Le roman catholique. Le roman est un outil de réflexion morale pour beaucoup de romancier des années 30, qu'il s'agisse d'auteurs catholiques (Mauriac, Bernanos et Green), agnostiques (Malraux), ou athées (Montherlant). Le roman permet de s'interroger sur leur foi et de mettre en scènes les conflits qu'elle fait naître, ou de méditer sur la place et le rôle dévolus à des « valeurs » comme l'héroïsme, l'action politique, l'art, l'amour... Les romanciers catholiques : Entre foi et déchirements. La fiction est une mise en scène dialectique du monde qui se nourrit de conflits opposant les hommes entre eux ou de conflits au cœur d'une conscience. Ces romanciers préfèrent peindre des personnages en proie à des conflits intimes qui les torturent : Conviction que « le péché de chair » = mal auquel on doit échapper. La des ces romans n'est pas seulement dûe à leur dimension moralisatrice mais aussi d'une inquiétude métaphysique qui hante les romanciers et éclaire l'univers. Julien Green (1900-1998) Né en France de parents américains, protestant converti au catholicisme en 1916, JG songe à entrer dans les ordres. Il a conscience de son homosexualité mais le vit douloureusement car selon lui c'est contraire au bien. Ses premiers romans dont Léviathan (1929) parlent d'êtres habités par la folie et sont empreints d'un grand désespoir. L'autre sommeil (1931) aborde l'homosexualité. A partir de 34 : attirance pour la spiritualité orientale = dimension onirique dans ses romans (Le visionnaire en 34, Minuit en 36) Après la 2ème GM il va aux États-Unis en tant que citoyen américain. Sa création romanesque est alors hantée par le conflit entre la chair et l'esprit. Moïra (1950) : Une jeune étudiante, après avoir succombé à une relation homosexuelle, tue sa partenaire. Dans Chaque homme dans sa nuit (1960) : sérénité de l'auteur où l'amour semble possible. Green a aussi écrit pour le théâtre. Exemple : Sud créé par Jouvet en 1953 et aussi des récits autobiographiques dans lesquels il éclaire le conflit charnel à l'origine de sa création littéraire. Georges Bernanos (1888-1948) 1er roman = Sous le soleil de Satan (1926) puis L'imposture (1927) = prêtre qui a perdu la foi. Période créatrice du romancier s'étale sur 10 ans (entre 31 et 35 pour l'essentiel). L'aprèsguerre le fait retourner aux essais comme dans les premières années mais il attaque désormais la société technicienne et l'Etat totalitaire. Comme Mauriac, Bernanos = haine du pharisaïsme qui s'entend par une dévotion par trop ostentatoire pour être sincère, mais aussi comme l'utilisation à des fins idéologiques de la pensée chrétienne. Mode imaginaire du romancier : .Représentation du surnaturel .Incarnation de lui-même dans des figures de prêtre. Comme Malraux l'a bien vu, Bernanos veut « charger des créatures d'exception – presque toujours de prêtres – d'assumer la vocation sacerdotale telle que nous la suggèrent les saints »; il ne cherchent pas à être « ressemblant, mais contagieux » en imposant « au lecteur un lien passionnel avec une expérience qu'il ignore ». Malraux définit Sous le soleil de Satan comme le « poème du sacerdoce, donc du Surnaturel ». Le mal est au cœur de la thématique de l'œuvre. Son univers de romancier l'a conduit à peindre
un univers en proie au mal, déserté par le bien. Dans Monsieur Ouine (1946) : La paroisse de Fenouille est un lieu privé du secours de la Grâce et livré au Mal. Selon Michel Estève on peut voir l'évolution créatrice du romancie en matière de technique. Les modalités narratives sont sensibles dans les premiers romans : Sous le soleil de Satan, L'imposture, La joie mais aussi Un crime... On peut faire en effet un rattachement avec le grand roman du 19ème siècle : Alternance de récit, de dialogues, de descriptions et de commentaires. Emploi de l'imparfait et du passé simple Emploi de la troisième personne du singulier Narration linéaire Intrigue située dans un milieu rural et provincial, et ordonnée autour d'évènements dramatiques (meurtres, suicides). Mais nous ne pouvons dire que Bernanos agit dans la droite ligne de Balzac puisque la psychologie mise en œuvre ne repose pas sur une notion de causalité : les comportements des personnages demeurent souvent mystérieux et inexplicables. En 28 Malraux dit à ce sujet en rendant compte de L'imposture : « M. Bernanos n'entend pas analyser les crises, mais les peindre. Il peint d'abord l'angoisse de son personnage; puis il le fait agir; et, soudain, le personnage découvre qu'il vient de faire un geste grave auquel il se refusait, d'exprimer ce qu'il se cachait à lui-même. Là commence l'intervention de Satan. Ces procédés sont à l'opposé des procédés ordinaires du roman ». En 36 avec Journal d'un curé de campagne, il rompt avec les modalités narratives évoquées : Renoncement de la troisième personne Adopte le journal intime . Descriptions et portraits deviennent de simples notations et cela témoigne d'un lien avec le Surnaturel. En 46 avec Monsieur Ouine : avancées novatrices sur le plan technique. La critique a souvent vu dans l'œuvre le « premier nouveau roman français » selon Estève. Aspects de la narration que reprendra Robbe-Grillet et Butor. Mais Bernanos vise l'intériorité et non l'objectivité. Roman = « allégorie d'un monde où rien ne saurait être clair [...] puisqu'en est absente la clé du mystère, la présence réelle de Dieu, qui seule pourrait [...] donner un sens à l'ensemble » (Claude Edmonde Magny). François Mauriac (1885-1970) Il a reçu les faveurs d'un large public et reçut bien de hautes récompenses (Académie Fraçaise en 33 et Prix Nobel de Littérature en 52). L'écrivain a toujours su préserver son indépendance et s'affranchir de sa famille de pensée. Catholique classé à droite, il incarne une forme de catholicisme social comme nous pouvons le voir avec ses prises de position anti-franquistes et anti-colonialistes. Il n'a jamais hésiter à élever la voix pour fustiger les compromissions de l'église et les errements de la doctrine catholique lorsqu'elle faisait fi des valeurs de justice, de charité et de fraternité évangélique. Auteur de nombreux romans qui font de lui le continuateur du roman d'analyse et du roman réaliste. Univers intérieur du romanciers est marqué de trois empreintes : Celle d'une région, une terre = le Bordelais Celle d'une classe = la grande bourgeoisie Celle d'une spiritualité : le catholicisme
Ces romans sont des drames intenses et violents sous les pins landais, sur un arrière plan social et religieux = de grandes familles se déchirent pour l'argent cependant que des êtres vivent tourmentés par des désir interdits selon eux. = Double composante de l'esthétique mauriacienne : un réalisme social volontiers satirique et une analyse intérieure destinée à rendre compte de la complexité de l'âme humaine. Mauriac incarne une forme de classicisme. Ses technique romanesque s'accommode du 19ème siècle. La conscience des personnages est ancrées dans leur classe, dans leurs passions (avarice, désir, haine, pulsion de meurtres) et qui agissent sur un arrière-plan métaphysique et religieux qui met en perspective les intrigues et les arrache à leur dimension sociologique. Mauriac a bâti son univers imaginaire sur les conflits nés entre « cette éducation de la pureté » qui fut la sienne et les tentations de la chair et du Mal : « Les refoulements et les complexe chez certains, cela peut donner le pire. Cela peut donner au mieux ce qui s'appelle un romancier catholique, et alimenter une fructueuse carrière d'écrivain. Ce qu'il en a coûté réellement au bénéficiaire, Dieu seul le sait » (M. François Mauriac et la liberté, 39, repris dans Situations, I, 1947).