HELEN KELLER
MA RELIGION Préface de
Benjamin VALLOTTON
PRÉFACE DE M. BENJAMIN VALLOTTON
Sous nos yeux, une cinquantaine de lettres dans lesquelles autant d'aveugles de guerre disent ce qu'ils ont vécu depuis leur malheur, quelle patience et quelle énergie ils ont dû déployer pour « s'arracher aux ténèbres ». Témoignages émouvants. De l'un d'eux ces quelques lignes, d'une poignante sobriété « Quant aux sentiments que j'ai éprouvés quand je suis tombé dans la nuit éternelle et à ceux que je ressens aujourd'hui en y pensant, ce sont là des secrets qui restent enfermés dans le cœur. Comment les exprimer? Personne ne saura jamais ce que nous avons souffert et quelles batailles nous dûmes livrer avant de remonter à la surface de la vie. »
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De ces batailles M. René Roy, dans un livre admirable dont le titre est un programme : Vers la lumière (i), donnait récemment la minutieuse et sincère description. Elle s'achève dans un cri de confiance, de victoire : « Travail de la pensée, divertissements intellectuels, que vous me semblez parfois de pauvres balbutiements auprès des chaudes affections et des joies simples du coeur, auprès de tout ce qui m'a conduit par degrés de l'obscurité sans nom vers cette paix de l'âme et cette clarté dont se réjouit ma vie intérieure, vers la lumière. Celui qui a senti passer sur son âme le souffle de l'amour, de la tendresse ou de l'amitié, n'est pas en droit de maudire son sort. Il aura connu en ce monde tout ce qui fait le prix de la vie. » Ce livre de René Roy nous conduit tout naturellement à celui d'Helen Keller : Ma Religion. Mais, là, la victoire est double puisqu'il fallut lutter contre (I)
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la nuit et contre le silence. Est-il possible de réaliser cela? Il le faut si nous voulons prendre conscience des puissances qui sont en nous et qui y restent enfouies, le plus souvent, faute de curiosité d'esprit, faute de volonté, faute d'aimantation spirituelle. « J'étais aussi inconsciente qu'une motte de terre », dit elle-même Helen Keller. Le miracle se produit, dont le livre : Sourde, muette, aveugle nous montre l'incroyable épanouissement. Et voici, la « motte de terre » écrit clans le présent volume : « La vie est plus cruelle que la mort; elle divise et sépare, tandis que la mort qui, à vrai dire, est la vie éternelle, réunit et réconcilie. Je crois que lorsque mes yeux spirituels s'ouvriront à la vie à venir, je me trouverai simplement en possession de tous mes sens, dans ma vraie patrie. Infatigablement ma pensée s'élève au-dessus de mes yeux qui m'ont trahie et poursuit sa vision au delà des limites terrestres. »
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Voilà le chemin parcouru par la « motte de terre ! » Un aveugle de guerre nous disait un jour « La vue, ça donne encore bien des distractions! » Mot d'une admirable profondeur. Ceux qui possèdent tous leurs sens sont en général trop bien pourvus, trop superficiellement heureux pour « chercher » et « trouver ». Si bien qu'Irelen Keller peut écrire que « notre civilisation est une défaite » et que « le monde spirituel n'offre aucune difficulté à la pensée de quiconque est sourd et aveugle ». Telle est la leçon de ce livre extraordinaire. Elle est terrible,. Mais elle peut être salutaire.
PREFACE DE L'ÉDITION ANGLAISE
Helen Keller est aimée dans le monde entier. Ce qu'elle a été capable d'accomplir, en surmontant des difficultés inouïes, fait naître en nous des dispositions à l'héroïsme. Sa lutte patiente et son triomphe indubitable touchent nos coeurs. Mais personne ne peut pénétrer le secret de son épanouissement sans connaître quelque chose de son ambiance spirituelle. La religion, telle que la comprend lielen Keller, s'applique à la vie de tous les jours, la vie spirituelle étant pour elle aussi réelle et pratique que la vie naturelle. Sa conception du christianisme est basée sur l'évangile de l'amour. Souvent questionnée en public sur sa religion, Mlle Keller répond toujours brièvement, tout en éprouvant le désir d'en dire davantage. C'est pourquoi, lorsqu'on lui
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demanda d'écrire un livre à ce sujet, elle accepta avec plaisir cette occasion de faire connaître à ses nombreux amis ce qu'était son idéal religieux et quelle en fut la source. Dans cet ouvrage, écrit simplement par amour, elle a versé toute son âme elle ne cherche pas à y discuter un point de vue, mais plutôt à partager avec d'autres ce qui lui est si précieux. Nous avons en elle l'exemple d'un esprit qui s'est conservé extraordinairement pur depuis son enfance, une expérience religieuse qui n'est pas limitée par un aveuglement sectaire quelconque; une pénétration spirituelle; un don de perception qui ne se sont pas émoussés au contact de la vie des sens. C'est une femme pour laquelle le Seigneur a opéré un miracle et elle le proclame en disant : « Je sais une chose, c'est que j'étais aveugle et que maintenant je vois. » Paul SPERRY. Washington, D. C. — U. S. A.
AVANT—PROPOS Helen Keller n'est plus une inconnue du public de langue française. A plusieurs reprises, les quotidiens et les revues périodiques de France, de Belgique et de Suisse romande ont consacré à cette héroïne de la volonté et du courage moral des articles élogieux. Ils narrent avec enthousiasme les efforts de cette femme remarquable qui, devenue aveugle, sourde et muette alors qu'elle était pour ainsi dire au berceau, est parvenue, au prix d'une énergie dont il n'existe peutêtre pas d'autre exemple, à s'instruire dans la connaissance des lettres anciennes et modernes et, comme le dit -un de ses biographes, à « forcer les portes de l'université de Radcliffe », dont elle sortit quelques années plus tard avec tous les honneurs. Ce ne furent d'ailleurs pas les seuls. Dernièrement encore Université cc Temple » à Philadelphie lui décernait en reconnaissance de ses mérites le titre honorifique de Docteur ès lettres.• Le nom d' Helen Keller est inséparable de celui de son éducatrice, Miss Anne Mansfield Sullivan, devenue plus tard John Mac)), à laquelle elle
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est redevable à la fois de son développement intellectuel, de son instruction et, dans une grande mesure aussi, de son courage moral. Il faut lire les ouvrages qu' flelen Keller a composés et qui ont été publiés en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, en France, en Tchécoslovaquie, au Danemark., et ailleurs, pour se rendre compte du miracle extraordinaire que personnifie cette femme rentarquable. C'est d'abord son autobiographie que, pour nos pays de langue française, la maison fayot a publiée sous le titre de « Helen Keller. Sourde, muette et aveugle. Histoire de ma vie Puis ce fut M1,7 Religion (Ma Religion) dont la librairie Fischbacher présente, dans les pages qui suivent, une fidèle traduction à ses lecteurs. Helen Keller a composé ensuite un ouvrage de 350 pages intitulé Midstream (Au milieu du courant), dont il n'existe pas encore de traduction française. C'est l'histoire non plus des Premières années de sa vie, mais celle des années subséquentes, de l'époque de la guerre et de la décade qui suivit. Cet ouvrage est d'une rare beauté et d'une grande profondeur spirituelle ; il nous apprend à mieux connaître la personnalité géniale de son auteur et nous décrit tout ce qu'elle a sougert pendant les terribles années de la guerre qui marque, dit-elle, « l'écroulement d'une civilisation et la trahison de la plus belle religion qui ait jamais été pré-
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chée dans le monde u. En lisant l'appel qu'elle adresse dans ces pages à tous ceux qui restent sourds aux plaintes des enfants exploités, sourds aux grandes injustices sociales, ou aveugles à reconnaître la valeur et la puissance de l'amour charitable dans les relations internationales, on a de la peine à réaliser que ces lignes ont été écrites par une personne privée des sens de la vue et de l'ouïe, et l'on se demande où sont les vrais sourds et les vrais aveugles ? Rendant par ailleurs dans cet ouvrage un nouveau temoi gnage aux doctrines de Swedenborg qui ont lait l'objet plus particulier de «Ma Religion », l'auteur écrit encore : « Les ouvrages de Swedenborg m'ont aidée à mieux comprendre la Bible et à réaliser un étai de -plus grande proximité du Seigneur Dieu. Ils m'ont enflammée du désir de me consacrer toujours davantage à une vie de service et de travailler avec toujours plus d'ardeur à Préparer la seconde venue du . Seigneur dans le coeur des hommes. » Enfin, à l'adresse des personnes éprouvées par le deuil et la souffrance, tant physique que morale, Helena Keller vient encore d'écrire un ouvrage intitulé \Ve bereaved (Nous les affligés). « J'ai reçu, dit-elle, tant de lettres de personnes affligées que »rot coeur languit de leur donner un message qui puisse calmer leur douleur... Nos bien-aimés ne sont pas plus perdus pour
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nous, quand ils meurent, que s'ils étaient à nos côtés, souriants, aimants et actifs. Vraiment la vie a dompté la mort et l'amour ne peut -pas perdre ce qu'il possède. )) Mais pour comprendre comment il se fait qu'une femme, physiquement limitée comme elle l'a été, au lieu de céder au découragement, -pour ne pas dire aux instincts inférieurs de l'cîme humaine, ait pu non seulement triompher d'obstacles apparemment insurmontables, mais encore parvenir ai niveau moral et spirituel dont elle fait preuve dans ce dernier ouvrage, il faut connaître sa religion. Ma Religion constitue, en effet, une merveilleuse étude de psychologie spirituelle. Composé en anglais, ce livre a été traduit en plusieurs langues (en allemand, en français, en tchèque, en danois et en suédois). On en prépare actuellement une version r.5irmane. C'est dire que cet murage a très vite connu un réel succès de librairie. Plusieurs éditions anglaises ont vu le jour et l'institut Perkins de Boston, Mass. en a fait paraître ,( ne édition en caractères Braille et‘ l'usage des aveugles. A.-G. REGAMEV.
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CHAPITIZ F. PREMIER Hans Andersen, dans l'un de ses charmants contes, nous parle d'un jardin où des arbres géants avaient été plantés clans des pots trop petits pour les contenir. Leurs racines étaient cruellement resserrées et pourtant ces arbres s'élancèrent tout droit vers la lumière, déployant au loin leurs branches vigoureuses et répandant autour d'eux la richesse de leur floraison, rafraîchissant même de leurs fruits dorés les mortels fatigués. Tous les oiseaux du ciel vinrent nicher dans leurs rameaux hospitaliers, et, de leurs coeurs, s'élevait un hymne continuel de renouveau et de joie. Un jour enfin, ils firent éclater l'obstacle qui les entravait et leurs puissantes racines s'étendirent dans la douceur de la liberté. 2
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Ce jardin étrange est pour moi le symbole du xvme siècle, au sein duquel vécut ce Titan génial que fut Emmanuel Swedenborg. Parfois ce siècle est appelé l'Age de la Raison et caractérisé comme l'époque la plus froide et la plus déprimante dont l'histoire fasse mention. Il est vrai qu'à ce moment-lâ, on put constater partout un remarquable essor vers le progrès. Il y eut alors de grands philosophes et de grands hommes d'État et, dans le champ de la science, des chercheurs intrépides. Les gouvernements étaient mieux organisés, le système féodal avait été aboli et les grandes routes étaient plus sûres qu'elles ne l'avaient jamais été auparavant. Le sceptre de fer d'une froide raison, escorté d'un décorum sévère, avait triomphé des ardentes passions du moyen âge. A cette époque cependant, les âmes curé-' tiennes vivaient encore, comme au cours des siècles précédents, clans une atmosphère déprimante et sinistre, clans une atmosphère de tristesse et de résignation désespérée : de grands auteurs, Taine entre autres, dans son
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Histoire (le la Littérature, ont remarqué que la théologie d'alors considérait l'homme comme l'enfant du péché. Elle le méprisait et abandonnait un monde sans esp(rance à la colère de Dieu. La Charité même, cet ange de douceur, que les saints du passé avaient reçue à bras ouverts, se voyait repoussée par les humains. La foi seule était exaltée et ce n'était pas même la foi, mais la croyance seule qui suffisait à un salut étroitement individuel. Les oeuvres utiles n'étaient que vanité ; on considérait toutes les souffrances physiques comme des châtiments, et la plus noire des nuits, faite d'ignorance et d'insensibilité, s'étendait sur un monde dont le coeur était affamé. Telle était l'époque, la rude ambiance dont le génie de Swedenborg devait briser les chaînes dogmatiques, comme les arbres géants de notre conte firent éclater leurs entraves. Quand un penseur semblable est « lâché dans le monde (I) », il est particulièrement intéressant pour ceux (i) Allusion f une phrase célèbre de Ralph Waldo Emerson: « Quand le Grand Dieu lâche un penseur .tir notre planète, prenez garde, car toute chose est en ,danger • (Trad.).
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qui l'étudient de se rappeler quelques-uns des événements et des personnalités historiques qui appartiennent à son époque. Swedenborg naquit peu après la mort de John. Amos Coménius, cet héroïque champion qui porta un coup fatal au géant de la scolastique sous la domination duquel le vieux monde avait été maintenu si longtemps. L'année de la naissance de Swedenborg, i688, marque la date de la révoltition en Angleterre, révolution pacifique, il est vrai, mais dont les conséquences furent immenses. Il vécut durant la période la plus magnifique du règne de Louis XIV, alors que le souvenir de la Rochlle était encore cuisant et amer dans l'esprit de tous les protestants ; il fut témoin des campagnes étonnantes de Charles le Fou en Suède, et contemporain de Linné. Pendant les dernières années de sa vie, Rousseau prêchait en France sa grande doctrine de l'éducation conforme à la nature, et Diderot développait sa philosophie des sens et déclarait au monde que l'on pouvait instruire les aveugles. Aucun homme, peut-être,
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ne fut placé dans une position aussi précaire, entre les traditions d'une civilisation qui s'écroulait et l'invasion soudaine d'un pige nouveau que son esprit pressentait. Plus je réfléchis à sa position, moins je vois comment on peut l'expliquer autrement que par un miracle, tant il est vrai qu'il n'avait rien de commun ni avec son église ni avec les conceptions de son siècle. Je _n'ai rien pu découvrir sur sa naissance ou sa première éducation qui puisse expliquer le mouvement le plus indépendant qui se soit jamais produit au cours de l'histoire de la pensée religieuse. Des milliers d'hommes sont nés, comme Swedenborg, de parents pieux, et ont reçu une éducation aussi admirable que la sienne, sans pour cela apporter une seule pensée nouvelle et sans rien faire qui ait contribué à augmenter le bonheur de l'humanité. Mais n'en est-il pas toujours ainsi quand un génie apparaît ? N'est-il pas toujours un ange auquel nous donnons l'hospitalité sans le savoir ? Swedenborg naquit à Stockholm, en Suède, de parents austères et pieux_ Son p;2re, évêque
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luthérien et professeur dans une école de théologie, était un esprit doué d'une grande pénétration pour les choses spirituelles. On sait que Martin Luther, alors qu'il était moine, vit des esprits et entendit leurs voix; plusieurs de ses disciples observèrent jeûnes et vigiles de la manière la plus stricte, dans l'espoir qu'il leur serait donné, à eux aussi, des révélations de l'autre monde. On dit que le jeune Emmanuel, alors qu'il n'était qu'un enfant, eut des expériences semblables. Il écrivait plus tard à un ami « Entre quatre et dix ans, j'étais constamment plongé dans de profondes méditations concernant Dieu,, le salut et l'expérience spirituelle des hommes. A plusieurs reprises, je révélai certaines choses qui étonnèrent mon père et ma mère, et dont ils dirent que des anges parlaient par ma bouche. » Il est possible que son père ait éprouvé une certaine sympathie pour ce don miraculeux, mais sa mère s'y opposa fermement. Elle persuada son mari de la nécessité qu'il y avait pour l'enfant à renoncer à ce genre de préoccupations, « à ces
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incursions dans l'au delà ». Dès lors et jusqu'à l'âge de cinquante-six ans, cet homme ne vit plus aucune lumière et n'entendit plus aucun son provenant du - monde spirituel. 11 est clair, d'après ses ouvrages religieux, qu'il n'encourage pas cette sorte d'expérience ni chez les enfants, ni chez les adultes non préparés (r). Son enfance fut un aussi beau prélude qu'on pouvait désirer à une vie remarquable. Son père et lui étaient des camarades inséparables. Ils faisaient des excursions sur les collines des environs de Stockholm, ils exploraient les fjords et en collectionnaient les mousses, les fleurs et les pierres aux vives couleurs. A leur retour, l'enfant écrivait de longues compositions sur ces promenades en plein air, car tout jeune, il fut un écolier studieux, et son esprit semblait constamment échapper aux limites de son corps. Pourtant, loin de ressembler à bien des jeunes gens précoces, il était physi(I) Sa situation lui permettait, mieux qu'à tout autre, de se rendre compte du danger qu'il y avait à rechercher des visions, et fréquemment il avertit ses lecteurs et les prévient contre ces pratiques dangereuses.
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quernent fort et plein de santé, et son allure virile fut l'objet de plus d'une remarque flatteuse. 11 reçut la meilleure éducation que son temps et son pays pouvaient offrir. Il fréquenta l'université d'Upsal, et ses premiers travaux font preuve, dit-on, d'un grand talent poétique. Cependant il se consacra principalement aux mathématiques et à la mécanique. Il étonna ses maîtres en simplifiant certaines méthodes de calcul très compliquées, si bien que souvent ils avaient peine à suivre ce vif esprit qui se frayait un chemin parmi les labyrinthes du savoir. Ses professeurs le considéraient avec respect et ses camarades parlaient de lui à voix basse. Il semble que son visage ait été le miroir inconscient des principes rigides et des méthodes sévères dans lesquels il avait' été élevé. On nous le dépeint sous des traits austères, mais non distants. Il avait une noble prestance ; et, très beau, il en imposait par sa personnalité. Jamais on ne le vit se détendre dans la gaîté ou clans les jeux de la jeunesse;
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il se montra même incapable, plus tard, d'exprimer son amour à la timide jeune fille qui inspira la seule passion qu'il ait jamais éprouvée. Au lieu de s'adresser à elle directement, il s'en fut trouver son père, le fameux Polhern, et s'efforça de lui démontrer ses sentiments comme il eût fait d'un théorème de tables et de diagrammes. Le père acquiesça à son désir et lui promit la main de sa fille à trois ans de là. Mais la jeune fille en eut si peur que finalement son frère persuada Swedenborg de renoncer à son projet. Il n'oublia jamais, cependant, l'amour qu'il lui portait. A l'âge de vingt et un ans, il passa ses derniers examens à l'université d'Upsal, et reçut avec félicitations le titre de docteur en philosophie. C'était en l'an 1709. 1-1 fit ensuite plusieurs voyages à l'étranger, non par plaisir, mais dans le but de s'instruire. Robsahm, dans ses Mémoires, parle de lui en ces termes « En plus des langues anciennes, il possédait plusieurs langues étrangères : le français, l'allemand et l'italien, car il voyagea à plusieurs reprises
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dans les pays où ces langues sont parlées. » Son père aurait voulu qu'il embrassât la carrière diplomatique, mais il préféra se consacrer à la science. On lui donna des lettres de recommandation pour les divers souverains de l'Europe; il n'en tint aucun compte, les ignora tout simplement et s'en fut rechercher les plus fameux savants de son temps. Il se présentait souvent à eux sans avoir été annoncé et leur demandait la faveur d'un entretien. Il devait y avoir quelque chose dans son attitude qui inspirait le respect, car jamais sa requête ne fut repoussée. Son seul désir était de savoir, 'et il mettait à contribution tous ceux qui avaient des idées, des méthodes ou des procédés nouveaux à lui enseigner. Ses profondes connaissances le mirent en relations intimes avec Christophe Polhem, qui semble avoir joui de la confiance la plus entière de Charles XII de Suède. C'est par lui que Swedenborg fut un jour présenté au roi qui le nomma, en 1716, Assesseur au Collège royal -des Mines. L'assesseur était un fonctionnaire
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qui avait charge de veiller à ce que les meilleures méthodes soient employées pour l'exploitation des mines et la fonte des minerais. A partir de ce moment, Swedenborg entra dans une période d'activité prodigieuse et variée. Il s'acquitta fidèlement, et avec sagesse, des devoirs de sa charge, et, d'autre part, poursuivit ses études dans toutes les branches de la science. Comme tout penseur indépendant, il suivit l'élan de son génie personnel qui le poussait à découvrir, lorsque c'était possible, les secrets les plus profonds de la nature. Les forges et les carrières, les ateliers et les chantiers, lui étaient aussi familiers que les étoiles et le chant matinal des oiseaux. Les fleurs, qui égayaient de leurs charmes les recoins les plus obscurs, lui révélaient des secrets aussi merveilleux que la majesté des montagnes dont il gravissait les sentiers. Sa nature était un rare mélange du beau et du pratique, une étrange combinaison de mathématiques et de poésie, de génie inventif et de dons littéraires.
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En 1718, lors du siège de Frédérickshalden, il prouve son habileté dans les sciences mécaniques en construisant des machines capables de transporter sur terre ferme, à travers plaines et montagnes et sur sine distance de quatorze milles, plusieurs grands vaisseaux de la flotte suédoise. On trouve dans ses travaux les projets d'une voiture mécanique aux rouages compliqués, le plan d'une machine volante et celui d'un vaisseau pouvant naviguer sous les eaux. Il conçut ainsi, par avance, l'automobile, l'aéroplane et le sous-marin. Il traça les plans de nouvelles machines hydrauliques pour con-
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denser ou raréfier l'air. Il es ay=a de construire un instrument musical universel, sur lequel des personnes dépourvues de toute notion musicale pourraient exécuter tous les airs marqués sur
le papier à musiquç. Il imagina aussi une méthode permettant d'analyser les désirs et les affections des hommes. Il inventa un fusil à air pouvant tirer mille projectiles à la minute! Il conçut également certains plans de ponts-levis et bien d'autres
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inventions mécaniques. Il démontra que le système décimal pouvait être employé avec profit. Certaines connaissances et les théories sur la paléontologie, la biologie, le magnétisme mercuriel, qui devaient être développées un siècle et demi plus tard, ne lui échappèrent point. Il imagina une ébauche de la théorie atomique et de l'hypothèse nébulaire, bien des années avant Laplace. Déjà il avait compris la magnifique alliance des sciences et des arts à laquelle nous devons les progrès extraordinaires des temps modernes. Swedenborg n'ignorait pas la fortune et l'influence que ses nombreux talents et ses succès auraient pu lui apporter. Mais il refusa de boire à la coupe du bonheur qui s'offrait à ses lèvres. La misère et l'oppression de l'humanité pesaient lourdement sur son coeur. Il se sentait humilié, déshonoré dans son âme, à la vue des cruautés d'une certaine théologie qui versait la damnation sur des myriades d'êtres humains. C'est à cette époque que Jonathan Edwards, en Nouvelle-Angleterre, prêchait la terreur et les
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supplices de l'enfer, et que d'innombrables bébés morts sans repentance étaient impitoyablement condamnés aux tourments éternels! Actuellement, nous concevons difficilement l'ingéniosité avec laquelle le mal s'exerçait alors à transformer en une abomination la Parole de Dieu. Le ciel tel qu'on le représentait était une monstruosité; l'enfer était indescriptible et la vie n'était qu'une succession de misères. Swedenborg se dit alors : a A quoi bon toutes les connaissances que j'ai acquises, aussi longtemps que ces hideuses ténèbres couvriront le monde? » Il refusa les honneurs et la gloire et consacra vingt-neuf ans, le Mers de sa vie, dans une pauvreté relative, à réconforter l'âme meurtrie de ses frères au moyen d'une doctrine de la foi et de la vie, humaine et rationnelle. Tout en accomplissant sa tâche ordinaire, il se mit à écrire, profitant de tous les instants dont il pouvait disposer. Lorsqu'il commença ses recherches dans le domaine religieux, il avait déjà publié une soixantaine de livres et de brochures. Parmi les grands ouvrages de
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cette période, nous pouvons citer les Premiers Principes des Choses Naturelles, le Cerveau, l'Économie du Royaume de l'Ame, la Psychologie rationnelle. Parlant de ces oeuvres scientifiques, Emerson. écrit : « Il semble qu'il ait beaucoup anticipé sur la science du xrxe siècle... Ses ouvrages formeraient une bibliothèque suffisante pour un chercheur solitaire et persévérant. L'Économie du Royaume de l' Ame est un de ces livres dont le mérite est remarquable et qui, par la dignité de pensée, fait honneur à la race humaine. Il est écrit dans le noble but de réconcilier l'âme et la science, alors qu'elles avaient été si longtemps étrangères l'une à l'autre. C'est un compte rendu du corps humain, écrit par un anatomiste, en un style très poétique. Rien ne peut surpasser la hardiesse et l'élégance avec lesquelles il a traité un sujet habituellement si aride. Elbert Hubbard nous dit que Darwin semble avoir lu avec le plus grand soin les Premiers
Principes des Choses .Naturelles, Quoi qu'il en
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soit, Swedenborg eut une première lueur du principe de l'évolution lorsqu'il vit dans un lichen minuscule recouvrant un rocher le commencement d'une forêt. Il considérait également que le récit biblique de la création est en contradiction avec les faits de la science. Dans tous ses ouvrages religieux, son attitude à l'égard de la Genèse n'a jamais changé. Il ridiculise et démolit l'antique sanctuaire du littéralisme et découvre dans les Écritures ce qu'il appelle un style narratif très ancien, qui n'avait rien à voir avec la création physique, mais qui se rapportait à une parabole, depuis longtemps oubliée, sur la, création de l'âme humainee • En dehors de ses connaissances des mathématiques, de la mécanique et de l'exploitation des mines, Swedenborg, dans ses ouvrages, fait preuve d'une vaste érudition dans les domaines de la chimie, de l'anatomie, de la géologie et aussi d'un goût marqué pour la musique. Il porta grand intérêt à toutes les questions philosophiques les plus variées et les plus profondes.
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Et malgré tout, il trouva. toujours le temps de se rendre en toute chose utile à la société (i) ». Durant plusieurs années, il fut membre du Parlement suédois; on l'y estimait beaucoup à cause des précieux services qu'il avait rendus et qu'il rendait à son pays. On lui conféra successivement de nombreuses distinctions. En 1724, le Consistoire de l'université d'Upsal l'invita à accepter une chaire de professeur de mathématiques spéciales, mais il refusa. Il fut membre des sociétés savantes de SaintPétersbourg, d'Upsal et de Stockholm. On peut voir aujourd'hui son portrait dans le 'Tall de l'Académie Royale des Sciences, à Stockholm, dont il était un des membres les plus distingués. Ce portrait est placé à côté de celui de Linné. En un mot, la vie de Swedenborg semble avoir été uniquement travail, travail et encore travail. Il devint financièrement indépendant, mais cette indépendance ne fit que l'encourager à accomplir des tâches plus grandes encore. Toutes les classes de la société rendaient (i) Allusion à l'une des règles de vie de Swedenborg (Tracl_)« 3
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hommage à la noblesse de son caractère et à son dévouement altruiste. La sévérité qui le caractérisait dans sa jeunesse disparut peu à peu et plus il avançait en âge, plus son affabilité le rendait cher à ses amis. Il ne connut cependant jamais la vraie intimité. Il s'était élevé si haut sur les degrés de la pensée que même ses collègues dans le domaine scientifique trouvaient difficile de s'entretenir avec lui sur des sujets qui lui étaient familiers. Ils n'essayèrent point de lire ses ouvrages, se contentant de les recommander. Personne, semble-t-il, n'était capable ou désireux de suivre ses pas de géant dans les hautes sphères de ses réflexions. Il était comme un oeil dans un monde d'aveugles, comme une oreille dans un momie de sourds, comme une voix criant dans le désert, mais dont on ne comprenait pas le langage. Il est possible que mon propre isolement partiel du monde de la lumière et des sons me permette de sentir avec plus d'intensité l'étrange situation dans laquelle il devait se trouver. Je ne puis m'empêcher de penser qu'il se sentait extraordinaire-
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ment seul, enveloppé d'une solitude plus que terrestre. Le monde lui paraissait étrange, parce qu'il l'avait déjà dépassé. Aucun homme peut-être ne sentit aussi intensément que lui son âme se heurter aux barres de la prison de chair qui l'étouffait ; et cc fardeau n'était pas allégé par le réconfort que lui aurait procuré le sentiment d'être compris et entouré par des intelligences égales à la sienne. Il avait consacré sa vie à la science, mais que pouvait-il faire de l'énorme trésor des connaissances qu'il avait amassées? Sans doute, il éprouvait de la joie quand un rayon de lumière, quand une possibilité de progrès venaient éclairer les difficultés de son temps, mais je doute qu'il se soit jamais senti « chez lui » sur la terre après son « illumination ». Vers l'an 1744, un grand changement se produisit chez Swedenborg. Cet observateur méticuleux des phénomènes naturels, cet esprit curieux du monde de la pensée, reçut d'en haut le pouvoir d'observer les choses spirituelles. Les sens de son esprit entrèrent en activité au
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point de lui permettre de reconnaître les réalités du monde spirituel. Un de ses contemporains, Robsahm, nous rapporte une conversation au cours de laquelle il demanda à Swedenborg « où et comment il lui fut donné de voir et d'entendre ce qui se passe dans le monde des esprits, dans le ciel et dans l'enfer ». Swedenborg répondit qu'une nuit, un homme lui était apparu et lui avait dit qu' « Il était le Seigneur Dieu, le Créateur et le Rédempteur du monde, qu'Il m'avait choisi pour expliquer aux hommes le sens spirituel des Écritures. et que Lui-même me ferait savoir ce que je devrais écrire sur ce sujet. Et cette même nuit, continue-t-il, le monde des esprits, le ciel et l'enfer me furent ouverts, en sorte que je pus me convaincre de leur réalité, et j'y reconnus plusieurs personnes de ma connaissance. A partir de ce jour, j'abandonnai l'étude des sciences de ce monde, et je me donnai pour tâche de parler des choses spirituelles, comme le Seigneur me l'avait ordonné. Dans la suite, plusieurs fois par jour, Il m'ouvrit les yeux, en sorte que,
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même en pleine lumière, je pouvais converser avec les anges et les esprits ». En septembre 176G, Swedenborg écrivait à C. F. CEtinger : « Je puis solennellement affirmer que le Seigneur lui-même m'est apparu, et qu'Il m'a chargé de la mission que j'accomplis maintenant; dans ce but, Il a ouvert les yeux intérieurs de mon esprit, qui sont ceux de mon corps spirituel, en sorte que je puisse voir les choses qui sont dans le Inonde spirituel, et entendre ceux qui l'habitent; je jouis de ce privilège depuis vingtdeux ans. » Ce privilège lui fut accordé jusqu'à la date de sa mort le 29 mars 1772, alors qu'il se trouvait en séjour à Londres. En réfléchissant à cette phase de l'expérience de Swedenborg, je me sens particulièrement bien placée pour en saisir, du moins en partie, la signification. Pendant près de six ans, je n'eus aucune idée quelconque ni de la nature, ni de l'esprit, ni de Dieu. Je pensais littéralement au moyen de mon corps. Sans une seule exception, mes souvenirs de cette époque sont entièrement des impressions du toucher. Durant
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trente ans, j'ai examiné cette phase de mon développement à la lumière des théories nouvelles, et je suis convaincue de l'exactitude de ce que j'avance. Je sais que, comme un animal, j'étais poussée à rechercher la nourriture et la chaleur. Je me souviens avoir pleuré, mais je n'ai aucun souvenir des chagrins qui causèrent mes larmes. Je sais avoir frappé du pied, et parce que je me rappelle cet acte physique, j'en déduis que j'éprouvais ,alors de la colère. J'imitais les gestes de ceux qui m'entouraient quand je désirais manger ou quand j'allais chercher les oeufs à la ferme de ma mère. Ces souvenirs, impressions entièrement corporelles, sont pour moi très distincts, mais ils ne s'associent dans ma pensée, avec aucune étincelle d'émotion, avec aucun raisonnement. J'étais aussi inconsciente qu'une motte de terre. Et soudain, sans que je réalise comment, où et quand, mon cerveau sentit le choc d'un autre esprit, et je m'éveillai au langage, à la connaissance, à l'amour, aux concepts généraux de la nature, à l'idée
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du bien et du mal! Je fus littéralement tirée de mon néant et placée sur le plan de la vie humaine, sur un plan aussi différent du premier que pour Swedenborg l'expérience dans le domaine suprasensible était différente de son expérience terrestre! Comme au cours de ces années d'isolement, je ne tirais ni de moimême, ni de la nature mes idées même les plus simples, je considère qu'elles me furent données en quelque sorte comme une révélation, révélation d'un esprit fini, cela va sans dire. Swedenborg considérait que ses concepts les plus élevés étaient une révélation de l'Esprit Infini. Il est certain qu'il n'envisageait pas le fait d'être consciemment présent dans le monde spirituel comme le but auquel il devait parvenir; il le considérait plutôt comme un moyen de comprendre différemment l'esprit et la matière, comme un moyen de tirer de la Parole de Dieu des principes et non seulement des mots et des phrases_ Il fut loin de prétendre avoir été le seul à qui ces sortes de visions aient été accordées. Ce qu'il affirme, c'est avoir été,
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durant vingt-neuf ans, pleinement conscient du monde réel dans lequel tous les hommes vivent en tant qu'êtres spirituels, pendant qu'ils vivent sur la terre. Il était convaincu qu'il avait pour mission de sonder et d'interpréter le sens spirituel, le symbolisme sacré des Écritures, et que ses expériences dans l'autre monde devaient l'aider à comprendre véritablement la Parole de Dieu, à communiquer à l'humanité les vérités les plus bienfaisantes et les plus merveilleuses. C'est pourquoi Swedenborg se consacra à la recherche des faits et des lois du royaume de l'âme avec énergie et courage. H entreprit l'étude de l'hébreu, afin de lire l'Ancien Testament dans la langue originale et de connaître par lui-même les formes religieuses, les paraboles et les mystères des temps anciens. Il est hors de doute qtie, durant les années qui avaient précédé son illumination, il avait essayé de saisir la signification de nombreux passages obscurs de la Parole, mais sans aucun succès. Cette tâche lui était apparue insurmontable pour bien des
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raisons. Il y avait d'abord la tradition, puis les méthodes paralysantes d'une interprétation
sectaire; il y avait la froideur d'un âge qui prétendait connaître le christianisme tort en ignorant que l'an-mur est le coeur même de cette religion. Il y avait toute la fascination magique d'une littérature ecclésiastique dont les admirables plaidoyers étaient destinés à soutenir des dogmes auxquels ni les prophètes ni les apôtres n'avaient jamais pensé; il y avait enfin l'obsession des illusions des sens. Mais, malgré tout, la lumière se fit dans son esprit ; la vérité l'affranchit, et, à son tour, il employa ses talents remarquables à la libération du monde. En 1747, Swedenborg demanda et obtint de Frédéric, roi ,de Suède, la permission de se libérer de ses fonctions d'assesseur, afin de s'adonner entièrement à sa nouvelle tâche. On lui offrit une position et un titre plus élevé, qu'il refusa, craignant qu'une situation plus brillante dans le monde ne fût une occasion d'orgueil. Il se retira tranquillement, loin, des splendeurs d'une société brillante, loin des
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honneurs dont on l'avait comblé, dans la solitude de sa petite bibliothèque; il y écrivit vingt-sept livres, dans le seul but de faire du Christianisme une réalité vivante sur la terre. Quelles que soient les opinions de ceux qui lisent les ouvrages religieux de Swedenborg, ils ne peuvent qu'être impressionnés par sa personnalité unique. H faisait toute chose tranquillement et avec réflexion. Il n'avait rien de l'enthousiaste ni de l'exalté. Plus il pénétrait profondément dans le domaine spirituel, plus il devenait humble et calme. Il ne s'abaissa jamais à profiter de la faiblesse et de la crédulité des ignorants. Il ne cherchait point à faire des prosélytes; il ne désirait pas non plus donner son nom à la Nouvelle Église que, le Seigneur, disait-il, allait 'établir dans le monde. H sentait que son message était des-' tillé à la postérité plutôt qu'à sa propre génération. Au fur et à mesure que ses ouvrages sortaient de presse — de grands in-folio écrits en latin, fruits (le longues années d'un travail acharné , — il les distribuait gratuitement aux
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universités et {tu clergé de l'Europe. Walt Whitman dit : « Nous arrivons à convaincre par notre présence », et cette 'réflexion s'applique admirablement au Voyant suédois alors qu'il travaillait à sa tâche considérable. Il ne savait que trop avec quelle hostilité et quelle incrédulité la plupart de ses affirmations seraient reçues; il lui aurait été facile de les atténuer, de les rendre même attrayantes en laissant de côté celles qui étaient les plus difficiles à comprendre, et en présentant les autres dans un style poétique et captivant. Mais il n'eut jamais cette faiblesse, et jamais il ne se détourna de sa haute mission. A sa mort, quand il quitta son corps, devenu tin instrument si péniblement inadéquat à son âme trop sensible, on chercha à taire son nom illustre, et l'on peut même dire que pour un certain temps l'un des Plus nobles champions du christianisme fut presque oublié. La seule récompense qu'il connut, dans son isolement de plus en plus complet sur la terre, fut le sentiment de s'être entièrement sacrifié au bien-être et au bonheur de l'humanité. Dans
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son oeuvre intitulée : Lincoln, John Drinkwater écrit ces lignes qui ne manquent jamais d'évoquer Swedenborg en mon esprit Li est solitaire, celui qui comprend. Elle est solitaire, la vision qui entraîne son homme Bien loin des pâturages, Bien loin des sillons et des champs où le foin est Sur les flancs de la montagne, [entassé, Sur les sommets élevés d'où la contemplation lui fait Que ses tâtonnements, [voir Parmi ceux qui sèment et ceux qui cultivent la terre, [en bas Dans les vallées, ne constituent qu'une seule expérience Dont dépendra La formation de son âme, Et qui placera dans sa nain Courage et maîtrise de soi.
Oui, dans la solitude de sa vision, le voyant possède son âme, et jamais on ne le voit faiblir! Cent cinquante ans se sont écoulés depuis la mort de Swedenborg, et le monde commence à reconnaître graduellement ce qu'il a accompli. L'opposition que ses doctrines soulevaient autrefois s'est transformée en une attitude de
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sympathie et d'intérêt. Un grand nombre d'esprits cultivés ont répandu ses enseignements dans les centres du monde civilisé, et les ont même introduits dans certaines contrées fort éloignées, où la plupart d'entre nous n'auraient jamais songé qu'ils pussent éveiller le moindre intérêt. Son message s'est propagé comme la lumière, à côté du renouvellement de la science, de la liberté de pensée et de la société, renouvellement qui, de tous les côtés, cherche à s'établir dans la vie de l'humanité. Je pourrais citer nombre de personnes dont l'existence n'était que difficultés et désappointements et qui se sont trouvées enrichies et éclairées par ce grand message. J'en suis moimême un humble et vivant témoignage, et si par ce livre je pouvais aider, ne fût-ce qu'un seul de mes frères, à réaliser une union plus intime avec Dieu, j'en éprouverais une joie immense. Alors que je tâtonne dans la nuit, rencontrant sans cesse des difficultés innombrables, j'entends des voix qui, du royaume spirituel,
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muimurent à mes oreilles : Courage ! Comme une sainte caresse, je sens passer en moi un souffle qui descend de l'Infini. Je vibre aux accents d'une harmonie infiniment douce et dont le rythme est comme les battements du coeur même de Dieu. Comme liée par des chaînes invisibles au soleil et aux planètes, je ressens en mon âme la flamme de l'éternité. Ici-bas, dans l'atmosphère que nous respirons tous les jours, je sens comme les courants et les ondées d'une atmosphère éthérée. J'ai conscience de la splendeur qui rattache toutes les choses de la terre à celles du royaume spirituel. Emmurée dans le silence et dans lis ténèbres, je possède cette lumière qui me rendra mille fois la vue quand la mort m'aura libérée.
CHAPITRE II
Pour comprendre les sentiments que j'éprouvais lorsque j'appris à connaître les ouvrages du grand voyant du xvitie siècle, il y a près de trente ans, il faut que nous nous transportions par la pensée au temps où je commençais à me poser des questions au sujet de Dieu. Je n'étais qu'une enfant et je voulais naturellement savoir qui avait créé toutes choses dans ce monde. On nie répondait que la Nature, Mère Nature comme on l'appelait alors, avait formé la terre, le ciel, l'eau et tout ce qui vit. Pour un temps je me contentais de cette réponse et je vivais heureuse parmi les rosiers du jardin de ma mère, sur les bords de la rivière, ou dans les champs parsemés de pâquerettes, tandis que mon institutrice me donnait, au sujet des
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graines et des fleurs, des oiseaux, des insectes et des poissons de la rivière, des descriptions vraies ayant pour moi le charme des contes des cc Mille et une Nuits ». Comme les enfants, j'imaginais que toutes les choses que je touchais étaient non seulement vivantes, mais encore conscientes d'elles-mêmes; je croyais qu'elles et nous, étions au même degré les enfants de Mère Nature. En grandissant, cependant, je commençais à :raisonner sur les objets que je pouvais toucher. Il est évident qu'en essayant de décrire ici les impressions fugitives et à peine formées de mon enfance, j'emploie des idées et des mots acquis bien des années plus tard. Je remarquais alors qu'il y avait une différence entre la manière dont les humains accomplissaient leur travail et la façon dont la Nature produisait ses merveilles. Je me rendais compte que les petits chiens et les fleurs, les pierres, les bébés et les orages rte se trouvaient pas simplement assemblés à la manière dont ma mère mélangeait les divers ingrédients nécessaires à la confection de ses
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gâteaux. [)ans les champs et les bois, je sentais un ordre et une continuité qui m'intriguaient, en même temps que j'observais une certaine confusion dans les éléments de la nature qui, par moments, me terrifiaient. je ne pouvais comprendre pourquoi ni comment les tremblements de terre, les inondations ou les cyclones pouvaient détruire, sans aucun discernement, ce qui était beau comme ce qui était laid, ce qui était utile comme ce qui était nuisible, et les bons comme les méchants. Comment se pouvait-il que des forces aussi aveugles et irresponsables pussent créer et perpétuer la vie, renouvelant toujours ce qu'elles avaient détruit, ramenant sans cesse, et avec une précision mathématique, le printemps, l'été, l'automne et l'hiver, le temps des semailles et celui des moissons, le jour et la nuit, les marées, et les nouvelles générations parmi les hommes? Quoi qu'il en soit, je concluais que la nature ne se préoccupait pas davantage de moi ou de ceux que j'aimais que d'une feuille ou d'une mouche,, et cette pensée 4
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fît naître en mon esprit une sorte de ressentiment, peut-être « cette noble inspiration qui incite l'âme à proclamer ses droits et lui fait déclarer qu'elle a pour prérogative de dominer le cours des choses et des événements ». Alors, me détournant de la Nature, je cherchai à connaître Dieu, sans trouver d'emblée la solution de mes difficultés. Certains de mes amis essayèrent de me faire comprendre qu'Il était le Créateur, qu'Il était partout, qu'Il connaissait tous les besoins, toutes les joies et toutes les tristesses de chaque être humain et que rien ne pouvait arriver sans qu'Il ne l'ait prévu et sans qu'Il n'y ait pourvu. Certains cœurs généreux voulurent m'expliquer qu'Il était compatissant envers tous les hommes et qu'Il faisait luire Son soleil sur les justes comme sur les méchants. Je me sentis irrésistiblement attirée vers cet Être d'amour et de gloire et j'éprouvai un réel désir de le mieux connaître. C'est à ce moment-là que je fis la connaissance du pasteur Phillips Brooks. En quelques mots très simples, mais très profonds, il m'aida à
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saisir cette vérité fondamentale que Dieu est Amour et que Son Amour est (c la lumière qui éclaire tout homme ». Je n'arrivais pourtant pas encore à me faire une idée claire des rapports qui existaient entre cet Amour divin et le monde matériel. A plusieur's reprises, je me perdis dans la nuit et dans l'incertitude; j'essayai de parcourir par la pensée le chemin qui devait relier cette Lumière, ineffablement rassurante, au chaos et aux ténèbres de la nature, si incontestablement réels. Un jour, j'éprouvai une joie indescriptible et je fus bien près de sentir la présence de Dieu, en (c regardant » un charmant papillon, à peine éclos de son cocon, qui séchait ses ailes au soleil et voltigeait ensuite sur un buisson d'arbousier. On m'apprit alors que les anciens Égyptiens considéraient le papillon comme un emblème de l'immortalité. j'étais ravie. J'étais sûre qu'il devait en être ainsi, et que ces gracieuses foi Hies de la vie contenaient une leçon sur des choses plus belles encore. Mais, malgré tout, le problème des rapports qui devaient
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exister entre le Divin et la matière continuait à me préoccuper, jusqu'au jour où une étincelle intuitive vint soudain me révéler lin mystère. J'étais tranquillement assise dans notre bibliothèque depuis une demi-heure, quand, me tournant soudain vers mon institutrice, je lui dis « Il vient de m'arriver une aventure étrange! Pendant tout ce temps, j'étais loin, bien loin de vous et pourtant je n'ai jamais quitté cette chambre. -- Que voulez-vous dire par là, Hélène? me demanda-t-elle surprise. — Je veux dire que j'étais à Athènes. » A peine ces paroles s'étaient-elles échappées de ma bouche que, comme‘un éclair, une compréhension étonnante sembla s'emparer de mon esprit et l'inonder d'un flot de lumière. Je venais de percevoir la réalité de mon âme et sa parfaite indépendance de tout ce qui se rapporte à l'espace et au corps. Je compris clairement que c'était parce que j'étais un esprit que j'avais « vu » et senti si distinctement un endroit éloigné de plusieurs milliers de kilomètres. Pour l'esprit, l'espace n'était rien! Je
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percevais qu'il devait en être de même de la présence de Dieu qui, parce qu'Il est Esprit, peut être présent partout et au même moment dans l'univers qu'Il a créés Et le fait qu'en esprit je pouvais me transporter au delà des mers et des continents, jusqu'en Grèce, tout en étant physiquement aveugle, sourde et incapable de faire un pas sans trébucher, fut pour moi une autre découverte soudaine qui me fit trembler d'émotion. Je m'étais libérée ; dans le sens du toucher, j'avais trouvé la vue. Je pouvais lire les pensées des sages, pensées qui leur survivaient à travers les siècles; et ces pensées, je pouvais me les approprier. Si cela était vrai, combien plus facilement Dieu, en tant qu'Esprit illimité, pouvait-Il atteindre Ses enfants sans être arrêté par les obstacles de la nature, les accidents, les souffrances et la destruction Le fait d'être sourde et aveugle n'avait donc aucune importance réelle. Je pouvais reléguer cette infortune aux confins extérieurs de iiia vie. Il va sans dire que je ne réalisais pas aussi clairement que cela ce qui se
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passait alors dans mon âme d'enfant. Cependant je savais que moi, mon vrai moi, pouvait quitter la bibliothèque et visiter en esprit tout endroit qu'il voulait, et j'en étais heureuse. Ce fut de cette petite semence que germa en moi l'amour des choses spirituelles. A ce moment-là, je n'étais pas particulièrement attirée par les histoires de la Bible, à l'exception pourtant de celle du doux Nazaréen. La Création, le récit d'Adam et Ève chassés du jardin d'Éden pour avoir mangé certain fruit, le Déluge et toutes les colères, toutes les vengeances de Dieu, me rappelaient les légendes des Grecs et des Romains quç j'avais lues, et dont je ne pouvais admirer qu'un bien petit nombre de dieux et de déesses. J'étais désappointée de ne pouvoir trouver dans la Bible, que ma bonne tante prétendait être un livre divin, une ressemblance quelconque avec cet être à la face rayonnante de bonté et de beauté que je sentais dans mon coeur. Cette bonne tante me narrait des histoires tirées de l'Apocalypse, et je continuais à sentir un vicie
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que je ne pouvais expliquer. Quel intérêt pouvais-je porter à. une guerre entre Dieu et les dragons et les bêtes à cornes? Comment concilier les tourments éternels de ceux qui avaient été précipités dans le lac de feu, avec un Dieu que le Christ avait déclaré être amour? Pourquoi, une ville particulièrement appelée la Cité de Dieu, était-elle décrite comme pavée d'or, entourée de murailles de pierres précieuses, alors que le ciel devait logiquement être rempli d'autres choses tout aussi magnifiques : des montagnes, des champs, des océans, et la terre douce, fertile et reposante à nos pieds? La touchante histoire du Christ, réconfortant les affligés, guérissant les malades, rendant la lumière aux aveugles et la parole à ceux dont les lèvres étaient muettes, me touchaient profondément; mais comment pouvais-je adorer trois personnes, le Père, le Fils et le SaintEsprit ? Cela n'était-il pas semblable à cette idolâtrie qui était si sévèrement punie au temps de l'Ancien Testament ? Telles étaient les pensée§ confuses et peu
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satisfaisantes que mon esprit se formait sur la Bible lorsque je fis la connaissance de M. John Hitz, un des amis que j'ai le plus aimés, consul général de Suisse à Washington durant de longues années; il fut ensuite surintendant du Bureau Volta, fondé par le docteur Bell, avec l'argent provenant de son invention du téléphone. Ce bureau fut créé dans le but de réunir certaines informations concernant les sourds et de les propager à l'aide d'une revue appelée les Annales des Sourds (I), périodique connu aujourd'hui sous le nom de la Revue de Volla (2). Je fis la connaissance de M. Hitz en 1893, alors que j'avais treize ans,' et ce fut le commencement d'une amitié profonde et merveilleuse, que je chéris comme l'un des souvenirs les plus précieux de ma vie. Il portait toujours un profond intérêt à tout ce qui me concernait, à mes études, à mes joies et à mes raves de jeune fille, aux difficultés de ma vie universitaire, et à mes travaux pour les aveugles. (i) The Annals 0,0 the Deal. (e.,) The Volta .Revietét,
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Il fut l'une des rares personnes qui apprécièrent à sa juste valeur mon institutrice et la portée remarquable de sort travail, non seulement à mon égard, mais pour le inonde en général. Ses lettres prouvent l'affection qu'il lui portait et combien il comprenait ce qu'elle était pour moi : une lumière dans les ténèbres. Il nous rendait souvent visite, à Boston et à Cambridge. et chaque fois que nous nous arrêtions à Washington, mon institutrice et moi, en nous rendant chez des parents qui habitaient plus au Sud, ou en en revenant, nous faisions avec lui de charmantes excursions. Dès que nous fûmes installées à Wrentham, dans l'état des Massachusetts, il vint passer chaque été six semaines avec nous, jusqu'à l'année qui précéda sa mort. Il aimait à m'emmener à l'aventure, de bon matin, alors que les arbres et les champs étaient couverts de rosée et que les oiseaux gazouillaient joyeusement. Nous parcourions les bois silencieux, les prairies embaumées, au delà des pittoresques murailles de Wrentliam, et, sans cesse, il me
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faisait percevoir la beauté et le sens profond de la nature. Tandis qu'il parlait, le vaste monde revêtait pour moi la gloire de l'immortalité. C'est lui qui m'inculqua cet amour de la nature qui constitue une partie si précieuse de la musique que j'entends dans mon silence, et de la lumière que je vois dans mes ténèbres. Il m'est doux, en écrivant ces lignes, de me rappeler les fleurs, les gais ruisseaux et les moments si lumineux et si réconfortants de silence durant lesquels nous communiions dans un sentiment de joie. Chaque jour, par ses yeux, je contemplais un paysage nouveau et charmant auquel notre imagination attribuait une beauté spirituelle. Souvent nous nous arrêtions afin que je puisse percevoir le balancement des branchages, le frémissement des fleurs, les ondulations des blés sous la brise, et il me disait : « Le vent qui prête ces mouvements et cette vie
à la nature est un symbole merveilleux de l'Esprit de Dieu. » Le jour de mes quatorze ans, il me donna pour mon anniversaire une montre en or qu'il
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avait portée pendant plus de trente ans; et, depuis lors, je ne m'en suis jamais séparée, à l'exception d'une seule fois où il fallut l'envoyer en Suisse pour changer certaines pièces qui étaient usées. Cette montre a une histoire curieuse. A l'origine, elle n'était pas destinée à un aveugle. Elle avait appartenu à un ambassadeur d'Allemagne qui la commanda dans le but d'observer une très grande exactitude dans ses importants rendez-vous. Cet ambassadeur devait fréquemment rendre visite à un haut dignitaire du Kaiser, et l'étiquette ne permettait ni de regarder sa montre, ni de s'attarder trop longtemps; il s'en fut donc chez un bijoutier qui lui transforma sa montre de telle sorte qu'il put connaître l'heure par le toucher en mettant la main dans sa poche. Cette montre a un cadran de cristal, et, sur la cuvette, une aiguille d'or se rattache à l'aiguille des minutes, marchant et s'arrêtant avec elle. Tout autour, des points d'or en relief indiquent les heures. Je la porte toujours sur mon coeur et son tic-tac fidèle me rappelle le travail et l'affection inlas-
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sables de mon ami. Celui-ci, de l'amitié duquel elle reste un gage, s'en est allé, voilà plus de vingt ans, et pourtant il m'est doux de savoir que chacun des battements de sa montre me rapproche de lui. Quel trésor de grand prix n'est-elle pas pour moi! Elle unit le temps à l'éternité! M. Hitz et moi, nous échangeâmes une correspondance qui dura plusieurs années. Il étudia le système Braille afin que je pusse lire moi-même ses longues et fréquentes missives. Ses lettres me sont un témoignage d'affinités siprituelles et c'est pour moi un grand réconfort de les relire lorsque je souffre de ne plus sentir la pression de sa main ou de ne plus entendre ses paroles inspirées et pleines de sagesse par lesquelles il m'encourageait. Sa première et dernière pensée fut de chercher à surmonter les obstacles que je rencontrais. Il découvrit rapidement ma passion pour les ouvrages que je pouvais lire sur les sujets qui m'intéressaient particulièrement, et combien le nombre de ceux qui étaient transcrits en
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caractères Braille était restreint. Pendant huit ans, il consacra quelques heures chaque jour à transcrire ce qu'il pensait devoir me procurer quelque plaisir — nouvelles, biographies de grands hommes, poésies, ou études sur la nature. Quand, après avoir lu le Ciel et l'Enfer de Swedenborg, j'exprimai le désir de connaître d'autres ouvrages de cet auteur, il n'épargna pas sa peine, et résuma pour moi des volumes d'extraits et de commentaires afin de m'en faciliter la lecture. Il fit tout cela à côté des travaux quotidiens que lui imposaient sa charge de surintendant du Bureau Volta et sa correspondance volumineuse. Il mentionne souvent dans ses lettres « les heures tranquilles du matin précédant le déjeûner », heures qu'il employait à ces transcriptions, et sa « joie d'être ainsi chaque jour en pensée avec son innigst geliebte Tochter Helena (i). Beaucoup d'amis ont fait pour moi des choses admirables, mais aucun n'a surpassé l'infatigable M. Hitz dans son désir de me faire partager le soleil et la (i) En allemand dans
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paix intérieure qui remplissaient les dernières années de sa vie. Je me sentais chaque année plus près de lui et il m'écrivait d'ailleurs toujours plus souvent. Puis survint pour moi un grand chagrin; il me fallut accepter d'être séparée de l'ami que j'aimais le mieux après mon institutrice. J'étais allée rendre visite à ma mère et je rentrais à Wrentham. Comme d'habitude, je m'arrêtai en cours de route à Washington, et M. Hitz vint m'attendre à la gare. Il était très joyeux, m'embrassa et me dit avec quelle impatience il avait attendu mon arrivée. Tout à coup, alors qu'il m'emmenait, il eut une crise cardiaque et expira. Quelques instants avant sa mort, il me prit la main et je sens encore son contact quand je pense à ces heures sombres. Je n'aurais pu supporter l'idée de perdre un ami aussi intime et aussi tendre si j'avais pensé que tout était fini. Mais la philosophie réconfortante et la certitude qu'il m'avait donnée de la continuation de la vie après la mort raffermirent dans une foi inébranlable la conviction qu'un jour nous nous
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retrouverions dans un monde meilleur, dépassant en beauté les plus beaux de mes rêves. En attendant, je conserve pieusement le souvenir encourageant de son admirable personnalité. Il avait un noble caractère et possédait de grandes richesses spirituelles. Son coeur était pur, enthousiaste, rempli de cette foi enfantine qui voit toujours ce qu'il y a de meilleur chez ses semblables. Il cherchait sans cesse à rendre les gens heureux. En tout ce qu'il faisait, il observait ce commandement : « Aime ton prochain comme toi-même. » A l'âge de quatrevingts ans, son coeur était resté jeune, et le don qu'il avait d'apprécier la vie et d'en jouir l'élevait bien au-dessus de la moyenne des humains. Il restait jeune avec les jeunes; il n'était jamais vieux pour moi et je n'étais jamais sourde et aveugle pour lui. C'est avec difficulté qu'il épelait les mots sur ses doigts, et il était si dur d'oreille qu'il me fallait souvent répéter la même phrase jusqu'à six fois, avec ma prononciation imparfaite, avant
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qu'il pût me comprendre. Mais notre affection mutuelle nous aidait à surmonter un grand nombre d'obstacles et nos rapports valaient bien toute la peine et tous les efforts qu'ils nous coûtaient. Comme je l'ai dit, M. Hitz découvrit mon grand désir de lire ce qui avait été écrit sur certains sujets qui m'intéressaient. Mais il était devenu sourd ; ce fait lui permit de mieux se rendre compte de la tournure particulière de mes pensées quant au monde des sens. Il me dit que si j'essayais de me mettre à la place de ceux qui avaient la vue et l'ouïe, et de percevoir leurs impressions des choses, pourraient de plus en plus unir leurs sens aux miens et augmenter ainsi ma connaissance du monde extérieur. Il m'aida à trouver le moyen de comprendre la vie de ceux qui m'entouraient, leur permettant à leur tour de me comprendre et de me connaître. Il me donna un exemplaire de l'ouvrage de Swedenborg le Ciel et l'Enfer, imprimé en relief. Il me prévint que je le comprendrais peu au début, mais que cette lec-
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ture serait un excellent exercice pour mon esprit, et me plairait en me donnant de Dieu une image aussi satisfaisante et aussi digne d'amour que celle que j'avais dans mon coeur. Il me dit encore de toujours me souvenir qu'il est plus facile de percevoir ce qui est bon que ce qui est vrai dans un livre ardu. Car, comme le dit Swedenborg, « le bien est semblable à une petite flamme qui donne de la lumière et qui permet à l'homme de voir, de percevoir et de croire ». Quand je commençai la lecture de l'ouvrage en question, j'étais aussi inconsciente de la nouvelle joie que j'allais éprouver que le jour où, bien des années auparavant, sur les marches de notre vérandah, j'attendais pour la première fois mon institutrice. Poussée par une simple curiosité de jeune fille aimant lire, j'ouvris ce grand ouvrage, et voici que mes doigts tombèrent, dans la préface, sur un paragraphe où il était question d'une femme aveugle dont les ténèbres avaient été illuminées par les merveilleuses vérités contenues dans les écrits de Swedenborg. Cette femme prétendait que ces
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vérités avaient apporté à son esprit une lumière qui compensait sa privation de la lumière terrestre. Elle ne doutait pas de la réalité d'un corps spirituel, pénétrant le corps matériel, doué de sens parfaits, elle ne doutait pas qu'après quelques années de cécité ici-bas, les yeux de ses yeux s'ouvriraient à un monde infiniment plus magnifique, plus complet et plus satisfaisant que le nôtre. Mon coeur tressaillit de joie. Voilà, me disais-je, une croyance qui vient à l'appui de ce que je sentais si intensément : la distinction entre l'âme et le corps, entre un monde que je pouvais me représenter comme -un tout harmonieux et le chaos de l'arrangement incomplet et irrationnel des objets que mes sens physiques si limités rencontraient à tout moment. Je me mis donc à la besogne avec l'ardeur joyeuse de la saine jeunesse, j'essayais de comprendre les termes étranges et les pensées profondes du sage Suédois. Je sentis en quelque sorte qu'il parlait de Celui que j'aimais comme étant l'Unique et Seul Dieu, tel qu'Il est véritablement, et je
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brûlais du désir de comprendre davantage. De paragraphe en paragraphe, les ternies « Amour » et « Sagesse » semblaient caresser mes doigts, et ces deux mots soulevaient en moi des forces nouvelles qui stimulaient ma nature quelque peu indolente, me pressant d'avancer sans relâche. A maintes reprises, je revins à ce livre, j'en tirais une phrase ici, une phrase là, lisant un précepte par-ci, un précepte par-là, entrevoyant tantôt l'une, tantôt l'autre des vérités divines cachées sous les obscurités du texte. A mesure que je comprenais ce que je lisais, mon âme semblait s'élargir, se dégager et gagner de la confiance malgré les difficultés que je rencontrais sur mon chemin. Les descriptions de l'autre monde me transportaient vers ces lointaines régions sans limites, inondées d'une lumière étrange et surhumaine, où les brillants vêtements des anges resplendissent de clarté, où de nobles génies à l'esprit créateur illuminent d'une clarté radieuse les circonstances les plus sombres, où les conflits éternels de l'univers apparaissent sous leur jour véritable,
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où le sourire de Dieu donne à la nuit la clarté éblouissante du jour. Je rayonnais de joie, dans cette atmosphère du monde des âmes, et je regardais passer sous mes yeux, comme en une longue et majestueuse procession, des hommes et des femmes dont le caractère s'était montré profondément attaché à la vérité. Pour la première fois, je compris le sens véritable du mot « immortalité » et la vie terrestre eut pour moi une beauté et une signification toutes nouvelles. Quel plaisir j'éprouvai en découvrant que la Cité de Dieu n'était pas une agglomération stupide de rues en verre et de murailles en saphir, mais un trésor ale sagesse, de nobles pensées et de bonnes influences ! Peu à peu,
je me rendis compte de l'usage que je pouvais faire de la Bible, qui m'avait déconcertée si longtemps, en apprenant à y puiser des vérités précieuses, comme j'avais appris à faire usage
de mon pauvre corps diminué pour obéir aux impulsions de mon esprit. Certaines gens, aux idées étroites, avaient voulu m'enseigner que tous ceux qui n'étaient
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pas chrétiens seraient condamnés, et mon âme, bien naturellement, s'était révoltée, car je savais que dans les pays païens nombre d'hommes remarquables avaient vécu et avaient même sacrifié leur vie pour la cause de la vérité telle qu'ils l'avaient entrevue. Mais dans le Ciel et l'Enfer, je trouvais que le nom de « Jésus » se rapportait particulièrement au Divin Bien, au Bien qui se manifeste par les actes et que le nom de « Christ » se rapporte au Divin Vrai, renouvelant les pensées, la vie et la joie dans les esprits des hommes, et que, par conséquent, aucun homme qui croit en Dieu et qui vit selon le bien n'est jamais condamné. Ainsi je grandissais et de même que Conrad, qui, pour des raisons en somme inexplicables, adopta l'anglais comme langue de son choix, de plus en plus je fis ma religion des doctrines de la Nouvelle Église. Personne ne m'encouragea dans cette décision, et je ne saurais l'expliquer moi-mCrne. Tout ce que je puis dire c'est que la Parole de Dieu, libérée des erreurs et des entraves des credos barbares qui l'emprisonnaient, a été
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depuis lors la joie et le bonheur de ma vie; grâce à elle, j'apprécie de plus en plus le dévouement de mon institutrice; elle me donne la claire vision de mes devoirs et de mes responsabilités à l'égard des autres; elle est, en un mot, intimement associée à mes heures de luttes et de solitude, à mes joies les plus profondes, aux dures vérités auxquelles j'ai bravement fait face, aux plus hautes aspirations de mes rêves, devenues plus chères que les appas complaisants de mon égoïsme et de mes aises. Les vérités qu'elle contient ont été pour moi ce que la lumière, les couleurs et la musique sont aux yeux et aux oreilles., Elles ont remplacé le désir mélancolique que j'avais de jouir plus complètement de la vie des sens par la pleine conscience de l'être intact et véritable que je suis intérieurement. Chaque journée m'offre' (les possibilités nouvelles, et dans sa courte
durée je discerne toutes les vérités et toutes les
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réalités de mon existence, la béatitude qu'on éprouve à progresser, la gloire d'agir, l'élévation spirituelle que nous apporte la beauté.
CHAPITRE III
Quelqu'un dira sans doute : cette pauvre Hélène Keller, sourde et aveugle, ne peut être qu'une proie facile pour ceux dont les opinions, l'idéal politique ou les dogmes religieux ne sont partagés que par une petite minorité. C'est pourquoi, avant de considérer les affirmations de Swedenborg, affirmations qui, depuis le jour où elles ont été faites, ont étonné le monde, j'aimerais placer devant mes lecteurs les opinions de certains écrivains célèbres qui, tout en connaissant ses ouvrages, n'ont jamais été affiliés à l'église qui fait si grand cas de ses enseignements religieux. Emerson a placé Swedenborg au nombre de ses « Representative Men », ou hommes-types. Dans le livre qui porte ce titre, il écrit
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« Cet homme, qui passa pour un visionnaire et un lunatique aux yeux de ses contemporains, a vécu sans aucun doute une vie plus réelle que qui que ce soit d'autre en son temps. Anie colossale, il dépasse de beaucoup son i".poque et reste incompris de ceux de son temps; il faudra des siècles pour le comprendre. » Notons en passant qu'Emerson ne partageait pas les vues de Swedenborg en ce qui concerne l'enfer et n'acceptait pas son symbolisme biblique. L'Écossais Thomas Carlyle, esprit avisé et sûr, juge Swedenborg en ces termes : « Homme de vaste culture, forte tète de mathématicien, avec la disposition d'esprit la plus pieuse, la plus séraphique, un homme splendide, aimable et tragique à la fois... Ses ouvrages contiennent un plus grand nombre de vérités que ceux d'aucun autre homme... un des esprits les plus élevés dans le monde de la pensée... un des soleils spirituels dont la lumière ne pourra que devenir plus intense avec les an zi. es. »
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Elbert Hubbard fait une comparaison particulièrement intéressante entre Swedenborg et Shakespeare, et il aborde ce sujet avec une tournure d'esprit toute différente : « Tous deux sont des Titans. En présence de pareils géants, les petits esprits sont comme des épis desséchés et emportés par le vent. Swedenborg fut façonné à 1 manière des héros. Aucun homme, dans l'histoire, ne s'est jamais intéressé à un aussi grand nombre de connaissances relevant des sciences physiques et naturelles, pour entreprendre ensuite, avec un bagage aussi considérable, des voyages pareillement audacieux dans les régions de l'au-delà. Généralement, les hommes qui se préoccupent le plus des questions de l'au-delà et qui les connaissent le mieux ignorent presque tout de notre monde. Mais aucun homme de science ne fut aussi compétent que Swedenborg à son époque, et personne, ni avant ni après lui, n'a décrit d'une façon aussi minutieuse le royaume des Cieux. Dans ses ouvrages, Shi.L1;cspt,are n'a jamais
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dépassé les limites du plan terrestre. Même dans la Tempête, son ascension se borne à un ballon captif. C'est à un vieux livre de fables qu'il emprunte ses personnages, Ariel et Caliban. Shakespeare n'avait aucune notion de la physique; il ne se soucia jamais d'économie politique ou de sociologie; il ne connaissait que fort peu le latin et encore moins le grec; il ne voyagea jamais et la géologie lui resta complètement étrangère. « De bien des manières, Swedenborg a de vancé Darwin ; il possédait les langues classiques et la plupart des langues modernes; il voyagea beaucoup; il eut des idées pratiques en économie sociale et fut le meilleur ingénieur civil de son temps. » Henry James nous dit : « Emmanuel Swedenborg avait l'intelligence la plus saine et la plus étendue que notre âge ait jamais connue », et Henry Ward Beecher ne fut pas moins affirmatif lorsqu'il déclara que « personne ne peut
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vraiment connaître la théologie du xixe siècle sans avoir lu Swedenborg ».
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D'autres auteurs ont rendu un témoignage intéressant quant à l'impression que les enseignements de Swedenborg leur ont laissée. Citons entre antres Elizabeth Barrett Browning, dont la beauté d'âme et le talent poétique ont suscité partout l'admiration : « Je maintiens, nous dit-elle, que la seule lumière qui nous ait jamais éclairés sur la vie à venir se trouve dans la philosophie de Swedenborg. Cette philosophie explique en grande partie l'incompréhensible. » Samuel Taylor Coleridge, que l'Encyclopédie britannique appelle « in des poètes et des penseurs les plus remarquables », rend ce magnifique témoignage à celui que certains avaient à la légère qualifié de fou : « Je n'hésite pas à affirmer qu'en tant que moraliste, Swedenborg est au-dessus de toute louange; en tant que naturaliste, psychologue et théologien, il a droit, incontestablement et de toutes manières, à la gratitude et à l'admiration des hommes de science et des philosophes. Trois fois heureux serions-nous si les savants
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d'aujourd'hui étaient doués d'une folie semblable à la sienne! » Ces appréciations, laissées à la postérité par des hommes et des femmes aussi remarquables, nous permettent de nous faire une idée de la personnalité et du génie extraordinaire de Swedenborg. Si le jugement que je porte sur lui ne semble pas reposer sur des bases suffisamment solides, la faute n'en est pas à mes infirmités. Lorsque ceux qui sont eux-mêmes des savants, et des hommes que le monde honore, en raison de leurs dons spirituels, cherchent à le comprendre, ils affirment tous qu'il avait une intelligence étonnamment cultivée, habituée, comme l'observe Emerson, « à penser avec une précision astronomique ». Eût-il été illettré, si merveilleuse qu'ait été son expérience, si solides et justifiés qu'aient été ses jugements, il n'aurait pu maintenir ses positions et aurait été condamné par l'enquête impitoyable menée contre lui par les gens les plus compétents. Mais nous avons en lui un savant qui devance de beaucoup son époque,
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un maître dans le domaine des sciences. Il publia des travaux volumineux, qui font autorité, sur les merveilles de la nature, depuis le lichen minuscule s'agrippant aux rochers, jusqu'à l'extraordinaire complexité du cerveau humain, conservant un. équilibre merveilleux même dans les problèmes les plus ardus. Puis avec la même audace, le même calme, la même maîtrise de soi, il se fraya, en dépit du danger, un chemin au milieu des précipices et des abîmes du mondé spirituel, afin de nous faire connaître avec l'autorité du témoin oculaire, et sans crainte du ridicule, par quels fils ténus, mais incassables, l'esprit est relié à la matière, l'éternité au temps et Dieu à l'Homme. Trois de mes amis les plus chers se sont sentis poussés à exprimer un jugement qu'ils n'auraient pas formulé à l'égard d'un lunatique ou d'un fanatique intolérant. J'ai connu le docteur Edward Everett Hale pendant bien des années et j'ai toujours admiré le grand intérêt qu'il portait à toutes choses et la pas-
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sion avec laquelle il méditait sur les sujets les plus divers. Voici ce qu'il nous dit « C'est le Swedenborgianisrne qui a accompli l'oeuvre libératrice du siècle passé. L'influence de ce mouvement libérateur se fait encore sentir de nos jours. Les affirmations contenues dans ses ouvrages religieux ont révolutionné la théologie. )) Comme tous ceux qui vénéraient l'évêque Phillips Brooks, je sens de quel poids et de quelle portée devaient être ses déclarations publiques; son opinion mérite certainement d'être retenue : « J'éprouve, dit-il, le plus profond respect pour le caractère et l'oeuvre d'Emmanuel Swedenborg. J'ai de temps à autre tiré grançi profit de ses écrits. Il est impossible de parler brièvement d'une oeuvre aussi vaste. En un certain sens, nous sommes tous des membres de la Nouvelle Église, dans la mesure où nous -
recevons des lumières nouvelles, où nous partageons de nouveaux espoirs et où nous renou-
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velons sans cesse notre communion avec Dieu en Christ. » Et Whittier, notre cher poète mystique, déclare : « On retrouve dans toutes ses révélations concernant la vie future une grande et belle idée. » On peut aussi estimer le caractère de Swedenborg en le comparant à d'autres hommes ayant exercé une influence mondiale. Une histoire des temps anciens nous rapporte qu'un certain roi, dont l'âme était lasse et découragée, fit venir à sa cour un artiste célèbre, du nom d'Iliff, et lui ordonna de lui faire le portrait d'un homme dans la pure acception du terme, plein de grâce et de sagesse, ayant la force des héros et la beauté parfaite de la femme. « Je ferai placer ce tableau dans mon appartement privé, dit-il, et quand je m'y retirerai, je veux que mon âme grandisse en le contemplant et qu'elle sente le feu sacré se raviver en elle. » Quand le portrait fut terminé et placé dans le palais, le roi en fut ent housiasmé.
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Il ne pouvait en détourner les yeux; il le contempla longtemps, jusqu'au moment où, subitement, il crut y discerner une expression qui le troubla la forme aux lignes parfaites, était celle de son plus gracieux courtisan! Le port était celui de son humble échanson! Le front était celui d'un saint homme en contemplation! Les yeux appartenaient à l'aventureux troubadour qui, de ses chansons, égayait sa mélancolie ! Le sourire était celui de sa femme, si douce et si fidèle! Ainsi, cinq personnages avaient prêté au tableau le charme qui leur était propre, et la perfection de l'ensemble leur apportait en retour un reflet de gloire. De même, le portrait de Swedenborg semble être composé de nobles traits empruntés à la vie de plusieurs grands hommes, et chacun d'eux gagne à cette comparaison. Ce sont des hommes de science, de littérature et de philosophie qui, comme des héros, debout sur les hauts sommets, proclament la venue d'un jour nouveau dont ils aperçoivent les premiers rayons. Ce sont les patriotes qui délivrent leur
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pays d'un joug cruel, ou qui conduisent les peuples vers une plus grande liberté. Ce sont ceux qui explorent les richesses de la terre et y découvrent de nouvelles sources de lumière et de chaleur; ceux qui scrutent l'espace sans bornes et y trouvent des étoiles sans nombre et des planètes éloignées; ou encore ceux qui naviguent au loin et qui, au cours de leurs aventures héroïques, découvrent, non pas une nouvelle route vers les Indes, mais un nouveau monde. Nous les trouvons enfin au nombre des conducteurs spirituels qui apportent à des millions d'âmes le témoignage de leur vie ou de leurs enseignements, qui abolissent l'idolâtrie et libèrent les temples ou les églises de toutes les superstitions et les hypocrisies; ou comme Wesley, qui raniment par leur amour une époque figée dans l'indifférence spirituelle. Ainsi des caractères, tous aussi impressionnants les uns que les autres, apparaissent sur l'écran de notre imagination lorsque nous pensons à Swedenborg. Michel-Ange vit un ange dans un bloc de pierre et, le tailla jusqu'à ce G
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qu'il eut de cette vision une image tangible. Mais les yeux intérieurs de Swedenborg furent ouverts, et les anges qu'il contempla étaient des anges vivants, en sorte que, des vérités littérales de la Parole de Dieu, qui en sont comme les pierres, il fit ressortir les divins messages de l'amour et de la Providence du Seigneur envers ses enfants. Notre tableau peut être vu sous un jour différent quand nous pensons à Beethoven, Mozart ou Wagner, répandant sur le monde des flots d'harmonie capables d'élever le coeur des hommes vers le ciel; Swedenborg, lui, percevait la divine harmonie de l'univers et, comme il le dit, entendait la plus douce et la plus réelle des musiques dans les chants des choeurs célestes. Dès notre enfance, nous avons appris' à connaître la vie de Napoléon, de Wellington, de Washington et du général Grant, et nous n'ignorons pas les terribles batailles auxquelles ils prirent part. Mais ce fut le privilège de Swedenborg d'observer, clans le monde spiri-
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fuel, les combats que se livrent les forces du bien et du mal; muni des armes divines — une nouvelle doctrine tirée de la Parole de Dieu et terrestres — les vérités de la Nature — il est le plus grand des champions que le christianisme véritable ait connus en vingt siècles. Alexandre Ter de Russie a affranchi les serfs; Lincoln, aux États-Unis, a aboli l'esclavage des noirs. Sur le fronton du temple de la religion, que Swedenborg vit dans le monde spirituel, étaient écrits ces mots : « Maintenant il est permis d'entrer par l'intelligence dans les mystères de la foi », et il donna à l'humanité une philosophie spirituelle qui libéra les esprits et renversa le pouvoir du despotisme ecclésiastique. Ce qu'Agassiz a accompli pour la zoologie et la paléontologie, ce que Karl Marx a fait pour l'Économie politique et Darwin pour l'Lvolution, Swedenborg l'a fait pour la religion. Par des arguments convaincants et par des ana—
thèmes foudroyants, détruisit les théories
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pessimistes, hypocrites et cruelles de la littérature sacrée de tout un continent. Aristote, Platon, Francis Bacon et Kant furent des philosophes de génie, qui cherchèrent longtemps et patiemment les causes premières de toutes choses. Notre voyant a non seulement été appelé à juste titre l'Aristoi'e suédois, mais il a également affirmé qu'il lui avait été permis d'entrer sciemment dans le Monde des Causes et d'y vivre pendant vingt-neuf années consécutives_ La *foi inébranlable d'un Christophe Colomb fut récompensée par la découverte d'un nouveau continent; un Cortez, « debout sur la montagne de Darien », put contempler l'immensité du Pacifique. Mais nous avons en Swedenborg un explorateur qui s'est aventuré dans « ce pays que nous avons encore à découvrir, qui en entendit le langage, conversa avec ses habitants et en décrivit à notre monde les conditions de vie, le climat et la civilisation », d'après « ce qu'il avait vu et entendu ». Citons par exemple ce passage que nous trouvons dans le Ciel et l'Enfer :
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cc Lorsque les actions d'un homme lui sont
dévoilées après la mort, les anges qui ont pour tâche de l'examiner scrutent du regard son visage, de là ils continuent à faire l'examen de son corps entier en commençant par les doigts de chaque main et en continuant ainsi pour toutes les parties du corps. Comme je me demandais quelle pouvait être la raison de ce procédé, il me fut répondu que tout ce qui appartient à la pensée et à la volonté est inscrit sur le cerveau, car c'est de là que toutes choses tirent leur origine; une empreinte est également laissée sur le corps tout entier, parce que toutes les choses qui appartiennent à la pensée et à la volonté s'étendent de leur point de départ dans le corps et s'y achèvent comme dans leur ultime expression... Par ces explications on peut comprendre ce qu'il faut entendre dans la Parole par le Livre de vie : c'est-à-dire que toutes choses, aussi bien celles qu'un homme a pensées que celles qu'il a. faites, sont inscrites sur son être tout entier, et qu'elles peuvent y être lues comme dans un livre quand on les
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70 HELEN I:ELLER tire de la mémoire, ainsi elles apparaissent à la vue quand l'esprit est examiné à la lumière du ciel (I). » Isaac Newton, qui ressemble à Swedenborg par sa pureté et sa piété, fut inspiré au point de découvrir les lois d'attraction dans le monde physique. Notre voyant, lui, perçut que l'amour est la loi d'attraction correspondante dans le monde spirituel, et il affirma avoir véritablement contemplé la source rayonnante de l'amour sous l'aspect d'un soleil communiquant la vie à toutes les âmes et la beauté à toute la création. Je cite un ou deux extraits de son livre intitulé Sagesse angélique nsur le Divin Amour, afin d'illustrer les faits et les lois auxquels il donne le nom de réalités intérieures. « On a ignoré jusqu'à ce jour qu'il y ait un soleil autre que celui du monde naturel; la raison en est que les facultés spirituelles chez l'homme se sont tellement confondues avec ses facultés naturelles qu'il ne sait même plus ce que c'est que le spirituel, ni, par conséquent, qu'il y a un (I) SWEDENBORG, Du Ciel et de l'Enfer, n° 463.
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monde spirituel à côté du monde naturel, différent de lui, dans lequel vivent les esprits et les anges. Or, c'est parce que ce monde spirituel a été si profondément ignoré de ceux qui se trouvent dans le monde naturel qu'il a plu au Seigneur d'ouvrir les yeux de mon esprit afin que je puisse voir les choses qui s'y trouvent comme je vois celles qui se trouvent dans notre monde, et afin que je les décrive. J'ai exposé tout ceci dans l'ouvrage intitulé le Ciel et l'Enfer, dans l'un des chapitres duquel j'ai également parlé du soleil du monde spirituel. Ce soleil, que j'ai vu, parait être de même dimension que celui du monde naturel; comme lui, ïi semble être un globe igné, mais plus brillant. Il m'a été donné de connaître que le ciel angélique tout entier est situé sous ce soleil; que les anges du troisième ciel le voient continuellement, ceux du deuxième ciel fréquemment et ceux du premier ou dernier ciel occasionnellement. « Les anges ne peuvent voir l'amour par leurs yeux, mais, comme l'amour et le feu se correspondent, au lieu de voir l'amour, ils voient
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ce qui lui correspond. En effet, les anges, comme les hommes, ont un double organisme, interne et externe ; c'est l'homme interne qui pense, qui veut, qui est sage et qui aime; et l'homme externe qui sent, voit, parle et agit ; toutes leurs facultés externes sont des correspondances de leurs facultés internes, mais ces correspondances sont spirituelles et non pas naturelles. L'amour divin est senti par les êtres spirituels comme un feu, c'est pourquoi, lorsque le feu est mentionné dans la Parole de Dieu, il signifie l'amour. Le feu sacré dans l'Église israélite avait cette signification. Nous demandons souvent à Dieu dans nos prières, que le feu céleste descende sur nous, ce qui signifie que l'Amour divin vienne réchauffer nos coeurs. « L'homme n'a pas pénétré par la pensée au delà des degrés les plus subtils de la Nature. C'est pour cela que bien des gens se sont imaginés que les anges et les esprits habitaient l'éther, ou quelque étoile éloignée, mais toujours dans le royaume de la nature et jamais en dehors ou au-dessus d'elle; pourtant, le fait
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est que les esprits et les anges sont entièrement au-dessus et en dehors de la nature, clans leur monde propre qui est gouverné par un autre soleil. Et comme dans ce monde supra-terrestre l'espace n'est qu'une apparence, on ne peut pas dire qu'ils vivent dans l'éther ou dans les étoiles. Ils sont affranchis des limites de l'espace et cependant en contact avec les hommes; ils leur sont associés par les affections et les pensées de leur esprit ; l'homme, en effet, est un esprit, et c'est pour cette raison qu'il pense et qu'il veut. Par conséquent le monde spirituel se trouve partout où il y a des hommes et non pas quelque part loin d'eux. En un mot, tout homme par son esprit est dans le monde spirituel parmi les anges et les esprits qui l'habitent ; il pense d'après la lumière de ce monde et aime d'après sa chaleur. « Quant au soleil dont les anges reçoivent la lumière et la chaleur, il semble situé à une altitude moyenne d'environ quarante-cinq degrés au-dessus des terres qu'ils habitent. Il semble aussi éloigné des anges que le soleil du
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monde est éloigné des hommes. Mais le soleil du inonde spirituel apparaît constamment à cette hauteur et à cette distance et ne se déplace point. Ainsi le temps, chez les anges, n'est pas divisé en jours et en années, le jour ne progresse pas du matin à midi et du soir à la nuit, les années ne suivent pas le, cycle des saisons : printemps, été, automne et hiver; mais dans ce monde la lumière et le printemps sont éternels (x). » Enfin, en cherchant à nous faire une idée de la place que Swedenborg occupe dans l'histoire dti développement de la pensée humaine, les noms des grands conducteurs spirituels de l'humanité nous viennent à t'esprit : Bouddha, dont la vie douce et paisible servit d'exemple aux peuples de l'Orient; Confucius, le philo-, sophe ; Mahomet, qui parle feu et l'épée amena (les pays idolâtres à accepter le seul Dieu. Swedenborg, lui, s'est efforcé de nous apporter une foi saine et éclairée — des vérités ration(I) 5\S i:DENr ORC, ça
.S7, 92, 104.
gesse angaique sur i Divin Amour,
nos 85,
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nelles qui seules peuvent protéger la religion contre l'ignorance, la force brutale et l'oppression. Les pionniers que je viens de citer, si sincères et si bien intentionnés qu'ils aient été, ne possédaient ni la science, ni la psychologie, ni les vérités militantes qui seules peuvent empêcher la société de forger des chaînes pour les esprits comme pour les corps des hommes. Martin Luther s'éleva contre les pratiques superstitieuses du moyen âge, et ce fut le début de la Réformation. Wesley renversa le formalisme de l'Église Anglicane, et les services rendus à. l'humanité par ses disciples ont aujourd'hui une répercussion mondiale. Mais bon nombre des doctrines fondamentales du christianisme, qui devraient être sérieusement examinées, subsistent encore. Un noble commentateur de l'Église catholique, le cardinal Newman, dont j'ai lu attentivement Apologie, il y a quelques années, a dénoncé quantité de contradictions que les protestants devraient courageusement envisager. Swedenborg apporta des vérités nouvelles 41. toutes les
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fractions de la chrétienté; il fut le héraut d'une nouvelle dispensation. Notons à ce propos ce que dit de lui un théologien de l'Église catholique romaine, le professeur Johann Joseph von Goerres « Dans toute l'oeuvre volumineuse de Swedenborg se révèle une grande simplicité de ton et de forme; aucun désir d'étonner en cédant à son imagination, rien d'exagéré, rien de fantastique... Dans le domaine de la science, la sincérité et la simplicité de coeur sont indispensables à tout succès durable. Jamais Swedenborg ne fut victime de cet orgueil du succès qui fut une occasion de chute pour tant de grands hommes. Il resta constamment luimême, modeste, humble de coeur, et jamais, ni par ses succès ni par aucune autre raison, ne perdit son égalité d'esprit. » Quelle que soit l'opinion que l'on ait sur la nature ou la valeur des affirmations de Swedenborg, il n'en reste pas moins évident que son expérience est unique. Aucun homme, après avoir cultivé toutes les sciences de son temps
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n'a jamais affirmé comme lui, avoir entretenu, pendant plus d'un quart de siècle, des relations ininterrompues avec un autre monde, tout en conservant le contrôle de chacune de ses facultés. A toutes les époques de l'histoire, certaines personnes ont pu avoir un aperçu partiel du monde spirituel dans des circonstances exceptionnelles, ou même régulièrement, comme par un don naturel. Moïse eut des visions du inonde spirituel et de Dieu luimême. Par son intermédiaire le symbolisme sacré de la dispensation juive fut donné aux hommes. Il comprit l'importance de la mission qui lui incombait, de délivrer son peuple du joug de l'esclavage et de l'amener à une civilisation nouvelle. Mais il était loin de se douter que le Livre qui nous rapporte cette expérience renfermait un divin message pour la race humaine tout entière. Les prophètes, aussi, eurent des visions et entendirent des voix, mais ni Ésaïe, ni Jérémie, ni Daniel ne comprirent les vérités éternelles et profondes que leurs symboles
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allaient révéler à toutes les nations. La plupart des prophètes n'étaient conscients que du sens historique et limité du message divin. L'apôtre Paul comprit spirituellement un grand nombre de vérités de la Parole, et ses Épîtres nous apportent plus de lumière que toutes celles des autres apôtres. Il fut élevé au troisième ciel, mais ne put dire ce qu'il y vît. I1 déclare lui-même qu'il ne savait pas s'il était dans son corps ou hors de son corps. Ces exemples sont pour ainsi dire des nouvelles locales d'un pays inconnu, tandis que Swedenborg fut admis dans ce pays inconnu avec toutes ses facultés; et, par les longues observations qu'il y fit, il put nous faire connaître les conditions de vie et les lois du ciel, du monde des esprits et de l'enfer. Jean, l'apôtre de l'amour, contempla dans ses visions l'état à venir du monde chrétien et la gloire d'une humanité nouvelle. Ce que Jean vit en symboles, Swedenborg le vit en réalité; il fut témoin de l'accomplissement de ces images prophétiques et il nous explique chacune des scènes
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de ce drame, de telle sorte que l'Apocalypse n'est plus un livre scellé. C'est un livre ouvert ; les sceaux en sont rompus et son message rayonne à la splendeur de la seconde venue du Seigneur. « Quelle prétention incroyable! » s'écrierat-on peut-être. Elle nie parait pourtant moins incroyable que cette autre prétention qui affirme qu'un homme originaire de Stratford, qui n'avait aucune éducation classique et qui ne possédait aucun avantage matériel, ait pu devenir un Shakespeare et composer vingt-sept immortelles pièces de théâtre. Ce qu'Emmanuel Swedenborg prétend, avec sa « vaste et incontestable culture », c'est d'avoir été divinement choisi et préparé pour interpréter les paraboles, les symboles et les autres mystères de la Parole de Dieu, pour nous expliquer les influences de l'autre monde, influences que nous « sentons » souvent si intensément, et pour rendre plus acceptables les déserts de la vie en nous révélant de nouvelles possibilités de volonté, de sagesse, d'action et de joie. Tout cela, nous déclare-t-il,
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manifeste la seconde venue du Seigneur, venue qui s'accomplit dans le coeur et dans l'esprit des hommes, dans la mesure où ils apprennent à penser juste et â vivre de la vraie vie. Si la chose paraît incroyable, souvenons-nous que la plupart du temps cette épithète est appliquée d'abord à tout ce qui sort de l'ordinaire. En 188o, certains hommes prétendaient qu'il était possible de construire un appareil capable de voler; personne ne voulut les écouter parce qu'on n'avait jamais vu chose pareille auparavant. Ainsi l'aviation, à ses débuts, ne progressa que lentement et ne triompha que grâce aux efforts assidu; d'une petite minorité de partisans convaincus que l'on couvrait de ridicule. Les fondements de bien d'autres sciences ont été posés aujourd'hui. On sait, par exemple, qu'il est possible d'organiser un système d'économie sociale de manière que les hommes soient plus riches, plus libres, plus heureux qu'ils ne le sont aujourd'hui, avec plus de confort et de loisirs. On sait tout aussi certai-
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nement qu'il est possible de réorganiser entièrement notre système d'éducation, de façon à élever le niveau des masses et à les mieux préparer à une vie de bonheur, de service et d'activité créatrice. On sait que les difficultés internationales de notre époque — hostilités entre peuples, menaces de guerre, etc. — proviennent en grande partie des conceptions et des attitudes d'esprit qui ne peuvent être changées que par l'éducation, la persévérance et un esprit de dévouement désintéressé au service de l'humanité. Et pourtant il y a des gens, soi-disant instruits, qui se refusent à admettre un progrès social, politique ou spirituel qu'ils verront peut-être s'ils vivent assez longtemps et dont ils bénéficieront. En attendant, les petits groupes de ceux qui croient et qui savent vont bravement de l'avant, rendant témoignage à. la vérité qu'ils professent dans les écoles, dans les tribunaux, dans les ateliers, dans les bureaux et dans les assemblées. Ne sont-ils pas, à leur manière, des messagers de la seconde venue du Seigneur?
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Les événements historiques qui bouleversent le monde semblent, eux aussi, proclamer cette immense transformation. Les nations sont devenues si dépendantes les unes des autres, en ce qui concerne le problème de leur existence, que la guerre est plus que jamais une folie. Il semble qu'une pression extérieure exerce son influence sur l'humanité et lui fait réaliser la nécessité qu'il y a de vivre dans la paix et la fraternité. Voici bientôt un siècle que l'homme a découvert l'emploi qu'on pouvait faire du charbon et de la vapeur pour la fabrication intensive et pour le transport des marchandises par mer ou par chemin de fer. D'autres inventions suivirent peu après : le télégraphe, le téléphone, et toutes sortes de machines perfectionnées; puis vinrent la télégraphie sans fil, l'aéroplane et le sous-marin. Dieu semble avoir vraiment doté notre globe de trois grandes richesses productives, le charbon, le fer et l'électricité, qui ont uni l'humanité en une grande fraternité de travailleurs.
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cc Mais », objectera-t-on de nouveau, « comment accepter une affirmation aussi audacieuse et aussi étrange, contraire à tout ce que j'ai observé? » Il est vrai qu'en lisant les ouvrages d'autres auteurs, nous avons, pour les juger et les comparer, certaines règles que l'on pourrait appeler « guide de notre critique », mais pour ce qui est de Swedenborg, nous n'avons rien. En raison de la nature exceptionnelle de son cas, nous ne pouvons rien ou presque rien savoir des états psychologiques par lesquels il a passé, à l'exception de ce qu'il nous en dit lui-même. Il n'y a que son propre témoignage qui puisse nous convaincre. Pareille situation n'est pas pour m'étonner. Tous les jours, avec une foi ingénue, je dois faire confiance, quoique sourde et aveugle, à ceux de mes amis qui ont des yeux et des oreilles, et ils me disent combien de fois leurs sens les trompent et les induisent en erreur. Pourtant c'est sur leur témoignage que je m'assimile d'innombrables et précieuses vérités, grâce auxquelles je puis me faire intérieurement une conception du monde.
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C'est grâce à eux, également, que mon âme est capable de se représenter la beauté du soleil couchant et d'entendre le chant des oiseaux. Tout ce qui m'environne est peut-être plongé dans le silence et les ténèbres, mais il n'en reste pas moins qu'au dedans de moi, en esprit, je retrouve la musique, la clarté, la couleur. C'est de la même manière, d'après le témoignage de Swedenborg relatif à ses expériences supra-terrestres, que je peux me faire une conception du monde de l'au-delà. Et lorsque je devrai quitter cette demeure d'argile qui m'emprisonne, toute merveilleuse qu'elle soit, ce monde répondra aux plus hautes aspirations ,de mon esprit. Je pourrais peut-être suggérer un autre moyen qui nous aidera à mieux comprendre les affirmations de Swedenborg. La science nous parle de cette étrange petite chambre noire du cerveau, dans laquelle le soleil et les étoiles, la terre et l'océan pénètrent sur les ailes de la lumière; elle nous dit comment l'âme, sortant de sa mystérieuse demeure, vient à leur rencontre et communie avec eux dans la pénombre. Seul
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Celui qui créa toutes choses peut contempler leur gloire sans voile. Quant à nous, si leur splendeur réelle n'était pas quelque peu atténuée, nous ne pourrions les voir et vivre. C'est la raison pour laquelle il est seulement permis à l'homme de contempler toutes choses comme dans un miroir, et de ne les voir que d'une manière obscure dans une petite chambre où la lumière est diffuse. Pourquoi douterions-nous si fort des « mystères » qui nous attendent « de l'autre côté du voile » alors qu'un voile semblable empêche nos sens physiques de saisir plus pleinement les réalités évidentes du monde terrestre? Pourquoi notre âme ne serait-elle pas aussi libre de sortir de sa demeure, de laisser les pauvres verres fumés que le corps lui offre, et de pénétrer du regard, par les télescopes de la vérité, jusqu'aux contins infinis de l'immortalité? Quoi qu'il en soit, ces exemples nous donnent la clé des expériences de Swedenborg dans l'autre monde. Il nous dit que c'est l'homme intérieur qui voit et qui perçoit ce qui se passe autour de lui que nos
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sentiments et l'activité de nos sens dérivent de cette unique source intérieure. L'illusion selon laquelle l'activité de nos sens dépend entièrement d'influences extérieures est si ancrée dans nos esprits qu'il nous est pour ainsi dire impossible de nous en débarrasser sans une concentration profonde. Personnellement, je n'ai pas eu beaucoup à souffrir de cette illusion, puisque je suis continuellement livrée à mes pensées et à mon imagination. Mais je la rencontre à chaque instant autour de moi, quand, par exemple, les gens expriment leur surprise en me voyant jouir des fleurs, de la musique ou de la description de beaux paysages. S'il est aussi incroyablement difficile de leur faire comprendre les faits les plus simples, relatifs au toucher et à l'odorat, comment arriveront-ils à se former une opinion de quelque valeur au sujet d'un homme qui non seulement voit et entend physiquement parlant, mais dont les sens spirituels, doués d'une acuité exceptionnelle, lui font entrevoir au delà du monde sensible qui nous enserre, un horizon pour ainsi dire illimité?
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CHAPITRE IV
La Bible est le témoignage des efforts faits pq.r les hommes pour trouver Dieu et pour apprendre a vivre en harmonie avec ses lois. De tout temps, les théologiens se sont efforcés de nous exposer les impressions passagères et rnômenta.nées qu'ils se faisaient de Dieu et du monde, dont ils se représentaient les apparences incertaines et changeantes comme ayant une forme permanente et invariable ; il en est résulté beaucoup de contradictions dans le sens littéral de la Bible et beaucoup de malentendus an sujet de Dieu, de Sa nature et de Ses intentions. La Bible nous décrit les débuts hésitants de la vie spirituelle parmi les hommes, son développement graduel et son triomphe final dans l'évangile du Christ. On pourrait
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comparer ce livre à une sorte d'Iliade spirituelle, 's'étendant sur une période de plusieurs milliers (l'années, et concernant plusieurs nations; une histoire splendide dont le récit est entremêlé de sombres périodes de matérialisme, J d'errements d'auteurs non inspirés, suivies d'autres périodes lumineuses qui nous révèlent /1 le sourire d'un Dieu illuminant le monde et/ éclairant le ciel, la terre, les eaux, et l'espri , des hommes. Et parfois, du chaos de ces expériences humaines surgit un homme qui atteint le faîte de la connaissance spirituelle. De tels phénomènes deviennent toujours plus fréquents à mesure que l'humanité se développé. Ils suivent le lent épanouissement de l'intelligence, mais ils ne sont jamais absolument identiques. Chacun de ces hommes apporte la , lumière, mais cette lumière varie avec la personnalité qui la transmet et il est parfois difficile de reconnaître son origine divine. De même que tous les objets de la terre sont l'image et la correspondance des réalités d'un autre monde, de même la Bible est un puissant
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symbole de toute la vie spirituelle de l'humanité. Les caractères les plus divers apparaissent successivement dans ses pages; législateurs, rois ou prophètes, tous défilent devant nos yeux. Comme un torrent qui descend des montagnes, c'est une procession sans fin de générations successives, tantôt priant, tantôt pleurant, faisant retentir les cités de leurs cris de joie, ou donnant libre cours aux suggestions, mauvaises de leurs coeurs corrompus, en se faisant des images taillées; tantôt tombant au fil de l'épée, ou se lamentant dans la captivité à cause de la multitude de leurs transgressions, tantôt inclinant la tête devant la volonté de Jéhovah, tantôt couvrant leurs ennemis d'imprécations; tantôt construisant, et fondant des foyers, tantôt détruisant tout ; tantôt chantant des cantiques de louange, offrant des sacrifices et se consolant, tantôt crucifiant leur Sauveur. Certaines contradictions et confusions étaient inévitables dans un livre 'dont la composition se poursuivit au cours de nombreuses générations. Et pourtant il reste le document le plus
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important que l'humanité possède sur le développement progressif de l'esprit humain. Swedenborg se donna pour tâche de séparer le froment de la paille, la Parole de Dieu des paroles des hommes. Pour interpréter le symbolisme sacré de la Bible, il avait un don comparable à celui de Joseph qui, au pays d'Égypte, révéla au Pharaon la signification de ses songes. Les théologiens de son époque cachaient leur ignorance sous des. flots de paroles; et tandis qu'ils s'agitaient, h-npuissants, devant le Sanctuaire, Swedenborg, grâce à son esprit de subtile pénétration, souleva le voile et révéla dans toete sa gloire le Dieu très Saint. L'Église avait cessé de prêcher l'histoire simple, directe et bienfaisante de la venue du Seigneur sur la terre, revêtant un corps de chair pour vivre ici-bas comme un homme parmi les hommes. A cette réalité merveilleuse, le clergé avait substitué les élucubrations les plus fantaisistes. 1l se perdait dans les dédales de la métaphysique et ne savait comment en sortir. La conception glorieuse de la Divine
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Humanité du Seigneur avait été diminuée, altérée, défigurée au point d'être méconnaissable, et Dieu lui-même disparaissait dans les brouillards de la dialectique. Swedenborg rassembla les débris épars de cet effondrement, il leur rendit la vie et une forme normale; il nous permit ainsi de jouir à nouveau de cette « communion avec Dieu en Christ » qui se renouvelle sans cesse. Loin d'être un destructeur, Swedenborg fut un interprète divinement inspiré, il fut un prophète envoyé de Dieu. Son propre message en témoigne d'une façon bien plus convaincante que tout ce que ses disciples pourraient en dire. On ne peut se soustraire à l'influence de sa personnalité virile. En lisant ses ouvrages, on reconnaît la vérité et l'on se sent transporté de joie. Ce n'est pas une nouvelle Bible qu'il nous donne, mais grâce à lui, notre vieille Bible nous apparaît sous un jour nouveau. Quiconque reçoit ses enseignements entre en possession de grandes richesses spirituelles. Le but constant de Swedenborg, en écrivant
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ses ouvrages, est de prouver qu'en lisant et en interprétant la Bible correctement, on peut arriver à se former de Dieu l'idée la plus noble et la plus vraie. La plupart des hommes ont l'esprit formé de telle manière qu'il contient un lieu secret où se conservent leurs conceptions religieuses et dont le centre est l'idée qu'ils se font de Dieu. Si cette idée est celle d'un Dieu injuste et cruel, toutes les autres pensées qui en dérivent auront logiquement, elles aussi, une certaine part de fausseté et d'erreur. La plus haute idée que nous puissions nous faire est aussi celle qui s'enracine le plus en nous; elle es à la base de toutes nos croyances, de toutes nos pensées, de toutes nos institutions et elle en est l'essence. Cette idée fondamentale de Dieu est par conséquent comme l'âme de toute notre activité mentale et spirituelle, qû'elle façonne à son image. Mais lorsque, dans notre_ vie quotidienne, elle cherche à s'exprimer, elle s'attaque aux vérités de l'esprit et contamine tout ce. qu'elle touche de son erreur, de sa cruauté et de son injustice. Telle était,
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par exemple, l'idée de Dieu qu'une des castes les plus intellectuelles de l'Inde se formait dans les temps anciens; ses adeptes s'imposaient une manière de vivre selon laquelle, pour atteindre à la perfection et devenir l'image de Dieu, il fallait renoncer à toute affection humaine, à toute préoccupation et à tous liens de famille. Dès l'instant où l'on pouvait se libérer entièrement de ses passions, de ses pensées et de ses intérêts terrestres, on devenait semblable à Dieu, on était prêt à entrer dans un autre monde, à être absorbé par l'Infini. J'ai pris un cas extrême, mais qui démontre à quel point certaines croyances vont à l'encontre du bonheur de l'humanité ; j'entends celles qui élèvent sur un piédestal une perfection factice, qui encouragent, au lieu d'une vie utile et juste, un culte et des pratiques pieuses 'qui n'ont pas pour objet Je bien général de l'humanité. Pareilles croyances assombrissent la religion et la morale; elles proposent parfois l'adoration fanatique d'un être suprême, niais un être dont les justes et les sages se détournent avec horreur.
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Il est un autre danger spirituel contre lequel Swedenborg met souvent en garde ses lecteurs : le manque de précision de leur conception de Dieu. Il nous dit à plusieurs reprises que les gens les plus humbles, en dépit de leurs erreurs et de leurs superstitions, se font de Dieu, de l'âme et de l'immortalité une idée plus vraie que beaucoup d'érudits qui ne savent pas trouver la moindre trace de vérité divine soit dans la création, soit dans leur propre coeur. Quelle signification remarquable prennent ces paroles du prophète Jérémie pour le croyant sincère, qui cherche sa voie : « Ainsi parle l'Éternel : que le sage roc se glorifie pas de sa sagesse et que le puissant ne se glorifie pas de sa force; que le riche ne se glorifie pas de sa richesse; mais que celui qui veut se glorifier se glorifie d'avoir de l'intelligence et de me con- 1 naitre; de savoir que je suis l'Éternel qui exerce la bonté, le droit et la justice sur la terre, car c'est à cela que je prends plaisir, dit l'Éternel (1). » (1) ji..RÉmIE, ch. IX, 17,23,24.
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Swedenborg nous déclare qu'une idée vague d'un Dieu invisible n'est déterminée par rien et, pour cette raison, porte en elle le germe de sa propre destruction. L'idée que Dieu est esprit est une idée vide de sens pour ceux qui se figurent qu'un esprit est semblable à l'éther ou au vent mais l'idée que Dieu est homme est une idée juste, car Dieu est divin Amour et divine Sagesse, comme toutes les qualités qui en dérivent, et l'Amour et la Sagesse sont des choses qui appartiennent à l'homme, et non pas à l'éther ou au vent. » Nous lisons plus loin : « Quand un homme pense au Divin en soi, en faisant abstraction de l'idée du Divin-Humain, ou bien cet homme pense dans le vague, et une idée vague n'est pas une idée; ou bien il se fait une idée du Divin d'après l'univers visible, sans limites, et qui se perd dans l'obscurité; cette idée ne diffère pas de celle des adorateurs de la Nature; elle se confond avec la Nature et cesse d'être une idée. » Quand on comprend bien la triple nature de
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l'être humain — esprit, intelligence et corps on découvre que tout ce que l'homme perçoit passe par son imagination et reçoit au contact de son âme vie et signification. Dans l'Esprit Divin on retrouve l'image de l'homme et de l'univers. Dieu créa l'homme à Son image et à Sa ressemblance. A son tour, l'homme émet dans son esprit, dans son corps et dans le monde, des pensées portant la marque, le sceau de son individualité tout entière. On sait comment l'artiste voit ses chefs-d'oeuvre en esprit avant de les fixer sur la toile; de même, l'esprit donne à ses idées une forme symbolique ou imagée; c'est le seurlangage qui soit universel et véritable. Si nous pouvions nous communiquer les uns aux autres par des formes visibles nos joies, nos espoirs, ou l'impression produite par un lever de soleil, combien cela ne serait-il pas plus satisfaisant que d'employer de simples mots ou des paroles du langage ordinaire! Je me souviens d'avoir pleuré en touchant une statuette chinoise sculptée représentant le bonheur, et je suis certaine qu'au-
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cune description n'aurait pu produire sur moi le même effet. Cette statuette représentait un homme penché sur un champ de riz que sa bouche touchait presque; cet objet grava dans mon esprit, de manière indélébile, le fait que la vie et l'existence des Chinois dépendent entièrement de la culturedu riz et que, lorsque leurs champs sont inondés et leurs récoltes détruites, c'est la famine inévitable qui menace des millions d'individus. Un symbole évoque par sa force une foule d'idées que les mots ne feraient qu'affaiblir. Les Français disent que les *mots servent à dissimuler les idées, et Ruskin, dans un passage éloquent de Sésame et les Lis, compare les mots à des masques qui, détournant notre attention de la réalité, la fixent sur un objet extérieur. La Bible est écrite en grande partie en cette langue symbolique qui est universelle. Naturellement les chrétiens avaient compris cela bien avant Swedenborg. Les paraboles et les farcies cachées leur étaient famitit'q-es, mais de nombreux chapitres et l'A,pocalypse en particulier 8
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leur étaient complètement inintelligibles. « En vérité, tu es le Dieu fort qui te caches, O Dieu d'Israël, le Sauveur (i). » Ce passage fait bien comprendre les vérités cachées du Livre Divin_ Israël ne connaissait Dieu que sous la forme d'une colonne de fumée et de feu, ou d'un sceptre, symbole de Sa puissance et lorsqu'il se manifesta comme un Homme sur la terre, on l'appela un associé du Prince des démons ! Ses disciples eux-mêmes ne comprirent pas ce qu'Il se proposait d'accomplir et se disputaient la première place dans Son royaume. Ils confondaient Son oeuvre d'Amour avec un vulgaire projet de conqute et de gloire personnelle. Combien toutes Ses voies nous sont obscures! Sa révélation même est comme voilée par une nuée. La Parole qui devrait nous Le faire connaître tel qu'Il est, nous Le décrit sous ime apparence humaine et finie, et nous nous formons des impressions contradictoires sur Ses attributs. Il est infini et éternel, et pourtant les passions humaines et notre ignorance Lui ÉSAIE, XLV, 15.
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sont attribuées. or Il n'y a point de colère en moi », Lui fait dire la Bible. « Est-ce moi qu'ils irritent ? N'est-ce pas eux-mêmes à leur propre confusion » Et pourtant ailleurs elle Lui fait répandre l'ardeur de Son courroux sur la terre. Elle Le décrit comme un Dieu « qui ne se repent pas » et nous dit pourtant qu' « Il se repentit ». Il rend à chaque homme selon ses oeuvres, et pourtant Il fait retomber l'iniquité des pères sur les enfants! La Parole contient un si grand nombre de contradictions apparentes qu'il n'est pas étonnant que beaucoup de personnes ne puissent trouver aucun ordre dans ce chaos d'idées irréconciliables. Si nous croyons en un Dieu d'amour, comment pouvons-nous l'imaginer capable de colère, de caprices et de versatilité ? Ne devons-nous pas attribuer cette conception de Dieu à la barbarie des temps où la Bible fut écrite? Swedenborg nous expose une philosophie raisonnable de la révélation divine. Il nous démontre que, comme dans le domaine de la science, chaque idée ncluvelle que Dieu révèle
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doit s'adapter aux états et aux facultés de ceux auxquels elle s'adresse. Il veut nous prouver que l'exposé littéral des Écritures est en grande partie une adaptation de la Vérité divine à l'intelligence peu développée de certains peuples particulièrement simples ou sensuels, ou pervertis. Il nous démontre que cc même texte littéral contient un sens spirituel adapté à la plus haute intelligence des anges qui, eux aussi, se pénètrent de la Vérité de Dieu et dont leS pensées sont associées aux nôtres, bien qu'ils nous soient invisibles. C'est dans ce sens profond que réside la plénitude de la Vérité Divine. Mes amis comprendraient-ils ce que je veux dire s'ils prenaient: toujours mes paroles au pied de la lettre? Ne leur semblerait-il pas que j'aie p'e- rdu la raison s'ils pensaient que vraiment je veux dire que le soleil se lève et se couche, que la terre est plate, ou que je ne vis pas dans l'obscurité lorsque je réponds par « Je vois ce que vous voulez exemple dire. » Mes amis s'attachent au sens de mes paroles quand ils m'écoutent, et non pas
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aux paroles elles-mêmes ou à leur apparence. C'est un peu la méthode que Swedenborg emploie pour trouver le sens profond de la Parole. Quand un homme d'humeur sombre ou dur de coeur lit que la colère de Dieu ne cesse de menacer les méchants, ce Dieu lui apparaît mesquin et loin d'être divin. Mais un homme de coeur et de bon sens comprend immédiatement que ce n'est là qu'une apparence et que ce sont les hommes qui attribuent à Dieu leur colère personnelle ou la punition qu'ils se sont attirée par leur péché. On dira que la colère des justes, qui ne dure qu'un moment, ne peut être classée dans cette catégorie, et que Dieu nous inflige certaines punitions qui sont en réalité les châtiments de Son amour. Mais Dieu est incapable de sévérité et II ne cesse de le prouver à ses enfants. En pénétrant jusqu'au sens profond de Sa Parole divine, en soulevant peu à peu le voile qui l'enveloppe, nous découvrons une Parole de plus en plus vraie, et plus conforme à Sa nature. Il n'a pas créé l'homme pour le trahir et le
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bannir du jardin d'Éden. Il ne nous donne pas des lois qu'Il tra..nsgresserait lui-même pour faire retomber ensuite la faute sur Ses créatures. Il nous prévient, nous avertit, mais Il ne précipite jamais personne en enfer, et n'abandonne jamais aucun de ses enfants. C'est l'homme lui-même qui le contraint à formuler Ses commandements en des termes durs en apparence, mais susceptibles d'être compris et mis en pratique. Swinburne sentait inconscieinment sa présence lorsqu'il écrivait ces lignes : O mes fils, vous qui servez par trop fidèlement Des dieux qui me sont étrangers, Ma beauté ne vous était-elle pas euffisa.nte? Était-il si dur d'être libre? Car voici, Je suis avec vous, en vous, et Je fais partie [de votre être; Levez les yeux maintenant, et voyez.
Qui comprendra jamais le nombre considérable de fautes que les hommes commettent chaque jour en insultant pour ainsi dire la Divinité dans tout ce qu'elle a de beau et de miséricordieux ! Ce n'est pas Dieu qui se cache,
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mais le langage pervers de l'égoïsme qui le cache aux yeux des hommes. J'ai fait ces quelques remarques parce qu'il est de toute nécessité que nous possédions une idée claire et limpide de Dieu lui-même si nous voulons comprendre les symboles de la Parole Divine. La théorie de Swedenborg est que le sens spirituel des Écritures traite exclusivement de l'â.me, de ses besoins, de ses difficultés, de ses changements d'état et de son renouvellement, et n'a aucun rapport avec le temps, l'espace, ou les personnages historiques. Lorsque la Parole mentionne des montagnes, des fleuves, des agneaux et des colombes, des tonnerres et des éclairs, des cités brillantes comme l'or, des pierres précieuses, des arbres de vie dont les feuilles doivent servir à la guérison des nations, nous devons comprendre que toutes ces choses sont le symbole exact des principes spirituels dont elles découlent. Elles représentent des idées et des affections, qui sont à l'â.me ce que leurs correspondances naturelles sont au corps. Swedenborg se servit de cette méthode
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d'interprétation pendant plus de vingt-sept ans et il n'eut jamais à changer ou à reviser aucune des affirmations qu'il avait faites sur le sens des Écritures dans le premier des ouvrages qu'il publia. D'un bout à l'autre de la Bible, il donne à mi objet naturel la même signification spirituelle, et cette signification convient exactement. J'ai essayé de me servir de cette clé et je l'ai trouvée satisfaisante. Swedenborg lui donne i.e nom de loi des correspondances, c'est-à-dire des relations de cause à effet qui existent entre les formes de la nature et les entités de l'esprit. La Bible pourrait être appelée le Poème du Monc4 aussi bien que le message de Dieu à l'homme dans son expression la plus objective. Les ouvrages de Swedenborg, et particulièrement les Arcanes Célestes, confirment en bonne partie ce qu'Ingersoll et d'autres critiques de la Bible nous disent de son sens littéral et du peu de confiance qu'il leur inspire ; mais ces ouvrages nous prouvent en même temps qu'ils se trompent entièrement dans leurs con-
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clusions, quant à la valeur que ce sens peut avoir à d'autres points de vue. J'ai pu souvent constater combien le sens littéral. est peu satisfaisant dans les découvertes de la science moderne, combien certains récits bibliques nous paraissent étranges et contradictoires. Pourtant, j'ai aussi observé que, sous le voile de la lettre, ces récits contiennent un sens caché qui n'apparaît pas dans les mots, mais dans le symbole dont ils sont l'expression, et ce sens est invariablement le même partout où ces symboles se retrouvent. Nous en avons un exemple frappant dans le psaume LXXVIII, qui débute par ces mots « j'ouvrirai ma bouche et je parlerai en paraboles; je publierai les mystères des temps anciens, ce que nous avons entendu et ce que nous connaissons, ce que nos pères nous ont raconté. » Les versets qui suivent ces paroles sont un résumé des expériences des Israélites en Égypte et de leur pèlerinage vers la terre de Canaan. Ce sont là des faits historiques, et pourtant il nous est dit que ce psaume est une parabole que seuls
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les initiés peuvent comprendre entièrement. En effet, quelle magnifique parabole Elle décrit dans se9 moindres détails notre exode et notre délivrance du matérialisme et de l'ignorance dans lesquels nous nous trouvions, et nos progrès, lents et difficiles, vers une vie plus heureuse, symbolisée par le magnifique et fertile pays de Canaan. Ceci n'est qu'une image de la manière dont Swedenborg considère la Bible, comme un moyen de communiquer aux hommes la Vérité Divine. Il est intéressant de se souvenir qu'en 1753 Astruc découvrit dans le Pentateuque deux sources de documents ou më.'Ine davantage,
et qu'a la même époque Swedenborg publiait à Londres, sans nom d'auteur, les Arcanes Célestes, qui expliquaient la Genèse et l'Exode.,
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Swedenborg ne croyait pas que les Écritures eussent un rapport quelconque avec la création du monde physique ou avec mi déluge, au sens littéral du terme, ni que les onze premiers chapitres de la Genèse fussent Mis-Loire d'hommes ou d'individus appelés Adam,
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Noé, etc. C'est d'une manière toute différente qu'il envisagea ces récits. Grâce à sa connaissance de l'hébreu et à l'illumination de son esprit, il fut en mesure de comprendre que les premiers chapitres cle la Bible sont écrits clans un style ancien, parabolique, et qu'ils nous décrivent la vie spirituelle de la race humaine, depuis ses origines jusqu'à l'époque des Juifs. Il nous montre que le premier chapitre de la Genèse décrit les étapes successives de l'évolution de l'esprit humain, d'abord obscur et chaotique, puis se développant progressivement jusqu'à l'état de félicité et de vérité symbolisé par le jardin d'Éden. Cette période se continua jusqu'au moment où l'égoïsme commença à exercer ses ravages et où la race perdit graduellement l'innocence de l'enfance. Enfin, un déluge d'idées fausses et mauvaises vint inonder le monde. Puis une nouvelle race plus éveillée, symbolisée par Noé et son arche, apparaît et marque le début d'un âge nouveau au cours duquel l'intelligence se développa rapidement, tandis que'la voix de la conscience
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remplaçait la pure intuition de l'âme. Cette époque n'est plus symbolisée par un jardin, mais par une vigne. L'humanité grandit rapidement, comme un adolescent ambitieux, créant les immenses empires de l'Orient dont nous retrouvons chaque année des traces nouvelles, grâce à nos recherches archéologiques. Ce fut une période de civilisation brillante mais qui, elle aussi, déclina au cours des siècles, dégénérant en polythéisme et en idolâtrie ; la violence et les guerres menacèrent de couvrir la terre de leurs ruines, et un nouvel ordre de choses lui succéda. Ce fut le commencement de l'Église juive, qui permit atl monothéisme de subsister jusqu'au moment où, les temps étant accomplis, le Christianisme vint éclairer le monde. La première Église chrétienne était en somme la continuation du culte institué par Moïs, de ce culte rempli d'images, de cierges, de torches fumeuses, simulacres de la foi d'une société en ces temps agités. Les images qui faisaient appel aux sens, les captivantes enluminures du rituel, le sceptre de l'autorité ecclésiastique,
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contemplés pour ainsi dire en marge de la Parole, étaient l'objet d'une vénération superstitieuse, mais le message divin de cette Parole restait ignoré. Ainsi s'écoula l'âge mûr de l'humanité, et nous continuons, aujourd'hui encore, à sentir les effets de cette décadence et des crises profondes qu'elle a traversées. Mais la lumière d'une foi plus éclairée brille sur l'humanité et l'on peut suivre pas à pas la création d'un homme nouveau. Oui, le Sabbat de la paix, dans tout coeur d'homme comme dans le monde qui nous entoure, appartient à un avenir qui n'est peut-être pas éloigné, et le règne de l'égotsme et des instincts aveugles disparaîtra à jamais. Ainsi la Bible n'est qu'une vaste et glorieuse parabole; d'un bout à l'autre, elle contient des leçons qui se rapportent aux phases successives de notre vie : notre innocence première, nos écarts de jeunesse, notre conversion salutaire, ses possibilités immenses de service et de joie. Elle nous décrit un cercle complet, d'un paradis à l'autre, « le cercle de la terre sur lequel le ‘Seigneur a pour jamais établi
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son trône Le vocabulaire limité et les expressions imparfaites de la pensée d'un âge depuis longtemps disparu, ne sont que le corps du céleste message qui déclare que Dieu est à jamais avec nous, nous comblant saris cesse de dons plus riches et de possibilités nouvelles. Swedenborg nous permet d'affirmer que la critique la plus sévère de la Bible n'enlève pas un iota, pas un seul trait de lettre à sa vérité essentielle, mais au contraire qu'elle corrige les vues erronées des anciens auteurs hébreux. Il n'y a donc aucun conflit entre les découvertes toujours nouvelles de l'archéologie, de la géologie, et l'étude des anciens documents bibliques. Au contraire, la Bible est envisagée avec plus de respect, portée à un niveau supérieur et comme enveloppée de sainteté. L'attitude qu'on avait adoptée à son égard 'dans les temps passés était moins digne du Grand Dieu, maître de toutes les âmes; ce Dieu qui, d'après elle, ne s'était pas fait entendre avant la révélation du Sinaï, qui n'avait laissé à la science aucune possibilité d'accomplir sa tâche
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sans ébranler la foi, qui n'aurait fait connaître sa volonté à la race humaine que par le seul rayon de lumière, étroit et exclusif, destiné à Moise. Sa Providence n'était que manque de coeuret négligence, car, à l'exception d'Israël, toutes les nations étaient en butte à sa colère et des millions d'âmes vouées à la damnation éternelle. C'est alors, nous disait-on, que son « Fils bien aimé » intercéda pour les hommes et s'offrit lui-même en sacrifice d'expiation sur la croix, afin de sauver une race perdue, et que le « Père », en acceptant cette offre, révoqua sa sentence, mais seulement pour ceux en faveur desquels le « Fils » avait intercédé. Swedenborg critiquait sévèrement ce point de vue, qui était souvent enseigné dans les écoles, prêché dans les églises et proclamé avec une éloquence et un zèle extraordinaires. On l'enseignait aux petits enfants, on en parlait aux prisonniers et aux mourants. Ce dogme s'infiltrait jusque dans les actes les plus insignifiants et les conversations les plus ordinaires de la vie quotidienne. Naturellement, de tous
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côtés surgirent les sceptiques et les athées. Pour avoir foi dans le Seigneur et dans Sa Parole, il fallait renoncer à la science, à la philosophie et atténuer tout sentiment généreux. A cette doctrine, Swedenborg en opposa une autre, toute différente, qui donna des espoirs nouveaux en même temps qu'une appréciation plus exacte de la Bible. Le Dieu qu'il nous révèle est le Dieu de tous les peuples et de tous les temps, infiniment patient et charitable, dont la Providence veille continuellement sur le monde entier. Pour diriger l'humanité dans ses premiers pas, Il lui fit suivre la même loi de croissance spontanée qui fait croître les plantes et les arbres. Ensuite 11 l'instruisit par les paraboles du jardin d'Éden, du délugç, de la vigile, de la Tour de Babel, et par tout ce que nous disent les livres de Moïse et les pro-
phètes. Quant à la géologie et aux antres sciences, Swedenborg- en tire des comparaisons rom- illustrer la régénération de l'homme. Il y a toujours eu, dans chaque pays, des lois
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justes; et le Code d' Hammourabi, l'Amraphel dont la Genèse nous parle, est .bien connu. Mais le Décalogue fut donné d'une façon plus impressionnante du haut du Sinaï, parce qu'il devait préfigurer les lois spirituelles que la sagesse et la science révéleraient aux hommes au cours des âges. Ce n'est qu'en ayant certaines images bien définies de la vie gravées dans notre mémoire que nous pouvons nous en représenter de plus belles et les transformer en vivantes réalités. Toutes les fois que les Juifs se détournaient de l'idéal qu'ils devaient défendre pour le bien de l'humanité entière, les prophètes, dans leurs remontrances, leur citaient l'exemple des autres peuples qui n'avaient pas le privilège de posséder la Parole écrite, mais sur le coeur sage et noble desquels la vérité était comme gravée en lettres d'or. Swedenborg nous cite eu exemple les païens de son temps et déclare que leur sincérité et leurs bonnes dispositions devraient faire honte au monde chrétien car voici : ce sont eux, aujourd'hui, qui montrent le plus de bbnne 9
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volonté en faveur de la cause de la fraternité parmi les hommes, tandis que nous cherchons les moyens les plus efficaces de nous entretuer dans une prochaine guerre. En vérité, la Parole de Dieu demeure éternellement, alors que la vieille conception littérale du ciel et de la terre tend à disparaître. Si les ouvrages de Swedenborg nousenseignent que l'évolution est la méthode que Dieu employa dans la création, ils nous montrent aussi que l'évolution n'est jamais complète sans une cc involution » préalable. Étant donné que Dieu est Ame ou Vie même, il Lui est impossible de ne point faire entrer dans tout ce qu'Il fait comme une image de cette âme; et, à leur tour, chaque âme s'empare de la matière et la forme à la ressemblance de la pensée divine n qu'elle exprime. Il est toujours vrai, comme Platon nous l'enseigne, que rien ne peut être créé de rien, et l'intelligence ne peut provenir de la matière pour cette bonne raison qu'elle appartient à un plan d'existence entièrement différent. Bien que l'homme ait gravi succes-
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sivement tous les échelons de la création, il n'en a pas moins été immortel dès le commencement. Toutefois il ne lui fut pas donné de jouir de ses capacités les plus élevées avant d'être devenu conscient de l'existence de son âme. Le symbole de la Chute nous enseigne que l'homme a perdu son innocence et sa simplicité enfantines, tandis qu'il a fait de considérables progrès matériels; et il retourne de nouveau par des sentiers longs et difficiles vers les sommets où il retrouvera son Dieu, au « lieu de rencontre de toutes les âmes ». Les révélations de Swedenborg détruisent chez l'homme la crainte de la mort. Avant son extraordinaire expérience dans le monde spirituel, la vie future était, pour la plupart des chrétiens, un sujet de terreur et d'angoisse. On ne savait pas au juste si c'était la 'vie ou la mort qui nous offraient le plus de possibilités — si, en d'autres termes, la mort était la fin de tout ou le début d'une autre vie. Nous avons aujourd'hui la certitude qu'une vie plus intense et plus noble nous attend au delà de la tombe.
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La pensée d'un enfant, mourant dans les bras de sa mère, nous était inacceptable. Mais nous savons maintenant que ce petit être a devant lui la perspective d'une enfance glorieuse et sans nuages dans ce pays de clarté où les anges lui apprendront à parler, à exprimer sous forme de pensées créatrices le meilleur de luimême, et à accomplir la tâche pour laquelle il est le mieux qualifié, oit il croîtra en beauté et accomplira des exploits plus remarquables que ceux que nous admirons sur la terre. Nous savons également que toutes les affections vraies qui n'ont pu pleinement se réaliser sur la terre, trouveront ,une joie décuplée lorsqu'elles se réaliseront de l'autre côté du voile. Le ciel et l'enfer sont maintenant des faits indéniables que la conscience ne permet plus de mettre en doute. Nous avons la certitude intuitive de leur existence, non plus une idée vague, basée sur des arguments ou des raisons que nous pouvons accepter ou rejeter à notre gré. La connaissance que nous avons aujourd'hui donne à ces faits le cachet de la réalité,
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car elle repose sur l'expérience, et le vivant témoignage de Swedenborg qui éclaire d'une lumière toujours croissante les recoins les plus cachés de notre âme, donne à nos efforts hésitants une puissance extraordinaire en nous les présentant sous un jour immortel. On a beau dire que ceux qui croient au surnaturel ont l'esprit dérangé; chaque fois que les hommes ont voulu en faire abstraction, ils en ont cruellement souffert. Il est vrai que bien peu d'entre nous savent observer le juste milieu, mais voici les paroles qui furent inspirées à Swedenborg : « La vérité qui a le bien en vue est toute puissante. » Si nous nous laissons inspirer par la Divine Vérité du Seigneur, nous aurons, quant à l'esprit, la force d'un Samson et nous pourrons soulever et écarter les obstacles qui ferment, à la plupart des hommes, toute possibilité de développement. Il est intéressant de remarquer qu'Emerson, si éloigné qu'il soit de Swedenborg- sur bien des points, écrivit ce qui suit : cc Au marnent où. un individu cherche à être quelque chose par
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lui-même, il n'est qu'un être faible et sans volonté. Au moment où notre esprit cherche à être quelque chose par lui-même, il est aveuglé.» Une seule chose pourra délivrer le monde : c'est ouvrir en nous la porte toute grande à la Vie Divine. Telle est la véritable signification du message que Swedenborg nous apporte des montagnes d'où nous vient le secours ». Ce n'est pas sur l'immortalité elle-même qu'il insiste, mais sur les responsabilités qu'elle nous impose. Il n'a pas envisagé ses relations extraordinaires avec les anges comme un but en soi, mais comme le moyen d'ouvrir son %intelligence à une interprétation véritable de la Parole de Dieu et de laisser ainsi à l'humanité tout entière le trésor des connaissances qu'il avait acquises. Il doit être bien entendu, cependant, que, tout en admettant qu'il est possible de communiquer avec les esprits de ceux qui nous ont quittés, Swedenborg, ne nous encourage jamais à le faire. Lorsque le coeur endormi de l'humanité a besoin d'être réveillé, le Seigneur suscite
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des prophètes, des apôtres ou des voyants; et si, pour accomplir leur mission, il leur est nécessaire d'entrer en relation consciente avec les anges ou les mauvais esprits, la Providence Divine veille sur eux et prévient la confusion qui pourrait en résulter. Mais d'ordinaire, toute relation avec les esprits expose l'homme à de grands dangers, car ii est très facilement influencé par des esprits trompeurs qui connaissent sa faiblesse et se servent de lui pour accomplir leurs desseins égoïstes. C'est pourquoi, quand Swedenborg affirme que tout être humain est entouré de deux anges du ciel et de deux mauvais esprits de l'enfer, il déclare aussi que, pour notre tranquillité d'esprit et pour le bon ordre de notre vie, nous devons être inconscients de la présence de nos alliés ou de nos ennemis. Comme le remarque avec raison John Wesley, nous trouvons dans ces révélations tout ce qu'il nous est nécessaire de savoir et il ne nous reste qu'à suivre le Seigneur seul, en nous confiant à Sa volonté et à Sa protgction.
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Le nom du Seigneur Jésus-Christ est mentionné dans la première et dans la dernière phrase de l'Apocalypse, et Sa personnalité joue le rôle principal dans ce livre. C'est le Jésus du Nouveau Testament. En effet, l'Apocalypse continue le récit des Évangiles; ceux-ci nous décrivent Son ministère sur la terre, Sa crucifixion et sa résurrection, et l'Apocalypse nous dit comment le Seigneur, devenu notre exemple sublime, notre suprême inspiration, a poursuivi Son oeuvre et manifesté la puissance de Son Humanité glorifiée. Ne nous a-t-il pas affirmé dans les Évangiles : « Voici, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des siècles »; et ne parle-t-il pas à maintes reprises du réconfort et de la lumière dont II continuera à gratifier l'humanité ? Qu'est-il advenu de cette promesse? A part la descente du Saint-Esprit le jour de Pentecôte, la sagesse, le courage et la joie que ce phénomène inspira aux disciples pendant quelque temps, il semble qu'elle ait été oubliée. Mais Swedenborg nous démontre que cette
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promesse forme le sujet de l'Apocalypse, qui en annonce l'accomplissement. Ses symboles nous décrivent d'une manière explicite la nature du Seigneur ressuscité et les bénédictions que Sa présence nous apporte et ils nous enseignent ce que nous devons faire pour préparer nos esprits à Le recevoir. L'Apocalypse nous dépeint l'idéal de la vie chrétienne, qui brille comme une étoile autour de la divine Présence, alors que les apôtres ne l'avaient que faiblement esquissé. Les épreuves de la foi et les maux de toute sorte que nous devons supporter avant que cet idéal puisse faire partie de no-us-mêmes s'y trouvent également exposés; il nous montre les principaux obstacles qui s'opposent à l'établissement du christianisme véritable comme étant la foi sans la charité et le désir de dominer les âmes au moyen des rites, des superstitions et de la crainte. Les bêtes qui montent de la mer et de l'abîme représentent certaines idées monstrueuses, telles que la doctrine de la prédestination, la suppression de la liberté de
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pensée, ou l'idée d'une trinité divine qui jeta le trouble dans l'esprit des hommes et provoqua la « désorientation » de leur vie, comme disent les Hindous. En effet, des idées semblables vont à l'encontre de toute concentration spirituelle; elles engendrent un manque d'équilibre quant à nos émotions; elles s'attaquent à l'essence même de la morale et enlèvent tout pouvoir à la philosophie, car cette dernière ne peut logiquement exister qu'en reposant sur la conception d'un Dieu unique. Le Dragon de l'Apocalypse représente les efforts de certains hommes sans scrupules qui se servent de leur raison pour nier la Divinité du Seigneur et la nécessité d'obéir à ses conm-iandements. Babylone symbolise l'orgueil et le pharisaïsme qui nous empêchent de le reconnaître comme Dieu, et de vivre conformément à sa vérité. De nombreux chapitres de l'Apocalypse sont entièrement consacrés à des scènes de jugement dans le inonde des esprits. Les sceaux sont brisés, les trompettes retentissent, ce qui signifie que l'ignorance et l'hypocrisie d'une
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église en décadence sont dévoilées. Dans toutes ces scènes, on retrouve la personnalité dominante du Seigneur dans sa Divine Humanité. La ceinture d'or qu'il porte sur la poitrine, sa tête blanche comme de la neige, ses yeux comme der flammes de feu, et son visage resplendissant comme le soleil dans toute sa gloire, nous représentent la puissance de son Amour, la pureté de sa Sagesse et l'ardeur de sa Providence; sa voix, semblable au bruit des grandes eaux, suggère les pensées nouvelles et les croyances plus nobles qu'Il suscitera sur la terre. Ce livre nous apprend aussi pourquoi la présence du Seigneur et le réconfort de son Esprit ont été si peu ressentis depuis l'époque de son activité terrestre. L'esprit de domination et d'oppression nous l'ont caché, et l'Église du passé porta un coup si funeste à l'éducation de la race humaine qu'il lui a fallu un long effort pour être en état de recevoir un nouveau message de sa part. Après les scènes représentant le Jugement, le Seigneur apparaît de nouveau dans le ciel
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et sur la terre qu'Il réjouit de son sourire, tandis que la Nouvelle Jérusalem — une dispensation nouvelle de la Vérité — descend sur la terre. Nous lisons alors que « le Tabernacle de Dieu est avec les hommes » ou encore qu' « aucun temple n'y est visible, car le Seigneur Dieu tout-puissant et l'Agneau en sont le temple ». La nature humaine du Seigneur est « le Tabernacle de Dieu avec les hommes », le Temple de Sa présence parmi eux. Les mesures de la Sainte Cité, ses dimensions géométriques si parfaites, nous sont expliquées par Swedenborg, comme représentant la perfection humaine à laquelle le Seigneur parvint lorsqu'il était dans le monde. Les eaux qui sortent du trône de Dieu sont les vérités de sa Parole, si abondantes et si rafraîchissantes pour ceux qui unissent véritablement leur vie à la sienne. Car la connaissance de la Divine Humanité du Seigneur est la sagesse qui nous permet de remonter jusqu'à la source intarissable des vérités contenues dans les paraboles de l'Ancien Testament, dans les psaumes et
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les prophètes, dans les Évangiles et tout particulièrement dans ce livre de l'Apocalypse qui resta si longtemps incompris. Quelle beauté divine n'y a-t-il pas dans toutes ces choses, quand on les comprend bien! Grâce à l'interprétation inspirée de Swedenborg, le livre, qui s'ouvre en nous décrivant la vision des sept chandeliers d'or au milieu desquels se tient comme un Fils d'Homme, nous dévoile des richesses de plus en plus merveilleuses; il va jusqu'à nous faire entrevoir la Cité sainte, le fleuve de l'eau de la vie, l'arbre dont les feuilles doivent guérir les nations et le radieux soleil de la présence du Seigneur lui-même, qui ne sera plus jamais caché à ses enfants. Les deux ouvrages de Swedenborg qui nous expliquent l'Apocalypse sont dans, l'esprit de tout homme qui sait voir l'accomplissement de la vieille prophétie « le Fils de l'Homme venant sur les nuées du ciel dans sa puissance et sa grande gloire ». Car, en effet, « voir » signifie comprendre; « les nuées du ciel » sont le sens littéral de la Parole, et « le Fils de l'Homme qui.
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vient » est le Seigneur dans la puissance et la gloire du sens spirituel qui brille sous le sens voilé de la lettre. L'inscription placée sur la croix du Calvaire a Jésus de Nazareth roi des Juifs » était écrite en hébreu, en grec et en latin, symbolisant ainsi le moment où le Seigneur satisferait les âmes assoiffées de sa ressemblance et leur révélerait la signification cachée des textes hébreu et grec des Écritures, au moyen de leur sens spirituel exposé dans les ouvrages latins de Swedenborg. Swedenborg se servit de cette dernière langue pour traduire, sous l'inspiration du Seigneur, les symboles de la Bible, et pour nous révéler l'usage pratique qu'on doit en faire pour le bonheur de l'humanité. Il ne signa même pas la plupart de ses ouvrages; mais ceux qu'il signa portent la mention : Serviteur du Seigneur
% ésus-Ciirisi. Il écrit quelque part : « Je n'ignore pas que beaucoup de gens prétendront qu'il est impossible à un homme de converser avec les esprits et les anges tant qu'il vit dans son corps physique ; certains diront que ce sont là des fantaisies ; d'autres, que je rapporte ces
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choses afin de surprendre leur bonne foi ; d'autres encore trouveront d'autres raisons. De tels propos ne m'arrêteront pas, car j'ai vu, j'ai entendu et j'ai senti (I). » Ce n'est pas sans étcnnernen.t que j'ai constaté combien ceux qui s'occupent de sciences psychiques, par exemple Sir Oliver Lodge, mentionnent rarement les volumineux ouvrages de Swedenborg, qui ont trait aux mêmes questions. Sir Oliver Lodge a publié un grand nombre des messages qu'il reçut de son fils Raymond après sa mort. Ces messages nous disent que les habitants de l'éternité font ce qu'ils aiment le mieux et vivent en compagnie de ceux qu'ils préfèrent. Ils nous donnent aussi des détails sur la façon dont ils se nourrissent et se vêtent, mais les renseignements que ces messages nous apportent sont maigres et fragmentaires. Ce sont des lambeaux épars d'informations arrachées au ciel par une méthode compliquée, qui ne rappelle en rien les conversations de Swedenborg, face à face avec les anges 'et les (i)
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esprits, ou la maîtrise surhumaine avec laquelle il nota une foule d'événements dans le monde spirituel, leurs causes et leurs conséquences, et nous les rapporta d'une façon si vivante que leur vérité peut être comparée aux feux d'un diamant. Il rencontra des êtres dont le caractère n'était plus malléable; il entendit les plaintes des mauvais esprits regardant vers le ciel et n'y voyant que d'épaisses ténèbres; il découvrit que les anges ne peuvent respirer dans une atmosphère à laquelle leurs pensées ne les ont pas préparés et il vit les fruits délicieux de la charité dont se nourrissent leurs corps et leurs esprits. Quand nous pensons à tous ceux qui se réjouiraient de posséder de vivants détails sur le monde invisible où sont allés leurs bien-aimés, la responsabilité sacrée de dissiper leurs cloutes et leurs craintes sante aux yeux. Combien heureux seraient-ils d'apprendre que, voilà cent soixante-quinze ans, un homme de science et d'expérience se trouva soudain appelé à devenir -un voyant, contre toute
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attente, et contrairement à ses plans et aux désirs de sa mère, et que, sans en retirer aucun profit, il publia vingt-sept gros volumes inoctavo remplis de détails concernant ses rapports avec le monde spirituel! Il fut fidèle à l'appel qu'il reçut, renonça à la fortune, vécut simplement, fit imprimer à ses frais les ouvrages
qu'il écrivit, et qu'il distribua avec simplicité et dignité. Il conserva son tempérament impassible, pesant chacune de ses paroles et de ses actions, et ne donnant jamais l'impression d'être victime de ses passions, de ses impulsions, ou d'un excès de vivacité causé par son expérience surnaturelle. Il n'abandonna jamais son habitude de penser méthodiquement, ne mit j amais en doute les vérités qui sont prouvées par les sens, et ne se moqua jamais des plus petites joies de ses semblables. Si absorbé qu'il pût être par les exigences incessantes de sa mission, il ne repoussa jamais aucune demande d'assistance ou de sympathie dans les besoins de la vie quotidienne. Alors qu'il était sur son lit de mort, on lui demanda si tout ce qu'il 10
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avait écrit était strictement vrai ou s'il désirait en retrancher certains fragments, il répondit avec véhémence (c Je n'ai rien écrit que la vérité. Cela vous sera confirmé tous les jours de votre vie, pourvu que vous demeuriez étroitement attachés au Seigneur et que vous Le serviez fidèlement Lui seul, en évitant les maux de toute espèce comme des péchés contre Lui, et en sondant soigneusement Sa Parole; car, du commencement à la fin, elle témoigne incontestablement de la vérité des doctrines que j'ai fait connaître au monde. »
CHAPITRE V
A la lumière de la Parole divine, Swedenborg nous enseigne que Dieu est un, en Essence et en Personne; que Jésus-Christ est Dieu dans l'Humanité qu'il assuma en venant sur la terre et que le Saint-Esprit est la Puissance créatrice infinie, d'où émanent continuellement le bien et le bonheur. Cette vérité est au centre de toute doctrine vraiment chrétienne et l'on ne peut arriver à une explication raisonnable des Écritures sans en avoir une conception bien claire. Ainsi, il est possible d'adorer joyeusement le Seul Dieu, sans nier pour cela la sublime Personnalité de Jésus-Christ, personnalité infiniment digne des louanges que des millions d'êtres lui ont adressées au cours des âges.
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En effet, nous aimons tous à retrouver Ces qualités essentiellement humaines, Que ce soit chez les Païens, les Turcs ou les Juifs, Où la miséricorde, l'amour et la pitié demeurent,
Là, Dieu Lui-même se trouve aussi.
La joie que nous inspire une telle conception pourrait être comparée à celle que procure le soleil par sa chaleur, sa lumière et sa radiation. Elle est aussi comparable au jeu et à l'équilibre parfaits de l'âme, de l'esprit et du corps, que l'on rencontre chez certains de nos semblables; ou encore à ces trois périodes successives du développement d'une plante, lorsque la graine pousse et nous donne la fleur, laquelle nous donne à son tour un fruit délicieux. Cette conception - saine et simple, nous la retrouvons dans toute la nature! Et pourtant, quels prodigieux efforts il en coûta à Swedenborg pour la répandre dans le monde et la faire apprécier! Quel temps précieux il dut employer pour arracher d'abord la mauvaise herbe des arguments et des conjectures de son temps sur la Trinité ou sur la Justification par
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la foi seule; tout comme Francis Bacon, qui substitua la méthode de l'observation directe de la Nature aux théories et aux raisonnements déductifs de la scolastique, il répondit à l'appel de la Vérité éternelle. Tous deux s'engagèrent dans la voie difficile et solitaire d'une ère nouvelle et, malgré toute l'hostilité de leurs contemporains, ils maintinrent leurs opinions dans l'espoir qu'elles apporteraient aux générations à venir des conseils plus clairs et plus sûrs. Tous deux trouvèrent que « les doctrines qui rencontrent le plus la faveur populaire sont ou bien celles qui provoquent les querelles et les disputes, ou bien celles qui sont vides de sens et insignifiantes, de sorte qu'on peut dire que les sages ne se sont jamais souciés de l'opinion publique pour se faire une réputation ». Swedenborg- aurait pu dire également, avec Bacon : « Cette sorte de savoir dégénéré caractérise principalement les représentants de la scolastique qui, possédant un esprit vif et astucieux, en même temps que d'abondants loisirs, tirèrent de données insignifiantes et
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grâce â, leur imagination, d'inextricables définitionS qui existent encore dans leurs ouvrages. » La nouvelle façon d'envisager l'Unité de Dieu que Swedenborg substitue à la conception habituelle a pour avantage qu'elle permet de distinguer entre le Divinité réelle et les apparences peu attrayantes sous lesquelles nous la présentaient ceux qui interprétaient faussement la Bible ou ceux qui, aveuglés par leurs passions, la revêtaient d'attributs anthropomorphiques. Les extraits suivants, tirés de son ouvrage ic Vraie Religion chrétienne, nous montrent les efforts qu'il fit pour renverser ces conceptions presque païennes et les remplacer par une foi plus noble : « Dieu est tout-puissant parce que tout pouvoir dérive de Lui et que tous les hommes ne peuvent agir que par Lui. Son pouvoir et sa volonté font un, et comme Il ne veut que le bien, Il ne peut que faire le bien. Dans le monde spirituel, personne ne peut faire quelque chose qui soit contraire à sa volonté; cela vient de ce qu'en Dieu le pouvoir et la volonté ne font
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qu'un. Dieu est aussi le Bien même; c'est pourquoi, lorsqu'Il fait le bien, il est Lui-même et il ne peut sortir de Lui-n-ième. Par là, on voit clairement que Sa Toute-Puissance provient de la sphère du bien, qui est infinie et par laquelle elle agit. « On voit ainsi de quelle extravagance font preuve ceux qui pensent, plus encore ceux qui croient, et plus encore ceux qui enseignent que Dieu condamne, maudit, ou jette en en fer, qu'il prédestine une âme à la mort éternelle, qu'il se venge des injures, qu'il punit ou qu'il est capable de colère. Il ne lui est même pas possible de se détourner de l'homme et de le regarder durement. « L'opinion qui domine aujourd'hui consiste à croire que la toute-puissance de Dieu est comparable au pouvoir absolu d'un roi de ce monde qui peut, selon son bon plaisir, absoudre, ou condamner, prétendre que le coupable est innocent ou que le traître est fidèle, vanter des hommes de rien et sans mérite, et humilier ceux qui sont dignes de louange et d'honneurs;
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qui peut même, sous un prétexte quelconque, dépouiller ses sujets de leurs biens, les condamner à mort, et commettre d'autres abus de ce genre. De cette opinion absurde découlent une foi et une doctrine concernant la Toute-Puissance divine qui se sont répandues dans l'Église comme autant d'erreurs, d'illusions et de chi mères, et qui ont pénétré dans toutes les branches et toutes les sectes qui la composent; de telles erreurs continuent à se répandre, aussi nombreuses que les vases que l'on pourrait remplir avec l'eau d'un grand lac, ou que les serpents qui sortent de leurs trous et viennent se chauffer au soleil dans les déserts d'Arabie. Deux mots suffisent Omnipotence et Foi! pour le reste, on se contente d'étaler devant les hommes autant de conjectures, de fables et de bagatelles, qu'il en est offert aux sens. Car la foi et l'omnipotence excluent la nécessité de la raison; et quand celle-ci est négligée, en quoi la pensée d'un homme surpasse-t-elle la raison de l'oiseau qui vole au-dessus de sa tête (1) ? (i) La Vraie Religion chrétienne, 56 57• -
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De tels enseignements nous élèvent sur les sommets, où nous respirons une atmosphère sereine et paisible et où il nous est possible de percevoir que Dieu est Amour, Sagesse et Action bienfaisante, et qu'Il ne peut jamais, en aucune circonstance, changer son attitude envers qui que ce soit. Ils nous montrent également que les hommes qui ne peuvent être rendus meilleurs sont ceux qui n'ont aucun désir de progrès personnel. Il y a des gens qui ne trouvent jamais Dieu; ceux qui ne se préoccupent que d'eux-mêmes n'ont jamais de visions, leur âme est noyée dans un matérialisme qui les submerge et les emporte. Autour d'eux, ils ne voient que ceux qui leur ressemblent se débattre dans l'eau profonde. Ils ne se soucient ni de se sauver eux mêmes, ni d'aider les autres. Mais à travers toute l'oeuvre de Swedenborg brille l'Amour éternel qui s'étend à toute créature humaine, cherchant à l'empêcher de s'enfoncer plus profondément dans le péché. Il nous explique la raison pour laquelle le Seigneur est appelé «sourd et aveugle » -
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dans le livre dut prophète Ésaïe; c'est qu'Il agit comme s'Il ne voyait pas le péché des hommes; car Il ne châtie ni ne brise ses enfants, mais Il les amène graduellement à faire sa volonté et les incite doucement à faire le bien, pour autant qu'ils veulent se soumettre à son influence et coopérer avec Lui. Une autre doctrine, formulée par Swedenborg, mais jugée hérétique à l'époque, est la suivante : Il n'existe pas de prédestination à l'enfer, et teins les hommes sont nés pour le ciel, comme la graine est faite pour devenir une fleur, ou le petit rossignol dans son nid pour devenir l'oiseau chanteur par excellence, si les lois de la vie sont observées. En d'autres termes, nous avons tous été rachetés et nous pouvons tous être régénérés. Un homme ne peut donc s'en prendre qu'à lui-même si, par sa vie et ses pensées, il se trouve hors du ciel. Mais il progresse vers le ciel chaque fois qu'il a une noble pensée, et il a gagné le ciel pour toujours quand son plus grand bonheur consiste à servir les autres.
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On a dit que Darwin considérait le ciel et l'enfer comme de pures plaisanteries; mais /pour Swedenborg, ils ne sont point choses dont on se rit, et ils ne devraient jamais l'être aux yeux de qui que ce soit, aussi longtemps que les nommes sont capables de transgresser les lois de Dieu et de se repentir. Swedenborg nous enseigne qu'il n'y a pas d'enfer tel qu'on se le représentait au moyen âge; mais l'enfer moral existe pour ceux qui se maintiennent dans l'amour du mal et qui, de propos délibéré, nient l'existence de Dieu dans leur coeur. Après la mort, ils ne sont point livrés aux flammes d'un feu réel; niais, comme ils se punissent eux-mêmes plus que suffisamment, le Seigneur, dans sa miséricorde, les prive même des tourments de leurs consciences. C'est la raison pour laquelle ils ne sont jamais obligés de se mettre dans l'état d'âme que donnent les sentiments célestes; ils seraient seulement suffoqués et privés des seuls plaisirs qu'ils peuvent avoir. Mais leurs instincts égoïstes et l'amour de la domination les « consument Ils ressemblent
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à des hiboux et à des chauves-souris. Leurs pensées se complaisent dans l'obscurité; ils discutent, se disputent et bataillent; ils pratiquent constamment la magie et la ruse; ils doivent travailler à la sueur, de leurs fronts pour gagner l'air qu'ils respirent et la nourriture qu'ils absorbent. Certains paraissent sans cesse occupés à fendre du bois, ou à faucher de l'herbe, parce que, sur la terre, ils travaillaient uniquement pour obtenir une récompense. De sordides avares pressent sur leur coeur d'imaginaires sacs d'argent. Des prostituées essaient péniblement d'embellir leurs pitoyables attraits et trouvent plaisir à contempler le vague reflet de leur image sombrement éclairée comme par un feu de charbons ardents. Chaque bande de canailles essaie de surpasser et de dépouiller toutes les autres, et la joie féroce de leurs rivalités se reflète cyniquement sur leurs visages hagards. Ceux qui se sont obstinément ancrés dans leurs propres opinions stupides et cruelles font d'interminables discours à des gens aussi
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dénués d'esprit qu'eux-mêmes. Lorsqu'ils se sont tous lassés de leurs vains efforts, génies, gnomes, enchanteurs, voleurs se prennent la main et se livrent à des rondes folles comme on en voit dans des rêvés fiévreux. Mais ces êtres infortunés ne sont pas méprisés par le Seigneur et ne sont pas sans utilité. Pour autant qu'ils peuvent être guidés par leurs affections égoïstes, Il les amène à vivre conformément à une certaine discipline extérieure et à se rendre des services les uns aux autres, dans la pensée qu'ils y trouveront leur propre intérêt. Ils rendent aussi certains services aux hommes en leur montrant les fautes qu'ils doivent éviter et le bien qu'ils doivent faire. Ils alimentent chez l'homme le feu de l'ambition lorsque celui-ci n'a pas un idéal élevé et ne se soucie pas du bien général, mais recherche plutôt la réputation et les honneurs. Ils éveillent l'attention des hommes en présentant à leur esprit certaines vérités déplaisantes, mais que les enfants de lumière doivent pourtant connaître s'ils doivent défendre l'humanité contre les
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attaques de la force brutale et contre toutes sortes d'oppressions collectives ou individuelles. Même les pires démons ne peuvent faire autrement que de se sentir attirés par Celui qu'ils veulent à toute force nier, car Il a compassion de leur folie et sa miséricorde Divine ne les abandonne jamais. Qu'ils prennent exemple sur Lui, ceux qui s'emportent contre leurs frères humains et les considèrent comme des malfaiteurs et des fous, quand bien même leurs accusations pourraient leur paraître justifiées! En vérité, comme l'a dit Balzac, Swedenborg a absous Dieu du reproche, que Lui faisaient certaines gens à l'âme sensible, de punir éternellement les péchés d'un moment, ce qui serait un système injuste et cruel. Après la mort, selon le témoignage de Swedenborg, nous passons, comme des pèlerins, d'un endroit à un autre; nous nous familiarisons avec quantité de choses intéressantes au cours de nos pérégrinations, et nous rencontrons toutes sortes de gens, au contact desquels nous gagnons en expérience. Nous observons, nous
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jugeons, nous critiquons, nous entendons des paroles pleines de sagesse ou des discours insensés. Nous abandonnons une opinion pour en ado- pter une autre, après l'avoir examinée et passée au crible de notre raison. De chacune de ces expériences nouvelles nous gagnons des connaissances plus profondes et nous nous assimilons certaines conceptions de la vérité qui sont la propriété de tous. L'homme est isolé sur la terre, quand bien même il n'y est pas seul, il n'y exprime jamais ses pensées les plus sublimes par des paroles, faute d'avoir des auditeurs sympathiques. Mais il n'en est pas ainsi dans l'autre vie; là, tous vivent et s'instruisent ensemble. Bons ou mauvais, tous los habitants de l'an-delà sont, des esprits qui se communiquent les uns aux autres, en, un instant, un nombre d'idées si considérable qu'il nous faudrait de longues heures pour nous les assimiler ici-bas. Ainsi donc, nous irons de l'avant, choisissant nous-mêmes les camarades qui nous conviennent le mieux : notre intérêt croîtra sans cesse, nous deviendrons plus sages,
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plus équilibrés mentalement, plus nobles et plus heureux pour l'éternité. Quelle magnifique perspective pour ceux dont les appréhensions de la mort brisent tout élan ! Quel réconfort ineffable pour ceux qui soupirent après les douceurs et la compréhension active d'une noble amitié ! Je crois que, dans le ciel, les amitiés se perpétuent, comme sur la terre, par le contraste aussi bien que par la similitude des goûts. En effet, il est de la nature même de l'amitié de vivifier et de partager les idées et les émotions en les faisant passer par deux personnalités différentes. Sur la terre, nous sommes enclins à attacher généralement plus d'importance à nos ressemblances qu'à nos différences; mais dans le ciel, et parfois aussi parmi nous, tout en ayant certains traits communs de caractère, des amis peuvent être si différents que leur contraste même leur permet de se compléter l'un l'autre, comme les couleurs changeantes et variées d'un magnifique lever de soleil. Sans cesse ils se découvrent réciproquement, ils donnent et reçoivent le meilleur
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d'eux-mêmes. lis sont l'un envers l'autre pour leurs âmes ce que sont pour nous ceux qui nous nourrissent et nous vêtent. Je suis saisie de stupéfaction en réalisant combien cette image dépeint ma propre expérience, car j'ai le bonheur d'être l'objet d'une de ces rares amitiés, (lui fait percevoir à mon institutrice les possibilités refoulées en moi et que les ténèbres et le silence qui m'environnent cacheraient à la plupart des gens. Il y a, dans nos vies à toutes deux, des moments où nous éprouvons un tel ravissement que nous vivons par avance la félicité du ciel. Cet avant-goût de l'éternité me fait comprendre clairement quel doit être le rôle d'une amitié fidèle et toute de service. La Bible nous dit que-dans le ciel nous nous « reposons de nos travaux ». Ces mots signifient que lorsque nous avons accompli le travail de notre salut, après maintes tristesses, défaites et tentations, nous arrivons à un état de paix et d'innocence que symbolise le repos du Sabbat. Les « travaux » dont nous nous reposons sont les obstacles de la chair, la lutte 1 11
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qu'il faut soutenir pour pouvoir se nourrir, se vêtir, se loger, les guerres et les machinations par lesquelles nous cherchons à nous surpasser les uns les autres dans le domaine de la richesse ou de la puissance. Mais des perspectives illimitées de travail plein d'intérêt attendent au ciel tous ceux qui ont été fidèles en peu de choses ici-bas. Les diverses occupations dans ce « monde d'action » — c'est ainsi que l'on pourrait appeler le ciel — ne peuvent être décrites ou énumérées en détail, car elles varient à l'infini. Ceux qui sont doués d'amour maternel adoptent les petits enfants qui ont quitté la terre et en prennent soin. D'autres se chargent de l'éducation des jeunes gens; d'autres encore instruisent les âmes simples et sincères qui ont le désir d'apprendre. Ceux qui, sur la terre, ont appartenu à des nations païennes apprennent des vérités nouvelles qui élargissent leur horizon spirituel et affinent leurs croyances primitives. D'autres anges encore, spkialement qualifiés, ont pour tâche particulière de s'occuper de ceux qui, par la mort, ressuscitent à la Vie, de défendre
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ces nouveaux venus dans les chemins du monde intermédiaire contre les méchancetés des esprits mauvais; de veiller sur les habitants de l'enfer et de les empêcher de se nuire les uns aux autres et de diminuer ainsi leur misère dans la mesure du possible. Étant donné que tous les hommes vivent à la fois aussi bien dans le monde spirituel, que dans le monde naturel, des anges de chaque société céleste ont pour mission de s'occuper d'eux, de les détourner peu à peu de leurs mauvais désirs, de combattre leurs préjugés, et de remplacer graduellement leur inclination pour les oeuvres des ténèbres par la joie d'accomplir les oeuvres de lumière. La seule chose qui fasse obstacle à leur ministère d'amour est la mauvaise volonté de l'homme, mais ils n'en continuent pas moins leur travail, patiemment, avec persévérance et confiance, car ils sont les messagers et l'image de la sollicitude divine. Ils n'insistent pas sur nos défauts, ils les ignorent presque et ils cherchent au contraire à connaître et à intensifier ce qu'il y a de bon dans nos dispositions
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et dans notre esprit; ils se montrent charitables pour ce qui est laid. En profitant de leur influence, les hommes, qui sont appelés eux aussi à devenir un jour des anges, se perfectionnent continuellement, accomplissent des tâches touj ours plus nobles, et au cours de leur développement acquièrent une puissance toujours nouvelle. C'est ainsi qu'il faut comprendre la promesse du Seigneur « Il vous sera donné une bonne mesure, serrée, secouée et débordante. » Les harpes d'or et les cantiques de louanges des anges, qui ont soulevé tant de protestations et ont donné l'impression de la paresse des saints dans l'au-delà, ne sont que des images qui cherchent à dépeindre la joie débordante du coeur, pendant que l'ouvrage avance toujours plus beau et plus satisfaisant. Ainsi donc, à la lumière des enseignements de Swedenborg, on se rend compte que la vie du ciel est une vie vraiment humaine et qu'elle réclame le joyeux accomplissement de toutes sortes de services domestiques, civils, sociaux, éducatifs, religieux, et bien d'autres encore.
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On nous apprend aussi que les anges se divisent en trois classes : ceux dont le goût les porte principalement à accumuler des connaissances et à les mettre en pratique; ils protègent les confins du ciel contre les intrusions de l'enfer. Ceux dont l'esprit s'adonne à la philosophie, et brassent des idées nouvelles. Finalement, ceux qui n'ont pas besoin de longs raisonnements pour découvrir la vérité; ils connaissent toutes choses par intuition et, grâce à leur perception, ils peuvent aisément se mettre à la place de ceux avec lesquels ils communiquent et agir spontanément et avec rapidité. Le caractère de ces derniers pourrait être comparé au figuier qui ne tarde pas à fleurir, niais qui donne ses feuilles et ses fruits en mèrne temps. Aucun ange n'est parfaitement semblable à un autre et il y a de la sorte d'innombrables groupes ou sociétés angéliques, mais il n'y a qu'un seul ciel. En d'autres termes, le ciel forme un tout comme le corps humain, tout en étant composé d'un nombre considérable d'organes, de membres, de veines, de nerfs et de fibres.
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Dans le ciel, tout est subordonné au bien général. Toute pensée glorieuse, tout idéal, tout désir élevé, tout ce que les rêves des plus nobles esprits ont murmuré à nos oreilles, et toutes les autres possibilités insoupçonnées deviennent des réalités substantielles dans le rayonnement de l'immortalité. Nous trouverons aussi dans le ciel la beauté de la femme et la force de l'homme, un amour dépourvu d'égoïsme entre les sexes, les jeux des enfants, les joies d'une amitié plus vivante et d'une douceur plus éloquente. S'il est vrai que Swedenborg nous apporte une révélation claire et précise de la vie céleste telle que nous pouvons la comprendre, libérée de toute contingence matérielle, nous aurons une idée bien nette du rôle important que l'éducation doit y avoir. Ce monde céleste est le domaine des âmes, revêtues de leur corps spirituel, unies entre elles en une puissante organisation pour l'accomplissement du bien. Aucune de ces âmes n'est dépourvue de capacités spéciales, d'inclinations ou de connais-
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sances particulières rendant possible son propre développement et par lui celui de tous. Tout en étant dépendants les uns des autres, les anges se perfectionnent selon le type qui leur est propre et réagissent toujours davantage au bonheur grandissant dont ils sont comblés. Si nous réfléchissons à la vie de la terre, nous trouverons qu'elle aussi est gouvernée par cette même Loi de Service. La science nous démontre que chacune des parties du corps d&t servir au bien-être et au bon fonctionnement de toutes les autres. Dieu a établi un ordre semblable dans la nature. Le règne minéral entre dans la composition du règne végétal et lui sert de base. Le règne végétal à son tour entretient la vie du règne animal et tous trois entretiennent celle de l'homme. Un pour tous et tous pour un, telle est la loi qui devrait gouverner la société humaine. Bien des hommes vivent à l'encontre de cette loi, tirant d'iniques profits du labeur et de la pensée des autres; mais tôt ou tard viendra pour eux l'heure du règlement des comptes, où
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il leur faudra déposer l'offrande d'unie vie de service sur l'autel du bien public ou disparaître des rangs de ceux qui sont dignes d'être appelés des hommes. Nous pouvons contribuer à ce bien général de trois manières différentes : en utilisant nos mains, notre intelligence ou nos dispositions émotives et esthétiques. Il va sans dire que si nous considérons l'homme subjectivement, le cas peut être différent. Il est possible à un homme de saboter par son propre égoïsme le rôle qu'il est appelé à remplir dans la société; mais le fait n'en reste pas moins vrai que, considérées objectivement, notre vie entière et son ambiance nous enseignent la Loi de Service, le meilleur moyen pour nous permettre de réaliser l'idéal qui doit être le nôtre. Ceci admis, il nous reste à comprendre comment cette loi peut nous servir de guide. Nous devrons alors nous organiser de manière à ce que chacun de nous puisse choisir le genre d'activité qui l'intéresse davantage, qui satisfasse le mieux ses inclinations tout en s'harmonisant avec le bien de tous. Alors, chacun
trouvera sa place dans la vie éternelle du Service; celle-ci est la seule méthode équitable qui puisse nous permettre de vivre convenablement dans ce monde-ci ou dans l'autre. Le genre d'éducation dont nous avons besoin, celui que les gens réfléchis nous pressent d'adopter, est celui qui nous aidera à apprécier cette Loi de Service, à l'adapter à ce qui nous concerne et à choisir l'activité par laquelle nous pourrons le mieux nous conformer à l'idéal qu'elle nous impose. Nous avons besoin d'un système d'éducation qui nous apprenne la grande variété des services qu'il est possible d'accomplir dans le monde, services d'ordre pratique, mental et spirituel, qui permet à chacun de choisir la tâche vers laquelle son intérêt et ses aptitudes l'attirent le plus fortement. Si Swedenborg insiste comme il le fait sur la vie du ciel, c'est parce qu'elle doit nous servir de modèle. On a l'habitude de dire que nous sommes sur la terre pour nous préparer à la vie du ciel, mais, dans l'idée contraire il y a aussi une part de vérité; ce que nous savons du
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ciel devrait nous aider à vivre plus heureux ici-bas. La plus belle des visions a été celle du charpentier de Nazareth. Aussi je n'hésite pas à souligner ce que Swedenborg nous dit de l'éducation des enfants dans le ciel et qui devrait nous servir d'exemple pour nos écoles terrestres. On leur enseigne la vérité au moyen de « représentations », c'est-à-dire par des images, des tableaux instructifs des lieux qu'ils visitent, par conséquent par des illustrations et des exemples. Les enfants sont amenés à choisir le genre de services qu'ils préfèrent, et leur éducation les y prépare. Il semble que la pédagogie moderne s'engage peu à peu dans cette voie. Incidemment, j'ai plaisir à me souvenir que c'est par une méthode semblable que je fus rendue capable de jouir des bénédictions de la connaissance et de l'action, et je suis certaine qu'avec de sages modifications, cette méthode pourrait rendre de grands services à notre système habituel d'éducation. Je puis croire facilement, comme Swedenborg essaie si souvent de nous le faire coin-
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prendre, que les phénomènes visibles et tangibles de l'autre monde sont la représentation directe des divers états d'esprit de ses habitants. La description des splendeurs du ciel ne nous servirait pas à grand'chose, si nous ne comprenions, au moins dans leurs grandes lignes, leur origine et leur signification essentielle_ La chose est évidemment difficile pour ceux qui ne sentent pas la distinction qui existe entre leur corps physique et leur être véritable et intérieur. C'est le mélange de sujets familiers intimement associés à des sujets inconnus qui leur paraît si étrange, aussi étrange que d'apprendre une nouvelle langue en même temps que la plupart des faits fondamentaux que cette langue exprime. Qu'y a-t-il de plus doux que de s'éveiller d'un cauchemar et de trouver, penché sur soi en souriant, un visage aimé ? j'aime à croire que tel sera notre réveil lorsque nous quitterons la terre pour le ciel. J'ai une foi inébranlable dans le fait que chacun des amis bien-aimés que j'ai « perdus » est un nouveau chaînon qui relie
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notre monde au pays du bonheur et de l'aurore éternelle. Sur le moment, mon âme est courbée par le chagrin lorsque je cesse de sentir le contact de leurs mains et la douceur de leurs paroles; mais la lumière de ma foi ne s'éteint jamais de mon ciel et je me console en pensant avec joie que, maintenant, ils sont affranchis des souffrances d'ici-bas. Je ne puis comprendre que la mort soit un sujet de crainte pour la plupart des hommes. La vie ici-bas est plus cruelle que la mort; elle divise et sépare, tandis que la mort qui, à vrai dire, est la vie éternelle, réunit et réconcilie. j e crois que lorsque mes yeux spirituels s'ouvriront à la vie à venir, je me trouverai simplement en possession de tous mes sens, dans ma vraie patrie. Infatigablement ma pensée s'élève au-dessus de mes yeux qui m'ont trahie et poursuit sa vision au delà des limites terrestres. A supposer qu'il y ait un million de chances contre une que ceux que j'ai aimés ne soient plus, me laisserai-j e arrêter par cela? je m'en tiendrai à cette chance unique et risquerai plutôt de me tromper
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que de laisser mes doutes assombrir leur âme et découvrir ensuite que je les ai déçus. Puisqu'il y a au moins une chance que nous soyons immortels, je m'efforcerai de ne point diminuer la joie de ceux qui s'en sont allés. Je me demande parfois qui a le plus besoin de sympathie, celui qui tâtonne ici-bas, ou celui qui peut-être commence à voir la réalité de la vie à la lumière divine. Combien sombres sont les ténèbres pour celui qui devine, dans l'ombre de la terre, l'existence d'un soleil invisible! Mais quel bonheur on éprouve à rester spirituellement en contact avec ceux qui nous ont aimés jusqu'ati dernier moment sur la terre! Lorsque nous nous sentons touchés par une marque d'affection profonde ou lorsque nous goûtons aux joies les plus pures, avec quelle douce émotion, avec quelle tendresse nous nous souvenons de nos morts, et avec quelle intensité nous nous sentons en communion avec eux! Une foi semblable a le pouvoir d'atténuer l'appréhension de la mort, d'en faire un glorieux combat, le moyen d'encourager ceux qui
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semblent avoir perdu leur dernière raison de joie. Lorsque nous sommes convaincus que le ciel n'est pas hors de nous mais en nous, toute crainte de la mort s'évanouit. Nous nous sentons poussés à agir avec plus d'ardeur, à aimer, à espérer contre toute espérance, et à voir, ici-bas déjà, dans les ténèbres qui nous entourent, le reflet merveilleux de notre ciel intérieur. C'est avec émotion que je lis ces paroles de Sir Humphrey Davy, un homme en qui la science, la foi et l'altruisme se complètent d'une manière remarquable : « Je n'envie pas aux autres leurs qualités d'esprit, dit-il, je ne convoite ni leur génie, ni leur puissance, ni leur savoir, ni leur imagination; mais s'il m'était permis de choisir ce qui me plairait le plus, et ce qui me serait le plus utile, je préférerais à tout autre don une conviction religieuse inébranlable et profonde; car, c'est la seule chose qui puisse discipliner notre vie en vue du bien, créer de nouveaux espoirs lorsque nos espérances terrestres s'évanouissent, et nous faire voir, malgré la ruine et la destruction de l'exis-
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tence, la plus glorieuse de toutes les lumières. De la mort, elle fait surgir la vie; dans la corruption et la ruine, elle montre ce qui est beau et divin. Elle ne nous cache cependant pas que la torture et la contrition sont des moyens de nous élever graduellement vers le Paradis, mais, dépassant tout ce que nos espérances terrestres osent supposer, elle nous laisse entrevoir une vision glorieuse de palmiers et d'amarantes, le jardin des bienheureux et la sécurité du bonheur éternel, là où l'homme sensuel et le sceptique ne peuvent voir que tristesse, décadence, anéantissement et désespoir. » C'est pour moi une expérience qui rappelle celle de Pentecôte, que de communier avec la pensée puissante et calme d'un homme de science, d'un bienfaiteur de l'humanité, qui n'avait personne qui partageât ses pensées ou qui pût lui montrer les innombrables contradictions des anciens credo; il lutta dans la misère, et après un labeur acharné découvrit, sans en retirer aucun profit, la lampe de sûreté ou lampe des mineurs. Il connut les difficultés
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matérielles de l'existence, mais il resta inébranlable dans sa communion avec son Dieu. En vérité, je suis descendue jusqu'au coeur même des ténèbres, et j'ai refusé de céder à leur influence paralysante ; mais en esprit je suis au nombre de ceux qui marchent avec l'aurore. Tous les découragements, toutes les angoisses, tous les doutes qui viennent affliger l'esprit des hommes peuvent être semés sur ma route, comme un épais tapis de feuilles d'autourne, pourquoi en serais-je découragée ? D'autres pèlerins ont passé avant moi sur cette même route et je sais que le désert conduit à Dieu aussi sûrement que les prairies verdoyantes et les vergers fertiles. J'ai aussi été humiliée en me rendant compte de ma petitesse en regard de l'immensité de la création. Plus j'apprends, moins je crois savoir; et plus je comprends ce qui a trait à la vie de mes sens, plus je réalise leurs limites et leur inaptitude à servir de base à la vie. Parfois les points de vue de l'optimiste et du pessimiste me sont présentés l'un et l'autre d'une manière si
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attrayante et si semblable que c'est par la seule force de l'esprit que j'arrive à conserver mon équilibre personnel et ma philosophie de la vie. Mais je me sers de ma volonté pour choisir la vie et laisser de côté ce qui lui est contraire. Dans son poème intitulé « Choisissez », Edwin Markham compare admirablement les deux attitudes opposées et les deux façons d'envisager la vie qui se combattent aujourd'hui Sur ce buisson d'églantier poussent des épines acérées; Le nénuphar si pur doit vivre clans la fange; Les couleurs délicates qui brillent sur les ailes de ce [papillon Sont emportées par un souffle; Tout au bout de la route... c'est la maison de la mort. Non, non, sur l'églantier, on trouve la rose délicate; Parmi la bouc de l'étang, la pureté du nénuphar: Les ailes de la phalène sont une oeuvre d'art aussi belle Que la fleur qui pousse dans les sillons; Tout au bout de la route... c'est la porte de Dieu.
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CHAPITRE VI
La religion a été définie comme la science de nos rapports avec Dieu et avec nos semblables. Il n'y a pas de doute que le Christianisme bien compris soit la science de l'amour. Quand le Seigneur habita sur la terre parmi les hommes, il déclara que « Toute la loi et les prophètes dépendaient de ces deux commandements aimer Dieu et aimer son prochain. » Et qui put connaître les Écritures et le coeur des hommes, aussi profondément que le doux Nazaréen dans l'accomplissement de sa mission divine? Toutes les pages de Son Évangile insistent sur cette nécessité divine de l'amour. « Dieu est Amour, Dieu est Amour, Dieu est Amour », telle est l'invariable signification de phrases comme celles-ci « Si vous m'aimez,
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gardez mes commandements. » « Car c'est la Vie éternelle, qu'ils Te connaissent, Toi Ie seul vrai Dieu, et celui que Tu as envoyé, Jésus-Christ. » « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces Choses (bonheur et bénédictions matérielles) vous seront données par surcroît. » « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » Jésus regardait la haine sous toutes ses formes, petites ou grandes, comme contraire à Dieu, et sa conception de l'enfer n'était pas celle d'une punition divine, mais la loi du mal frappant inévitablement ceux qui se laissent emporter par la haine, par la flamme brûlante de leurs passions, ou par les cruelles misères de leur orgueil blessé et de leur égoïsme invétéré. Quel qu'ait été son point de départ, Il revenait constamment à ce fait fondamental que la reconstruction du monde ne serait pas confiée aux riches, qui occupent une position sociale élevée, qui sont au pouvoir ou qui sont instruits, mais aux aux sentiments meilleurs instincts de la race à l'amour, qui et aux idéals les plus nobles —
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est la puissance motrice de la volonté et la force dynamique de l'action. Par Ses paroles et Ses actes, il chercha de toutes les façons possibles à convaincre les sceptiques que l'amour, bon ou mauvais, est l'essence de leur vie, la nourriture de leurs pensées, l'air qu'ils respirent spirituellement parlant, leur ciel ou leur perdition. On ne trouve aucune exception, aucune modification à cette loi dans le saint et suprême Évangile de l'amour. Et pourtant, pendant deux mille ans, les soi-disant croyants ont répété « Dieu est Amour ); sans ressentir pour cela toutes les vérités contenues dans ces trois mots sublimes et sans être stimulés par leur puissance. En fait, depuis que les hommes commencèrent sérieusement à chercher une philosophie de la vie, un profond silence enveloppa ce sujet le plus noble de tous. L'histoire de la doctrine de l'amour nous révèle en termes tragiques comment Dieu vint chercher les siens, et les siens ne l'ont pas connu. Au V e siècle avant jésus-Christ, Empédocle, le philosophe grec qui élabora la. théorie atomique,
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se flatta d'être le premier à comprendre la nature de l'amour et à reconnaître sa place véritable dans les affaires humaines. Il chercha à découvrir les éléments constitutifs du monde et de quelle manière ses différentes parties étaient reliées les unes aux autres. Sa liste des éléments nomme le feu, l'eau, la terre et l'air, puis il continue en disant : « Et l'amour parmi
eux qui leur est proportionné. Fixe bien ce fait dans ton esprit et ne t'arrête pas à contempler le monde avec des yeux hagards. L'amour est également implanté dans le corps des mortels; il fait naître en eux des pensées altruistes et leur fait accomplir des actions de mérite. On l'appelle Joie ou Aphrodite. Et pour-tant, aucun mortel jusqu'à ce jour ne l'a compté au nombre des éléments du monde. » Un siècle plus tard, dans la plus belle période de la philosophie grecque, l'âme de Platon s'enflamma d'une indignation généreuse à la lecture de ces paroles d'Empédocle, et il protesta avec véhémence contre le manque de coeur et de sagesse de sa propre époque. « Quelle chose
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étrange! dit-il, alors qu'on compose des poèmes et des hymnes en l'honneur de tous les autres dieux, ce Dieu, grand et glorieux, qui se nomme Amour, ne trouve point de panégyriste! Les sages nous ont complaisamment vanté les travaux d'Hercule et les exploits d'autres héros; ils ont même fait sur l'utilité du sel d'éloquents discours. Quelle honte! quand on pense que de tels sujets pouvaient susciter un grand intérêt, alors que jusqu'à ce jour, personne n'a osé célébrer dignement par des hymnes les louanges de l'Amour, tant on a entièrement négligé cette grande divinité. » Je crois que c'est dans son discours sur le courage, Lachesis, qu'il nous dit que faire une injure à quelqu'un, fût-ce même au plus méprisé des esclaves, c'est faire un affront à ce lien sacré qui unit dans l'amitié les dieux, les hommes et les choses. Or, plus de vingt siècles se sont écoulés depuis que la Voix du Divin Amour retentit aux oreilles humaines, endurcies par la haine, et c'est à peine si, ici et là, un esprit eut assez de courage pour écouter ces accents célestes et se
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donner la peine de les traduire dans le rude langage de la terre. Saint Augustin, A Kempis (dont les méditations m'ont remplie de joie), Spinoza, Jacob Boehme et quelques autres mystiques, puis Francis Bacon, se tinrent courageusement en marge de leur époque et scrutèrent profondément cette mer vaste et inconnue, faite d'émotions, dont la houle ne cesse de gronder sous les ténèbres qui enveloppent les grands mots incompris. Doués d'une pénétration extraordinaire, ils examinèrent les voies et les manifestations de l'amour, qu'il s'agisse de l'amour des autres ou de l'amour de soi. C'est Boehme qui décrivit les appétits dévorants et insatiables et les désirs égoïstes comme cc les vers répugnants de l'enfer » dont les Écritures nous parlent en disant « leur ver ne meurt pas et leur feu ne s'éteint point », .
Mais ce n'est qu'au xvnle siècle que Swedenborg, échappant à l'emprise de la raison pure, fit de l'amour la doctrine essentielle de la, vie, la source de tout ce qui
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est beau et la raison d'être de toute chose. En se basant sur l'autorité de la Bible, il expose les grandes lignes de cette doctrine clans son ouvrage intitulé les Arcanes Cé-
lestes et d'une manière plus complète et plus systématique dans son traité sur le Divin Amour et la Divine Sagesse. Il ramène à cet amour toutes les variétés de ex p é r ie nc e humaine. Il en explique l'activité, la puissance constructive et préventive. Le Voyant découvrit que, dans son sens suprême, l'amour est identique au Divin même; « que le Seigneur influe dans l'esprit des anges et des hommes » ; que l'univers matériel n'est pas autre chose que l'Amour de Dieu . manifesté en des formes adéquates aux buts de la vie humaine, et que la Parole de Dieu bien comprise nous révèle la plénitude de Son amour envers tous les enfants des hommes. C'est ainsi qu'un pâle reflet de l'Aine Divine, traversant l'infini, se fraya un chemin jusqu'à l'esprit sourd et aveugle des hommes, et c'est ainsi que
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la seconde venue du Seigneur fut rendue possible. Afin de bien comprendre ce que Swedenborg nous enseigne sur la vie, il faut être rendus attentifs au fait qu'il y a une différence marquée entre la vie et l'existence. Le Seigneur nous donne à chacun l'existence, afin que nous puissions recevoir la vie. Son amour infini Le pousse à créer, car l'amour doit avoir un objet auquel il puisse donner les trésors de son affection. L'Amour, qui est la vie du Seigneur, est en même temps l'origine de la création. Son désir infini de se donner ne peut pas être satisfait à moins de créer des êtres finis qui soient le réceptacle de son propre bonheur. Ces êtres doivent en même temps jouir de la liberté et de la raison, qui est inséparable de toute liberté vraie. En d'autres termes, afin que les hommes puissent recevoir le don de la vie qu'Il leur fait, ils doivent en connaissance de cause recevoir ce don volontairement. C'est la raison pour laquelle les êtres humains passent par ces deux phases distinctes : ils naissent
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d'abord à l'existence, ensuite ils naissent à la vie. Quand nous naissons de la chair, nous sommes entièrement dépendants et incapables de quoi que ce soit par nous-mêmes; [ mais lorsque nous naissons spirituellement, nous sommes actifs et, en un certain sens, créateurs. Il ne dépend pas de nous de naître à l'existence, car nous devons exister avant de pouvoir choisir ou faire quoi que ce soit par nous-mêmes. D'un autre côté, notre naissance à la vie dépend de notre choix et nous en prenons sur nous la responsabilité, car aucune vie spirituelle réelle ne peut nous être imposée contre notre volonté. C'est ce que signifie l'invitation pressante et continuelle que le Seigneur nous adresse à tous, dans Sa Parole, en nous exhortant à venir à Lui, à choisir la vie, et à être toujours sur nos gardes contre les maux qui voudraient nous en priver alors que nous l'avons choisie. Nous ne vivons de la vraie vie qu'en exerçant constamment notre pouvoir de penser et en conservant nos coeurs toujours purs et aimants.
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Mais ce merveilleux travail de recréation ne vient pas ostensiblement ; il s'opère dans le tréfonds de l'âme. Comme le Seigneur nous le dit : « Le vent souffle où il veut et tu en entends le bruit, mais tu ne sais ni où il va, ni d'où il vient; il en est ainsi de tout homme qui naît de l'esprit. » C'est pourquoi nous ne devrions pas croire que se convertir, c'est accepter un credo ou un autre. Se convertir, c'est changer de coeur; c'est l'âme se détournant des bas instincts qui nous poussent à sentir, à penser, à parler et agir pour la seule satisfaction de notre intérêt ou pour nous faire une bonne réputation clans le monde, et fondant sa joie sur l'amour désintéressé pour le Seigneur et sur une vie qui se dépense généreusement au service des autres. Choisir la vie, c'est trouver son plaisir dans cette orientation de l'esprit et du coeur, plaisir sans lequel aucun succès véritable n'est possible. Mais nous ne pouvons pas naître à nouveau tout d'un coup, comme certaines gens semblent le croire. Ce changement s'opère graduellement,
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dans la mesure où nous aspirons à une vie touj ours plus élevée et où .nous persévérons dans la voie que nous tracent les commandements divins. Long-temps nous prenons des résolutions comme si nous étions des anges, mais nous retombons au pouvoir de nos vieilles habitudes , et nous agissons exactement comme auparavant, c'està-dire comme des mortels. Cependant nous sommes déjà sur la voie du succès quand nous considérons que le fait d'avoir toujours agi d'une certaine manière, que tout le monde agit ainsi et que nos ancêtres ont agi de même, que ce fait n'est pas suffisant pour nous obliger à suivre la même voie. Il n'y a aucun degré d'expérience qui ne nous incite, si nous le voulons, à nous occuper de ceux qui nous entourent et à chercher à mettre en pratique les plus belles idées de Celui qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie ». Une fois cette décision prise, et quand nous nous sommes mis à la tâche courageusement, rien ne peut plus nous arrêter. Nous portons notre croix, jour après jour, d'un coeur plus léger, et nous gagnons des
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forces dans la perspective d'une vie plus belle et d'un bonheur plus réel. Ce n'est pas sans souffrances que l'esprit de Swedenborg s'élargit peu à peu au contact d'une lumière plus intense. Les systèmes théologiques de son époque étaient si embrouillés par la controverse et par des dissertations sans fin, que l'on pouvait craindre de s'y perdre et de ne jamais pouvoir en sortir. Afin d'exprimer sa pensée dans la langue de tous les jours, Swedenborg dut d'abord définir certains termes importants, tels que vérité, cime, volonté; état d' dme, foi, et donner une signification nouvelle à d'autres mots. Il lui fallut trouver un vocabulaire spécial pour exposer sa doctrine de l'amour; il semble presque qu'il apprenait luimême un nouveau langage. Il eut à lutter contre un certain nombre de formes de pensées, si profondément enracinées dans notre esprit qu'un homme habitué à faire grand cas du témoignage de ses sens ne saurait s'en départir facilement. Sa tâche la plus difficile ne fut pas de voir, comme -dans un miroir, de façon confuse,
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les forces spirituelles qui propagent et perpétuent la vie, mais plutôt d'en retracer clairement l'origine jusqu'au coeur merveilleux de l'Amour, et surtout de les faire connaître à cet âge de la raison pure qui discutait sur les credo existants ou sur le scepticisme. A son époque, c'était une entreprise surhumaine de vouloir « penser les pensées de Dieu après lui », selon la phrase célèbre de Kepler. Les difficultés que Swedenborg a rencontrées dans l'accomplissement de cette mission ne peuvent guère être comparées qu'à celles que rencontre un aveugle désirant venir en aide à ceux qui sont affligés comme lui. Il s'efforce sans cesse, avec plus ou moins de succès, de faire comprendre à ceux qui voient, les besoins particuliers des aveugles et de chercher la meilleure méthode de soulager leur vie brisée en leur procurant les joies de l'amitié et du travail. On demeure stupéfait de voir quelle ignorance profonde des besoins, des sentiments, des désirs et des capacités des aveugles règne même parmi les gens cultivés. Ceux qui voient concluent faci-
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lement que le monde des aveugles — et plus particulièrement ceux qui sont à la fois aveugles et sourds — est tout à fait différent du monde qu'ils connaissent, éclairé par le soleil et égayé 'par les fleurs; ils imaginent également que les sentiments et les sensations de leurs frères infortunés ne ressemblent en rien à ce qu'ils éprouvent eux-mêmes, et que l'activité mentale est diminuée chez eux par les infirmités corporelles. Ils se trompent davantage encore en imaginant que la beauté des couleurs, de la musique et de la forme échappe entièrement aux aveugles et aux sourds. On doit inlassablement leur répéter que les éléments mêmes de la beauté, de l'ordre, de la forme et des proportions sont tangibles pour ceux qui ne voient pas, et que la beauté et le rythme proviennent d'une loi spirituelle plus profonde que les lois qui régissent le domaine limité. des sens. Pourtant, combien de personnes, qui jouissent de leurs yeux, prennent-elles à coeur cette vérité ? Combien y en a-t-il qui se donnent la peine de s'assurer par elles-mêmes du fait que les sourds
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et les aveugles ont le même cerveau que ceux qui voient et qui entendent; que ce cerveau est par conséquent organisé pour jouir de cinq sens et que l'esprit compense l'infirmité du corps en remplissant le silence et les ténèbres intérieurs de sa propre harmonie et de sa propre lumière ? En transmettant ses visions à ses contemporains dont les sens étaient alourdis par Lu matière et éblouis par des mirages, Swedenborg éprouva une multitude de difficultés semblables. Oui sait ? Les infirmités des aveugles qui voient véritablement et des sourds qui entendent dans le vrai sens du terme, pourraient bien être un moyen d'apporter le message de Dieu aux honunes les plus ignorants et les plus insensibles. Sans vouloir être le moins du monde présomptueuse, j'espère être suffisamment habile pour faire servir à quelque chose mon expérience de la vie dans les ténèbres, comme Swedenborg se servit des expériences qu'il lui fut donné de faire dans deux mondes à la fois pour révéler le sens caché de l'Ancien et du Nouveau Testa-
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ments. J'éprouve un bonheur tout particulier à témoigner de la puissance de l'amour divin et aussi de la puissance de l'amour de l'homme, sa créature, amour qui m'entoure et me préserve de l'isolement complet et qui fait de mes infortunes un moyen d'aider les autres et de leur être utile. C'est avec une tristesse toujours nouvelle que je relis la première page du traité de Swedenborg : Sagesse Angélique sur le Divin Amour, et que je perçois la tragique situation qu'elle révèle : « L'homme sait que l'amour existe, dit-il, mais il ignore ce que c'est... Et, comme, lorsqu'il médite sur ce sujet, il est incapable de s'en faire une idée claire, il conclut que l'amour n'est rien, ou que c'est simplement une sensation provenant de l'extérieur, soit de la vue, soit de l'ouïe, soit du toucher, soit de ses relations avec les autres et qui l'émeut. Il ignore absolument que l'amour est sa vie même; non seulement la vie de tout son corps ou la vie de toutes ses pensées en général, mais aussi celle de tous leurs détails. tin homme sa g e perçoit qu'il en est ainsi dès qu'on le lui dit.
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Si l'on enlevait de nos actes ou de nos pensées l'affection qui leur est propre et qui dérive de l'amour, pourrions-nous faire ou penser quoi que ce soit? La pensée, la parole et l'action ne sont-elles pas diminuées dans la mesure où l'affection provenant de l'amour diminue? Et ne s'animent-elles pas dans la mesure où cette affection augmente ? Un homnie sage comprend cela, non pas en se basant sur la simple reconnaissance du fait que l'amour est la vie de l'homme, mais parce qu'il en fait l'expérience. » La difficulté réside dans le fait que les gens confondent les expressions de l'amour, les sourires, les regards tendres, les actes aimables, avec l'amour lui-même. C'est comme si, à tort, je supposais que le cerveau a le pouvoir de penser par lui-même, ou le corps d'agir à son gré, ou la vôix et la langue de produire leurs propres vibrations, ou ma main de sentir et de reconnaître quelque chose indépendamment de moi, alors qu'en réalité toutes ces parties de mon corps agissent par ma volonté et mon esprit. C'est encore comme si, plaçant
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ma main sur un lis magnifique et en sentant le parfum, je prétendais que les sens du toucher et de l'odorat se trouvent dans la fleur tandis qu'en réalité ces sensations me parviennent par la peau, au moyen de laquelle je touche et je sens. Tel est le genre des apparences dont nous devrions nous garder en discutant de l'amour, de la vie, ou de toute activité de l'esprit. L'amour, défini d'après l'idée commune, est quelque chose d'extérieur à l'homme — une entité qui flotte dans l'air, un sentiment vague, une de ces abstractions qu'on ne peut discuter parce qu'on ne peut pas la saisir distinctement par la pensée. Mais Swedenborg nous enseigne que l'amour n'est pas une abstraction, qu'il n'existe pas sans avoir une cause, un sujet ou une forme. Il ne se trouve pas au hasard dans l'âme et ne se crée pas au toucher ou à la vue d'un objet. Il est l'essence même de ce qui constitue l'être spirituel de l'homme, et ce que nous en percevons n'est que la marque extérieure de cette substance. C'est l'amour même "
qui soutient ses facultés et les maintient en
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vie, tout comme l'atmosphère fournit aux sens du toucher, de l'odorat, du goût, de la vue et de l'ouïe leur sensibilité. Je me permets d'insister sur la distinction qu'il y a entre l'amour et ses manifestations extérieures, avec lesquelles on le confond si souvent. Car, à moins d'avoir un sentiment bien vif de la réalité de l'amour, on ne peut ni l'atteindre, ni le changer, ni l'approfondir, ni le purifier dans l'espoir d'intensifier nos affections, ou d'accroître nos joies. Nous nous con Leptons de tourner sans cesse dans un cercle vicieux, essayant de changer nos tendances, de nous transformer et d'aider les autres à faire de même, tandis que l'amour véritable gémit d'avoir été laissé de côté; et si cet amour provient du mal, il se moque de nous et cherche à s'accroître à nos dépens. Les luttes que j'ai dû livrer par suite de mes difficultés d'élocution sont un exemple de cette méthode erronée, indirecte et hésitante de corriger par des moyens détournés ce qui [r été faussé. Il serait absurde, par exemple, de vouloir corriger ma voix en
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essayant de modifier les sons qu'elle émet alors qu'ils vibrent déjà dans l'air. Non, ce sont les organes de ma voix que je dois exercer, et même cela nia pas grande utilité à moins que je ne corrige auparavant les conceptions que je me fais du langage dans mon esprit. La voix n'est pas essentiellement une chose physique, elle est encore le processus par lequel notre pensée s'exprime. Elle est littéralement moulée, formée, colorée et modulée par l'esprit. Puisque je ne puis pas mc servir de mes oreilles pour m'entendre parler, mon plus grand effort tend à. me faire en quelque sorte une image mentale des sons et des mots, et plus je m'approche de la meilleure manière d'employer mon esprit comme instrument du langage, mieux j'arrive à mc faire comprendre. Il semble que c'est faire un coq-à-l'âne que de passer de la voix à l'amour; mais le principe en est exactement le même. La vie avec toutes ses manifestations, ses émotions, ses désirs, ses dissemblances et ses intéras, s'écoule et tous ses changements sont finalement contr ôlés par l'amour profond
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qui réside en l'homme. Si donc cet homme a le désir d'acquérir des sentiments plus nobles, un idéal plus élevé, et s'il veut satisfaire sa soif de bonheur, il doit s'efforcer de se représenter l'amour véritable comme étant une force intérieure, active, créatrice et impérative, et ainsi s'en faire une idée plus réelle. L'amour ne saurait être séparé de l'âme; il n'en est pas un produit distinct ; il n'est pas non plus un organe, une faculté, une fonction. Il est partie intégrante de toutes nos pensées conscientes, de nos intentions, de nos désirs, de nos efforts, de nos mobiles, de nos intuitions et de nos impulsions; nous cherchons souvent à le supprimer, mais il n'en existe pas moins à l'état latent, prêt à se manifester à chaque instant. Au moyen de nos facultés et de nos organes, il prend corps; il agit, parle et veut; quand il a décidé d'atteindre un certain but, rien ne saurait l'en détourner. Quand un homme devient conscient de ses facultés spirituelles, il se produit en lui un changement réel, une régénération véritable. Ce
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changement ne se produit pas seulement à la suite de deuils ou de chagrins, Mais le plus souvent à la suite d'expériences que cet homme est seul à connaître. Ses yeux s'ouvrent et il se voit lui-même tel qu'il est; il voit aussi dans quelles conditions il se trouve et quel avenir lui est réservé. Il brise alors les idoles de son égoïsme et se montre moins confiant en ses propres forces. On reste stupéfait de voir avec quelle prodigalité les hommes ont écrit ou parlé au sujet de la régénération, et combien peu ils ont réussi à nous éclairer. On a vanté et hautement loué la cc culture de soi » comme si, à elle seule, elle pouvait satisfaire notre idéal de perfection. Mais si nous écoutons les hommes et les femmes les plus remarquables, ils nous déclareront catégoriquement qu'il n'en est point ainsi. Plusieurs d'entre eux ont accumulé de vastes trésors de connaissances, et ils nous diront que la science fournit un remède à la plupart de nos maux; mais elle ne nous offre pas de remède pour combattre le pire de tous les maux :
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l'apathie des hommes. D'autres enfin remarquent, et Swedenborg est d'accord avec eux, qu'à moins de passer par l'école de l'amour et de la pitié, l'homme est pire que la brute. Animal sans cornes et sans queue, il ne mange pas d'herbe, mais il se sert de son intelligence endiablée pour détruire aveuglément tout ce qu'il peut. Tous les jours, il invente des armes plus horribles pour faire la guerre et tuer ses semblables. Il maltraite et mutile des animaux sans défense pour satisfaire les goûts versatiles de la mode. Il aime à médire et à créer des scandales. On peut attribuer bon nombre de ses fautes à son ignorance, mais certainement aussi à ses tendances pernicieuses dont il ne pourra pas se débarrasser uniquement par la « culture de soi » ni sans la volonté de faire le bien. Une autre fraction de gens bien intentionnés maintiennent qu'il est possible de réformer un homme, en grande partie du moins, en lui créant un autre entourage; il y a du vrai dans cette théorie, suffisamment en tout cas pour la
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rendre plausible et attrayante. Mais on peut s'en servir mal à propos et souvent on l'applique à faux. Ce n'est pas son entourage qui modifie un homme, mais les forces qui sont en lui. Les aveugles, les sourds, les prisonniers pour raison de conscience, et même les hommes les plus pauvres nous ont prouvé qu'avec un idéal élevé, ils pouvaient façonner leur vie selon leurs désirs, quelles que soient les circonstances extérieures dans lesquelles ils se trouvaient. Parce que nous conservons beaucoup des défauts de l'enfance, nous nous impatientons facilement et nous nous disons : « Oh, si seulement j'étais à la place de tel ou tel qui est mieux favorisé que moi, je pourrais vivre une vie meilleure,- plus heureuse et plus utile. » Combien de fois entendons-nous des jeunes gens s'écrier : « Si j'avais à ma portée les avantages de toutes sortes dont bénéficie le fils de mon patron, mon succès serait assuré. » « Si je n'étais obligé de fréquenter des gens aussi vulgaires, comme je serais plus fort moralement I », nous dit un autre. Un troisième ajoute : « Si j'avais
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la fortune de tel de mes amis, avec quel plaisir ne contribuerais-je pas au relèvement de l'humanité! » Je m'élève autant que qui que ce. soit contre l'indigence ou les influences dégradantes du milieu, niais je suis en même temps convaincue, comme l'expérience humaine nous l'enseigne, que si nous ne pouvons réussir dans la position où nous nous trouvons, nous ne saurions réussir en aucune autre. A moins que, comme le nénuphar, nous sachions rester purs malgré la fange qui nous entoure, nous ne serons, moralement parlant, que des avortons dans n'importe quelle situation. Si nous ne pouvons être d'aucune utilité au monde dont nous faisons partie, nous ne saurions lui être utile en quelque autre endroit que cc soit. La question qui importe n'est pas celle de notre entourage, mais celle des pensées qui chaque jour occupent notre esprit, celle de l'idéal à la poursuite duquel nous marchons, en un mot le genre d'hommes et de femmes que nous sommes véritablement. Ce proverbe arabe est admirablement vrai : « Là
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où tu te trouves toi-même, là est ta patrie. » Swedenborg pense à toutes ces théories différentes lorsqu'il nous démontre clairement que l'homme ne peut pas être régénéré tout d'un coup, sans faire violence à son esprit et à l'opinion qu'il se fait de lui-même. Il lui faut avancer pas à pas, accoutumer ses yeux intérieurs, ceux de son esprit, à une lumière plus vive, avant de pouvoir endurer la clarté éblouissante des vérités nouvelles. Et pourtant, tant que l'homme n'a pas trouvé son plaisir dans ces vérités, il lui est impossible de se tourner vers la vie bonne. Car c'est dans la joie qu'elles nous apportent que résident sa liberté et, en dernière analyse, son libre-arbitre. Coopérer avec le Seigneur, se confier dans le fait qu'Il nous soutient inlassablement, chercher à comprendre toujours mieux les vérités contenues dans sa Parole et les mettre en pratique, faire le bien pour la seule satisfaction qu'on éprouve à le faire, tels sont les moyens les plus sûrs que les hommes ont à leur disposition pour triompher de leur égoïsme et se
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régénérer. S'ils pensent pouvoir le faire en s'attribuant les mérites du Christ, ou en réclamant le ciel comme récompense, ils sont grandement à plaindre. En effet, n'y aurait-il pas plus de noblesse pour eux à sonder leur propre coeur et en chasser le dragon de l'égoïsme? S'attribuer les mérites du Christ n'est que l'affaire d'un instant; mais la vraie repentance se trouve dans le développement lent et aussi joyeux que possible de tout notre être, sans lequel on risque de ne jamais acquérir un caractère fort et constant. Le fait est que la régénération ne doit jamais cesser, ni dans ce monde ni dans l'autre, puisque nous trouverons toujours à aimer davantage, à connaître davantage et à accomplir davantage.
CHAPITRE VII
Les passages des ouvrages de Swedenborg qui nous parlent de félicité et de bonheur sont aussi nombreux que les feuilles et les fleurs d'un arbre fruitier pendant sa floraison printanière, et il d'est pas surprenant qu'il déclare que la vie de l'homme réside dans la jouissance de ce qu'il aime. Lorsque le coeur reste froid, nous ne pouvons nous intéresser à rien et lorsque nous ne ressentons aucune impulsion intérieure, nous n'éprouvons aucun plaisir. Notre bonheur est fait de nombreuses petites joies, tout comme le temps est fait de minutes et de secondes. Malheureusement, il est peu de gens, parmi ceux qui jouissent de tous leurs sens, qui se donnent la peine de réfléchir à ces choses, et il y en a encore moins qui s'arrêtent pour compter les
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bienfaits dont ils sont comblés. S'ils le faisaient, ils seraient si occupés que la première occasion qui s'offrirait à eux d'accomplir un devoir ennuyeux aurait à leurs oreilles le charme d'une doUce musique. Je ne parle pas de l'hédonisme, qui consiste à rechercher le bonheur comme une fin en soi au lieu de chercher à être utile. Aussi j'espère que personne ne donnera un sens frivole et superficiel à mes paroles quand je dirai que l'univers tout entier m'apparaît comme une table sur laquelle la munificence divine aurait préparé un festin pour notre âme. Chacune des facultés de l'esprit et chacun des appétits du corps ont leurs délices qui leur sont des moyens d'édification et de renouveau. Toutes les possibilités de développement dans la nature de l'homme, tant au point de vue mental que physique, devraient pouvoir trouver leur réalisation et s'approprier librement ce qui les satisfait. Il n'est pas nécessaire, comme on le suppose souvent, de renoncer aux plaisirs naturels avant de pouvoir jouir des plaisirs
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spirituels. Au contraire, dans la mesure où nous vivons de la vie intérieure, nous trouvons plus de plaisir à ces jouissances. Qu'il est magnifique, ce panier de raisins qu'un ami cher nous envoie! Quelle beauté de couleurs, de forme et quel parfum délicieux! Mais combien ce présent est plus beau, lorsque nous en apprécions en même temps la valeur spirituelle, l'affection, la poésie, et tout ce qu'il évoque pour nous! Qu'elles sont riches et variées, les fleurs dont le parfum pénètre jusqu'à notre esprit et nous rappelle la floraison du coeur! Combien les changements et les nuances du ciel, de l'eau et de la terre nous charment davantage lorsque nous voyons en eux le miroir du monde de l'âme vers lequel tendent notre foi et nos rêves! Notre monde est si rempli de soucis et de tristesses que nous devons nous faire une règle de rechercher les lumineux diamants de la joie, cachés dans les circonstances les plus imprévues et dans les tâches les plus ingrates. Swedenborg accomplit un travail de géant en découvrant une source de joie inépuisable dans
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la plus désespérante des routines. Il nous révèle la vie du ciel en même temps que son propre coeur, lorsqu'il écrit dans son livre intitulé la Vraie Religion chrétienne, les lignes suivantes « Les plaisirs de l'amour, qui sont aussi les joies de la charité, nous font appeler bien ce qui est bien; et les charmes de la sagesse, qui sont aussi les charmes de la foi, nous font appeler vrai ce qui est vrai; car c'est de joies et de charmes sans nombre qu'est faite la vie même de l'amour et de la charité, de la sagesse et de la foi; et sans elle les biens et les vérités ne sont que des objets inanimés et stériles (r). » « L'amour, dont le plaisir est essentiellement le bien, est comme la chaleur du soleil qui, dans un sol fertile, féconde, vivifie les fruits des arbres et le blé des champs. Partout oui l'amour opère, on trouve pour ainsi dire un paradis, un jardin de Dieu, une terre de Canaan. Le charme de la vérité de l'amour est comparable à la lumière du soleil au printemps, ou à la (x) La Vraie Religion cleri!lienne, no 38.
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lumière qui tombe sur un vase de cristal contenant des fleurs magnifiques; lorsqu'elles s'ouvrent, il s'en échappe un parfum captivant. » L'égoïsme et le découragement assombrissent et pervertissent l'esprit, mais l'amour et ses joies purifient la vision et la rendent plus claire. L'amour nous donne cette perception délicate qui nous fait voir le merveilleux dans ce qui, sans lui, paraissait grossier et ennuyeux. Il renouvelle la source de notre inspiration et de notre joie. C'est comme s'il vivifiait nos facultés amoindries par le matérialisme. Les gens bien pensants se rendent compte de plus en plus que la joie est essentielle à toute croissance, à tout effort d'amélioration, à toute acquisition d'instincts plus nobles. N'est-ce pas le plaisir de s'instruire qui pousse un enfant à apprendre ? N'est-ce pas le plaisir du goût qui nous invite à prendre de la nourriture? Que fait notre esprit quand il pense, si ce n'est qu'il choisit les idées qui lui plaisent et reste indifférent à toutes les autres? Que fait un homme de son ambition la plus secrète, si ce n'est de la il
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fixer sur quelqu'Eldorado qui l'attire, en attendant le moment où il pourra réaliser son rêve? Et n'est-ce pas la joie provenant de ce rêve qui conduit les hommes braves et aventureux sur le sentier de nouvelles découvertes, ou qui les pousse à chercher de plus grandes ressources naturelles pour améliorer la vie des hommes? Pourquoi l'homme de science endure-t-il souvent de grandes souffrances mentales, et pourquoi se charge-t-il de besognes répugnantes, si ce n'est parce qu'il éprouve de la joie à comprendre des vérités nouvelles, ou à rendre de nouveaux services à l'humanité? Un maître plein de sagesse, un ami, un réformateur véritable, n'utilisent pas la force brutale pour remettre sur le droit chemin celui qui se trompe ou qui fait le mal. Non, ils combinent habilement une discipline capable de produire une bonne influence, afin de vaincre une volonté entêtée, de charmer un esprit apathique et de l'amener à penser mieux. Tous ceux qui, par bonté de coeur, encouragent autrui d'un mot ou d'un sourire, ou aplanissent les difficultés dont
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est semée la route de leur prochain, savent que la joie qu'ils en éprouvent fait si intimement partie d'eux-mêmes qu'ils semblent en vivre. Quelle joie est comparable à celle qu'on ressent en surmontant des obstacles qui nous paraissaient invincibles, et en élargissant nos possibilités de travail? Si ceux qui cherchent le bonheur voulaient se donner la peine de réfléchir une minute, ils verraient que les joies qu'ils connaissent par expérience sont aussi innombrables que les pousses d'herbe sous leurs pas, ou les gouttes de rosée qui brillent au matin sur les fleurs. Et pourtant, combien peu de gens connaissent le secret de ces joies! Je suis à la fois étonnée et attristée de voir jusqu'où la poursuite du bonheur les emporte. Ils le recherchent dans les endroits les plus étranges. Ils visitent des rois et des reines et se prosternent devant eux; ils cherchent le bonheur dans les voyages et dans les distractions; ils creusent les profondeurs de la terre dans la pensée d'y découvrir ce trésor. Il en est qui, superstitieuse-
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ment, se privent eux-mêmes de tout plaisir, asservissent leur intelligence à des exigences soi-disant religieuses, à des conventions, ou à la politique d'un parti. Ils sont piteusement aveugles, sourds, affamés, alors qu'ils possèdent en eux une source intarissable de richesses toute prête à satisfaire et à combler leur coeur et leur esprit. C'est un don que Dieu leur fait d'une part de son propre bonheur, et ils l'ignorent 1 Aider un homme à se trouver lui même, c'est souvent lui faire la surprise de découvrir une joie nouvelle. En effet, nos plaisirs peuvent nous aider à nous connaître nous-mêmes. Swedenborg nous dit que si un homme prend la peine d'analyser ses propres plaisirs, il réalisera combien il est égoïste, car il emploie souvent toute son énergie, soit à s'instruire, -
soit à diriger sa vie dans le but de satisfaire ses propres désirs. Il découvrira, cependant, que ses joies les plus profondes et les plus durables naissent de l'effort désintéressé qu'il a tenté en travaillant pour les autres ou en contribuant
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à doter le monde d'une vie nouvelle. Ces joies altruistes seront à ses oreilles comme un murmure d'approbation, il se sentira trois fois homme, conscient de sa puissance nouvelle et de son nouveau savoir. Ce n'est que quand nous remontons à la source des joies de notre esprit que nous pouvons vraiment nous connaître et lire notre destin dans le Livre de Vie. Swedenborg nous dit aussi que si un homme dont les plaisirs sont malsains, à l'honnêteté intellectuelle de le reconnaître et fait un sérieux effort pour s'intéresser à des sujets pluS élevés, il ne doit pas désespérer. A mesure que les choses qui le préoccupaient disparaîtront, il jouira d'un bonheur plus pur et cela d'une manière aussi irrésistible qu'un fort courant d'air qui pénétrerait dans une maison dont les fenêtres auraient été longtemps fermées, et en purifierait l'atmosphère. En outre, plus il deviendra heureux, plus il sera fort et capable de s'adapter aux circonstances extérieures, selon son désir. Qu'il ne se laisse donc pas effrayer à la pensée que l'ennemi pourrait trouver une brèche à •
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ses remparts jadis ébranlés ; ce serait une grande erreur. Là où autrefois il avait quelque chose à craindre, il trouve une joie et un plaisir nouveaux et il concentre sa pensée sur ces choses jusqu'à ce que l'épreuve soit passée. Cette méthode est peut-être une des marottes de la pensée moderne, mais it n'en est pas moins merveilleux de voir combien d'hommes et de femmes infortunés sont délivrés, par ce moyen ., de mauvaises tendances en apparence incurables, et atteignent un développement intérieur qui dépasse toute attente. C'est un système de psychothérapie dont le ciel nous gratifie. Le pardon des péchés est en quelque sorte une source de la joie céleste qui remplit le coeur brisé dont on a chassé les mauvais désirs et les pensées perverses et qui lui fait produire du bien en abondance. Sans aucun doute, chacun de nous devrait consacrer un certain temps, chaque jour, ne fûtce que cinq minutes, à rechercher les joies spéciales que l'on trouve, par exemple, à admirer une belle fleur, un nuage ou une étoile, à ap-
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prendre un poème ou à égayer la tache monotone d'un de nos frères. Quelle est l'utilité de cette application inlassable à un travail qui use tant d'hommes, si ces derniers diffèrent sans cesse le moment d'échanger un sourire avec la Beauté et la Joie, pour se mieux attacher aux devoirs ennuyeux et aux entreprises les plus pénibles? S'ils ne savent pas faire place à ces influences bienfaisantes et éternelles pendant qu'ils le peuvent, ils se ferment à euxmêmes la porte du ciel, et toute leur existence se recouvrira de la poussière grise de l'ennui et de la monotonie. Que le ciel soit plus beau que la terre ne signifie rien, à moins que l'on apprécie la beauté de la terre et qu'on en jouisse! C'est en aimant la beauté terrestre que l'on gagne le droit de contempler la splendeur du soleil qui se lève et la beauté des étoiles. Il y a peu d'hommes qui soient des saints ou des génies; mais il y a cependant en chacun d'eux quelque chose en quoi ïl espère; c'est qu'en chacune des joies pures qu'il chérit, réside « une source de bonne volonté »; c'est
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encore de pouvoir réaliser que chacune des scènes de beauté sur laquelle il arrête ses regards, que chaque harmonie qu'il entend, que chacun des objets gracieux ou fragiles qu'il touche avec respect ou vénération, dégagent un essaim de douces pensées, qui ne peuvent être détruites ni par les soucis, ni par la pauvreté, ni par la souffrance. La joie est la voix de l'amour et de la foi; c'est elle qui, finalement, prononcera ces paroles de vie éternelle : « Cela est bien, bon et fidèle serviteur! » La joie est inséparable des doctrines que Swedenborg nous enseigne. Sa philosophie semblait non seulement nouvelle, à son époque, mais elle paraissait étrange après les croyances du moyen àge sur les pénitences et l'atmosphère déprimante de ses credo rigides. Une chose nous surprend, dans ses ouvrages, c'est l'universalité de la joie et sa valeur pour la vie. Sa foi inébranlable dans les capacités que l'homme a d'augmenter le bonheur dans le mariage et d'embellir la vie de l'enfant dépasse de beauçoup la méfiance, la timidité, les idées
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vulgaires et les ridicules méthodes d'enseignement qui règnent encore parmi nous. En un mot, la vie véritable se trouve dans la satisfaction des joies du coeur. Nous commençons aujourd'hui à comprendre la Divine Providence comme Swedenborg nous la représente, opérant parmi les idées larges et nobles et appropriées à sa grandeur. Jusqu'alors, l'idée qu'on pouvait s'en faire était si embrouillée par la controverse des dogmes que, le plus souvent, elle avait dégénéré; on en était arrivé à l'appliquer simplement à certains actes de Dieu purement arbitraires et qui impliquaient certaines négligences. Mais, dans les ouvrages de Swedenborg, la Providence nous est représentée comme le moyen par lequel le Seigneur, dans son Amour et sa Sagesse, gouverne le monde et y exerce son action. Puisque la Vie Divine se partage également entre tous les êtres et que l'Amour Divin se manifeste avec autant de plénitude sur toutes choses, il s'ensuit que la Divine Providence est universelle. Un des reproches que l'on faisait au christia-
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nisme était d'exclure un grand nombre d'hommes des bienfaits qu'apporte le salut en Jésus-Christ, Cette idée, cependant, disparaît et fait place à une compréhension plus généreuse, du fait que Dieu « a d'autres brebis qui entendent sa voix et qui Lui obéissent ». Il a veillé à ce qu'il y ait partout une religion, et le fait qu'un honune appartient à telle race ou à telle croyance importe peu pourvu qu'il soit fidèle à l'idéal d'une vie meilleure. Le principe que nous ne devons jamais oublier, c'est que la religion consiste à vivre une doctrine et non pas simplement à y croire, C'est par la Divine Providence du Seigneur que Mahomet fut appelé à renverser l'idolâtrie. Ce grand prophète trouva une forme de religion adaptée au génie particulier des Orientaux et ce fait explique l'immense influence pour le bien que cette foi a exercée dans de nombreux royaumes. L'histoire de la pensée religieuse proclame, comme à coups de clairons, que Dieu n'a jamais été sans témoins sur la terre. Quand les dogmes d'une nation se perver-
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à
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11111> a tissent, et que les formes de son culte ne deviennent que de pures conventions, la Divine Providence pourvoit à ce que la masse des fidèles et des hommes au coeur simple n'en soit pas atteinte, car elle reste à l'écart de la corruption qui règne en haut lieu. Lorsque nous pensons à las.Divine Providence du point de vue du ciel qui est au-dedans de nous, nos expériences passées nous fournissent d'abondantes et utiles leçons de sagesse, et nous sentons l'harmonie de la vie. Mais si nous considérons les voies de Dieu en nous plaçant au point de vue d'un monde plein de discordes, de hasards et d'accidents, nous n'arrivons pas à nous en faire une idée juste. Dieu nous apparaîtra comme le dispensateur arbitraire de récompenses et de châtiments, partial envers ses favoris et se vengeant de ses adversaires. Notre patriotisme mesquin abusera de Son universalité et nous Le prierons de nous donner la victoire dans nos guerres. En pensant aux querelles des sectes religieuses, nous nous demanderons : « Où donc est notre Dieu? »
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Quelqu'un m'a même dit : « Si Dieu existe, pourquoi n'a-t-il pas créé l'homme de façon à ce qu'il lui soit impossible de pécher? » Comme si aucun de nous aspirait à devenir un automate! Etre incapable de pécher ne pourrait satisfaire qu'un despote; notre esprit ne frissonne-t-il pas à une telle pensée? Le fait est que toute négation de Dieu est en même temps une négation de la liberté et de l'humanité. La valeur réelle d'une croyance ne dépend pas de notre expérience individuelle limitée, mais de son effet bienfaisant sur la race tout entière; et seule l'idée que l'univers est gouverné par les lois de l'Amour justifie en fin de compte l'importance de notre savoir et revêt de dignité la civilisation humaine. De cette croyance, nous tirons de nombreux avantages; en particulier la possibilité de sortir de nous-mêmes et d'apprécier ce qu'il y a de noble chez l'homme et de merveilleux dans la création. Le livre de Swedenborg sur la Divine Providence rend un puissant témoigange à cette vérité que Dieu a créé l'univers pour satis-
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faire ce besoin infini de sa nature qui est de donner la vie et la joie. La futilité et le manque de profondeur de la croyance en un Dieu éloigné et inabordable nous sont démontrés dans plus d'un passage de cet ouvrage réconfortant. L'auteur nous déclare que « c'est l'essence même de l'Amour de Dieu que d'aimer les autres, de désirer faire un avec eux et de les rendre heureux par le don qu'Il leur fait de Lui-même ». Aucune définition ne nous fait mieux comprendre ce qu'est la Divine Providence; si nous voulons prendrepart à son oeuvre de réhabilitation spirituelle, nous devons nous laisser emporter par son courant. A travers toutes les vicissitudes de notre vie, la Divine Providence ne regarde pas seulement aux avantages d'un moment, mais avant tout à notre bien-être et à notre bonheur éternels. Le Seigneur nous laisse libres de décider et d'agir à notre gré dans toutes les petites circonstances qui font notre vie, et aussi de profiter des moindres occasions qui nous sont offertes chaque jour tandis que, immuable,
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Il poursuit ses voies silencieusement. Pourtant Il garde sans cesse, avec un soin jaloux, le droit que chacun possède d'agir librement et raisonnablement. En effet, la liberté et la raison sont les preuves évidentes du don d'immortalité qu'il a fait à l'humanité. Étant donné que nous sommes tous enclins à vivre d'une manière égoïste, il faut qu'il y ait quelque chose en nous pour s'opposer à cette tendance. Le choix que nous devons faire, d'une vie meilleure, implique une connaissance préalable de ce que cette vie devrait être. En quoi serions-nous empêchés de ressembler de plus en plus aux animaux si nous n'avions pas, en nous, d'autres tendances plus nobles? Nous ne pouvons choisir pour nous-mêmes librement et sagement la bonne voie, sans connaître le bien et le mal. Ces quelques réflexions nous amènent à expliquer l'idée de Swedenborg sur les reliquiae, qui jouent un rôle si important dans la formation de notre vie. Ce terme, si souvent traduit par le mot « restes », s'applique aux
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impressions durables que l'amour, la vérité et la beauté nous laissent, principalement dans notre jeune âge. Au moment où nous naissons dans le monde, nous sommes passifs. Nos tendances héréditaires au mal sont encore à l'état latent. C'est la raison pour laquelle un petit enfant est si près du ciel, et qu'il nous semble souvent que les anges l'entourent. cc Leurs anges contemplent chaque jour la face de mon Père qui est dans les cieux. » En vérité, l'enfant vient sur la terre « en suivant les traces des nuées de la gloire », avec un caractère qui lui est propre et des possibilités différentes de celles de tout autre être humain. C'est le Seigneur seul qui lui donne la sagesse et le pouvoir de faire le bien, de sorte que l'enfant se trouve à proprement parler enveloppé de la lumière radieuse du ciel. C'est de cette façon que Swedenborg nous explique l'innocence et la confiance touchantes des petits enfants. Il nous dit aussi que ces qualités, que nous recevons dans notre enfance et que nous ne perdons jamais complètement, sont les liens sacrés qui nous per-
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mettront plus tard de percevoir notre parenté avec Dieu. Elles forment le trait d'union entre ce qui est mortel et ce qui est immortel. Elles sont comparables à l'autel de nos sacrifices, ou au champ de bataille où se livrent les coinbats décisifs spirituels de la vie d'un homme. C'est là que l'on trouve les larmes, l'agonie et la sueur de sâng de Gethsémané. Heureux donc ].'homme qui peut se dire à lui-même : « C'est là que j'ai remporté la victoire », car c'est là que sè trouve le sanctuaire de la vie que nous avons choisie.
CHAPITRE VIII
Autrefois, on considérait toute affliction comme une punition de Dieu, comme un fardeau que l'on devait porter passivement et pieusement. Pour aider les victimes du malheur, on se contentait simplement de leur offrir un abri, les laissant méditer sur leur péché et vivre avec autant de résignation que possible dans la vallée des ténèbres. Mais aujourd'hui, nous comprenons qu'une vie austère et résignée, sans aspirations, affaiblit l'esprit. Il en est de l'esprit comme du corps : si nous n'exerçons pas nos muscles, ils perdent leur force, et si nous ne cherchons pas à dépasser les limites de notre expérience d'une façon ou d'une autre, ou à faire usage de notre mémoire, de notre intelligence, de notre sympathie, ces Zs
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facultés s'atrophient. C'est en luttant contre nos infirmités, nos tentations et nos insuccès dans le monde que nous atteignons nos plus hautes possibilités, et c'est cette lutte que Swedenborg appelle renoncer au monde et adorer le Seigneur. Malades ou bien portants, aveugles ou voyants, enchaînés ou libres, nous sommes dans le inonde pour atteindre un but et quelle que soit notre situation, nions plaisons davantage à Dieu par des actes utiles que par une résignation pieuse et des prières continuelles. Le temple ou l'église sont vides, à moins qu'ils ne soient remplis par les actes d'une vie bonne. Ce ne sont pas les murailles de pierre qui rendent les temples petits ou grands, mais la lumière de l'âme qui rayonne autour d'eux. L'autel n'est sacré que dans la mesure où il représente l'autel de notre coeur, sur lequel nous offrons les seuls sacrifices qui nous soient demandés, le sacrifice de l'amour qui est plus fort que la haine, et celui de la foi qui surmonte le doute. Une foi simple et enfantine en notre Divin
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Ami résout tous les problèmes que nous pouvons rencontrer, quelle qu'en soit l'origine. A chaque tournant de la route, nous nous heurtons à des difficultés; elles accompagnent inévitablement la vie, et résultent de la combinaison de nos caractères et de nos tempéraments. La meilleure manière de les vaincre est de les regarder en face, en nous souvenant que nous sommes immortels et que nous avons un Ami qui « ne sommeille ni ne dort » et qui veille sur nous, prêt à nous guider si nous nous confions en lui. Avec cette pensée enracinée au plus profond de notre être, nous pouvons faire tout ce que nous voulons, et nous n'avons pas besoin de limiter nos pensées. Nous pouvons comprendre toute la beauté de l'univers, car nous sommes alors à même de la sentir. Pour chacune de nos épreuves, nous découvrons la récompense d'une tendre sympathie. Les violettes de la patience et de la douceur naissent de nos souffrances; elles nous donnent la vision du feu sacré qui toucha les lèvres du prophète Ésaïe et enflamma de vie son
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esprit; elles nous apportent le contentement qui descend en nous à l'heure où monte l'étoile du soir. Les merveilleuses richesses de l'expérience humaine perdraient quelque chose de la joie de la récompense si nous n'avions aucune difficulté à surmonter. L'heure que nous passons sur les sommets ne serait pas de moitié aussi merveilleuse s'il n'y avait pas de sombres vallées à traverser. Je n'ai jamais pensé que mes infirmités fussent en aucune façon un accident ou une punition. Si j'avais eu cette pensée, je n'aurais jamais trouvé la force de les surmonter. Il m'a toujours semblé que ces paroles de l'épître aux Hébreux avaient une signification particulière : « Si vous êtes châtiés, c'est que Dieu vous traite comme des fils. Les enseignements de Swedenborg me confirment dans cette opinion_ Le mot ch(itier, si souvent mal compris, ne signifie pas punir, mais éduquer, raffiner l'âme. La Vraie Religion Chrétienne ne cesse de nous encourager à avoir foi dans les pouvoirs que
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Dieu nous donne, et confiance en notre propre activité. Les chapitres sur « la Foi » et sur « le Libre-arbitre » nous déclarent formellement que nous ne devrions jamais nous laisser abattre par nos infortunes ou par nos fautes ni rester passifs, comme si nous n'étions que des pantins, les mains tombantes, attendant que la grâce de Dieu nous mette en mouvement. Au contraire, nous ne. devons pas donner prise à l'esclavage spirituel; c'est à nous de prendre l'initiative de regarder sans crainte au dedans de nous-mêmes, de chercher à renouveler ce que nous avons à faire et le moyen de développer notre volonté. Alors, si nous faisons notre part, nous pouvons être assurés que Dieu nous donnera suffisamment de lumière et d'amour pour satisfaire à tous nos besoins. En somme, nos infirmités de toutes sortes sont en un certain sens un châtiment, puisqu'elles nous encouragent à nous développer et à chercher la liberté véritable. Elles sont comme des instruments, placés entre nos mains pour faire sauter la pierre froide et dure sous laquelle se
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cachent nos dons les plus précieux. Elles arrachent de nos yeux le bandeau de l'indifférence; nous apercevons les fardeaux que les autres portent, et nous apprenons à les aider en écoutant cc que nous dicte un coeur compatissant. L'expérience d'un homme qui vient de perdre la vue est un exemple si frappant que je désire m'en servir pour faire comprendre ce qu'est la véritable éducation de la vie. Au premier moment, il lui semble qu'il ne lui reste rien que la misère et le désespoir. Il se croit exclu de tout ce qui est humain, sa vie lui apparaît comme les cendres froides d'un foyer éteint ; l'ardeur de son ambition a disparu; son espérance s'est évanouie. Les objets qu'il prenait plaisir à contempler autrefois n'ont plus d'attrait pour lui; au contraire, ils semblent le menacer continuellement alors qu'il cherche sa route à tâtons. Même ceux qui l'aiment l'irritent inconsciemment dans ses sentiments les plus intimes, car il sent qu'il leur est à charge et
ne puut plus travailler pour eux. A ce moment-là, si un maître et un ami sage et bon survient
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dans sa vie, et lui assure qu'il peut encore travailler de ses mains ou éduquer son oreille de manière à compenser là vue qu'il a perdue, le pauvre être, d'abord, n'en croit rien et, dans son désespoir, il s'imagine qu'on se moque de lui. Comme un homme qui se noie, il frappe aveuglément ceux qui essaient de le sauver. Il faut néanmoins le pousser de l'avant en dépit de lui-même, jusqu'à ce qu'il se rendre compte qu'il lui est possible d'établir un contact avec le monde et d'accomplir une tâche digne d'un homme. Alors un nouvel être, auquel il n'avait jamais pensé, se développe en lui. S'il est avisé, il découvrira que le bonheur n'a pour ainsi dire rien à voir avec les circonstances extérieures de la vie, et il poursuivra son chemin dans l'ombre, mais avec une volonté plus ferme que celle qu'il avait possédée lorsqu'il était dans la lumière. De même, ceux qui ont été aveuglés mentalement « par la fournaise du inonde », peuvent et doivent être encouragés à rechercher de nouvelles possibilités au dedans d'eux-mêmes et à se frayer de nouveaux chemins vers le bonheur.
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Il se peut qu'ils éprouvent un certain ressentiment à l'égard d'une foi qui attend d'eux de plus nobles efforts. Ils disent en effet : « Je serai satisfait si vous me prenez pour ce que je suis, stupide ou méchant, dur ou égoïste. » Mais ce serait un affront envers eux-mêmes comme envers la dignité éternelle de l'homme que de les abandonner à cette opinion. Combien de fois ne sentons-nous pas qu'il y a en nous plus que ce que nos amis les plus proches peuvent discerner, plus que ce que nous osons, dtsirons, ou pouvons révaT; des sentiments plus profonds, une plus grande puissance, phis de virilité. Combien peu noms nous connaissons nous-marnes! Nos infirmités et nos tentations nous aident connaitre notre être intérieur, à dissiper notre ignorance, à arracher nos masques, à renverser nos idoles, à nous débarrasser de nos idées erronées. Seul le réveil brusque et rude qu'elles nous donnent, nous amène à nous faire une vie plus agréable, plus à l'abri des attaques continuelles et insistantes du monde extérieur. C'est fi ce moment-là seu-
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lement que nous découvrons en nous-mêmes une nouvelle possibilité d'apprécier la bonté, la beauté et la vérité. En passant par une expérience semblable, nous saisissons le sens merveilleux de ces paroles du Seigneur : cc Quiconque reçoit celui que J'ai envoyé, Me reçoit. » Nous sentons la présence du royaume tout entier de l'Amour et de la Sagesse dans chacune des épreuves que nous .surmontons et dans tout idéal que nous cherchons à réaliser. Nous apprenons de la sorte que la seule manière de croître véritablement, consiste et viser plus haut que nos aspirations terrestres, à désirer avec ardeur de grandes choses et à s'efforcer de les accomplir. Nous croissons dans la mesure où nous devenons plus conscients du sens profond de notre vie extérieure, dans laquelle nous avons toujours vécu. L'oeil se développe en apprenant à voir les objets plus en détail. La terre apparaît à la vue physique de l'homme comme si elle était plate et les étoiles ont pour nous le même aspect
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que pour les anciens. Et pourtant la science découvre toujours de nouvelles merveilles et une gloire infinie dans ces phénomènes! Un enfant ne voit dans ce qui l'entoure que les choses qu'il veut ou ne veut pas; mais quand un Newton découvre que la chute d'une pomme est l'expression d'une force universelle de la Nature, il voit bien au delà de la vue ordinaire. Il en est de même du développement de notre esprit. Nous grandissons dans la mesure où nous discernons plus clairement et plus complètement les possibilités d'une nouvelle vie dans les circonstances de notre vie quotidienne. Mais, lorsque nous oublions ou ignorons ce fait vital, nos sens nous font faire fausse route. C'est pourquoi certaines limites nous sont nécessaires; elles nous permettent de réaliser la beauté de la vie intérieure que nous offrent les moindres incidents de notre vie et nous révèlent les possibilités de développement dont Dieu nous a gratifiés. C'est un grand service que Swedenborg nous rend en attirant notre attention sur des pensées
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conune celles-là. Il nous montre que dans chaque événement et chaque difficulté qui se présentent dans notre vie, nous avons un choix à faire; et choisir, c'est en quelque sorte créer: Nous pouvons décider de nous laisser écraser par nos difficultés; nous pouvons au contraire les transformer en forces nouvelles pour accomplir le bien. Nous pouvons nous laisser entraîner par l'opinion générale ou la tradition, ou au contraire nous laisser guider par notre conscience en luttant courageusement pour la vérité. Nous ne pouvons pas juger d'après les apparences extérieures et conclure que nos expériences sont ou ne sont pas des bénédictions. Suivant la manière dont nous les envisageons, elles seront pour nous saines ou malsaines. Le choix qui nous est offert ne consiste presque jamais à décider ce que nous devons faire ou ne pas faire, mais il réside plutôt dans l'adoption des principes selon lesquels nous devons agir en face de nos difficultés et de nos épreuves. La terre n'est pas plus un lieu de réjouissance qu'un séjour de colère et - de terreur. Puisque la terre
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produit des chardons et qu'il n'y a pas de roses sans épines, pourquoi la vie de l'homme n'aurait-elle pas ses difficultés? Il n'y a là rien d'étrange ni de cruel; car c'est Dieu qui nous appelle et qui nous pousse à élargir notre vie, à nous fortifier en vue d'une destinée plus haute, destinée qui ne peut trouver son parfait accomplissement ici-bas. Seul un idéal qui nous élève au delà des préoccupations terrestres, augmentera notre développement intérieur et nous procurera de la joie. Que chacun de nous s'efforce donc de supporter vaillamment les épreuves qu'il est appelé à surmonter et de suivre l'exemple de Celui qui porta la croix du monde sur ses faibles épaules afin de devenir notre lumière, la source de notre inspiration, afin de nous appeler à la vie, de faire naître en nous, faibles créatures, sujettes aux tentations et aux découragements, des pensées et des désirs qui nous stimulent à faire le bien. Je ne sais si c'est le « sens mystique » que je possède, mais j'ai une faculté essentiellement perceptive. C'est la faculté que possèdent géné-
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ralement les aveugles et qui, se jouant de la distance, met à leur portée les objets les plus éloignés, en sorte que même les étoiles semblent être à leur portée. C'est grâce à elle également qu'il m'est possible d'entrer en relation avec le monde spirituel; faculté à la fois spéculative et intuitive, elle me permet de passer en revue l'expérience limitée que je puis me faire d'un inonde que je ne connais que par le toucher, et c'est grâce à elle que ce monde devient perceptible à mon esprit. Elle me révèle aussi le Divin qui est en moi, et sert de lien entre la terre et le grand Au-delà, entre le présent et l'éternité, entre Dieu et l'homme. Il n'y a pas que le monde physique qui soit objectif; le monde spirituel l'est aussi. Ce qui est spirituel a une réalité extérieure et une réalité intérieure, tout comme ce qui est physique. Chacun de ces deux plans de vie est un aspect de la réalité et ïl n'y a pas entre eux d'antagonisme, sauf lorsqu'on se sert de ce qui est matériel sans considérer ce qui en forme l'arrière-pian, le contenu spirituel. Swedenborg
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nous explique la distinction qu'il y a entre ces plans, dans sa théorie des degrés discrets; il nous fait remarquer que nous percevons les objets du monde physique à l'aide d'un organisme sensoriel fait de la substance du monde physique, tandis que nous percevons les choses du monde spirituel au moyen d'un organisme sensoriel formé de la substance du monde spirituel. Ma cécité, ma surdité et mon langage imparfait compliquent tellement ma vie que je ne puis faire la moindre chose sans concentrer fortement ma pensée et sans raisonner mon expérience. Si je faisais constamment usage de mon sens mystique, sans essayer de comprendre le monde extérieur, mes progrès seraient arrêtés et tout ce qui m'entoure deviendrait un véritable chaos. Par contre, je confonds facilement mes rêves et la réalité, ce qui est spirituel avec ce qui est physique, parce que je n'ai jamais vu à proprement parler; et sans ce sens intérieur je ne saurais comment les distinguer. Ainsi donc, même si je me trompe
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dans ma conception des couleurs, des sons, de la lumière et de tout ce que je ne puis toucher, je sens que je dois toujours conserver l'équilibre entre ma vie extérieure et ma vie intérieure. je sais que je ne puis pas non plus me servir de mon sens du toucher sans considérer et respecter l'expérience des autres qui m'empêche de me perdre et de tourner sans cesse dans le même cercle. Le passage suivant des Arcanes Célestes de Swedenborg m'a toujours aidée et encouragée d'une façon particulière : « C'est l'homme intérieur qui voit et perçoit cc qui se passe autour de lui; et c'est de cette source intérieure que dérive la vie des sens, car aucune faculté de percevoir et de sentir ne peut exister en dehors de cette source subjective. L'erreur qui consiste à imaginer que les sens tirent leur activité de ce qui est extérieur à eux est si répandue, et de telle nature que la pensée naturelle, même la pensée rationnelle, ne peuvent s'en débarrasser à moins qu'elles ne fassent abstraction des concepts sensoriels. » Quel miracle ce fut, lorsque, pour la pre-
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rnière fois, je pris conscience de mon existence! Les souvenirs de ma plus tendre enfance s'étaient évanouis (1); mais, au fur et à mesure que j'entrai en contact avec les réalités du monde extérieur, ils se ravivèrent et contribuèrent à ensoleiller ma première jeunesse. Du plus profond de mon être je m'écriai : « Qu'il est doux de vivre ! » Je tendis à la vie deux mains frémissantes, et c'est en vain que désormais le silence aurait pu me forcer à rester muette ! Le inonde auquel je m'éveillai était encore mystérieux pour moi, mais j'y trouvais l'espoir, l'amour et Dieu! Que m'importait le reste ? Est-il impossible que notre éveil dans le ciel soit semblable à cette expérience personnelle ? Plus tard mon horizon s'élargit encore lorsque j'appris à parler. Je ne puis m'empêcher encore aujourd'hui d'être émerveillée et enthousiasmée par cet événement qui remonte à trente-six années, tant cette expérience fut unique, miraculeuse et stupéfiante. Penser que du sein des (i) Hélène Keller perdit la vue et. l'ouïe à la suite d'une grave maladie, à l'fige de dix-huit mois.
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ténèbres et du silence j'ai pu arriver à transformer en langage un peu de cet air qui m'entourait et que je respirais! Je ne me faisais littéralement aucune idée de ce que pouvait être le langage, et mon toucher ne suffisait pas à me faire percevoir les mille vibrations délicates dont sont faites nos paroles. Privée comme je le suis de l'ouïe, ce n'est que par un grand effort (le pensée que je pouvais arriver, non seulement à me faire entendre, mais à me faire comprendre. Encore maintenant, ce n'est que par la seule force de l'esprit que j'arrive à parler d'une manière à peu près intelligible. Et lorsque je parle mieux, il m'est impossible de réaliser en quoi consiste ce progrès et de lui donner une forme durable, parce que je ne puis me rendre compte suffisamment des sons qui s'échappent de mes lèvres. Ce qui me surprend, ce n'est pas mon insuccès, mais le fait que la partie inconsciente de mon esprit surmonte si souvent les hésitations de mon langage, si bien que mes amis me disent avec un grand sérieux « Pourquoi ne parlez-vous pas toujours aussi 16
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bien que cela? » Si je pouvais développer plus complètement le pouvoir psychique de mon subconscient, je suis certaine que ma victoire serait complète. Les souffrances et les désappointements par lesquels j'ai dû passer sont indicibles, mais le prix qu'ils m'ont coûté vaut la joie que j'éprouve à maintenir ce lien vivant qui me permet de communiquer avec le monde extérieur. En apprenant à articuler et à exprimer mes sentiments par des paroles, je réalise de plus en plus le miracle de tous les temps et de l'éternité : la réalité de la pensée!, C'est de la pensée que sont faits les livres, les philosophies, Ies sciences, les civilisations, les joies et les désespoirs de la race humaine! Imaginez un aveugle qui, après avoir erré solitaire pendant plusieurs années dans la nuit noire et la mélancolie, se trouverait soudain les yeux grands ouverts, contemplant, le soleil et toute la gloire d'un monde de lumière... Tel fut mon cas; et j'éprouvai les sentiments que vous pouvez facilement supposer quand la lumière de la compréhension vint inonder mon esprit
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et que je réalisais que les mots étaient les précieux symboles de la connaissance de la pensée et du bonheur. Un homme normal est tellement familiarisé avec l'usage des mots qu'il ne peut pas se souvenir du moment où il commença à s'en servir. Mon expérience a été différente. J'avais environ sept ans lorsque je commençai à parler, et je me souviens exactement des sentiments que j'éprouvais alors. J'appris ri former des mots au moyen de mes mains bien des aimées avant d'apprendre à les formuler par des sons. Je suppose que, pour la plupart des gens, la perception des sons d'un mot et celle de la signification de ce mot lui-même sont simultanées. De même, dans mon expérience, la signification des symboles et des pensées que les mots expriment nie fut révéiée tout d'un coup. A ce moment-là, mon institutrice, Miss Anne Mansfield Sullivan, s'occupait de moi depuis un mois environ. Elle m'avait appris les noms de bon nombre d'objets. Elle les plaçait dans ma main et en épelait les noms sur ses doigts
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m'enseignant à former les mêmes lettres à mon tour. Mais je n'avais pas la moindre idée de ce qui se passait. Je ne sais pas ce que je pensais alors; il ne me reste de cette expérience que la mémoire tactile de mes doigts, passant d'un mouvement à l'autre et changeant sans cesse de position. Un jour, mon institutrice me mit dans la main une tasse et en épela le nom. Ensuite elle emplit cette tasse d'un liquide et forma successivement les lettres w a t e r (i). Elle 'me dit plus tard que j'avais alors un air -
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intrigué et que je persistais à confondre ces deux mots, épelant tasse pour eau et eau poUr tasse. Finalement, je me mis en colère parce que Miss Sullivan continuait à répéter les mêmes mots sans se lasser. En désespoir de cause, elle me conduisit à la pompe du jardin, couverte de lierre, et elle me fit tenir la tasse sous le jet pendant qu'elle pompait. De sa main libre, elle épelait inlassablement w a t e r, w a t e r. J'étais debout, immobile à ses côtés, -
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concentrant l'attention de mon corps tout (I) cc (lui signifie eau.
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entier sur les mouvements de ses doigts, et l'eau continuait à couler, froide, sur ma main. Tout à coup quelque chose d'étrange passa en moi, comme si ma conscience se souvenait vaguement de quelque chose, comme si de la mort je ressuscitais à la vie! j'avais compris que ce que mon institutrice épelait sur ses doigts correspondait à ce quelque chose de froid qui coulait sur ma main, et qu'il m'était possible de communiquer avec les autres au moyen de ces signes. Ce fut un jour merveilleux, que je n'oublierai jamais! Mes pensées semblaient folâtrer de tous côtés et me revenir avec une rapidité extraordinaire. Elles semblaient naître de mon cerveau et pénétrer mon être tout entier. Je me rends compte aujourd'hui que ce fut l'éveil de mon esprit, et je crois que cette expérience, par sa nature même, était en quelque sorte une révélation. Je prouvais immédiatement et de plusieurs manières, le grand changement qui s'était opéré en moi. je voulais apprendre le nom de tous les objets que je touchais et avant la nuit j'avais appris trente
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mots. Le néant avait disparu! J'étais transportée de joie; je mc sentais forte, capable de supporter mes infirmités! Un sentiment délicieux me possédait tout entière, et des choses étranges et douces, qui j usqu'alors avaient été
emprisonnées dans mon coeur, se mirent à chanter. Cette première révélation valait bien toutes ces années que j'avais passées dans le silence et dans la nuit. Ce mot water resplendit dans mon esprit comme le soleil sur un monde engourdi par l'hiver. Avant cet événement suprême, je ne possédais rien, sauf l'instinct de manger, de boire et de dormir. Les jours même n'existaient pas pour moi; je ne connaissais ni passé, ni présent, ni avenir, ni espoir, ni anticipation, ni intérêt, ni joie. Il ne faisait pas nuit, il ne faisait pas jour, Mais le vide absorbait l'espace, La fixité était: sans place; Il n'y avait ni étoiles, ni terre, ni temps, Ni contrôle, ni changement, ni hien, ni crime.
Je n'eus qu'un pas à faire des merveilles de la nature aux merveilles de l'esprit. Lorsque
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le message de Swedenborg me fut révélé, ce fut un autre don précieux qui vint s'ajouter à ma vie. J'essaierai d'exprimer en paroles l'émotion que j'éprouvai. Ce fut comme si la lumière était parvenue en un lieu où il n'y en avait jamais eu auparavant. Le monde intangible devint une certitude radieuse; les horizons de mon esprit s'élargirent et je pus contempler les lumineuses destinées où notre course se poursuivrait, rapide, et où la lutte se continuerait avec succès. La description du ciel que Swedenborg nous fait n'est pas une simple collection d'idées brillantes, mais un monde pratique et dans lequel on vit réellement. On ne devrait jamais oublier que la mort n'est pas la fin de la vie, mais qu'elle en est simplement une des expériences les plus importantes. Tous ceux que j'ai aimés sur la terre, proches ou éloignés, vivants ou morts, vivent dans le silence de mes pensées où ils ont leur individualité propre, leur charme personnel et les qualités qui leur sont particulières. A n'importe quel moment,
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ils répondent à mon désir, m'entourent et égayent ma solitude. Quelle tristesse j'éprouverais si des barrières quelconques venaient les empêcher de parvenir jusqu'à moi! Mais je sais qu'il y a deux mondes, l'un que nous pouvons mesurer à la règle et au compas, et l'autre que nous pouvons sentir par le coeur et l'intuition. D'après Swedenborg, la vie future n'est pas seulement concevable, mais désirable; le message qu'il apporte aux vivants qui sont sur le point de passer par les affres de la mort et qui craignent la séparation et la tristesse qui l'accompagnent, apporte au coeur de l'humanité comme le souffle bienfaisant de la présence de Dieu. Nous pouvons maintenant aller au devant de la mort comme la naturenous enseigne à le faire, dans une auréole de gloire, et nous avancer vers la tombe, d'un pas joyeux, l'esprit rempli de nos pensées les plus radieuses et de nos espoirs les plus précieux, tout comme la nature qui, avant son hiver, se revêt d'or, d'émeraude et d'écarlate et défie la mort de lui dérober son immortalité.
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La difficulté qu'ont les hommes de croire à l'immortalité ne provient pas du fait qu'on ne peut pas la prouver, mais bien de leur attitude volontairement incrédule. Leurs désirs égoïstes tendent à étouffer tous leurs efforts spirituels. Il serait peut-être plus vrai de dire que leurs facultés intérieures ne se sont pas encore développées au point de pouvoir être utilisées consciemment. Elles sont encore trop faibles pour qu'ils puissent s'en. servir d'une manière effective. Les hommes sont incapables de réaliser l'influence néfaste que le désir de posséder exerce sur leur caractère. Quand on leur dit qu'ils sont avant tout des êires spirituels, ils ne savent pas ce que cela signifie. Ils croient que seules les choses matérielles sont réelles. Notre civilisation est une défaite tant que nous restons indifférents aux enseignements de philosophes comme Swedenborg et aux visions des plus grands penseurs que le monde ait connus. Swedenborg, tout en nous offrant les richesses de sa pensée et de son érudition, nous raconte
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délibérément comment les anges le conduisirent d'un endroit à un autre dans le monde spirituel, lui montrèrent la vie qui vient après la mort et la réalité de ce qui est immortel. Les anges furent ses guides et ses maîtres. Son âme se trouvait, dans le ciel, comme chez elle. Tl sentit la grandeur de la Divine Providence et l'actualité étonnante de la vie éternelle. Il lui fut
accordé de parcourir toutes les régions du ciel et des mondes habités. Je n'ignore pas que certains savants nie traiteront avec dédain. Ils me diront que nia pauvre philosophie a besoin d'être perfectionnée et ils se mettront à l'ouvre; ils se moqueront de moi ou bien ils voudront me convaincre par leurs raisonnements. « Toute la création, diront-ils, aboutit à . cet invisible atome de matière. C'est là le commencement et la fin. » Peut-êtrel Mais il n'en reste pas moins une goutte de rosée dans la coupe dn lis! Il y a un parfum dans le coeur de la rose et, sous les feuilles, un oiselet replie ses ailes! J'ai de la peine à comprendre une foi si timide
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qu'elle craint de regarder la mort en face. Une foi qui est vulnérable en présence de la mort est un roseau bien free, un appui bien incertain. Inébranlable, je plonge par la pensée mes regards au delà des limites de la vue terrestre, et ma vision se poursuit jusqn'à ce qtlo mon âme, inondée de lumière, s'écrie « La mort et la vie ne font qu'un! »En pensant à ma vie passée, je sais que mes obligations les plus grandes vont à ceux que je n'ai jamais « vus ». Mes moments les plus précieux sont ceux que j'ai consacrés à penser aux choses du ciel; mes amis les plus fidèles sont des habitants du monde spirituel. Je ne puis imaginer ce que je serais sans religion; cela me serait tout aussi difficile que de penser à un corps physique qui n'aurait pas de coeur. Le monde spirituel n'offre aucune difficulté à la pensée de quiconque est sourd et aveugle. Presque tous les objets du mondu visible sont aussi vagues pour moi, aussi éloignés de mes sens, que les pensées spirituelles semblent l'être de la conscience de la plupart
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des gens. Je pose mes mains sur les pages de ces gros livres, transcrits en Braille, qui contiennent les enseignements de Swedenborg, et je les retire pleines des secrets du monde spirituel. Mon sens intérieur ou « mystique », si vous préférez, me donne la vision des choses invisibles. Le monde mystique dans lequel je vis est embelli par des arbres, des nuages, des étoiles et de gais ruisseaux que je n'ai jamais « vus ». Il m'arrive souvent d'être consciente de la beauté des fleurs, du chant des oiseaux et du rire des enfants, lorsque mes compagnons, doués de la vue physique, nie déclarent qu'ils ne voient, ni n'entendent rien. Sceptiques, ils me disent que je vois une « lumière qui n'exista jamais, ni sur terre, ni sur mer ». Mais je sais que leur sens mystique est encore endormi et c'est la raison pour laquelle il y a tant de vide dans leur vie. Ils préfèrent des « faits » à la vision intérieure; ils veulent des démonstrations, une preuve scientifique. C'est à eux que le Seigneur S'adresse lorsqu'il s'écrie : « Vous demandez un signe, mais il ne
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vous en sera point donné. » J'aime la vie, ses mystères, ses illusions, son besoin invincible de temples qui ne sont pas construits par des mains d'hommes! Les ouvrages de Swedenborg sont une source intarissable de satisfaction pour ceux qui vivent de la vie de l'esprit.
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