17/09/2009
Le Front populaire, «mémoire doulou…
Le Front populaire, «mémoire douloureuse» du PS Professeur d’histoire des idées politiques à Grenoble, Olivier Ihl est spécialiste des politiques symboliques et des cérémoniaux républicains. Pour lefigaro.fr, il évoque ce qu’il reste du Front populaire, arrivé au pouvoir le 3 mai 1936. Que reste-t-il aujourd’hui du Front Populaire, dans l’inconscient collectif ? Il en reste des souvenirs de cartes postales, une idée générale de progrès et d’avancée sociale, l’emblème des congés payés… Mais ça s’arrête là. Les Français y sont beaucoup moins attachés qu’à la Révolution française où à la Libération. Comment l’expliquez-vous ? Ce qui est très frappant, c’est la timidité commémorative. Hormis le PC, la CGT et l’extrême gauche, la date est tombée dans les oubliettes de l’Histoire. Cela amène à s’interroger sur les ressorts de l’amnésie collective. Il y a, à mon sens, deux raisons, qui correspondent à deux dynamiques. Premièrement, la dynamique sociale. Celle qui s’est enclenchée en 1936 n’est plus du tout en rapport avec celle que nous connaissons soixante-dix ans après. Contrats collectifs de travail, augmentation des salaires, reconnaissance des droits syndicaux, naissance d’une société de loisir… L’état de développement du salariat n’a plus rien à voir avec le nôtre aujourd’hui, dans un contexte économique radicalement différent. Ensuite, la dynamique politique. L’idée qui domine, c’est que le Front populaire a été une illusion. Comment l’événement agit sur la gauche ? A gauche de la gauche, l’on souligne l’exaltation des congés payés, mais on bute assez rapidement sur Léon Blum et sa «révolution par la loi» et son acceptation de l’économie libérale. Blum qui est d’ailleurs le seul emprunt du PS au Front populaire. Comme figure emblématique. Pour le PS, 1936 agit comme un miroir déformant et lui retourne une mémoire douloureuse. C’est un peu le passé qui juge le présent, des choix politiques clairs renvoyant aux socialistes d’aujourd’hui leur absence de positionnement sur les sujets économiques, l’Europe ou la fiscalité. D’ailleurs, la dérobade commémorative du parti montre combien il n’assume que peu l’héritage. Pourquoi ? Surtout en raison de la brièveté de l’expérience, le Front populaire a été renversé au bout d’un an. Le PS ne veut pas rappeler ce souvenir, trop fier d’être parvenu à devenir un parti de gouvernement. On sacralise la date, mais on ne détaille pas l’inventaire. On ne le valorise pas comme un moment d’histoire source d’espoir, mais davantage comme un moment d’espoirs déçus. Un peu de la même façon que la Commune de Paris. Cela s’explique par la difficulté générale qu’a le PS à imposer une sacralisation mémorielle, tout simplement parce que la légitimité historique ne peut pas être qu’électorale. Or, 1936 est avant tout une victoire électorale, qui ne recouvre qu’une seule dimension de la légitimité politique. Et ce sont les communistes qui ont pour eux la mémoire de la rue. En comparaison, les gaullistes ont celle de la guerre et de la résistance. Avec un creuset mémoriel bien plus structuré, de Napoléon au
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Le Front populaire, «mémoire doulou… mont Valérien. A droite, justement, quel est le positionnement actuel ? Est on encore dans le «Plutôt Hitler que le Front populaire» que certains avançaient alors ? On est dans une image beaucoup moins caricaturale et passionnée que celle des «salopards en casquette» que dénonçaient la droite au moment des congés payés. Le contexte de guerre des classes s’est atténué et la thématique générale est plutôt celle d’un bilan économique pas très bon, d’une stagnation de la France et de méthodes économiques qui ont échoué.
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