteT, de Ie reconforteT. Suit alol's une scene de confusion, de baganes, on mule par terre ... Le Garfon est ie

premier a emerger du tas de corps qui roulent sur Ie sol, il reprend sa plac anteneure parce que RaisonnabIe est debout devant Ia Jeune Pille ainsi qu, tous Ies autres passagers qui se remettent sur pied. II est debout sur son siege, toujours avec Ies morceaux de Ia bouteille cassee a Ia main. Je vais me couper Ie poignet! Si vous 1a touchez, je vais me taillader les veines !

LE GAR<;ON AMOUREUX.-

II commence

a remonter

(d'une yoix soudain fatiguee et pIeine d'amertume) Nous. sommes trop enerves, c;:ane sert a rien. Tu peux jeter les morceaux de,' bouteille, tu n'en auras pas besoin. Nous sommes des gens civllises" pas des sauvages. On ne mange pas les jeunes filles. Quant aux veines,; pas de precipitation, elles peuvent etre coupees sans l'aide de la bou.: teille. Comme tu pouvais Ie voir toi-meme Ie bus a des tas de verres pour cela. (instinctivement, Ie Garfon jette un regard alentour) Nous pen~ sions que malgre votre jeune age vous realiseriez combien Ie pro,.' blemeest crucial et nous esperions que vous nous aideriez. Vous ne, Ie faites pas. Vous prH~rez rester avec vos petites relations agreables,; avec votre petit amour tranquille. Nous esperions que vous vous arra- , cheriez Ie cceur comme Danko et que vous Ie brandiriez comme un~ torche pour eclairer Ie chemin et sauver les autres. Au lieu de cela VOliS vous etes jetes sur nous pournous dechirer Ie cceur. Nous etions prets a jurer que vous aimiezvos semblables et que vous etiez preis a courir n'irnporte quelrisque pour eux,bien que je ne voie pas quel risque il y a a laisser ta petite amie faire la conversation a un travailleur comme un autre qui est au volant depuis des hemes sans interruption., II est apparu que vous ne les aimez pas. Nous pensions que vous €:tieZ capables d'autres emotions plus nobles, plus elevees, mais nous nous sommes trompes. Eh bien, il faut de tout pour faire un monde. Desole, jeune homme, nous sommes desoles de t'avoir derange; PeutHre quelque chose dans ton visage nous y avait-ll encourages? MtSONNABLE.-

"·l'

se tait.

Et vous, vous avez pense qu'll ecouterait vas sales petits conseils, qu'il mordrait a votre sale appat? VailS avez. pense que son amour Hait comme Ie votre? Que connaissez-vous de l'amour, vous, lamentables philistinL. Opportunistes, arrivistes

LA]EUNE FILLEAMOUREUSE.-

LEVIR11JOSE.-

(il essaie de ['arreter) ]eune fille, jeune fille, reprenez vas

espritS!

ses manches de chemise.

Toujours defU, bien que reconcilie,RaisonnabIe

avares !... Qu'y connaissez-vous, vous qui etes toujours a vous jeter de la boue les uns aux autres, toujours dans Ie stress de la competition! ValiSqui jouez aux nobles, aux notables, faisant semblant de va us interesser! Pourquoi ne lui dites-vous pas ce qu'il a a faire au nom du pays, au nom de la nation et de toute l'humanite eprise de progres 7...

Vous n'etes que des machines a paroles! Des moralisateurs prudents I Vas sermons a peine finis, 'pieds J2liS, vaus montez en cachette les escaliers de bois grinc;:ants qui vous canduisent aux mansardes de vas maltresses pour poser vas tetes et vas gros ventres pres de leurs corps juveniles! LA JEONE PILLE AMOUREUSE.-

(il bondit en criant) Assez, assez! Tu parI~s comme cela maintenant parce que tu n'as pas de famille! Mais j'aimerais te voir demain quand tu seras mariee ! L'HOMME.-

LAlEUNE FILLEAMOUREUSE.Vous etes toujours ii. faire des sermons sur 1afamille et la societe, sur Ie devoir et la responsabilite, mais en fait, c'est vous qui detruisez ces valeurs. Que connaissez-vous de ce sentiment qui fait que }'homme est aussi libre que les oiseaux? VallS, tetes de lard! Versatiles comme Ie cameleon ! Vous avez pense qu'il allait faire ce que vous lui disiez de faire ? Vous avez pense qu'll se fierait a vas paroles! Vous avez pense qu'il etait comme vous ! Ne me faites pas rire!. .. Vous ne nous connaissez pas, vous croyez seulement que vaus nous connaissez. Vous connaissez nos visages - oui -, nos noms - aui -, mais [ien de plus. Qu'est-ce que vous savez de l'atnour? Vous avez seulement lu au entendu parler de l'amour!. .. Mais ja'Clai5, jamais vous n'avez aime, avec fer:veur et sincerite-l IRRESPONSABLE.- Pourquoi parles-tu de I'amour alors que nous sommes . virtuellement pretsa basculer au bard de I'abime !M'entends-tu ? Au bard de l'abime!

Eh bien, faisons Ie plongeon !Ce sera d'autant mieux! A quai bon rester en vie si l'amour est mort, si l'amour a disparu, si l'on est tout seul ?... Meme I'arbre,quand il est sans feuilles, attend que viennent Ie printemps et les oiseaux, alors coniment les hommes peuvent-ils vivre sans amour? LA]EUNE FILLE AMOUREUSE;-

HAllE

(NE E:-J 1943)

Natii' de Trieste, Furia Bordon a abllndonne

a vingt-cinq

ans la carriere

a

juridique laquelle!e destinaient ses etudes de droit pour S€ consacrer a I'ecriture. II a beaucoup eerit pour Ie theatre, la radio et la te:evision.' La pius celebre de ses pieces et la plus jouee est Les Dernieres Lunes, creeea Venise en 1995 avec Marcello Mastroianni dans Ie role centril! du Pere. Auteur de romans, Bordon a aussi ecrit pour Ie cinema. De 1988 1992, il a dirige Ie Teatro Stabile de Trieste au II a mis en scene.

a

de nombreux

spectacles.

I!O'

Les Demieres Lunes est une piece sombre et amere sur la decheance pers:ue d'Clutant plus doul6ureusement

de la vieillesse,

que c'est Ie vieillard lui-meme qui en fait l~

proces. Et ce vieillard est un int.ellectuel (i1vit baign~ dans la musique de .Bac;h)qui " essaie de raisonner.sa desesperance ironique, sardonique

et de garder

a I'egard

de son cas une distance

meme, car son autre passiOll, ce sont les albums de ban des

dessinees. Sa lucidite rendd'autant

plus insupportable

la cruaute de la situation ;.'

ce vieillard est pete et il a sollicite de son fils qu'ille conduise en maison de retraite i on sent de I'un

a I'autre

une de~ande

D'amour reciproque qui ne veut pas s'avoue~'

par argueii ou par pudeur. En fait, Ie Pere vit deja dans un autre'monde,

ceiui des

~or+..s, reridu present par Ie dialogue qu'i1 entretient avec sa femme, morte depuis . des decennies.

(apres Ut,e p(./l!Se, avec simplicite) Tu ne peux pas etre heureux, quand tu vieillis. Tu entres dans une autre dimension ... comme dans un reve... ou sur une autre planete ... On peut meme y vivre decemment, mais Ie bonheur n'est pas prevu. Le bonheur appartient au passe. Tu peux seulement chercher a fen souvenir. Et eel a parfois te fait du bien, c'est une sorte de tiedeur, une sensation de douceur, mais riende plus. En general c'est de courte duree. Quand cela te fait du mal, en revanche, c'est cornme un for<;at a perpetuite qui s'eveillerait d'un beau reve ... Pendant un instant il est probablement encore perdu, encore dans Ie reve ... il se sentinonde d'un grand sourire serein ... Mais sa realite, la prison a vie, Ie frappe cornmeun coup de poing et Ie Iaisse dans un etat pire que d'habitude. Eh bien c'est <;ala vieillesse, c'est camme cette prison. Tu sais que tu resterasenferme jusqu'il. la mort et que tu peux seulement rever, mais pas faire de proj'ets, parce que tu n'as pas de futuro (une pause) Tout Ie monde pretend que ron reve lorsqu'an est jeune, mais ce n'est pas vraL Les revesdes jeunes ne sont au fond que des projets et des espoirs. Les choses qu'ils imaginent sont toutes possibles, toutes realisables, parce que, s'il existe un futur, il n'est pen qui ne puisse arriver. Seuls les vieux imaginent des choses qui ne se produiront jamais, inventent un futur qui ne sera paset se souviennent d'un passe qui ne saurait revenir. Les vrais reveurs ce sont eux... avec leurs tetes tremblantes remplies d'episodes consommes, de mots prononces, de visages d€funts ... Seuls ils sont capables de penser l'inexistant et, impavides, ils continuent a filer chimeres et desirs avecla certitude qu'ils ne se realiseront pas. LEPERE .•-

rurio BOIWON

Ce~i: devai1t elle, notamment

cJetresse et lance un appel

a la vie aussi

dans Ie texte qui suit, qu'll crie sa, '

Un silence.

pathetique qu'inoperant. LE PERE.-

viens pas j:urio Bardon,

Les Dern;eres

et des traducteurs,

Lur.es ,. © Maison

1994,

des ecrivains

traduction

Marie-Jose

etrangers Tramut~'

Iu as peur de mourir.

LA MERE.-

Oui, parce que je ne sais pas ce que c'est. Parce que je ne para l'imaginer.

,LA MERE..-

Oh, quant

a <;:a,on

l'a imagine de tant de fa<;:ons.. :

Parce qu'on ne peut accepter l'hypothese 1aplus plausible: que mOllrir c'est entrer dam Ie rien. Comment peux-tu penser Ie LE P£RE.;"A MER£.-

MnsT tu vis commel,':a ... entre Bach et Donald ...

:2. l12.kL-· (ilucquiesce) I..:'lviiRL-

"

I! ri,··

I:

.:;'

£t <;at'aid';: a etre heureux.?

Tien?

Les philosophes ont toujours dit que sf c'etait rien, <;:ane pouvait pas faire de mal et qu'll etait done idiot d'en avoir pem.

lA MERE.--

Oh, les philosophes ... ! Chaque fois que je vois «Le Tour e~rit avec un T n;aju!cule, ~,o/'meporte sur les nerfs. «Le Tout », «U Rien »•.. mots denues de seilS, incompatibles avec les mecanism l?giqu:s de notre cerveau ! Ils leur mettent Ie frac de la ma.juscule; s ll~agment avec ~a qU'ils les ont revHus de Dieu sait queUe signif cation ... ! (pause) En realite tous les raisonnements qui pretende' nous faire accepter !'idee de la mort ne sont que de pathetiques ex .' dient~, a peu pres de l'ordre des effigies de soldats, de femmes etP cour~~s~n~,que 17.s pharaons emportaient dans la tombe pour se do ner 11lmslOn qu lis continuaient a vivre. L'idee de la mort est si plement inacceptable et l'homme n'est qu'un pauvre singe triste c~··... seul de t?ute la creation, il sait avec certitude qu'un jour il devra cesi. ser d'exlster. C'est cela, je crois, la pomme de la connaissance' ~u'Ad~m a commis l'erreur de mordre ... et c'est la grande meIanco~; he qu'll nous a laissee en heritage. Naturellement, de la vient aussi que nous aimons si desesperement la vie. II n'est qu'un cas qui rend' acceptable !'idee de la, mort ... si Ie vivre fa rempli de na.usee. Et I: n.a~~e, dans sa sagesse, t'aide a eprouver cette nauseeen te faisant '~lellhr... Sa~s.quoi Ie monde retentirait des cTisde revolte d~ la luuItltude des vleillards qui refuserajent de mourir. .. Un silence. LE PERE.-

LA MERE.-

Ce que tu viens de dire est horrible.

t..

ieu des metamorphoses,

Ie lieu du

Ie theatre du meme coup est

mensonge

generalise; ilucune confio.nce, sinon par complicite ou na'ivete, ne peut etre faite,

a

a ceux

nl ce qu'il ditni

- les personnages

C'est Iiiune eVidence qui a ete longtemps saient pour des personnes

dont Ie langage etait suppose

51 cette pensee etait mensongere, XIX·

philosophique

siecJe par lapsychologie

lyse, avant que Ie theatre,

notamment

immediatement

rassurante

des profondeurs

celui de Pirandello,

nement. Le theatre contemporain Ie systeme:

et la psychana-

ne s'empare

de cette

son fonction-

n'est pas en reste mais trouve d'autres formules

un personnage

herent, il n' existe litteralement

- au

qui a He battue en

ouverture sur les gouffres jusqu'ii en faire un des lieux communs'de pour demonter

pas-

refleter la pense.e.Meme

elle Hait reconnaissable

presque - cornme tel Ie. Conception breche des la fin du

- qui sont en charge de cette parole. occultee parce que les personnages

n'est pas seulernent

pas. Stoppard

multiple et inco-

se livre avec brio 11cet exercice en

faisant pivoter la piece de Shakespeare de 180 degres et en hissant au rang de heros deux comparses de Hamlet (dans Rosencrantz et Guildenstern sont morts). Cest au personnage de Hamlet lui-meme que s'en prend MUlier dans Hamlet-Machine:

ce

n'est pas un point de vue autre mais unique qui est propose alors, mais une multipficite impossible 11fixer, Ie signe Ie plus visible et Ie plus inquietant etant que Hamlet parle de lui comme d'un autre, au passe et lesconventions

theatralesqui,

d'espace stable, donnent

au'personnage

qui fait begayer Ie personnage,

a la troisieme

11 base de temps

et

contraint de se repeter et de se regarder jouer (dans

Mois, maman ... de Visniec).Somme

dien, Ie comedien,

Demasquer

et progressif

une assise forte, c'est un jeu de massacre

to ute, Ie personnage

C'est 11cette demonstration,b.rilLantegu'e::nous recreation stupefiante

personne.

homogene

d'energie

n'est qu'un comedien.

conyie Carmela

de Richard 11/.5i Ie personnage

Bene, dans sa

n'est qu'un come-

de son cote, ne vit que pour devenir LE personnage

quand iIs'agit du Lear que Minetti reve d'incarner.

Personnage

et quel!

et comedien detei-

gnent I'un sur I'autre et, comme dans Ie Saint Genest de Rotrou, on voit un comedien de la piece de Simovic(Le Theatre ambulant Chopalovitch) revetir la peau de son personnage

jusqu'1I la faire sienne et assumer les retombees

osmose. Au bout du compte,iI (individu vivant) et Ie personnage

n'y a plus la moindre

hero'iques de cette

distance entre Ie comedien

(entite fictive). C'est une source de quiproquos

qu'exploite avec malice et finesse Eduardo De Filippo dans L'Art de la comMie.

A lafin (c'est

I'extrait propose, au moment OU se sont retires les pirates qui Dnt atta-

que Ie navire qui emmenait

en' Angleterre Hamlet et ses deux faux am is), I'un apres

I'autre, Rosencrantz et Guildenstern

r"e

tchecosiovaque, Tom StQppard (nom du second mari, anglais, de' sa mere) a fait peu d'etudes, IIs'engage tres tot dans Ie journalismee( s'interesse au theatre: sa premiere piece, Rosencrantz et Guildenstenf sont morts, est creee en 1966 au Festival d'Edimbourg par une troupe, universitaire, La piece et I'aut.eur deviennent rapidement celebres; fetes au Royaume-Uni et dans de nombreux pays, Auteur de plu.sieurs, dizaines dE pieces, y compris pour ia radio et la television, ains! que de, scenarios de.lllms, Stoppard s'ecarte du realisme usuel sous la pil1m~ de ses contemporains immediats (Osborne, Wesker, Bond). II met ~. contribution to utes les ressources de la theatralite et tOlites ies possib,i" lites de jeu avec Ie langage pou", produire ~~un music-h<:11iitteraire d~ ,

que de papier: un perso'nnage

Tom © Le Seuil,

,

A

a renverser

totalement

Ie point de vue dLi

Danemark y CO'rTlpris-, les figures de praue, ce sont les deux rninables

de statut les mene

a la mort,

celie qui a ete

Habilete supplementaire:

Stoppard

reste proche

en donnant

a ia troupe

trate qui oriente toute la piece vers une demonstration interrcg2ltion

sur Ie pev de realite du personnage.

des comediens une place cen: de savoir-faire ludique et une Le tout dans un dialogue

Beckett, fait de cciq-a-I'ane et de reprises en boucle des memesfa\Jsses

1i 2

L__

I

(

,j'

Schaudinn

sont

et Eric

morts

If:

Delorme

,

Vousetes Rosencrantz et Guildenstern.

C'est suffisant.

GUlLDENSTER,"i.~on. Ce n!est pas suffisant. Etre si peu renseigne _ pour une telle fm - £t puis, au dernier moment! etre Drive de la moindre explication ~ ACTEl'R.-

la mort.

D'apres notre experience! la plupart des chases finissent par

Car il~

avant d'etre convoques 11 Eiseneur pour cuisiner Hamlet et ils finissent pal

de son modele, Ilotamment

I

et Guildenstern

GLiILDENSTERN.-

sur Hamlet: res utilites, c:!esormais,ce sont les grands du rayaume ·,Ie

ecrite p"r I'auteur Shakespeare.

I:

Lisbeth

Mais pourquoi? Tout' <;:apour en arriver Ia? Qui semmes-nous pour que tout converge vers nos morts minuscules? (dam l'angoisse,a l'acteU1) Qui sommes-nolls?

se rendre compte que ce changemeni

"

Rosencrantz

traduction

:;'"entiom dramatiques de leur auteur: iI peut aussi bier. «~eecdre» Shakespeare' que pointer I'actuaiite la plus immediate; ii navlgue aVec aisance du politique au fantaisiste.

dont Ie theatre transfQrme la vie en destin, en en faisant des personriages, e,istaient

Stoppard, 1967,

~~~ENCR~"':Z.- ~s nous en voulaient, n!est-ce pas? Depuis Ie tout aeout. QUl auralt croque nous etions si importants?

~;!toLir de fOice de Stopp"rQ consis'c€

dLi

ne laisse pas de cadavre sur Ie plateau,

GUILDENSTERN.(calmement) La au on a eu tort c'est de prendre Ie bateau. Les bateaux sont une erreur. Nous pouvons nous de pacer! I bIen SUI! cnanger de direction, nous agiter! mais nos mouvements ~ent contenus dansd!autres plus larges qui nous emportent aussi ,.",," mexorablement que Ie vent et Ies courants ...

ACTEUIZ.--

pri!lce

contre leur sort.

iiaU( ':oj (Guy Dumur). Maitre du dialogue brillant et paradoxal, ily , melange aiiegrement faits historiqlles et imaginaires avec un propo;; G;r,stant et sous+,cent sur la crise de I'identite. Deux de ses titres, " Parodies et Les AcrobGtes, rendent compte au plus juste du ton et des I'

spectateur

meurent tout en s'insurgeant

Enfait, lis ne meurent pas, ils disparaissent de la vue, signe que leur existence n'etait

a la ,

evidenr.es.

(peur,vengeance, mepris) Votre experience 1 - DES (il alTache un poignard ala ceinture de llActeur et tient la pointe sur la gorge de IIActeur. L'Acteur recule et Guildenstem Ie suit! parlant avec plus d: calme)]e parle de la mort - et vous ne l'avez jamais experimente~. Et v~us ne pouvez pas la jouer. Vous mourez des milliers de ' rr:orts mSOUCIantes - mais aucune n'a cette in ten site qui eteint la VIe... et personne n'a peur. Parce que'meme quand vous mourez VOUS savez quevous reviendrez SOUS un chapeau different. Mai~ GUILDENSTERN.-

ACTEURS!

personne ne se releve apres LA MORT - On n'applaudit pas. - II n'y . qu'un silence et des vetements d'occasion, c'est ~a, la mort - ( enfonce la lame jusqu'(j la garde. L'Acteur se tient debout, les yew: ecCj quilles et terribles, il serre sa blessure quand la lame se retire; il bnet faibles bruits sanglotants et tombe (j genow:, puis par terre de tout so long. Tandis qu'il meurt, Guildenstern, nervew:, presque hysttJique, s tOUIne vas les Tragediens) Sf nous avons un destin, lui aussi en avai( un....:Et si tel est Ie notre, c'est aussi1e sien - et s'il n'y a pas d'explV cations pour nous, qu'il n'y en ait pas pour lui ~ Les Tragediens regardent ['Acteur mourir; ils regardentavec interet. Entin, l'Acteur s,immobilise: un bref instant de silence, puis les Tragediens cOlii" mencent a applaudir avec une vtJitable admiration. L'Acteur se leve, seco . la poussiere de ses vetements. (modeste) Allons, allons, Messieurs - pas de flatterie - c'etaif simplement professionnel. (les Tragediens Ie felicitent encore, l'Actetif approche de Guildenstern qui reste cloue sur place, le poignard (j la main}' Qu'en avez-vous pense? (un temps) Vous comprenez, c'est Ie genre de' chases auxquelles on. croit - c'est ce qu' on attend. (il tend la ma;ii1vers Ie poignard. Guildenstem pose lentement la pointe du poignard sur la main de. l'Acteur et appuie ... la lame rentre dans Ie manche, l'Acteur souriti demande . Ie poignard) Pendant un moment, valiS avez em que j'avais triche; AcrEUR.-

Rosencrantz soulage sa tension par un rire nerveux et bruyant. Oh! tresbon ! tres bon! Il m'a eu completement. - Il , ne fa pas eu completement? (il applaudit) Encore !Encore!

ROSENCRANTZ.-

(s'active, les bras tendus, tres professionnel) Morts pour tous les ages, pour toutes les occasions! Morts par suspension, convulsion; consomption, incision, execution" intoxication, malnutrition - t Supreme carnage, par Ie poison et par Ie fer! Double mort en duel! Montrez - ! Montrez-Ieur !

ACfEUR.-

Alfred, encore habille en Reine, meurt empoisonne, l'Acteur tue Ie Roi avec· une rapiere et se bat en duel avec un quatrieme Tragedien, donnant et recee' vant une blessure. Les deux demiers Tragediens, les deux « Espions » qui portent les memes capes que Rosencrantz et Guildenstern, sont poignardes; L'Acteur meurt parmi les moribonds - tragiquement, rcmantiquement.

CTEUR.- Ainsi, il y a une fin a tout - C'est un lieu commun. La , I' 0 b SCUD't'e lurniere s'en va avec la vie et dans l'hiver de nos annees, tornbe de bonne heure ... GUILDENSTERN.- (fatigue, vide, mais au bord de I'impatience, pendant Ie mime des morts) Non ... Non ... Pas pour NOUS, pas comme ~a. Mourir n'est pas romantique et la mort n'est pas un jeuqui finira bientOt ... La mort n'est rien La mort n'est pas ... C'est I'absence d'une presence,rien de plus Vattente ihfinie d'un retour ... Un trou qu'on ne voit pas et quand Ie vent y souffle, on nel'entend pas ...

A

Les lumieres du fond s'eteignent. Or-me voit plus que Guildenstem et Rosen-' erantz. Les applaudissements de Rosencrantz s'estompent jusqu'au silence. Un petit temps. C'est ~a, alors? (pas de reponse, il regarde Ie public) Le saleHse couche. Ou la terre monte, si l'on en croit ,une theorie ala rnode~(un petit temps) Non que eela fa~se une difference. (un temps ... ) De quoi s'agissait-il ? Quand cela a-t-il commence? (un temps. Pas de reponse) Nous pourrions rester nous sommes peut-etre? ]e veux dire, personne ne va venir et nous entrainer de force Ils n'auront qu'a attendre. Nous sommes encore jeunes ... capables Nous avons des annees ... (un temps, pas de reponse) Nous n'avons pas fait de mal. Nous n'avons rien fait a personne. N'est-ce pas?

ROSENCRANTZ.-

au

GIDLDENSTERN.-

]e ne me souvie:c.s pas.

Rosencrantz se reprend. Eh bien, d'accord alors. Tant pis. J'en at'assez. Pour dire la verite, je suis s01l1age.

ROSENCRANTZ.-

Et il disparaft de la vue. -Guildenstern ne s'en ajJer~oit pas. GUILDENSTERN.- Nos horns cries ... Dne certaine aube ... Un message ... Dne sommation ... II y a du y avoir un moment, au commericement, au nous aurions pu dire - non. Mais, je ne sais comment, nous l'avons manque. (il regarde autour de lui et voit qu'il est seul) Rosen - ? Guil- ? (il se ressaisit) Eh bien, nous saurons mieux 10 pro chaine fois. Maintenant veus me voyez, maintenant VOllS .•.

n disparaft

de La vue.

.. :

....

, Hamlet-Machine Hamlet-Machine (1977) s'inscrit moins dans la serie des nombreuses

a

MUlierconsacre

I

~ierit;cr direct tout autant qu'incommode

d'une culture qui va

Grecs a Brecht, en passant par Shakespeare et BOchner, Heiner MUll est i'auteur dramatique qui, la fois, a paye !e plus cher Ie refus d ~hanter la sinistre chanson du realisme socialiste et a reussi, par son indi ference ob,stinee, a s'imposer aux yeux de taus, y compris a ses comp~o I triotes dela i\epublique democratique allemande: ils avaienttout fait: Iongtemps, pour etouffer sa voix. L'Homme qui casse les salaires, sa pr!' , miere piece, date de 1956. Muller se livre, pendant une decennie (r~' Correction, 1958; La Construction, 1964), a la ({dramaturgie de la p~bl

I

a

I

!

I

! duction"

au il passe au peigne fin et critique les realites economiques. et sociales de I'Ailemilgne de i'Est. La Deplacee (1961) est I'une de ces, CEuvres interdites de r.epresentation qui Ie feront exclure de l'Union de~: ecrivains. Comme il ie dira plus tard : la realite eut vite raison du rea~, lisme. /I subfra, pe'ridant dix ans, une traversee du desert ,. dans son"

propre pays s'entend - car il est tres joue et apprecie (au prix d'un cei-" tain nombre de m31entendus d'ailleurs) en Allemagne et en Europe de i'Ouest, et quelques traducteurs-metteurs en sc~ne (Jourdheuil et PeF let) Ie font connaitre en France. Par un retour assez paradoxal des choses, il sera, p<'!rtirde 1985, done bien avant la chute du Mur, consP d~re come I'auteur Ie plus representatif de la RDA, une sorte d'ambassadeur culture! ; il finira meme, peu de temps avant sa mort, par diriger seul Ie Berliner Ensemble, aussi mal vu qu'i1 ait ete des gardiens du temple brechtien. La suppression de la RDA ne Ie rejouit pas car iI n'a jamai> ere partisan de la confortable et hypocrite Allemagne de, l'Ouest; Ii est un homille de contradictions.

a

i; a nourri ~on CEuvre, avec une conscience intraitable, de sa propre histoire et de Sa situation d'ecrivain d€:chire entre deux mendes et deux' modes ,de pensee; ill'a truffee de references d'une rare richesse, dam un :::'Iei et ret0ur fa:;cinar,t et parfois difficile a suivre entre passe historique, mythes archa'iques et quotidiennete.

reecrire ou aetoumer

celles de Shakespeare

pieces que

que dans une

a la fois fait sienne et difficile a saisir par ses refe-

r-etlexionacre et desabusee

sur la figure du Pere que Hamlet

veut d€truire. Ce condense

de piece (9 pages) est rendu

rences, masquees par Ie i-efus de MUlIer de jouer Ie jeu d'une piece avec fable et per50nnages, qui est aussi Ie refus de Hamlet d'endosser 1961, Ie souvenir

de I'ecrasement

tiques (en 1956) donna trieme tableau

a

quelque roie que ce soit. En

de fa revolte de Budapest par les chars sovie-

Muller I'idee d'y transposer

se nomme

«Peste

a

Buda",

I'histoire d'Hamlet

et «I'eminent

cadavre"

:Ie qua-

dont iI est

question est celui de Rajk, ministre hongrois qui, apres avoir €te Iiquide par Staline, fut rehabilite en 1956. C'est bien du communisme qu'i1est question:

etde

la tragedie de son echec

les deux hommes (Pere et Oncle) ainsi que la Mere sont des alle-

gories du Parti tandis qu'Ophelie

est la figure de la revolte.'

Labrutalite des images, la derision, voire la haine-amour sonnageemblematique

de la Mere ni celui d'Ophelie,

«

qui n'epargnent role tragique",

ni-Ie perla reference

au Danemark traverse par Ie mur de Berlin, I'assimilation du nouveau regime (com, muniste)

a

I'anc,ien (nazi),

la demythification

des personnages

de Hamlet et

d'Horatio, Ie melange des langues et des citations, telle est I'ecriture deconcertante et fulgurante de Mulier dans Ie debut, presente

iei, de Hamlet-Machine.

Heiner

© Minuit,

1979,

traduction

Jean Jourdheuil

MOiler,

Hamlet-Machine

t!

et HeinzSchwarzinger

1. Album de famille THais Ha:rnlet.]e me tenais sur Ie rivage et je pariais avec Ie ressac BLA.' BLA, dans Ie dos Iq mines de l'Europe.Les cloches annon~aient Ies funerailles nationales, 'assassin et veuve un couple, au pas de l'oie \.terriereIe cercueil de l'er.oinent cadavre Ies conseillers se Iamentent en deuH mal retribue QUEL EST CE CADAVRE DANS LE CORBILLARD I POUR QUI Cr.s PLEURS ET TOUT

CE TINTAMARRE I

LE CADAVRE EST CELUI D'UN

HOMME /

de son art dn goevernement C'ETAIT UN HOMME QUI NE PRENAIT TOUT QU' A mus. J'arretai Ie cortege funebre, defon~ai Ie cercueil avec man epee~ Gltt,ND DONATEUR D' AUMONES

entre les haies de la populatioIl,ceuvre

la lame se brisa. ]'y parvins avec le tronc;:on restant et distribuai 1<:. geniteur mort VIANDE QUI SE RESSEMBLE S'ASSEMBLE aux miserables tout autour. Le duel se changea en allegresse, J'allegresse en gloutonneriei sur Ie cercueil vide l'assassin saillait la veuve VEUX-TU QUE JE T'AlDE A GRIMPER ONCLE OUVRE LES CUISSES MAMAN. ]e me couchai par terre et j'entendis Ie monde tourner au pas cadence de Ja putrefaction. r'M GOOD HAL\fLETGI'ME A CAUSE FOR GRIEF AH THE WHOLE GLOBE FOR A REAL SORROW RICHARD THE THIRD I THE PRINCEKILLlNG KING OH MY PEOPLE WHAT HAVE! DONE UNTO THEE COMME UNE BOSSE JE TRAINE MA LOURDE CERVELLE DEUXIEME CLOWN DANS LE PRINTEMPS COMMUNISTE SOMETHING IS ROTTEN rN THE AGE OF HOPE LETS DELVE IN EARTH AND BLOW HER AT THE MOON

Void que vient Ie fantome qui m'a fait, la hache encore dans Je crane~ Tu peux gEnder ton chapeau, je sais que tu as un trou de trop. ]'aurais vouJu que rna mere en ait eu un qui lui manque, quand tu etais de chair: j'aurais ete epargne a moi~meme. On devrait coudre Jes femmes, un monde sans meres. Nous pourrions nous massacrer winquillement les uns les autres, et avec quelque espoir, quand la vie nous devient trop longue ou la gorge trop serree pour nos cris. Que' me veux-tu. Des funerailles nationales ne te suffisent pas. Vieux resquilleur. N'as-tu pas de sang sur tes chaussures. Que m'importe ton cadavre. Sois content que l'anse depasse, peut-etre iras-tu au ciel tout de meme. Qu'est-ce que tu attends. Les coqs ont ete tues. L'aube n'aura plus lieu. DqIS-JE ' PUISQUE C'EST LA COUTUME ENFONCER UN BOUT DE FER DANS LA \i1ANDE LA PLUS PROCHE

au CELLE D' APREs

POUR M'Y AGRIPPEF. PUISQUE LA TERRE TOURNE SEIGNEUR BRISE-MOr LA NUQUE QUAND JE TOMBE D'UNE TABLE DE BISTROT

Entre Horatio. Complice de mes pensees, qui sont pleines de sang, depuis que l'aube est voilee par Ie del vide, TV ARRIVESTRap TARD L'AMI POUR TON CACHET / PAS DE PLACE POUR TOI DANS MA TRAGEDIE. Horatio/me connais-tu. Es-tu man ami, Horatio. Si tu me connais, comment

veux-tll Hre man ami. V,;:ux..tu jouer Polonius, qui veut dorrntr ~upres de sa fille,. la eharmcnte Ophelie, '211eentre a 1a repUque prevue, regarde comme eUe dandine Ie derriere, un ro).:::tragique, Horatiopolonius. ]e Ie savais; que tu es un comedien. ren suis '.In aussi, je joue Hamlet. Le Danemark est une prison, entre nOl;S cwit un IDllI. Regarde ce qui ewit sur ce mliI. Exit Polonius. Ma mere !a jeunc marif~e. Ses seins UD massif de roses, Ie ventre 1a fosse aux s~rpents. Tu as oublie ton texte, maman. Je souffle. ,"AVE-TO! LE MEURTRE DU VISAGE MON PRINCE / Fns LIS DOUX YEUX AU NOUVEAU DANEMAP3 .. Je

~p.

rendrai de nouveau viergc, mere, afin que ton roL ait des noces;a,~glantes. LE '!El'-TTRED'UNE };Jf;Y2 N'EST PAS ASENS UNIQUE. A present j:; te lie les mains dans Ie dos, parce que ton etreinte me repugne, avec ton voile de mariee. A present je dechire ta robe de mariee A present ;l te faut crie~',;"l present ie salis Ies lambeaux de ta robe de mariee av,:;c cette terre, ce qu'est moD. pere devenu, avec ces lambeaux ton '.;·isagt:; ron ventre tes seins. A present je te prends, ma mere, dans Ie sillage insisible, l~ sien, de man p!2re. Ton cri je l'etouffe de mes levres. Reconnais-tu Ie fruit de to::1 corps. A present va a tes nuces, putain, large SOllS Ie soleil danois, qui brille sur ce qui est vivant et ce qui est mort. Je va is fourrer Ie cadavre dans les latrines que Ie palais etouffe dans 1amerderoyale. Ensuite, Ophelie, laisse-moi manger ton ccen::: qui pleure mes Jarmes.

.

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