Le Story Telling, l’art de raconter une histoire pour vendre…
ConseilsMarketing.fr accueille Stéphane Dangel, le spécialiste du StoryTelling, qui nous explique tout de l’art de vendre en racontant des (belles) histoires ! Le storytelling, l’art de raconter des histoires (et de les écouter) en communication, marketing, management serait manipulateur, et ses adeptes un ramassis de propagandiste nostalgiques du stalinisme ? Voilà de quoi tordre un petit peu le coup à ces idées reçues.
1. Quand le storytelling est-il né ? Il y a des milliers d’années : le storytelling des organisations tel qu’on le connaît aujourd’hui est un dérivé de la tradition des conteurs, des griots. Pendant longtemps, le mode de transmission des valeurs, des règles de vie, des traditions, bref l’éducation au sens large, s’est fait sur le mode des histoires. Histoires vraies pour certaines, contes et légendes pour d’autres, donc avec également des fictions, mais un message authentique et porteur de sens, formateur. Encore aujourd’hui, certains dirigeants commerciaux motivent leurs troupes en leur racontant des histoires tirées de la mythologie. Pourquoi ? Parce que cela leur permet de parfois mieux comprendre des enjeux qu’un discours rationnel n’arrive pas à faire passer.
2. Ou est-il né ? Les rapports entre les hommes se font de manière primordiale à travers les histoires. Le grand scénariste américain Robert McKee dit même que les histoires sont la monnaie d’échange des rapports humains. Alors, c’est vraiment une tradition très ancienne. La Bible est faite d’histoires. Qu’on les croit vraies ou non n’est pas la question, la question est : est-ce que le message qu’il y a derrière, lui, est valable, authentique, de bon sens ? D’ailleurs, certains « gourous » du storytelling, comme Steve Denning, citent volontiers les pratiques des auteurs de la Bible lors de ses séminaires de formation.
3. Qu’est-ce que le storytelling ? Le storytelling consiste à raconter des histoires. En France, le mot histoires est entouré de connotations péjoratives, notamment dans le livre Storytelling – La machine à fabriquer des histoires, de Christian Salmon -l’opinion de l’auteur est résumée dans le titre.
Ce n’est pas le cas dans le monde anglo-saxon, où ce mot a une signification beaucoup plus large. Ainsi, dans les pays anglo-saxons une story (histoire) désigne aussi un article de journal, par exemple. Des histoires, c’est aussi ce qui manque aujourd’hui à la NASA, qui ne sait plus comment aller sur la lune. Elle a le mode d’emploi officiel, mais les petits trucs, rafistolages que les équipes en charge du projet ont dû appliquer en catastrophe, elle n’a pas pensé à les recueillir auprès de ses anciens ingénieurs. Une histoire, c’est ce que Harley Davidson fait vivre à des cadres des grandes villes américaines qui s’habillent de cuir et montent sur leur machine pour aller semer la terreur en pétaradant dans de petits bleds. L’histoire est authentique car elle leur permet d’exprimer une facette de leur personnalité. Une histoire authentique, c’est ce que Jack Daniel’s raconte, dans une pub qui dit : « Mr Jack Daniel n’était pas un saint, mais il a créé quelque chose comme une religion ». Il y a trois possibilités pour faire du story telling selon moi : - l’histoire-témoignage d’un client existant - une métaphore pour gommer l’aspect hyper technique par quelque chose de plus émotionnel - une histoire tremplin : on raconte l’efficacité d’un aspect de l’appareil pour terminer par un “Imaginez maintenant que l’ensemble de vos besoins puissent être traités tout aussi efficacement… C’est ce que fait cette machine”.
4. Quand a-t’il été importé en France ? A sa façon, Jacques Séguéla racontait déjà des histoires de marques lorsqu’il faisait de la publicité, sans pour autant appeler cela du storytelling. En dehors de la publicité, du marketing et du management, pour lesquels l’apparition assumée du storytelling est très récente et est réellement une importation, le storytelling existe déjà dans les fables de La Fontaine et dans d’autres ouvrages fondamentaux plus anciens. L’abbé Pierre est aussi un bon exemple : qu’est-ce que l’appel de l’hiver 54 sinon du storytelling. « Ce matin, une femme est morte gelée sur un trottoir de Paris… ». Plus récemment, le spot Axe, mettant en scène un anti-héros avec des geysers qui jaillissent de ses aisselles… Une caricature, mais dans notre tête c’est comme cela que l’on voit les gens qui transpirent beaucoup.
5. A qui sert-il ? Celui qui raconte une histoire le fait dans un but précis. Ce peut être pour son propre intérêt, ou pour servir des intérêts plus collectifs, voire des intérêts personnels et collectifs entremêlés. Rien de révolutionnaire dans cette phrase. Ensuite, se pose la question de l’objectif : dans quel but raconte-t-on une histoire ? - Pour convaincre ou persuader : c’est légitime. - Pour manipuler : c’est une dérive du storytelling, qui devient encore plus complexe quand on sait que la manipulation n’est pas qu’une affaire d’intention mais aussi de perception par l’auditeur de l’histoire. Raconter une histoire fausse, c’est manipuler. Un exemple : Airborne, comme son nom ne l’indique pas, est un fabricant de comprimés censés soulager en cas de refroidissement. L’histoire du produit est d’ailleurs assez folle : c’est un prof d’école primaire américain, sans formation ni connaissances médicales particulières quelles qu’elles soient, qui l’a mis au point. Un exemple du rêve américain ? Pas vraiment : Airborne a dû verser 22 millions de dollars dans le cadre d’une procédure en class
action pour avoir faussement prétendu que les comprimés pouvaient prévenir et guérir un refroidissement. Pourtant, on trouve encore beaucoup de monde aux Etats-Unis, pour dire qu’avec Airborne, un refroidissement aurait pu être évité, en regardant le malade d’un air accusateur…
6. Qui s’en sert ? Tout le monde dans la vie quotidienne, les entreprises dans leur politique managériale et marketing, les hommes politiques.
7. Dans quelles conditions s’en servent-ils ? Je pointerais les hommes politiques : on a vu des dérives manipulatrices, des usages du storytelling laissant une grande place au mensonge dans le monde politique (Joe le Plombier, le travailleur qui se lève tôt le matin…). Du coup, certains se sont engouffrés dans cette brèche pour condamner le storytelling dans son ensemble comme étant forcément malfaisant. Ce qui, pour comparer, équivaudrait à punir toute une classe d’élèves parce que 5 % d’entre eux ont perturbé le cours ! Le pouvoir des histoires fait que des considérations éthiques sont indispensables, c’est aux utilisateurs du storytelling d’agir en personnes responsables. En politique, George Bush a longtemps utilisé des histoires fausses pour remporter des victoires : l’histoire du bien (l’Amérique) contre le mal…
8. A quelles occasions ? Tous les enjeux de l’entreprise sont propices à l’utilisation d’histoires. En fait, tous les domaines dans lesquels on utilise des techniques traditionnelles d’argumentation rationnelle, souvent avec peu de succès, sont adaptés à l’utilisation d’histoires. Une étude américaine dans le secteur des boissons alcoolisées, a d’ailleurs montré que des publicités comme la célèbre « Whassup ! » de Budweiser étaient beaucoup plus efficaces que celles de concurrents, utilisant des arguments rationnels.
9. Est-ce efficace ? L’émotion attachée aux histoires est plus efficace que les argumentations rationnelles, traditionnelles. Ce qui ne veut pas dire que les histoires ne sont faites que d’émotion, il y a aussi du tangible.
10. Peut-on en mesurer l’efficacité et par quels moyens le storytelling peut-il être mesuré ? La nouvelle version de la solution Link, de Millward Brown, destinée à pré-tester les publicités, a ajouté à ses mesures de notoriété, de l’image perçue et des intentions d’achat des critères de storytelling.Ainsi, les publicités sont évaluées en fonction de la pertinence de l’histoire, des situations, l’identification aux personnages… Résulats : les consommateurs réagissent d’autant plus favorablement à des publicités que celles-ci utilisent le storytelling pour générer de l’émotion, comme le spot « Whassup » de Budweiser, plutôt que la comparaison d’un produit par rapport à l’autre (publicité Miller Lite).
12. Personnellement, quand l’utilisez-vous ? Le plus possible !
Je répondrais par un exemple : je cherche actuellement à vendre une maison et, en plus du discours traditionnel de mon agent immobilier (m², nombre de pièces…), classique, j’ai ouvert un blog sur lequel je raconte les petites histoires et tranches de vie de ma maison. D’autres types de réseaux ou médias sociaux sont très propices aux histoires : les communautés virtuelles créées lors d’une campagne de lancement de produits, comme Diesel qui a invité 40 000 personnes à donner leur vision de la marque… Pour en savoir plus :
http://www.conseilsmarketing.fr/communication/le-story-telling-lartde-raconter-une-histoire-pour-vendre