Mélina Frangiadakis
Communication du changement 27/10/2008
LES MEDIAS SAVENT-ILS MIEUX GERER LES CRISES ? L’EXEMPLE DU MONDE ET DE « LA FACE CACHEE DU MONDE »
« La face cachée du Monde, du contre-pouvoir aux abus de pouvoir » est un ouvrage coécrit par Philippe Cohen (responsable du service Economie de l’hebdomadaire Marianne) et Pierre Péan (ancien journaliste et auteur), paru le 26 février 2003 aux éditions Mille et Une Nuits dont le contenu a fait l’effet d’une bombe dans la communauté journalistique française et en particulier au sein du quotidien parisien. Quelles critiques le respecté quotidien du soir a-til essuyé et comment la Direction du Monde a-t-elle géré cette crise sans précédent ?
La gestion de la crise ou la multiplication d’erreurs de manœuvre.
A) Une mauvaise stratégie de défense a) Blessés dans leur honneur, les journalistes du Monde multiplient les réponses de fierté. - le 28 février, le conseil d’administration de la Société des Rédacteurs du Monde réagissait dans un article collectif : « Attaquée, diffamée, insultée, la rédaction du Monde est blessée. Directement mise en cause sur ses pratiques, sa déontologie, sa probité et ses valeurs, elle entend défendre son honneur professionnel et le titre qu’elle est fière de servir ». - En tout, quatre articles similaires d’indignation. b) La riposte de la Direction : contre-attaque manquée et emballement. - 1ère réaction publique, le jour de la parution officielle du livre : poursuites judiciaires annoncées par Edwy Plenel (directeur des rédactions) - La Direction a acquis plusieurs exemplaires du livre a demandé aux assistantes de les photocopier pour que chacun le lise et relève un maximum d’erreurs factuelles. Ridicule : le 7 mars dénonciation dans un article, de toutes ces erreurs (épellations, orthographe, dates…) => Pas de réelle réponse aux attaques. - Dans certains articles de la Direction : déformation de citations du livre + amalgame + dénonciation d’un « antisémitisme » soi-disant sous-jacent mais peu crédible => procédés classiques de l’emballement.
B) Une anti-communication de crise Source principale : Le cauchemar médiatique, Daniel Schneidermann. a) Du caractère artisanal des relations-presse au débat avorté. - « Anne Chaussebourg, « directrice de la coordination des publications » du Monde, s’employa à la « communication de crise », c’est-à-dire qu’elle s’efforça de cantonner à la cafétéria (au sixième étage) la horde des reporters venus suivre le comité de crise de la rédaction (au rez-dechaussée ».
Mélina Frangiadakis -
Communication du changement 27/10/2008
Daniel Schneidermann étant à cette époque à la fois chroniqueur au Monde Radio Télévision et rédacteur/présentateur d’ « Arrêt sur Images », il a voulu organiser un débat entre les deux clans (Péan/Cohen d’un côté et Plenel/Colombani de l’autre) sur le plateau d’Arrêt sur Images. Mais Edwy Plenel a claqué la porte : « Parler avec Péan et Cohen ? Non. La consigne, pour l’instant, c’est qu’on ne parle pas à l’extérieur. Et surtout pas avec Péan qui est antisémite. »
b) L’absence de communication interne. - Censure d’une chronique de Robert Solé, médiateur du Monde dont les chroniques ne sont d’ordinaire jamais relues avant publication. => En pleine crise, abus de pouvoir d’Edwy Plenel, qu’il devra reconnaître et justifier dans un édito le lendemain. - Menaces : « Il faut savoir où tu es, Schneidermann. Si tu es dedans ou dehors. On tient un comité de rédaction mercredi, on verra bien si tu es là ou non ». - « A l’intérieur du journal régnait un silence de cauchemar, un silence terrifié à la fois par la violence de l’agression et par la brutalité d’une hiérarchie qui se déployait dans les couloirs pour cadenasser les bouches ». (D. Schneidermann).
Daniel Schneidermann : Le Monde a répondu « comme un clan sicilien offensé par la provocation d’un clan rival », plutôt que « comme un journal dans une démocratie développée au XXIème siècle : en ouvrant ses bouches, ses comptes et ses archives. »