Mélina FRANGIADAKIS 4RI1
Culture Générale 19/11/07 MEDIAS : « CECI TUERA CELA » ?
Titre du chapitre II du Livre V de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. « Ceci tuera cela. Le livre tuera l’édifice », proféré par l’archidiacre Frollo, au sujet de la 1ère révolution médiatique : celle de l’imprimerie (1440, Gutenberg). 2 facettes de cette sentence : Pensée du prêtre : cri du prophète qui voit dans l’avenir l’intelligence saper la foi, une puissance succéder à une autre puissance : la presse tuera l’Eglise. Pensée du savant et de l’artiste : Le rôle de l’imprimerie se subsistera aux livres de pierre qu’étaient les cathédrales. Mort de l’architecture en tant qu’art de la mémoire. Un art va détrôner un autre art. (Régis Debray, Introduction à la médiologie) Aujourd’hui, on le sait tous, le livre imprimé n’a pas réduit Notre-Dame de Paris en cendres… mais l’expression de Victor Hugo continue à être reprise parce qu’elle reste « méthodiquement géniale » : c’est la première logique de corrélation entre un « ceci » matériel et un « cela » spirituel : ce sont les débuts du tableau à double entrée. Ainsi, « Ceci tuera cela » a dans l’histoire des médias de multiples avatars, le dernier en date étant : Après la radio, la TV, la révolution numérique portera son coup fatal à la presse. Dans cet exposé, la question devient donc : L’Internet tuera-t-il la presse écrite ?
I – Précaution préliminaire : il faut relativiser le catastrophisme répandu chez les analystes actuels. A – « L’épouvantail du déterminisme » : un schéma simpliste qui n’est nullement une histoire valide des médias. Les multiples avatars du « Ceci tuera cela ». On peut décliner l’expression : - le journal à un sou du XIXème siècle tuera la presse d’opinion née de la Révolution Française (Flaubert + Goncourt fin 1860’s) - la presse à sensation (photos) enterrera la presse populaire sans image - la radio et la TV, quasi gratuites (investissement de départ) anéantiront cette presse à sensation - Internet universel et omniprésent + presse gratuite = cerise sur le gâteau pour la presse d’information subsistante et l’équilibre économique sur lequel elle repose. A ce jour, aucun média n’a jamais tué son prédécesseur.
B – Les spécificités du multimédia par rapport aux médias traditionnels en font un bouc-émissaire idéal pour expliquer l’actuelle crise des médias « la radio annonce l’événement, la TV le montre, la presse l’explique » (Hubert BeuveMéry, fondateur du Monde) rôle fondamental joué par chacun des trois supports de diffusion utilisés par ces différents médias : son, image, écrit.
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Avec le multimédia, le savoir change une nouvelle fois de mode de diffusion. Spécificité du multimédia : il a rendu plus floue la frontière entre ces différents supports puisque les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication ont recours simultanément au son, à l’image et à l’écrit. Il faut resituer la crise des médias actuelle dans une crise de moyenne/longue durée. On a toujours parlé de crise, bien avant l’explosion de la bulle Internet.
II - Certes, Internet provoque des changements et est le révélateur de faiblesses de la presse écrite. A – Internet a un impact direct sur la place de la presse. Diminution du temps disponible pour la lecture - Internet et, plus généralement l’ensemble des loisirs numériques, occupent une place croissante dans nos vies et dans notre consommation de médias. - Dans ces conditions, même si la durée moyenne consacrée aux médias a pu augmenter en France au cours des années récentes du fait de la réduction du temps de travail, le développement d’Internet se fait nécessairement au détriment des autres médias traditionnels. « Papillonnage » des consommateurs Internet et les autres nouveaux supports tels que le téléphone mobile provoquent une tendance au « papillonnage » du consommateur (abondance et diversité de l’offre). Pour presse écrite, se traduit par une moindre fidélité vis-à-vis des titres de presse alors qu’elle s’était structurée autour d’audiences de masse (but : agréger le plus grand nombre possible de récepteurs) La presse ne peut répondre aux usages nouveaux créés par Internet Médias traditionnels : logique verticale et descendante, ne permettent que marginalement la réaction et la participation de leurs consommateurs. Sur Internet, interactivité : le consommateur de média peut quitter une attitude passive et devenir directement un acteur du média et un producteur de contenu.
B – Internet fragilise le modèle économique sur lequel la presse s’est bâtie. La presse écrite, seule source d’information payante ? Le Web créée une apparence et une habitude de gratuité pour les consommateurs. Le modèle de la gratuité financée grâce à la publicité est aujourd’hui largement dominant, tout particulièrement en ce qui concerne l’information politique et générale et le divertissement. Cette évolution ne peut donc que générer une sensibilité au facteur-prix beaucoup plus forte et donc pénaliser la presse. Equilibre économique des journaux menacé - Coûts fixes d’un journal difficilement réductibles : entretien d’une rédaction, outils matériels de production, réseau de distribution. - 2 sources de revenus : vente au numéro ou à l’abonnement + publicité. (exceptions : nouvelle presse gratuite + Charlie Hebdo et Canard Enchaîné sans pub) - Or Internet a des répercussions négatives sur les deux catégories de recettes (achats de journaux moins réguliers + annonceurs davantage tournés vers Internet) équilibre financier du secteur de la presse est menacé
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III - Mais les NTIC ne représentent-elles pas de nouvelles opportunités pour la presse ? A la lumière de ce qui vient d’être exposé, on pourrait être extrêmement pessimiste quant à l’avenir de la presse écrite. Pourtant dans certains pays de nombreux journaux voient leur tirage progresser, ce qui témoigne du fait qu’il n’y a pas de désaffection réelle pour le support papier. Chaque média a obligé ses prédécesseurs à réévaluer leur rôle, à s’adapter… Alors à quel type de réévaluation oblige Internet ? Comment la presse peut-elle tirer partie du numérique et se développer dans ce nouveau contexte ? A – Identifier les nouveaux enjeux et adopter une « stratégie du numérique » pour surmonter ces changements. La presse est déjà très présente sur Internet. Promotion des marques et diversification des contenus pour faire face à une concurrence protéiforme. Problème de la qualité de l’information. Internet peut donner une nouvelle jeunesse à l’écrit. Pour soutenir la présence de la presse sur Internet, il faut qu’elle ait les moyens d’investir. Améliorer la rentabilité des entreprises de presse afin qu’elles soient à même de dégager une capacité d’autofinancement suffisante pour financer ses propres projets (augmenter points de vente). Rentabiliser l’investissement du support papier pour ne pas que l’arbitrage se fasse inévitablement en faveur des autres médias.
B – Un rôle nouveau pour le journaliste Cf : ouvrage Une presse sans Gutenberg de Jean-François FOGEL et Bruno PATINO, deux pionniers de la presse en ligne. Ils prédisent l’avènement du journalisme : Selon eux, « Internet n’est pas un support de plus ; c’est la fin du journalisme tel qu’il a été vécu jusqu’ici ». Les journalistes doivent assumer la fonction essentielle de critique du cyberespace. Distinguer le vrai du faux, contrecarrer une intox ou une désinformation de propagande est un travail que ne peut faire le commun des mortels et qui s'avère être d'une grande utilité dans un espace où le contrôle est extrêmement difficile.
Conclusion : - Difficile de prédire l’avenir : Philip Meyer, un essayiste américain qui prévoit la disparition des journaux papier d’ici 2040. George Gilder, journaliste et professeur à Harvard, affirmait lui que « l’ordinateur va bientôt faire voler en éclat l’industrie de la TV. Mais l’ordinateur ne menace pas la presse ; au contraire, c’en est un parfait complément ». - COMPLEMENTARITE DES DEUX SUPPORTS : Le règne de l'interactivité VS La presse écrite apporte son savoir-faire et sa légitimité. - L’on assiste moins à une crise des médias qu’à une recomposition du paysage médiatique : Ceci ne tuera pas cela… si la presse s’adapte. La presse doit se réinventer. L’irruption d’un nouveau média n’entraîne pas la disparition des autres, mais elle remet en cause leurs positions acquises.