Sujet : une politique de relance est-elle souhaitable pour lutter contre les risques actuels de récession ? L’INSEE a noté la date du 15 mai 2009 comme date officielle d’entrée de la France en récession, définie traditionnellement comme une période de deux trimestres consécutifs de baisse du PIB. Selon les prévisions du FMI pour la croissance du PIB en 2009, la récession toucherait la quasi-totalité des pays du monde : le PIB mondial devrait diminuer de 1.3% , certes tous les pays ne seraient pas affectés de la même manière : fortement pour la Russie, le Japon, l’Allemagne( -3%) , plus faiblement pour la France et les Etats-Unis ( une baisse du PIB de 3%) , la Chine quant à elle ne connaîtrait qu’une baisse du taux de croissance : après des taux de croissance à 2 chiffres, en 2009 le PIB n’augmenterait que de 6.5%. Face à cette crise, les gouvernements ont tenté de réagir : plan de relance aux Etats-Unis (doc2), mesures de soutien à l’activité économique en Europe (doc5). Le problème est de trouver la stratégie qui selon X.Timbeau devrait permettre d’éviter « de voir la récession se transformer en crise » (doc5) .Pour les libéraux, la politique à mener est d’éviter toute intervention économique et sociale, car les mécanismes d’autorégulation du marché doivent permettre de revenir à la croissance : toute politique de relance tant budgétaire que monétaire sera inutile et inefficace. « Mais les circonstances sont tout à fait exceptionnelles » affirme X.Timbeau, car « la crise financière a contredit l’idée que les marchés soient capables d’autorégulation »(doc 5) . Une politique de relance s’avère alors souhaitable et indispensable. I. Une politique de relance est inutile et inefficace L’expérience historique des 30 dernières années montrent bien qu’une politique de relance tant monétaire que budgétaire ne permet pas de renouer avec la croissance, mais produit de la stagflation (faible croissance et accélération d’inflation). En effet, ce qui marchait dans les années 50 ne marchent plus dans les années 80 du fait de l’ouverture croissante des économies. A. Les limites d’une politique de relance 1. Les limites de la politique budgétaire a. Elle crée de la stagflation Le meilleur exemple est la relance française de 1981. Le gouvernement socialiste conduit par P.Mauroy mène une politique inspiré de l’analyse keynésienne. Pour augmenter le PIB, le moyen est l’augmentation de la demande. Plusieurs instruments vont être utilisés : revalorisation du SMIC, 5° semaine de congés payés, mais surtout une augmentation des dépenses publiques : création d’infrastructures, embauche en nombre de fonctionnaires. Mais cette augmentation de la demande ne se traduit pas par une augmentation de la production du fait du phénomène de la mondialisation, car cette augmentation de la demande a aussi entraîné une augmentation des coûts de production ce qui se traduit par une augmentation du prix de vente des entreprises françaises. Elles perdent alors en compétitivité-prix par rapport aux entreprises étrangères et n’ arrivent plus à vendre leurs produits en France et à l’étranger. Cette politique de relance a donc engendré une hausse des dépenses publiques, de la demande, des prix, mais pas de hausse de la production : c’est la stagflation. Les recettes fiscales n’augmentent donc pas, ce qui se traduit par une augmentation du déficit budgétaire b. Et pose le problème du financement de ce déficit budgétaire Pour financer ce déficit budgétaire, plusieurs solutions sont possibles qui toutes ont des inconvénients selon les libéraux. La première est l’augmentation des impôts que M.Touati juge absolument inefficace : « augmenter les impôts casserait le retour à la croissance » .Il reprend en cela l’analyse de Laffer qui considère que l’augmentation du taux d’imposition se traduit, à partir d’un certain seuil, par une baisse des recettes fiscales. En effet, l’augmentation du taux d’imposition décourage le travail des plus dynamiques : à quoi sert de travailler beaucoup, puisque le supplément de revenu qui en découle est prélevé par l’Etat, et l’épargne : il vaut mieux consommer. Ainsi, la quantité de facteurs de production diminue : il y a moins de travail et de capital disponible, ce qui entraîne une réduction de la croissance et donc des recettes fiscales. Le deuxième moyen est le recours à l’endettement : l’Etat emprunte pour financer ses dépenses actuelles. Ce procédé est aussi critiquable pour les libéraux : il tend d’abord à faire peser les problèmes actuels sur les générations futures qui devront rembourser et crée un effet boule de neige. En France aujourd’hui, « le paiement des intérêts gravite autour de 50 milliards d’euros chaque année » (doc2).Une partie de l’augmentation des dépenses de fonctionnement sert donc à rembourser les emprunts passés et creuse automatiquement le déficit budgétaire.
Cette technique est aussi inefficace pour assurer une augmentation de la production, car elle crée un effet d’éviction. En effet, l’Etat apparaît comme un emprunteur sûr, dont les risques de défaillance sont faibles. Dans ces conditions, les détenteurs de capitaux sont incités à prêter à l’Etat, ce qui génère deux conséquences. La première est un manque de capitaux disponibles pour les entreprises, la seconde est l’augmentation du taux d’intérêt due à la hausse de la demande de fonds prêtables de l’Etat. Cela entraîne alors un effet d’éviction : les entreprises ont du mal à emprunter pour investir ; or c’est cet investissement qui est créateur de croissance. Ainsi, le poids de la dette publique dans le PIB tend à augmenter de manière exponentielle (doc2) : « « notre dette publique atteint 68% du PIB, devrait bientôt atteindre 73% du PIB du fait de la faible efficacité de ce dernier en terme de rebond de l’activité » (doc2 . Le déficit public augmente donc mais limite la croissance, ce qui génère un déficit public encore plus grand Ainsi, selon M.Touati, « la barre des 80%, encore inimaginable il y a peu pour certains, devrait être dépassée en 2012 » (doc2). L’Etat français ne sera plus alors en mesure d’emprunter à nouveau car ses dettes étant trop importantes, il n’apparaîtra plus comme un emprunteur sûr. Comme l’affirmait F.Fillon il y a quelles mois : « Je suis à la tête d’un Etat en faillite » 2. Les limites de la politique monétaire La seule solution pour financer le déficit budgétaire reste alors la monétisation de la dette : la Banque Centrale achète des obligations d’Etat et crée ainsi de la monnaie. Or, d’après les libéraux, qu’ils soient quantitativistes (Fischer) ou monétaristes (Friedman), toute augmentation de la monnaie plus rapide que celle de la production crée de l’inflation. Cette inflation est préjudiciable à la croissance : elle réduit le taux d’intérêt réel , ce qui désincite les individus à épargner, l’épargne diminue donc puis l’investissement. Elle réduit aussi la compétitivité-prix, ce qui fait perdre des parts de marché aux entreprises et donc baisser la production Une politique de relance n’est donc absolument pas souhaitable, puisqu’elle enfoncerait les pays dans une crise encore plus grave. La seule solution est alors de mener une politique de rigueur. B. La politique à mettre en œuvre 1. La politique budgétaire Au niveau budgétaire, les gouvernements apparaissent coincés entre la volonté d’avoir un budget équilibré sans augmenter les impôts, ni s’endetter, ni effectuer un financement monétaire. La solution est simple selon M.Touati : « il faut tout simplement instaurer un système de péréquation des dépenses publiques qui permettra de les optimiser en réduisant celles qui sont inefficaces de manière à augmenter celles qui produisent de la richesse économique et sociale » (doc2). Il faut donc diminuer les dépenses, mais il faut les sélectionner. Celles qui sont utiles doivent être conservées : les subventions aux entreprises pour la recherche ou les dépenses d’éducation doivent être conservées puisqu’elles assurent une croissance endogène. Certaines doivent être réduites ; ce sont les dépenses de fonctionnement, comme les dépenses des salaires des fonctionnaires : ainsi le gouvernement Fillon propose de ne remplacer qu’un fonctionnaire partant à la retraite sur 2. Les dépenses d’aide sociale doivent aussi être réduites voire supprimées, puisqu’elles sont désincitatives au travail : un individu peut avoir un revenu sans effort. La croissance peut alors être ralentie du fait d’un manque de facteur de production. 2. La politique monétaire Cette rigueur dans le budget se retrouve dans la conduite de la politique monétaire. La conception libérale de la monnaie a inspiré les préceptes de l’Eurosytème. Celui-ci a pour objectif « de maintenir la stabilité des prix » (doc4). Or pour l’atteindre, « les fondements théoriques de la politique monétaire ainsi que l’expérience passée démontrent que la politique monétaire n’influe, en fin de compte, que sur le niveau des prix de l’économie. » C’est la théorie quantitative de la monnaie d’I.Fisher (MxV = P.T ) : toute augmentation de la quantité de monnaie ex ante n’a aucun effet sur la production, mais ne fait qu’accélérer l’inflation. Cela tient à la déconnection de la sphère réelle et de la sphère monétaire exprimée par J.B.Say : « la monnaie n’est qu’un voile » ; les individus sont des êtres rationnels qui ne sont pas victimes d’illusion monétaire. Ainsi « la politique monétaire ne peut exercer une influence durable sur les variables réelles comme l’affirmait M.Friedmann : à court terme une augmentation de la masse monétaire crée un sentiment de richesse chez les agents qui consomment davantage, ce qui entraîne une hausse de la production. Au bout d’un moment, ils se rendent compte que cette augmentation n’était que nominale ; ils reviennent à leurs comportements antérieurs de consommation , la production recule aussi ; seule reste l’inflation. Ainsi, pour sortir de la crise, les libéraux préconisent un statu quo : il faut continuer les politiques de rigueur monétaire et budgétaire menées dans les PDEM depuis une vingtaine d’années.
II. Le contexte actuel rend une politique de relance nécessaire Mais les libéraux oublient « qu’il s’agit de contrer la première récession de toutes les économies développées depuis la seconde guerre mondiale » (doc5). Mener une politique de rigueur pourrait comme dans les années 30 transformer cette récession en dépression. A. Les limites d’une politique libérale 1. Les limites de la politique budgétaire : un cercle vicieux En effet, quand un seul pays mène une politique budgétaire restrictive, il joue le rôle du passager clandestin : il gagne en compétitivité-prix, en part de marché et en croissance et exporte vers ses partenaires commerciaux la récession et le chômage. Mais quand tous les pays mènent cette politique, les effets pervers de l’agrégation des comportements individuels apparaissent comme l’avait noté Keynes lors des années 30 : tout le monde voit ses prix diminuer mais personne ne gagne en compétitivité-prix : ainsi en 2009, les exportations des Etats-Unis devraient baisser de 10.1%. En revanche, tous les pays perdent en revenu et donc en demande intérieure : d’après les prévisions de l’OCDE, la demande aux Etats-Unis devrait diminuer de 4,1%, et de2,8% dans la zone euro, ce qui devrait se traduire par une baisse du PIB : 4% aux Etats-Unis, 4,1% dans la zone euro en 2009. Si la production diminue, la demande de travail des entreprises chute, ce qui devrait entraîner une recrudescence du chômage : entre 2008 et 2009, le taux de chômage passerait de 5,8% à 10,3% aux Etats-Unis, de 7,5% à 11,7% dans la zone euro (doc6). 2. une politique monétaire restrictive inefficace Ce cercle vicieux récessionniste est aussi aggravé par la politique monétaire. En effet, le risque n’est plus aujourd’hui dans le monde l’inflation, mais la désinflation : dans la zone euro, l’inflation était de 3,3% en 2008 et serait de 0,6% en 2009, voire à la déflation : aux Etats- Unis, les prix ont augmenté de 0,4% en 2008 et baisseraient de 0,4% en 2009 (doc6). Mener une politique de restriction de la quantité de monnaie ne servirait donc à rien car l’inflation n’est pas le problème actuel essentiel. B. Une politique de relance est aujourd’hui indispensable Ce cercle vicieux de récession voire de dépression résulte d’un manque de confiance dans l’avenir. Or « quand tous les acteurs ont perdu confiance, banque, entreprise, ménages, qui reste-il, sinon l’ Etat, pour investir contre le pessimisme ambiant ? » (doc 5). L’Etat doit donc agir pour relancer l’économie, par le biais d’une politique monétaire et budgétaire, mais d’une manière particulière. « Keynes est ressorti des oubliettes », mais un Keynes adapté au contexte actuel. 1. Une politique monétaire expansionniste nécessaire mais non suffisante a. Une condition nécessaire La première politique à avoir été changée est la politique monétaire aux Etats-Unis et dans la zone euro (doc3). Ces deux Banques Centrales adoptent alors la vision de Keynes : celui-ci considérait qu’en période de plein emploi, la théorie quantitative de la monnaie s’appliquait .En effet, une augmentation de la création monétaire entraîne une augmentation des revenus monétaires, donc de la demande, mais comme l’offre ne peut s’accroître du fait du plein emploi des facteurs de production, les prix s’élèvent automatiquement. En revanche, en période de récession, des facteurs de production sont disponibles, l’offre peut alors augmenter sans qu’il y ait inflation. La Fed et la BCE mènent ainsi depuis octobre une politique de création monétaire en utilisant deux moyens. Le premier est le moyen traditionnel : la baisse du taux d’intérêt directeur, la BCE a ainsi diminué celui de 4% en Octobre à 1% en mai. Le second est la politique non conventionnelle qui consistent à accorder directement des crédits : « en un an, elles ont doublé leur taille- un peu plus aux Etats-Unis, et un peu moins en Europe » (doc3). b. Mais non suffisante Mener une politique monétaire expansionniste est nécessaire pour relancer l’économie mais cela ne sera pas une condition suffisante. En effet « les banques ne savent pas quoi faire de cet argent » (doc3) : la perte de confiance est tellement importante que « les acteurs sont tétanisés par la crise » ; ni les ménages ne souhaitent emprunter pour acheter des logements, ni les entreprises pour investir.
Ainsi, selon T.Piketty(doc3) : « S’il se confirme que l’Etat est le seul acteur capable de dépenser ,alors les gouvernements devront prendre leurs responsabilités et se lancer dans de véritables plans de relance »(doc3) 2. Une politique de relance budgétaire indispensable mais à certaines conditions Celle-ci doit reprendre les principes de base de l’analyse keynésienne en intégrant les caractéristiques actuelles : une crise importante dans un contexte de mondialisation. a- Des conditions particulières Le principal risque d ‘une politique de relance est qu’elle profite aux pays étrangers, comme l’ a montré la relance de 81. Pour l’ éviter, X.Timbeau E.Le Héron sont d’accord : il faut une relance concerté au niveau mondial ou seulement au niveau européen (doc5). Tous les pays doivent alors mener une politique de relance en même temps ; ainsi, personne ne perd en compétitivité-prix, puisque tous ont vu leurs coûts augmenter au même rythme ; mais tous gagnent en hausse de la demande et donc de la production. X .Timbeau affirme donc : « De telles mesures doivent être concertées pour être pleinement efficaces et préserver l’intégrité du marché intérieur ». La seconde condition est de mener une politique de relance de grande ampleur : « Le FMI s’est dit favorable à un plan équivalent à 2% des pays participants ». En effet, la crise économique et le manque de confiance sont tellement forts que seul une politique de relance importante aura un effet positif sur la croissance et l’emploi. b- Pour favoriser la croissance H.Lattars peut donc écrire : « Keynes est ressorti des oubliettes ». En effet, la stratégie proposée par de nombreux économistes est de mettre en œuvre une politique basée sur les principes keynésiens. L’économie est au sous-emploi des facteurs de production, la demande est inférieure à l’offre alors qu’il y a des facteurs de production disponibles : augmentation du chômage, capitaux excédentaires (« les banques ne savent pas quoi faire de cet argent », doc 3) ; la solution est donc d’augmenter la demande. Le premier moyen est d’augmenter les dépenses publiques. Mais, selon E.Le Héron, « la crise est trop grave, trop profondément ancrée dans les esprits pour que l’Etat puisse à lui tout seul restaurer la confiance » (doc5). L’Etat doit ainsi favoriser la demande des autres agents : entreprises, ménages. Pour augmenter leur revenu, deux moyens sont disponibles : une baisse des impôts, une augmentation des allocations. Pour la baisse des impôts, il faut choisir des impôts proportionnels qui touchent la population de manière identique relativement : « taxe professionnelle et cotisations sociales pour les entreprises, CSG pour les particuliers » (doc5). De manière générale, pour E.Le Héron, quel que soit le moyen choisi, il faut privilégier les plus pauvres : « il faut revenir sur le bouclier fiscal, sur l’imposition des revenus les plus élevés et avec des impôts positifs, comme la prime pour l’emploi » (doc5). En effet, d’après la logique keynésienne, il faut augmenter prioritairement les revenus des plus pauvres, car ce sont eux qui ont la propension à consommer la plus forte (c’est-à-dire la part du revenu qui est consommé).Dans ces conditions, l’augmentation de leur revenu permet une augmentation forte de la demande qui se traduit par une augmentation de la production rapide. Keynes a ainsi montré que plus la propension à consommer est forte, plus l’effet multiplicateur est grand. Ainsi, si la production augmente, les recettes fiscales vont augmenter, ce qui permet de combler le déficit budgétaire antérieur.
Contrairement à ce qu’affirment les libéraux aujourd’hui, mener une politique de relance est aujourd’hui souhaitable pour éviter de transformer la récession actuelle en dépression. En effet, ne rien faire ou continuer une politique de rigueur conduirait à créer un cercle vicieux : la baisse de la demande entraînerait une baisse de la production donc des revenus et à nouveau une baisse de la demande. Pour éviter cet enchaînement caractéristique de la crise des années 30, les gouvernements doivent mener des politiques de relance concertée d’un montant important : concerté pour éviter le phénomène du passager clandestin, important pour restaure la confiance. Reste maintenant à appliquer concrètement ses principes : Comment mener une politique concertée ? Les pays doivent donc abandonner leurs préoccupations pour penser au bien de tous. Or la coordination des politiques nationales pose problème. L’Union européenne en est l’exemple ; certes, elle a constitué une zone de libre-échange et mène une politique monétaire commune, mais a du mal à coordonner les politiques budgétaires et surtout n’arrive pas à harmonier ses systèmes de protection sociale. Comment l’Union Européenne pourrait arriver à faire une politique commune, alors que les pays utilisent leur système de protection sociale afin de faire du dumping et d’attirer les FTN ?