La litt�rature, c'est raconter la vie, ses faiblesses, forces, �v�nements, troubles et pulsions. L'�me humaine a toujours besoin de faire �blouir les mots, de faire bouger et rendre vivants les diff�rentes formes de litt�ratures : prose , po�sie ,essais , th��tre , nouvelles ...en d�finissant l'humanit� en toutes ses extr�mit�s . Ecrire, c'est parler de soi, ou des autres, par le biais du style, des mots ; c'est une fa�on de penser. Certes, �crire c'est aussi traverser une foule de principes, de r�gles, d'usages et de coutumes. Ecrire, c'est d'abord affronter un mode d'expression normatif, faire revivre les premi�res contraintes de l'ordre, celles de la grammaire, du plan et de l'orthographe. Ecrire, c'est laisser un relief de sa propre culture. Ecrire, c'est se retrouver seul avec soi m�me, avec ce que l'on veut transmettre � d'autres, mais qui impose d'abord une confrontation silencieuse, en double communication : avec soi m�me et avec autrui. La litt�rature englobe souvent plusieurs cultures, en un seul style d'�criture, comme c'est le cas de la litt�rature maghr�bine en langue fran�aise. Dans la litt�rature maghr�bine, le pluriel s'impose toujours. Il existe en effet un vaste ensemble de textes qui ont en commun de proc�der du Maghreb, mais selon des principes de filiation tr�s divers comme le lieu de naissance des �crivains, le lieu de diss�mination des traditions orales, la participation � un imaginaire sp�cial de l'Afrique du Nord , l'insertion dans une production et une circulation litt�raire centr�es au fond du Maghreb etc. � Cette pluralit� est bien manifest�e par le large espace d'�tudes et d'anthologies parues en fran�ais sur la litt�rature du Maghreb . On remarque, certes, que cette litt�rature se compose de " Maghreb " et de " langue fran�aise ", deux univers culturels qui se rencontrent, se confrontent et s'enrichissent. C'est le lieu des ouvertures, des mentalit�s, et des m�tissages culturels, le lieu des ouvertures et acc�s offerts par la langue �trang�re : le fran�ais . D'un point de vue historique g�n�ral, on constate qu'il existe des litt�ratures maghr�bines depuis 1945, on voit aussi une s�paration nette entre trois ensembles de textes, et en m�me temps leur perm�abilit� aux fronti�res litt�raires. C'est � partir des relations politiques et diplomatiques avec la France que l'on peut distinguer ces trois types de mouvements litt�raires : � les litt�ratures enracin�es dans les cultures nationales qui, par le choix de la langue d'�criture (arabe classique , ou dialectale, et berb�re ) , �chappent fortement � l'influence fran�aise. � les textes �crits ayant le Maghreb comme sujet fondamental, s'inscrivant dans une logique coloniale, �crits par des fran�ais, pour un public fran�ais . � la litt�rature maghr�bine d'expression fran�aise : produite par des �crivains se r�clamant d' une identit� maghr�bine., Cette litt�rature a d'abord - au moment des combats pour l'ind�pendance vis� un public plut�t fran�ais, dont il fallait gagner la confiance, pour la bonne cause de la lib�ration du Maghreb. Aujourd'hui, elle est devenue classique par sa participation aux programmes scolaires maghr�bins, elle a surv�cue a l'arabisation des trois principaux Etats du Maghreb : Maroc ; Alg�rie, Tunisie, et s'adresse maintenant vers un public maghr�bin plut�t que fran�ais, installant un nouveau dialogue intellectuel et culturel entre les deux rives de la M�diterran�e .
Les auteurs se servent du fran�ais en tant que Maghr�bins, parce que l'histoire de leurs pays l'a voulu ainsi. Le fran�ais est la deuxi�me langue officielle dans tout le Maghreb, elle s'apprend
� l'�cole, au lyc�e, � l'universit�. Les gens parlent le fran�ais, l'entendent � la t�l�vision � la radio, bref, le fran�ais est partout, m�me dans les administrations. Par ailleurs, il existe des auteurs nouveaux, qui connaissent l'arabe et �crivent aussi bien en arabe qu'en fran�ais. D'autres, dominent mieux le fran�ais que l'arabe et pr�f�rent donc s'exprimer en fran�ais . Du reste, la langue fran�aise leur ouvre une audience plus large que l'arabe, surtout pour les �crivains publi�s par de grands �diteurs parisiens.
Quelques t�moignages des auteurs Maghr�bins : "L'�crivain est un homme solitaire . Son territoire est celui de la blessure : celle inflig�e aux hommes d�pos�d�es " ; �crit TAHAR BEN JELLOUN . Cet �crivain est oppos� au fait de n'avoir qu'une seule langue, il dit : " Le bilingue offre l'avantage d'une ouverture sur la diff�rence ". Un autre �crivain marocain , Abdullah Najib REFAIF , dit que le jugement fait aux �crivains marocains de langue fran�aise " ne se repose souvent sur aucun jugement capable de r�sister � l'analyse " . Par ailleurs , il a affirm� que " la litt�rature marocaine n'aura pas ses repentis comme c'est la cas en Algerie , ou Rachid BOUDJEDRA s'emm�le les lettres et patauge dans la semoule litteraire , ent�t� comme un escargot . Mais qui prend encore BOUDJEDRA au s�rieux ? "(1) Salah GARMADI , linguistique , disait au cours d'un d�bat sur le bilinguisme en Tunisie : " je l'avoue, c'est par l'interm�diaire de la langue fran�aise que je me sens le plus lib�r� du poids de la tradition, c'est l� que le poids de la tradition �tant le moins lourd, je me sens le plus l�ger " (2) Abdelaziz KACEM est profond�ment lui m�me, en �crivant en arabe, tandis qu'�crire en fran�ais est " source de d�chirement ", mais " jamais de reniement ". Il adapte le fran�ais comme " un butin de guerre ". Moncef GHACEM dit que le fran�ais est historiquement assum� : " je l'utilise car il a la capacit� de traduire pleinement mon actuelle r�alit� sp�cifique d'arabe, de maghr�bin, de tunisien (...) , j'�cris en fran�ais sans pour autant me couper de la r�alit� vivante de mon peuple " (3) Des points de vue diff�rents les uns des autres, selon une logique historique, mais aussi politique, o� la langue fran�aise se manifeste comme une langue de litt�rature pour des �crivains qui ont v�cu une certaine p�riode de leur pays, pays qu'ils racontent chacun avec leurs pr�dispositions � la langue fran�aise et sa culture. Les positions des �crivains pris individuellement sont une chose, mais l'opinion g�n�rale et sociale, et la politique de chaque pays du Maghreb en est une autre. Dans les d�bats de critique, on a souvent l'impression que la passion prend le pas sur la s�r�nit� : conflits refoul�s, attirance, r�pulsion, d�sirs camoufl�s... sont tous en jeu dans les relations avec l'ex colonisateur que l'on voit toujours � travers la langue qu'est le fran�ais. Certes, le Maghreb a subi des changements sociaux tr�s importants ; des r�volutions sont en cours dans les mentalit�s et dans les diff�rentes fa�ons de voir le monde. Des interrogations s'imposent sur l'ouverture de la langue arabe vers le monde, telle qu'elle est con�ue et enseign�e. Le d�sir de devenir une soci�t� la�que, les r�ponses des discours gouvernementaux face � la mont�e de d�sirs nouveaux selon les milieux sociaux, tout cela demande une adaptation. Le fait de transmettre un monde arabe, musulman, qui a certes une histoire et une culture ; une autre langue fran�aise, �videmment, ne peut que faire revivre et immortaliser une civilisation arabe qui saura d�fier touts les temps .
Hafsa Benmchich