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  • Words: 61,966
  • Pages: 132
MÂROUF, SAVETIER DU CAIRE Henri Rabaud

Direction musicale Marc Minkowski Mise en scène Jérôme Deschamps

Du 23 au 29 avril 2018

OPERA-COMIQUE.COM I 0825 01 01 23 (0,15€/min) PLACE BOIELDIEU - 75002 PARIS

Licence E.S. 1-1088384 ; 2-1088385 ; 3-1088386 - Création graphique : inconitO - Illustration : © Matthieu Fappani

Chœur de l’Opéra National de Bordeaux Orchestre National Bordeaux Aquitaine

ÉDITO

CLASSICA Société éditrice :

EMC2

N°201 AVRIL 2018

SAS au capital de 600 000 5 18, rue du Faubourg-du-Temple, 75011 Paris Tél.: 01 47 00 49 49 RCS 832 332 399 Paris Président et directeur de la publication : Jean-Jacques Augier Directeur général : Stéphane Chabenat Adjointe : Sophie Guerouazel Directeur de la rédaction Jérémie Rousseau [email protected] Chef de rubrique disques et hi-fi Philippe Venturini [email protected] Secrétaire de rédaction Valérie Barrès-Jacobs [email protected] Éditorialistes : Alain Duault, Benoît Duteurtre, Emmanuelle Giuliani, Jean-Charles Hoffelé, Éric-Emmanuel Schmitt Grand reporter : Olivier Bellamy Directrice artistique Isabelle Gelbwachs [email protected] Service photo Cyrille Derouineau [email protected] Ont collaboré à ce numéro Jérémie Bigorie, Jacques Bonnaure, Vincent Borel, Jean-Luc Caron, Damien Colas, Jean-Noël Coucoureux, Michel Fleury, Pierre Flinois, Elsa Fottorino, Xavier de Gaulle, Romaric Gergorin, Pascal Gresset, Jean-Pierre Jackson, Pauline Lambert, Aurore Leger, Michel Le Naour, Sarah Léon, Franck Mallet, Pierre Massé, Antoine Mignon, Yannick Millon, Aurélie Moreau, Clément Serrano, Dominique Simonnet, Sévag Tachdjian, Marc Vignal, Thomas Zingle Publicité Team Medias Pôle musique 10, boulevard de Grenelle, CS 10817, 75738 PARIS Cedex 15 Tél.: 01 87 39 75 18 Présidente Corinne Mrejen Directrice générale Cécile Colomb Directrice commerciale Emmanuelle Astruc [email protected] Directrice adjointe de la publicité Stéphanie Gaillard Courriel : [email protected] Chef de publicité musique vivante Judith Atlan Courriel : [email protected] Chef de publicité hi-fi/instruments Clémence Maury Courriel : [email protected]

D’après une histoire vraie u romancier ou du biographe, qui approche au mieux la vérité d’un compositeur ? Le second, sans nul doute : celui qui, par sa rigueur scientifique, atteint le cœur de son sujet en ne s’autorisant que des digressions vérifiées et en bannissant toute invention personnelle. Mais il est des cas où le romancier l’emporte. Lorsque, mystérieuse alchimie, celui-ci sait ouvrir les portes sensorielles dumusiciendontilafaitsonhéros.Onpense au roman Ravel de Jean Echenoz, invitation envoûtante à (ré)écouter sa musique,alors que pas une seule fois le romancier ne se fait musicologue: c’est par son style, elliptique, sa syntaxe, maniaque, ses mots, pesés et soupesés,son sens microscopique du superflu, son art de caresser les choses pour mieux en capter la profondeur, qu’Echenoz tisse un parallèle ténu entre sa langue et la personnalité de l’auteur du Concerto pour la main gauche. On ressent cette même impression avec Le Fracas du temps de Julian Barnes, tout

D

juste réédité en poche: rien sur la musique de Chostakovitch, ou si peu, et pourtant tout de son auteur. L’ironie intenable, la construction haletante, les rouages d’un scénariokafkaïen,lamenace omniprésente de la terreur et de la mort dissèquent au scalpel la psychologie de Dmitri Dmitrievitch, héros antihéros dont le destin se confond avec la tragédie du stalinisme, broyé par sa lâcheté face à la tyrannie,mais dont Barnes montre les tréfonds d’une âme nue restée intacte : tout ce que disent ses chefs-d’œuvre. Le volume refermé, vous courez réécouter Lady Macbeth ou son Quinzième Quatuor, et peut-être les entendrez-vous différemment. « Ce sont les romans qui disent le plus de vérité sur la vie, écrit le romancier: ce qu’elle est, comment nous la vivons, quel sens elle pourrait avoir, comment nous la goûtons et l’apprécions,comment elle tourne mal et comment nous la perdons. La meilleure fiction fournit rarement des réponses; mais elle formule exceptionnellement bien les questions… » X Jérémie Rousseau

Service abonnements 4, route de Mouchy, 60438 Noailles Cedex Tél.: 01 70 37 31 54. Courriel : [email protected] Tarif d’abonnement 1 an, 10 numéros : 49 u Ventes au numéro Tél.: 04 88 15 12 40 Diffusion : Presstalis Prépresse Maury Imprimeur Imprimerie : Roularta Printing, 8800 Roeselare Imprimé en Belgique/Printed in Belgium Dépôt légal à parution N° de commission paritaire : 1120 K 78228 N° ISSN : 1966-7892 Classica est édité par EMC2 SAS. © EMC2

Retrouvez votre magazine Classica sur tablettes et smartphones. L’application Classica est disponible sur App Store. Illustrations des portraits de Jérémie Rousseau, Philippe Venturini et des éditorialistes: Dominic Bugatto. Photo de couverture: EDO. Ce numéro comporte un encart Festivals de Bretagne sur une diffusion partielle abonnés France et un encart L’Express sur l’ensemble des abonnés France. CLASSICA / Avril 2018 Q 3

Saison 18I19

DANIEL HARDING Directeur musical

SOMMAIRE 36

58 44

72

Q L’ACTUALITÉ 03 07 09 10 25 26 33 34 36 43

Éditorial Ça cartoon ! Le chant en grand seigneur La petite musique d’Éric-Emmanuel Schmitt « Je ne crois pas en Dieu, mais je l’aime » Planète musique Le Grand Prix Lycéen des compositeurs, le Pass Culture, les Victoires de la musique… L’humeur d’Alain Duault Trop belle pour eux ! Sortir The Beggar’s Opera, Parsifal et Fazil Say à Paris, Justin Taylor en Avignon… À voix haute La chronique de Benoît Duteurtre Un air de famille Les Queyras On a vu Tristan, Salomé, Cecilia Bartoli en Alcina… Les carnets d’Emma La chronique d’Emmanuelle Giuliani

78

Q LE MAGAZINE 44 54 58 60 68 72

En couverture Vingt chefs-d’œuvre de la musique sacrée, de Machaut à Britten en passant par Bach, Mozart, Berlioz et Stravinsky. L’écoute comparée La Missa Solemnis de Ludwig van Beethoven Passion musique Didier Lockwood Musique & vin Accords parfaits L’univers d’un musicien Entrez dans l’intimité de Stéphane Denève Entretien Les confidences de Murray Perahia

Q LE GUIDE

78 90 114 116 118 130

Les CHOCS du mois Les disques du mois Le jazz Les DVD du mois Hi-fi : test de six amplificateurs-convertisseurs pour casque Jeux 5 Q CLASSICA / Avril 2018

LE GRAND RENDEZ-VOUS DE LA MUSIQUE ET DES MUSICIENS 1/2/3 JUIN 2018 GRANDE HALLE DE LA VILLETTE PARIS

1 SEUL BILLET D’ENTRÉE POUR DÉCOUVRIR : 200 exposants 80 ateliers d’éveil musical et d’initiation à un instrument 30 concerts

Plus d’informations et billetterie sur www.musicora.com # musicora18

dolenc.fr Crédits photos : Shutterstock

30 conférences et émissions de radio en direct

LE CHANT EN GRAND SEIGNEUR

ÇA CARTOON !

Extrait de L’Histoire de la musique en bandes dessinées de Michael Sadler, Denys Lemery et Bernard Deyries. © Éditions Van de Velde, Paris. Reproduit avec l’aimable autorisation des Éditions Van de Velde. CLASSICA / Avril 2018 Q 7

STS Evenements présente

© Bernard Martinez

JOUE

David Grimal Jean-Sébastien Bach

03.06.2018 Réservations sur : laseinemusicale.com, fnac.com

Dezsö Ranki © Szilvia Csibi

Programme : Mozart, Brahms, Schubert

09.06.2018 Réservations sur : laseinemusicale.com, fnac.com

LA PETITE MUSIQUE

D’ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT

« Je ne crois pas en Dieu, mais je l’aime » Fauré accompagne ou console

— Qu’est-ce donc que cette messe des morts d’apocalypse chez Verdi, le Lacrimosa que vous venez de faire chanter? (Les Larmes) qui bouleverse chez Mozart, et — C’est un requiem de ma composition, surtout le Rex tremendae (Roi redoutable) Monsieur le curé. qui propose un Dieu juge, capable de pré— Connaissiez-vous le paroissien pour cipiter le défunt aux Enfers ou au Paradis. lequel nous avons célébré la messe ? Pour Fauré, la mort apporte l’éden à cha— Non. cun ; il ose même ajouter un texte que — Alors pourquoi? personne n’avait jamais intégré au requiem, — Pour rien… pour le plaisir, si j’ose dire. In Paradisium (Au Paradis), une antienne Voilà si longtemps que j’accompagne à l’orgue les services d’enter- qu’on chante normalement lorsqu’on se rend au cimetière. rement! J’en ai par-dessus la tête. J’ai voulu faire autre chose. Le Paradis pour tous, un ciel étoilé célébré par des harpes — Nous n’avons pas besoin de nouveautés,Monsieur le maître angéliques et des voix de chérubins. Quelle audace ! Ou de chapelle. Le répertoire de la Madeleine est bien assez riche: quelle impiété ? contentez-vous-en! Ce Requiem touche autant le croyant que l’incroyant. Celui Voilà comment fut accueilli le requiem des requiem, celui pour qui mourir consiste à changer de forme vivante et à que je considère comme le plus juste et le plus spirituel : passer dans l’éternité, Fauré le conduit à cette porte enchanle Requiem de Gabriel Fauré. tée avec une douceur émerveillée. Celui pour qui mourir Que signifie « requiem » ? Repos. Ni désolation, ni mort, revient à quitter la vie et à passer dans le néant, Fauré lui ni drame: repos. Seulement repos. Requiem aeterna dona ei: propose ce rien comme un soulagement. Soit sa musique donnez-lui le repos éternel. nous accompagne, soit elle nous console. Que l’après se révèle Personne avant Fauré n’avait mis en musique le repos. Dans videouplein,il apaisera.Lamortestnotreamie.« MonRequiem, son Requiem inachevé, Mozart exprime la tension tragique, on a dit qu’il n’exprimait pas l’effroi de la mort, quelqu’un l’a la tristesse, puis l’envol déterminé des voix vers le ciel dans appelé une berceuse de la mort. Mais c’est ainsi que je sens une fugue finale, pas la quiétude. Tour à tour, Berlioz traduit la mort: comme une délivrance heureuse, une aspiration au bonle tourment,Verdi la terreur suivie de l’espoir exacerbé,Brahms heur d’au-delà, plutôt que comme un passage douloureux. » l’émoi métaphysique. Par rhétorique dramatique, Je me demande si la réticence du curé de la tous ces requiem multiplient les contrebasses, Madeleine lors de la création ne manifestait pas ÉRIC-EMMANUEL agitent les timbales et sollicitent les cuivres. Fauré une méfiance légitime devant une œuvre intime SCHMITT préfère la douceur, l’harmonium nu, la harpe, au fidèle autant qu’au mécréant. une voix d’enfant. Fauré compose une musique est écrivain, dramaturge Fauré avait-il la foi ? Ni croyant ni sceptique et réalisateur. qui s’ouvre sur le silence. Ainsi se déroule la vie: – nous apprit son fils –, il avait le sens du mystère Son dernier ouvrage, on vient du silence et on y retourne. et la religion de l’amour. Lorsque je songe à lui, La Vengeance Son œuvre anticipe la paix éternelle,le ravissement j’ai envie de lui attribuer la phrase que me glissa, du pardon, est paru de la sérénité. Fauré supprime certains textes, tels un jour, un ami athée : « Je ne crois pas en Dieu, chez Albin Michel. le Dies irae (Jour de colère) qui favorise le sentiment mais je l’aime. » X

CLASSICA / Avril 2018 Q 9

PLANÈTE MUSIQUE I COMPOSITEURS

Grand Prix Lycéen des Compositeurs 2018

C’EST DANS L’AIR DU TEMPS

F. TRIQUET

EN MARS DERNIER, LORS DE LA 19e ÉDITION DE CE CONCOURS DÉDIÉ AU RÉPERTOIRE CONTEMPORAIN, LES ÉLÈVES INSCRITS EN OPTION MUSIQUE ONT SACRÉ JEAN-BAPTISTE ROBIN POUR SA PIÈCE MECHANIC FANTASY.

e 15 mars dernier, près d’un millier de lycéens venus de toute la France étaient réunis à l’Auditorium de la Maison de la Radio pour assister à la cérémonie de remise du Grand Prix Lycéen des Compositeurs

L

10 Q CLASSICA / Avril 2018

décerné cette année à JeanBaptiste Robin qui présentait une pièce pour orgue, orchestre à cordes et timbales intitulée Mechanic Fantasy. Créé en 2000 par La Lettre du musicien et piloté depuis 2013 par Musique Nouvelle en Liberté, ce concours est unique en son genre. S’il existe de

nombreux prix lycéens pour la littérature ou le cinéma, il n’y avait pas d’équivalent pour la musique classique, à plus forte raison pour la musique contemporaine: le Grand Prix Lycéen des Compositeurs a donc été conçu pour combler ce manque; il offre chaque année à plusieurs milliers

d’élèves inscrits en option musique la possibilité de rencontrer des compositeurs et de se plonger dans leur création avant de choisir leur lauréat. Il s’agit là d’un véritable travail de fond. Six mois avant l’annonce des résultats, un jury de professionnels de la musique établit

HORLOGERIE MÉCANIQUE Né en 1976, Jean-Baptiste Robin s’est formé au Conservatoire de Paris. Il a étudié l’orgue avec Olivier Latry et Michel Bouvard, l’écriture avec Jean-François Zygel, Edith Lejet, Jean-Claude Henry et Olivier Trachier, et

ANAËLLE TRUMKA

Tanguy (Evocations), noms qui témoignent du dynamisme de cette discipline. Agréablement surpris par l’enthousiasme des lycéens et leur curiosité à l’égard de la musique contemporaine, le compositeur Luca Antignani a déclaré cette année : « Finalement, on rencontre les mêmes interrogations que nous, compositeurs et artistes en général, nous posons au quotidien. Il s’agit de questions, parfois même fondamentales, qui nous aident à faire la lumière sur nos parcours et nos convictions esthétiques. » L’organiste JeanBaptiste Robin, lauréat du concours 2018, a échangé sur son œuvre avec les lycéens dans le cadre inhabituel des églises : « Il y a une part de timidité et de pudeur chez ces jeunes gens, mais ils brûlent de l’intérieur.J’attendais une seule chose : laisser opérer la spontanéité et le naturel pour ouvrir les portes de leur univers et leur faire partager ma passion pour la musique. »

« La passion de la musique confère une dimension unique qui apporte un sens profond à la vie » l’orchestration avec MarcAndré Dalbavie. Il s’est perfectionné dans la classe de George Benjamin, au King’s College of Music de Londres. Actuellement organiste de la chapelle de Versailles, il enseigne aussi l’écriture dans plusieurs conservatoires. Sa pièce pour orgue, orchestre à cordes et timbales, Mechanic Fantasy, qui a remporté le Grand Prix des Lycéens,s’inspire de l’horlogerie mécanique.

F. TRIQUET

une liste d’œuvres puisées dans un large répertoire qui mélange musique de chambre, musique symphonique et opéra.Au programme de cette année figuraient un trio de LucaAntignani,une pièce pour orgue de Jean-Baptiste Robin, une autre pour violoncelle solo d’Éric Montalbetti, une œuvre à huit voix de Zad Moultaka, un poème symphonique de Bechara El-Khoury et un opéra de Brice Pauset. Durant les mois suivants, les élèves étudient le programme avec leurs professeurs, analysent les textes en profondeur et se familiarisent avec les enjeux de la musique contemporaine. Les compositeurs participent activement à cette phase de découverte en se déplaçant dans toute la France pour rencontrer les lycéens et échanger avec eux. La spontanéité est encouragée, les élèves sont incités à poser toutes les questions qui les taraudent : « Qu’avez-vous étudié au lycée? Pouvez-vous vivre de votre art? Pourquoi avoir choisi la musique contemporaine ? Que pensezvous de la musique actuelle ? Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut se lancer dans la musique ? » Au terme de ces discussions, les élèves sont ensuite invités à rédiger un petit essai qui expose les raisons de leur choix. Au printemps, tous se retrouvent à Paris pour assister en direct à la révélation du lauréat et à un concert de musique contemporaine live. Outre le prix, l’heureux élu se voit également offrir une commande dont la création ouvre la cérémonie de l’édition suivante. Au nombre des lauréats des années précédentes, on compte Baptiste Trotignon (Different Spaces), Karol Beffa (Concerto pour alto et orchestre à cordes), Pierre Jodlowski (Time & Money), Philippe Hersant (Ephémères) ou encore Éric

Parfaitement adaptée à son instrument de prédilection, cette mécanique du temps dessine des mélodies circulaires qui traversent toute l’œuvre du compositeur. Au centre de la pièce, un récitatif, à l’architecture complexe, exprime toute la beauté d’un instrument trop souvent cantonné au répertoire religieux. Visiblement très touché par l’engouement des lycéens pour sa composition, JeanBaptiste Robin leur délivre cet ultime message: « Je conseille à tous les lycéens qui s’orientent vers la musique de croire intensément en eux et de se donner pleinement dans cet art, sans relâche. Les professions musicales sont vastes, mais cette passion leur confère une dimension unique qui, au-delà de simplement gagner sa vie, apporte un sens profond à la vie. » La 20e édition du Grand Prix Lycéen des Compositeurs et la création de Jean-Baptiste Robin auront lieu le 4 avril 2019 à Radio France. X Lou Héliot CLASSICA / Avril 2018 Q 11

PLANÈTE MUSIQUE I WEB

NOTES ET FAUSSES NOTES

Blogs, Facebook, Twitter, Instagram, YouTube, Pinterest… Classica a surfé sur Internet pour y dénicher des pépites.

Par Clément Serrano

CONNAISSEZVOUS LA MÈRE DE Debussy ?

L

TRUMPÉ PAR LA MARCHANDISE

’INA rediffuse sur sa chaîne YouTube les meilleures séquences de la populaire « Opinions sur rue », série de micros-trottoirs menés par le journaliste Gérard Pabiot pour Antenne 2. À l’époque, parmi les

thèmes abordés,la musique classique fut celui qui fit le plus de bruit: fugues et autres délits de Jean-Sébastien Bach, relation douteuse entre Chopin et des Polonaises, « Cosy » Fan Tutte à prix abordable. X

£ www.youtube.com/watch?v=lawTltB3N5o

J

«

e pourrais raconter le Ring en deux heures. Pas besoin d’une journée comme Wagner. Quel idiot ! » Classic FM imagine en dix tweets les réactions du président américain Donald Trump face aux chefs-d’œuvre du répertoire classique. Parmi ses cibles : Le Sacre du printemps de Stravinsky, La Bohème de Puccini ou les Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach. X £ www.classicfm.com/discover-music/humour/ donald-trump-reviews-music/

Un alto, ÇATROMPE ÉNORMÉMENT n pourrait croire à un canular, et pourtant cet instrument existe bel et bien. Conçue à la fin du XIXe siècle par Thomas Zach, la viola arpa doit ses formes étranges à la volonté d’expérimenter les limites de l’amplification, appliquée ici sur un modèle de type alto. Un exemplaire est exposé au musée de la Musique, à la Philharmonie de Paris. X

OLE WOLDBYE

O 12 Q CLASSICA / Avril 2018

UNE PAGE CANON

A

mateurs de figures géométriques, de musiques anciennes ou d’expérimentations sonores, la chaîne du YouTubeur américain Jordan Alexander Key est faite pour vous. Ce mois-ci, une vidéo consacrée à l’écoute d’un canon dit « de proportion » : Proverb du compositeur américain Steve Reich. X £ www.youtube.com/ watch?v=YAWobfclhGo

VARIATION ÉTHYLIQUE Arnold Schoenberg se rend dans un bar : « Un gin, je vous prie, mais pas tonique. » Image postée sur la page Facebook de Contemporany Memes Music. X

COMMUNIQUÉ

L’EXCEPTION, GAUTIER CAPUÇON

Musikverein de Vienne fait partie des plus mythiques au monde. Tous les grands musiciens, notamment Brahms, ont joué ici. Son atmosphère est incroyable et son acoustique demeure l’une des meilleures au monde, sinon la meilleure. Parce que j’y ai fait mes débuts et que j’y joue très souvent, j’entretiens une relation très forte avec la Musikverein.

Comme son frère Renaud, le violoncelliste Gautier Capuçon compte parmi les « stars » de la musique classique. Entre deux concerts en France ou à l’étranger, l’ancien juré de l’émission Prodiges sur France 2 répond à toutes les questions… sans exception.—

© Bernard Rouffignac

En musique, quelle est l’exception qui confirme la règle ?

Le meilleur moment de la journée, sauf exception ? — Le concert, bien sûr, qui réunit trois grands moments en un. Avant le spectacle, il y a cette sensation de trac indispensable pour mieux se concentrer. Puis, sur scène, ces instants de plaisir entre plénitude et sauvagerie en fonction de l’œuvre jouée, de la salle et du public. Enfin, une fois le concert terminé, je redescends de mon nuage avec un sentiment d’accomplissement.

Une personnalité exceptionnelle avec laquelle vous rêvez de jouer ? — J’aurais adoré partir en tournée avec le violoncelliste, alpiniste et

comédien Maurice Baquet. Nous partagions l’amour de la musique comme celui de la nature. Je lui ai rendu hommage en me rendant en haut d’un sommet pour tourner un clip. Nous avons d’ailleurs failli jouer ensemble, mais il est hélas parti trop tôt…

Le concert ou la rencontre musicale auquel vous auriez rêvé d’assister ? — On a tous en mémoire ces images de Rostropovitch jouant une suite de Bach le jour de la chute du mur de Berlin. Tout enfant, j’avais déjà conscience qu’il s’agissait d’un événement extraordinaire. Un moment majeur de l’histoire politique et musicale.

« Sur scène, il faut s’abandonner à une certaine forme de lâcher-prise. » — L’instrument le plus étonnant que vous ayez eu entre les mains ? — Lors d’un concert en Chine, j’ai découvert l’erhu,un instrument traditionnel fascinant, doté de deux cordes et d’un très long manche. Les sons qu’il produit, difficilement traduisibles en mots,nous plongent dans une autre époque.

Une salle de concert extraordinaire ? — Surnommée la « salle dorée », la

— La musique classique est un art qui demande une exigence et une rigueur extrêmes : on cherche tous à se rapprocher d’une perfection technique qui n’existe pas. C’est d’autant plus paradoxal que, sur scène, il faut laisser cette obsession de côté pour s’abandonner à une certaine forme de lâcher-prise.

Qu’est-ce qui rend Lexus particulier à vos yeux ? — Je suis attaché au fait que Lexus compte parmi les pionniers en matière de motorisations hybrides. Ce qui me marque le plus, c’est l’élégance des lignes et la fluidité de conduite de ses véhicules. Des qualités qui ne sont pas sans rapport avec la musique classique ! e

Après Antoine de Maximy (voyage), Gérard Masson (arts numériques), Christian Constant (gastronomie), Lexus invite le violoncelliste français Gautier Capuçon à partager les moments exceptionnels qu’il a vécus ou rêve de vivre. Depuis sa création en 1989, Lexus crée des véhicules de luxe qui allient technologies innovantes et plaisir de conduite. À travers la série Experience by Lexus, la marque vous invite à célébrer sa philosophie. Experience by Lexus.

PLANÈTE MUSIQUE I PÊLE-MÊLE 25e VICTOIRES DE LA MUSIQUE

LES LAURÉATS L’édition 2018 a couronné les meilleurs interprètes de l’année. lacé sous le signe du souvenir, l’événement a d’abord rendu hommage à d’illustres noms qui ont marqué son histoire, dont Natalie Dessay, Michel Portal, Yehudi Menuhin… La récompense des grands talents du moment, ou à l’aube de leur carrière, s’est révélée passionnante! La mezzo Eva Zaïcik est sacrée Révélation lyrique et le violoncelliste Bruno Philippe Révélation soliste instrumental. C’est un autre violoncelliste, Victor Julien-Laferrière, vainqueur du Concours Reine Elisabeth, qui devient Soliste de l’année. La soprano Sabine Devieilhe

THIBAUT VOISIN

THIBAUT VOISIN

P

sort, quant à elle, auréolée de ces Victoires avec deux prix : celui de l’Artiste lyrique de l’année, devant ses collègues barytons Ludovic Tézier et François Le Roux, et celui du Meilleur enregistrement pour son album Mirages, mêlant airs d’opéras et mélodies, réalisé en collaboration avec Alexandre Tharaud et l’ensemble Les Siècles, sous la direction de François-Xavier Roth. C’est enfin le compositeur Karol Beffa qui remporte le prix du Compositeur de l’année grâce à son œuvre Le Bateau ivre pour orchestre symphonique. X Laetitia Giorgi

PASS CULTURE

LE CHANTIER EST LANCÉ! e Pass Culture, promesse du candidat Emmanuel Macron, est en construction. Le 6 mars dernier, la ministre de la Culture,Françoise Nyssen, a lancé le début des travaux d’un comité d’orientation rassemblant une quarantaine d’acteurs culturels.Loin du simple chèque-cadeau, ce pass consistera en une application géolocalisée, à la fois catalogue des activités culturelles à proximité et moyen de paiement crédité de 500 euros pour

L

14 Q CLASSICA / Avril 2018

les jeunes de dix-huit ans.Deux caractéristiques de cet instrument sont encore à déterminer: la durée d’utilisation, qui serait d’un an, et le périmètre des offres culturelles proposées. Plusieurs lycéens, participant aux ateliers de travail organisés depuis décembre, soulignent le peu d’impact qu’aurait une mesure d’une si courte durée. Et puis, doit-on inclure jeux vidéo, gastronomie et voyage culturel dans ce pass? Tout l’enjeu consiste à trouver un équilibre entre la volonté de

EMILIE BROUCHON

Cette appli mobile géolocalisée permettra aux jeunes de dix-huit ans de financer leurs activités culturelles pendant un an.

laisser les jeunes usagers libres de leurs choix et celle de mettre en avant des arts qui n’ont pas forcément la cote, théâtre, musées, concerts de musique classique, opéras… Entre potentiels dysfonctionnements, manque d’attractivité ou même

risque de revente au marché noir, le gouvernement a du travail, d’ici à la première phase de test cet été,pour éviter ces écueils et être à la hauteur des ambitions d’un pass « révolutionnaire », selon les mots de la L. G. ministre. X

L’ALPHABET DE VINCENT BOREL

’est le chaos qui règne avant

C

l’interprétation, celui d’un groupe de musiciens où chacun cherche son ton. Fascinant moment musical que l’orchestre émergeant de sa cacophonie. Rebel dans Les Éléments, Rameau à l’ouverture de Zaïs, Haydn à l’aube de sa Création semblent s’en être amusés. Puis le premier violon arrive, porteur de la flamme qui va mettre chacun d’accord. Comme Prométhée, ou comme

LE MAGAZINE BEETHOVEN par Murray Perahia 1 • Sonate n°29 « Hammerklavier » : Allegro 10’09 Extrait du CD Deutsche Grammophon 479 8353

BEETHOVEN par Nikolaus Harnoncourt 2 • Missa Solemnis : Kyrie 12’12 Extrait du CD Teldec 9031 74884 2

SDP

SDP

A

COMME ACCORD

SUR LE CD CLASSICA

ce corbeau, porteur de lumière présentdanstouteslesmythologies de l’arc Pacifique, le violon luciférien garantit l’unité de l’harmonie à venir. Où est-il allé la chercher? Au clavier, s’il y a un piano sur scène; peut-être sur un diapason frappé dans l’ombre des coulisses. Le terme accord est apparu dans la langue musicale au XIIe siècle, à Notre-Dame de Paris, lorsque Léonin et Pérotin commencèrent à conduire les sons sur la palette des tons. S’accorder, c’est étymologiquement mettre

ensemble les cœurs (cordis) ou les cordes (chorda) , note le Robert d’Alain Rey. Cette réunion coordonnée de sons simultanément joués possède également un autre sens, synonyme de cohésion, de réconciliation, de traité de paix. Juridiquement, l’accordeur est le conciliateur. Il désignera ensuite l’artisan qui met l’instrument au diapason. Une fois ce travail effectué, la symphonie peut commencer. Elle sera donnée par la philharmonie, aux origines une société réunissant les amoureux de la musique. Dès lors, peu importe qu’il faille jouer les désaccords de Boulez, les monstres de Bruckner ou les cathédrales de Bach, la symphonie et la philharmonie se sont instituées utopie d’âmes concordantes. L’accord met notre chaos humain au même diapason. Prova d’orchestra, aurait dit Fellini. X  V. B.

BACH par Jean-Guihen Queyras Suite pour violoncelle n°5 3 • Sarabande 3’20 4 • Gavottes I & II 4’59 2’06 5 • Gigue Extrait de l’album Harmonia Mundi HMC 901970.71

LES CHOCS DU MOIS SANCES par Deborah Cachet et Scherzi Musicali 6 • « Misera, hor si ch’il pianto » 6’10 Extrait du CD Ricercar RIC 385

W. F. BACH par Claudio Astronio 7 • Fantaisie en do mineur Fk. 16 7’01 Extrait du coffret Brilliant Classics 94240

RAMEAU par Stéphane Degout et Raphaël Pichon 8 • Dardanus : « Voici les tristes lieux… Monstres afreux » 3’51 Extrait du CD Harmonia Mundi HMM 902288

DEBUSSY par Maurizio Pollini Préludes, Livre II 9 • Brouillards 2’37 2’25 10 • Feuilles mortes Extrait du CD Deutsche Grammophon 479 8490

SCHUMANN par Gérard Poulet et Jean-Claude Vanden Eynden 11 • Sonate pour violon et piano n°1 : Lebhaft 5’34 Extrait du CD Le Palais des Dégustateurs PDD011

LA TRIBUNE DES CRITIQUES DE DISQUES TOUS LES DIMANCHES, SUR FRANCE MUSIQUE, DE 16 H À 18 H, JÉRÉMIE ROUSSEAU PRÉSENTE « LA TRIBUNE DES CRITIQUES DE DISQUES ». LE 1ER AVRIL: Rikadla de Janácek / LE 8 AVRIL: Autour de Donizetti, Verdi, Ofenbach LE 15 AVRIL: Symphonie n°40 de Mozart / LE 22 AVRIL: Quatuor avec piano de Schumann LE 29 AVRIL: Préludes de Rachmaninov

FAURÉ par Billy Eidi 12 • Barcarolle n°12 Extrait du CD Timpani 1C1247

3’28

RETROUVEZ CHAQUE MOIS LES CHOCS DE CLASSICA SUR

Enregistrement en public le jeudi, à 19 heures, au studio 109 de la Maison de la Radio. Renseignements : www.francemusique.fr CLASSICA / Avril 2018 Q 15

PLANÈTE MUSIQUE I CINÉMA/LIVRES/THÉÂTRE GRAND ÉCRAN

MADEMOISELLE PARADIS Inspiré de la vie de Maria Theresia von Paradis, une pianiste aveugle, ce film nous plonge au cœur de la société viennoise du XVIIIe siècle. Une réalisation classique, mais bien interprétée.

SOUVENIRS DE CHOPIN vec la fraîcheur, la limpidité et l’aptitude à l’émerveillement qui ont fait son succès, Éric-Emmanuel Schmitt ouvre un nouveau chapitre musical de sa vie. Celui de ses années d’étudiant à Normale Sup, quand un jour, se remémorant un choc éprouvé, garçonnet, par une page de Chopin interprétée par sa vieille tante Aimée, il entreprend de se remettre au piano. Et le jeune homme de découvrir les secrets du compositeur, en compagnie d’une professeure polonaise excentrique, vivant au milieu de ses chats, une certaine Madame Pylinska… L’initiation commence, qui ne sera pas de tout repos. Après Ma vie avec Mozart et Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent, voilà un joli récit de souvenirs, à la fois tendre et didactique. X Jérémie Rousseau

C. SCHULZ

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vides de pouvoir et de reconnaissance, les Von Paradis n’aspirentqu’àunechose: faire de leur fille Maria Theresia la coqueluche des cercles mondains. Seulement voilà, Maria Theresia est aveugle, repoussante, sensible et fragile. Ses talents de pianiste font d’elle un simple objet de curiosité, tandis que sa vie de femme est

A

sujette à de nombreuses moqueries. La venue en ville du grand mais discutable magnétiseur Franz Anton Mesmer sera peut-être la solution à tous ses maux. Réalisé par Barbara Albert, Mademoiselle Paradis retrace l’histoire vraie de cette rencontre entre deux êtres jugés trop marginaux pour leur époque, délivrant avec justesse

et raffinement un portrait cynique de la société viennoise du XVIIIe siècle. Si la réalisation et l’écriture peuvent paraître un poil académique,on ne peut que saluer la prestation des acteurs. Mention spéciale à Maria-Victoria Dragus dont l’interprétation de la jeune pianiste atteinte de cécité est C. S. criante de vérité. X £ Sortie en salles le 4 avril.

LADIVAÀ BROADWAY epuis quelque temps déjà, Renée Fleming avait pris ses distances avec les scènes lyriques. Pour se concentrer sur une carrière de concertiste uniquement ? Évidemment non, la grande soprano américaine a plus d’une corde à son arc. Dans un air très jazzy, c’est elle qui enregistre la bande-son du film La Forme de l’eau

DECCA / ANDREW ECCLES

D 16 Q CLASSICA / Avril 2018

récemment primé aux Oscars. Et c’est sur les planches de Broadway qu’on la retrouve depuis février dernier dans Carousel de Rodgers et Hammerstein. Mais il n’est pas non plus question d’un adieu définitif à ses premières amours, seulement de réaliser un peu moins de performances face à ce « sport olympien » qu’est L. G. l’opéra. X

£ Madame Pylinska et le secret de Chopin, Albin Michel, 126 p., 13,50 c.

PLANÈTE MUSIQUE I HI-FI

3 questions à STÉPHANE MOUSSU omment s’organise l’activité de la marque Pioneer ?

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Elle se développe sur trois grands axes. D’abord, il y a ce qu’on appelle le « car audio », c’est-à-dire le matériel destiné à équiper les automobiles. Cette branche appartient à 100 % à la maison mère japonaise Pioneer Corporation qui fête cette année ses quatrevingts ans. S’y ajoutent les produits destinés aux DJ, platines tourne-disques et tables de mixage, domaine dans lequel Pioneer est leader mondial. Ce secteur appartient à un fonds d’investissement. Enfin, le département que connaissent sans doute le mieux le grand public et les lecteurs de Classica est celui de l’audiovisuel. C’est Onkyo, une autre entreprise

nippone reconnue dans le monde de la haute-fidélité, possédant toujours ses propres usines de fabrication, qui en est propriétaire depuis 2015. Depuis septembre 2017,celle-ci détient les droits de distribution des produits Teac (acronyme de Tokyo ElectroAcoustic Company) qui se fit connaître par ses modèles destinés aux studios d’enregistrement professionnels. Pioneer, Onkyo et Teac sont donc regroupés sous une même bannière. Quelle est la tendance forte du marché?

La dématérialisation a incontestablement redistribué les cartes et a vu apparaître de nouveaux acteurs. Grâce aux serveurs de musique, au streaming et à Internet, jamais il n’a été aussi simple d’écouter de

ENBREF DIRECTION MUNICH

OPÉRATION FNAC

Z Valery Gergiev a été reconduit à la tête de l’Orchestre philharmonique de Munich. Le chef russe restera directeur musical de la formation jusqu’à la fin de la saison 2024-2025. Le Staatsoper, lui, verra l’arrivée de Serge Dorny comme directeur général à partir de septembre 2021.

Z La Fnac met en avant son catalogue classique et jazz à un prix exceptionnel en déclinant deux thèmes: les « Grandes Voix du Classique et du Jazz » (20 avril au 16 mai) et « Récitals instruments, Concertos et le Blues » (15 mai au 27 juin). Un CD à 7 f et 2 CD à 10 f.

18 Q CLASSICA / Avril 2018

SDP

Le chef de produits et marketing audiovidéo de Pioneer & Onkyo Europe présente le marché du son et ses tendances.

la musique. Chez soi, bien sûr, où l’on peut accéder à une offre infinie, mais aussi à l’extérieur, en déplacement, à l’autre bout du monde. Avec son smartphone, on peut disposer d’une discothèque gigantesque. Cette connexion au réseau est devenue un argument de vente. Nous constatons ainsi que les amplificateurs connectés ont désormais la préférence du public, même s’il existe toujours des amateurs tournés vers le haut de gamme, qui ne cherchent qu’à écouter leurs disques. Nous remarquons également un engouement soutenu pour le multiroom, cette technique qui permet de diffuser sa musique dans différentes pièces à partir d’un équipement de base et d’enceintes supplémentaires. L’écoute de qualité n’est plus réservée à une seule salle, le séjour par exemple, mais elle peut investir n'importe quelle zone: il suffit d’ajouter une enceinte active ou tout autre système compatible pour accéder à l’intégralité de sa bibliothèque musicale.

Si la dématérialisation s’impose, pourquoi présenter la PD-70AE, une platine CD haut de gamme à 2 500 L ?

Il ne faut pas oublier que Pioneer a une très grande expérience dans la lecture optique, nécessaire à l’écoute d’un disque compact ou d’un Blu-ray. Et il faut bien avoir conscience qu’existe un parc de CD absolument énorme et que de nombreux amateurs,notamment de musique classique, restent attachés à leur discothèque. Aussi est-ce pour extraire le maximum d’informations du disque, pour pousser le CD dans ses derniers retranchements, pour en tirer la quintessence, qu’a été conçue cette platine qui lit aussi les SACD et même les DVD-Audio. Elle pèse 18 kg, arbore une épaisse façade en aluminium massif et a profité de toutes les innovations technologiques développées pour le streaming et la haute résolution. Une telle platine invite à redécouvrir ses CD. X Propos recueillis par Philippe Venturini

––––– Cet été, vivez une expérience, à l’accent résolument norvégien, sous le Soleil de Minuit.

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PLANÈTE MUSIQUE I DISQUES

LES MEILLEURES

VENTES

HARMONIA MUNDI

LES CLAVIERS BIEN DISTRIBUÉS

DU 12 AU 18 MARS

’est au clavier dans toutes ses dimensions que Benjamin Alard va consacrer son intégrale Bach : au clavecin et à l’orgue, instruments qu’il juge « très complémentaires ». Une première au

IGOR STUDIO

Le label publie le premier cofret d’une intégrale Bach jouée à l’orgue et au clavecin par Benjamin Alard. disque, confiée à Harmonia Mundi et distribuée en quatorze volumes, avec une signature arithmétique du nom du compositeur (B+A+C+H où A = 1, B = 2, etc.). L’artiste a choisi un parcours chronologique qui permettra de suivre l’évolution d’une œuvre immense, grandie sur le terreau du choral allemand, pour s’épanouir ensuite, nourrie des styles français et italien. Un premier ensemble de trois CD, intitulé « Le Jeune Héritier », nous mène sur les traces du jeune musicien, orphelin à dix ans, recueilli par son frère aîné, Johann Christoph, à Ohrdruf, poursuivant sa formation

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à Lunebourg avant d’obtenir un premier poste d’organiste à Arnstadt. Il inclut également quelques pages de Böhm, Frescobaldi, Froberger, Grigny, Kuhnau, Marchand et Pachelbel. « La plupart de pièces d’orgue et de clavecin enregistrées dans ce premier coffret sont malheureusement à peine connues et peu jouées. Elles sont trop souvent méprisées, déconsidérées, voire injustement qualifiées de mineures [alors qu’elles] témoignent d’un grand génie. » Un avocat si convaincu devrait sans peine captiver son auditoire. X Philippe Venturini £ Harmonia Mundi HMM 902450.52 (3 CD)

no 200

Alain Duault (France 3)

Christian Merlin (Le Figaro)

Francis Drésel (Radio Classique)

Lionel Esparza (France Musique)

Marie-Aude Roux (Le Monde)

Ravel, Debussy, Dutilleux, Quatuor Hermès La Dolce Volta

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Sacre du printemps O. du Festival de Lucerne, Chailly Decca

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Brahms, Dvorák Trio Les Esprits Mirare

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Prokofiev/Suites romantiques Brussels Philh., Stéphane Denève DG

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Beethoven, « Hammerklavier » « Clair de Lune »/Murray Perahia DG

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LES COUPS DE Q

CLASSICA

Sonates pour violon et clavecin Bach/I. Faust, K. Bezuidenhout HM

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Debussy Seong-Jin Cho DG

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Récital Verdi Sonya Yoncheva Sony

Nous aimons… R Un peu RR Beaucoup RRR Passionnément X Pas du tout — N’a pas écouté 20 Q CLASSICA / Avril 2018

1

Enfers Stéphane Degout, Pygmalion, dir. Raphaël Pichon (HM)

2

The Mozart Album Lang Lang (SONY)

3

Echoes (Glass, Rachmaninov) Henri Demarquette, Vanessa Benelli Mosell (DG) Intuition

4 Gautier Capuçon (ERATO)

5

Leçons de ténèbres de Lambert Marc Mauillon (HM)

LES MEILLEURES

ÉCOUTES DU 12 AU 18 MARS

1

Triple Concerto de Beethoven Nicholas Angelich, Anne Gastinel, Gil Shaham, Paavo Järvi (NAÏVE)

2

Debussy L’œuvre complète (ERATO)

3

Sonates de Beethoven Murray Perahia (DG)

4

Larmes de résurrection La Tempête, SimonPierre Bestion (ALPHA)

5

Concertos pour piano de Brahms Adam Laloum, Kazuki Yamada (SONY)

LE SORTIE

 AVRIL

NAISSANCE DE VÉNUS Debussy · Ravel · Schmitt · Poulenc · Messiaen · Milhaud · Canteloube

ARSYS BOURGOGNE · MIHÁLY ZEKE DIRECTION arsysbourgogne.com · paraty.fr

2017 - 2018 DIRECTEUR GÉNÉRAL MAURICE XIBERRAS • DIRECTEUR MUSICAL LAWRENCE FOSTER

La Ville de Marseille, 860 000 habitants (Bouches-du-Rhône), Capitale euroméditerranéenne, 2e ville de France, poursuit sa dynamique d’ouverture et de progrès. Participer à son rayonnement, c’est devenir acteur d’un service public local de qualité, au plus proche des administrés. L’Opéra Municipal de Marseille recrute pour son Orchestre Philharmonique :

2e VIOLON SOLO (1re catégorie) Concours : Lundi 28 mai 2018 à 9h30 Date limite d’inscription : Vendredi 18 Mai 2018 Prise de poste : 13 septembre 2018 Rémunération Brute Mensuelle (Traitement de base + Indemnité de Résidence) : 3 402,75 €

VIOLONCELLE DU RANG (3e catégorie) Concours : Lundi 4 juin 2018 à 9h30 Date limite d’inscription : Vendredi 25 Mai 2018 Prise de poste : 13 septembre 2018 Rémunération Brute Mensuelle (Traitement de base + Indemnité de Résidence) : 2 949,05 €

2e CORNET/ 2e TROMPETTE jouant la 4e TROMPETTE, pouvant jouer la 1re TROMPETTE re

(1 catégorie) Concours : Lundi 11 juin 2018 à 9h30 Date limite d’inscription : Vendredi 1er juin 2018 Prise de poste : 13 septembre 2018 Rémunération Brute Mensuelle (Traitement de base + Indemnité de Résidence) : 3402,75 €

LIEU DE L’AUDITION : Salle de répétition de l’Orchestre 23 Rue François Simon, Belle de Mai 13003 Marseille RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS : Opéra de Marseille Administration de l’Orchestre 2, Rue Molière, 13233 Marseille Cedex 20 [email protected] Téléphone : + 33 (0)4 91 55 21 25

opera.marseille.fr

PLANÈTE MUSIQUE I MÉDIAS RADIO CLASSIQUE

SACRÉ GIOACHINO ! Fin juin, la station difusera en direct du TCE un grand concert dédié à Rossini. st-il besoin de prétexte pour écouter du Rossini? S’il en fallait un, le 150e anniversaire de sa disparition est l’occasion de lui consacrer une de ces soirées dont Radio Classique a le secret. Cela dit, le seul plaisir de se régaler de sa musique est une raison suffisante, surtout au retour des beaux jours! Les 25 et 26 juin prochains, le Théâtre des Champs-Élysées accueillera ainsi deux concerts aux allures de feu d’artifice, pour prolonger idéalement les fastes de la fête de la Musique. « Sacré Rossini » résume bien l’esprit de ce panorama de la production italienne du cygne de Pesaro, alternant versant buffo (Gazza ladra, Barbiere, Cenerentola) et serio (Maometto II, Semiramide, Mosè), tubes incontournables et pages

E

plus rares. Si chacun connaît et fredonne volontiers les grands airs et duos du Barbiere di Siviglia, de la Cenerentola ou encore la tarentelle endiablée qu’est la « Danza », il n’est pas nécessaire d’avoir déjà entendu le Viaggio a Reims pour tomber immédiatement sous le charme de l’élégiaque « Arpa gentil », ni même de parler italien pour savourer l’humour du « Medaglie incomparabili » de Don Profondo. Concocté par Alain Duault, le programme sera présenté par son acolyte Olivier Bellamy et permettra également à une pléiade de chanteurs français de s’illustrer dans les pages les plus exigeantes du bel canto. Impossible de ne pas tous les citer, la mezzo Karine Deshayes en tête, qui parcourt depuis de nombreuses saisons la planète lyrique avec ses Angelina et

Rosina, entourée de la soprano Chloé Chaume,du ténor Kévin Amiel, du baryton Armando Noguera et des basses Jean Teitgen et Thibault de Damas, sans oublier le Chœur Vittoria et l’Orchestre national d’Ile-deFrance,sous la baguette experte de José Miguel Pérez-Sierra. Le meilleur pour la fin: inutile d’être à Paris, aux alentours de l’avenue Montaigne, pour

3 Les

MARCO BORGGREVE

temps forts 22 Q CLASSICA / Avril 2018

profiter de ce festival pyrotechnique qui promet d’être grandiose, le concert du 25 juin est diffusé en direct du TCE sur Radio Classique!X £ « Sacré Rossini », les 25 et 26 juin, au Théâtre des Champs-Élysées, par l’Orchestre d’Île-de-France, dir. José Miguel Pérez-Sierra, présenté par Olivier Bellamy.

10 AVRIL À PARTIR DE 9 H 30 À l’occasion de l’exposition « Napoléon à Sainte-Hélène, la conquête de la mémoire » du musée de l’Armée, Radio Classique installe ses micros sous le dôme des Invalides.

12 AVRIL À 20 H 30 Le pianiste Nelson Goerner (photo) dans le Concerto n°23 de Mozart et la soprano Camilla Tilling dans la Symphonie n°4 de Mahler, accompagnés par l’Orchestre de Paris, sous la direction de Thomas Hengelbrock.

26 AVRIL À 20 H 30 Vadim Repin et l’Orchestre du Capitole de Toulouse, dirigés par Tugan Sokhiev, interprètent depuis la Philharmonie de Paris le Concerto pour violon de Glazounov et la Symphonie n°12 de Chostakovitch.

SUR LE WEB

Les grands concerts Orch. philh. de Radio France, dir. P. Davin. Enreg. à l’OpéraComique en 2018.

FRANCE MUSIQUE 06/04 À 20 H

12/04 À 20 H

Sonates pour piano de Liszt, Beethoven, Brahms, par F.-F. Guy. Enreg. à la Maison de la Radio en 2017.

22/04 À 20 H

Benvenuto Cellini de Berlioz, par J. Osborn, M. Muraro, A. Iversen, Orch. de l’Opéra de Paris, dir. P. Jordan. Enreg. à l’Opéra-Bastille en 2018.

CHRISTOPHE ABRAMOWITZ

Concerto pour violoncelle de Martinu, les Fontaines et les Pins de Rome de Respighi, par S. Gabetta (violoncelle), Orch. philh. de Radio France, dir. M. Franck (photo). En direct de la Maison de la Radio.

27/04 À 20 H 30

France, dir. C. Trinks. En direct de la Maison de la Radio.

13/04 À 20 H

15/04 À 20 H

Totentanz de Liszt, Symphonie n°1 de Rott, par B. Berezovsky (piano), Orch. philh. de Radio

Le Domino noir d’Auber, par A.-C. Gillet, C. Dubois, A. Dennenfeld, F. Rougier,

Requiem de Berlioz, par M.Spyres(ténor),Orch.philh.de Radio France, dir. M. Franck. En direct de la Philharmonie. 29/04 À 20 H

Rodelinda de Haendel, par L. Crowe, B. Mehta, Orch. du Teatro Real, dir. I. Bolton. Enreg. à Madrid en 2017.

TOUS LES SAMEDIS, DE 14 H À 16 H « GÉNÉRATION JEUNES INTERPRÈTES » DE GAËLLE LE GALLIC 7 AVRIL Louise Desjardins (alto) et Flore Merlin (piano) ; Jodyline Miscovic (piano) ; The Curious Bards, dir. Alix Boivert. 14 AVRIL Natalie Pérez (soprano), avec des membres de l’ensemble Les Timbres ; Justine Verdier (piano), Diana Cooper (piano), Tjasha Gafner (harpe), Ekaterina Kornishina (flûte), Aurèle Marthan (piano). 21 AVRIL Edwin Fardini (baryton) et Tanguy de Williencourt (piano) ; Lillian Gordis (clavecin). 28 AVRIL Quatuor Noga.

A. Potter, J. Prégardien, C. Immler, Ens. Pygmalion, dir. R. Pichon. Enreg. à la Cité de la Musique en 2017.

À LA TÉLÉVISION

Le Roi Arthus de Chausson, par R. Alagna, T. Hampson, S. Koch, Orch. de l’Opéra de Paris, dir. P. Jordan, ms. G. Vick. Enreg. à l’OpéraBastille en 2015. Pages réalisées par Sévag Tachdjian

28/04 À 00 H

Requiem de Mozart, Mélodies de Komitas, Khatchaturian, par H. Papian, N. Gubish, T. Martirossian, Armenian World Orch., dir. A. Altinoglu. Enreg. au Châtelet en 2015. ARTE

KARINA SCHWARZ

FRANCE 2 05/04 À 00 H

08/04 À 20 H 30

de Ravel, Petrouchka de Stravinsky, par E. Garanca (mezzo, photo), Berliner Philh., dir. S. Rattle. Enreg. à BadenBaden en 2018. 15/04 À 18 H 35

Danses slaves de Dvorák, par Berliner Philh., dir. S. Rattle. Enreg. à Lucerne en 2016.

01/04 À 17 H 55

MEZZO

Don Juan de R. Strauss, Sieben frühe Lieder de Berg,Shéhérazade

06/04 À 20 H 30

Cantates de Bach, par S. Devieilhe,

Airs d’opéras de Thomas, Delibes, Messager, Stravinsky, par S. Devieilhe (soprano), Les Siècles,dir.F.-X.Roth.Enreg. à la Philharmonie en 2017. 08/04 À 21 H

Un bal masqué de Verdi, par P. Beczala,C.Alvarez,K.Alkema, D. Zajick, Orch. du Liceu, dir. R. Palumbo, ms. V. Boussard. Enreg. à Barcelone en 2017. 17/04 À 19 H

Orlando furioso de Vivaldi, par S. Prina, F. Aspromonte, L. Cirillo, Orch. de la Fenice, D. Fasolis, ms. M. Checchetto. En direct de Venise.

www.culturebox. francetvinfo.fr Z Guerre et Paix de Prokofiev, par A. Bondarenko, A. Garifulina, Y. Matochkina, Y. Akimov, L. Diadkova, V. Gellero, Orch. du Mariinsky, dir. V. Gergiev, ms. G. Vick. Enreg. à Saint-Pétersbourg en 2018. Z Butterfly d’après Puccini, par C. Schnoor, M. Lebègue, G. Vasiliev, A. Heyboer, Orch. de l’Opéra de Limoges, dir. R. Tuohy, ms. J.-P. Clarac, O. Delœuil. Enreg. à Limoges en 2018. concert.arte.tv/fr Z Symphonie n°5 de Mahler, par Orch. du NDR, dir. T. Hengelbrock. Enreg. à Hambourg en 2018. Z Le Barbier de Séville de Rossini, par B. Mihai, B. Taddia, L. Belkina, B. de Simone, Orch. de la Suisse romande, dir. J. Nott, ms. S. Brown. Enreg. à Genève en 2018. www.theopera platform.eu/fr Z Juliette de Martinu, par A. Polacková, P. Berger, O. Koplík, Orch. du Théâtre national de Prague, dir. J. Kyzlink, ms. Z. Gilhuus. Enreg. à Prague en 2018. Z Barbe-Bleue d’Offenbach, par W. Ablinger-Sperrhacke, P. Renz, C. Oertel, V.-L. Böcker, Orch. du Komish Oper, dir. C. Flick, ms. S. Herheim. Enreg. à Berlin en 2018. www.medici.tv Z Nuit sur le mont Chauve de Moussorgski, Concerto pour piano n°2 de Chopin, Suite de L’Oiseau de feu de Stravinsky, par J. Lisiecki (piano), Orch. symph. de Montréal, dir. L. Bringuier. Enreg. à Montréal en 2018. Z The Gospel According to the Other Mary d’Adams, par K. O’Connor, T. Mumford, National Symph. Orch., dir. G. Noseda. Enreg. à Washington en 2018.

CLASSICA / Avril 2018 Q 23

Nouveau disque paru chez CLAVES RECORD

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23 AVR 20 H 00

Astrig Siranossian

violoncelliste

et

l’Ensemble Appassionato 21, 22 et 23 juin

Une Fête de la musique à 103 mètres sous terre au Gouffre de Padirac

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MATHIEU HERZOG

OLIVIER BELLAMY

BEETHOVEN|"$҃"ᠹ "|TCHAIKOVSKY

05 août - Les Musiciens du Louvre - Dixit Dominus de Haendel 08 août - Nicholas Angelich - Bach, Beethoven, Brahms 10 août - Mikrokosmos - La nuit dévoilée 12 août - A nocte Temporis - Erbarme Dich aux Jardins Sothys 13 août - A nocte Temporis - Erbarme Dich à Rocamadour 15 août - Vox luminis - Messe en si de JS Bach 17 août - Michel Bouvard, François Espinasse - Récital d'orgue Bach 19, 20, 22 et 23 août - La Sportelle - Ave Maria, oui mais lequel ? à Loubressac, Carennac, Autoire, Rocamadour

21 août - Ensemble Gilles Binchois - Messe de Machaut 24 août - Exosphère - Petite Messe Solennelle de Rossini

7 rue Boudreau 75009 Paris

5 et 6 octobre

Soirées prestige autour de Rossini Musique et gastronomie Château de Mercuès et Château de la Treyne

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01.53.05.19.19

Réservation / billetterie 06.52.74.01.06 [email protected]

www.rocamadourfestival.com uo7b|r-u(bu;;mvbt;v

L’HUMEUR

D’ALAIN DUAULT

Trop belle pour eux ! omme les réseaux sociaux qui sont bien souvent fascine toute une nouvelle génération, laquelle ne s’offusque les égouts de la haine ordinaire,les entractes sont pas, bien au contraire, de son apparence glamour qui s’insbien souvent le déversoir de la bêtise satisfaite. crit parfaitement dans notre époque où le regard est souvent Ainsi j’assistais récemment, dans le bel Audito- modelé par le cinéma. Mais Khatia Buniatishvili va jusqu’au rium de la Maison de Radio France,à un concert bout d’elle-même, comme en son temps Maria Callas ou de l’Orchestre philharmonique de Radio France, Jim Morrison, ces artistes qui ont su se consumer pour leur sous la direction de son chef Mikko Franck et avec, en soliste, art : « Ce que les jeunes apprécient dans mes concerts comme Khatia Buniatishvili pour le Concerto dans des concerts de rock, remarquen°2 de Rachmaninov. Interprétation t-elle, c’est que je donne tout sur superbe, tout en contrastes subtils, scène. Il n’y a pas de limites à la persans effet de manche, sans pathos, formance, comme s’il n’y avait pas de mais avec une agogique continuellelendemain. » ment tenue et, surtout, une profuPourquoi les coincés voudraient-ils sion de couleurs sans cesse réinvesties que des femmes comme ces jeunes pour dessiner le paysage intérieur pianistes soient ramenées à leur seule (dans le deuxième mouvement en apparence qui empêcherait de les particulier !) : mon bonheur était entendre? Mais un homme comme complet… jusqu’à ce que j’entende le formidable violoniste Nemanja dans le brouhaha de l’entracte cette Radulovic,au look et aux tenues pluphrase péremptoire : « Elle montre tôt inhabituels dans le monde du plus que ce qu’elle fait entendre ! » concert classique, a eu aussi à subir L’imbécillité du propos alliée à la vulgarité du sous-entendu quelques moues affligées de ces mêmes tenant d’un « ordre » graveleux signait le caractère de son auteur – mais elle renvoyait, qui ne supporte pas la liberté d’allure et veut tout encadrer dans hélas,au-delà de cet avorton intellectuel prenant son onanisme un goulag de l’apparence. Lemonde de l’opéra est aussi plein pour un critère de vertu, à cette dérive sexiste réelle qui (et ce de ces mêmes inquisiteurs bornés, reprochant à Angela n’est pas nouveau) frappe les femmes artistes. Gheorghiu ou à Olga Peretyatko des décolletés plongeants On se souvient des mines de précieux dégoûtés de tant de (dans lesquels peut-être voudraient-ils se plonger…) ou à Jonas critiques rances au moment de l’apparition Kaufmann ou encore à Vittorio Grigolo un phylumineuse d’Hélène Grimaud, trop belle pour sique de latin lover à chavirer ! Ne sont-ils pas être une bonne pianiste !… Aujourd’hui encore, pourtant d’abord d’extraordinaires artistes ? À la jeune Yuja Wang déclenche des tombereaux rebours, s’est-on jamais offusqué de la relative d’insultes sur ses tenues sexy de la part de ceux laideur de certains ou certaines interprètes qui qui semblent ne même pas écouter son jeu pourrait « gêner » une écoute « tranquille » de la ardent. Elle a d’ailleurs fort bien répondu à cette musique?… On ne peut aujourd’hui vouloir souRetrouvez critique dans une interview au Telegraph en tenir les femmes dans leur volonté d’être respectées ALAIN DUAULT 2014 : « J’ai vingt-six ans, je m’habille comme une qu’en respectant aussi,derrière l’apparence qu’elles dans femme de vingt-six ans. » Quant à Khatia Buniase choisissent, leur vérité d’artiste – n’en déplaise « Duault classique ». tishvili, traitée de « Betty Boop du piano » dans à l’imbécile aux oreilles et aux artères bouchées du tous les jours, de 17 h à 18 h Madame Figaro (!), c’est son énergie en scène qui concert de Khatia Buniatishvili! X

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Un ordre qui ne supporte pas la liberté d'allure

CLASSICA / Avril 2018 Q 25

SORTIR

LES ESSENTIELS Notre sélection du 1er au 30 avril 2018 PARIS THÉÂTRE DES BOUFFES DU NORD 20, 21, 24, 25, 26, 28, 30 avril, 2 et 3 mai The Beggar’s Opéra ombien de spectacles ensemble ? Beaucoup, et des mythiques. Aussi ne ratera-t-on pas les énièmes retrouvailles entre William Christie et Robert Carsen, à l’œuvre ici pour The Beggar’s Opera (L’Opéra du gueux) de John Gay et Johann Christoph Pepusch, créé à Londres en 1728.

Neuf musiciens des Arts Florissants et une quinzaine de comédiens/ chanteurs s’approprieront ce conte féroce et satirique qui prend place dans les bas-fonds de la capitale anglaise. Voleurs, prostituées, politiciens corrompus: tout y passe sur une brochette de chansons à la mode, l’ouvrage

océanographe, l’autre échue à Julien Gauthier, musicien voyageur qui a imaginé son œuvre

lors d’une mission avec des scientifiques sur les îles Kerguelen. Durant les concerts, photos d’océan et

RENNES COUVENT DES JACOBINS 20 et 21 avril 40e Rugissants a journée de la Terre est le prétexte, mais c’est bien la mer qui scintillera sur ces deux soirées bretonnes des « 40e Rugissants ». Du contre-amiral

L

£ www.o-s-b.fr. 26 Q CLASSICA / Avril 2018

et compositeur Jean Cras (1879-1932), familier de l’Orchestre de Bretagne, on entendra le Concerto pour piano emporté par François Dumont, tandis que le chef Grant Llewellyn fera souler le vent des Interludes marins de Peter Grimes de Benjamin Britten. Au milieu, deux créations, l’une confiée à Benoît Menut, intitulée Anita, page en l’honneur d’Anita Conti, première femme

£ 01 46 07 34 50. www.bouffesdunord.com.

LABTOP / JEAN GUERVILLY

SDP

C

ressortissant au genre du ballad opera, ancêtre de l’opérette et de la comédie musicale. « Rien n’a vraiment changé depuis la création du spectacle, et les thèmes de L’Opéra du gueux continuent de hanter la télévision et le cinéma, annonce Carsen. Nous essaierons de faire revivre l’atmosphère de transgression et d’inépuisable énergie qui anime l’œuvre originale. » Tournée et reprises à venir. X

d’horizons lointains défileront sur grand écran, histoire que la musique respire le grand air du large. X

PARIS THÉÂTRE DES CHAMPSÉLYSÉES 3 avril Fazil Say

D MARIE STAGGAT

es touches jazzy, des bribes de folklore, des mélodies têtues et des rythmes pimpants, la musique de Fazil Say accroche d’emblée. C’est pour Camille Thomas que le pianiste turc a écrit son concerto pour violoncelle Never Give Up,

ÉGLISE SAINT-FERDINAND 16 avril Quatuor Modigliani

Q

uatre jours, quatre concerts, et le début d’une aventure: à la fois pour Arcachon et pour le Quatuor Modigliani

qui prend la direction artistique de ce tout nouveau festival de musique de chambre, entièrement placé sous le signe de Schubert. Le violoncelliste Pablo

le 19,avec les Modigliani et Braley. Fermeture des schubertiades le 20 au soir, à l’église Notre-Damedes-Passes du Moulleau, avec un récital d’Adam Laloum autour du chantre de ces soirées. À faible coût: 78 b pour un pass ouvrant aux quatre rendez-vous. X

Hernandez rejoint les quatre complices pour le Quartettsatz et le Quintette le 16 avril. Le jour suivant, Henri Demarquette, Frank Braley et Amaury Coeytaux livrent Arpeggionne et Deuxième Trio au Théâtre Olympia où le Quintette « La Truite » se glissera

£ 05 57 52 97 75/www.enkiea.fr/arcachon.

MASSY OPÉRA 12 avril Ensemble Aedes

£ www.ensemble-aedes.fr.

GERALDINE ARESTEANU

E

n oratorio, dans les chefs-d’œuvre du baroque ou à l’opéra, chantant et jouant avec un naturel sidérant (souvenez-vous de Carmen, l’été dernier, à Aix), l’Ensemble Aedes est devenu en quelques saisons

l’un des chœurs français les plus complets, précis et expressifs, son clair et coloré,

MARCO BORGGREVE

ARCACHON

et couvrant un bien joli répertoire. Mathieu Romano, son fondateur et directeur artistique,

aime varier les styles et les plaisirs, de Roland de Lassus à Richard Dubugnon en passant, pourquoi pas, par Brel et Barbara. Renforcé par une vingtaine d’instrumentistes des Siècles, le voilà qui, du printemps à l’été, dirige d’alléchantes soirées de musique française, où Poulenc et Debussy encadreront le Requiem de Fauré. Après Massy, suivront L’Épeau, Lessay et Vézelay. X

que les mélomanes découvriront en première mondiale au Théâtre des Champs-Élysées. Auparavant, Say aura donné le Troisième Concerto pour piano de Beethoven – avec ses propres cadences, vous imaginez bien – et toujours aux côtés de l’Orchestre de chambre dirigé par Douglas Boyd, qui enchaînera en seconde partie avec la Symphonie n°86 de Haydn. Soirée palpitante. X £ www.orchestrede. chambredeparis.com. CLASSICA / Avril 2018 Q 27

SORTIR I LES ESSENTIELS VERSAILLES SDP

CHAPELLE ROYALE 4 avril Jean-Christophe Spinosi et Matheus

LYON AUDITORIUM 6 et 7 avril Joshua Bell

i vous les avez manqués au mois de mars en Bretagne, il reste deux occasions d’entendre Jean-Christophe Spinosi et Matheus dans ce programme qui exalte les fastes du baroque italien, enchaînant le Dixit Dominus de Haendel et le Gloria de Vivaldi, compositeur que le chef violoniste a sans doute le plus dirigé (même programme à la Chapelle de la Trinité de Lyon, le 5). X

PARIS OPÉRABASTILLE 27, 30 avril, 5, 10, 13, 16, 20, 23 mai Parsifal

L

a tradition veut que, par son sujet, Parsifal se glisse au sein du calendrier pascal. Or, là, près de trois semaines auront passé entre le dimanche 1er avril et la première de

la grand-messe wagnérienne à l’Opéra-Bastille. Troisième production dans les lieux de l’ouvrage après la tentative poussive de Graham Vick (1997-2003) et le naufrage de Krzysztof Warlikowski sous l’ère Mortier, il y a dix ans, le nouveau Parsifal parisien sera réglé par le Britannique Richard Jones qui signa jadis à Garnier un merveilleux Enfant et les Sortilèges.

Pourtant, son atout, ici, sera d’abord son chef (Philippe Jordan, photo), les forces de la maison et l’un des plateaux les plus somptueux dont on puisse rêver (Günther Groissböck en Gurnemanz, Peter Mattei en Amfortas, Anja Kampe en Kundry, Andreas Schlager en Parsifal). Huit représentations en tout, débutant à 18 h en semaine et 14 h le dimanche. X

£ www.chateauversailles-. .spectacles.fr.

£ www.operadeparis.fr.

n tout Beethoven par Joshua Bell : le violoniste américain part à l’assaut du Concerto pour violon avec l’Orchestre national de Lyon, qu’il dirigera par la suite en personne dans l’ouverture d’Egmont et la Symphonie n°7, lui qui est, rappelons-le, le successeur de Neville Marriner à la tête de l’Academy of St Martin in the Fields. Trois jours plutôt (le 3 avril), avec son complice, le pianiste Sam Haywood, il aura joué Strauss, Mozart et Schubert à la Philharmonie de Paris. Un Bell avril. X

U

WDR / SHEILA ROCK

JULIA WESELY

S

£ 04 78 95 95 95. .www.auditorium-lyon.com.

IL EST TEMPS DE RÉSERVER

28 Q CLASSICA / Avril 2018

Le directeur du Los Angeles Philharmonic et son orchestre débarquent à la Philharmonie, pour Varèse/Chostakovitch/ Adams, le premier soir, et Bernstein/Beethoven, le second.

GERMANIA À LYON Du 19 au 30 mai SDP

Sabine Devieilhe, Guillaume Andrieux, Jean-François Lapointe, l’Orchestre de chambre Pelléas dirigé par Benjamin Lévy : distribution superlative pour le drame de Debussy en concert.

GUSTAVO DUDAMEL À PARIS 5 et 6 mai SDP

SDP

PELLÉAS AU TCE Le 2 mai

Une fable grinçante sur les tragédies du XXe siècle d’après Heiner Müller : Alexander Raskatov en signe le livret et la musique, la création mondiale est confiée à Alejo Pérez et John Fulljames.

AVIGNON CHAPELLE DE L'ORATOIRE 15 avril Justin Taylor

D

SDP

TOURS OPÉRA 13, 15, 17 avril Le Songe d’une nuit d’été

grandavignon.fr.

£ www.operadetours.fr.

e chef québécois et son Orchestre philharmonique de Rotterdam ont pris leurs quartiers avenue Montaigne : pour leur escale parisienne, ils commenceront par Haydn, avec la Symphonie n°49,

L

dite « La Passione », puis fileront chez Rachmaninov et son plus rare Quatrième Concerto, où Yuja Wang promet d’être décoifante, et finiront par la Quatrième Symphonie de Tchaïkovski. X

£ www.theatrechampselysees.fr.

PHAËTON À VERSAILLES 30 mai SDP

PAPPANO À BORDEAUX 21 mai SDP

26 avril Yuja Wang et Yannick Nézet-Séguin

£ www.opera.

Le chef de la maison, Benjamin Pionnier, est en fosse et, sur scène, Jacques Vincey réinvente la comédie de Shakespeare, ses elfes, ses princes et ses impayables artisans. X

Ligeti (Concert Romanesc) et Brahms (Sérénade n°1 et Concerto pour violon) s’enchaînent sous la baguette de Pappano, à la tête du Chamber Orchestra of Europe, rejoint par Lisa Batiashvili.

THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES

Après sa création à Perm, la tragédie en musique de Lully et Quinault, spectacle du tandem Vincent Dumestre/ Benjamin Lazar, enchantera Versailles pour quatre soirées.

FESTIVAL D’AIX Du 4 au 24 juillet SDP

U

PARIS

JEAN-BAPTISTE MILLOT

ne musique d’argent, des voix en apesanteur et un rêve d’opéra: l’Opéra de Tours donne pour la première fois de son histoire A Midsummer Night’s Dream de Benjamin Britten (1960).

NORBERT KNIAT / DG

epuis son Premier Prix en 2015, à l’âge de vingt-trois ans, au Concours international de clavecin de Bruges, Justin Taylor poursuit son ascension, en solo ou à la tête du Consort qui porte son nom. Il a baptisé « Chromatismes » le récital qu’il ofrira, en Avignon, autour de Bach, Rameau, Sweelinck, Scarlatti et Soler. X

Ariane à Naxos, L’Ange de feu, La Flûte enchantée, Didon et Énée : l’édition 2018, la dernière signée Bernard Foccroulle, approche: pour le 70e anniversaire du festival, les places vont s’arracher.

CLASSICA / Avril 2018 Q 29

SORTIR I LES ESSENTIELS BERLIN STAATSOPER

e chant en anglais, le texte en allemand, mais le King Arthur en entier : René Jacobs, Sven-Eric Bechtolf et Julian Crouch se lancent dans une version contemporaine et déjantée du semi-opéra de Henry

L

£ www.staatsoper-berlin.de.

Purcell et John Dryden, à grand renfort de chanteurs et d’acteurs. Hasard des calendriers : Leonardo García Alarcón et son ensemble s’y attellent au même moment, avec le concours de Marcial Di Fonzo, au Grand Théâtre de Genève, du 26 avril au 9 mai. X

SAM STEPHENSON

6, 10, 11, 19, 21 mai King Arthur

GLYNDEBOURNE OPÉRA Du 19 mai au 26 août Madame Butterfly adame Butterfly ouvrira l’édition 2018 du Festival de Glyndebourne, suivi de cinq autres productions qui s’échelonneront

SDP

M

jusqu’à la fin du mois d’août : Le Chevalier à la rose (Robin Ticciati/Richard Jones), Giulio Cesare (William Christie/ David McVicar), Pelléas et Mélisande (Robin Ticciati/

Stefan Herheim), Saul (Laurence Cummings/Barrie Kosky) et Vanessa de Barber (Jakub Hruša/Keith Warner). X £ www.glyndebourne. com.

BRUXELLES MONNAIE

S

on Tristan et son Tannhaüser ont marqué les esprits, et on s’attend à ce que Lohengrin lui aille comme un gant, avec sa mythologie chevaleresque et son monde mystique et manichéen : Olivier Py et Alain

30 Q CLASSICA / Avril 2018

Altinoglu (photo) sont aux commandes de la nouvelle production belge où alterneront Eric Cutler et Joseph Kaiser dans le rôle-titre, et Ingela Brimberg et Meagan Miller en Elsa. X £ www.lamonnaie.be/fr..

ALEXANDRE ISARD

19, 20, 22, 24, 26, 27, 29 avril Lohengrin

LES CHEFS D’ŒUVRE DE LA MUSIQUE SACRÉE VOL 4 : REQUIEM ET LEÇONS DE TÉNÈBRES

Les principaux chefs-d’œuvre par les plus grands interprètes : Les Requiem de Mozart, Verdi, Brahms… Les Leçons de Ténèbres de Lassus, Charpentier ou Couperin.

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NOVA SONET HARMONIA ENSEMBLE DISCANTUS Direction Brigitte Lesne

Plain-chant et polyphonies du 13ème siècle par un des plus célèbre ensemble de musique ancienne, à l’occasion du 8ème centenaire des Dominicains. 18.90

€* / 1 CD MARS 2018

Direction artistique : Christophe Ghristi

OPÉRA LA TRAVIATA Giuseppe Verdi LA VILLE MORTE Erich Wolfgang Korngold KOPERNIKUS Claude Vivier LUCREZIA BORGIA Gaetano Donizetti ARIANE À NAXOS Richard Strauss ARIANE ET BARBE-BLEUE Paul Dukas MAM’ZELLE NITOUCHE Hervé WERTHER Jules Massenet

 

BALLET DANS LES PAS DE NOUREEV DON QUICHOTTE MARIN / SOTO / BELARBI LA BÊTE ET LA BELLE NIJINSKI CLOWN DE DIEU

REQUIEM ENSEMBLE DIABOLUS IN MUSICA Direction Antoine Guerber

Les deux premiers Requiem polyphoniques de notre histoire, deux œuvres éblouissantes aux sonorités graves et PROFONDES MAGNIÛÂES par les voix d’homme de Diabolus in Musica. 18.90 €* / 1 CD AVRIL 2018

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LES MUSICALES DE BAGATELLE

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À VOIX HAUTE

PAR BENOÎT DUTEURTRE

Lili et Nadia ux nostalgiques dans mon genre, des esprits irrationnelle et possessive, entièrement tournée vers ses deux incisifs rappellent avec raison que la Belle fillesdontellepartage la chambre et le lit.Quant aux deux sœurs, Époque fut celle des expéditions coloniales, elles sont à la fois proches et contrastées, comme le soulignent de l’exploitation des enfants dans les mines, certaines photographies d’époque : Nadia, l’aînée, grande, du comique lourd du « pétomane » et d’un sérieuse, sans charme derrière ses lunettes, et pourtant douée machisme réduisant les femmes à la condition d’infinis talents qui lui vaudront d’être considérée comme un de mère ou de cocotte. Je ne manque pas, alors, de rappeler à génie en herbe; Lili, la cadette, malade dès la petite enfance, mon tour qu’en ces mêmes années, Clemenceau dénonçait mais fantasque, vive, pleine de charme, séduisante, inattendue. la colonisation,Jaurès inspirait les luttes sociales,AlphonseAllais C’est elle qui s’imposera grâce au soutien de son maître Georges portait l’humour à des sommets de raffinement… Et que,pour Caussade, au moment où il apparaîtra que Nadia n’a pas l’orila première fois, une très jeune fille s’imposait au monde artis- ginalité des grands créateurs.Lili commence donc par admirer tique comme un compositeur d’excepson aînée avant de la dépasser,ce qui protion, couronnée en 1913 par le Prix de voque chez la grande sœur une souffrance Rome et saluée à l’égal de ses pairs mascucachée. Mais celle-ci, à son tour, va develins.Elle s’appelait Lili Boulanger et n’était nir porte-parole de l’art de sa cadette. ni la seule, ni la première Française à se Renonçant à la carrière de compositeur, consacrer à la composition.Mais,contraielle sera le plus grand professeur du XXe siècle auquel Aaron Copland, Jean rement à celles qui l’avaient précédée, Françaix, Philip Glass, Quincy Jones, la question du genre (comme on dit Astor Piazzolla, Michel Legrand devront, aujourd’hui) ne comptait guère dans pour une part, d’être ce qu’ils sont l’appréciation de son art.Quelques années – certains d’entre eux, comme John plus tôt,une Cécile Chaminade demeurait enfermée dans les stéréotypes d’un « travail de dames » avec ses Eliot Gardiner, ayant également hérité la fidélité à l’œuvre pièces pour piano et ses mélodies charmeuses,tout en renonçant de Lili qu’ils continuent à jouer et à enregistrer. aux ambitions symphoniques. La vaillante Augusta Holmès se Au cœur de son livre, Alain Galliari nous invite lui-même à voyait applaudie pour la « virilité » de son inspiration distin- redécouvrir cette œuvre brève et saisissante,tendue entre la fraîguant « une œuvre mâle et forte et qu’on ne dirait point écrite par cheur et la mort. Depuis les prémonitoires Funérailles d’un une femme » (Arthur Pougin).Rien de tout cela avec la merveil- soldat jusqu’au Psaume 130 et à la Vieille prière bouddhique, leuse Lili Boulanger dont le talent éclatant allait d’emblée, tout ces compositions d’une extraordinaire puissance semblent avoir pris acte de la liberté acquise par les artistes à l’aube naturellement,se voir applaudi comme une plante du XXe siècle, pour édifier un monument tragique merveilleuse ajoutée au jardin de la musique. BENOÎT et mystique – sans oublier le registre plus intime et Dans un joli récit de 170 pages, Alain Galliari DUTEURTRE frémissant des Clairières dans le ciel. Lili Boulanger ranime cet étonnant destin brisé à l’âge de vingtest écrivain. est morte il y a cent ans, le 10 mars 1918, quelques quatre ans, et trouve le juste dosage de précision son dernier ouvrage, jours avant Debussy qui avait salué le talent de cette historique, de finesse psychologique et de sensibiLa Mort jeune femme. On peut s’étonner, d’ailleurs, que lité. Il saisit notre curiosité en dépeignant de Fernand Ochsé, notre époque, si fervente de parité, célèbre fort l’incroyable famille Boulanger : Ernest, le vieux est paru discrètement cet anniversaire. X père, ancien Prix de Rome et familier du milieu £ Lili, par Alain Galliari, Agéditeur, 170 p., 10 u chez Fayard. musical qui défile à la maison ; Raïssa, la mère,

A

Le destin des sœurs Boulanger

CLASSICA / Avril 2018 Q 33

UN AIR DE FAMILLE

À RETROUVER SUR LE

CD

Pères et fils, frères et sœurs… La musique serait-elle inscrite dans les gènes ? En tout cas, elle est souvent afaire de famille. Tous les mois, nous présentons le portrait d’un clan de musiciens.

Les Queyras

JEAN-GUIHEN ET LES AUTRES… PAR ELSA FOTTORINO

ueyras » fait penser à un paysage. Pas celui de la vallée éponyme des Hautes-Alpes, mais plutôt celui des collines de Forcalquier dans les Alpes de Haute-Provence. C’est dans cet écrin rural – qu’on imagine volontiers entouré de cyprès, d’oliviers, de farigoule et de champs de lavande – que les Queyras se sont établis il y a plus de trente ans, que les deux frères, Jean-Guihen et Pierre-Olivier, et leurs épouses, toutes deux violoncellistes, ont créé les Rencontres musicales, qu’ils ont bâti la légende familiale. À première vue,l’histoire possède la grâce et l’innocence des matins d’été. Voici le cadre: le père, la mère, les cinq enfants, une maison en pierres bien rustique, un âne (Gaspard), un piano, la nature alentour. Les parents sont musiciens amateurs (flûte à bec pour lui,piano pour elle).Les cinq enfants suivent leur chemin.Les aînés, Odile et Wilhelm, jouent de la guitare pour leur plaisir, PierreOlivier se passionne pour le violon, Jean-Guihen pour le violoncelle,et le benjamin,Joachim,s’essaye à l’alto,au violon,à l’orgue… « Nous avons toujours fait de la musique en famille. C’était une façon d’être ensemble et de s’écouter les uns les autres », me confie Jean-François Queyras, le père de cette heureuse fratrie, de sa voix tendre et sereine. Leur album photos donne une idée du roman de leur enfance, un parfum de liberté, une bande de joyeux lurons dans une ambiance « baba cool ». Cette idylle pastorale ferait presque penser au décor d’un film de Jean Delannoy, sauf que le rôle-titre ne serait pas tenu par Michèle Morgan, mais par feue Marie-France Queyras: c’est par elle que l’histoire a basculé. Je reprends depuis le début. C’est l’histoire d’un prêtre (JeanFrançois) devenu ingénieur agronome puis potier. Celle d’une femme (Marie-France), la dernière d’une fratrie de dix enfants, dont le père est décédé avant sa naissance et qui se rêvait pianiste. Ou encore celle de ses enfants, qui portaient le nom de Colle et se sont soudain appelés Queyras. C’est peut-être l’histoire d’un coup de foudre. C’est ce que laisse entendre Jean-Guihen,

avec la pudeur qui lui est propre, lorsqu’il me relate, entre deux bolées de cidre dans une crêperie du 11e arrondissement de Paris, la rencontre de ses parents.

Q

34 Q CLASSICA / Avril 2018

AMOUR FOU Jean-François Queyras était prêtre, il a aimé sa mère, a quitté les ordres au nom de cet amour, adopté ses enfants, leur a donné son nom, leur a offert un paysage. Jean-Guihen avait cinq ans. Jean-François et Pierre-Olivier m’ont aussi raconté leur histoire, chacun à leur façon. Sans chercher à dissiper les zones d’ombre. Avec la même discrétion. Ce que je sais, c’est qu’ils ont commencé leur vie à Montréal, qu’ils ont vécu ensuite trois ans en Algérie et qu’à leur retour, ils se sont installés aux « Iscles » où Jean-François devait obtenir un poste d’ingénieur agronome qui n’a finalement pas été financé : « Marie-France pratiquait la céramique. On a décidé de s’y mettre tous les deux. » C’est aussi simple que cela.

PHOTOS: COLLECTION PRIVÉE

«

Odile, Pierre-Olivier, Jean-Guihen et leurs parents, Noël 1976.

QuandJean-Françoisseraconte, il donne l’impression que tout est possible.Que la vie s’improvise. Et que la route sera belle. Ils’estdonclancé,avecsafemme, « une artiste jusqu’au bout des ongles », dans la poterie. Une assurance paternelle déterminante pour Jean-Guihen: « J’ai souvent du mal à garder les pieds sur terre. Mais mon père m’a donné une grande stabilité. » L’argent ne coule pas à flot, mais les enfants ne manquent de rien, pas même d’instruments de musique. Deux violons de famille ont été vendus pour acheter un meilleur violon à Pierre-Olivier. Jean-Guihen a,quant à lui,hérité d’un violoncelle (du moins ce qu’il en restait) appartenant à la fille d’un artisan voisin, qui l’avait, dans un geste rageur, jeté par la fenêtre. Cet instrument, c’était vital. « J’avais neuf ans quand j’ai ressenti le désir foudroyantd’apprendrelevioloncelle.C’étaitdevenu une obsession. Et cela a complètement déterminé mon rapport au monde », se rappelle Jean-Guihen, qui ne voulait pas s’arrêter, malgré les injonctions de son professeur de l’école de musique de Manosque l’exhortant à faire une pause d’une semaine l’été. « Pendant les vacances, Jean-Guihen venait me voir et quémandait: “Papa, s’il te plaît, juste une petite gamme!” » sourit encore Jean-François. Le violoncelle, il fallait lui arracher des mains. UN REGARD AFFAMÉ DE MUSIQUE Chez les Queyras,la musique est-elle le pilier de l’éducation? « Pour être honnête, c’est une histoire de couple. Avec ma femme, nous nous entendions à merveille. La musique était notre passion commune », explique Jean-François. « Ma mère nous accompagnait au piano, se souvient Pierre-Olivier. Sa présence nous a tous inspirés. » Jean-Guihen ajoute: « Tout son être était musique. Son regard était affamé de musique. » Un regard qu’il n’est pas près d’oublier. « À l’âge de douze ans, quand j’ai appris le Concerto en ut majeur de Haydn, je m’amusais à le travailler sur l’enregistrement de Rostropovitch avec l’Academy of St Martin in the Fields. Je suis allé chercher mes parents dans leur atelier et je le leur ai joué. Ils ont pleuré de me voir interpréter cette musique qui nous faisait tous rêver. C’était comme une traversée du miroir. »

Pierre-Olivier et Jean-Guihen entrent au Conservatoire de Lyon puis à la Hoschule de Fribourg-en-Brisgau. Étudiants,ils organisent une « journée continue » de musique de chambre qui a lieu dans l’église de Forcalquier. Ils partagent la scène avec leurs amis « pour les gens du coin », précise PierreOlivier. Puis, de fil en aiguille, se monte un vrai festival: les Rencontres musicales de Haute-Provence. Les deux frères prennent des chemins différents. Pierre-Oliviersetourneverslamusiquedechambre – il fonde le Dumky Trio avec sa femme, Véronique Marin – et l’enseignement. JeanGuihen, lui, reste tourné vers l’Allemagne, crée le Quatuor Arcanto aux côtés de Tabea Zimmermann, passe par l’Ensemble Intercontemporain, joue avec les plus grands orchestres, enregistre les Suites de Bach… Son dernier disque,il l’a gravé avec son ami, le pianiste Alexandre Tharaud. Malgré ces itinéraires singuliers, Jean-Guihen et Pierre-Olivier mettent un point d’honneur à se retrouver chaque été. « Le festival a maintenu entre nous le ciment de l’histoire familiale », observe Pierre-Olivier, pour qui jouer à Forcalquier est un retour aux sources.Et il cite volontiers,parmi ses souvenirs les plus marquants des Rencontres musicales, un Pierrot lunaire de Schoenberg avec Nicolas Dautricourt au violon et son frère au violoncelle,ou encore l’Octuor de Mendelssohn,interprété aux côtés de ses filles.Ses filles? Solène,vingt-trois ans,est violoncelliste et Romane,vingt-deux ans, violoniste. Et ce n’est pas fini: Lawson, le fils d’Odile, est un fou de guitare électrique et de composition, tandis que celui de JeanGuihen,Tonio,quatorze ans,s’oriente vers une carrière de pianiste. Une famille au diapason de la musique. X

Actualités £ 6 et 7 avril : Opéra de Lille, avec Anne Teresa De Keersmaeker £ 30 et 31 mai : Philharmonie de Paris, Concerto de Dvorák, avec sir Roger Norrington et l’Orchestre de Paris

CLASSICA / Avril 2018 Q 35

ON A VU

Vertiges de l’amour et pulsions mortelles À BERLIN, EN MARS, LE TRISTAN DE TCHERNIAKOV ET LA SALOMÉ DE NEUENFELS NOUS ONT FAIT VIVRE DES SENSATIONS FORTES, ENTRE DÉSIR ET DRAME.

croisement à la Staatsoper de Berlin, entre Tristan, façon Tcherniakov, et Salomé, façon Neuenfels, tous deux fascinés par la puissance de l’Éros/Thanatos qu’on n’avait pas revue aussi magnifiée depuis Wieland Wagner. D e Dmitri Tcherniakov, on attend toujours une révolution. Pour ce Tristan, il n’en est rien. La lecture du texte est son propos, étonnant, car de Tristan, hymne à l’amour, il rappelle d’abord le fondement schopenhauerien : c’est bien un hymne à la mort que conte l’œuvre, où la joie est dans l’exacerbation d’un désir de mort irrépressible. D’où ce couple écroulé de rire après avoir bu la délivrance, d’où cette magistrale explication de texte au Duo du II, invitation au voyage comme jamais on ne l’a vue jouée, didactique, jubilatoire, proprement sensationnelle. L’attente suivra, rude mais brève pour Tristan, infinie pour Isolde qui s’assoira au chevet 36 Q CLASSICA / Avril 2018

MONIKA RITTERHAUS

E

tourdissant

Andreas Schager dans Tristan et Isolde.

INGO METZMACHER Le chef allemand assure

MONIKA RITTERHAUS

une tension âpre et continue au diptyque Château de Barbe-Bleue/ Voix humaine, accentuant la modernité de l’écriture de Bartók. Mention spéciale au couple John Relyea/ Ekaterina Gubanova, incandescents de présence en Barbe-Bleue et Judith, dans la toufeur du spectacle de Warlikowski (Paris, palais Garnier, 23/03).

PETER EÖTVÖS Ausrine Stundyte et Thomas Johannes Mayer dans Salomé.

du mort, une horloge à son côté, prête à le rejoindre, sans qu’elle/ qu’on sache quand. Dans des décors d’aujourd’hui, salon de première d’un paquebot de luxe, salle à manger aux parois tapissées d’arbres filaments,maison des parents d’une infinie nostalgie, Tcherniakov se paye le luxe de citer les productions marquantes d’hier (Konwitschny, Marthaler, Guth, Chéreau, Katharina Wagner), tout en les digérant en sa leçon personnelle. Entre Isolde, « Desperate Housewife », fouillant nerveusement son sac à main, et Tristan en smoking, ce pourrait être imbuvable, c’est absolument fascinant. Il faut pour pareil engagement des interprètes libres de chant. C’est le cas d’Andreas Schager qui ne relâche jamais l’intensité d’un chant somptueux, et plus encore d’Anja Kampe, furie puis amante attentive, aux aigus éblouissants, diseurs parfaits au II, chacun tenant ensuite son redoutable IIIe acte de façon magistrale. Avec Ekaterina Gubanova, Stephen Milling, Boaz Daniel, on tient là LA distribution du moment. Quant à Daniel Barenboim qui a fait de

Tristan depuis trente-cinq ans sa chose, l’adaptant à chaque production comme un sorcier du son et de la tension, il mène toutes voiles dehors sa Staatskapelle à son plus magique. Immense soirée (11 mars).

VERSION OSCAR WILDE Salomé paraît d’une tout autre, quand s’ouvre le rideau: la cour pose immobile sous un godemiché de métal géant où l’on aperçoit le prophète. Pas de citerne,

identitaire, pour dire qu’Éros/ Thanatos est désir de sexualité trouvant son aboutissement dans la mort. Il libère un Jochanaan torse nu, en robe plissée à l’andalouse, de sa prison et Salomé de sa robe de princesse pour l’offrir en androgyne, vêtue d’un smoking pantalon, et le fait danser avec elle, arborant un masque de la mort, et lui présentera quarante-deux têtes pour un finale qui laissera cependant la place à latraditionnellemortde l’héroïne. La provocation est là, logique, sinon cohérente. La soirée se tient grâce à Gerhard Siegel (Hérode), Marina Prudenskaya (Hérodias) et Nikolai Schukoff (Narraboth) superbes,ThomasJ.Mayer, formidable Jochanaan, physique autant que sonore, et Ausrine Stundyte, comme toujours splendide, malgré le grave absentetladirectiond’acteurs qui la corsète trop pour lui laisser sa liberté d’actrice. Thomas Guggeis, l’assistant de Barenboim, remplace Christoph von Dohnányi, parti avant la première. Strauss lui convient bien,même si manque l’étincelle qui porte ce volcan qu’est Salomé à l’explosion dévastatrice Pierre Flinois (10 mars). X

Une puissance de l’Éros/Thanatos qu’on n’avait pas vue aussi magnifiée depuis Wieland Wagner pas de lune, Neuenfels ne s’intéresse guère à l’histoire pseudobiblique, mais à Oscar Wilde qui y conte sa défense de la liberté sexuelle. Il fait donc apparaître l’auteur, paré de son sexe

Compositeur en résidence auprès de la Philharmonie de l’Elbe, le Hongrois était dans la fosse du Staatsoper pour diriger son dernier opéra Senza Sangue: « sans sang », mais pas sans passion, grâce au verbe incandescent d’Angela Denoke et Sergei Leiferkus, aux prises avec un passé trouble, à l’image d’une musique pétrie de réminiscences (Hambourg, Staatsoper, 28/02).

FRANCESCO PIEMONTESI Avec une maîtrise stupéfiante du temps musical et un subtil dosage de tous les paramètres, le pianiste suisse s’est emparé avec une intensité peu commune de l’univers des trois ultimes Sonates pour clavier de Schubert. Un récital qui a impressionné par sa concentration et son engagement, malheureusement interrompu au dernier moment par un léger malaise (BoulogneBillancourt, Seine Musicale, 12/02).

CLASSICA / Avril 2018 Q 37

ON A VU

DANSEZ,

MAINTENANT

PAR DOMINIQUE SIMONNE

LA CARMEN(S) DE JOSÉ MONTALVO EST PLURIELLE MAIS UNIVERSELLE, ET ELLE VOIT ROUGE. UN HYMNE FRÉNÉTIQUE À LA LIBERTÉ OÙ LES STYLES DE DANSES S’ENTRECROISENT.

ouges comme le feu,rouges comme le sang, rouges comme la passion, elles déboulent dès le premier coup de cymbale de l’Allegro giocoso de Bizet, propulsées par une énergie euphorique dont elles ne se départiront pas de tout le ballet.Sauvages,provocantes,animales,elles bondissent, ellescourent,quedis-je,ellescavalent, explosant de vie, et nous entraînent dans un tourbillon où elles clament leur féminité, leur désir et,évidemment,leur amour. Neuf danseuses électrisées qui ne sont en réalité que les facettes d’une même femme : Carmen, la femme,libre de son corps,libre de son destin. Après avoir longtempstournéautourdecemonument de la littérature, de l’opéra et de la danse,le chorégraphe José Montalvo, petit-fils d’une Catalane féministe prénommée Carmen, fils d’une danseuse de flamenco fascinée par cette figure 38 Q CLASSICA / Avril 2018

PATRICK BERGE

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mythique, a enfin osé s’approcher de l’héroïne de Prosper Mérimée et, pour mieux en cerner la complexité, a choisi de la démultiplierdanscetteCarmen(s) plurielle qui a triomphé au Théâtre de Chaillot de Paris et poursuit sa tournée en France1. Mise en danse par ces diablesses et par cinq mâles transformés en un Don José un peu dépassé par les événements, la partition de Bizet vibre avec une tension nouvelle et presque primitive.Ici,pas d’entorse à l’œuvre originelle,pas de concessions au fémininement correct, et donc pas de scandale envue:lelivretestrespecté,labelle meurt bien à la fin,mais les puristes le regretteront peut-être,

l’histoire se déroule en pointillé, toutjusteesquisséeetracontéepar les interprètes devant un pupitre, comme lors d’une séance de postsynchronisation de cinéma. Tel qu’il en est coutumier, José Montalvo, grand amateur de baroque, fonde sa chorégraphie sur le mélange et le métissage: la danse classique côtoie le contemporain dans une gestuelle frénétique, les ballerines dialoguent avec les danseuses de flamenco, les arabesques s’enchevêtrent avec les acrobaties du hip-hop et, parfois, les personnages dansent avec leurs doubles reproduits sur l’écran vidéo en fond de scène. « Carmen, c’est moi, c’est nous! » proclament les jeunes interprètes

qui prennent brièvement la parolepournouslivrerleurpropre vision de cette gitane universelle et décidément intemporelle. Carmen, l’égérie des #MeToo qui pourraient reprendre cette phrase sublime prononcée avant le coup de poignard fatal de Don José : « Jamais Carmen ne cédera: libre elle est née, libre elle mourra. » Ni futile ni complaisant, l’étonnant collage chorégraphique de Montalvo, œuvre de maturité pour ce créateur singulier, s’impose comme une ode opportune à la liberté des femmes. X 1. Neuilly, Théâtre des Sablons, le 10/04 ; Sceaux, Les Gémeaux, du 3 au 6/05.

VINCENT PONTET

Chapeau bas, la diva ! CECILIA BARTOLI DÉCOIFFE LE THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES DANS ALCINA, UNE HÉROÏNE ET UN SPECTACLE SUR MESURE. u rituel obligé du récital de Cecilia Bartoli au TCE s’est ajoutée, depuis 2014, une dimension royale, avec l’opéra, dont il fallait alors encore chercher les merveilles ailleurs,entre sa maison (Zurich) et son palais (Salzbourg, à Pentecôte). Importées de la première (Otello d’abord, Alcina aujourd’hui) ou du second (Norma en 2016), ces productions,

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réglées clé en main par des années de pratique (Alcina date de 2014), sont construites, pensées autour de l’incontournable vedette qui paye chaque fois comptant. Ce soir, Bartoli est là tout entière dans son besoin d’être diverse, entre drôlerie et profondeur, brillance et introspection. Chapeau, l’actrice ! Si la Magicienne va comme un gant à sa voix, ce sont ses déplorations

qu’on lui préfère : « Ah, mio cor » est un sommet d’émotion intériorisée. Confier la scène à Christof Loy s’explique. S’il a conçu l’île enchantée d’Alcina comme un théâtre avec ses enchantements au I, sur la scène trompeuse du baroque, ses vérités au II, dans ses loges décrépites suant ce réel qu’on ne peut cacher, et ses désillusions au III, dans l’envers

du décor, pour finir par une pirouette, avec le retour triomphal de la Magicienne devant laquelle Ruggiero plie à nouveau le genou, c’est pour dire l’éternel recommencement de la magie lyrique, comme pour servir au mieux le caméléon Bartoli. On rit à ses grimaces – même si on préfère une Alcina plus digne –, on participe à ses souffrances et à l’extraordinaire métamorphose de ses traits pour dire son désespoir. Mais elle ne règne pas seule : Jaroussky plus engagé qu’à Aix, jusqu’à danser avec des boys, Varduhi Abrahamyan somptueuse, Julie Fuchs aphone jouant avec Emöke Baráth enthousiasmante en fosse, Strehl et Baczyk mieux que des faire-valoir. Et les timbres captivants du Concert d’Astrée, mené large et allant, plus libre que de coutume, par une Emmanuelle Haïm détendue. Triomphe mérité. X Pierre Flinois

ALCINA DE HAENDEL, Paris, Théâtre des ChampsÉlysées, le 14 mars

La voix du piano afal Blechacz est un habitué des compétitions de très haut niveau. Il a été récompensé par un Premier Prix au Concours Chopin en 2015, et pourtant le pianiste polonais de trente-deux ans joue avec partition. Même si cette donnée secondaire ne nuit en rien au plaisir que nous avons eu à l’écouter le 12 février à la Philharmonie de Paris, il est utile de le préciser. Les sonorités produites par Blechacz sont belles et chantantes. En particulier chez Chopin,compositeur qui lui sied le mieux.

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Trois jours plus tard, Elisabeth Leonskaïa (photo), soixantedouze ans, faisait montre de cette profondeur sonore et de cette expressivité qui lui sont propres.Chaque détail est soigné. On est instantanément happé par son discours et séduit par la variété de ses sonorités.Avec cette légende du piano, on a la sensation de comprendre ce que signifie le verbe « interpréter ». Les subtilités des partitions,jusque-là inaperçues, sont sublimées par son jeu.Pas plus de deux compositeurs sont programmés ce

SDP

À PARIS, UN CHOPIN CHANTANT AVEC BLECHACZ, MOZART ET SCHUMANN SUBLIMÉS PAR LEONSKAÏA.

15 février à la Philharmonie de Paris : Mozart et Schumann. D’abord,Mozart,avec les Sonates K. 331 et K. 333. Leonskaïa plante rapidement le décor: nous sommes bien à l’opéra. La justesse, la pureté et le lyrisme de son

approche nous le confirment. Quant à son Schumann (Sonate n°1 et Études symphoniques), elle prête une importance particulière à chaque note. Tout n’est définitivement qu’expressivité chez Leonskaïa. X Aurélie Moreau CLASSICA / Avril 2018 Q 39

ON A VU

ORCHESTRES

RCO-CDHEROUVILLE

Le feu et la glace

À PARIS, DES FRESQUES SYMPHONIQUES À LA TONALITÉ CONTRASTÉE ONT EMBRASÉ OU REFROIDI LA PHILHARMONIE ET L’AUDITORIUM DE RADIO FRANCE. nvité à Paris pour le « Week-End Pascal Dusapin », l’Orchestre philharmonique de Strasbourg montre tout le chemin qu’il a parcouru depuis 2012 sous la direction de Marko Letonja. Morning in Long Island du compositeur français (2010), évocation de balades sur les plages newyorkaises,est une large pièce finement ciselée et rythmiquement

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envoûtante dont la phalange alsacienne tire le meilleur parti. Le Château de Barbe-Bleue de Bartók bénéficie, quant à lui, de la Judith brûlante de Nina Stemme et du Barbe-Bleue abyssal de Falk Struckmann (Philharmonie, 18/02). Avec les forces d’un Royal Concertgebouw d’un équilibre stupéfiant (cordes chaleureuses, petite harmonie sans faille, percussions à se damner), Semyon Bychkov (photo) livre

une lecture inéluctable et d’une puissance d’expression inoubliable de la Symphonie n°5 de Chostakovitch (1937).

UN BRUCH ENGOURDI En revanche,on aurait volontiers évité la prestation des sœurs Labèque qui tentent,en première partie, de revivifier l’indigeste Concerto pour deux pianos et orchestre de Max Bruch retrouvé en 1971, plus de cinquante ans

après sa création (Philharmonie, 19/02). Le concert de l’Orchestre de Paris, avec Daniel Harding, propose le Concerto pour alto de Jörg Widmann (2015), joué par Antoine Tamestit,et la Neuvième Symphonie de Mahler. Atmosphère ludique de l’œuvre contemporaine où le soliste, très brillant,se fait acteur du son,produisant une musique à voir et à entendre. Adieu au monde de Mahler entre puissance destructrice, ironie grinçante, danse de la mort et confins du silence, que le chef britannique organise avec un savoir-faire et une technicité hors pair, au détriment parfois de l’intensité. Impressionnant quand même par la concentration (Philharmonie, 21/02). La Symphonie de Debussy (orchestrée en 2009 par Colin Matthews à partir d’un original pour piano à quatre mains datant de la jeunesse du compositeur), donnée en ouverture de concert par le Philharmonique de Radio France, ne restera pas dans les mémoires, pas plus que l’interprétation du Concerto n°2 de Rachmaninov par Khatia Buniatishvili. En effet, l’entente entre Mikko Franck et la pianiste ne va pas de soi: l’absence de pathos de l’un s’oppose à l’expansivité démonstrative de l’autre. Il faudra attendre la Symphonie n°3 de Sibelius pour que l’orchestre, sous l’autorité d’un maestro qui parle dans son arbre généalogique, transmette avec une réussite incontestable toute l’aspérité minérale et la magie sonore présentes dans le chef-d’œuvre du barde finlandais (Radio France, Auditorium, 01/03). X Michel Le Naour

- Photographie © 2018 Nikolaj Lund - Licences n° 1-105 2043

Musique Classique | LE MANS

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LES CARNETS

D’EMMA

Mon cœur s’ouvre à ta voix… Lemystère d’ungrain de beauté

Q Tout récemment à Liège et actuelleÀ quoi tiennent,pour vous,pour lui,pour ment à l’Opéra-Comique, le très enjoué moi, la singularité d’un « grain », selon et charmant Domino noir d’Auber l’expression de Roland Barthes, ou les (Daniel-François-Esprit de son irrésissortilèges d’une « voix d’or vivant. Voix tible prénom) fait son retour sur la scène douce et sonore, au frais timbre angélique », lyrique. Grand succès au XIXe siècle, il est célébrée par Verlaine dans Nervermore 2. aujourd’hui bien ignoré des mélomanes1 Parfois à cet angélisme qui lui confère une alors que son intrigue à rebondissements « nature » entre ciel et terre, une trace de et, bien plus encore, sa musique raffinée, paradis. Il me suffit de fermer les yeux scintillante et savoureuse justifient largepour retrouver l’impression inoubliable ment de le voir retrouver les faveurs des théâtres. Parfaitement laissée par la soprano Michèle Lagrange, comme si la voix réussie,la production dirigée par Patrick Davin et mise en scène descendait directement d’un glacier de très, très haute monpar le duo Valérie Lesort-Christian Hecq permet d’entendre tagne, un peu bleutée, féerique. Parfois, à rebours, une texture la merveilleuse, la radieuse, la fondante Anne-Catherine Gil- voluptueuse, capiteuse, vous enveloppe qui, plus que celles let dans le rôle principal. Et, comme à chacune de ses appari- « des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches », appelle de tions, de Blanche de la Force à Micaëla, de Sophie (celle de riches images de soieries et de velours moirés. Werther) à Despina, de Minerve (Le Retour d’Ulysse) à Ari- Q Lors de la finale du Concours Voix Nouvelles (à l’Opéracie…, je succombe sans l’ombre d’une résistance à la magie Comique également), douze candidats se sont mesurés dans de son chant et au délice de son timbre. Au risque de sembler une compétition passionnante. Plus par le contraste entre les quelque peu triviale dans la comparaison, je dirais que cette timbres si divers de ces jeunes gens que par le répertoire choisi, voix possède le velouté de la pêche, le je-ne-sais-quoi d’acidulé plutôt convenu, comme il sied sans doute à ce type d’exercice. de la groseille, le parfum du chèvrefeuille. Que l’intéressée Dans une robe rouge un peu trop « diva », hiératique alors que me pardonne ces métaphores fruitées et fleuries, mais avec plusieurs de ses concurrents tentaient quelques gestes de théâtre nos pauvres mots, voilà bien les associations qui rendent pour compenser le caractère figé de la prestation (j’entre en souriant, je salue le chef et le public, je chante mon air, je salue le mieux justice à cet enchantement. Q Tout amateur d’opéra, d’oratorio et de mélodie se pose à nouveau en souriant et je fais place au suivant), Angélique la question : pourquoi tel timbre me touche-t-il alors que Boudeville n’a eu qu’à exhaler les premières notes de « Depuis tel autre me laisse plus indifférent, voire me le jour » (Louise de Charpentier) pour que la landéplaît? Même chez des artistes dont on admire goureuse opulence – sans lourdeur – et le rayonEMMANUELLE – dont on adore parfois – la musicalité, la nement de sa voix envahissent le théâtre.J’ai pensé GIULIANI technique, l’aura, la présence. À ce titre, on cite alors à Margaret Price. Pour cet alliage de richesse bien souvent l’immense Jon Vickers qui scotépanouie et de pureté presque minérale. X est chef 1. À écouter, l’enregistrement chez Decca chait l’auditoire par le magnétisme de ses incardu service Culture sous la direction de Richard Bonynge. nations, malgré une « matière » vocale peu du journal La Croix 2. Dans le cycle Melancholia. séduisante à première audition…

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EN COUVERTURE

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CHEFSD’ŒUVRE DE LA MUSIQUE SACRÉE De Machaut à Britten en passant par Bach, Mozart et Stravinsky, ce répertoire revêt plusieurs visages, mais transcende les époques. Panorama. notre époque où la musique est omniprésente, on n’a jamais fini de mettre suffisamment en valeur la grande importance psychologique et morale de la musique sacrée authentique », écrit le père Hage, théologien et musicologue. Les Églises chrétiennes ellesmêmes ont toujours hésité sur cette question de l’authenticité. Et, d’ailleurs, musique sacrée, liturgique, religieuse, spirituelle, voilà bien des termes proches, mais dont la confusion risque d’induire en erreur. On peut certes comparer une Messe de Haydn et une autre de Mozart (même époque, même fonction), mais pas la Messe de Nostre Dame de Machaut et la Missa Solemnis de Beethoven. Autre temps, autre langage, autre « usage ».

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MBA / RENNES / DIST. RMN-GRAND PALAIS / ADÉLAÏDE BEAUDOIN

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Mais peut-on dire que l’une soit plus authentique que l’autre ? On a souvent mis en question le caractère sacré de certaines œuvres qui paraissaient non sans raison trop « profanes », trop proches de l’opéra, comme le Requiem de Verdi, et donc prétendument peu spirituelles (le lyrisme ou la virtuosité vocale seraient-ils vraiment contraires à la spiritualité ?). Mais que savait-on du sentiment « authentique » des compositeurs ? En revanche, certaines partitions incontestablement sacrées et même liturgiques, tels le Requiem de Fauré ou la Messe des morts de Berlioz, ont été composées par des agnostiques résolus (mais sait-on jamais ?). Ces quelques réflexions préliminaires pour signaler le caractère hétérogène et complexe non seulement de notre sélection, mais aussi du concept de musique sacrée. Dossier réalisé par Jacques Bonnaure CLASSICA / Avril 2018 Q 45

EN COUVERTURE GUILLAUME DE MACHAUT (1300-1377) Messe de Nostre Dame

£ Un disque : Ensemble Gilles Binchois, dir. Dominique Vellard (Cantus).

MARC-ANTOINE CHARPENTIER (1643-1704)

GIOVANNI PIERLUIGI DA PALESTRINA (1525-1594)

Te Deum e prélude du Te Deum est universellement connu depuis 1953,lorsqu’il fut choisi comme indicatif de l’Eurovision. Composé à l’occasion de la victoire de Louis XIV à Steinkerque en 1692,

il adopte la forme d’un grand motet, une alternance de sections chorales ou solistes de caractères variés. Mais par rapport aux canons lullystes en vogue,Charpentier se montre plus « baroque », privilégiant

COSTA / LEEMAGE

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AKG-IMAGES

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parfois rugueuse, avec de rudes frottements dissonants et une harmonie étrange. Au contraire des œuvres futures, la musique semble indifférente au texte. On a naturellement associé ce répertoire, pas seulement celui de Machaut mais de tout l’Ars Nova, à l’austérité de l’architecture gothique ; c’est que le résultat sonore peut sensiblement varier d’une version à l’autre. X

le mouvement, l’explosion de joie exubérante comme dans le Pleni sunt cœli et terra ou les fanfares qui encadrent le Judex crederis. Toutefois, les dix sections ne sont pas uniformément glorieuses et grandioses : certaines sont franchement intimistes tels que le Te per orbem terrarum, un charmant trio vocal, ou le très modeste Te ergo quaesumusoùlasoprano solo est amoureusement accompagnée par deux flûtes et la basse continue. Quoiqu’il ait vécu en marge de la vie musicale versaillaise, Charpentier résume avec cette œuvre célèbre la diversité des styles musicaux à l’époque de Louis XIV. X £ Un disque : Les Arts florissants, dir. William Christie (Virgin).

Messe du pape Marcel

COSTA / LEEMAGE

ette Messe, composée vers 1360 par le musicien et poète champenois Guillaume de Machaut, chanoine de la cathédrale de Reims, est caractéristique de l’Ars nova, cette pratique qui consistait à composer de la musique polyphonique sur des mélodies d’origines variées. C’est également la première œuvre attribuée à un compositeur unique. Dès le Kyrie introductif, l’oreille est attirée par deux traits apparemment contradictoires de l’écriture : d’une part, des mélismes assez sensuels et souples, et d’autre part, une harmonie

ans cette célèbre messe composée en 1562 à la mémoire du pape Marcel II, Palestrina a voulu que la polyphonie et la compréhension des textes ne fussent pas incompatibles.Lapratiquedelapolyphonie avait en efet courroucé les cardinaux qui craignaient que le peuple ne s’attachât plus à la musique qu’aux textes liturgiques. Conformément à son esthétique, Palestrina

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conjugue une superbe science du contrepoint et un sens mélodique aussi constant qu’agréable. La musique apparaît constamment aérée, lumineuse, les lignes mélodiques se déroulent avec un agrément qui n’exclut pas la profondeur spirituelle. L’écriture, complexe, semble limpide,commedésincarnée et indiférente au texte. La polyphonie palestrinienne devint la norme du catholicisme romain pour longtemps, universellement admirée. Trois siècles plus tard, Victor Hugo le célébrait par ce ver: « Puissant Palestrina, vieux maître, vieux génie, Je vous salue ici… » X

£ Un disque : Westminster Abbey Choir, dir. Simon Preston (Archiv).

CLAUDIO MONTEVERDI (1567-1643) vec les Vêpres de la Bienheureuse Vierge publiées en 1610, Monteverdi postulait pour un poste de maître de chapelle au Vatican, d’où la dédicace au pape. Las, il ne fut pas retenu. Le recueil excède en fait la composition d’une musique pour les vêpres liturgiques. Outre les psaumes traditionnels, il comprend des concerti, pièces vocales pour solistes sur des textes étrangers à la liturgie, et une Sonata sopra sancta Maria, quasi instrumentale, assez développée. L’intérêt de ces Vêpres tient à leur diversité de ton. On ne peut qu’être saisi par le chœur syllabique du Responsorium initial chanté à pleine voix sur la fanfare d’ouverture de son opéra L’Orfeo. Les psaumes, Laudate pueri dominum, Laetatus sum… sont des pièces polyphoniques où Monteverdi cherche

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à toucher non seulement l’âme, mais aussi la sensibilité de l’auditeur au moyen de procédés dramatiques mettant le texte en exergue et séduisant les cœurs et les oreilles grâce à leur virtuosité vocale. Lesconcerti Nigra sum et Pulchra es ne diffèrent pas beaucoup de ses nombreux madrigaux amoureux, jusque dans les figuralismes censés représenter l’irreprésentable. Ainsi, dans le Duo Seraphim, il évoque l’unité de la sainte Trinité en passant d’une écriture à trois voix à un unisson. Le recueil s’achèvesurdeuxMagnificat, offrant aux officiants une pièce splendide et une autre plus sobre et intérieure. X £ Un disque : Ensemble Elyma, Les Sacqueboutiers de Toulouse. Coro Antonio Il Verso, Coro Madrigalia, dir. Gabriel Garrido (K. 617).

AKG-IMAGES / MPORTFOLIO / ELECTA

Vêpres de la Vierge

GIOVANNI BATTISTA PERGOLÈSE (1710-1736) Stabat Mater l s’agit de l’œuvre ultime d’un compositeur mort jeune après une carrière active, notamment dans le monde de l’opéra.Après sa disparition, son Stabat

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Mater se répandit dans toute l’Europe où il acquit une extraordinaire renommée. L’œuvre est de conception très simple : deux voix, un ensemble de

cordes, douze sections diversifiées dont chacune pourrait figurer dans un opéra. C’est bien cela qui séduisit. Pour Jean-Jacques Rousseau, le premier duo était « le plus parfait et le plus touchant qui soit sorti de la plume d’aucun musicien ». Les contretemps du Quem moerebat, où il est pourtant question de supplices affreux, ont quelque chose de primesautier. Ailleurs, la musique se voile d’un discret pathétisme, toujours charmant. En fait de sens mélodique, Pergolèse ne craint personne, et la fluidité de ses phrases et de l’ornementation vocale nous offre l’image d’une religion où se conjuguent la piété la plus sincère et la plus délicieuse sensualité. X £ Un disque : Andreas Scholl, Barbara Bonney, Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset (Decca).

JOSEPH HAYDN n 1796, les Autrichiens ont très peur. Bonaparte est en Italie et les menace. Haydn compose alors cette Messe pour les temps de guerre qui sera créée en février 1797 devant une foule immense. On la désigne aussi comme « Paukenmesse » (« Messe des timbales »). La tonalité d’ut majeur, jugée plus brillante, inspire à Haydn des sonorités éclatantes,tandis que les interventions de l’orchestredénotentlegrand symphoniste. On a parfois l’impression d’entendre une symphonie

COSTA / LEEMAGE

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avec chœurs et quatre solistes, ces derniers, qui ne chantent jamais d’airs séparés,s’insérantavecbrio dans le tissu symphonique. À un moment cependant, le compositeur semble mettre la basse en valeur dans le Qui tollis peccata mundi du Gloria, dans un beau dialogue avec le violoncelle solo. Les timbales jouent un rôle particulièrement actif dans le Kyrie et, surtout, dans l’Agnus Dei où elles imposent une atmosphère angoissante, au moment de la supplique Dona nobis pacem. X

T. HARDY

(1732-1809) Missa in tempore belli

£ Un disque : Solistes, Arnold Schoenberg Chor, Concentus Musicus Wien, dir. Nikolaus Harnoncourt (Teldec). CLASSICA / Avril 2018 Q 47

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RMN / GRAND PALAIS / RENÉ GABRIEL OJÉDA

JOHANN SEBASTIAN BACH (1685-1750) Passion selon saint Matthieu e vendredi saint de l’an1727,lesparoissiens de l’église Saint-Thomas de Leipzig se rendirent au culte comme chaque année à cette occasion et entendirent, outre un long sermon et des passages à l’orgue, une nouvelle passion composée par leur cantor. L’œuvre obéit aux lois du genre: c’est une lecturedramatiséedel’Évangile de la Passion du Christ, répartie entre un récitant (l’évangéliste) et divers personnages. Les interpellationsdelafoule font l’objet de brèves et violentes interventions chorales.Desairs solistes, sur des paroles d’un poète piétiste, invitent le chrétien à méditer sur les événements;des chorals sur les mélodies traditionnelles luthériennes scandent le déroulement du culte.

Passion selon saint Jean qui en contenait assez peu, la Passion Saint Matthieu comportait de nombreux airs d’une beauté et d’une élévation spirituelle inouïe (Erbarme dich pour alto, Können Tränen meiner Wangen pour alto, Mache dich, mein Herze, rein pour basse…). Enfin, le chœur d’introduction (double chœur auquel se superpose un magnifique chœur d’enfants) et le grand chœur final, tous deux fort développés, encadrent ce que le modeste cantor de Saint-Thomas a conçu comme une somptueuse cathédrale sonore. X

Messe en si mineur

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l y a environ deux siècles, un musicologue suisse qualifia la Messe en si, alors très peu connue et jamais exécutée, de « plus grande œuvre de tous les temps et de tous les peuples ». Ce jugement absolu fondera en partie la réputation de Bach comme le dieu de la musique européenne. Pourtant, cet incontestable chef-d’œuvre connut une genèse complexe. Au commencement étaient Sanctus (1724), écrit pour sa paroisse, puis un Kyrie et un Gloria (1733), composés pour la cour de Dresde. Tout le reste fut ajouté progressivement, souvent en empruntant certains mouvements à des cantates antérieures. L’ensemble, qui excédait de beaucoup les dimensions d’une messe liturgique, fut parachevé en 1748, mais la première exécution intégrale n’eut lieu qu’en 1859. La Messe en si a la taille d’un grand monument. Elle possède, en dépit du caractère complexe et aléatoire de sa composition, une forte structure interne. Ainsi, le Dona nobis pacem final reprend-il le Gratias agimus du Gloria et couronne-t-il l’ensemble de manière particulièrement grandiose. À l’autre bout, l’accord dissonant sur lequel s’ouvre, sans nul prélude orchestral, le Kyrie, plonge l’auditeur in medias res dans un beau geste théâtral. Comme dans les passions, certaines interventions des solistes recèlent une bouleversante intensité: le duo pour soprano et alto Christe eleison ou l’Agnus Dei. Les chœurs montrent le tempérament dramatique du compositeur. L’élan du Gloria in excelsis, accompagné par les trompettes et les timbales, est irrésistible, tout comme le Et resurrexit, à réveiller un mort. À chaque instant, Bach dramatise à l’extrême le texte liturgique, et l’on peut penser que ce colossal ouvrage à l’histoire compliquée et sans destination particulière a bien été créé Soli Deo Gloria… ou pour la satisfaction personnelle du compositeur. X

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£ Un disque : Solistes, Collegium Vocale Gent, dir. Philippe Herreweghe (Harmonia Mundi, 1999).

GRANGER NYC / RUE DES ARCHIVES

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Si dès le XIXe siècle, à l’époque où Mendelssohn la tira de l’oubli, la Passion selon Saint Matthieu fut considérée comme un chefd’œuvre absolu, ce n’est pas pour l’originalité du concept, mais pour la force dramatique, émotionnelle et éventuellement religieuse qui s’en dégage. Si Bach n’a jamais composé d’opéras, de nombreuses scènes de la Passion dénotent un vrai tempérament théâtral,comme lorsque le chœur interrompt violemment l’air de la soprano pour maudire ceux qui ont arrêté Jésus (« Sind Blitze, sind Donner in Wolken verschwunden »), ou que la foule réclame la libération de l’assassin Barrabas dans un hurlement unanime et dissonant. Surtout, contrairement à la

£ Un disque: Solistes, Monteverdi Choir, English Baroque Soloists, dir. John Eliot Gardiner (Archiv Produktion).

GEORG FRIEDRICH HAENDEL (1685-1759) lors que les autres oratorios anglais de Haendel sont enquelquesortedesopéras sacrés sur des personnages de l’Ancien Testament, Le Messie traite de la v ie du Christ, de la crèche au Golgotha et tout le texte est emprunté directement à la Bible, à l’Ancien comme au Nouveau Testament. Mais ce n’est peut-être pas seulement ce caract è re s i n g u l i e r q u i frappa le public de Dublin lors de la création en 1742 et assura le retentissement mondial de cet ouvrage. Bien que Le Messie ne soit pas une œuvre liturgique, on y trouve le même lyrisme religieux que dans une passion ou une messe. L’air « He Was Despised » dans lequel l’alto déplore les tortures du

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Christ est aussi intense que le Es ist vollbracht de la Passion selon saint Jean de Bach. Inversement, les mystères heureux de l’annonce du Messie (« O Thou That Tellest Good Tidings »), de sa naissance (« Rejoice Greatly ») et de sa résurrection (le duo « O Death, Where Is Your Victory? ») trouvent ici une traduction exaltante et exultante. L’italianisme de la musique de Haendel, enrichi et dépouillé par la tradition allemande de ce qu’il pourrait avoir de superficiel, produit une esthétique rayonnante, équilibrée, baroque par son exubérance et ses contrastes, mais déjà classique par sa mesure, sa simplicité et la conduite de la narration. Remarquons-le bien, les quelque deux

PHOTO RMN / GÉRARD BLOT

Le Messie

heures et demie que dure l’œuvre passent vite, tant l’on y vole de merveille en merveille. Et puis Le Messie n’est pas une œuvre difficile d’accès. En Angleterre, elle a longtemps réuni des foules dans des espaces immenses. Faute d’être faciles à chanter, de nombreux

airs sont faciles à mémoriser, et la plupart des chœurs ont l’évidence des chefsd’œuvre, à commencer par le glorieux Hallelujah, devenu un incontestable « tube » international qui clôt la deuxième partie. Haendel n’était peutêtre pas un profond

théologien comme Bach, mais il savait rendre l’Histoire sainte familière, plaisante et aimable. Euphorique même. X £ Un disque : Monteverdi Choir, English Baroque Soloists, dir. John Eliot Gardiner.

FRANZ SCHUBERT (1797-1828) AKG-IMAGES / DE AGOSTINI PICTURE LIB. / A. DAGLI ORTI

Messe n°6 en mi bémol majeur omposée au début de l’été 1828, quelques mois avant sa mort, cette grande messe, qu’il n’entendit jamais, est contemporaine de nombreux chefs-d’œuvre, mais n’a cependant rien d’un testament. À rebours de la tradition autrichienne, Schubert l’a conçue comme une messe essentiellement chorale dans laquelle les solistes interviennent peu. L’atmosphère générale est grave, presque austère, très recueillie, riche en ambiances contrastées, et parfois monumentale (début du Gloria et du Sanctus). Surtout, plutôt que de traiter l’aspect théologique du texte, le compositeur se l’approprie comme s’il souhaitait y trouver la réponse à ses questions ou manifester son humanité devant les mystères sacrés, par exemple dans le tendre Et incarnatus est du Credo ou l’angélique Domine Deus rex coelestis du Gloria. Comme souvent dans ses dernières œuvres, on ne sait si la conclusion (Dona nobis pacem) apporte l’apaisement ou la résignation accablée. X

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£ Un disque : Solistes, Arnold Schoenberg Chor, Chamber Orchestra of Europe, dir. Nikolaus Harnoncourt (Teldec). CLASSICA / Avril 2018 Q 49

WOLFGANG AMADEUS MOZART (1756-1791) Requiem n juillet 1791, Mozart, occupé par la composition de La Flûte enchantée, reçoit la visite d’un messager lui commandant pour son maître un requiem.Ils’agissaitd’un certain comte Walsegg qui commandait ainsi des messes à la mémoire desonépouseets’enattribuait la paternité. Par contrat, Mozart s’engageait à ne pas garder copie de son œuvre. Après sa disparition le 5 décembre, Constance,

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sa femme, en confia l’achèvement (environ dix minutes sur cinquante étaient entièrement composées,le reste étant plus ou moins lacunaire) à ses élèves Eybler puis Süssmayr, et la commande put être honorée. Mais, au-delà de l’anecdote, cette ultime messe est significative des préoccupations musicales du dernier Mozart, entre un ton grandiose et austère et une simplicité céleste et désincarnée.

L’Introit, sobre et solennel, incontestablement marqué par les musiques maçonniques,suivi du Kyrie fugué, puis de l’explosion dramatique du Dies irae livrent un début saisissant.Le Tuba mirum impressionne avec son arioso pour basse accompagné par le trombone solo qui s’élargit ensuite au quatuor.Si le Rex tremendae majestatis et le Confutatis maledictis possèdent une grandeur effrayante (onn’estpasloindesportes de l’effroi de La Flûte enchantée), le Recordare pour les quatre solistes offreunmomentdebouleversante intériorité, tandis que le Lacrimosa,

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EN COUVERTURE

dévolu au chœur seul, apporteunimmenseélan de ferveur consolatrice. La suite est un peu plus inégaleet on ne retrouve pas toujours, par force, la patte de Mozart,quelques pages ayant été écrites dans leur totalité par Franz Xaver Süssmayr. Cependant, certains passages, tels l’austère fugue sur le Quam olim Abrahae, dans

l’Offertoire, ou le charmant Benedictus, portent la marque du génie. Enfin, prudemment, Süssmayr a choisi de conclure le Requiem sur une reprise de la fugue du Kyrie. X £ Un disque : Chœurs et Orchestre de la Radio bavaroise, dir. sir Colin Davis (RCA).

HECTOR BERLIOZ (1803-1869)

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DANIEL VORNDRAN / CC-BY-SA

erlioz était agnostique etcefutleministèrede l’Intérieur qui lui commandacetteMessedesmorts pourcélébrerlamémoiredes victimesdesjournéesdeJuillet 1830 et celle du maréchal Mortier.L’œuvrefutcrééeaux Invalides,en1837.Apriori,rien de religieux dans tout cela. La réussite de cette messe est due au texte liturgique conçu comme un programme

narratif et psychologique. Il exprime la vision de la mort d’un jeune artiste exalté. Ce requiem est une œuvre colossaleetrequiertuneffectif important. Berlioz s’est rappelé les cantates républicaines de la Révolution. Le Tuba mirum exige, outre lechœuretl’orchestre,quatre fanfares de cuivres qui se répondent dans une stéréophonie infernale. Hormis ce

passage et les visions dantesques du Rex tremendae et de la fin du Lacrimosa,la partitionestplutôtsobre.LeKyrie initial est recueilli, quoique expressif. Berlioz a recours à des moyens simples et à des effectifs réduits (Quid sum miser) ou fait appel à des procédés néomédiévaux (Hostias). L’Offertoire est un cortègesonorepsalmodié, d’une écriture néoclassique. Dans le Sanctus, il emploie le ténor solo pour une mélodie d’une parfaite sérénité, suivie d’une joyeuse fugue chorale. L’Agnus Dei et le Dona nobis pacem réutilisent des éléments antérieurs (HostiasetKyrie)etapportent une conclusion apaisée. X

£ Un disque: Wandsworth School Boys Choir, London Symphony Orchestra and Choir, dir. sir Colin Davis (Pentatone). 50 Q CLASSICA / Avril 2018

OTTO BÖHLER

Grande Messe des morts

ANTON BRUCKNER (1824-1896) Te Deum ruckner composa le Te Deum pour remercier Dieu du succès inattendu de sa Symphonie n°4. Écrit entre 1881 et 1883, il est donc contemporain de la Symphonie n°7 dont il cite un thème de l’Adagio. À la fin de sa vie, Bruckner suggéra que le Te Deum soit exécuté en finale de la Symphonie n°9, inachevée.

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C’est une composition très condensée, d’une vingtaine de minutes seulement, qui tient de la tradition liturgique autrichienne par sa distribution(quatresolistes, chœur et orchestre), sa divisionenmouvements relativement brefs, mais dont l’harmonie rappelle parfois les polyphonies du XIVe siècle. Le ton général est proche des symphonies du maître,avec leurs répétitions,leurs amples développements, le refus de tout pittoresque sonore. Cet hymne possède un caractère exalté (le début et la fin sont écrasants). Il ne s’agit pas d’exaltation guerrière, mais d’extase devant le triomphe de la foi. X £ Un disque: Solistes, Chor der Deutschen Oper Berlin, Berliner Philharmoniker, dir. Eugen Jochum (DG).

JOHANNES BRAHMS ttention, ceci n’est pas un requiem. La plus longue des œuvres de Brahms n’a rien à voir avec les messes de requiem catholiques. Ce n’est d’ailleurs en rien une œuvre liturgique, mais plutôt une cantate funèbre sur des textes des deux Testaments, comme en avaient composé Schütz ou Bach (d’où l’adjectif allemand). L’originalité du projet et ses modifications firent que la composition prit du temps (1854-1868). Tout au long de ses sept parties, Brahms impose un ton austère mais pourtantdivers.Lecaractère général de l’œuvre

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s’installe dès le premier morceau, « Heureux sont ceux qui souffrent ici-bas… », dans lequel les violons ne jouent pas, laissant le champ libre aux altos, plus lyriques. Vient ensuite l’immense crescendo d’une marche lente en forme de sarabande, « Car toute chair est comme l’herbe… », passage d’une puissance tellurique qui débouche sur une sorte de fugue haletante et grandiose.Après ce sommet, le très lyrique solo du baryton « Seigneur, enseignemoi que ma vie a un but » mène à une nouvelle fugue chorale figurant l’espoir des justes. Avec un certain sens de

AKG-IMAGES

(1833-1897) Un requiem allemand

l’organisation dramatique, Brahms poursuit avec un chœur beaucoup plus léger, « Que tes demeures sont aimables… », d’un style pastoral, et avec un angélique solo de soprano, « Maintenant vous êtes

dans la tristesse… », annonçant la consolation et l’espoir en un au-delà apaisé. Le morceau suivant, « Car nous n’avons ici aucune demeure durable », retourne au grand genre. C’est le point

GIUSEPPE VERDI e 22 mai 1873, le grand romancier Alessandro Manzoni mourut. Le projet d ’ u n re q u i e m à sa mémoire naquit tout naturellement, pour lequel Verdi reprit un Libera me écrit pour une messe collective composée quelques années auparavantenhommage à Rossini. La création eut lieu sous la direction de Verdi, le 22 mai 1874, en l’église Saint-Marc de Milan et aussitôt reprise à la Scala. Le texte liturgique du Requiem de Verdi peut être considéré – et aura

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été traité – comme un livret d’opéra, faisant référence à des situations humaines (la culpabilité dans l’Ingemisco,laterreurpanique dans le Libera me…). Plus généralement, Verdi semble avoir voulu mêler le ton strictement religieux et un style marqué par l’opéra. Par exemple,après un Introit sobre et pieux, le ténor se détache pour proférer la belle phrase lyrique du Kyrie, suivi par les trois autres solistes. Le début du Dies irae ou le Tuba mirum déchaînent les

MP / LEEMAGE

(1813-1901) Requiem

forces épiques et visionnaires du compositeur; on est tout près de la tempête du premier acte d’Otello. Ensuite, Verdi nous offre une série de « numéros » lyriques tous plus beaux les uns que les autres : le quatuorSalva me fons pietatis, le solo de ténor

de l’Ingemisco, le solo de mezzo du Recordare, l’air de basse Confutatis et le quatuor avec chœur du Lacrimosa. La suite est moins uniformément « opératique ». Le compositeur imagine de beaux passages entièrement choraux comme le Sanctus.

culminant de la montagne brahmsienne qui s’élève peu à peu jusqu’à une vision apocalyptique du Jugement dernier.Lebarytonannonce que la mort est vaincue etlemouvements’achève sur une grande fugue chorale d’une formidable puissance, hymne à la gloire de Dieu.Beaucoup moins complexe, figurant la sérénité paradisiaque, le dernier mouvement, « Heureux sont les morts… », offre un pendant paisible au premier. X £ Un disque: Elisabeth Schwarzkopf, Dietrich Fischer-Dieskau, Philharmonia Orchestra & Chorus, dir. Otto Klemperer (EMI).

Mêmequandlessolistes interviennent, le ton est plus liturgique (Offertorium, Agnus Dei, Lux aeterna). En revanche, le récitatif paniqué de la soprano, dans le Libera me final,et l’air Tremens fa c t u s s u m a p pa rtiennent bien au monde théâtral. Après une fugue un peu scolaire, le chœur répète deux fois « Libera me » pianissimo. Imploration ? Libération ? La conclusion du Requiem est ambiguë. X

£ Un disque: Elisabeth Schwarzkopf, Christa Ludwig, Nicolai Gedda, Nicolai Ghiaurov, Philharmonia Orchestra & Chorus, dir. Carlo Maria Giulini (EMI). CLASSICA / Avril 2018 Q 51

EN COUVERTURE GABRIEL FAURÉ (1845-1924) Requiem

CHRISTEL PHOTOGRAPHY

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SERGUEÏ RACHMANINOV (1873-1943) Les Vêpres e que l’on désignecommeVêpres est en fait une « grande liturgie du soir et du matin ». Sur les quinze morceaux que comporte l’ouvrage, seuls les six premiers sont des musiques de vêpres, les neuf autres sont des matines. Comme Tchaïkovski avant lui, Rachmaninov a participé au mouvement de restauration d’une liturgie orthodoxetraditionnelle, fondée sur d’authentiques motifs anciens. L’œuvre, composée en 1915, est à la fois homogène, brûlante d’une ardente intériorité paradoxalement très sereine et variée, Rachmaninov respectant

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52 Q CLASSICA / Avril 2018

les codes de la tradition qui utilise une large palette de techniques polyphoniques extrêmement savantes – jusqu’à huit voix. Des pages comme Béni sois-tu, Seigneur (n°9) ou la Grande Doxologie (n°12) dominent le cycle par leur intensité et la complexité de l’espace sonore. Ici, le compositeur efface totalement sa personnalité avec autant de sincérité qu’il la surexposait dans ses concertos et ses pièces instrumentales. X £ Un disque : Chœur de chambre philharmonique d’Estonie, dir. Paul Hillier (Harmonia Mundi).

Verdi, notamment). Le compositeur omet d’ailleurs les passages les plus grandioses comme la longue séquence du Dies irae. Les passages dévolus aux solistes, le céleste Pie Jesu pour soprano, mais chanté à l’origine par un jeune garçon, et les deux graves interventions du baryton (Hostias et Libera me) ne sont en rien des airs d’opéra et doivent être interprétés avec la modestie de ton d’un chantre. Le Requiem donne ainsi une paisible image de nos fins dernières, dès le Kyrie, au balancement tendre comme une berceuse. On y retrouve l’intériorité et la sobriété du plainchant, que Fauré avait très sérieusement étudié dans sa jeunesse, mais

il ne manque pas de sensualité (la jolie mélodie du Sanctus,à laquelle répondent suavement les altos qui entourent de leurs volutes le chœur dans l’Agnus Dei, par exemple). Cette tendre « berceuse de la mort » ne fit pourtant pas l’unanimité. Francis Poulenc trouvait le Requiem détestable, assurant que c’était pour lui « un vrai supplice », « qu’il lui ferait perdre la foi ». Pour Pierre Boulez, c’était « de la bouillie ». Le succès toujours renouvelé de ce chefd’œuvre leur a donné tort. X £ Un disque : Sandrine Piau, Stéphane Degout, Ensemble Accentus, Membres de l’Orchestre national de France, dir. Laurence Equilbey (Naïve).

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e Requiem vit le jour en l’église de la Madeleine, dont Fauré était à l’époque le maître de chapelle, le 16 janvier 1888, à l’occasion de la « messe du bout de l’an » de l’architecte Le Soufaché. Fauré l’avait composé en peu de temps, y intégrant un Libera me antérieur. Il devait le compléter un peu plus tard. L’instrumentation, réduite à l’origine et sans violons,sera plus tard élargie aux dimensions du grand orchestre, mais de nos jours,on revient souvent à la formation réduite, plus intimiste. Si ce Requiem a connu un tel succès, c’est qu’il rompait, par son apparente simplicité, avec les fresques visionnaires de l’époque romantique (Berlioz et

FRANCIS POULENC (1899-1963) Gloria uste après la création de la déprimanteetpathétiqueVoixhumaine en 1959,Poulenc s’attela à la composition d’un motet dans le style « Grand Siècle français ». Il était très fier de son œuvre dont certains aspects furent jugés un peu folâtres par de bonnes âmes (le chœur Laudamus Te scandalisa un peu, mais le musicien s’expliqua franchement sur le ton joyeux et même humoristique de ce passage).D’autres passages (le solennel Gloria initial, l’humble prière du soprano solo dans le Domine Deus, où s’exprime la foi toute simple et

IGOR STRAVINSKY (1882-1971) Symphonie de psaumes ette symphonie chorale en trois mouvements suit de peu le retour de Stravinsky à la foi orthodoxe, mais son message est œcuménique et les textes sont en latin. Composée en France en 1930, l’œuvre appartient à la période néoclassique du compositeur, en évitant tout pastiche. Le bref premier mouvement, très dépouillé, se fonde sur le psaume 38. C’est une pièce homophone, avec proclamation hiératique sur des formules rythmiques répétitives.Le deuxième mouvement, tiré du psaume 39, est autrement plus complexe et présente une fugue d’abord instrumentale puis chorale. Le dernier mouvement, dont le début évoque la musique religieuse orthodoxe, qui est aussi long que les deux précédents réunis, met en musique le psaume 150.

On notera un vigoureux intermède orchestral figurant le char de feu d’Elie. La fin est ampleetsereine.LaSymphonie de psaumes refuse toute sentimentalité religieuse, le compositeur souhaitant débarrasser la musique sacrée de tout élément personnel. X

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£ Un disque : Collegium Vocale Gent, Royal Flemish Philharmonic, dir. Philippe Herreweghe (Pentatone).

£ Un disque : Kathleen Battle, Tanglewood Festival Chorus, Boston Symphony, dir. Seiji Ozawa (DG).

BENJAMIN BRITTEN (1913-1976) War Requiem e War Requiem fut composé pour l’inauguration, en 1962, de la nouvelle cathédrale de Coventry, la précédente ayant été détruite en 1940 parlesbombardementsallemands, au cours de l’opération Sonate « Clair de lune » (on sait que les nazis étaient de vrais mélomanes). L’originalité de cette longue partition est d’entremêler le texte liturgique traditionnel, en latin, de la messe de requiem, chanté par le sopranosolo,legrandchœur et le grand orchestre, et des poèmes (en anglais) de Wilfred Owen, dévolus au ténor et au baryton solistes, accompagnés par un petit orchestre – mais il n’y a pas de solution de continuité entre les moments liturgiques et les moments poétiques qui sont pris dans un mêmefluxmusical.Quoique de circonstance, le War Requiem est d’une brûlante sincérité, Britten ayant toujours été un grand pacifiste.

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GETTY

DANIEL FRASNAY / AKG-IMAGES

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populaire du compositeur, la prière lente et fluide du Domine Deus, Agnus Dei, la fin curieusement très sobre) sont plus conformes à ce que l’on attend généralement d’une œuvre sacrée.Avec ce Gloria, Poulenc a voulu opérer la synthèse du grand motet classique,relu à la lumière de sa propre esthétique et de son extraordinaire maîtrise de l’écriture chorale. X

L’œuvre débute dans une atmosphère lugubre soulignée par le glas des cloches. Le Dies irae, au contraire de tant de pages éclatantes et théâtrales, semble plutôt énoncé par une voix étrangléeparl’angoisse.L’Offertorium cite des œuvres antérieures du compositeur. Ici, règne une douce lumière, avant que la matière sonore nesoitanimée,commechez Verdi, par une grande fugue sur le Quam olim Abrahae. On note des influences du gamelan balinais, très stylisées, dans le Sanctus. Dans un long crescendo,le chœur à huit voix célèbre Dieu, tandis quelepoème d’Owenqui suits’interrogedouloureusement sur la possibilité d’une vie éternelle. L’Agnus Dei,

musique fluctuante au rythme incertain,est encore une fois baigné d’une lumière blafarde. Le Libera me final fait suivre le texte liturgique, souligné par une musique tour à tour sinistre et effrayante,d’un bouleversant poème chanté par le ténor,évoquantdeuxsoldats ennemis se retrouvant dans l’au-delà. Le War Requiem s’achève sur une prière choraleapaisée,alorsqueleglas du début se fait encore entendre.La paix n’est peutêtre pas retrouvée. X

£ Un disque : Elisabeth Söderström, Robert Tear, sir Thomas Allen, City of Birmingham Chorus and Orchestra, dir. sir Simon Rattle (EMI). CLASSICA / Avril 2018 Q 53

L’ÉCOUTE COMPARÉE AVEC PHILIPPE VENTURINI, L’INVITÉ DE LA RÉDACTION JÉRÉMIE RHORER *, ET MICHEL LE NAOUR

LA MISSA SOLEMNIS de Ludwig van Beethoven Drapée dans sa grandeur, complexe et sans concession, cette pièce majeure du répertoire sacré est aussi difficile à interpréter qu’à recevoir. Quel chef s’en fera le meilleur apôtre? apremièreMissaSolemnisremonte à1928:KitteletlePhilharmonique de Berlin (DG). Suivent d’autres témoignages, exclusivement en concert : Toscanini (1935, 1939, 1940 et 1953), Beecham (Londres, 1937,Somm),Koussevitzky(1938, RCA) et Krauss (1940, DG). S’ajoutent, après-guerre, Walter (1948, Music & Arts), Erich Kleiber (1948, idem), Horenstein (1961, BBC Legends), Wand (1963, Testament) et Steinberg (1973, ICA). Les amateurs de raretés chercheront Mitropoulos,Andrea,Konwitschny,Schuricht,Wallberg,Goehr, Sawallisch, Kegel, Mackerras, Barchaï, Radu et Matl. Parmi eux, on recommandera d’abord Toscanini (1953, RCA) pour sa conviction et Schuricht (1957, Archiphon) pour son humanité rayonnante. Pour disposer de bonnes conditions techniques, il faut attendre Böhm (Berlin, 1955, DG), suivi de Karajan (Philharmonia, 1958, Warner). Tous deux récidiveront. Le premier avec Vienne (Price, Ludwig, Ochman, Talvela, 1974, DG), et le second trois fois avec Berlin (Janowitz, Ludwig, Wunderlich, Walter, 1966, DG, puis Janowitz, Baltsa, Schreier, Van Dam, 1974, Warner, et enin, Cuberli, Schmidt, Cole, Van Dam, 1985, DG) que rejoint un concert avec Vienne à Salzbourg (1959, Orfeo). Comment choisir ? La seconde réalisation de Böhm bénéficie d’une meilleure prise de son, d’un quatuor de rêve et d’une enviable réputation. Pour Karajan, on opte 54 Q CLASSICA / Avril 2018

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Beethoven composant la Missa Solemnis, par Joseph Karl Stieler, 1820, Beethoven-Haus, Bonn.

pour les deux versions intermédiaires, la dernière souffrant d’un quatuor déséquilibré.Vient alors un autre champion de la Missa Solemnis: Klemperer. À côté de nombreux concerts, le chef n’en a laissé qu’un seul enregistrement, considéré depuis sa parution comme un modèle de grandeur (New Philharmonia, Söderstrom, Höfgen, Kmentt, Talvela, 1965, Warner): nous le conservons. D’autres grands chefs sont également retournés à la Missa Solemnis, soit au studio, soit en concert, tels Masur, désastreux (Leipzig, 1972, Berlin Classics) ou

pas très inspiré (New York, 1999, NYP), et Solti, puissant mais souvent extérieur (Chicago, 1978, Decca, Londres, 1982, LPO, et Berlin, 1994, Decca). Le style de Giulini est bien sûr diférent, plus intériorisé mais sulpicien(Londres,1975,Warner);onpeutégalement trouver des concerts à Londres, en 1966 et 1968, et à Rome, en 1969. Davis n’a pas vraiment réussi sa messe malgré deux gravures, l’une avec le Symphonique de Londres (1977, Philips), l’autre avec la Radio bavaroise (1992, RCA), faute d’une direction trop retenue. Bernstein livre, lui aussi, deux lectures: la première à New York (1960, Sony) est vigoureuse, la seconde, en public à Amsterdam (1978, DG), plus théâtrale, mais doit compter avec des solistes un peu fatigués. À regret, nous ne la retenons pas, pas plus que celles de Jochum, également à Amsterdam (1970, DG), Kubelík (Radio bavaroise, 1977, Orfeo), Blomstedt (Leipzig, 2012, Querstand), Haitink (Radio bavaroise, 2014, BR Klassik), car elles s’inscrivent dans la droite ligne des aînés sans en renouveler le propos. Zinman, aérien et cursif, en revanche, change la donne et mérite aussi une écoute (Zurich, 2001, Arte Nova), même si sa direction peut sembler expéditive (1 h 06 !).Nous abandonnons sans états d’âme Ormandy (1967, Sony), Gielen (1987, Intercord), Shaw (1987, Telarc), Dorati (1988, Bis), Rilling (1989,

L’ŒUVRE EN BREF Q Beethoven devait composer une messe pour l’intronisation au titre d’archevêque de l’archiduc Rodolphe, son mécène et élève, frère de l’empereur d’Autriche François I, prévue en 1820. À la suite de nombreux retards, la messe ne sera créée qu’en 1824, à Saint-Pétersbourg, dans un théâtre. Elle convoque,

Hänssler), Tate (1989, EMI), Levine (1991, DG), Barenboim(1993,WarnerClassics),Norrington(1999, Hänssler), Soustrot (2002, MDG), Schermerhorn (2003, Naxos), Kuhn (2007, Col Legno), Eschenbach (2008, LPO) et Janowski (2016, Pentatone). Et les baroqueux? La première tentative, signée Kvam, futunratage(HanoverBand,1987,Nimbus).Gardiner (English Baroque Soloists, Margiono, Robbin, Kendall, Miles, 1989, Archiv) se montra bien plus maîtrisé et it enin entendre un chœur (le Monteverdi) à la hauteur des diiciles enjeux. Le chef donnera une seconde version en concert (2012, SDG), qui ne peut dissimuler quelques lottements. Pragmatique, Harnoncourt resta d’abord idèle à l’Orchestre de chambre d’Europe (Mei, Lipovsek, Rolfe Johnson, Holl, 1992, Teldec) avant de tenter l’aventure, à la in de sa vie, avec les instruments d’époque du Concentus Musicus (Aikin, Fink, Chum, Drole, 2015, Teldec). À deux reprises, il marqua les esprits. Herreweghe afrontera également deux fois la messe avec l’Orchestre des Champs-Élysées et le Collegium Vocale de Gand: en 1995 (Harmonia Mundi) puis en 2011 (Petersen, Romberger, Hulett, Wilson-Johnson, PHI, 2011). Cette dernière, plus aboutie, reste en lice. En revanche, nous ne gardons pas Reuss (2016, Glossa), ni Suzuki, qui vient tout juste de paraître (2017, Bis). X

comme la Symphonie n°9, un quatuor de chanteurs, un chœur et un grand orchestre. Sa complexité, la profusion des styles qu’elle brasse, de la majesté des rythmes pointés du Kyrie aux échos des champs de bataille du « Miserere nobis » de l’Agnus Dei, son écriture vocale sans concession (les la aigus fortissimo pour les sopranos du chœur), la tension entre grandeur divine

Retrouvez « La Tribune des critiques de disques » tous les dimanches, de 16 h à 18 h, sur France Musique. Voir page 15.

et émotion humaine, sa durée (entre 1h10 et 1h20) ont en effet de quoi décourager les meilleures volontés. Elle peut même paraître « rébarbative » à qui l’entend pour la première fois, comme l’annonce Philippe Herreweghe. Aux interprètes de nous en dissuader et de nous convaincre qu’il s’agit de la plus grande œuvre du compositeur, comme il le pensait lui-même.

Les huit versions couté en premier, Klemperer init bon dernier. Il a certes pour lui une prise de son limpide qui valorise une direction claire, « une lisibilité polyphonique » (PV), un bon équilibre entre vents et cordes. Si les premières mesures du Kyrie se dressent comme un portique, JR estime que le mouvement « manque de ligne et de poésie » à cause d’une direction « très métrique, très appuyée, trop scandée », qui init par l’étoufer. MLN perçoit une « volonté de grandeur » dans cette architecture

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imposante, mais regrette que « les plans ne se distinguent pas davantage ». PV partage ces impressions et se sent vite écrasé par ce monument de béton (les fugues, impassibles et igées). Heureusement, les solistes apportent un peu d’air (Söderström). Les trois auditeurs perçoivent d’emblée, dans la version 1966 de Karajan, « davantage de luminosité, de nuances, de lignes » (MLN), la volonté de « créer un espace, d’installer un climat religieux et fervent, de creuser le relief » (JR), de « galber le discours, de laisser respirer la phrase et de OOO

*Jérémie Rhorer est chef d’orchestre, fondateur du Cercle de l’Harmonie. CLASSICA / Avril 2018 Q 55

L’ÉCOUTE COMPARÉE L’interprétation de la messe qu’ofre Karajan en 1974 conserve naturellement des qualités communes de souplesse et de ductilité, mises en valeur par une prise de son plus généreuse, mais elle « diférencie mieux les épisodes » (JR), « installe une ambiance propice au recueillement » (MLN), « se montre très convaincue, partagée entre prière et supplication, à la recherche d’une homogénéité sonore » (PV). Mais, au fur et à mesure de l’écoute, JR ne « perçoit pas le soule », même s’il admire le quatuor vocal. Louée, réputée, régulièrement mentionnée dans les discographies, cette version doit quand même composer avec le Singverein der Gesellschaft der Musikfreunde (ChœurdelaSociétédesAmisdelaMusiqueàVienne) dont l’équilibre et la justesse ne sont pas les qualités premières(les sopranos!).Unhandicappouruneœuvre qui les sollicite presque en permanence.

AKG-IMAGES / NIKLAUS STAUSS

BÖHM PAS ASSEZ EXPRESSIF

Nikolaus Harnoncourt s’impose en tête de notre discographie comparée.

ne pas brider l’expression malgré la solennité » (PV). Si personne ne conteste la beauté des voix des solistes (« ténor fantastique », s’enthousiasme JR), il faut bien reconnaître que le Wiener Singverein est souvent mis à rude épreuve, notamment les sopranos. Bien que globalement plus rapide que Klemperer, Karajan ne tient pas toujours compte, entre autres, « des tensions harmoniques » dans les fugues (JR).

Le chef parvient à unifier chœur et pupitres, tout en créant des espaces de relâchement propres à Beethoven 56 Q CLASSICA / Avril 2018

Böhm 1974 dispose, lui aussi, d’un ensemble viennois (Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor), celui de l’Opéra, qui n’est pas exempt de défauts. Cela dit, JR considère que « ça commence plutôt bien, que les intentions sont bonnes, que la recherche de l’intériorité est manifeste », mais remarque une « dichotomie entre le chef et les chanteurs » qui semblent penser à la scène plus qu’à l’autel et font montre d’un permanent « sostenuto ». Cette direction « assez peu creusée, très linéaire, très retenue » (PV) init par désintéresser MLN et ne parvient pas à animer les fugues: elles deviennent « motoriques, mais peu expressives » (JR). Au terme de ces quatre premières versions, les plus anciennes, se dégage une impression générale de pesanteur, vraisemblablement induite par les moyens mis en œuvre et une vision postromantique de cette musique. C’est, paradoxalement, une sensation que peut procurer le dernier enregistrement d’Harnoncourt (son dernier disque, réalisé en concert en 2015 et paru après sa mort). On sait qu’avec les années, il se rapprochait des grands chefs du passé. Aussi cette façon de légèrement « décaler les attaques, pour éviter de les rendre trop verticales » (PV) évoque Furtwängler. JR juge cette exécution « assez impersonnelle, pas très soignée dans sa réalisation, distribuant de façon étonnante les fonctions d’articulation et de résonance des différents pupitres ». MLN constate également quelques flottements. Il n’empêche, la réduction des effectifs, instrumentaux et chorals, permet de mieux se repérer sur la partition. La conduite des mouvements complexes du chœur devient beaucoup plus nette. Les fugues retrouvent ainsi un tempo et un mouvement naturels. Si Harnoncourt 2015 laisse un sentiment d’inabouti, les trois autres lectures font l’unanimité et vont se montrer diiciles à départager sur le podium. Selon les mouvements, l’or, l’argent et le bronze couronnent alternativement les unes ou les autres.

L’ÉNERGIE DE GARDINER Si Herreweghe sait graduer son intensité et, en déinitive, convaincre l’auditeur, Gardiner le saisit dès les premières mesures pour ne jamais le relâcher, à l’instar de Toscanini en 1953. PV entend ainsi une « humeur belliqueuse, une évocation craintive du Dieu armé de la Bible ». JR note également que « ça commence très, très bien parce que l’équilibre entre respiration et articulation rend justice à la forme ». MLN, quant à lui, apprécie « le respect des nuances, la variété des climats, la conviction du chef ». Le maître anglais semble enfin laisser jaillir l’énergie conquérante de cette « symphonie avec paroles surajoutées » (Furtwängler). Pourtant réalisée avant l’intégrale Beethoven, cette exécution montre un orchestre « très éloquent » (PV) et, bien sûr, un Monteverdi Choir royal (homogénéité, justesse, netteté d’articulation, diction) qui valide cette démarche historique. JR remarque en outre la direction « très active, très volontaire » de Gardiner. « Ah, c’est beau, ça ! » lâche JR, le nez dans la partition, en entendant le tout début de la version d’Harnoncourt, captée en concert à Salzbourg, en 1992. Il aime la façon dont le tutti, marqué forte, des trois premières mesures contraste avec les suivantes, demandées piano. « C’est très aéré, très poétique, le phrasé est idéal », ajoute-t-il. MLN, quant à lui, aime ce climat de « recueillement et de tendresse, de naturel de la conduite » ainsi que la « qualité et la couleur du son ». PV est déinitivement conquis par ces musiciens qui ont compris que ferveur ne rimait pas avec lourdeur et que transparence ne signiiait pas indigence. Tous trois s’enthousiasment pour la clarté des lignes, la souplesse du Chœur Arnold Schoenberg et l’équilibre entre les pupitres de l’Orchestre de chambre d’Europe. « Le chef parvient à uniier l’ensemble, tout en créant des espaces de relâchement propres à Beethoven », conclut JR. Longtemps considérée (ou présentée comme) impénétrable, obscurcie par des vitraux opaques, la cathédrale laisse enin iltrer la lumière. X Philippe Venturini

RETROUVEZ LE GAGNANT SUR LE

1

CD

L’évidence. La souplesse des phrasés,la subtilité des nuances et la variété des couleurs communient dans une même ferveur.

LE BILAN

La seconde interprétation d’Herreweghe, enregistrée en concert à Bruges, commence de façon « assez étale, marquée par un tempo lent, créant un climat d’attente » (PV), semble « se dérouler à l’infini, comme une ligne ininterrompue » et « manque alors de rupture » (MLN). JR en salue la réalisation « très esthétique, plastiquement superbe », mais la considère « insuisamment narrative ». Mais, peu à peu, les éléments s’animent et l’édiice se dresse. JR « a adoré » la tenue de la fugue dans le « Quoniam » du Gloria, la clarté des idées et la réalisation, « très théâtrale », tandis que MLN est impressionné par « le rebond rythmique, la luidité du geste, la mobilité ».

NIKOLAUS HARNONCOURT Teldec 1992

2

JOHN ELIOT GARDINER Archiv 1989

Décidé et vigoureux, volontiers théâtral, le chef britannique accorde à la messe la puissance dramatique des symphonies.

3

PHILIPPE HERREWEGHE PHI 2011

D’abord contemplative, cette version s’organise avec une imparable logique. La réalisation, vocale et instrumentale, est une bénédiction.

4

NIKOLAUS HARNONCOURT Teldec 2015

Le second enregistrement de Harnoncourt, malgré sa limpidité et son absence de lourdeur, semble moins construit que le premier.

5

KARL BÖHM Deutsche Grammophon 1974

Le tempo, retenu, se veut propice à la prière, mais il prive certains épisodes d’une indispensable liberté.

6

HERBERTVON KARAJAN Warner Classics 1974

Plateau de luxe,prise de son généreuse, direction féline : il y a une noblesse incontestable que gâchent souvent les approximations du chœur.

7

HERBERTVON KARAJAN Deutsche Grammophon 1966

On profite d’un quatuor de chanteurs vedettes, mais la conduite de Karajan manque de ductilité et de contrastes.

8

OTTO KLEMPERER Warner Classics 1965

La volonté de grandeur, marquée par une battue très verticale, combinée à une absence de lyrisme, ferme la porte à l’émotion. CLASSICA / Avril 2018 Q 57

PASSION MUSIQUE D’OLIVIER BELLAM

DIDIER LOCKWOOD

L’invité du mois

DISPARU LE 18 FÉVRIER, LE GRAND VIOLONISTE DE JAZZ FRANÇAIS EXPLORAIT TOUS LES STYLES AVEC BONHEUR. FIN 2014, IL PARTICIPAIT À L’ÉMISSION. SOUVENIRS.

lbert Einstein jouait du violonavecl’intuitionquelesensé ne devait pas être séparé du sensible. Or, nous avons trop souvent distingué les deux dans l’éducation musicale. C’est ce pavé que j’ai lancé dans la mare lors d’une mission ministérielle queFrédéricMitterrandm’avait confiée et qui s’est poursuivie par la suite. Si l’on veut éveiller les enfants de ce pays à la musique, il faut suivre trois règles d’or.D’abord,ne pas commencer à lire la musique avant d’en jouer. Un bébé apprend à parler avant d’apprendre à lire. L’apprentissage auditif et oral précède la lecture qui n’est pas obligatoire. Biréli Lagrène sait

A

Retrouvez

OLIVIER BELLAMY et son invité dans « Passion Classique » tous les jours, de 18 h à 19 h

58 Q CLASSICA / Avril 2018

jouer plusieurs concertos sans lire une seule note de musique. Ensuite, la musique s’apprend en groupe. Les cours particuliers viendront plus tard. Au début, il faut que ce soit une expérience humaine,une aventure de groupe. Enfin, la musique se ressent dans le corps. Pour que le rythme soit naturel, il importe que le son et la danse soient reliés dès le début. J’en parle en connaissance de cause, car j’ai fêté récemment mes quarante ans de liberté alors que mon apprentissage musical a commencé bien avant. J’ai eu le même professeur que mon père au Conservatoire de Calais. Ce n’était pas le bagne, mais c’était tout de même à la dure. Au bout de dix ans, j’ai eu un grave accident, me brisant le bras en trois parties, ce qui m’a contraint d’arrêter. Je me suis servi de mon violon comme d’une guitare et je me suis amusé à accompagner des disques d’oreille. Mon frère aîné m’a aidé à me trouver, puis j’ai rencontré des musiciens tels Stéphane Grappelli

ou Martial Solal, et je me suis refait une éducation musicale complète. Ça me rappelle quand Maxim Vengerov est venu me rendre visiteàmonécoledeDammarieles-Lys.Ilm’ademandé:« Didier, j’aimerais savoir improviser,mais ça reste un mystère pour moi, et j’ai l’impression d’être la moitié d’unmusicien.Combiendetemps me faudrait-il pour savoir inventer la musique avec mon violon? » Je l’ai questionné à mon tour: « Maxim, il t’a fallu combien de temps pour apprendre à jouer du violon? » Il a réfléchi et m’a répondu: « Huit ans. » Je lui ai alors dit: « Eh bien, il en faudra le double. »

ERREURSMAÎTRISÉES L’improvisateur est un compositeur sans gomme. Que s’est-il passé pour que les plus grands musiciens cessent d’improviser? Le romantisme a emmené la musique vers un chemin plus touffu qui nécessitait des spécialistes. Et puis l’invention du disque a figé les pratiques. Pour enrayer ce phénomène, j’avais proposé aux responsables du

MICHEL MONTEILS

Concours Long-Thibaud qu’on ajoute une épreuve d’improvisation pour départager les candidats. Hélas, le conservatisme a vite repris ses droits.Improviser, c’est apprendre à se perdre, or l’homme en a peur. L’habitude le rassure, mais le rend sourd et aveugle. Remettre à l’honneur l’improvisation, c’était faire entrer la vie dans

l’aise que Yehudi, qu’on sent plus raide, désireux d’échapper à son académisme. Stéphane Grappelli a été mon mentor. Il m’appelait « mon petit-fils » et m’avait donné son violon lors d’un concert très émouvant au Théâtre de la Ville. Il m’avait surtout conseillé de toujours garder un regard d’enfant sur la musique, de s’émouvoir, de

« L’important reste le cœur. Si on le remplace par la forme, on s’égare » la musique. Car la vie est une grande improvisatrice, malgré nos plans et nos projets.Improviser est une suite d’erreurs maîtrisées, une recherche d’équilibre.C’est beau que Petrucciani et Chopin soient si proches au Père Lachaise, car ils cherchaient le sublime en travaillant leurs improvisations. Magnifique aussi la rencontre entre Grappelli et Menuhin, même si Stéphane est plus à

s’enthousiasmer et de ne jamais s’endormir. Yehudi était venu à mon école. Ça l’intéressait beaucoup. Il était tellement ouvert et chaleureux. C’étaient des êtres de lumière. Tout comme Patricia Petibon. Je l’ai rencontrée pour la première fois dans le TGV qui nous conduisait à Nantes où se déroulaient les Victoires de la musique. Sans jamais l’avoir entendue chanter, je l’ai

entendue en moi, j’ai su qui elle était et je n’ai pas été surpris lorsque j’ai enfin découvert la voix de ce bel ange.

ONDES VIBRATOIRES Je suis sûr que tout est vibration dans la vie. La musique, mais également cette table, cette vitre; l’amour est la vibration suprême qui relie tout. Je m’intéresse beaucoup à la physique quantique, à la théorie des vibrations. Même si ce n’est pas vrai, cela enrichit notre point de vue, et cela rapproche nos points de vue. Il faut parfois aller loin pour se trouver. En sortant du Conservatoire de Calais, plutôt que de m’inscrire à celui de Paris, j’ai décidé de jouer avec le groupe Magma. J’ai eu l’impression d’apprendre mon métier rythmique avec eux. Je n’ai pas fait mon service militaire, mais ils m’ont appris à jouer au pas. J’ai toujours veillé à garder la richesse des dynamiques de la musique classique. Dans la musique amplifiée,on peut être tenté de perdre en chemin toutes les nuances dynamiques

acquises au contact de la musique acoustique. L’essentiel est de toujours « parler musique » en utilisant toutes les modulations de la rhétorique. Le style est secondaire. Écoutez comment David Oistrakh et son fils Igor jouent le Double Concerto de Bach. L’important reste le cœur. Si on le remplace par la forme, on s’égare. Bach interprété par un enfant qui a du cœur sera toujours plus beau que joué par un virtuose qui n’en a pas. Aujourd’hui, Bach serait ravi de rencontrer des musiciens indiens. Il les comprendrait, car il est également mathématicien, et tout est nombre dans la musique, nombre sublimé,mais nombre quand même. Que se passe-t-il dans le cerveau d’un grand génie? Je crois que l’ouverture sensible maximale au monde permet d’entrer dans tous les secrets du monde ; l’observation des particules les plus simples aux harmonies les plus complexes,sans volonté, comme si on n’y était pour rien. Ainsi la beauté sauve le monde. Mozart ne fonctionnait pas autrement. J’écoute sans cesse son Requiem et j’y apprends toujours des choses nouvelles. C’est si puissant,si dense,d’une telle plénitude. L’extase est à portée de main. X

Ses musiques Z Grappelli et Menuhin Z Patricia Petibon:

Les Berceaux de Fauré Z Le groupe Magma Z Petrucciani Z « Avec le temps » de Léo Ferré Z Le Requiem dont le Lacrimosa de Mozart Z Concerto pour deux violons de Bach par Igor et David Oistrakh Z Vengerov: Concerto de Paganini Z La Wally avec Maria Callas CLASSICA / Avril 2018 Q 59

MUSIQUE & VIN

Interview à quatre voix

ACCORDS PARFAITS

STÉPHANIE LACOMBE

Quels points communs y a-t-il entre la musique et le vin ? Pourquoi parlent-ils un même langage ? Explications avec le chef étoilé Alain Passard, le cogérant du domaine de la Romanée-Conti Aubert de Villaine, le pianiste Robert Levin et le fondateur du label Le Palais des Dégustateurs Éric Rouyer.

a musique et le vin sollicitent bien sûr des sens diférents, mais on emploie souvent les mêmes adjectifs pour les apprécier: velouté, chaud, soyeux, nerveux, par exemple. Est-ce une simple coïncidence? Aubert de Villaine: Je ne crois pas, car il m’est arrivé

L

de participer à des dégustations avec des musiciens et elles se sont toujours révélées enrichissantes, 60 Q CLASSICA / Avril 2018

De gauche à droite : Alain Passard, Aubert de Villaine, Robert Levin et Éric Rouyer.

subtiles, argumentées. Leur sensibilité exacerbée leur permet même de percevoir des nuances qui échappent à certains professionnels du vin. C’est très étonnant… Est-ce seulement une question de perception ou y a-t-il aussi une façon d’exprimer les sensations qui rapprocheraient les deux univers ? A. de V.: Les deux, à mon avis. Me revient ainsi en

mémoire une expérience marquante. On m’avait

Est-ce à dire que, si on risque un autre parallèle, le travail des vignerons et celui des musiciens sont identiques, à savoir interpréter une partition? A. de V.: Oui, je le pense. Le producteur de vin inter-

prète un génie qui n’est pas un homme,mais la nature. Le terroir est le compositeur. Chaque année, il présente une partition différente qu’il faut accepter. Vouloir la modifier, ce qui signifie vouloir protéger toute la vigne par des traitements,n’est vraiment pas la meilleure solution. Il faut au contraire savoir observer, limiter les interventions et se résoudre à ne pas être maître de tous les événements. Lors d’une attaque de mildiou, une partie de la récolte pourra disparaître, mais celle qui restera mûrira mieux et donnera un plus grand vin. Il faut rester à l’écoute du millésime et ne pas systématiquement se débarrasser des raisins qui ne semblent pas extraordinaires. Le vin sera alors fidèle au terroir et il s’exprimera dans la nuance et la subtilité. L’expérience permet d’envisager une telle évolution sans jamais être complètement sûr. Mais si on veut une réponse immédiate, on enlève toute la rafle. La décision humaine est très importante. La biodynamie permet ainsi d’obtenir des résultats très intéressants.

Aubert de Villaine est cogérant du domaine de La RomanéeConti. Il a accueilli au clos Goillotte, l’ancienne cuverie du prince de Conti à Vosne-Romanée, les séances d’enregistrement d’Alain Meunier, Dominique Merlet, Boris Berman et Robert Levin. STÉPHANIE LACOMBE

recommandé deux musiciens de l’Orchestre philharmonique de Berlin, le violoniste Romano Tommasini et l’altiste Wolfgang Talirz. Je les reçois dans la cave où, malgré le froid – il faisait -5 °C à l’extérieur –, ils avaient apporté leur instrument et joué un petit duo.Je m’étais risqué à déboucher une romanée-conti 1956, millésime considéré comme un des plus mauvais du siècle: on avait même hésité à le mettre en bouteilles, tant la récolte paraissait maigre et ingrate. À ma grande surprise, ce vin s’est révélé d’une délicatesse incroyable et exhalait un parfum délicat de pétale de rose.Wolfgang Talirz a alors déclaré que ce vin lui évoquait le dernier récital de Vladimir Horowitz. Bien sûr, ses doigts avaient perdu leur agilité et il avait fait des fausses notes, mais derrière s’entendait la musique à l’état pur. Là, c’était pareil: la nature n’avait pas facilité la tâche, mais elle avait produit un vin à l’état pur.

à des termes littéraires quand on parle de musique et de vin. On repère des arômes de cassis ou de violette… D’une année à l’autre,un grand vin peut avoir différentes déclinaisons,même si ses qualités de base demeurent. Il en est de même pour une interprétation musicale. Je peux jouer Mozart d’une certaine façon un soir à Paris et d’une autre le lendemain à Berlin, en fonction du voyage, de mon état, de la météo, du piano disponible… Une autre similitude entre la vigne et la musique, c’est la culture. A. de V.: Oui, culture dans tous les sens du terme.

Je pense d’ailleurs que la viticulture fait partie intégrante de la culture et on devrait mieux la connaître. Elle exprime plus de mille ans d’activité. C’est ce que nous avons voulu rappeler en faisant inscrire, en 2015, les Climats de Bourgogne au patrimoine mondial de l’Unesco. Ce millier de parcelles de vignes,précisément délimitées,appelées climats, réparties sur un ruban d’une soixantaine de kilomètres, permet de composer, à partir de deux cépages principaux, le pinot noir et le chardonnay, des vins différents. Et les moines qui cultivaient ces parcelles, comme les artistes composant leur musique, œuvraient pour la gloire de Dieu. R. L.: Bach inscrivait en effet « JNJ » (In Nomine Jesu) en haut de ses partitions et « SDG » (Soli Deo Gloria) en bas. Et quand il nous fait voyager dans l’univers des tonalités,c’est pour célébrer la grandeur de Dieu.

« Le producteur de vin interprète un génie qui est la nature. Le terroir est le compositeur. Tous les ans, il présente une partition »

Nuance, subtilité, à l’écoute, exprimer… Le vocabulaire reste définitivement musical. A. de V.: Oui, mais il reste toujours délicat à utiliser.

Il est aussi difficile de décrire l’émotion que procure une musique ou un vin. Et il n’y a rien de plus mauvais que la poésie sur le vin… Robert Levin: Cela dit, quand j’enseigne, j’évoque souvent la gastronomie et le vin. Un grand chef crée, un grand vigneron crée. Dans le vin, il y a le raisin, le cépage qui s’épanouit grâce aux talents des hommes. La viticulture est une esthétique.Onrecourt

On peut aussi parler des accords (encore la musique !) entre les plats et les vins. Alain Passard : Oui, même si les règles sont moins

strictes. On a souvent trop confiné le vin dans un espace. Certains poissons et même le homard se marient très bien avec des vins rouges. OOO CLASSICA / Avril 2018 Q 61

MUSIQUE & VIN Pianofortiste, pianiste et musicologue, Robert Levin est un éminent spécialiste de la musique du XVIIIe siècle. Il maîtrise si bien les styles de Bach et Mozart qu’il a complété plusieurs œuvres laissées inachevées.

condition que j’impose est d’avoir une musique de saison. Pas de musique fraîche et désaltérante en plein hiver. Je veux un son chaud, du mijoté, de la fondue d’oignons qui commence à fumer, du bourguignon de betteraves… Il y a quatre gammes (encore la musique) accordées aux saisons et il faut s’y tenir. Pas question d’en sortir, ni de s’aventurer dans des mélanges. Pas de petit pois dans la jardinière en hiver. Il y a une quinzaine de saveurs en ce moment,mais on peut varier les couleurs,celles des betteraves jaunes ou rouges,des carottes blanches ou jaunes. On travaille autant sur les goûts que sur les couleurs. La mayonnaise peut ainsi troquer son jaune pour la couleur d’une moutarde à la violette. Votre restaurant s’appelle L’Arpège, ce n’est sans doute pas un hasard. Quel est votre rapport à la musique? A. P.: Mon père était musicien. Il jouait de la clari-

STÉPHANIE LACOMBE

nette et de la scie musicale. J’ai étudié le saxophone que je continue à pratiquer régulièrement. La musique m’accompagne toujours, même en cuisine. Si elle n’est pas dans les haut-parleurs, elle est dans ma tête. Elle porte mes gestes et mon regard sur les produits. La main devient plus légère et les mouvements plus gracieux. Pour établir une saveur, il faut de la lumière et de l’acoustique. Il faut donner une résonance. Il faut des contrastes comme dans la musique; contrastes de texture, de température, de couleur. Le goût anisé d’une feuille d’estragon, le caractère astringent d’une échalote grise… R. L.: Alain Passard joue des couleurs et des intensités comme Debussy superposait ses sonorités,

Une bisque d’étrilles ou une quenelle de panais et Saint-Jacques également. A. de V.: Il n’en reste pas moins vrai que les légumes sont les aliments les plus difficiles à accorder.Les poireaux, les choux-fleurs, les endives, par exemple. A. P.: Il faut de toute façon que le légume soit cuit. Il faut du fondant, du moelleux, de la température. Surtout pas de condiment ni de moutarde. Y aurait-il alors un risque de dissonance? A. de V.: Certaines peuvent se révéler intéressantes.

Si on n’érafle pas et qu’on conserve la grappe entière, cette dissonance peut apporter sur le long terme des goûts inattendus mais très subtils. Pensez-vous qu’il soit possible d’associer des vins à des musiques? A. de V.: Un vigneron sera bien en peine de se sou-

mettre à un tel exercice, mais un musicien aura sans doute plus de facilité.Je me souviens ainsi d’un dîner avecYo-Yo Ma. Il voulait absolument retrouver, dans unedessuitesdeBach,l’émotionqu’unplat–cen’était pas un vin – avait suscitée. Il a sorti son violoncelle avec lequel il s’est bagarré pendant une demi-heure avant de la recréer. Franchement, ça m’a dépassé…

Éric Rouyer est caviste à Grenoble. Il fonde en 2012 son label Le Palais des Dégustateurs pour donner la parole à des artistes qu’il admire. Les disques de Boris Berman, Jean-Claude Vanden Eyden3 et Gérard Poulet4 ont été salués par des CHOC de Classica.

sonnelle, une réaction à une musique qu’on me propose. J’ai ainsi associé au finale de la Symphonie de Bizet des poireaux vinaigrette avec de l’avocat et du sancerre blanc ou une tatin d’ananas à l’estragon avec un vin chaud à la fleur d’oranger. La seule 62 Q CLASSICA / Avril 2018

STÉPHANIE LACOMBE

Alain Passard, c’est pourtant l’aventure que vous tentez chaque samedi matin sur France Musique, dans la matinale de Clément Rochefort1. Comment procédez-vous? A. P.: C’est évidemment une proposition très per-

certaines aériennes, certaines plus terrestres, ou comme Dutilleux composait Timbres, espace, mouvement.

HANIE LACOMBE STÉP

Si on tente un rapprochement entre musique et vin, que peut-on dire de ces deux bouteilles d’exception? Commençons par le blanc, ce montrachet 2006 du domaine de la Romanée-Conti. Éric Rouyer : C’est un hymne à

« Ce n’est pas possible. Le Byrd est en fa mineur et le Mozart en ré majeur. On ne peut pas les enchaîner. » Je me souviens également d’un concert au festival de Lockenhaus, consacré à Janácek,compositeur d’une imagination incroyable,comme vous savez.Les musiciens ontdonnéenbis une œuvre de Dvorák. Ça ne passait pas du tout. On n’avait pas du tout envie d’entendre cette musique. À table, c’est pareil: il faut choisir l’ordre des plats et des vins avec soin. Les compositeurs sont conscients des tonalités, les vignerons et les chefs aussi. Un grand chef, un grand viticulteur ou un grand compositeur sont confrontés à ces subtilités.

l’exubérance dans toute la retenue de ses nécessités expressives. Le millésime, avec sa pointe de botrytis, ouvre immédiatement sa partition généreuse et ample. Il présente une sonorité savoureuse et charnelle, tout entière dédiée à la satisfaction du dégustateur. On aurait tendance à s’assoupir au contact de tant de contentements. R. L.: C’est une sorte de paresse vertueuse, une ode au dilettantisme qu’on peut percevoir dans ce vin exceptionnel. Je pense à Dvorák. À sa Sixième Symphonie interprétée par Istvàn Kertész avec l’Orchestre symphonique de Londres. Maintenant, goûtons ce rouge, un la tâche 1997, toujours du domaine de La Romanée-Conti. E. R.: Il nous oriente dans une tout autre direction.

Nous passons de la gourmandise festive au mystère du minimalisme. Comme si des chuchotements résonnaient à l’infini. Cette complexité invite au silence et à une certaine gravité. Cette restitution presque fragile, mais jamais vulnérable, évoque une histoire destinée à des générations futures. Cela me rappelle la Gigue de la Première Partita de Bach que Robert Levin a enregistré pour mon label en juillet 20172. Cette gigue constamment renouvelée livre peu à peu ses secrets.L’émotion s’exprime alors dans une pudeur et une dignité extrêmes, aux limites du douloureusement beau. Cela relève de la quête spirituelle… A. de V.: Le 1997 a toujours eu une touche végétale devenuefloraleavecletemps.Sionn’avaitpaségrappé, le goût végétal serait trop prononcé. On en a enlevé la moitié. Le millésime peut ainsi s’exprimer. R. L.: Si on s’écarte un peu du vin sans quitter la table, la composition d’un menu appelle les mêmes précautions que celle d’un programme de concert. Mon professeur Nadia Boulanger était à cet égard extrêmement exigeante.L’année de sa mort,en 1979, elle m’avait chargé d’assurer les cours, car elle était très affaiblie. Pour le jour de la fête de saint Louis, le 25 août, je me rends au château de Fontainebleau où elle logeait. J’étais avec Annette Dieudonné, son assistante,qui sera son exécutrice testamentaire. Elle était allongée sur son lit, dans un état comateux. Je confie à Annette le programme que j’ai imaginé. D’abord,le Kyrie de la Messe pour quatre voix de Byrd puis l’Ave Verum de Mozart. Subitement, on entend un grognement, une voix d’outre-tombe qui tonne:

Alain Passard est le chef du restaurant triplement étoilé L’Arpège, situé rue de Varenne, à Paris. Il invente une cuisine particulièrement créative, orientée vers les légumes dont il fait redécouvrir la variété et la formidable richesse gustative.

« Pour établir une saveur, il faut des contrastes comme dans la musique : de texture, couleur… »

Sans doute, mais est-ce que le grand public peut les apprécier? Ne faut-il pas un peu d’expérience quand même? R. L.: Oui, mais cela s’apprend. Le palais, comme

l’oreille, peut s’éduquer. Mais le mot-clé, c’est le goût. Il n’y a pas de bon ni de mauvais goût. On a du goût ou pas. E. R.: Mais on peut ne pas apprécier tout de suite. Quand j’ai dégusté ma première romanée-conti 1989, je n’avais pas les capteurs. Les choses ont bien sûr évolué depuis. Mais, devant de telles hauteurs, on se tait, comme après un grand concert. En un demi-siècle, l’interprétation de la musique classique a profondément changé. On aimait autrefois une sonorité orchestrale dense, parfois massive. Sous l’influence, entre autres, des « baroqueux », elle évolue vers plus de transparence, plus de légèreté. Le vin a-t-il suivi une évolution similaire? A. de V.: Le goût a changé, c’est certain. Il est long-

temps resté sous l’influence des critiques,notamment de l’Américain Robert Parker qui a poussé le monde entier vers des vins puissants,très lourds en définitive, marqués par le bois. On revient aujourd’hui vers des textures plus aériennes,plus légères.On recherche davantage la finesse et la délicatesse. E. R.: Les millésimes 1957 et 1975 sont fragiles mais exceptionnels. A. P.: On constate la même évolution en cuisine. Des plats comme le homard thermidor, le volau-vent et la sole soufflée, des préparations riches en crème, sont moins demandés. Il y a trente ans, jamais je n’aurais pu imaginer qu’on pourrait s’en passer. Mais qu’on déguste un vin ou un plat ou qu’on écoute une musique, il ne faut pas oublier la notion de plaisir. C’est essentiel. X Propos recueillis par Philippe Venturini

1. « Le palais musical » d’Alain Passard, le samedi à 8h50. 2. Parution à la rentrée 2018. 3. et 4. Choc de Classica dans ce numéro, p.82. CLASSICA / Avril 2018 Q 63

HERVÉ LEWANDOWSKI

MUSIQUE ET VIN I PORTFOLIO

SUR LES TRACES DE

BACCHUS Musique, peinture, objets d’art… le dieu du Vin est célébré à l’unisson. 1

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64 Q CLASSICA / Avril 2018

3

4

UM CH BO DT A T S

1 1. Bacchanale, par Jacques Blanchard, 1636. Huile sur toile, Nancy, musée des Beaux-Arts. 2. Peintre de Biscoe, stamnos à figures rouges : Dionysos tenant une coupe et deux satyres musiciens, Athènes, Ve siècle av. J.-C. Céramique, Paris, musée du Louvre/AGER. 3. et 5. Accessoires de scène, par Joseph Pinchon, de l’opéra Bacchus de Jules Massenet, 1909. Paris, BNF, bibliothèque-musée de l’Opéra. 4. Tête de Bacchus d’une basse de viole, par Michel Collichon, Paris, 1689. Bochum, Kulturhistorisches Museum Haus Kemnade.

SDP

C. PHILIPPOT

5

6. Le Triomphe de Bacchus, par Nicolaes Cornelisz Moeyaert, 1624. Huile sur bois, La Haye, Mauritshuis.

7

BNF

RMN / GRAND PALAIS / TONY QUERREC

SDP

MARGARETA SVENSSON / MAURITSHUIS, THE HAGUE

6

7. Maquette de costume pour le Ballet des fêtes de Bacchus par Henry de Gissey, 1651. Dessin à la gouache et aquarelle, Paris, BNF. 8. Bouteille à vin : bacchanale, Nevers, vers 1680. Faïence, Sèvres et Limoges, Cité de la céramique, dépôt du musée de Cluny.

8

Expo À la Cité du Vin de Bordeaux, enivrez-vous avec un parcours sonore ou visuel, qui vous mènera entre bals populaires et danses bacchanales, cabarets et tables galantes, opéras et ballets. Le Vin & la Musique, accords et désaccords – XVIe-XIXe siècle. Jusqu’au 24 juin 2018. www.laciteduvin.com Catalogue réalisé sous la direction de Florence Gétreau, coédition Gallimard/Cité du Vin. CLASSICA / Avril 2018 Q 65

SDP

MUSIQUE & VIN

DES FESTIVALS DE

GRANDCRU Des manifestations proposent d’associer les plaisirs des papilles et de l’ouïe dans des propriétés vinicoles. Suivez le guide ! u Ballet des fêtes de Bacchus, où s’invite un jeune Louis XIV danseur, aux bacchanales de Tannhaüser, Samson et Dalila ou Daphnis et Chloé, musique et vin ont souvent conjugué leurs sortilèges pour étourdir un public qui ne demandait pas mieux. Offenbach fait entendre une Périchole « un peu grise », Don Giovanni chante le vin dans l’air dit du « Champagne »,

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ce dernier coule entre les portées de Lulu, d’Arabella et de La Chauve-Souris, et on vante le bordeaux dans La Bohême et L’Élixir d’amour. Cette subtile union entre Bacchus et Euterpe se prolonge aujourd’hui à travers des festivals, des crus ou l’aide aux jeunes musiciens. Propriétaire d’une quarantaine de domaines dont quatre grands crus classés (châteaupape-clément, château-la-tour-carnet, châteaufombrauge, clos-haut-peyraguey), Bernard Magrez a ainsi acquis quatre instruments de prestige qu’il confie à de jeunes artistes. Nicolas Dautricourt profite d’un Stradivarius (1713), tandis que Guillaume Chilemme a reçu un violon de Nicolas Lupot (1795),entendu dans son disque Schubert qui paraît ce mois-ci (voir p. 106). Lise Berthaud dispose d’un alto d’Antonio Cassini (1660) et Camille Thomas bénéficie d’un violoncelle Ferdinando Gagliano (1788). Autre grosse entreprise vitivinicole, la Maison Louis Jadot soutient de nombreux événements musicaux comme Musique & Vin au Clos Vougeot ou Beethoven à Beaune.Fondée en 1859,cette société possède aujourd’hui 225 hectares en Bourgogne dont plus de la moitié en Côte-d’or. D’aloxe-corton à vosne-romanée, des côtes-de-nuits au beaujolais, sans oublier le chablisien, elle propose plusieurs dizaines de vins qui tous arborent la même étiquette, ornée de la tête de Bacchus.

Page de gauche : Le grand cru château-fombrauge. En haut, à gauche : Le domaine Gavoty dans le Var. En haut, à droite : La Maison Louis Jadot en Bourgogne. En bas : La cuvée Moura Lympany.

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Uneautrefaçond’associerplaisirdespapillesetdel’ouïe est d’écouter de la musique dans de belles propriétés vinicoles. L’été, le Bordelais ouvre ainsi ses vastes domaines aux artistes. Le festival Les Estivales de musique en Médoc présente des lauréats de grands concours internationaux dans les hauts lieux du Médoc: Château Cantemerle, Château Ormes-dePez, Château Lafite-Rothschild, Château Batailley et Château Branaire-Ducru.La 15e édition programme entre autres le Quatuor Akilone, les violoncellistes Bruno Philippe, Aurélien Pascal et Yan Levionnois, la soprano Elsa Dreisig ainsi que la harpiste Anaïs Gaudemard (du 3 au 13/07). Ce sont des solistes confirmés que réunissent Les Grands Crus musicaux sous la houlette du pianiste Marc Laforêt. La 16e édition reçoit Henri Demarquette, Jean-Frédéric Neuburger, Anne Queffélec, David Petrlik, Yves Henry, Emmanuel Strosser, Claire Désert, Philippe Bianconi, le Quatuor Psophos, Dana Ciocarlie, François-Frédéric Guy, François-René Duchâble dans les châteaux d’Yquem, Angelus, Pape Clément, Smith-Haut-Lafitte, le couvent des Jacobins et le domaine de Chevalier (du 10 au 26/07).

S’il organise un concert avec les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Radio France (27/07), le domaine Gavoty, dans le Var, qui produit essentiellement du vin rosé, entretient aussi la mémoire d’un de ses anciens copropriétaires, le critique musical du Figaro, Bernard Gavoty (1908-1981). Certains crus s’appellent ainsi Cuvée Clarendon, pseudonyme de Bernard Gavoty, Récital et Hautbois solo. C’est également en souvenir de la grande pianiste britannique Moura Lympany (1916-2005), qui avait fondé un festival de musique à Rasiguères en 1980, village des Pyrénées-Orientales, qu’un côtes-duroussillon-villages proposé par le Cellier Trémoine en a pris le nom. X 

Philippe Venturini

Et aussi

En Bourgogne, Musique & Vin au Clos Vougeot a réussi en dix ans à se forger une enviable réputation grâce à une programmation de luxe. Janine Jansen, Renaud et Gautier Capuçon, Joseph Calleja, JeanYves Thibaudet, Frank Braley et Emmanuel Krivine ainsi que les solistes de l’Orchestre du MET de New York et de l’Orchestre philharmonique de Berlin, l’Orchestre Dijon-Bourgogne et l’Orchestre des Climats de Bourgogne seront au rendez-vous pour l’édition 2018. Les jeunes ne sont pas oubliés et bénéficieront d’un soutien financier : cette année, le trompettiste Florian Pichler et le ténor Kang Wang sont les heureux élus. Comme à l’accoutumée, concerts et dégustations se succéderont dans des lieux emblématiques tels que le château du ClosVougeot, le château de Meursault ou les Halles de Beaune (du 23/06 au 1er/07).

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UN GRAND MILLÉSIME 2018 Le tout nouveau festival Beethoven à Beaune, fondé par le violoncelliste Sung-Won Yang, invite, entre autres, le Quatuor Zaïde et Marie-Josèphe Jude (du 20 au 22/04). La 16e édition des Festes baroques en terre des Graves et du Sauternais aligne huit concerts autour de la musique ancienne dans des châteaux viticoles, suivis de dégustations de vins de Graves, Pessac-Léognan et Sauternes. Les ensembles Masques, Sarabande, Les Caractères, Tokyo Baroque, le Quintette Ouranos et le pianiste Pavel Kolesnikov sont de la fête (du 26/06 au 9/07). Signalons encore Musique au cœur du Médoc (17/05 et 21/06), Ma vigne en musique à Narbonne (du 7 au 15/04), le Festival Musical des grands crus de Bourgogne (du 7/07 au 8/10) et Musicancy au château d’Ancy-le-Franc (du 13/05 au 09/09). CLASSICA / Avril 2018 Q 67

L’UNIVERS D’UN MUSICIEN

Stéphane Denève

Des photos de John Williams et de Maria Callas, un buste de Beethoven, une affiche d’un Faust de la Scala qu’il a dirigé, d’anciens programmes de concert, des disques, les siens et ceux qu’il doit écouter, son vieux piano… la maison du chef français raconte sa passion de la musique.

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PHOTOS: CHRISTOPHE BOULZE

SA MÉLODIE DU BONHEUR

lle pose toute fière avec papa, mais on ne sait, de Stéphane ou d’Alma, à qui cela fait le plus plaisir. D’autant que derrière eux, sur l’étagère de sa chambre d’enfant, se dresse un autre cliché où un ami de la famille sourit affectueusement à leurs côtés. Pas n’importe quel ami: John Williams, le compositeur de Star Wars et d’Harry Potter, l’homme aux cinquante et une nominations aux Oscars. Sur lui, Stéphane Denève ne tarit pas d’éloges, admirant au moins autant le « grand génie » que la personne: « Il est l’homme le plus gentil et le plus tendre que j’ai rencontré. » Sa rencontre, assure-t-il, fut au moins aussi inspirante que celle de son professeur, le pianiste André Dumortier, qui l’incita à devenir chef d’orchestre et dont l’image trône, elle, sur le pupitre du piano, au rez-de-chaussée. La plupart des

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partitions de l’Américain sont rangées derrière son home cinéma, dans une colossale bibliothèque; Stéphane nous montre celle d’E.T. l’extraterrestre, portant une double dédicace de John Williams et de Steven Spielberg. Stéphane Denève adore parler. Grande stature, crinière blonde, barbiche taillée, léger cheveu sur la langue, l’homme est délicieux. Il bavarde avec gourmandise, passion, érudition: de ses chéris Debussy, Roussel,Sibelius,Poulenc,Ravel,Rachmaninov.Mais aussi de cinéma, de voitures électriques, de jeux vidéo, de photos numériques, de sciences. Il sort des rayonnages une partition de son ami Guillaume Connesson dans laquelle est glissé un numéro de Science et Vie. Et s’amuse du jour où, lui montrant un article de la revue, ce dernier en retint le titre, Une lueur dans l’âge sombre, pour baptiser son poème symphonique. Connesson est le compositeur vivant que Stéphane Denève joue le plus : il vient

HAVRE DE PAIX Ce fils d’un petit entrepreneur en maçonnerie, né à Tourcoing, s’est installé en Belgique, il y a trois ans, pour honorer son poste à la tête du Brussels Philharmonic qui l’y retient trois bons mois par an. C’est là qu’il nous accueille. À une trentaine de minutes de Bruxelles, dans l’environnement cossu de Waterloo, la famille a choisi une maison moderne, séduite par « le joli mur de verdure et un magnifique saule pleureur ». On se rend au Studio 4 de Flagey, siège de la phalange, en un éclair, tout en goûtant, le reste du temps,à ce havre de paix dont on apprécie le confort, dès l’arrivée,dans une cuisine dernier cri.Le domicile ne porte pas encore la marque des années et des longues habitudes, mais au terme d’une décoration planifiée, elle ressemblera,c’est certain,à ce qu’il aime. Ou plutôt à ce qu’ils aiment, eux, Stéphane, Åsa, son épouse suédoise depuis 2007, si attentive et prévenante,et leur fille Alma,bientôt neuf ans.Entre eux, les Denève alternent l’anglais, le suédois et le français.Si Åsa et Alma l’accompagnent parfois dans ses voyages, leur ancrage belge durera au moins le temps que la fillette ait achevé sa scolarité. Une photo originale de Maria Callas, prise dans les caves de la brasserie Lipp, orne le mur de la cuisine, cadeau du Chœur de l’Orchestre de Paris quand Stéphane y était pianiste dans les années 1990; un peu plus loin, un buste de « notre bon vieux Beethoven » et, face au piano, l’affiche d’un Faust dirigé à la Scala. Son bureau,en cours d’aménagement,abrite ses vieux programmes, ses propres disques, mais aussi ceux qu’il doit écouter afin de découvrir des solistes et des œuvres.Et,si vous cherchez bien,se cache quelque part sa réserve de baguettes.« Certains de mes collègues ont des baguettes hors de prix, mais celle qui me plaît est remplaçable à mort! Elle coûte 10 euros. » S’il lui arrive de s’isoler dans cette pièce pour lire les partitions à la table, l’essentiel de son travail se fait au piano.

De ce piano à queue qui le suit depuis ses jeunes années, lorsqu’il assistait Seiji Ozawa et Georg Solti. Réduit-il une partition d’orchestre à vue? Bien sûr. « Votre question implique que c’est un exploit », s’étonne-t-il. C’est que la pratique du piano est viscéralement liée à son art et qu’il n’imagine pas diriger sans passer par ce stade. « Pour connaître une œuvre à fond, il faut l’avoir dans les doigts. Quand on joue une partition d’orchestre au clavier, on doit évidemment mettre les doigts sur les bonnes touches et cela permetde découvrir lesdétailsd’orchestration,les erreurs d’édition… Alors qu’en la lisant simplement, OOO

« Certains de mes collègues ont des baguettes hors de prix, mais celle qui me plaît est remplaçable à mort! Elle coûte 10 euros »

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d’enregistrer à Bruxelles A Kind of Trane, son concerto pour saxophone, et l’affiche régulièrement dans ses programmes outre-Atlantique. La polarité américaine de Stéphane Denève l’inscrit dans les pas de ces french conductors que furent hier Pierre Monteux, Jean Martinon, Charles Munch. Aujourd’hui, il vole de Los Angeles à Cleveland, de Miami à Washington, mais s’arrête plus souvent à l’Orchestre de Philadelphie dont il est le principal chef invité,ainsi qu’au St Louis Symphony,où il passera bientôt treize semaines par an comme directeur musical. Six jours avant de nous recevoir, il dirigeait à Philadelphie « The World Is Dancing » pour le Nouvel An, quinze pièces de quinze pays différents saupoudrées d’interventions de son cru et de « blagounettes ».CarStéphane adore aussi parler en public. Surtout avec ce french accent dont il se défend de cultiver les tics,mais qui a quand même un petit côté Maurice Chevalier.

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L’UNIVERS D’UN MUSICIEN

ACTUALITÉS Z Stéphane Denève,

dont le contrat à la tête du Brussels Philharmonic vient d’être prolongé jusqu’en 2022, a consacré son premier disque à Prokofiev (Suites romantiques regroupant des extraits de Suites de Roméo et Juliette et de Cendrillon), CHOC dans notre dernier numéro, page 86. Z À la tête du New World Symphony, il dirigera Saint-Saëns, Connesson et Respighi à Miami les 7 et 8/04, retrouvera l’Orchestre de Philadelphie pour Connesson, Ravel, Prokofiev et Strauss, puis Berlioz, Saint-Saëns et Respighi les 19, 20, 21, 26, 27 et 28/04. Il gagnera ensuite San Francisco les 10, 11 et 12/05 avant de retourner au Brussels Philharmonic le 30/05 à Bruxelles et le 31/05 en tournée à Londres, au Cadogan Hall. Le 8/06, il mènera à la baguette l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo dans Bernstein, Debussy et Ravel à l’Auditorium Rainer III de Monaco.

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on simplifie en imaginant grosso modo comment les blocs sonores sonneront, sans vraiment vérifier toutes les notes à l’intérieur. Jouer ces blocs pour de vrai vous oblige à ne pas schématiser un accord. » Sur le couvercle de l’instrument repose une sculpture de son ami écossais Alexander Stoddart, la Mort d’Oscar, fils d’Ossian, maquette d’un projet monumental qui a déjà inspiré une pièce au compositeur James McMillan, créée au Royal Scottish Orchestra en 2012. Et puis, c’est aussi sur ce piano qu’Alma s’exerce, mais sans son père, car « je n’ai pas toujours la patience nécessaire ».

INVENTEUR D’IMAGES Stéphane adore aussi parler aux musiciens, les charmer, les guider, les convaincre de sa vision. Rien de plus fascinant dans son métier que d’inventer et de multiplier les images par lesquelles il approchera le son rêvé. « À la toute fin du Prélude à l’après-midi d’un faune, Debussy écrit un changement d’accord inouï, si compliqué à réaliser! Pour le jouer, on peut indiquer aux musiciens des termes techniques comme moins fort, diminuendo, subito, flautendo sur la touche, mais ça ne m’intéresse pas ! Le lâcher-prise, l’ambiguïté et le milliard de nuancessont bien plus captivants. Je préfère dire: “Imaginez-vous nager dans

la mer et subitement ressentir un changement de température du à une eau plus profonde.” Car chacun peut ressentir cela. Si cent musiciens jouent et plongent dans l’accord-clé avec cette sensation-là, tous au même moment, une profondeur en émanera, simplement parce qu’ils y auront pensé. La direction d’orchestre, c’est aussi de la télépathie. » Et puis Stéphane Denève milite pour la musique de son temps – n’allez pas dire « contemporaine »,terme si excluant selon lui.Chacun de ses concerts au Brussels Philharmonic intègre une pièce du XXIe siècle; d’ailleurs, il a mis en œuvre sur le Web le CffOR, Center for Future Orchestral Répertoire, base de données de toutes les œuvres écrites depuis 2000. La condition de survie des orchestres symphoniques passe par le renouvellement du répertoire, et donc par la création – mais pas n’importe laquelle. « Si on appelle musique d’aujourd’hui quelque chose qui combine les sons les plus complexes, sans mélodie, ça devient delapoésiesonoreàlaquelleilmanquel’essentiel.LeGraal d’un compositeur, c’est l’organisation du discours linéaire, la phrase musicale. Les aspects harmoniques et rythmiques peuvent s’apprendre et se raffiner, mais le pur génie pour moi, c’est ce don mystérieux de la mélodie.Le seul qui donne une véritable présence d’âme à la musique. » On serait presque tenté d’appeler ça Jérémie Rousseau la mélodie du bonheur. X

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L’ENTRETIEN

Murray Perahia

« LA MUSIQUE OFFRE UN UNIVERS DE PURETÉ ET D’IDÉALISME » Chaque jour, Mozart peuple ses rêves et Beethoven lui donne du courage. Depuis une quarantaine d’années dédiées aux grands chefs-d’œuvre du répertoire, le pianiste américain est au sommet de son art fait d’exigence, d’humilité et de noblesse, comme dans son dernier disque où figure la « Hammerklavier ». Rencontre.

BIOGRAPHIE EXPRESS 1947 Naissance à New York, le 19 avril 1972 Remporte le Concours de Leeds 1975 Débute l’enregistrement des Concertos de Mozart aux côtés de l’English Chamber Orchestra 1994 Grave le Concerto de Schumann avec Claudio Abbado 2000 Enregistre les Variations Goldberg 2002 Publie les Études op. 10 et op. 25 de Chopin 72 Q CLASSICA / Avril 2018

a Sonate « Hammerklavier » me rappelle cette phrase de Charles Péguy : « Le journal du matin est déjà vieux le soir, mais Homère est toujours jeune. » À l’instar d’Homère, Beethoven est toujours jeune grâce à vous…

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Vous avez absolument raison. Sa musique est si présente dans nos vies émotionnelles. Tous les sentiments traversent les grands chefs-d’œuvre de Beethoven et cette sonate en est un. En fait, elle commence comme une comète et continue sa trajectoire jusqu’au bout. Le premier mouvement, il l’écrit très vite, mais c’est une expression d’énergie qui atteint les plus lointaines étoiles. Le mouvement lent est l’un des lamentos les plus tristes qui soient. C’est un immense chant de douleur. Et le dernier mouvement, qui combine la fugue et la forme sonate, est extraordinaire. C’est un prodige d’écriture.

Il vous a fallu du temps pour incarner cette jeunesse, cette audace, cette force vitale?

C’est exactement ça,il m’a fallu beaucoup,beaucoup de temps pour atteindre l’essence de cette pièce que je ressens comme une impulsion, une impulsion vers l’avant.J’ignore pour quelle raison cela demande tant de temps. Chaque note a un sens, une nécessité. Chaque note est inévitable… et, cependant, surprenante. Chaque note fait partie d’une grande trame, et pourtant, dès le début, on ne perd jamais de vue la fin. Cela exige donc beaucoup de recherches. J’ai consacré plusieurs mois à étudier la « Hammerklavier » avant de la présenter au public. Je l’ai interprétée la première fois à vingt-six-vingt-sept ans, mais je n’étais pas très heureux de la manière dont je l’avais jouée. J’y ai pensé pendant de nombreuses années, puis j’ai décidé de m’y plonger à nouveau. J’ai passé des mois à ne travailler que cette sonate, puis je l’ai donnée pendant un an et demi-deux ans et, ensuite, je l’ai enregistrée. Il semble qu’il y ait une sorte de malentendu autour de cette œuvre. Certains virtuoses la considèrent comme un exploit sportif, parce qu’on dit qu’elle est très difficile. Or, il y a quelque chose de profond et de toujours difficile à comprendre pour les auditeurs et pour les musiciens. Le projet de Beethoven reste encore mystérieux…

C’est vrai et c’est dû en partie au fait qu’il est si audacieux. « Audacieux » signifie qu’il suit les lois de la musique, mais qu’il les dépasse. On le ressent dès le premier mouvement,avec un deuxième thème en sol majeur qui est très loin (à l’oreille) de la tonale de si bémol, alors qu’on pourrait s’attendre à la dominante de fa majeur. Le développement est également très inhabituel, plein de surprises, la détente dans la réexposition, et puis cette coda OOO

CLASSICA / Avril 2018 Q 73

FRANÇOIS GRIVELET / OPALE / LEEMAGE

BRILL / ULLSTEIN BILD VIA GETTY IMAGES

L’ENTRETIEN

avec ce sol bémol fortissimo. Le dernier mouvement sonne presque comme de la musique moderne,il y a tellement de dissonances… C’est révolutionnaire et, en même temps, il utilise les lois de la tonalité. Ce n’est donc pas atonal, c’est très compliqué en fait, mais tout est relié par la tonalité. La « Hammerklavier » est très en avance sur son temps. Beethoven a dit: « Dans cinquante ans, les pianistes s’acharneront encore là-dessus. » Il avait entièrement raison. Le mouvement lent a quelque chose d’incroyable, comme le monologue d’Hamlet, « To be or not to be ». C’est tellement inouï et métaphysique…

ACTUALITÉS Z Murray Perahia jouera Bach, Beethoven, Schubert et Brahms à la Philharmonie de Paris, le 18/06. Z Son dernier disque consacré à Beethoven (Sonates « Clair de lune » et « Hammerklavier ») a été CHOC dans notre précédent numéro (voir page 82). 74 Q CLASSICA / Avril 2018

C’est vrai, dès le début. Les deux notes (la-do dièse) que Beethoven a ajoutées après coup, alors qu’il avait terminé de composer la « Hammerklavier ». Cette connexion de la tierce qui est un motif très important dans toute la sonate.Soit la tierce monte,soit elle descend. Et avec cet Adagio plein de souffrance et de pathos, on comprend qu’il n’ait rien pu écrire auparavant pendant un an. Il était tellement déprimé, et ce mouvement en est l’explication, la preuve. Vous savez, la difficulté majeure pour moi, c’était le tempo. Beethoven écrit « plutôt rapide » en indication métronomique. Je ne suis pas un puriste de ces annotations parce qu’à mon avis, il faut ressentir

l’œuvre en la parcourant et découvrir ce qui est important au niveau harmonique, thématique… et donc trouver le rythme par soi-même. Mais j’ai fini par réaliser, à cause de ces phrases si longues, que sa recommandation de tempo était juste, même si je ne le fais pas aussi rapidement que la pulsation à 92 qu’il indique. Il a probablement été influencé par la seule pièce de Mozart en fa dièse mineur, le mouvement lent du Concerto en la majeur (n°23). C’est une sicilienne très lente, marquée aussi « adagio » [il chante], il a pu être inspiré [il chante] par ce tempo. C’est très difficile parce qu’on veut faire sortir le pathos, et la tradition veut qu’on joue deux fois plus lentement que ce que conseille Beethoven [il chante] pour associer la profondeur avec la lenteur. C’était le danger de cette partition. La fugue finale défie toutes les lois de l’architecture. À votre avis, pourquoi le dernier Beethoven est-il tellement fasciné par la fugue ? Est-ce existentiel ? Est-ce ainsi qu’il perçoit la vie, ou l’après, ou le cosmos ?

C’est une question très difficile, mais j’opterais probablement pour l’énergie de l’univers. C’est de l’énergie [il chante] et cela repose sur ces tierces descendantes écrites dans le mouvement lent, qui

« J’aime la musique plus que jamais. C’est une fixation persistante dans ma vie. Pas parce que je suis obligé d’en faire, ou pour la carrière, c’est une sincère envie de découvrir, de ressentir le sens de la musique, et j’aime profondément ce que je fais »

expriment le fait que nous sommes projetés dans un monde de souffrance. On ne peut pas échapper à cette souffrance, elle fait partie de notre énergie dès notre naissance, et la fugue touche à quelque chose de fondamental : la vie et la mort. Ce qui me fascine aussi, ce n’est pas seulement la progression de la fugue et de l’hymne qui arrive au milieu [il chante], qui est un remerciement à Dieu, mais la coda avec ce sol bémol qui va vers le fa. Ce sol bémol n’a pas vraiment sa place ici, il a quelque chose de « pas juste »,comme un ver dans la pomme. C’est très dérangeant. Et dans le premier mouvement, il y a déjà ce sol bémol qui tend vers le fa. C’est le nœud de la pièce, la clé de voûte, et c’est d’autant plus intéressant.

à laquelle je n’avais jamais assisté auparavant. Je n’ai pas imaginé une seule seconde que je le voyais pour la dernière fois, parce que nous avions prévu de nous retrouver ce soir-là… Et vous avez raison, à chaque fois que je séjournais à New York, je l’appelais, je jouais pour lui, je le fréquentait beaucoup, il était une grande source d’inspiration. Encore aujourd’hui, quand je l’écoute, cela m’émeut énormément parce que j’entends sa personnalité, j’entends ce qu’il me disait, c’est extraordinaire. J’ai été très privilégié d’avoir ce lien.

Entendez-vous la musique comme une consolation ?

Je ne sais pas, mais j’aime la musique plus que jamais. C’est une fixation persistante dans ma vie. Pas parce que je suis obligé d’en jouer, ou pour la carrière, c’est une sincère envie de découvrir, de ressentir le sens de la musique, et j’aime profondément ce que je fais. Parmi les grands pianistes que vous avez connus quand vous étiez jeune, que ce soit Horszowski, Serkin ou Horowitz, avec lequel avez-vous parlé de Beethoven ? Par exemple, Horowitz jouait et aimait beaucoup ses dernières sonates, ce que peu de gens savent…

Au jeu des petites madeleines musicales, vous avez choisi la Passion selon saint Matthieu par Pablo Casals, que vous avez rencontré à Marlboro. Il a été une sorte de professeur de musique, si on peut s’exprimer ainsi.

On surnommait Marlboro la « République des égaux »,car il n’y avait pas de classes en tant que telles, même si Casals dirigeait l’orchestre. Il m’aimait beaucoup et m’a invité dans son pays, à Porto Rico, où j’ai passé sept jours à jouer de la musique de chambre à ses côtés. En fait, j’ai travaillé avec lui à deux occasions et, à chaque fois, cela a duré une semaine: la première, j’étais seul avec lui et j’ai OOO

Je ne le savais pas moi-même! Je me souviens d’une remarque d’Horowitz: « Toutes les pièces que je joue, je les travaille harmoniquement. » Cela contredit ceux qui le voient comme un showman, ce qu’il n’était pas.C’était un pianiste très profond.Ce que je regrette, c’est de ne pas lui avoir demandé la façon dont il travaillait harmoniquement une œuvre, cela m’aurait fasciné. Mais vous savez, c’est amusant, en y repensant, je ne me rappelle pas que nous ayons jamais discuté des pièces tardives de Beethoven avec Serkin,Horszowski ou Horowitz,malheureusement, parce qu’ils y avaient tous certainement réfléchi longtemps, et ils étaient de si merveilleux musiciens, chacun d’une manière totalement différente. Les musiciens ne parlent pas boulot en fait, ils abordent certains sujets, mais ils ne parlent pas réellement de leurs émotions… Il faut les entendre dans leur jeu. Ou pas! Cela fait partie de la vie…

Le chef néerlandais Bernard Haitink et Murray Perahia.

Les derniers instants de sa vie ? Oui, j’étais là. Je l’ai vu quand il était mort, étendu sur le sol, mais aussi la veille de sa disparition. Cela m’a laissé une très forte impression pour de nombreuses raisons. Par exemple, je me souviens maintenant qu’il a fermé le piano – il a rabattu le couvercle – une scène

MICHAEL BLANCHARD

Vous avez été très proche de Vladimir Horowitz. Vous n’étiez pas son élève, mais vous avez travaillé avec lui et vous avez continué à le voir après, jusqu’à ses derniers instants.

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L’ENTRETIEN Je l’ai entendu jouer quand j’étais adolescent, je crois que j’avais quinze ans. Cet Opus 132 a complètement changé ma vie d’une certaine manière. Je n’avais jamais vécu le sublime en musique à un tel niveau, j’étais en larmes. Sascha Jacobsen était le premier violon du quatuor, il avait étudié en même temps qu’Heifetz, mais ce n’était pas juste son jeu, c’était la musique. Les quatre musiciens étaient tellement impliqués dans la musique, c’était à couper le souffle. SUZIE MAEDER / LEBRECHT / LEEMAGE

Vous parlez du sublime. Avez-vous l’impression, même si c’est une illusion, de rendre le monde plus beau, en vous mettant au service de ces chefs-d’œuvre ?

interprété ses compositions en compagnie d’un chanteur; lors de la seconde,il a convié d’autres musiciens comme Alexander Schneider ou Boris Kroyt et nous avons donné des quatuors. Donc, chaque jour, je travaillais avec lui et je l’écoutais. Tous les matins, il répétait un Prélude et Fugue de Bach au piano, jouait une Suite de Bach et faisait ses gammes.À l’époque, je trouvais que c’était bien trop tôt le matin, il était 7 heures… Ce fut une expérience extraordinaire dans ma vie de musicien, même si je n’ai pas travaillé mon répertoire de l’époque à ses côtés.

« Beethoven imaginait pouvoir, à travers sa compréhension de la souffrance humaine, apporter la paix aux hommes » Je suis sûr que si vous n’aviez plus vos mains, vous continueriez à lire de la musique et peut-être à jouer du piano avec une autre partie de votre corps. On en a l’impression…

[Rires] Oui, c’est vrai, je lis beaucoup d’ouvrages sur la musique et peut-être que l’auteur qui m’a beaucoup influencé est Heinrich Schenker, le professeur de Furtwängler, dont les théories sont tellement pertinentes et fascinantes. Je suis toujours séduit par cette idée de la conduite des voix, le fait que chaque note fait partie d’un ensemble plus grand. Cela m’inspire énormément. Vous avez une seconde petite madeleine musicale : il s’agit du Quatuor n°15 op. 132 de Beethoven. 76 Q CLASSICA / Avril 2018

Je suis complètement au service de l’œuvre d’art. On ne devrait pas penser à son ego, surtout en comparaison de ces immenses compositeurs, de ces grandes partitions. On doit travailler encore plus qu’eux à leur message, à ce qu’ils disent. Le pouvoir de la musique était si fort pour Beethoven qu’il pensait être capable de favoriser la fraternité.Il imaginait pouvoir,à travers sa compréhension de la souffrance humaine, apporter la paix aux hommes. Et il l’a fait. Il a réussi grâce au pouvoir de compréhension de la musique. C’est pourquoi le plus grand mérite revient à la musique, aux possibilités infinies qu’elle donne à des génies comme Beethoven, Mozart et tous les autres. C’est le miracle de la vie. Je ne dirais pas que la musique offre le paradis, parce qu’elle est pleine de contradictions et de difficultés, mais elle offre un monde différent de la réalité, un univers d’idéalisme et de pureté, qui est une source d’inspiration pour quiconque vit dans ce monde. En plus d’être un interprète et un chef d’orchestre, vous aimez transmettre. Certains jeunes pianistes viennent vous voir et vous avez la générosité de les aider. Que peut-on enseigner à la nouvelle génération ?

Vous savez, ce qui importe le plus pour tout musicien, c’est l’amour de la musique. Parce qu’un musicien mène une vie difficile. Vous devez travailler tous les jours, cela ne sonne jamais assez bien, vous êtes toujours en train de vous critiquer et il vous faut, quoi qu’il arrive, essayer de faire mieux. Votre seul moteur, ce qui vous pousse, c’est votre amour de la musique, et cela, vous ne pouvez pas l’imposer à quelqu’un. Vous n’avez pas le pouvoir de faire aimer la musique à autrui, cela doit venir de chacun, mais vous pouvez révéler aux élèves la grandeur des œuvres qu’ils jouent. C’est ce que je tente de faire. J’essaie de montrer comment l’œuvre est connectée, ce qu’elle veut nous dire et comment elle atteint le cœur émotionnel, parce que, finalement, il s’agit avant tout d’émotion. On l’abordera chacun différemment, parce qu’on éprouve tous des sentiments différents, qu’on a

des origines différentes, des modes de pensée différents. On ne peut pas influencer l’autre. On ne peut pas lui dire : « Voici la bonne façon de jouer cette pièce. » Ou alors : « Vous ne pouvez pas la jouer comme cela. » Il y a probablement une manière juste de la jouer, et nous la cherchons ensemble. Par exemple, cette harmonie est importante, celle-là moins, et puis, il doit y avoir un point culminant, une direction… On peut bien sûr évoquer tous ces aspects-là, mais le véritable lien émotionnel doit venir de celui qui joue. LUCKHURST / LEBRECHT / LEEMAGE

Pourquoi, à votre avis, n’y a-t-il plus aujourd’hui de Beethoven, de Schubert ou de Chopin ?

J’aimerais bien connaître la réponse! Cela pourrait être dû en partie au fait que la tonalité était encore neuve, et pour Bach toute fraîche. Par conséquent, il n’y avait pas l’ombre des grands hommes sur ceux qui écrivaient. Cela commence avec Brahms qui sentait que la présence de Beethoven était un poids sur ses épaules, et même déjà Schubert. Peut-être qu’avec tous les illustres exemples du passé, c’est très difficile aujourd’hui de se sentir totalement libre. C’est seulement avec la naissance de la tonalité, je pense, qu’il y a eu une grande explosion d’art et de créativité. Maintenant que celle-ci est rejetée, peut-être que cela va revenir d’une autre manière, je n’en sais rien. Il n’empêche qu’on reste dans les pas des génies et que c’est très compliqué pour nous tous.

Toujours. En fait, juste avant votre arrivée, j’étais en train de travailler l’Adagio en si mineur… Chaque note est un miracle, et aussi la manière dont tout est relié. C’est plein de souffrance. Et, quelque part, cette souffrance est universelle. Nous la ressentons tous, ce n’est pas juste Mozart et son monde, nous la ressentons directement. Je suis sidéré par sa musique, par tous les aspects de sa musique, par l’audace, l’amour, la douleur, la compréhension, le désir d’un monde meilleur… C’est inépuisable. Mozart fait toujours partie de ma vie. J’hésite à dire « compositeur préféré » parce que cela voudrait dire « pas Bach », « pas Beethoven », « pas Schubert » et beaucoup d’autres, mais Mozart me tiendra toujours compagnie. Jouer la Sonate « Hammerklavier » vous aide-t-il à mieux supporter le fardeau de l’existence, à mieux vous battre contre les difficultés de la vie ?

Oui, même si, comme je le disais précédemment, vivre sa vie et vivre dans la musique peuvent être deux choses distinctes. Cependant, Beethoven nous donne du courage, parce que lui possédait

LUCKHURST / LEBRECHT / LEEMAGE

Parlons de Mozart. Pour toute une génération de mélomanes, vous restez l’homme des concertos de Mozart, celui qui est arrivé comme un ange avec l’English Chamber Orchestra. Vous vous sentez toujours proche de Mozart ?

un immense courage,quand on sait qu’il était sourd, malade, qu’il ne s’est jamais marié, qu’il n’a pas profité des plaisirs de l’existence comme tout un chacun, alors que son œuvre est pourtant remplie de victoires, pleine de joies, d’accomplissements, de succès, de succès au sens profond, pas au sens idiot. D’un certain point de vue, sa musique crée un démenti à sa vie, elle est totalement différente. On peut presque affirmer, en lisant une biographie de Beethoven, bien qu’elle soit inspirante, que c’est sa vie intérieure qui est la plus intéressante, pas sa vie extérieure avec son neveu, ses maladies, ses souffrances… C’est la musique qui est une inspiration pour nous.La musique sera toujours une inspiration pour l’humanité. X Propos recueillis par Olivier Bellamy, à Londres, le 6 décembre 2017. Merci à Françoise Deroubaix pour son aide.

En haut : Le pianiste roumain Radu Lupu et Murray Perahia en 1988.

À RETROUVER SUR LE

CD CLASSICA CLASSICA / Avril 2018 Q 77

LES CHOCS DU MOIS CD CLASSICA / PLAGE 8

Le chef Raphaël Pichon imagine deux messes des morts spectaculaires. Un avant-goût de paradis. ’est un noir profond et probablement indélébile qui souligne la similitude de ces deux programmes. L’un célèbre la mort du souverain (le DVD), l’autre, le souvenir du chanteur Henri Larrivée (le CD), interprète de Rameau et Gluck. Tous deux emploient l’histoire comme moteur de l’imagination et rappellent combien la frontière entre l’église et le théâtre était alors ténue. « Les Funérailles royales de Louis XIV » propose une évocation des « principales articulations musicales, à travers des œuvres qui auraient pu accompagner

C

« Enfers » Extraits d’opéras de Rameau et de Gluck

Stéphane Degout (baryton), Pygmalion, dir. Raphaël Pichon Harmonia Mundi HMM 902288. 2016. 1 h 18

78 Q CLASSICA / Avril 2018

[le Roi] dans sa dernière demeure [c’est-à-dire la basilique de Saint-Denis] »,expliquelemusicologue Thomas Leconte.Faute de sources précises, il faut convoquer les compositeurs et leurs musiques requis en de telles circonstances, comme le De profundis de Delalande ou la Missa pro defunctis de Charles d’Helfer,plutôt que celle d’Eustache Du Caurroy. Pour cette restitution imaginaire,proposée en novembre 2015 dans le cadre del’exposition« LeRoiestmort », Raphaël Pichon et ses musiciens ont investi la chapelle royale du château de Versailles de façon à spatialiser la musique,à profiter de la tribune et de la galerie. Dans une pénombre quasi totale,les rares points lumineux restant les diodes nécessaires à l’éclairage des partitions, peut alors se dresser le grand théâtre de la pompe funèbre, étayé de plain-chant, marche, roulements de tambour voilé et autres « simphonies ». La majesté du lieu,la sobre mise en espace,l’obscurité et le choix des œuvres contribuent bien évidemment à installer une atmosphère de ferveur.Ferveur entretenue par tous les musiciens, chanteurs et instrumentistes,au point qu’en distinguer un(e) plutôt qu’un(e) autre serait injuste. On signalera quand même la perfection de la mise en place, la justesse

absolue et une intensité expressive de chaque instant. Il faut saluerla performancetechnique de la captation vidéo qui réussit à conserver la solennité de la cérémonie sans modifier les superbes lumières de Bertrand Couderc et le soin apporté à la réalisation signée Stéphane Vérité.En pareil cas,l’image n’a rien d’accessoire et participe à l’accomplissement du projet. AU ROYAUME D’HADÈS Après le noir de la chapelle royale, celui des « Enfers », titre du disque enregistré avec Stéphane Degout. À une classique anthologie alignant des airs de Rameau et Gluck,les musiciens ont préféré les organiser en une messe des morts, inspirée par une parodie anonyme du XVIIIe siècle incluant des extraits de Castor et Pollux de Rameau et des Fêtes de Paphos de Mondonville. Nous sommes ainsi invités à suivre les épreuves d’un Tragédien, le susnommé Henri Larrivée, au royaume d’Hadès. Des tourments des Furies à la désolation des rives du Tartare en passant par le jugement inflexible des Parques avant la sérénité des Champs-Élysées, ce parcours permet d’entendre, parfois avec d’autres paroles, latines (les « TristesApprêts » de Castor et Polluxdeviennent ainsi « Requiem æternam »), quelques-uns des plus beaux

« Les Funérailles royales de

Louis XIV »

Céline Scheen (dessus), Lucile Richardot (bas-dessus), Samuel Boden (haute-contre), Marc Mauillon (taille), Christian Immler (basse-taille), Pygmalion, dir. Raphaël Pichon Harmonia Mundi HMD 9909056.57 (1 DVD + 1 Blu-ray). 2015. 1 h 42

airs et épisodes orchestraux des deux compositeurs (la miraculeuse « Entrée de Polymnie » des Boréades,judicieusement placée enconclusion),auxquelss’ajoute le saisissant « Chaos » des Éléments de Jean-Féry Rebel. Est-il encore besoin de rappeler les qualités de chanteur et d’interprètedeStéphaneDegout? Au noir charbonneux du timbre, idéal en un tel séjour, s’associent une diction exemplaire, une intelligence dramatique, une noblesse de ton et une sensibilité frémissante : la reprise,allégée,comme si,par stupeur,le souffle manquait,des « Monstres affreux ».Ses lauriers sont assez généreux pour qu’il les partage avec tous les autres chanteurs qui,le temps d’un air, croisent son triste sort : mentionnons ainsi Sylvie BrunetGrupposo, Phèdre mémorable. Le chœur,l’orchestre et la direction, saisissante, de Raphaël Pichon,participent à cette réussite collective. Malgré les mises en garde de rigueur, il n’est pas dit qu’on ne prenne pas goût à cette descente aux « Enfers ». X Philippe Venturini

MARC CAMPA

REQUIEMS FOR A DREAM

CLASSICA / Avril 2018 Q 79

LES CHOCS DU MOIS

UN PINOCCHIO QUI NE LAISSE PAS DE BOIS Sur scène ou en fosse, les fils de ce conte initiatique se croisent entre absurde, noirceur et merveilleux. Captivant.

Philippe

Boesmans (né en 1936)

Pinocchio

l y a deux mondes qui vivent en parallèle chez Boesmans: l’un, sombre, qui, de Conte d’hiver à Au monde en passant par Julie, présente lucidement les desseins complexes et sinistres de l’humain ; l’autre, ironique, drolatique, qui va sautillant de La Ronde à Yvonne, princesse de Bourgogne pour dire le manque de gravité de sa cruauté. N’étant ni drames achevés, ni comédies pures, ils s’entrecroisent toujours à divers degrés.Quelle sera alors la tonalité du prochain On purge Bébé? Pinocchio, lui, n’échappe pas à ce jeu troublant, on ne sait qui l’emporte du comique grinçant ou de la gravité de ton, pour ce qui reste une parabole d’initiation, fidèle au conte de Carlo Collodi, mais pas vraiment destinée aux enfants. Car l’ironie y est toujours noire,

DES PUPITRES À L’ÉCOLE DE BOESMANS Comme toujours, l’orchestre fascine, entre séduction, poésie, sophistication et évidence, ricanements et élans profondément attachants : captivant de bout en bout, avec sa petite mélodie obsédante, ici son ton jazzy, là son sens du pastiche (Mignon !), jouant les Petit Poucet, son tissu harmonique ébouriffant, sa composition en fragments multiples, éclatés. Il raconte lui aussi l’histoire,

PATRICK BERGER / ARTCOMPRESS

PATRICK BERGER / ARTCOMPRESS

I

mais plus encore le regard du compositeur, attaché à montrer combien il s’est plu à construire ce personnage de garnement indécrottable. Jamais en repos, il égare autant qu’il conduit, sans qu’on sache vraiment où il nous entraîne. Incertitude qui est créativité, humour qui est vivacité, profondeur qui est légèreté. On en est presque étonné de voir l’œuvrefinirbien,maisunhommage au finale du Chevalier à la rose dit bien qu’il s’agit d’une pirouette de plus. La narration est à la scène également, aux chanteurs et au théâtre de Pommerat qu’on ne voit pas ici (espérons qu’on publiera la captation vidéo), mais qui ne nous manque pas, tant la partition se suffit à tanguer entre clin d’œil et élévation, entre accordéon nostalgique et vraie aria de la Fée

comme le spectacle de Joël Pommerat dont il reprend les principes et la conduite, en l’accentuant par le commentaire parlé-chanté du volubile Directeur de la troupe, un Stéphane Degout magnétique, sur un ton funèbre ou lumineux, mais distancié, comme toute la partition.

80 Q CLASSICA / Avril 2018

Stéphane Degout (le Directeur de la troupe, Premier escroc), Vincent Le Texier (le Père), Chloé Briot (le Pantin), Yann Beuron (Deuxième escroc), Julie Boulianne (la Chanteuse), Marie-Eve Munger (la Fée), Orchestre de la Monnaie, dir. Patrick Davin Cyprès CYP 4643 (2 CD + 1 DVD). 2017. 2 h 03 + 1 h 17

d’une magie incontestable. Fidèles (Degout, Beuron) et nouveaux venus (Le Texier, Munger,Briot surtout,marionnette délurée) sont en osmose avec cet univers. QuantàPatrickDavin,ilinvente comme toujours la perfection de la lecture qui convient. C’est du pur Boesmans, qu’un DVD bonus raconte en son irrésistible simplicité. X Pierre Flinois

CENTENAIRE BERNSTEIN Arvo Pärt The Symphonies Nouvel enregistrement des symphonies d’Arvo Pärt, par le NFM Wrocław Philharmonic sous la direction de Tõnu Kaljuste. Quarante-quatre ans séparent la première de la quatrième symphonie, faisant entendre le long chemin musical de Pärt.

NFM Wrocław Philharmonic Tõnu Kaljuste direction ECM New Series 4816802 CD

L’hommage de Deutsche Grammophon au compositeur et chef d’orchestre.

Ravel, Franck, Ligeti, Messiaen Duo Gazzana

Premier enregistrement de Mass pour Deutsche Grammophon

Le nouvel album de Natascia et Raffaella Gazzana présente le tout premier enregistrement du Duo de György Ligeti datant de 1946, entouré de musique française pour violon et piano.

The Philadelphia Orchestra – Yannick Nézet-Séguin

Natascia Gazzana violon Raffaella Gazzana piano

Première intégrale de l’œuvre de Bernstein

ECM New Series 4816781 CD

Cofret 26CD+3DVD Sortie le 4 mai

Intégrale des enregistrements pour Deutsche Grammophon & Decca Cofret 121CD+36DVD+1BluRay

Alexander Knaifel Lukomoriye Quatrième album chez ECM du compositeur de St Pétersbourg Alexander Knaifel et son plus ambitieux à ce jour. Un voyage du sacré au profane à travers différents détours, tous plus inspirés les uns que les autres.

Oleg Malov piano Tatiana Melentieva soprano Piotr Migunov basse Lege Artis Choir Boris Abalian direction ECM New Series 4811259 CD

Sortie le 20 avril Disponible en streaming

www.ecmrecords.com

présente

laurence equilbey

SDP

GOUNOD | LISZT

CD CLASSICA / PLAGE 11

L’ÉLANDUCŒUR GOUNOD saint françois d’assise

Dans ces pages schumanniennes, le sentiment d’urgence le dispute à l’émotion pure.

PREMIER ENREGISTREMENT MONDIAL

stanislas de barbeyrac TÉNOR florian sempey BARYTON

hymne à sainte cécile deborah nemtanu

VIOLON SOLO

LISZT légende de sainte cécile karine deshayes

MEZZO-SOPRANO

orchestre de chambre de paris accentus laurence equilbey

FESTIVAL D’AUVERS SUR-OISE

82 Q CLASSICA / Avril 2018

DIRECTION

obert Schumann affirmait qu’« en art, on ne peut rien atteindre sans enthousiasme ». Cela pourrait être le credo de cet enregistrement des Sonates nos 1 et 2 (la troisième, opus posthume, n’a pas été retenue) et des trois Romances op. 94 pour hautbois et piano, transcrites pour violon. Gérard Poulet, né en 1938, avait déjà confié au disque, au début des années 1990, un programme identique avec Jean-François Heisser (Erato), dans une interprétation qui avait fait date. Il remet sur le métier, dans l’excellente acoustique du Clos de Tart en Bourgogne, ces pages qui l’ont accompagné tout au long de

R

sa carrière, y manifestant une qualité stylistique toujours aussi accomplie, avec pour partenaire le remarquable pianiste belge Jean-Claude Vanden Eynden, jadis lauréat du Concours Reine Elisabeth. D’un engagement saisissant, les deux complices rivalisent d’intensité, et si la sonorité du violon au galbe très pur se fait plus émaciée aujourd’hui, la musicalité prévaut continûment. L’entente transparaît dans l’équilibre des échanges et une fraîcheur juvénile anime leur lecture de ces œuvres crépusculaires composées en 1851 au soir de la vie de Schumann. Le naturel de l’exécution, la finesse de timbre et la légèreté d’archet s’allient

aux élans lyriques et passionnés du clavier, surtout dans la Sonate n°2 en ré mineur plus aboutie sur le plan formel que la précédente. L’urgence prévaut et l’éloquence du discours laisse percevoir, sous l’effusion, le caractère mordoré de ces partitions qui se lovent le plus souvent dans le registre grave du violon, fréquemment proche de l’alto. Gérard Poulet et Jean-Claude Vanden Eynden parlent une langue commune et savent communiquer, derrière l’ardeur de leur jeu, ce sentiment fantastique si cher aux ambiances germaniques. Dans les Romances, dédiées à Clara, ils retrouvent le sens du merveilleux et le caractère indicible proches du lied. Pour les deux sonates, ce CD se hisse au niveau des visionnaires Argerich et Kremer (Deutsche Grammophon) et devant les versions plus classiques de Charlier et Engerer (Harmonia Mundi), Degand et Peyrebrune (Ligia Digital), Faust et Avenhaus (CPO). Dans la

Robert

Schumann (1810-1856)

Sonates et Romances pour violon et piano Gérard Poulet (violon), Jean-Claude Vanden Eynden (piano) Le Palais des Dégustateurs PDD011. 2014. 59’

Sonate n°2, leur conception se montre moins subjective que Ferras et Barbizet (DG) et tout aussi frémissante que Yehudi et Hephzibah Menuhin (Warner Classics). Une éclatante réussite. X

De Fauré à Rachmaninov en passant par des transcriptions d’airs d’opéras de Saint-Saëns, Massenet, Stravinsky ou encore Prokofiev, Christian-Pierre La Marca et Lise de la Salle nous offrent un récital inédit pour violoncelle et piano, qui à travers ces joyaux, mettent en scène à la fois le tendre lyrisme mais aussi la grand virtuosité du violoncelle. Christian-Pierre La Marca, violoncelle Lise de la Salle, piano Sortie le 6 avril

Michel Le Naour CLASSICA / Avril 2018 Q 83

LES CHOCS DU MOIS

UN CHEF FERVENT DANS UNE ŒUVRE CULTE À la tête de l’Orchestre de Philadelphie,Yannick Nézet-Séguin communie avec ses pupitres et trois chœurs dans Mass de Bernstein.

Leonard a principale difmanifeste pacifique, à la ficulté à réduire façon du War Requiem de Mass en disque Benjamin Britten (on y est de parvenir à Le choix de trouve également pluunifier dix-sept sections, FRANCIS sieurs poèmes d’Owen) DRÉSEL scindées en trente-neuf et de A Child of our Time épisodes sans images. de Michael Tippett, utiliUne bonne part de cette parti- sant à la fois les styles du jazz, tion de Bernstein est spectacle du classique,du folk et du rock, et celle-ci a pour sous-titre : des boîtes de conserves en perPièce de théâtre pour chanteurs, cussions et quelques riffs de acteurs et danseurs. La version guitares électriques, en juxtascénique est toujours à la base, position plus qu’en fusion : comme ici dans une interpré- une œuvre totale et hybride en tation captée en concert. C’est somme, commandée en 1971 tout à la fois une messe explo- pour l’inauguration du Kensée, un oratorio polymorphe, nedy Center, à Washington, une comédie musicale, un reçue avec grande émotion par

Bernstein (1918-1990)

Mass Kevin Vortmann (ténor, célébrant), solistes divers, Chœur symphonique de Westminster, Temple University Concert Choir, The American Boychoir, Orchestre de Philadelphie, dir. Yannick Nézet-Séguin Deutsche Grammophon 483 5009 (2 CD). 2015. 1 h 48

HANS VAN DER WOERD

L

le public, mais démolie par une partie de la critique newyorkaise et boudée par le président Richard Nixon. Cinq enregistrements seulement en quarante-sept ans : Bernstein, en tête à tout point de vue (1971, Sony Classical), Kent Nagano,très remarquable (2003,Harmonia Mundi),Kristian Järvi, le moins inspiré (2006, Chandos), et Marin Alsop, protégée et défenseure de Bernstein,à mon avis,le plus réussi(2008,Naxos),avec le plus craquant des célébrants,le baryton Jubilant Sykes, devenu une icône dans ce rôle.

84 Q CLASSICA / Avril 2018

Toutefois, l’exécution de Nézet-Séguin se révèle indispensable et doit être vivement saluée. Kevin Vortmann se révèle un célébrant (double du compositeur, évidemment) particulièrement émouvant dans les dernières sections (CD2,plages8à20).Leschœurs divers, eux, se montrent d’un investissement étonnant et absolument convaincants,sans parler de cet orchestre légendaire. Comment distribuer des lauriers individuels dans cette composition titanesque, peutêtre trop foisonnante, mais jamais décevante ? NézetSéguin relève un défi rare, avec un brio, une foi sincère et une efficacité dramaturgique qui force l’admiration. Même si tout n’est pas parfait, le CHOC est celui décerné à l’audace, à la qualité d’une réalisation exemplaire. C’est une entreprise considérable où l’émotion se fait bientôt sentir et qui s’avère aussi nécessaire que valeureuse. Aussi précieux que rare. X Xavier de Gaulle

CD CLASSICA / PLAGE 7

BACH MENTION DÉCOUVERTE ClaudioAstronioréunitpourlapremièrefoistouteslespiècespourclavecin du fils aîné du Cantor de Leipzig, avec certaines pages peu connues. onsacré à la musique pour clavecin seul de W. F. Bach, le présent coffret tient compte des découvertes les plus récentes. Le premier disque contient les neuf Fantaisies et les deux Fugues Fk. 32 et 33. Les deuxième et troisième CD réunissent treize Sonates, à savoir les neuf identifiées par Falck (dans leur version tardive, quand il y en a plusieurs) et quatre autres: une douteuse et trois estimées maintenant

C

authentiques. Le quatrième présente les douze Polonaises, compositions tardives, les premières publiées au XIXe siècle, et le Concerto pour clavecin seul. Le cinquièmecomprendlaSuite en sol mineur, les huit Fugues parues en 1778 en un exemplaire unique destiné à la princesse Maria Amalia de Prusse et diverses courtes pièces. Enfin, le sixième regroupe plusieurs partitions issues d’un manuscrit exploré il y a peu, dit « de Vilnius. Il a révélé

des pages inconnues et éclairé les Fantaisies d’une lumière nouvelle.Il y a relativement peu de premières mondiales, mais c’est la première fois qu’est réalisée une intégrale dans des dimensions qu’on ne soupçonnait pas. Est aussi indiqué pour chaque œuvre son numéro dans le Bach-Repertorium (destiné à distinguer les ouvrages de tous les membres de la famille Bach). Claudio Astronio profite de plusieurs copies d’instruments allemands du

Wilhelm Friedemann

Bach (1710-1784)

L’œuvre complète pour clavecin Claudio Astronio (clavecin et orgue) Brilliant Classics 94240 (6 CD). 2015-2017. 6 h 44

XVIII e

siècle pour mettre en valeur la variété de ce répertoire. Il interprète à l’orgue les quatre préludes de choral. X Marc Vignal

CLASSICA / Avril 2018 Q 85

LES CHOCS DU MOIS CD CLASSICA / PLAGES 9 ET 10

DEBUSSY GRANDEUR NATURE Grâce à sa riche palette de couleurs et son sens aigu du rythme, le pianiste Maurizio Pollini installe des climats d’une rare puissance expressive. ne légende poursuit le pianiste italien Maurizio Pollini : sa technique parfaite servirait une conception froide, développée dans un jeu analytique, héritage de son

Trente-trois minutes pour douze pièces : le geste est vif, les harmonies brillent et se mordorent, mais toujours dans un rythme qui ne cède pas, même pour La Terrasse où les éclairages sont ceux d’une nuit américaine, lune claire, main gauche sonnant un gong, le tout dans une palette de couleurs pleines qui rappelle un autre Italien: Dino Ciani. Abstrait, ce Debussy ? Naturaliste, oui!

YORK CHRISTOPH RICCIUS / DG

U

militantisme pour la musique contemporaine, ce que dénie ce Second Livre des Préludes, enregistré dix-huit ans après le Premier. Si ce n’est pas prendre son temps pour sonder la grammaire debussyste !

86 Q CLASSICA / Avril 2018

L’IMAGINAIRE PORTÉ PAR UN PIANO ÉLOQUENT On voit dans les accords d’Ondine la nageoire de la naïade qui bat l’eau, un cantaor dit sa plainte tout au long d’une Puerta del Vino sombre, jamais aussi gitane, un quasi Falla (Debussy la composant recevait de Falla une carte de l’Alhambra, Pollini le sait et le fait accroire), la clochette qui sonne la danse des Fées est quasi celle de Lakmé, tout un imaginaire s’incarne au lieu de se suggérer, porté dans un clavier en grand son,jamais saturé, car la science des timbres explique tout, montre tout et dédaigne la perfection façon Cortot.Les Tierces alternées sont imprécises (mais irisées), Brouillards ne sera, pour certains, pas assez exact, mais vous pourrez en nouer les écharpes de songes. Merveilles contrastées,le recueillement de Canope dans un toucher ému ou le grand geste de Feux d’artifice, fait d’un trait, beau comme un Whistler, ou cette autre trop subtilement modelée pour qu’on puisse la décrire :

Feuilles mortes, ballet de spectres qui semble annoncer Canope. Coda logique, En blanc et noir voit réunis le père et le fils. Le clairon, qui sonne dans le premier volet du triptyque au milieu du bal chez les Capulet, étonne par son accent prophétique, loin du quinquet qu’on y fait criailler d’habitude.S’y profilent les ombres du Lent. Sombre, chef-d’œuvre arraché à la guerre, tombeau de l’ami Jacques Charlot tué à l’ennemi le 3 mars 1915, peint tout en noir dans les claviers des Pollini. Impossible de ne pas être saisi par cette plainte de regrets. Tout grand disque qui permet d’espérer demain les Images, Estampes, Pour le piano, Maurizio Pollini nous les doit, il est grand temps. X Jean-Charles Hofelé



Claude

Debussy (1862-1918)

Préludes, Livre II. En blanc et noir * Maurizio Pollini, avec Daniele Pollini * (piano) Deutsche Grammophon 479 8490. 2016. 49’

présente

CD CLASSICA / PLAGE 12

ONDES SUBTILES Sous les doigts délicats de Billy Eidi, les Barcarolles de Fauré nous plongent aux sources de l’émerveillement. es Barcarolles de Fauré ont tenté de nombreux pianistes et certaines versions sont devenues des classiques comme celle du tout jeune Jean-Philippe Collard (EMI) ou celle, quelque peu mythique, de Jean-Michel Damase (Accord), et en attendant que Jean-Claude Pennetier ait achevé son intégrale chronologique (Mirare), l’on n’oubliera pas l’excellente interprétation du Canadien Stéphane Lemelin (Atma). Tout cela surclasse les anciennes lectures de Germaine ThyssensValentin (Testament, 1956) ou de Jean Doyen (Erato, 1972). Billy Eidi a depuis longtemps été reconnu comme un merveilleux accompagnateur de mélodies, mais ses disques pour

L

Gabriel

Fauré (1845-1924)

Les Treize Barcarolles Billy Eidi (piano) Timpani 1C1247. 2017. 1 h 01

piano solo,qu’ils fussent consacrés à Scriabine, à Séverac ou, récemment, à Reynaldo Hahn et Guy Sacre, ont aussi suscité le plus vif intérêt. La première qualité que l’on remarque chez lui, qualité toute fauréenne, c’est l’art de la sonorité, jamais agressive, ni acide – et bien servie par la prise de son dans le mythique Reitstadel de Neumarkt, en Allemagne. EN EAU DOUCE Tout est soyeux,avec un raffinement infini dans la respiration et le phrasé qui rend l’interprétation très vivante. Surtout, il donne des treize Barcarolles une image à la fois contrastée et homogène.Dans les quatre premières,qu’il ne considère manifestement pas comme moins représentatives du compositeur, il met en exergue la structure bien charpentée et,malgré le jeu surprenant des constantes modulations, il ne perd jamais l’auditeur en chemin et évite le style de salon. La cinquième, le premier grand chef-d’œuvre, est jouée de manière équilibrée, entre force et charme,exaltation solaire et raffinement.Mais c’est peut-être dans les pages les plus difficiles (nos8 à 11), celles avec lesquelles de nombreux pianistes ont du mal, et où l’auditeur a de la difficulté à suivre, qu’il se montre le plus intéressant.Enjouantlacartedeladouceur, du clair-obscur et de la simplicité,il fait sentir le mystère Fauré, mais sans lui donner cet air émacié qu’on entend parfois. Et, dans les deux dernières, il nous ouvre à un monde lumineux, rappelant la formule par laquelle Jankélévitch caractérisaitlemeilleurdel’artducompositeur : le « je-ne-sais-quoi » et le « presque rien ». X Jacques Bonnaure

TRIO SR9 A(+./Č +* */! ĕ L’art de la danse par les marimbas envoûtants du Trio SR9 Forqueray Allemande de la Suite pour Trois violes Haendel Courante de la Suite pour clavecin n°4 HWV 437 D. Scarlatti Gavotte de la Sonate pour clavecin en Ré mineur K.64 F. Couperin Bourrée Les Nations “L’impériale” Rameau Sarabande de la Suite en La Purcell Menuet - n°13 des Vingt pièces pour clavier Bach Gigue de la Suite Française n°5 BWV 816 Satie Danse de Travers n°1 - En y regardant à deux fois Debussy Tarentelle Styrienne L. 69 Bartok Danse roumaine n°1 op.8a Borodine Danses Polovtsiennes du Prince Igor Satie Danse de Travers n°2 – Passer De Falla Danse rituelle du feu de l’Amour Sorcier Tashdjian Narnchygäer (création) Satie Danse de Travers n°3 – Encore

Concerts 20/03 Lyon Salle Molière 02/04 Paris L’Européen 30/04 Saint-Malo Festival “Classique au large” 06/06 Rouen Chapelle Corneille 12/07 Reims Festival “Les Flâneries Musicales” 19/07 Montpellier Festival de Radio France

www.sr9trio.com CLASSICA / Avril 2018 Q 87

SDP

CD CLASSICA / PLAGE 6

IDYLLES BAROQUES La luxuriance des instruments de Scherzi Musicali se marie avec bonheur à la justesse des solistes dans ces dialogues amoureux. près un premier opus consacré aux motets, l’ensemble Scherzi Musicali explore à présent le versant profane de Giovanni Felice Sances, connu pour son rôle important dans la diffusion de la musique dramatique italienne à la cour de Vienne où il fut nommé Kapellmeister en 1669. Datant de la période vénitienne du Romain dédiée exclusivement au répertoire profane, les airs choisis s’inscrivent « dans la tradition des livres de madrigaux qu’ont initiée les compositeurs florentins dès 1600 ». Déclinés en lamento, aria, canzonetta ou dialoghi amorosi, ils parlent d’amour, souvent vécu de

A

88 Q CLASSICA / Avril 2018

manière douloureuse, bien que, comme le précise Nicolas Achten dans la notice, « il fait tout de même parfois bon vivre dans le royaume du petit Cupidon ». D’autant que l’instrumentarium ici réuni brille par sa luxuriance et son hédonisme sonore, parfaitement assorti à la sensualité de l’écriture vocale: aux traditionnels clavecin, orgue et archiluth se joignent triple harpe, chitarrone, guitare et épinette. FANTAISIE ET EXPRESSIVITÉ Si le narrateur (appelé « Testo », comme dans le Combattimento diTancredi e Clorinda de Monteverdi) s’exprime au moyen d’une certaine rusticité d’apparat proche du recitar cantando,

les nymphes, bergères et leurs équivalents masculins tressent guirlandes et festons avec une fantaisie délicieuse. Nos trois chanteurs possèdent le style ad hoc (diminutions, expressivité, spontanéité des affects) et sont chez eux dans la persistance inéluctable du rythme ternaire qui noue ces jeux subtils d’un lien caressant ou malicieux.Une mention spéciale pour le timbre virginal de la soprano Hanna Al-Bender et pour les climats envoûtants délivrés par le lirone et la basse de viole dans « Pietosi,allontanaveti » et « Già dell’ horrido Mostro »: tels le fond noir chez Goya ou le fond or dans les mosaïques byzantines, ils suggèrent la surréalité. Intermède instrumental irrésistible

Giovanni Felice

Sances (c. 1600-1679)

Dialoghi Amorosi Hanna Al-Bender, Deborah Cachet (sopranos), Reinoud Van Mechelen (ténor), Nicolas Achten (baryton, triple harpe, chitarrone, clavecin et dir.), Scherzi Musicali Ricercar RIC 385. 2017. 1 h 14

avec la Sonata sopra l’Aria di Ruggiero de Salomone Rossi, jouée uniquement sur cordes pincées, où affleure le spectre des futurs concertos pour mandoline(s) de Vivaldi. X Jérémie Bigorie

ÇA VA FAIRE UN MAHLER Très inspiré, le chef Mariss Jansons réenchante la Symphonie n°7 : une nuit plus propice à la quiétude, éclairée par les étoiles. ervent mahlérien, Mariss Jansons cherche à simplifier au maximum l’accès à la Symphonie n°7, la mal-aimée du corpus, si difficile à unifier, entre son triptyque central homogène, un premier mouvement très sombre en écho de la Sixième et un finale en joyeuse kermesse n’évitant pas toujours la boursouflure. On sent d’un bout à l’autre une envie de clarifier les textures et les couleurs, de désempeser un climat qui parfois lorgne ici de manière inédite en direction de la Symphonie n°4. Onestaussifrappéparlagrande sérénité, plutôt inhabituelle, qui traverse l’ouvrage : dans les deux Nachtmusiken où s’illustrent les merveilleux souffleurs néerlandais, chaque motif est admirablement ciselé

F

Gustav

Mahler (1860-1911)

Symphonie n°7 Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam, dir. Mariss Jansons RCO Live RCO 17006. 2016. 1 h 20

dans une pâte sonore allégée, et même dans le Schattenhaft central, aux antipodes des cercles infernaux d’un Scherchen (DG) et de l’angoisse à la Bartók d’un Boulez (DG). Quant au périlleux finale, on y a peu de souvenirs d’une dynamique autant sous contrôle, évitant toute compacité – le choral initial, aux cuivres limpides comme un quatuor de clarinettes. Cet ajustement psychologique vers davantage de lumière se fait sentir également dans les traits les plus soignés de l’orchestration, telle cette mandoline de la Nachtmusik II, souvent sécessionniste sous d’autres baguettes, envisagée ici comme un simple chant galant sous un balcon. La nuit chantée par Mariss Jansons demeure en outre constamment familière, rassurante, positive – nulles ténèbres non plus dans un premier mouvement aux aguets, qui avance sans sentiment de suffocation –, propice à la sérénade ingénue, sans arrièreplan malsain, ni flashes aveuglants à la Gergiev (LSO Live).Un éclairage plus assumé que dans le concert de 2009 avec une Radio bavaroise moins naturellement portée vers les sphères, malgré des tempi tout aussi allants, sinon plus. Ce regard original, déroutant même, qui pourra par endroits sembler béat, bouscule en tout cas les repères en renouvelant une partition qui n’a sans doute pas livré tous ses secrets. X 

Yannick Millon CLASSICA / Avril 2018 Q 89

LES DISQUES DU MOIS LES NOTES DE CLASSICA Coup de cœur +++++ Excellent ++++ Bon +++ Moyen ++ Décevant + Inutile +

ONDREJ

ADÁMEK (né en 1979)

++++ Sinuous Voices. Conséquences particulièrement blanches ou noires concerto. Ça tourne, ça bloque Roméo Monteiro (airmachine), Ensemble Orchestral Contemporain, dir. Daniel Kawka et Ondrej Adámek

HANS

ABRAHAMSEN (né en 1952)

++++ Quatuors à cordes nos 1 à 4 Quatuor Arditti Winter&Winter WDR 910 242-2. 2015 2016. 1h08

On peut déceler dans le Quatuor à cordes n°1 (1973), originellement intitulé10Préludes,lesprémissesde cetaccordtaciteentrelesinfluences assumées(leminimalismedeReich et Riley) et les recherches impénitentes de l’invention personnelle. Le suivant (1981) conserve la rythmique franche de Stravinsky (Vivo, benritmico),maisl’expressionnisme hérité des Viennois y réalise une percée significative. Néanmoins, on n’est plus proche d’une conception épurée du tissu musical que de la notation surnourrie dont étaient coutumiers les tenants du sérialisme. Plus rapprochés dans le temps, les Quatuors n°3 (2008) et n°4 (2012) s’inscrivent dans la « troisième période » du Danois, qui fait suite à la « crise compositionnelle » des années 1990. Âprement joués par le Quatuor Arditti, leurs textures raréfiées, sur lesquelles plane une écriture canonique aux frontières du silence, investissent l’extrême aigu dans de fantomatiques harmoniques. Le Quatuor n°1 avait déjà été enregistré, d’une manière plus suave, par le Danish String Quartet (ECM) et l’Ensemble Midtvest (Dacapo). L’exigence propre au genre constituant une porte d’entrée étroite à l’univers d’Abrahamsen, on conseillera, pour une première approche, le bouleversant Let Me Tell You que le trio de choc Barbara Hannigan, Radio Bavaroise et Andris Nelsons porte à des cimes d’émotion chez le même éditeur. Jérémie Bigorie

Aeon AECD 1858. 2017. 55

OndrejAdámekpoursuitsonmétier de compositeur en le nourrissant, au besoin, par le bricolage : on lui doit la fabrication, avec l’aide de son épouse, d’une « airmachine », instrument dont auraient rêvé le Holliger de Pneuma et le Lachenmann d’Air. « C’est le rythme des poumons qui se donne à voir et à entendre », précise la notice au sujet de Conséquences… S’il ne peut restituer l’aspect visuel, le disque dissèque avec une précision inouïe les cataractes desonorités,lavélocitécalibréedes notes, l’articulation des timbres. Ce que la machine gagne en précision rythmique, elle le perd en hauteur et en dynamique, d’où une part d’incongruité et de surprise inhérente à cette musique. Écrit pour ensemble, Sinuous Voices est le

joyau du disque avec sa dramaturgie latente (traduction de la parole au jeu instrumental) et sa manière de grossir au microscope le phénomène du vibrato. Coda complètement déjantée et jubilatoire. Malgré l’effusion méditative de sa partie centrale, Ça tourne, ça bloque vire à la plaisanterie potache. La pièce nous immerge au Japon dont la partie électronique reprend certains habitus sous forme de samplers. En déchiffrant l’une des esthétiques sonores les plus originales de notre temps, Daniel Kawka et son Ensemble Orchestral Contemporain ont accompli un travail de bénédictin qui force l’admiration. Jérémie Bigorie

90 Q CLASSICA / Avril 2018

CHARLES-VALENTIN

ALKAN (1813-1888)

++++ Trois Concertos da camera. Six Pièces op. 16 Giovanni Bellucci (piano) Orchestre de Padoue et de Vénétie, dir. Roberto Forés Veses Piano Classics PCL10135.2013. 1 h 10

Les Concertos da camera d’Alkan datent de la jeunesse du compositeur (1832). Ils se distinguent par leur concision, leur refus de l’épanchement mélodique, un style somme toute classique et clair mais avec une grande virtuosité moins démonstrative mais plus exigeante que chez beaucoup de ses contemporains. Aux deux concertos connus, déjà enregistrés à plusieurs reprises, notamment par Marc-André Hamelin (Hyperion) s’ajoute ici un troisième, un bref Andante, sur lequel la notice ne nous dit rien, sinon qu’il a été « reconstruit » par François Luguenot, biographe et éditeur du catalogue des œuvres d’Alkan. C’est en tout cas une page d’une fascinante sérénité mélodique aux sonorités recherchées. Les Six Pièces op. 16 suivent de près les concertos (1834). En apparence, ce sont des pièces comme on faisait beaucoup alors, études de bravoure et variations sur des airs d’opéras (ici Anna Bolena de Donizetti et I Capuleti e i Montecchi de Bellini). Mais de ces musiques de genre, Alkan fait quelque chose de différent, moins romantique, plus objectif, plus âpre et tendu. C’est d’ailleurs le mérite de Giovanni Bellucci, très grand virtuose sans conteste, que de ne pas vouloir se montrer immédiatement séduisant et d’accentuer la clarté objective de ces pages qui annoncent parfois, par la lettre sinon par l’esprit, le piano de Bartók ou Prokofiev. Jacques Bonnaure

JOHANN SEBASTIAN

JOHANN SEBASTIAN

BACH

BACH

(1685-1750)

(1685-1750)

++

+++

Préludes et fugues BWV 534 et 546. Fantaisie BWV 562. Concerto BWV 595. Préludes de choral BWV 664, 717 et 736. Fugue BWV 575. Passacaille et Fugue BWV 582

Hannah Morrison (soprano), Carlos Mena (alto), Hans-Jörg Mammel (ténor), Mathias Vieweg (basse), Ricercar Consort, dir. Philippe Pierlot

Joseph Kelemen (orgue)

Mirare MIR 332. 2016. 1 h 06

Oehms Classics OC 465. 2018. 1 h 10

L’organiste hongrois Joseph Kelemen poursuit son érudite exploration de la musique baroque allemande dont il a fait sa spécialité. Il a choisi pour cet exercice l’orgue Treutmann de Grauhof (1737, Basse-Saxe) qui, avec ses quarante-deux registres, ses multiples détails et son Posaune de 32 pieds, constitue l’idéal sonore du Cantor de Leipzig. Kelemen s’inscrit résolument dans la tradition de l’interprétation « historique ». Organiste rigoureux, doté d’un solide métier et d’un beau toucher, il aborde les fresques monumentales comme le « grand » do mineur BWV 546 et les pièces plus intimistes de manière convaincante. Son jeu très maîtrisé tombe toutefois vite dans la raideur, particulièrement regrettable dans les pages lyriques comme la Fantaisie en do mineur si éloignée de la très opératique Fugue à 5 du Gloria de Grigny dont Kelemen rappelle pourtant qu’elle en fut inspirée. Quel usage parcimonieux de l’instrument ! Sans même se lamenter surl’absenced’exploitationdesjeux de détails, que dire de cette Passacailleinterprétéedeboutenboutsur cinqjeuxduclavierprincipal(!)sans aucune entrée du 32 pieds qui sera entendu moins d’une minute dans l’ensembledudisque.Cettecolonne n’est pas le lieu pour raviver le débat sans fin sur les dérives sclérosées decettepratique«informée».Force est toutefois de reconnaître que le résultat est ici, sinon décevant, du moins terriblement frustrant. Aurore Leger

Cantates BWV 22, 75 et 127

JOHANN SEBASTIAN

BACH (1685-1750)

+++ Concertos brandebourgeois Berliner Barock solisten, dir. Reinhard Goebel Sony Classical 88985361112 (2 CD). 2016. 1 h 35

Imaginait-on Reinhard Goebel réenregistrer les Concertosbrandebourgeois après son fameux enregistrement (1986-1987, Archiv) ? On sait que, depuis la dissolution de Musica Antiqua Köln, l’artiste a troqué son archet pour la baguette. Aussi est-ce avec les Berliner Barock Solisten, pour la plupart des membres de l’Orchestre philharmonique de Berlin, qu’il tente l’aventure. Malgré les trente années d’écart, les conceptions de base restent identiques. L’effectif varie ainsi selon les concertos dans des proportions semblables : trois premiers et seconds violons pour le Concerton°1,celuidelachasseetdu pleinair,deuxetunpour le Concerto n°5, plus domestique. Malheureusement, la prise de son, réalisée en l’église Jesus Christus de Dahlem, à Berlin,nepermetpasdel’apprécier. Deuxdifférencescependantsautent auxoreilles :lestimbresetletempo. MalgréletalentdescornistesRadek Baborák et Andrej Zust et du trompettiste Reinhold Friedrich, leurs instruments ne peuvent prétendre àlamêmevigueurdanslesattaques que leurs ancêtres. Mais, soyons justes, l’interprétation a conservé la netteté d’articulation, l’énergie rythmique, la folle obstination (le Concerto n°3, toujours irrésistible) d’antan. Goebel semble même plus pugnace qu’autrefois, en particulier dans les mouvements lents, très allants, voire précipités (Concerto n°2, par exemple). Goebel a changé d’instrumentmais il reste toutaussi déterminé.Commeàl’accoutumée, il divisera l’opinion. Philippe Venturini

Ces trois cantates nous mènent sur les premiers pas de Bach à Leipzig. La BWV 22 fut présentée en l’église Saint-Thomas le 7 février 1723 par un compositeur postulant au poste de Cantor. La BWV 75, entendue à Saint-Nicolas le 30 mai, marqua sa prise de fonctions. Chacune de ces troisœuvresrequiertuneffectifdistinct. La BWV 22 n’utilise qu’un seul hautboisen plusdescordes, laBWV 75 nécessite une paire de hautbois et une trompette auxquels la BWV 127 ajoute deux flûtes à bec. Comme à son habitude, Philippe Pierlot adopte un équipage réduit : le quatuor de chanteurs constitue également le chœur et les deux pupitres de violons totalisent sept musiciens. Cette légèreté assure bien évidemment une grande lisibilité contrapuntique, notamment dans les chœurs introductifs où se superposent plusieurs lignes dont une mélodie de choral (BWV 127) ou s’organisent des mouvements fugués (BWV22et 75). Carlos Mena émeut toujours par sa musicalité

naturelle et Hans Jörg Mammel reste un fier orateur. Hannah Morrison semble en revanche moins éloquente (le glas dans BWV127/3). C’est plutôt la direction, comme toujours soignée et délicate mais trop prudente, de Philippe Pierlot qui bride un peu cette musique si éloquente : les flammes du Christ (BWV 75/12), les tourments de la mort (BWV127/2) ou l’air de ténor si dansantà3/8(BWV22/4)appellent davantage de contrastes.

JOHANN SEBASTIAN

BACH (1685-1750)

++++ Sonates pour flûte BWV 1013, 1030, 1032, 1034 et 1035 Marc Hantaï (flûte traversière), Pierre Hantaï (clavecin) Mirare MIR 370. 2016. 1 h 14

En1998,MarcetPierreHantaïs’installaient dans une église de Haarlem, aux Pays-Bas, pour enregistrer quatre sonates pour flûtes (Virgin Classics). En 2016, en la même ville, probablementdansla mêmeéglise, avec toujours avec Nicolas Bartholomée aux commandes des micros, ils revisitent trois de ces sonates et y associent les BWV 1034 et BWV 1035. Si la conception n’a pas fondamentalement changé, l’univers sonore et musical se montre en revanche très différent. On admire toujours la précision, la netteté de l’émission, la justesse, la longueur du souffle de Marc Hantaï qui permettent aux lignes de tenir, notamment en fin de phrase, et de s’organiser. On apprécie également la souplesse des phrasés, la délicatesse des ornements, la respiration harmonique naturelle de Pierre Hantaï. On ne saurait imaginer meilleure entente, conversation plus urbaine, écoute mutuelle plus dynamique. Mais le cadre s’est sensiblement rétréci comme si la grille de lecture était devenue plus analytique. À la fête sonore, à l’écho d’une rencontre rêvée entre Buffardin et Bach dans un palais baroque copieusement décoré de la très baroque ville de Dresde, succède un dialogue un rien sévère (la gigue conclusive à 12/8 de BWV 1030) dans une salle plus étroite (est-ce la prise de son ?), moins généreuse de son, de la ville universitaire de Leipzig. Les deux propositions sont parfaitement recevables. À chacun de (ne pas) choisir. Philippe Venturini

Philippe Venturini CLASSICA / Avril 2018 Q 91

Les disques du mois HECTOR

ARNOLD

BÉLA

BARTÓK (1881-1945)

++++ Concertos pour violon nos 1 et 2 Renaud Capuçon (violon), Orchestre symphonique de Londres, dir. François-Xavier Roth Erato 0190295708078. 2017. 1 h 01

Avoir apparié au violon solaire et naturellement lyrique de Renaud Capuçon la direction ciselée de François-Xavier Roth, qui imprime une transparence cristalline à l’Orchestre Symphonique de Londres, est une idée heureuse. Le mal aimé Concerto n°1, fruit d’un compositeur de vingt-six ans encore sous influences, sort grandi de cette lecturetouteenfinesseoùunecertaine pudeur fauréenne en tempère les effusions straussiennes. S’agissant duConcerton°2,lespointsderepère ne manquent pas: l’impérial Augustin Dumay (avec Nagano, Onyx) a récemmentréaliséuneremarquable synthèseentrelasobriétéd’Isabelle Faust(Harding,HarmoniaMundi)ou Thomas Zehetmair (Fischer, Berlin Classics) et les inflexions tziganes d’Ivry Gitlis (Horenstein, Vox) ou Laurent Korcia (Oramo, Naïve). Renaud Capuçon semble s’inscrire davantagedanslapremièrecatégorie tant son jeu adoucit l’accentuation au profit de la ligne frémissante (en vertu d’un dosage équilibré du vibratoetduportamento),delanarrationcontinueetdudialogueintime aveclespupitres,quitteàsemontrer un peu sage sur la durée : si la main gauche impressionne toujours par sa sûreté et sa mobilité jusque dans les positions les plus périlleuses, la main droite gagnerait par moments à donner plus de fantaisie à son archet. Une version, on l’aura compris, de facture moins Mitteleuropa qu’internationale, mais d’une irréprochable intégrité artistique. Aussi peut-elle être conseillée sans hésitation pour une première écoute. Jérémie Bigorie 92 Q CLASSICA / Avril 2018

BAX

BERLIOZ

(1883-1953)

(1803-1869)

++++

+++

Concerto pour violoncelle + Bate : Concerto pour violoncelle

Les Nuits d’été. La Mort de Cléopâtre. Roméo et Juliette : « Scène d’amour »

Lionel Handy (violoncelle), Royal Scottish National Orchestra, dir. Martin Yates

Karen Cargill (mezzo-soprano), Orchestre de chambre d’Écosse, dir. Robin Ticciati

Lyrita SRCD.361. 2015. 1 h

Linn CKR 421. 2012. 1 h 05

Une économie de moyens inhabituelle, un lyrisme moins expansif et des mélodies moins marquantes peuvent expliquer la discrétion de ce concerto (1932). Bax s’y montre pourtant imaginatif, avec de beaux alliages de timbres entre les bois et les cordes et une remarquable exploitation des ressources du violoncelle. En plus de l’enregistrement historique de Beatrice Harrison (1938), n’existe que celui de Raphael Wallfish (1987, Chandos). Tous deux accusent le caractère dramatiqueduconcerto.Àl’inverse, Lionel Handy et Martin Yates jouent lacartedeladétente.Dansdestempos moins emportés, ils donnent la prioritéaudétaildel’ornementation et nous permettent de savourer la richesse harmonique et les somptueux climax cuivrés, leur souplesse

LUDWIG VAN

BEETHOVEN (1770-1827)

++++ L’œuvre pour violoncelle et piano Valentin Erben (violoncelle), Shani Diluka (piano) Mirare MIR 380 (2 CD). 2016. 2 h 16

épousant de plus près la rhétorique fluctuante du discours. Le concerto de Stanley Bate (19111959), composé en 1953, donné en première au disque, partage avec celui de Bax le caractère d’une rumination passionnée, relevée ici et là d’humour caustique. Il tente la synthèse inattendue entre néoclassicisme et néoromantisme, sa polyphonie fluide et aérée et les inflexions folklorisantes rappelant Vaughan Williams, en particulier dans le mouvement lent au lyrisme parfaitement assumé par les interprètes : justice est enfin rendue à un musicien qui pâtit de l’ombre de Britten et de l’avant-garde, et, de désespoir, se suicida.

Souvent enregistré ces dernières années par des duos confirmés (Capuçon et Braley, Salque et Le Sage, Phillips et Guy, Meunier et Le Bozec, Queyras et Melnikov, etc), l’œuvre pour violoncelle et piano de Beethoven exerce toujours le même pouvoir d’attraction. À leur tour, Valentin Erben, qui fut le violoncelliste dès l’origine du Quatuor Alban Berg, et Shani Diluka confient au disque leur propre vision des cinq sonates et des trois groupes de variations. La rencontre entre ces deux personnalités que trente ans séparent s’est faite en 2008 à Vienne alors que les Berg donnaient leur dernier concert. L’intimité musicale qu’ils entretiennent désormais, la qualité des échanges, la respiration commune transparaissent au travers d’un discours où le piano sait se faire lyrique sans se charger d’affectivité et développer tout un arc-en-ciel de couleurs (Sonates nos 1 et 2) tandis que le violoncelle, ennemi de toute emphase, semontreintenseetatteint,danssa nudité patricienne, une vraie grandeur (fugue de la Sonaten° 5). Les trois Variations Haendel et Mozart émeuvent par la simplicité de ton et les réparties entre deux instrumentistes qui dialoguent naturellement sans jamais élever la voix. On continuera certes d’écouter les versions historiques de Casals et Serkin (Sony), RostropovitchetRichter(Philips),Fournier et Gulda (DG), Du Pré et Barenboïm (Warner), sans oublier certains duos sus-cités, mais ces nouveaux venusconstituentunexcellentchoix par leur musicalité.

Michel Fleury

Michel Le Naour

Le temps de quelques mesures de La Villanelle et le charme opère à plein : ce sens du primesaut, ce sourire dans la voix (émaillé d’une pointed’espièglerie),cettelimpidité deladictionportentlamarqued’une grande artiste. Karen Cargill sait pourtantqu’ellesuccèdeàquelques monstres sacrés, à commencer par l’immarcescible Régine Crespin. Le sens de la ligne ne se fait jamais aux dépens du mot (Le Spectre de la rose) et la projection, radieuse, filtre à travers un nuage dans le Lamento. Tout paraît si évident lorsqu’on atteint un tel degré d’achèvement. Elle peut compter sur la direction diligente et cursive de Robin Ticciati qui, loin de lui façonner l’écrin d’AnsermetpourCrespin(Decca)et de Barbirolli pour Baker (EMI), veille aucontraireàsurlignericiuncontrechant,ailleursunrappelthématique. Véniel dans Les Nuits d’été, le manque d’épaisseur des cordes s’avère hautement préjudiciable, hélas, pour le reste du programme. AussiLa Scène d’amour est-elle plus

proche de Siegfried-Idyll que de la passion dévorante des amants de Vérone. Cléopâtre, qui devrait nous saisir au collet, souffre d’une réalisation orchestrale trop chambriste et dépareillée des nobles accents tragiques de la mezzo. Dommage. La bouleversante Janet Baker mise à part (EMI et Philips), on se reportera donc sur la seconde gravure, réalisée un an après celle-ci, de Karen Cargill avec le LSO et Gergiev (LSO Live). Jérémie Bigorie

AAFJE

HEYNIS (1924-2015)

Au disque, la contralto néerlandaise au timbre androgyne, si radieux et si sombre à la fois, continue d’enchanter entre ciel et terre. ai 1945. Dans la liesse générale de la libération du Zaan, une jeune fille est poussée sur une estrade par ses amis qui la pressent: « Chante! » Dans la cohue, les drapeaux, les embrassades, elle entonne « Dank sei Dir, Herr » de Haendel, voix à peine entendue, mais elle s’en souvenait en conversant avec son élève Henry de Rouville, l’étincelle se produisit alors. Son timbre lumineux, pur, vrai contralto, sombre de notes, clair de mots, surprit Anton van der Horst qui l’intégra dans son chœur. Le temple, le répertoire sacré, Bach, Haendel lui firent son étude, avec déjà cet étonnement que produisaient sa voix, ce vibrato contrôlé, cette couleur d’ambre dont les mots débordent, cette touche androgyne qui ensuite fascinèrent les contre-ténors français, Henri Ledroit le premier, comme si dans cette voix longue et offerte se mirait celle d’Alfred Deller. Van der Horst fit ce qu’il put, mais en 1950, avertie par son professeur Aaltje Noordewier-Reddingius, la jeune chanteuse

M

LE BILLET DE JEAN-CHARLES HOFFELÉ

Quelques années avant J.-C.

passait la Manche pour étudier avec Roy Henderson, le Comte de Busch à Glyndebourne, le mentor de Ferrier. Il ne put rien lui apprendre, sinon ce souffle infini, la voix était formée, le goût certain, le style impeccable, la diction parfaite. Retour en Hollande, des kilomètres de cantates et de passions, école d’un certain dénuement, d’une économie où la voix est d’abord instrument, serviteur. Philips, label alors local, lui fait enregistrer quelques airs sacrés, des mélodies, disques à destination populaire, puis Eduard van Beinum lui offre ce qu’elle ne peut refuser, la Rhapsodie de Brahms. Elle entre tremblante au Concertgebouw ce 19 février 1958, sa voix l’abandonne, Van Beinum l’encourage, mais le trac ne la quittera pas, trahissant sa justesse. Pourtant, le disque paraît, elle ne peut l’empêcher, et malgré l’intonation élimée, c’est une sorte de miracle, par la magie du timbre d’abord qui montre le voyageur dans le Harz et déploie, lorsque le chœur élève son chant, cet exhaussement de la voix transmuée en émotion : un acte de grâce rien moins, qu’elle perfectionnera à Vienne pour Wolfgang Sawallisch. Les disques suivirent, toujours pour le marché local, cantates de Bach où le parallèle avec Deller s’impose d’évidence, airs de Haendel et, dans la marge, une merveille : « O amantissime sponse Jesu » de Ritter, quelques lieder, de grandes séries de chants populaires, néerlandais ou anglais, où le timbre sourit, les mots brillent, gourmands de double sens, si proches par la manière, le ton de ceux dont Ferrier faisait les bis de ses concerts. Puis une échappée à Milan pour un disque Vivaldi à faire pleurer les pierres du tombeau du Sépulcre : ce Stabat Mater aura servi de modèle. Puis, début des années 1970, une tentation ; l’Orphée de Gluck. EMI Hollande lui offrira de graver tout le rôle, sans Eurydice, sans Amore, elle y soumet les Enfers à force de noblesse. S’y ajouteront quelques lieder, surtout une « Nun wandre, Maria » de Wolf, les Chants sérieux de Brahms, les Prières de Caplet, si peu de choses, et qui ne se trouvent plus guère, sans que sa mort récente ait pu susciter de ses éditeurs la parution assemblée de cette mince somme, modeste à son image, émouvante à force de pudeur. X

Les disques mentionnés Z Bach : Cantates BWV 169 et 179. Sept Chants sacrés. Decca Eloquence 468 310-2 Z Bach, Haendel : Airs sacrés. Decca Eloquence 465 631-2. À rééditer : Z Les Rarissimes d’Aaje Heynis (EMI) Z Brahms : Rapsodie (Van Beinum, Sawallisch) Z Ritter : « O amantissime sponse Jesu Z Vivaldi : Le Cinque Composizioni Sulla Passione (Rivo-alto) Z Les enregistrements Philips. CLASSICA / Avril 2018 Q 93

ILS TIENNENT LA CORDE

ARTHUR

BLISS (1891-1975)

+++

MANHATTAN SE MET EN QUATRE Les archets des Juilliard transcendent le répertoire classique. QUATUOR

1946.Lecompositeur William Schuman, président de la Juilliard School, confie à Robert Mann, tout jeune violoniste issu de la prestigieuse institution, le soind’assemblerunquatuor àcordes.Deuxdesescondisciples le rejoignent, le violoniste Robert Koff et le violoncellisteArthurWinograd. Suivra Raphael Hillyer,venu de l’Orchestre symphonique

deBoston.Quedusangneuf donc pour un quatuor qui, dès ses premiers microsillons consacrés au répertoire contemporain, osa un jeu cinglant,des lectures au scalpel, à l’intonation parfaite, comme délivrées de toute tradition. La stéréophonie voit la formation changer d’éditeur (Epic, filiale de CBS) et de second violon (Isidore Cohen, élève d’Ivan

Galamian) et hériter des Stradivarius de la bibliothèque du Congrès, à Washington, joués jusque lors par le Quatuor de Budapest. Le temps d’enregistrer les classiques était venu. Sommet de cette période,les six Quatuors dédiés à Haydn de Mozart, rendus avec une précision redoutable,en son clair, dessinés dans leur moindre détail, avec un jeu objectif qui vise à l’émotion. Lecontrôleduvibrato,secret de leur art d’ensemble, permet cette quadrature du cercle: le timbre de chaque instrument y rayonne dans une clarté de l’harmonie qui transfigure les Quatuors nos13 et 15 de Schubert,anime chaque polyphonieduQuintette de Brahms, où Leon Fleisher ajoute son piano orchestral, et met des ailes à leur Mendelssohn. Lorsque Isidore Cohen quitte le groupe, l’équilibre s’altère un rien, comme en témoigne l’album Haydn, juste le temps qu’Earl Carlyss trouve ses marques pour commencer la saga des années 1970. X Jean-Charles Hofelé

£ « Juilliard String Quartet, The Complete Epic Recordings ». Sony Classical 88985470132 (11 CD). 1956-1966. 9h49. CHOC

The Beatitudes. Introduction et Allegro. God Save the Queen Emily Birsan (soprano), Ben Johnson (ténor), Chœur et Orchestre symphonique de la BBC, dir. Andrew Davis Chandos CHSA 5191. 2017. 1 h 07

Commande au même titre que le War Requiem de Britten pour la consécration de la nouvelle cathédrale de Coventry en 1962, The Beatitudes,cantatepoursoprano,ténor, chœur, orchestre et orgue, est loin d’enavoirconnulesuccès:leurstyle brillantmaisconvenun’accrochepas davantage l’oreille aujourd’hui qu’à l’époque. Sur le tard, Bliss s’épuise en une dynamique infatigablement renouvelée et en une très volontariste agilité contrapuntique, le tout relevé de dissonances de bon aloi. Quelques enchaînements plagaux visent à un parfum choral british. Assurément, le maître de la chapelle royale, alors juché au faîte de l’establishment (comme son puissant rival), avait totalement perdu l’audaceintrépidedesesdébuts.Les effortsdeDavissauventlessections orchestrales, plus heureuses, dont les épices bien calculées réveillent l’attention au sortir de parties vocales monotones malgré l’excellence des solistes et des chœurs, ces derniers splendidement mis en valeur dans un arrangement de l’hymnenational:ici,académismeet pompe solennelle sont à leur place. Introduction et Allegro (1926) relève enrevanched’unepremièrepériode plus novatrice: la virtuosité contrapuntique,rythmiqueetorchestrale, la recherche d’une unité globale à partir de quelques cellules et les audaces harmoniques sont de la même veine que la contemporaine Colour Symphony et illustrent cette foismagnifiquementl’admirationde l’auteur pour Stravinsky. Michel Fleury

ERNEST

BLOCH (1880-1959)

+++++ Sonate pour violon et piano nos 1 et 2. Sonate pour piano Nurit Stark (violon), Cédric Pescia (piano) Claves 501705. 2017. 1 h 10

Compositeur que la postérité n’a pas vraiment gâté, Ernest Bloch n’endemeurepasmoinsuncréateur à l’expressivité ardente qui captive d’emblée.PartideSuissepours’installer aux États-Unis, ce contemporain de Stravinsky y connut un certain succès. La Sonate pour violon et piano n°1 datant de 1920 impressionne par la fureur et la richesse d’unesauvageriereconstituanttout un monde lointain et obscur. « Une musique des origines » selon Bloch, où s’affrontent un violon et un piano tenus avec une virtuosité altière par Nurit Stark et Cédric Pescia qui habitent avec intensité cette station des profondeurs possédant toute la rugosité d’un Bartók qui joua cette œuvre et écrivit sa Sonate pour violonetpianon°1unanplustard.Cette version exacerbée mais tenue vaut biencelled’IsaacSternetAlexander Zakin (Sony). La Sonate n°2, dont le titre, Poème mystique, en éclaire l’inspiration, présente un pan idéaliste de l’univers de Bloch, moins ténébreux, plus lumineux, comme une montée au ciel, élégiaque et lyrique, ponctuée de citations de plain-chant grégorien. Composée en 1935, la Sonate pour piano, au développement thématique en trois mouvements, renoue avec la profondeur tourmentée de la Sonate pour violon n°1 avec une complexité rythmique imposant une densité qui fait alterner une angoisse proche de Scriabine et des miroitements poétiques debussystes. Cédric Pescia y déploie un jeu souverain pourréveillertoutelapalettesonore de Bloch. Romaric Gergorin

94 Q CLASSICA / Avril 2018

++++ Sonates pour violoncelle et piano Hélène Dautry (violoncelle), Sandra Chamoux (piano) Lyrinx LYR300. 2016. 53

Sonates pour violoncelle et piano. Quatre Chants sérieux. Danse hongroise n°20 Bartholomew LaFollette (violoncelle), Caroline Palmer (piano) Champs Hill Records CHRCD134. 2015. 1 h 13

++ Sonates pour violoncelle et piano Duo Leonore

LES ARTS FLORISSANTS PA DEPUIS FOR

SSION

60

EX

++++

WILLIAM CHRISTIE

C

© Michel Szabo

(1833-1897)

ANS YEARS

ELLEN

C

HAF 8905293.94

BRAHMS

E

JOHANNES

masquant rien, plaçant l’auditeur non pas dans la salle de concert mais dans leur studio de répétition, ce qui se révèle plutôt plaisant. Précisément, on entend tout, et comme rarement, au violoncelle comme au piano, en un bel équilibre. Sans artifice, le jeu instrumental traduit un engagement d’une rare sincérité, apportant une intensité non pas synonyme de puissance sonore mais d’urgence émotionnelle, bien plus intéressante. Avec beaucoup de naturel, Hélène Dautry et Sandra Chamoux montrent un sens de la phrase et de l’architecture proches de l’évidence, livrant leur Brahms, sans fard, généreux et attachant. D’aucuns seront sensibles à des versions plus souveraines, plus esthétiques, mais dans lesquelles on peinera à retrouver le charme de proximité de ces interprétations, tout comme le meilleur concert à la Philharmonie de Paris n’effacera jamais le joli souvenir d’un festival d’été. Le jeu souverain, l’éloquence, la puissance sonore, la vocalité (particulièrement dans les Quatre Chantssérieux), l’art du discours qui fait mouche, se déploient dans l’interprétationhautementpersonnelle de Bartholomew LaFollette. Cette vision rhétorique des œuvres suscite une curiosité d’écoute permanente, au détriment toutefois d’une lisibilité des structures de mouvements, au détriment également de l’équilibre instrumental, le violoncelle accaparant la lumière et reléguant le piano au rang d’accompagnateur, ce qu’amplifie largement la prise de son très généreuse en réverbération. Les meilleures réussites sont pourtant toujours celles d’un duo : Starker et Sebok (Mercury), DuPré et Barenboim (EMI), Hecker et Helmchen (Alpha). Aussi sérieuse que classique, l’interprétation de ces deux sonates par le Duo Leonore (la violoncelliste Maja Weber et le pianiste Per Lundberg) peinera à trouver sa place dans une discographie surabondante. D’une trop grande sagesse, leur lecture manque de couleurs, de diction, et surtout de passion. Cette passion, on la trouvera dans les deux autres disques, pourtant diamétralement opposés, jusque dans la prise de son.

2 CD

J. S. BACH

MESSE EN SI MINEUR Monument absolu de la musique sacrée occidentale, la Messe en si mineur n’a cessé d’interroger les générations successives d’interprètes. Les questions posées aux musicologues comme aux chefs d’orchestre sont multiples et chacun s’efforce de donner sa propre lecture avec l’humilité requise. C’est dans cette disposition d’esprit que William Christie abordait l’ouvrage en 2016 à la faveur d’une tournée qui a marqué le public. En voici le témoignage.

Antoine Mignon

Solo Musica SM 269. 2016. 54

Hélène Dautry et Sandra Chamoux s’accommodent d’une captation très sèche, intransigeante car ne

harmoniamundi.com

CLASSICA / Avril 2018 Q 95

Les disques du mois FRÉDÉRIC

DMITRI

CHOPIN

CHOSTAKOVITCH

(1810-1849)

+++++

(1906-1975)

Intégrale des mazurkas

JOHANNES

BRAHMS (1833-1897)

+++++ Chant du destin. LiebesliederWalzer. Chant des Parques. Nänie. Begräbnisgesang Chœur de chambre Eric Ericson, Orchestre symphonique de Gävle, dir. Jaime Martin Ondine ODE1301 2. 2017. 58

Dans ces chœurs avec orchestre, souvent rassemblés au disque, Jaime Martin et ses magnifiques interprètes suédois figurent désormais à la meilleure place. On peut difficilement espérer une plus belle aération entre les pupitres vocaux qui évitent les effets de masse obscure ou brumeuse qu’on aime faire régner sur ces opus qui n’aspirent qu’à la clarté ! Le Chant du destin, page qui sublime le poème de Hölderlin, trouve une traduction idéale, tant dans la profondeur inspirée que dans les fulgurations soudaines et si remarquablement misesenplace(àpartirde8’15)etle retour au mystère. Il en va de même avec les œuvres suivantes: dans le Gesang der Partzen (Chant des Parques) de Goethe, l’avertissement des divinités n’est pas moins teinté de cette urgence tragique. La Nänie de Schiller et la loi antique, comme les Liebeslieder-Walzer, davantage « pinte de bière », trouvent une vitalité rare… L’éclatante performance de ce chœur renommé n’aurait pas suffi à la réussitetotaledecette gravure sans le concours du stupéfiant orchestre de Gävle (Gèfle en français) qui gagne à être connu. Jaime Martin galvanise ce programme tout en veillant à ce que l’intimité sacrée ne soit jamais reléguée. Une splendeur! Onpeutmettreenbalancecetenregistrement avec ceux, réussis, de Sawallisch, Abbado, Herreweghe, mais ce sang neuf est revigorant. Xavier de Gaulle

Eugène Mursky (piano)

++++

Profil PH16100 (2 CD). 2 h 22. 2017

Le Taon. Le Contreplan

Desesquinzeansàsamortàtrenteneuf ans, Chopin a composé treize cycles de mazurkas. Sa dernière œuvre inachevée est également une mazurka. Ces cinquante-sept pièces, structurées, élégantes et distinguées, ont beaucoup de caractère.Àl’origine,lamazurkaest une danse une danse folklorique de l’Europe de l’Est à trois temps qui provient de la province polonaise de Masovie, où Chopin a grandi. Après l’occupationrussedesannées1830, Chopin ne reverra plus sa patrie. Il enéprouveunenostalgiequ’Eugène Mursky a particulièrement bien su exprimer: op. 7 n°2, op. 17 nos 2 et 4, op. 24 n°4, op. 33 nos1 et 3, op. 41 n°2. Le rythme et son phrasé sont très directs : ses Mazurkas ont quitté le salon pour la cour impériale. Mais elles n’oublient pas non plus leur caractère folklorique comme en atteste l’interprétation du pianiste ouzbek (op. 6 nos2 et 3, op. 7 no 1, op. 30 n° 4, op. 33 n°2). Dans ce dernier volume de son intégrale Chopin pour Profil, EugèneMursky,quarante-deuxans, confirme sa place parmi les grands interprètes du compositeur, âme d’aristocrate et discours de poète. Son interprétation de ces Mazurkas peut être placée au même rang que celles d’Arthur Rubinstein (RCA), Garrick Ohlsson (Helios), Nikita Magaloff (Philips) ou encore JeanMarc Luisada (RCA). Aurélie Moreau

Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz, dir. Mark Fitz-Gerald Naxos 8.573747. 2017. 1 h 05

FRÉDÉRIC

CHOPIN (1810-1849)

++++ Mazurkas op. 7, op. 33 et op. 59. Polonaises op. 26 et op. 44. Allegro de concert Louis Lortie (piano) Chandos CHAN10943. 2017. 1 h 11

Le pianiste canadien Louis Lortie entreprend sans se presser ce qui pourrait bien être une intégrale Chopin. Ce cinquième volume confirme sa capacité à entretenir avec le compositeur polonais une relation prégnante y compris dans ce bouquet de mazurkas dont on connaît la difficulté d’interprétation. La souplesse du jeu, la finesse de toucher, la capacité à bien marquer le rythme répondent tout à fait à ce que l’on attend de ces pages si personnelles et si ancrées dans le souvenir. On apprécie le tact, l’absence d’effet et de surcharge, le rubato toujours contrôlé dont ne se départ jamais le soliste. Les deux Polonaises op. 26 sont prises à bras-le-corps mais l’art de la construction et l’attention portée aux silences interrogent sans cesse le texte. Dans la Polonaise op. 44, Lortie fait preuve d’énergie virile et de panache, dramatise le discours, met en avant la grandeur épique tout en ne perdant jamais de vue la ligne et la gradation des plans sonores. L’Allegrodeconcert, ersatz d’un concerto mort-né esquissé en 1832 et achevé en 1841, ne se prête guère aux atermoiements et prend, sous des doigts arachnéens, une dimension quasi orchestrale servie par une virtuosité sans faille jusqu’au climax final. Du grand pianoquinelaissejamaisindifférent et peut entrer en lice avec les enregistrements réalisés par Rubinstein ou Kapell dans les Mazurkas (RCA), et Rubinstein à nouveau (RCA) ou Pollini (DG) dans les Polonaises. En revanche, pour l’Allegro de concert, il l’emporte sans hésiter. Michel Le Naour

96 Q CLASSICA / Avril 2018

Composée en 1955 pour Ovod (en français Le Taon), film d’Alexandre Faintsimmer, la musique de Chostakovitch n’eut le droit à sa sortie qu’à une suite orchestrale arrangée par Levon Atovmian. Il a fallu attendre l’année 2016 pour que le chef britannique Mark Fitz-Gerald en établisse une version complète ajoutant ainsi dix-sept sections aux douze habituelles. Afin d’en renforcer le caractère, il souligne les différents épisodes d’instruments spécifiques.L’orguesymboliseainsi l’Église et le sentiment religieux (Service religieux à la cathédrale,

Confession, Ave Maria) tandis que les instruments à cordes, de type guitare et mandoline, évoquent le folklore et les idéaux révolutionnaires (Tarantelle). Une chose est sûre, l’orchestre prend plaisir à dérouler les images du film sous nos yeux. Que ce soit l’esprit de révolte introduit dans l’Ouverture ou la description peu flatteuse de l’ennemi dans Les Falaises, le Deutsche Staatsphilharmonie fait montre d’un sens aigu de la narration. Onnoteraégalementlaprésencede numéros additionnels non retenus dans la version finale ainsi que des extraits issus de la bande originale de Le Contreplan (1932), pierre angulaire du cinéma stalinien. Sans êtreessentiel,cedisqueintéressera autant les cinéphiles que les amateurs d’histoire. Clément Serrano

ILS DONNENT LE LA

LES MAÎTRES DES THÉÂTRES Böhm, version opéra et musique vocale, implacable, Sawallisch grisé par le cast de Cosí fan tutte et Levine impérieux dans La Clémence de Titus. ous les opéras engrangés par Karl Böhm pour l’étiquette jaune,mais également toute la musique avec voix, Lieder de Mahler avec FischerDieskau, la Rhapsodie de Brahms avec Ludwig,le Requiem de Mozart, des Saisons hors concurrence, deux Missa Solemnis. Quelle somme ! Au pinacle l’ensemble Strauss appris avec le compositeur, dont il faut réévaluer la Salomé de Hambourg (1970) où Gwyneth Jones et Fischer-Dieskau se confrontent à mort dans un orchestre africain de timbres, vaste nocturne avec lune de sang. L’Elektra (Borkh) incendiée, où une troupe impeccable magnifie le texte d’Hofmannsthal,est entrée dans la légende. Deux Chevalier à la rose, l’un en studio à Dresde, grand style, avec l’Octavian entreprenant de Seefried, l’autre en concert à Salzbourg, plus libre, avec la Maréchale deLudwigserégalant deses aigus et le Quinquin éperdu de Troyanos. Pas moins de trois Ariane à Naxos, DG proposant enfin son édition de la soirée des quatre-vingts ans du compositeur (Vienne, 1944), premier Compositeur de Seefried, couple d’amants semi-divin inégalé (Lorenz-Reining), le concert de Salzbourg en 1954, avec Della Casa, et le studio de Munich, en 1969, toujours méjugé, où Troyanos (Compositeur) est de bout en bout géniale. Capriccio ouvragé, très littéraire, Arabella, ivre de scène (Reining spectaculaire), Femme silencieuse piquante (Wunderlich, Güden, Hotter, Prey), Femme sans ombre au couple impérial immaculé (King et Rysanek) et cette Daphné faite pour Böhm, où Güden

T

séduit King et Wunderlich. Au même degré de génie, les deux Berg réunissent des équipes qui se transcendent dans les lectures implacables d’un Böhm possédé. BAGUETTE MOZARTIENNE Les Mozart sont légendaires, mais un rien figés : Wunderlich et Fischer-Dieskau emportent La Flûte enchantée à eux seuls, Les Noces de Figaro trop détaillées,deux Don Giovanni plus terribles que grisants, le Cosí pris à Salzbourg auquel on préfère les enregistrements studio de Decca (Vienne) ou HMV(Londres),L’Enlèvement,La Clémence de Titus et Idomenée (venu trop tard pour Ochman) précis et parfaits, un rien studio. Bémol mineur qui s’efface devant le Fidelio deDresde,noir,tragique,oùJonesconsomme son sacrifice, et le Tristan de Bayreuth, en 1966, transfiguré par un quatuor possédé, lecture radicale, comme pour Le Vaisseau fantôme (1971), moins tenu vocalement, hélas. Somme indiscutable où manquent le Ring de Philips et les gravures Decca dont La Femme sans ombre de 1955, historique.

Sortant du Cosí à Salzbourg, en 1974, on se plonge dans celui de Munich, quatre ans plus tard, enfin publié d’après les bandes originales: la Dorabella de Fassbaender y a pris de l’assurance,poussée par la Fiordiligi tout feu tout flamme de Price, son aigu stellaire, ses phrases dardées, quel couple qui enivre Sawallisch de sa magie où Reri Grist vient persifler ses commentaires. Retour à Salzbourg,en 1977,où Jean-Pierre Ponnelle reprenait sa Clémence de Titus, créée l’année précédente. Y éclate la vérité d’un théâtre qui emplit les dialogues de sens et dessine des personnages.Les conventions de l’opera seria laissent la place à un drame dessentiments dont toutel’équipe s’empare, portée à l’incandescence par la direction altière de Levine.Pour laVitellia de Neblett, c’est un peu trop, mais le personnage s’impose.Hollweg assume crânement la tessiture de l’Empereur, malgré son timbre si peu italien,et la toute jeune Malfitano offre à Servilia de singuliers arrière-plans psychologiques.Mais c’est le couple d’amis qui transporte la soirée: Howells, bouleversant Annio au chant si pur, et Troyanos, Sesto perdu qui peint ses tourments dans l’étoffe d’une voix de soie. X Jean-Charles Hofelé £ « Karl Böhm,The Operas ».DG 479 8358 (70 CD).1944-1979.81h.CHOC £ Mozart: Cosí fan tutte. Price, Fassbaender, Schreier, Brendel, Grist, Chœurs et Orchestre de l’Opéra de Bavière, dir. Wolfgang Sawallisch. Orfeo C 9181821 (2 CD). 1978. 2h30. CHOC £ Mozart: La Clémence de Titus. Hollweg, Neblett, Troyanos, Howells, Malfitano, Rydl, Orchestre philharmonique de Vienne, dir. James Levine. Orfeo C 9381721 (2 CD). 1977. 2h34. CHOC CLASSICA / Avril 2018 Q 97

IL NOUS MÈNE À LA BAGUETTE

LE SOUFFLE RUSSE DE JUROWSKI Les symphonies de Tchaïkovski par le chef du LPO. Inspiré et acéré. ORCHESTRE

La réunion en boîte cartonnée des volumes séparés des symphonies de Tchaïkovski par Vladimir Jurowski et le LPO, prises sur le vif de 2008 à 2016, permet une intéressante mise en perspective discographique. Et de constater l’homogénéité dans l’excellence de lectures vives,acérées,sans une once de sentimentalité ou de

complaisance, rigoureuses dans l’architecture comme dans l’engagement exigé de chaque pupitre et d’un souffle authentiquement russe jamais synonyme d’épaisseur. La verticalité du geste, une réactivité instrumentale optimale, des lignes de tension admirablement cravachées irradient tout autant dans les premiers opus – un Finale de « Petite Russienne » toscaninien – que dans les célèbres trois derniers volets, au feu dévorant, sans le moindre 98 Q CLASSICA / Avril 2018

embonpoint, ni alanguissement–unAdagiode« Pathétique » impitoyable. En complément, si l’on a connu des sonorités plus soyeuses dans la Sérénade, VladimirJurowskiobtientdes contrastes francs, les cordes très au talon, dans une musique qui peut vite regorger de glucose. Reste une FrancescadaRimininerveuse, abrupte, à l’épisode central merveilleux de lyrisme contenu (la clarinette, les violoncelles dans le médium), au fracas conclusif dantesque comme il se doit. Seule légère déception, une Manfred (2004) amoindrie par une prise de son distante,opaque,noyant la dramaturgie du chef r usse, qui explose avec un impact bien supérieur dans des captations des symphonies numérotées très au cœur de l’agitato orchestral. Bémol négligeable pour ces Tchaïkovski entre Markevitch et Mravinski (et très loin de Temirkanov), qui méritent un grand CHOC. X Yannick Millon

£ Piotr Ilitch Tchaïkovski: Symphonies nos1 à 6. Manfred. Francesca da Rimini. Sérénade pour cordes. London Philharmonic Orchestra, dir. Vladimir Jurowski. LPO live LPO-0101 (7 CD). 2004-2016. 6h04. CHOC

CLAUDE

DEBUSSY (1862-1918)

+++++ Images, Première Série. Préludes, Livre II. Le Martyre de saint Sébastien Vincent Larderet (piano) Ars Production ARS 38 240. 2017. 1 h 19

++++ Préludes, Livres I et II. Children’s Corner Paavali Jumppanen (piano) Ondine ODE 1304-2D (2 CD). 2016. 1 h 45

++++ Études, Livres I et II Élodie Vignon (piano), Clara Inglese (récitante) Cypres CYP16678. 2017. 1 h 03

++ Études, Livres I et II. Étude retrouvée, Masques. D’un cahier d’esquisses. L’Isle joyeuse. Nocturne. Tarentelle styrienne Michael Korstick (piano) SWR Music SWR19044CD. 2016. 1h16

L’enregistrement de Vincent Larderet sort des sentiers battus. Il propose une version, qu’il a complétée, des fragments symphoniques du MartyredesaintSébastientranscrits parAndréCapleten1911.Lamusicalitédusoliste,sonartdestransitions et la quête du mystère qui se cache derrièrelesapparencesconviennent parfaitementàlaPremièreSériedes Images et au Livre II des Préludes auxquels le soliste apporte une dimension orchestrale (Feux d’artifice). Moins soucieux d’impressionnisme que de lisibilité harmonique, son éloquence (La Puerta del Vino) jouesurlanotiondecontrastesavec beaucoup d’à-propos. Une pierre à l’édifice debussyste. L’exactitude dont fait preuve le FinlandaisPaavaliJumppanennesignifie pas pour autant neutralité dans l’interprétation des deux Livres de

Préludes. La finesse du trait, le sens de l’équilibre et de la musique pure participent d’une conception subtilement dosée qui n’hésite pas non plus à accuser les contrastes entre ombreetlumière.LesChildren’sCorner, parenthèse pleine d’humour et detendresse,restentdanslemême registre de pureté et de sensibilité, mais la hauteur de vue et le sérieux empêchentquelquepeud’apprécier le second degré de ces pièces faussement enfantines. Un CD qui reste cependant de très haut niveau. Les deux Livres d’Études par Élodie Vignon, disciple d’Hervé Billaut à Lyon puis de Daniel Blumenthal et de Nelson Delle-Vigne (héritier de Arrau et de Cziffra) à Bruxelles, crée la surprise. Sa lecture, sensible, souple, toujours élégante, ne dégage pas de puissance massive (Pourlesaccords)maiss’attacheaux feulements de sonorités (Pour les arpègescomposés),àunerecherche de plasticité (Premier Livre) avec un souci de transparence facilité par la gestion de tempos modérés. Le complément consacré à des poèmesinéditsdeLucienNoullezen relation avec le corpus des Études, malgré sa qualité, nous prive de l’écoute d’autres pages de Claude de France. Dommage. Le pianiste allemand Michael Korstickpoursuituneintégralecommencéeen2002.Aucunétatd’âmedans une conception qui s’appuie sur des moyens exceptionnels à la fois puissants et aiguisés ne laissant aucune place à la tendresse. Dominateur danslesdouzeÉtudes,voireviolent,il impressionnesurtoutparlejaillissementdesonjeuetparunetechnique magistraleengageanttouteslesressourcesdel’instrument.Leclimatne s’apaiseguèredanslesautrespièces retenues : L’Isle Joyeuse, athlétique et à la pointe sèche, rejette cette sensualitéquel’onirachercherchez Gieseking ou Samson François, et de manière plus radicale auprès de Bavouzet ou Kocsis. Michel Le Naour

GEORGE

DVORÁK

DYSON

(1841-1904)

(1883-1964)

+++

+++

Concerto pour violoncelle. Klid + Bloch : Schelomo

Choral Symphony. St Paul’s Voyage to Melita

Marc Coppey (violoncelle), Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, dir. Kirill Karabits

Elizabeth Watts (soprano), Caitlin Hulcup (mezzo-soprano), Joshua Ellicott (ténor), Roderick Williams (baryton), The Bach Choir, Orchestre symphonique de Bournemouth, dir. David Hill

PA DEPUIS FOR

SSION

60 C

Issu de la classe ouvrière, Dyson bénéficia d’une bourse pour de solides études de composition suivies d’un doctorat à Oxford, pour lequel il écrivit cette Choral Symphony. C’est un universitaire brillantetéruditplusqu’unnovateur comme en témoigne cette opulente partition. Elle s’inspire du Psaume 107 relatant la captivité des Juifs à Babylone et leur retour en Israël par la mer. La polyphonie vocale élaborée, l’instinct de la mélodie, le sens du drame avec la capacité à amener sans effort de vastes climax par l’accroissement agogique et dynamique en les couronnant de riches harmonies : Dyson aurait pu faire carrière à Hollywood car son langage concilie simplicité et spectaculaire. Ce sens du technicolor est particulièrement efficace pour évoquer un décor maritime dans St Paul’s Voyage to Melita (Voyage de saint Paul à Malte), qui relate en fait le retour de saint Paul de Jérusalem à Rome pour y être jugé. Cette cantatepourténor,chœuretorchestre, est un véritable mini-opéra plein d’action, La Mer de Debussy étant appelée en renfort pour évoquer la tempête, le miraculeux sauvetage des captifs s’éclairant ensuite d’une lumièrecéleste delaplusbritishtradition. La direction enlevée de David Hill sait maintenir le cap en évitant toute dérive vers le récif des effets faciles, et les voix ont le pied marin.

Photo © Inanis

Naxos 8.573770. 2017. 1 h 15.

EX

La rhapsodie hébraïque Schelomo d’Ernest Bloch, basée sur la vie du roi Salomon telle que décrite dans L’Ecclésiaste et traitant avant tout de lavanité dumonde, restelapièce la plus populaire du compositeur suisse, écrite avant son exil américain, en plein cœur de la Première Guerre mondiale. Censé remplacer la voix humaine prévue à l’origine par le compositeur qui ne maîtrisait pas l’hébreu, le violoncelle de Marc Coppey se taille la part du chant, écartant toute velléité concertante dans cette pièce d’essence spirituelle où il est rejoint par le DSO Berlin et un Kirill Karabits attentifs aux timbres, et notamment à la coloration si particulière du célesta. On n’y cherchera donc pas de grand souffle prophétique, mais les lignes d’un violoncelle clair, très modulé, magnifiquementàl’écoutedesbassons dans les dernières secondes très sombres de la pièce. On est en revanche un peu moins séduit par le Concerto de Dvorák, dont les meilleurs moments seraient le mouvement lent et le développement d’Allegro liminaire, où violoncelle et flûte rivalisent de transparence, mais qui demeure surladistanced’unesobriétéchambriste parfois univoque, ignorant le bouillonnement émotionnel d’une partition où trop d’évanescence finit par affaiblir le propos. Mais au moins le chef, très sage, ne tire-t-il pas en sens inverse, et en garde sous la semelle jusque dans la coda du finale. La transcription du Silence de la forêt s’accommode en revanche parfaitement de cette Yannick Millon pudeur.

ANS YEARS

ELLEN

C

HMM 902363.64

Audite 97.734. 2016. 1 h 08

E

ANTONÍN

2 CD

MARC MAUILLON MICHEL LAMBERT

LEÇONS DE TÉNÈBRES DES MERCREDI, JEUDI ET VENDREDI SAINTS MARC MAUILLON BASSE-TAILLE MYRIAM RIGNOL VIOLE DE GAMBE THIBAUT ROUSSEL THÉORBE MAROUAN MANKAR-BENNIS CLAVECIN & ORGUE Si les Leçons de Ténèbres de Charpentier, Couperin et Lalande nous sont bien connues, rares sont les musiciens qui ont osé se mesurer à celles de Michel Lambert en raison de sources pour le moins énigmatiques. C’est désormais chose faite à l’occasion de cette première collaboration soliste de Marc Mauillon avec harmonia mundi. Auteur d’une restitution inédite, il dévoile aujourd’hui avec brio ces toutes premières Leçons de l’histoire des Offices des Ténèbres en France. Une expérience intense, portée par un continuo aussi complice qu’exceptionnel !

harmoniamundi.com

Michel Fleury CLASSICA / Avril 2018 Q 99

Les disques du mois

CÉSAR

FRANCK (1822-1890)

++++ Quatuor à cordes. Quintette pour piano et cordes Paavali Jumppanen (piano), Quatuor Danel CPO 555 088 2. 2013. 1 h 16

Ce n’est pas la première fois que le Quatuor et le Quintette de Franck sontcouplés.Troisenregistrements avaientréussicetheureuxmariage: ceuxduQuatuorTakacsetMarc-André Hamelin (Hyperion), de Cristina OrtizetduFineArtsQuartet(Naxos) et de Muza Rubackyté et du Quatuor de Vilnius (Brilliant). Les deux monuments,posentauxinterprètes des problèmes différents. Pour le Quatuor, il faut tenir la longueur en relançant constamment l’intérêt pour éviter à l’auditeur de s’égarer dansledédaledesdéveloppements. Mission parfaitement accomplie récemment par le Quatuor Zaïde (NoMad Music, CHOC de Classica ) qui, dans une œuvre réputée puissamment symphonique, jouait la carte de la légèreté. Le Quatuor Danel est plus classique, gère bien la durée, mais se montre moins original dans le traitement global des sonorités. Cela dit, le discours est subtil et nuancé, en particulier dans l’arachnéen Scherzo, joué avec des aiguilles de dentellière. Le Larghetto est toutefois assez monochrome. Quant au Quintette, à mon sens plus réussi que le Quatuor, il faut pouvoir y gérer l’excès d’expressivité. Les Danel règlent bien le problème. Dans les deux mouvements vifs, ils vont bon train et ce dynamisme enlève toute emphase excessive à la tension dramatique du discours, d’autant plus que Paavali Jumppanen fait preuve d’une énergie sans lourdeur. Et dans le mouvement lent, tout le monde allège la densité du tissu, ce qui crée un climat onirique et lyrique au possible. Un Quatuor très correct et un Quintette Jacques Bonnaure formidable. 100 Q CLASSICA / Avril 2018

NIELS

HANS WERNER

GADE (1817-1890)

HENZE

++++

+++++

Comala

Lieder von einer Insel. Orpheus Behind the Wire. Fünf Madrigale

Marie-Adeline Henry (soprano), Rachel Kelly (mezzo-soprano), Elenor Wiman (alto), Markus Eiche (baryton), Chœur national danois, Orchestre symphonique national danois, dir. Laurence Equilbey Dacapo 8.226125. 2017. 49’

Le poème dramatique Comala pour quatresolistes,chœuretorchestre, d’après Ossian, composé en 1846 et donné en création à Leipzig la même année par le compositeur, proche ami et admirateur de Felix Mendelssohn rappelle quel grand maître du romantisme fut Gade. Le musicologue Henri Blaze de Bury ne s’y trompa pas dès 1856 : « Comala, son œuvre capitale pour la puissance de l’instrumentation, la verve mélodique, l’originalité de la composition et des effets, celle enfin où le vrai maître se révèle. » La qualité indéniable de cette cantate romantique comme la qualifiait Gade lui-même ne subit aucune moins-value si l’on remarque les influences venues de J.P.E. Hartmann (1805-1900), son beau-père et défenseur de la culture « Grand Nord », et de Richard Wagner dont l’opéra Tannhäuser avait été représentéàCopenhague quelques mois plus tôt.

Néanmoins, cette sombre mélodie populaire inspirée de ballades anciennes garde sa singularité, son atmosphère scandinave, son vague àl’âmeseptentrionale.L’enregistrement dirigé par Frans Rasmussen en 1983 pour le label Kontrapunkt, tout à fait honorable, pâtit sensiblement de l’interprétation inspirée de Laurence Equilbey face à des forces supérieures, très motivées et du Jean-Luc Caron meilleur effet.

(1926-2012)

SWR Vokalensemble, Ensemble Modern, dir. Marcus Creed SWR Classic SWR19049CD. 2012 2016. 1 h 02

PHILIP

GLASS (né en 1937)

++++ Quatuor de saxophone. Quatuor à cordes nos 6 et 7 Brooklyn Rider Orange Mountain Music 0121 (2 CD). 2017. 1 h 04.

Deux massifs de quatuors se dégagent de l’œuvre de Philip Glass. Le premier, formé des Quatuors nos 2 à 5 composés entre 1983 et 1991, est entré au répertoire des interprètes depuis déjà plusieurs années. Le second est plus récent : après vingt ans de silence dans ce domaine, le compositeur américain a livré coup sur coup ses Quatuors n°6 (2013) et n° 7 (2014). Bien qu’ils aient tous deux été créés par le Kronos Quartet, ce sont les Brooklyn Rider qui les enregistrent ici pour la première fois. Qu’on ne s’attende pas à de grandes nouveautés dans ces récents opus : l’écriture de Philip Glass est désormaisbienrodée.Onnoteratoutefois la texture peut-être plus rugueuse du n°6, et l’écriture rhapsodique en un seul mouvement du n° 7. On peut par ailleurs agréer la décision des Brooklyn Rider de transcrire pour violon, deux altos et violoncelle le quatuor pour saxophones de 1995. Néanmoins, si l’arrangement fonctionne bien s’agissant des mouvements lents (premier et troisième), on ne peut qu’être frustré par les mouvements rapides (deuxième et quatrième) : l’atmosphère très jazzy de ceux-ci nécessite les timbres chauds des saxophones pour fonctionner vraiment. Privées de cette ressource, les cordes pèsent un peu et restituent mal toute l’exubérance de la pièce. Un beau disque néanmoins ! Sarah Léon

Bien que l’on n’y trouve pas la part la plus significative de son œuvre, la musiquechoraledeHenzeprésente un versant non négligeable de son génie multiple. Étalée sur quarante ans, cette anthologie débute avec les Fünf Madrigale d’après François Villon.Ilesttouchantdevoirsourdre chez ce musicien surdoué de vingt et un ans un goût pour les poètes maudits et pour la beauté dans une Allemagne ravagée par la guerre. La polytonalitéquirégitlechœurmixte accompagné par dix instruments, oscilleentrelesarcasmeetlessolos déchirants.LesLiedervoneinerInsel (1964) sont caractéristiques de la période italienne de l’auteur: composés sur l’île d’Ischia, ils mettent en musique, à travers un tissu polyphonique tour à tour lumineux et voilé, des poèmes d’Ingeborg Bachmann, l’amie, la double littéraire et exacte contemporaine de Henze, qui fécondera souvent son imagination. L’effectif inédit comprend trombone, deux violoncelles, contrebasse, orgue, percussion et timbales. À Bachmann succède le Britannique et très engagé Edward Bond dans Orpheus Behind the Wire (1983), première œuvre a cappella de Henze : l’expressionnisme consécutif aux modes de jeu (parler, murmures, cris) ne va pas sans quelques polarités tonales. Marcus Creed et l’Ensemble vocal de Stuttgart se placent à un haut niveau d’excellence et s’imposent pourlacohérencedeceprogramme monographique. Jérémie Bigorie

PIERRE PRÉCIEUSE

UN LEGS BERNSTEIN EN DIAMANT BRUT Pour le centenaire de sa naissance, Deutsche Grammophon réédite l’intégrale du chef américain. Mille et unes facettes d’un génie de la musique. lors que Sony Classical a choisi une anthologie en cent CD remastérisés (Classica n°200), Deutsche Grammophon préfère une intégrale non remastérisée. On ne peut que le regretter, car le Fidelio et les symphonies de Beethoven, récemment réédités (Classica nos194 et 198), ont rappelé le bien-fondé d’un tel procédé. Cette édition regroupe en fait en un boîtier unique les CD distribués dans les deux coffrets de type disque vinyle de « The Leonard Bernstein Collection », parus en 2014 et 2016, et y ajoute des DVD (une sélection). Un livre de format à l’italienne présente, entre autres, de pertinents commentaires de Nigel Simeone et des extraits de la correspondance de l’artiste. Excepté les gravures new-yorkaises de Fancy Free et On the Town (1944-1946) puis de symphonies de Beethoven, Brahms, Dvorák, Schumann et Tchaïkovski avec le New York Stadium Symphony Orchestra en 1953 et les deux disques réalisés àVienne en 1966 (Mozart et Mahler), l’essentiel de ce legs discographique s’échelonne sur les années 1970 et 1980, jusqu’à l’ultime concert à Tanglewood (Britten et Beethoven) en août 1990. Bernstein entreprend alors un retour sur son répertoire. C’est aux ÉtatsUnis, New York, Los Angeles,Washington, qu’il (ré)enregistre les compositeurs américains : Copland et Ives en priorité, Del Tredici, Gershwin, Rorem, Schuman. Pour sa propre musique, sauf West Side Story, Dybbuk et Songfest, comme pour Mendelssohn et Stravinsky, il préfère l’Orchestre philharmonique d’Israël. Ses interprétations n’ont pas le même mordant, ni la même flamme que leurs précédents new-yorkais ; il cherche manifestement autre chose. L’Américain se rapproche de plus en plus de l’Europe de ses racines et c’est à Vienne qu’il trouvera les réponses à ses questions tant musicales qu’existentielles : Vienne, la ville où Mozart, Haydn, Beethoven et Brahms ont connu la gloire mais, surtout, la ville de « son » Mahler, le compositeur-chef d’orchestre auquel il s’identifie. Aussi peut-on déceler dans le Bernstein dernière manière, celui des années 1980, une volonté d’aller de l’autre

A

côté du miroir, une tendance à glisser du Mahler dans chaque partition, de la transcription du Quatuor n°16 de Beethoven aux symphonies de Brahms, Sibelius et Chostakovitch, voire de Schubert à Amsterdam. MOINS D’ÉCLAT, PLUS DE PROFONDEUR Avec le temps, les traits du visage s’étaient creusés et la silhouette arrondie. La musique adoptait le même profil : moins d’éclat, mais plus de profondeur, d’ampleur du son (les basses), quitte à flirter avec une sentimentalité parfois encombrante (Tchaïkovski à New York, la « Nouveau Monde » de Dvorák avec le Philharmonique d’Israël ou la Symphonie n°9 de Beethoven à Berlin, après la chute du Mur, en décembre 1989). Bien sûr, les symphonies, le Requiem et la Messe en ut mineur de Mozart ou les Haydn paraissent un rien massifs, malgré des moments de grâce. Mais Bernstein semble avoir trouvé à Vienne un instrument accordé à son âme, susceptible de laisser spontanément la musique s’épanouir. On peut bouder sa Carmen avec Marilyn Horne, très Far West, sa Bohème à la (jeune) distribution et Tristan et Isolde où peine Peter Hofmann, mais Bernstein y installe de tels climats qu’il faut bien rendre les armes. On ne reviendra pas sur ses Mahler désormais historiques et on conseille de (re)voir, en DVD, les répétitions durant lesquelles le chef déploie une énergie à soulever les montagnes pour convaincre un Orchestre philharmonique de Vienne sceptique et médusé. La vidéo, documentaire comme captation de concert, permet d’ailleurs d’approcher au plus près le génie d’un musicien complet, acteur-né, séducteur impénitent, néanmoins capable de colères, et amoureux insatiable. « I love music and people », déclare-t-il. Chaque Philippe Venturini note, chaque image, en témoignent. X £ « Leonard Bernstein, Complete Recordings on Deutsche Grammophon & Decca ». Deutsche Grammophon 479 8418 (121 CD + 36 DVD + 1 Blu-ray audio). 1944-1990. CHOC CLASSICA / Avril 2018 Q 101

Les disques du mois GOTTFRIED AUGUST

RUED

HOMILIUS

LANGGAARD

(1714-1785)

(1893-1952)

+++++

++

Intégrale des chorals pour orgue

18 mélodies sur des textes de Rittershaus, Eichendorff, Heine et Krag

Magda Lukovic (soprano), Martine Lorentz (alto), Thomas Kientz (orgue et ténor), Jean Moissonnier (basse)

Jens Krogsgaard (ténor), Jan Ole Christiansen (piano) Danacord DACOCD 771. 2016. 58

Hortus 153 154 (2 CD). 2013. 1 h 40

À vingt-sept ans, le Strasbourgeois Thomas Kientz, frais émoulu du conservatoiredeParisetdéjàbardé de récompenses, signe chez Hortus un véritable bijou. Rien n’y est à redire : un toucher fin et diversifié, un sens aigu de la registration, un souffleetunelibertéquicontrastent avec tant d’interprétations raides, le lyrisme enfin et le souffle de la jeunesse. Sa démarche est d’autant plus digne d’éloge qu’elle s’éloigne des sentiers battus. Ce n’est pas, en effet, à un grand maître du répertoire que s’attaque Thomas Kientz pour son premier grand enregistrement mais à l’assez confidentiel Gottfried August Homilius, compositeur et organiste saxon, qui fut vraisemblablement élève du vieux Bach qu’il approcha lors de ses études de droit à Leipzig. Les Préludes de chorals de celui qui devint organiste de la célèbre Frauenkirche de Dresde sont manifestement influencés par l’esthétique du Cantor de Leipzig à laquelle ils apportent une touche de galanterie propre à l’esprit de leur temps. Ils sont ici admirablement conduits, explorant toutes les possibilités du très bel orgue Ahrend de Porrentruy (Suisse), des flûtes pleines de tendresse aux mélanges creuxscintillantsremarquablement mêlés aux anches de pédales, très douces, en passant par le Plenum tout en majesté et profondeur. Thomas Kientz est assurément l’un des talents prometteurs de la jeune école d’orgue française. Un nom à découvrir et à suivre avec attention. Aurore Leger

MICHAEL

JARRELL (né en 1958)

++++ Aus Bebung. Assonance II … mais les images restent… … es bleibt eine zitternde Bebung… (Nachlese III) Ernesto Molinari (clarinette), Thomas Demenga (violoncelle), Marino Formenti (piano), WDR Sinfonieorchester, dir. Peter Rundel Aeon AECD 1754. 2009. 1 h 02

Michael Jarrell a su creuser patiemment son sillon, fort d’un artisanat éprouvé à tous les genres et effectifs en vertu d’un catalogue à présent bien fourni. Le présent disque résume sa trajectoire sur une période d’environ vingt ans (1989-2007) non sans faire apparaître en filigrane la figure tutélaire de Pierre Boulez à travers un goût prononcé pour la prolifération du matériau, dont le germe est extrait d’une œuvre préexistante. Jarrell n’assigne pas de limite à son territoire, lequel prend forme au fur et à mesure du processus créateur. On distingue cependant une même courbe dramaturgique qui va de la tension à l’apaisement, la notation faisantprévaloiruneécritureinstrumentale de plus en plus aérée. La mobilité quasi mercurielle des figures comme les séries d’énergiquesirruptionsseretrouventdans la seule pièce pour un seul instrument,… mais les images restent… , où l’aspect convulsif du discours est très bien restitué par le pianiste Marino Formenti. L’orchestre de la WDR de Cologne intervient dans l’œuvre maîtresse du disque sous-titrée Nachlese III, qui tisse un dialoguetoutenillusionsdetimbres entre les deux solistes (clarinette et violoncelle)etlaformationsymphonique. Comme toujours chez Aeon, la notice le dispute en excellence à Jérémie Bigorie la prise de son.

Positionner avec équité l’œuvre de Rued Langgaard se heurte à plusieurs écueils. Son colossal catalogue contient des pastiches difficilement acceptables (de la musique romantique, notamment) mais également des créations géniales (Musique des sphères), des constructions très faibles et sans inspiration et d’autres authentiquement novatrices et fantastiques. Sondébutdecarrièrefracassantfut suivi d’une interminable série de revers et de rejet d’une grande partie du monde musical danois. Une discographie considérable et de haut niveau permet d’opérer un tri indispensable.

Ce programme choisit dix-huit mélodies parmi les quelque cent cinquante que Langgaard composa tout au long de son parcours chaotique. Une soixantaine fut donnée en public de son vivant. Les interprètes ont retenu un riche choix de musiques conformistes appliquées aux textes des poètes allemands Emil Rittershaus, Joseph von Eichendorff et Heinrich Heine mais également au Norvégien Vilhelm Krag qui inspira Edvard Grieg. Le ténor Jens Krogsgaard, né en 1962, élève de l’Académie d’Aarhus et détenteur d’un beau parcours, déçoit en raison d’un timbre ingrat etd’unejustesseapproximative.Son partenaire,pianisteissudelamême université, Jan Ole Christiansen, accompagnateur recherché, organisteetchefdechœur,semontreen revanche plus convaincant. Jean-Luc Caron

102 Q CLASSICA / Avril 2018

GUSTAV

MAHLER (1860-1911) +++++ Symphonie n°9 Orchestre symphonique de la Radio suédoise, dir. Daniel Harding Harmonia Mundi HMM 902258. 2016. 1 h 23

Après une Symphonie n°4 avec l’Orchestre de chambre Mahler, une n°10 avec le Philharmonique de Vienne et une n°6 avec la Radio bavaroise, Daniel Harding propose une vision éminemment nocturne de la n°9. Ses contours estompés, à la manière des derniers autoportraits de Schoenberg peintre, aux zébrures de lumière d’autant plus fulgurantes, s’appuient sur l’identité sonore assez neutre de l’excellent Orchestre symphonique delaRadiosuédoise.Cetteinterprétation ne force jamais le trait et elle cultive des atmosphères inquiètes avec force sourdines. D’où un Andante comodo initial tirant vers lapoésieraréfiéed’unWebern,dont il anticipe la dynamique de l’infiniment petit du fameux « kaum hörbar » (à peine audible), d’où aussi le solo de trompette mordoré, magnifiquement crépusculaire, au cœur du Rondo-Burleske. On n’en est que plus étonné d’un Ländler phrasé à plein archet chez les seconds violons, et surtout d’un Adagio terminal aux pointes de tension inattendues, toujours avec ces teintes mates de cordes, poussées dans leurs retranchements (le climax), aux épisodes lunaires culminant dans l’Adagissimo final, immatériel après un solo de violoncelle vibrant, dans la lignée de La Nuit transfigurée. Un Mahler moderne et mûri chez un chef à mi-chemin de ses deux maîtres Rattle et Abbado, qui conférait déjà à l’Adagio de la Symphonien°4untragiqueimprévu. Yannick Millon

WOLFGANG AMADEUS

MOZART (1756-1791)

+++ Concertos pour piano nos 10, 12 et 14 Marie-Pierre Langlamet et Joan Rafaelle Kim (harpe), Quatuor Varian Fry Indésens INDE 103. 2017. 1 h 20

ce genre de traitement que le n°13, dont l’original est avec trompettes et timbales, Quant au Concerto n°10, pour deux pianos, traditionnellement daté de janvier 1779 mais sans doute antérieur de deux ans, et dont la version quatuor est due non à Mozart mais à Sylvain Blassel, il ne s’en tire vraiment pas mal. Marie-Pierre Langlamet y est secondéeparson élèvelajeune harpiste américaine Joan Rafaelle Kim.

CARL

NIELSEN (1865-1931)

+++++ Symphonies n°3 « Espansiva » et n°4 « Inextinguible » Seattle Symphony, dir. Thomas Dausgaard SSM1017. 2015 2017. 1 h 11

BENJAMIN ALARD 60

ANS YEARS

C

ELLEN

C

HMM 902450.52

DEPUIS FOR

SSION Photo © IGOR Studio

PA

E

CarlNielsenesttrèsbienserviparle disque. Aux précieux témoignages historiques et aux lectures de premier plan qui suivirent signées Blomstedt (Decca), Neeme Järvi (DG)etBerglund(RCA),s’ajoutentà présentcellesdePaavoJärvi(RCA), Storgårds (Chandos), Oramo (Bis), Vänskä (Bis), Schønwandt (Naxos) et Bostock (Classico). Un autre grand chef entre dans la danse avec ce premier volume. Le couplage des Symphonies n°3 (1912) et n°4 (1916) permet d’apprécier et de juger le grand écart stylistique qui les sépare en passant de l’aboutissementsymphonique(post)romantique à la modernité orchestrale, de la beauté sonore euphonique aux séquelles psychologiques causées par le grand conflit mondial. L’Orchestre symphonique de Seattle, tonifié par le Danois Dausgaard, s’impose séance tenante par l’unité de ses pupitres, la beauté de ses timbres, sa maîtrise rythmique et son engagement expressif. La mise en place et le développement de l’Allegro espansivo (Symphonie n°3) magnifient cette valse irrésistible. Les autres mouvements rapides (Allegro un poco et finale) sont du meilleur Nielsen tandis que l’Andante pastorale enrichi des mélismes d’une soprano et d’un ténor nous conduit vers une rêverie éthérée, un rien mélancolique. Dansla Symphonien°4,toutchange, un monde nouveau se dessine où résonne un Poco adagio quasi andante plein d’humanité et de chaude passion. À suivre.

EX

Mozart composa ses Concertos pour piano n os 11 à 13, au tournant de 1782 et 1783. Les cordes peuvent s’y limiter à un instrument par partie, avec vents ad libitum. Un quatuor à cordes s’oppose alors au soliste. C’est ainsi que sont interprétés ici deux d’entre eux, la partie de soliste étant confiée à la harpe. Marie-Pierre Langlamet s’en explique : les sonorités de harpe sont plus proches du pianoforte que du piano moderne. C’est indéniable, mais ce ne sont pas les mêmes. Avec comme soliste une harpe et un orchestreréduitauquatuor à cordes, on n’est plus dans le concerto, ni même dans la musique de chambre (en l’occurrence le quintette) avec clavier, mais bien dans la porcelaine de Dresde: avec bien sûr tous ses attraits, tout son charme, d’autant que l’interprétationestdesmeilleures.Signalonsen effet que les musiciens du Quatuor Varian Fry sont membres, comme Marie-Pierre Langlamet, de l’Orchestre philharmonique de Berlin. Reste que le Concerto n°12, le plus joué de la trilogie, se prête mieux à

3 CD

JOHANN SEBASTIAN BACH INTÉGRALE DE L’ŒUVRE POUR CLAVIER VOL. 1 - LE JEUNE HÉRITIER La jeunesse de Bach a été un vaste champ d’observation. Depuis les années d’apprentissage à Ohrdruf où sa sensibilité artistique précoce se manifeste de façon éclatante, jusqu’au premier grand poste d’organiste à Arnstadt, Bach n’a cessé d’enrichir sa culture musicale, porté par une puissante tradition familiale, animé par le respect iconique des maîtres anciens, des affinités décisives et une curiosité constamment en éveil… En prélude à une intégrale d’un nouveau genre, il fallait l’éloquence et l’intelligence vigilante du jeu de l’excellent Benjamin Alard pour révéler la maîtrise technique des premières œuvres pour clavier de Bach et traduire l’essence même du discours musical d’un jeune compositeur qui se mesure déjà à l’aune de ses prédécesseurs comme de ses contemporains.

Jean-Luc Caron

harmoniamundi.com

Marc Vignal CLASSICA / Avril 2018 Q 103

ÇA TOURNE! LA NUIT AMÉRICAINE DE FRANCIS LAI Trois de ses musiques de films produits par le studio Universal. Inédit. CINÉMA

L’auteur d’environ six cents chansons (!), dont plusieurs ont fait le tour du monde grâce à Piaf (Emportemoi),Montand (LaBicyclette), Pierre Barouh et NicoleCroisille(Un homme et une femme), a signé un nombre non moins impressionnant de musiques de films.Si le nom de Claude Lelouch apparaît bien sûr en premier, il ne faudrait pas cantonner le musicien au seul cinéma français,puis-que cet album de deux CD rappelle qu’il signa à la fin desannées 1960 au moins trois partitions pour des réalisateurs anglo-saxons, respectivement John Guillermin – House of Cards (Un cri dans l’ombre, 1968), avec George Peppard et OrsonWelles –,Peter Hall – Three into Two Won’t Go (Auto-Stop Girl, 1969, photo), avec Claire Bloom, Rod Steiger et Judy Geeson –, et David Lowell Rich – Berlin Affair (1970). Cette année-là, Francis Lai écrivit le fameux thème oscarisé de

Love Story pour Arthur Hiller, mais c’est une autre histoire! Transférés à partir des bandes originales conservées au studio Universal,ces trois enregistrements, inédits, montrent tout le savoir-faire d’un compositeur issu de la musique populaire (piano et accordéon) qui, s’appuyant sur les arrangements et la direction de l’ami Christian Gaubert,se glisse avec autant d’élégance au sein du grand orchestre. D’esprit romantique, le style d’Auto-Stop Girl a des faux airs de Delerue pour Truffaut, avec son clavecin XVIIIe et ses instrumentsàvent chamarrés,mais Francis Lai, grand amateur de jazz depuis les années 1950, contrebalance cette impression grâce àdesrythmesswing(le piano de « You Married Young »), encore plus présents dans le film d’espionnage Un cri dans l’ombre. Tout aussi jazzy, Berlin Affair se veut plus pop avec ses orchestrations musclées (Générique, « Jet Flight ») et les timbres baroques du clavecin, de l’orgue électrique ou du sitar. À découvrir. X Franck Mallet

£ « Francis Lai at Universal Pictures ». Music Box MBR-124 (2 CD), 1968-1970. 1h56. +++++

104 Q CLASSICA / Avril 2018

SERGE

EINOJUHANI

RACHMANINOV

RAUTAVAARA

(1873-1943)

(1928-2016)

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+++++

24 Préludes

Sonate pour violoncelle et piano nos 1 et n°2. Préludes et fugues. Sonate pour violoncelle seul. Song of my heart. Polska

Nikolaï Lugansky (piano) Harmonia Mundi HMM 902339. 2018. 1 h 22

Les Préludes de Rachmaninov ne forme pas un tout homogène. Le premier fait partie des Cinq morceaux de fantaisie op. 3 et date de 1892, les dix Préludes op. 23 du début du XXe siècle et les treize Préludes op. 32 de 1910. Comme ceux de Chopin, de Debussy ou de Scriabine, ils visitent pourtant toutes les tonalités majeures et mineures. Nikolaï Lugansky avait déjà enregistré les dix Préludes op. 23 et le fameux Prélude op. 3 no 2, associés aux Moments musicaux (Erato, 2000). Il les remet sur le métier de façon à présenter une intégrale homogène des vingt-quatre numéros sur un seul CD bien rempli. Si sa conception n’a pas fondamentalement changé, elle semble plus aboutie. Nikolaï Lugansky, aujourd’hui quarante-cinq ans, paraît même, lui de coutume plutôt réservé, avoir gagné en intensité. La sonorité se montre ainsi plus ronde et plus enveloppante : Préludes op. 23 nos 4, 6 et 10, op. 32 nos 2, 7 et 13. Avec une maîtrise technique qui frôle, comme toujours, la perfection, Lugansky a trouvé un savant dosage de maîtrise, de passion et de raffinement. S’y ajoute une précision rythmique millimétrée (Préludes op. 23 nos2, 5 et 9 et op. 32 nos 1, 4 et 8) qui n’interdit pourtant pas la prise de risques. On classera cette superbe version à côté de celle de Vladimir Ashkenazy (Decca, 1974-1975) Aurélie Moreau

Tanja Tetzlaff (violoncelle), Gunilla Süssmann (piano) Ondine 1310 2. 2017. 1 h 07

Dans la galaxie des compositeurs finlandais, entre Sibelius, Saariaho et Lindberg, brille Rautavaara. Ce très beau disque embrasse un demi-siècle de carrière et par là tout le spectre esthétique de ce compositeur éclectique, influencé tant par le lyrisme romantique que par la musique dodécaphonique, par les formes baroques que par le folklore finlandais. Alors que la Sonate pour violoncelle et piano n°1 fait entendre une inspiration tantôt tempétueuse tantôt décharnée, sa Sonate n°2 témoigne d’une écriture beaucoup plus nerveuse et tendue. Rautavaraa attache une grande importance à la conduite de la ligne chez les instruments – que ce soit dans Song of My Heart, transcription d’un air d’opéra interprété avec le son chaleureux du violoncelle de Tanja Tetzlaff, un Guadagnini de 1776, ou dans le mélancolique mouvement lent de la Sonate pour violoncelle seul, qui entremêle deux voix. Il subsiste une douce amertume à l’écoutedecesœuvres,encoreplus cruelle quand on sait qu’il s’agit probablement du dernier disque de la pianisteGunillaSüssmann ;atteinte de dystonie focale, elle a pour l’instant cessé toute activité professionnelle… Reste cette « étincelle d’éternité par la fenêtre du temps », comme Rautavaraa aime à définir la musique. Pauline Lambert

STEVE

REICH (né en 1936)

+++++ Pulse. Quartet International Contemporary Ensemble, Colin Currie Group Nonesuch 7559 79324 3. 2017. 31

Composé en 2015, Pulse nous plonge dans le versant planant de Steve Reich, qui ralentit le rythme tout en conservant une ossature typique de son univers. S’inspirant de la sonorité de la basse électrique de Daft Punk et d’harmonies de son grand classique Music for 18 musicians comme il nous l’expliqua récemment (Classica n°200), il élabore une pièce floconneuse qui délaisse toute l’angoisse qui l’habite depuis ses débuts. Abordant une thématique idéaliste à la limite de l’artificiel, Pulse flirte avec l’ambient music, la musique d’ameublement, sans y succomber grâce à la souplesse réactive de l’écriture. Le maître du minimalismenous livreainsiunepiècedans sa continuité et non une succession de séquences répétitives. L’International Contemporary Ensemble, créateur de l’œuvre, en donne une version limpide et apaisée, bulle de sérénité d’un compositeur qui oublie momentanément les affres du monde contemporain.

HENRIETTE

RENIÉ (1875-1956)

+++++ Sonate pour violoncelle et piano. Pièce symphonique. Trio pour violon, violoncelle et piano Trio Nuori Ligia Digital Lidi 0302325 18. 2017. 1h

Quartet écrit en 2013 est une œuvre plus âpre délaissant toute notion de répétitivité. Des séquences inspirées du jazz mais agencées selon desperspectivestrèsangulairespar Reich déploient une matière finalementassezstatique,dontl’architectonie miroitante est finement rendue par deux vibraphones et deux pianos, sous la houlette de Colin Currie,créateurdecettepiècequien fait ressortir les arrière-fonds pointillistes. Ainsi va Steve Reich continuantsonchemin,trouvanttoujours du nouveau devant lui comme nous le prouve ce rafraîchissantdiptyque.

LesharpistesconnaissentHenriette Renié comme l’une des grandes virtuoses du XXe siècle, par ailleurs auteuredenombreusespiècespour son instrument. Cette contemporaine de Ravel pratique un style marqué par un romantisme tardif mais avec un sens de la sonorité et un raffinement harmonique bien de son temps. Ainsi la Sonate pour violoncelle et piano, publiée en 1919 a-t-elleuncachetpersonnel:elleest pleined’ambiancesvariéessansque cela donne en rien une impression de patchwork car elle a un solide sens de la forme. On a le plaisir de retrouver ici la jeune violoncelliste Aude Pivôt, violoncelliste du Trio Nuori, que nous avions récemment tant admirée dans la Sonate de Rita Strohl (Classica n° 199). La Pièce symphonique (1907) est à l’origine une sorte de triptyque pour harpe, ici transcrit pour piano : on peut se demander si elle n’aurait pas été au moins pensée pour le clavier auquel elleconvientmagnifiquement.Flore Merlin défend cette œuvre dont elle met en évidence l’âpreté et la grandeur, bien loin du malheureux cliché de l’écriture « féminine » Le Trio pose un problème analogue puisqu’ilfutcomposépourharpe(ou piano), violon et violoncelle. Tel que nous l’entendons ici, il sonne parfaitement et la partie de piano lui confère une ampleur et une exaltation romantique. Le violoniste Vincent Brunel s’y montre à la fois passionné et élégant. Ces belles découvertes confirment la haute qualité d’une production postromantique au début du XXe siècle.

Romaric Gergorin

Jacques Bonnaure CLASSICA / Avril 2018 Q 105

Les disques du mois ALFRED

FRANZ

SCHNITTKE

SCHUBERT

(1934-1998)

(1797-1828)

+++++

+

Requiem. Trois Hymnes sacrés

Symphonie n°9 « La Grande »

(1866-1925)

Katarzyna Oles-Blacha, Monika Korybalska, Agnieszka Kuk (soprano), Olga Maroszek (alto), Dominik Sutowicz (tenor), Chœur de la Faculté de musique de l’Université de Rzeszów, Ensemble instrumental de l’Orchestre philharmonique Artur Malawski de Rzeszów, dir. Bozena Stasiowska-Chorbak

++++

DUX 1407. 2017. 46’

ERIK

SATIE Le Fils des étoiles. Fête donnée par des chevaliers normands en l’honneur d’une jeune demoiselle Nicolas Horvath (piano) Grandpiano GP762. 2014. 1 h 17

Composé par Satie en 1891 pour faire office de musique de scène d’un drame antique de Péladan, Le Fils des étoiles ne fut jamais donné intégralement, seuls ses préludes furent joués par le compositeur au piano en mars 1892 à la galerie Durand-Ruel. Musique étonnante, une des plus longues du corpus de Satie, cette pièce expérimentale qu’il conçut à vingt-six ans fait partie de sa période religieuse, dans laquelle il mêle allègrement provocation pré-dadaïste et audace formelle. Avant-gardiste visionnaire, Satie élabore une pièce impersonnellefaitedejuxtapositiondecourts motifs agencés en mosaïque, avec une structure qui frise parfois le dodécaphonisme avant l’heure. Nicolas Horvath s’appuie sur la nouvelle édition révisée du maître d’Arcueil, réalisée par Robert Orledge éminent satiste. Il respecte ainsi les silences indiqués dans la partition entre les différents motifs, ce que ne faisaient pas les précédents interprètes de cette pièce si singulière. Face à la fascinante version du Fils des étoiles interprétée par Alexei Lubimov, Horvath joue sur d’autres tableaux : clarté des motifs, limpidité distanciée et une sonorité chaude et boisée, celle d’un piano Erard 1881 ayant appartenu à Cosima Wagner. En supplément vient une Fête donnée par des chevaliers normands en l’honneur d’une jeune demoiselle, réjouissante bizarrerie qui martèle des cadences répétitives animées de mouvements contraires. Romaric Gergorin

106 Q CLASSICA / Avril 2018

Brandenburger Symphoniker, dir. Peter Gülke MDG SCENE 901 2053 6. 2017. 1 h 01

FRANZ

SCHUBERT (1797-1828)

++++

Quel chef-d’œuvre que ce Requiem d’Alfred Schnittke ! Le compositeur russe réussit l’exploit de joindre l’éclectisme des références à l’homogénéité des moyens mis en œuvre – c’est là sa patte, son fameux « polystylisme ». Ainsi du Credo qui fait appel à un effectif « rock » (guitares électriques et percussions) parfaitement intégré. Le matériau thématique puise aux sources de diverses traditions religieuses (chant grégorien, liturgie orthodoxe…), l’écriture se veut simpleetlisibledeboutenbout–on n’ose écrire « claire », tant l’œuvre se présente comme une palette de noirsetdegris,uneplongéedansles abysses de la souffrance humaine. Le chœur chuchote ou martèle les paroles en latin, les solistes entremêlent leurs déplorations à un ensemble instrumental discret, tandis qu’une note obsessionnelle ponctue le Tuba Mirum comme un glas. Œuvre dramatique, qui refuse à l’auditeur la clarté d’un Luxæterna conclusif : la messe funèbre de Schnittke s’achève comme elle a commencé, sur les paroles du Requiem æternam. Les Trois Hymnes sacrés, plus sereins et contemplatifs, concluent ce très beau disque. Sarah Léon

Quintette « La Truite ». Fantaisie D. 934 Guillaume Chilemme (violon), Nathanaël Gouin (piano), Marie Chilemme (alto), Astrid Siranossian (violoncelle), Émilie Legrand (contrebasse) Évidence Classics EVCD046. 2017. 1 h 03

Ce quintette d’artistes parvient dès les premières mesures de « La Truite » à recouvrer ce qui est le plus difficile, l’esprit des fameuses schubertiades. Tout ici y concourt: une sonorité jamais épaisse et toujours éminemment chambriste : un magnifique équilibre instrumental, sans lutte intestine mais où le collectif l’emporte toujours sur les individualités. La contrebasse se fond à merveille tout en affirmant sa couleur, quant au piano, il se montre volontiers partageur. Tous les musiciens font montre d’une même volonté de servir l’œuvre avec beaucoup de simplicité voire de pudeur. En résulte une interprétation très classique qui ne cherche pas l’originalité à tout prix mais magnifie l’écriture polyphonique par ses dialogues permanents et son souci du détail. On entend ainsi la partition telle qu’elle est : une œuvre de chambre préromantique, magnifiquement servie par des musiciens heureux de jouer ensemble. D’abord bien sage, la Fantaisie se libère progressivement : tout comme le pianiste se détend au fur et à mesure, le jeu élégant (très beau vibrato) et intelligent du violoniste s’anime définitivement dans les variations de l’Andantino, montrant alors une belle vélocité et des sonorités variées, sans toutefois retrouverlefeudeFaustetMelnikov (Harmonia Mundi, 2004). Antoine Mignon

Kapellmeister discret né en 1934 à Weimar, Peter Gülke est connu des discophiles pour avoir proposé ses propres arrangements orchestraux d’esquisses de symphonies abandonnées de Schubert avec la Staatskapelle de Dresde (Berlin Classics, 1979). Ce qui n’en fait pas un grand schubertien a priori, surtout dans cet enregistrement peu inspiré de la Symphonie n°9, à laquelle les Allemands attribuent depuis des années le numéro 8, l’idée qu’une n° 7 eût existé, la fameuse symphonie perdue de Gmunden-Gastein qui est en fait « La Grande » elle-même) ayant fait long feu outre-Rhin. Un chef aux idées courtes, dont la battue s’affaisse régulièrement, sans l’once d’une majesté dans le portique initial aux cors, dont le ton de fête populaire hors sujet dans les éclats du mouvement lent précède

un Scherzo qui gratouille péniblement ses croches. Et un orchestre aux timbres plus courts encore (Brandenburger Symphoniker sans reliefniéclat,trombonesneurasthéniques, trompettes prosaïques, cordes malingres) desservent cette exécution laborieuse, aussi plate que le Brandebourg lui-même. La philosophie de MDG, qui cherche à donner l’image sonore la moins retouchée possible des artistes qu’elle enregistre, n’est dans le cas précis pas flatteuse pour les forces en présence. À noter enfin que c’est le chef d’orchestre lui-même qui signe un intéressant texte de présentation, traduit en français, en faveur de l’observance de toutes les reprises, scrupuleusement resYannick Millon pectées.

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CLASSICA / Avril 2018 Q 107

Les disques du mois FRANZ

IGOR

SCHUBERT

STRAVINSKY

(1797-1828)

(1882-1971)

++++

+

« Notturno » Trios avec piano. Notturno. Sonatensatz

Orchestre de la Philharmonie de l’Elbe, dir. Krzysztof Urbanski

Le Sacre du printemps

Trio Élégiaque

Alpha 292 (CD + Blu-ray). 2016 2017. 36

Academy AP1752 (2 CD). 2016. 1 h 50

FRANZ

SCHUBERT (1797-1828)

++++ Sonate D. 960. Fantaisie à quatre mains D. 940. Marche militaire D. 733 Philippe Entremont et Gen Tomuro (piano) Solo musica SM 276. 2018. 1 h 09

« Depuis plus d’un demi-siècle, je pense à cette sonate de Schubert – œuvre si considérable, si envoûtante et si difficile dans sa simplicité. Ledésirdel’enregistrerestvenuplus tard,beaucoupplustard,disonsvers 2009. C’était encore trop tôt. Cette sonate n’a jamais quitté mon répertoireetaéludomicilesurmonpupitre de piano pour TOUJOURS !!! et y restera jusqu’à la fin... » Philippe Entremont aura donc attendu quatre-vingt-troisanspourpasserà l’acte et aborder au studio cette œuvre « si difficile dans sa simplicité ». Le grand maître propose une vision réfléchie, mûrie et pensée dont les quelques petites imperfections ici ou là ne viennent pas ternir la justesse. C’est dans le quatrième mouvementquePhilippeEntremont se montre le plus imaginatif, adoptant un ton vif et malicieux dans ce rondo (couplets et refrain). Sans atteindre, dans la Fantaisie à quatre mains D. 940, les versions de Murray Perahia et Radu Lupu (Sony, 1985) et Philippe Cassard et Cédric Pescia (La Dolce Volta, 2014, CHOC de Classica), Philippe Entremont et son élève Gen Tomuro proposent une vision très respectueuse de la partition. On regrette de n’avoir aucun renseignement sur le piano dont la sonorité se montre un peu étroite et feutrée. Est-ce la prise de son ? Aurélie Moreau

« Notturno » : le titre de cet enregistrement, pourrait tromper l’auditeur attentif d’abord aux jaquettes. C’est une atmosphère radieuse qui émerge de ce double disque, en particulier de Sonatensatz, le seul trio avec piano de jeunesse de Schubert. Écrite à quinze ans alors que Schubert étudie avec Salieri, l’œuvre est marquée par une élégance classique toute viennoise − et la clarté des couleurs fait merveille dans cette œuvre. Même le Notturno fait entendre des sons éthérés, très éloignés du jeutrès vibré, à la limite du kitsch, d’autres enregistrements.

On pourrait cependant attendre davantage d’engagement au piano dans le second trio, en particulier dans son sublime mouvement lent au thème déchirant, lorsque Schubert note con Pedale appassionato. C’est d’autant plus étonnant que la prise de son fait entendre au premier plan le piano, alors que les cordes sont un peu plus lointaines. Après l’intégrale des trios de Beethoven, voici donc logiquement un autre sommet, qui marque le chant du cygne du style classique, gravé par le Trio Élégiaque, réunissant, le violoniste Philippe Aïche, la violoncelliste Virginie Constant et le pianiste François Dumont. Au sein d’une discographie très riche, de Heifetz avec Feuermann et Rubinstein aux frères Capuçon et Frank Braley, en passant le Beaux-Arts Trio ou le Trio Wanderer, ce disque ravira les amateurs de sonorités transparentes et de lignes claires. Pauline Lambert

108 Q CLASSICA / Avril 2018

ROBERT

SCHUMANN (1810-1856)

++++ Trois Romances pour hautbois et piano. Cinq Pièces dans le ton populaire. Études pour piano à pédalier. Lieder . + Clara Schumann : Trois Romances op. 22 Céline Moinet (hautbois), Norbert Anger (violoncelle), Florian Ulic (piano) Berlin Classics 0300991BC. 2015 2017. 1 h 08

Cette nouvelle version, suave, pondérée et raffinée, des trois merveilleuses Romances convie au voyage intérieur. Elle se situe, au sein d’une discographie de presque une centaine de versions pour différents instruments, aux antipodes de la lecture lumineuse de François Leleux (Alpha, 2008). À ce seul original sont associées des transcriptions variées et inspirées, dont une de Clara Schumann (Romances pour violon et piano), semblant taillées sur mesure pour les instruments des deux solistes (avec violoncelle ajouté dans les Études) malgré leur origine pour voix, violon, violoncelle ou piano avec et sans pédalier. Priver deux lieder de la voix au profit du hautbois aurait toutes les chances d’être un échec. Ma Rose et Ma Belle Étoile suffisent à prouverlecontraire.Seulelatropcélèbre Rêverie, issue des Scènes d’enfant, semblemoins justifiée. Du jeu fluide des musiciens découlent une intériorité, une gravité, une mélancolie, une grâce et un sens de la narration (séduisant dans les Études) conduisant avec naturel l’auditeur à travers la complexité et le tréfonds de l’univers schumanien. Après deux CD chez Harmonia Mundi, Céline Moinet, soliste à l’Orchestre de Dresde,confirmesonrangparmiles hautboïstes trentenairesdepremier Pascal Gresset plan.

Qualifié de phénomène outreRhin, le chef polonais Krzysztof Urbanski signe une interprétation brouillonne du Sacre du printemps, marquée par des sons gonflés et un basson prenant la pause. Si l’on préfère généralement les chefs ne disputant pas le 100 mètres dans la Danse des adolescentes, la retenue vire ici à l’apathie dès lors que cessent les scansions des cordes, un sentiment décuplé dans des Rondes printanières et une Action rituelle des ancêtres exténuées, caricature des dinosaures en phase terminale de Fantasia. Le staccato de la Philharmonie de l’Elbe traîne dans des Jeux des cités rivales aux groupes instrumentaux mal hiérarchisés, qui sombrent dans la confusion. Le Blu-ray bonus avec la captation d’un concert ultérieur aggrave le cas du chef. Dans une de prise de son toujours aussi cotonneuse, faible (le niveau de gravure) et une esthétique de clip MTV avec changements incessants de plans et angles grotesques (la contre-plongée sur la grosse caisse), elle montre le jeune Polonais, physique de top model et mèches peroxydées télégéniques, dans des poses narcissiques : balancements de tête, mouvements de bras de vélo elliptique, nuque brisée, menton relevé, la bouche ouverte et les dents serrées. Ce cinéma lui vaudra peut-être un Oscar, mais ce Sacre nombriliste, boursouflé, plus lourdingue encore que la version studio, mérite les oubliettes illico, surtout un mois après le génial remake de Chailly. Yannick Millon

ILS NOUS FONT VOYAGER

PIANISTES DES ANTIPODES Le style pur de la Tasmanienne Eileen Joyce et le génie virtuose du Chilien Claudio Arrau, chacun dans un coffret. ée en Tasmanie, Eileen Joyce (1908-1991) fut remarquée par Percy Grainger, conviée par Wilhelm Backhaus à Leipzig pour parfaire son art,puis débarquée à Londres àla suggestion de Myra Hess qui la confie àAdelina de Lara et à Tobias Matthay pour recueillir l’héritage de Schumann et de Brahms, quel pedigree pour une jeune fille des antipodes! Les disques vinrent tôt illustrer son piano flamboyant et, en ses débuts un rien fantasques, la gravure directe sur 78-tours capturant les timbres si formés de son jeu, la vivacité de ses couleurs, son clavier très alerte, mobile, qui la feront comparer à Teresa Carreño. Une légende dès ses vingt ans, illustrée par des albums brillants de pièces brèves faites franco, avec panache. On sait la suite, un Concerto n°3 de Prokofiev (pas enregistré, hélas) joué à l’admiration du compositeur – aucune femme ne l’osait alors –,les succès mondiaux,le cinéma qui s’en mêle (la soliste duConcerton°2deRachmaninovdansBrève rencontre de David Lean,c’est elle),une présence en scène magnétique, que relevait encore une garde-robe flamboyante. Le personnage aura trop éclipsé la pianiste, ce que corrige le vaste panorama rassemblant en dix disques ses enregistrements de studio. Première surprise, la pureté du style et l’absolue simplicité des conceptions, que ce soit chez les romantiques ou les classiques:

N

son Mozart tenu, élégant sans afféterie, chanté dans les timbres,très attentif à l’exactitudedestextes,resteunmodèle.Cettepureté des intentions sauve les romantiques de toute sentimentalité, « Pathétique » de Beethoven à l’architecture impeccable,Brahms éloquents sans appuyer, Concertos n°2 de Rachmaninov et de Tchaïkovski antisentimentaux, les Papillons de Schumann exposent le contrôle de son jeu à dix doigts où chaque polyphonie chante, merveille !, Chopin, Liszt, Grieg sonnent vifs, précis et carrément aussi modernes que Debussy ou Rachmaninov. La rectitude des rythmes,l’allégement des timbres irriguent tout le répertoire de virtuosité, l’exhaussant vers la musique pure.Les enregistrements des années 1940 forment son âge d’or. La coda est plus triste, les disques Saga la montrent encoreenpossessiondeson art, mais trahie par des pianos et des micros peu amènes. Édition amoureuse, réalisée d’après les meilleures sources,texte documenté,iconographieabondante,un vrai« labour of love ». DANS LES CIMES Claudio Arrau (1903-1991) venait, lui, du Chili et n’a pas été oublié. Decca annonce un coffret de 80 CD et SWR présente ces trois récitals captés par la radio de Stuttgart alors que l’artiste est à son absolu sommet. En 1954,le programme dit tout,commencé par le Rondo en ré mineur de Mozart et refermé par le Rondo capriccioso de Mendelssohn: pas moins de huit compositeurs. Le style brillant, le geste extraverti qui brosse d’un geste Alborada, sculpte dans la profondeur du clavier Pour le piano ou exalte Meine Freuden (Liszt) prouvent que

le pianiste se rappelle encore ses années de virtuose.Pivot du concert,une Fantaisie de Schumann déclamée. Le jeu est autrement serré, dru de son, intense de propos, pour le concert monographique dévolu à Chopin dont le clavier est revisité, joué à pleins registres, comme orchestré à force de couleurs pleines et de phrasés immenses, si conscient de la forme – la Sonate n°3 ! – comme de l’écriture polyphonique : son Chopin ne ressemblait alors à aucun autre,écoutez ses Préludes quasi abstraits.La triade du concert de 1960 (Beethoven, Brahms, Schumann) deviendra l’habitude au cours de ces années: Arrau se recentre sur l’essentiel de son répertoire, et ce faisant, approfondit encore sa science de l’instrument : le rare Rondo en sol surprend par l’ampleur de sa dramaturgie, pensé comme un prélude à l’Opus 101, le Carnaval emporte dans son tourbillon assez noir plus que ne le feront les gravures de studio, mais ce sont les Variations Haendel qui subjuguent: les détails expressifs de l’Aria, la Fugue exaltée, la profusion harmonique des variations, leur variété de climats entre narrations et paysages, disent tout de ce génie. X Jean-Charles Hofelé

£ «Eileen Joyce,The Complete Studio Recordings». Decca Eloquence (10 CD), 1933-1960. 12h42. CHOC £ «Claudio Arrau, Recitals 1954, 1960 et 1963». SWR Music SWR19054CD (5 CD). 5h01. CHOC CLASSICA / Avril 2018 Q 109

Les disques du mois GIUSEPPE

RICHARD

VERDI

WAGNER

(1813-1901)

(1813-1883)

++

+++

Rigoletto

Airs des Maîtres-chanteurs, du Vaisseau fantôme, de Tannhäuser, Parsifal, Siegfried, L’Or du Rhin et La Walkyrie

Dmitri Hvorostovski (Rigoletto), Nadine Sierra (Gilda), Francesco Demuro (Le duc), Andrea Mastroni (Sparafucile), Oksana Volkova (Maddalena), Chœur de l’Opéra et Orchestre symphonique de Kaunas, dir. Constantine Orbelian Delos DE 3522 (2 CD). 2016. 2h18

Ce sera donc le dernier enregistrement de Hvorostovski, et hélas pas le meilleur. Réalisé alors qu’il se battait déjà contre le cancer qui l’a emporté, il témoigne d’un chant aux limites inconnues auparavant (grisaille du ton, aigus tendus, souffle qui s’épuise) où l’incertitude devientlarègle.Etd’uneincarnation appuyée comme pour compenser, qu’on dirait sommaire n’étaient les conditions de ce combat qui parfois emporte l’instant en une victoire inattendue, si apte à susciter le souvenir des soirs somptueux de

ce timbre et de ce legato magiques. Lui est historique. L’environnement ne l’est pas : on a l’impression d’entendre un de ces soirs de province auquel on pardonne beaucoup quandils’agitdetémoignagesrares, mais qui, pour une œuvreaussi bien fréquentée par le disque, ne saurait suffire : certes Nadine Sierra est un très joli rossignol, mais sans envergure, sans prise en compte du destin de Gilda. Le duc de Francesco Demuro est beau lui aussi, léger mais pas exceptionnel. Mastrosi, Volkova, et les seconds plans s’oublienttrèsvite.EtConstantineOrbelian, qui offre une étonnante lecture au premier degré, sans y ajouter quoiquecesoitdepersonnel,vogue entredétailsetmomentsbientenus, et alanguissements dévastateurs. Pour pleurer le souvenir d’un des grands du chant d’hier, oui. Pour Rigoletto, pas vraiment. Pierre Flinois

110 Q CLASSICA / Avril 2018

Michael Volle (baryton), Orchestre symphonique de la Radio de Berlin, dir. Georg Fritzsch

ANTONIO

VIVALDI (1678-1741)

++++ Gloria. Nisi Dominus. Nulla in Mundo Pax Sincera Julia Lezhneva (soprano), Franco Fagioli (contre-ténor), Chœur de Ia Radio-Télévision suisse, I Barocchisti, dir. Diego Fasolis Decca 483 3874. 2017. 59’

Seul duo du disque, le Laudamus Te du Gloria confirme, s’il en était besoin, la personnalité vocale écrasante de nos deux solistes, au point que les timbres ne fusionnent jamais : à Franco Fagioli le galbe des phrasés, le mezzo charnu (et ses raucités corollaires), une faculté à évoluer sur la ligne de crête qui sépare le bon du mauvais goût et, plus inquiétant, un vibrato un peu envahissant par rapport au précédent album Haendel, notamment dans le « Cum dederit » du Nisi Dominus où nous manque la fragilité contrôlée de Carlos Mena (Mirare). À Julia Lezhneva la plasticité confondante de la ligne, la franchise de l’émission qui conjure toutpathosdansNullainMundoPax. Auxdeuxlatechniqueéblouissante, la sensualité des vocalises sans lesquelles l’ambiguïté profane-sacré dont Vivaldi est coutumier ne troublerait pas l’auditeur… même le plus dévot. Mais c’est surtout sur la direction de Diego Fasolis qu’il faut insister. Une direction de coloriste. On aurait tort de se focaliser sur la vigueur martiale du début du Gloria, au demeurant bien éloignée du métronome débridé d’Alessandrini (Naïve), tant la suite réserve son lot de merveilles : effets d’échos entre les pupitres, travail d’orfèvre sur les mixtures de timbres, phrasés modulésavecdilection.Leparcours harmonique du « Propter magnum gloriam » (équilibre parfait entre chœur et instruments) et du « Cum dederit » (la pédale du sol grave) est conduitparungestededémiurge.À classer à Fasolis. Jérémie Bigorie

Orfeo C 904 171 A . 2017. 1h01

Michael Volle s‘est imposé audevant de la scène wagnérienne un peu par défaut. Faute d’une voix de grand ambitus, aux couleurs ensorcelantes, aux graves sidérants, son dond’acteur,sontimbreclair,sonart de dire le destinent plutôt à Mozart (Papageno) hier ou chez Wagner à Wolfram (ici fort distingué) ou à Beckmesser (il y fut magistral à Bayreuth) plutôt qu’à Wotan. Ce récital l’expose clairement. Ce qui passe à la scène par la sympathie et l’engagement personnel du chanteur est disséqué par le micro. La harangue finale de Sachs qui l’ouvre - curieuse idée - montre une voix pâle, à la recherche du ton et de l’appui nécessaire. Le Hollandais dépasse en ampleur ses possibilités de noirceur, de vertige pour ses imprécations, que surligne un vibrato trop présent dans l’effort. Mêmes tensions entre timbre trop peu marquant, souffle qui semble se dérober, couleurs qui se perdent dans la nasalité quand Amfortas passe de la plainte aux supplications. Sachs revient avec ses deux monologues, un rien traînants, mais délicats, qui ne sollicitent pas l’instrument hors ses possibilités réelles, comme la partie centrale desAdieuxdeWotan,quiparailleurs fontregretterlesgrandsanciens,ou Terfel, Pape, ou Goerne même. Programme trop éclaté de plus, mais accompagnement très vivant, parfoismêmesurprenant,deGeorg Fritzsch,etdefaitseulaiguillondece portrait en Wagner honorable, mais sous-dimensionné. Pierre Flinois

CHARLES-MARIE

WIDOR (1844-1937)

++++ Bach’s Memento. Suite Latine. Trois nouvelles pièces Denis Tchorek (orgue) Hortus 148. 2017. 1 h 19

Encore un de ces beaux disques dont les éditions Hortus ont le secret : les dernières œuvres du grand compositeur et légendaire organiste de Saint-Sulpice Charles-Marie Widor, menées avec souplesse et profondeur par Denis Tchorek sur le célèbre orgue Mutin-Cavaillé-Coll (1922) de la collégiale Saint-Pierre de Douai. Loin des débauches de verve et de virtuosité si souvent associées à Widor, les pages qui nous sont présentées, toutes en intériorité, le plus souvent en demi-teinte, constituent l’ultime pèlerinage spirituel du maître entré dans l’hiver de sa vie. Avec un dépouillement certain, Widor se laisse porter à la libre appropriation de certaines des œuvres les plus célèbres du grand « Jean Sébastien » Bach (Bach’s Memento), à l’interprétation personnelle des textes de la liturgie romaine (Suite Latine) ainsi qu’à des méditations aussi romantiques qu’archaïques pour les très motoriques années 1930 (Trois nouvelles pièces). Ces œuvres, très personnelles, magnifiées par les timbres enveloppants et gras, mais néanmoins précis, de l’orgue de Douai, sont des témoignages précieux de la relation des compositeurs du XIXe siècle aux maîtres anciens. Elles nous rappellent que leur révérence pour leurs illustres prédécesseurs, particulièrement Bach, loin de s’ankyloser dans l’observance scrupuleuse d’un texte lointain, était avant tout filiale et presque sentimentale. Abordons donc ces pages en gardant à l’esprit l’aphorisme lisztien : « la lettre tue mais l’esprit vivifie ». Aurore Leger

RÉCITALS INTERPRÈTES

QUATUOR

DAVID OISTRAKH

(Quatuor à cordes)

++ Grieg : Quatuor n°1. Mendelssohn : Quatuor op. 13. Paganini : Caprice n°20 Muso Mu-021. 2015. 1 h04

OLIVIER

CAVÉ (piano)

+++++ Beethoven : Sonates nos 1, 2 et 6. Haydn : Sonates Hob. XVI:32 et XVI:48 Alpha 385. 2017. 1 h 15

Le pianiste suisse met intelligemmentenmiroirdessonatesdujeune Beethoven et de Haydn comme Claire-Marie Le Guay comparant jadis avec finesse le clavier de Haydn et celui de Mozart (Accord). Ce disciple d’Aldo Ciccolini, Nelson Goerner et Maria Tipo sait tisser les liens qui unissent les deux compositeurs tout en inscrivant la dialectique beethovénienne dans une démarche à la fois d’héritier et d’insoumis qui, loin des cadres formels, jette avec virtuosité des fusées à la face du public viennois. On passe ainsi sans rupture du langage classique des deux Sonates Hob.XVI:32et48deHaydnauxélans volontaires des Sonates nos 1, 2 et 6 de Beethoven. La lecture brillante, le lyrisme contrôlé chez Haydn (Andante con espressionede la Sonate48), la subtilitédesgradationspourBeethoven (Largo appassionato de la Sonate n°2) portent la marque d’un soliste doté d’un sens aigu de l’équilibre et toujours soucieux de l’architecture, alliant des tempos allants à une rhétorique savamment dosée. Au détour d’une phrase, voire d’un mouvement, se dessinent des regards croisés entre le maître et l’élève (l’humour de l’Allegro initial de la Sonate n°6 de Beethoven et le Presto final de la Sonate 32 de Haydn) avec une manière commune d’interroger le discours. Un CD inventif et enregistré avec beaucoup de présence. Michel Le Naour

On ne peut qu’être admiratif de l’aisance instrumentale de ce quatuor, de sa virtuosité sans limite, de la plénitude de sa sonorité, de son jeu à la corde, de son énergie débordante. Mais tout cela est-il pertinent danslesœuvresdecedisque?Dans l’arrangement du Caprice de Paganini, oui : la démonstration, le jeu sensationnel fait partie du projet. DansGrieg:pasvraiment.Certes,la saltarelle se montre étourdissante. Certes, la modernité d’écriture du jeune Grieg, et notamment les ruptures du discours, secoue l’auditeur de 2018. Certes, on ne s’ennuie pas une seconde mais l’incapacité du quatuor à véritablement chanter les mélodies — les larmes sèches delacodadupremiermouvement… —ainsiqu’àdévelopperdespalettes fines de nuances et de couleurs travestit l’écriture du compositeur, qu’on peine parfois à reconnaître ainsi traité. Quant à Mendelssohn, la

réponseestclairementnon:leurjeu expressionniste en noir et blanc vire à la caricature. Les mélodies sont bousculées, le discours segmenté, rendantl’écritureincompréhensible à maints endroits. Surtout, le quatuor se montre incapable d’exprimer une quelconque émotion crédible dans les moments tragiques et profonds, comme désœuvré car n’ayant pas à gesticuler. Alors, pourquoi ce choix, et ce gâchis ? Les œuvres possiblement plus en adéquation avec leurs qualités ne manquent pourtant pas… Antoine Mignon indesens.fr calliope-records.com

CLASSICA / Avril 2018 Q 111

Les disques du mois RÉCITALS TITRES

L’ALLIANCE DES

CONTRAIRES +++++ Œuvres de Rheinberger, Busch, Guilmant, Franck, Dubois, Gounod et Erb Pascale Karampournis (violon), Kurt Lueders (orgue) Hortus 146. 2017. 58’

Anciens et modernes, Français et Allemands,grandsetpetitsmaîtres, violon et orgue : tels sont les contraires que le Duo Dulciâme, Pascale Karampournis et Kurt Lueders, s’est mis au défi de réunir. La réussite est proportionnelle à la discrétiondesinterprètes.Parmiles nombreux mérites de cette réalisation, le premier est sans aucun doute d’avoir mis à l’honneur des compositeurs délaissés, inconnus en dehors du petit milieu des amateurs d’orgue. Leurs œuvres pourtant égalent et parfois même surpassent les pages les plus célèbres de nombreux grands noms du répertoire. La bouleversante Prière sur un verset du Pater noster de l’Alsacien Marie Josef Erb (18581944), imprégnée de l’influence de Fauré et de Debussy, constitue à cet égard un véritable sommet qui justifie à elle seule l’intérêt de l’enregistrement. Ce programme nous plonge dans un univers musical lui aussi oublié bien qu’il marqua profondément la pratique professionnelle et amateure au tournant des deux derniers siècles : celui de la musique de chambre avec orgue qui témoigne de la grande plasticité des Théodore Dubois et autres Alexandre Guilmant jonglant entre les pièces usuelles destinées à l’office et la délicieuse légèreté d’un scherzo mondain ou d’une mélodie. L’orgue, l’harmonium et le violon s’y soutiennent et s’y complètent jusqu’au tutti dans le plus parfait équilibre. À écouter sans Aurore Leger modération. 112 Q CLASSICA / Avril 2018

BEAU

LOST IS

SOIR ++++

MY QUIET +++++

Fauré : Sonate pour violon et piano n°1. Berceuse. Franck : Sonate pour violon et piano. Panis angelicus. Debussy : La Fille aux cheveux de lin. Beau soir

Duos et mélodies de Purcell/Britten, Mendelssohn, Schumann et Quilter

Kyung Wha Chung (violon), Kevin Kenner (piano)

Bis SACD 2279. 2016. 1 h 19

Carolyn Sampson (soprano), Iestyn Davies (contre-ténor), Joseph Middleton (piano)

Warner Classics 0190295708085. 2017. 1 h 04

HORIZONS ++++

Ce programme emprunte son titre à une mélodie de Debussy. Ce n’est certes pas ce qu’il a fait de plus personnel mais on y trouve un zeste de romantisme fin de siècle du plus suave effet. On en dira autant de La Fille aux cheveux de lin, prélude pour piano dont la mélodie modale sied fort bien au violon. Et dans un registre analogue, la Berceuse de Fauré et le célèbre Panis angelicus de Franck font partie de ces pièces qui vont droit au cœur. Mais l’essentiel n’est pas là. Kyung Wha Chung avait déjà enregistré la Sonate de Franck avec Radu Lupu, il y a près de quarante ans (Decca). Cette nouvelle version ne lui est pas inférieuretechniquementetmontre qu’à soixante-huit ans, et en dépit de quelques années d’interruption de carrière, la violoniste coréenne a conservé ses moyens. Le son est juste, mûr, ferme, splendide, bien soutenu par le piano de Kevin Kenner. Le duo, cela dit, joue tout cela dans un grand style ample et symphonique, d’ailleurs amplifié par une prise de son large, mais toujours nuancé et contrôlé, presque

Fauré : Trio. Sonates pour violon et piano. Sonates pour violoncelle et piano…

jusqu’à la froideur. À ce traitement, la Sonate n°1 de Fauré perd un peu de son charme chambriste. On se sent davantage dans un vaste auditorium que dans un salon de la Plaine Monceau mais cela donne une image assez noble et grandiose Jacques Bonnaure de Fauré.

David Lefort (ténor), Pierre Fouchenneret (violon), Simon Zaoui (piano), Raphaël Merlin (violoncelle) Aparté AP162 (2 CD). 2016. 2 h 32

Onpourrafairedemenuesréserves sur la photo qui nous présente les quatre moustachus munis de fauréennesbacchantes.Ilestditqu’aujourd’hui, même pour chanter « les grands départs inassouvis » de L’Horizon chimérique ou illustrer le bouleversant Andante du Trio, il faut se la jouer fun et décalé. L’Horizon chimérique est d’ailleurs le point un peu faible de l’ensemble. David Lefortestunagréableténor,austyle élégant,àlaprononciationcorrecte, mais un peu sourd dans le grave. Il est vrai que la prise de son a tendance à le noyer par moments dans le son du piano. Côté instrumentistes, c’est très satisfaisant. Pierre Fouchenneret, violoniste de premier ordre à la sonorité large et puissante, offre des deux sonates pour violon d’une lecture très nuancée. Raphaël Merlin se monte très vivant dans les deux sonates pour violoncelle, servies par une sonorité magnifique, personnelle, discrètement ombre et nuancée. Et puis, son interprétation est pleine de naturel et de spontanéité. Dans tous les cas, y compris dans le sublime Trio, évidemment le rapport avec le piano de Simon Zaoui est très naturel et sans raideur. Pour sa part, il a choisi les trois derniers Nocturnes, les pièces les plus intimes qui soient. Dans le n°13, le plus connu, il conserve le même ton intimement et tourmenté que dans les deux précédents. C’est un choix respectable même si on peut imaginer cette pièce plus lumineuse. Une interprétation à connaître, d’un pianiste très concerné. Jacques Bonnaure

Cette anthologie généreuse débute ets’achèvepardespagesanglaises, unissant XVIIe et XXe siècles, entourant celles de l’Allemagne romantique. Pari audacieux et très bien tenu. Les six Purcell sont bien connus (Music for a While, etc.), comme désormais leur prenante adaptation par Britten. Certains airs deviennent parfois duos et la symbiose des voix de soprano et de contre-ténor se montre particulièrement heureuse. Même évidence avec les six duos de Mendelssohn et ses quatre mélodies de l’op. 63, ainsi que les trois Duos op. 77, d’où

légèreté et humour ne sont pas absents, dans Sonntagsmorgen et une adaptation de Ruy Blas, pas piquée des vers ! Les trois Duos op. 43 et les quatre autres solos de Schumann baignent dans une même euphorie où jamais rien « ne pèse ni ne pose », même le rêveur Nachtlied ou le renoncement résigné mais lumineux de DerEinsiedler que Iestyn Davies nous présente dans leur bouleversante simplicité, le Stille Liebe, transfiguré par Carolyn Sampson. Les six duos et solos de Roger Quilter (1877-1953), sur des textes de Shakespeare, Shelley ou Jonson, parachèvent admirablement cette sélection aussi inventive que suprêmement réalisée. Sampson et Davies sont d’une vocalité exceptionnelle, d’un bout à l’autre tout comme le piano si nuancé, profond et attentif de Joseph Middleton. Les trois ne font pas ici œuvre provisoire, mais s’imposent à notre mémoire. Xavier de Gaulle

La chronique un peu

DE PHILIPPE VENTURINI

ABONDANCE DE BIENS NE NUIT PAS ela fait des années que le CD est jugé dépassé,ringardisé par la musique en ligne, par le streaming, et même, ironie de l’histoire, par le disque microsillon. Cela fait des années qu’on annonce sa disparition. À en croire certains médias, il aurait même déjà quitté l’horizon musical. Bref, le CD, c’est fini. Nous invitons chaleureusement les commentateurs et autres colporteurs de jugements définitifs à venir visiter la rédaction de Classica pour apprécier une réalité tout autre; pour voir des piles de disques qui, chaque mois, gagnent de la hauteur et finissent par vaciller telles des tours soumises à un tsunami. Le phénomène est, fort heureusement, bien plus pacifique et ne traduit nulle colère chtonienne ou dérèglement des éléments. Il témoigne au contraire du formidable dynamisme des éditeurs et des artistes, certains endossant parfois avec une fière témérité les deux habits, bien décidés à défendre des répertoires oubliés, à soutenir des compositeurs d’aujourd’hui ou à présenter de jeunes ensembles. Ne soyons pas naïfs: certains projets très ciblés, très spécialisés, ne rencontreront qu’un public restreint. Mais il faut bien avoir le courage de quitter les autoroutes du répertoire pour s’aventurer sur des voies moins fréquentées. De nombreux « petits » labels ont ainsi choisi les cartes IGN de l’histoire de la musique pour faire découvrir des noms endormis à l’ombre des sommets appelés DISNEY

C

Bach, Mozart, Beethoven, Debussy. D’autres se spécialisent dans l’exploration du passé et font réentendre des interprètes tombés aux oubliettes, comme la pianiste Eileen Joyce ou la violoniste Johanna Martzy.Et les grandes maisons profitent de la technologie (la remastérisation) pour valoriser leur patrimoine et rééditer des enregistrements indisponibles depuis longtemps, tels ceux du Quatuor Juilliard, du Quatuor de Budapest ou de la pianiste Maryla Jonas. L’inconnu n’est pas la seule destination susceptible d’intéresser le mélomane curieux.L’imagination peut aussi se révéler une boussole fiable. En atteste le programme « Enfers » proposé par Raphaël Pichon et Stéphane Degout (lire p. 78): les œuvres sont connues, mais leur agencement les présente sous une lumière nouvelle et compose un disque passionnant. Les artistes ont bien compris qu’il fallait stimuler le mélomane et ne plus se contenter d’aligner quelques airs célèbres. Mieux vaut insérer des pages inconnues et/ou proposer des parcours singuliers, thématiques ou historiques. Certes, les sonates de Beethoven, les trios de Schubert ou les symphonies de Mahler n’ont pas quitté les tiroirs des éditeurs. Mais qui se plaindra de pouvoir aussi écouter des contemporains comme Hans Abrahamsen, Ondrej Adamek ou Philippe Boesmans, des mélodies de Quilter, la musique de chambre d’Henriette Renié ou des œuvres d’Arnold Bax?X CLASSICA / Avril 2018 Q 113

LE JAZZ DE JEAN-PIERRE JACKSON

ÇA NE MANQUE PAS D’AIR(S) Le Carnegie Hall à l’Olympia, l’anthologie Bobby Jaspar, Mary Poppins qui swingue, un Jean-Philippe Bordier aérien… lyaurabientôtsoixante ans,le 1er octobre 1958, l’Olympia accueillait sur scène une brochette prestigieuse de jazzmen américains: le trio du pianiste Phineas Newborn avec Oscar Pettiford et Kenny Clarke puis,avec la même rythmique, le saxophoniste Lee Konitz, suivi des trombonistes Jay Jay Johnson et KaiWinding. Sous l’appellation de « Jazz from Carnegie Hall », tout un aréopage de brillants solistes qui enflamme la salle parisienne où de chanceux spectateurs se voient offrir un récital de légende dont aujourd’hui la précieuse restitution sonore constitue un pur miracle. (Jazz

I

from Carnegie Hall. Frémeaux FA 5721, Socadisc. CHOC)

Le saxophoniste belge Bobby Jaspar, mort trop tôt à trentesept ans, se voit consacrer une anthologie en trois CD rendant justice à son talent d’improvisateur qui séduisit les plus grands, tels Miles Davis, Milt Jackson, ChetBakeretbeaucoupd’autres. Rassemblant ses faces essentielles captées en France et aux États-Unis, cette rétrospective, judicieusement organisée par Alain Tercinet, permet de réécouter une des plus grandes voix de la fin des années 1950 et une personnalité musicale injustement oubliée, mais très 114 Q CLASSICA / Avril 2018

attachante. (Bobby Jaspar, The Quintessence. Frémeaux FA 3069, Socadisc.CHOC)

Le Duke Orchestra de Laurent Mignard fait revivre la comédie musicale Mary Poppins à laquelle Duke Ellington avait dédié un album en 1964. C’est la délicieuse Sophie Kaufmann qui interprète les chansons arrangées de façon nouvelle (« Chim Chim Cheree » devient « Chem Cheminée »),

l’orchestre affirmant par ailleurs un entrain et une grâce juvéniles tout à fait en accord avec l’univers disneyien, qui trouve ici une illustration éminemment sympathique. (Duke Orchestra, Jazzy Poppins. Juste une Trace, Socadisc. ++++)

Composé d’un tube,d’un saxophone alto (parfois remplacé par une clarinette), d’une guitare électrique et d’une batterie, le Quatuor Sébastien Texier & Christophe Marguet fait preuve d’originalité, non seulement dans l’instrumentation, mais également dans le répertoire où des compositions personnelles soignées dessinent un univers semblable à nul autre.

LA DISCOTHÈQUE IDÉALE

Ongoûtera enparticulier LeJardin suspendu, belle pièce brillamment composée et parfaitement exécutée. (Sébastien Texier & Christophe Marguet 4tet, For Travellers Only.Cristal Records CR 260, Sony. +++)

Le guitariste Jean-Philippe Bordier,dont voici le second album, est aussi talentueux que discret. Auteur des douze belles compositions du disque,il livre de délicats soli en compagnie d’un orgue Hammond, d’une batterie et d’un vibraphone, faisant ainsi naître tout un monde très aérien, aux sonorités raffinées. (Jean-Philippe Bordier Trio, Hipster’s Alley. Black & Blue 859 2, Socadisc. ++++) X

87

Jimmy Smith Groovin’ at Smalls’ Paradise Un disque Blue Note paru en 1958.

Au-delà d’un monument de swing, le trio du jazzman élabore une formule et un langage qui deviendront un modèle du genre. Présent dans certains foyers américains où il sert surtout à la liturgie familiale ou de voisinage, employé occasionnellement avant la Seconde Guerre mondiale, entre autres par Fats Waller et Count Basie, l’orgue Hammond naît comme instrument soliste de jazz au début des années 1950 avec Wild Bill Davis, Milt Buckner et Jimmy Smith. C’est ce dernier qui le popularise, ici enregistré au club Small’s Paradise de New York, à Harlem, sur la 7e Avenue, en trio avec le guitariste Eddie McFadden et le batteur Donald Bailey. Les organistes qui suivront adopteront cette formule instrumentale et ne manqueront pas de s’inspirer du langage alors créé par Jimmy Smith, qui deviendra l’étalon du genre. Cette captation devant un public conquis (l’orgue Hammond dans un petit espace fait vibrer tout le corps de l’auditeur) est représentative de la période Blue Note de Jimmy Smith, bien que, contrairement à la plupart de ses autres albums de la même époque, le blues n’y soit pas prédominant. Par accident finalement bienheureux, le système de percussion de l’orgue ne fonctionnant pas ou étant désactivé, le son de son instrument est plus fluide, ce dont il tire parti avec brio : le solo ébouriffant de près de cinq minutes sur Indiana en donne une idée impressionnante. On découvre là Jimmy Smith dans ses grandes œuvres.

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LES DVD DU MOIS LES NOTES DE CLASSICA Coup de cœur +++++ Excellent ++++ Bon +++ Moyen ++ Décevant + Inutile +

116 Q CLASSICA / Avril 2018

WOLFGANG AMADEUS

MOZART (1756-1791)

+++++ Les Noces de Figaro Carlos Álvarez (Le Comte), Diana Damrau (La Comtesse), Golda Schultz (Susanna), Markus Werba (Figaro), Marianne Crebassa (Chérubin), Andrea Concetti (Bartolo/Antonio), Kresimir Spicer (Basilio/ Don Curzio), Anna Maria Chuiri (Marcellina), Chœurs et Orchestre de La Scala de Milan, dir. Franz Welser-Möst, mise en scène Frederic Wake-Walker C Major 2 DVD 743108. 2016. 3 h 34

Commentremplacerl’iconiqueproductionde Strehler?ÀMilan, Frederic Wake-Walker lui rend hommage enjouantuneformedeméta-théâtre, respectueux autant qu’irrévérencieux. Mais là où le charme de l’Italien passait, seul le jeu implacable de la machine Da Ponte ressort ici en majesté. De poésie, de rêverie, rien ne passe la rampe. On reste partagé entre une direction au cordeau, aux détails pétillants de mobilité, et des tics pour faire branché. Et, ici, les beaux décors d‘Antony McDonald sont sans cohérence. Welser-Möst dirige plutôt appuyé, l’orchestre prend son plaisir à cette battuedefaitassezlente.Leplateau s’ensort,lui,fortbien.LerelatifmanquedegravedubeauFigarodeWerba estsaseulefaiblesse.JolieSusanne deSchultz,quiévoqueBarbaraHendricks, superbe Comtesse de Damrau,malgréundébutde«Porgi, amor » scabreux, Comte d’Álvarez somptueux et Crebassa formidable engarnementturbulentplusqu’adolescent amoureux. Et un Spicer d’exceptionenBasileetCurzio.Vidéographie inchangée. Pierre Flinois

NICOLAÏ

RIMSKIKORSAKOV (1844-1908)

Le Coq d’or Pavlo Hunka (le Tsar Dodon), Alexey Dolgov (Le Prince Gvidon), Konstantin Shushakov (le Prince Afron), Alexander Vassiliev (le Général Polkan), Agnes Zwierko (Amelfa), Alexander Kravets (l’Astrologue), Venera Gimadieva (la Reine de Shemakha), Sheva Tehoval/ Sarah Demarthe (le Coq d’or), Chœurs et Orchestre de La Monnaie, dir. Alain Altinoglu, mise en scène Laurent Pelly Bel Air DVD BAC 147 BAC 447. 2016. 1 h 58

Diable de Laurent Pelly. Alors qu’on s’ennuyait ferme devant la captation récente de la production cautionnée par Valery Gergiev au Théâtre du Mariinsky (voir Classica n°194), voici que son Coq d’Or bruxellois paraît en vidéo pour nous faire retrouver un réel plaisir à ce brûlot prémonitoire et toujours actuel, où Rimski osait la critique implicite d’un régime tsariste à l’agonie. L’absurde, qui règne dans son ultime opus lyrique, aussi cruel et caustique qu’amusant, semble fait pour l’humour toujours délicat, maisravageurdumetteurenscène: rencontre heureuse. Car, avec lui, les princes déjantés, les boyards ridicules, les camionneuses soviétiques callipyges et tout ce peuple asservi jusque dans son mental et, finalement, dévasté ne sont pas là pourassénerlourdementlesleçons del‘Histoire,maispourservirlapoésie quasi onirique et pourtant si provocante d’un propos fidèle au conte qui, de Perrault à Pouchkine, nous dit toujours et encore de sombres vérités.

Posé sur un crassier de charbon, materné par une Amelfa rondouillarde, voici donc le Tsar Dodon, potentat fatigué en pyjama, régnant en son lit d’argent somptueux, qui sera char d’assaut pour son retour triomphal, dont les victimes seront exposées clair par le regard blafard et glaçant de ce peuple russe, et une immense photo dira qu’il est toujours la victime du jeu des puissants. L’univers visuel de Barbara de Limbourg est certes ici référencé (tour constructiviste effondrée, perspective moscovite ancienne en rideau froissé), mais déformé, tronqué, dans une réalité « brutale, absurde, rêveuse » d’une confondante efficacité, où Pelly joue de ses acteurs avec la virtuosité de la dérision. Ainsi portés à se surpasser, le Tsar balourd, mais manquant un peu de noirceur et de profondeur de Pavlo Hunka, le formidable Astrologue d’Alexander Kravets, débordant d’aigus, l’opulente Amelfa d’Agnes Zwierko, les deux princes bondissants et prétentieux d’Alexey Dolgov et de Konstantin Shushakov, parfaits godelureaux vocaux, le Coq délicieusement sonore de Sheva Tehoval, invisible – c’est Sarah Demarthe qui incarne sur scène un gallinacé jaune d’or irrésistible –, et enfin, la Reine de Shemakha enchanteresse de Venera Gimadieva, aussi ravissante de physique que de voix, rendant son fameux et virtuose « Hymne au soleil » telles les plus grandes, font une distribution de haut vol qui s’amuse autant qu’elle séduit. Coup de chance, ce Coq d’or est aussi l’acte fondateur d’une autre rencontre réussie, celle d‘Alain Altinoglu,entantquenouveaudirecteur musical,avecl’OrchestredeLaMonnaie, choix heureux s’il en est. Si la phalange n’a pas la superbe des forces russes, elle ne manque ici ni de piquant, ni de volupté, et rend parfaitement les mélismes et la rutilance de la partition, sans rien perdre du ton narquois requis, ni de l’esprit toujours russe de cette musique.Deplus,lacaptationaudio améliore franchement l’ambitus de l’orchestre que l’acoustique du palais de la Monnaie, lieu transitoire dont on ne gardera pas un souvenir ébloui, laminait quelque peu. Bref, c’est un enchantement, noir mais irrésistible, et la référence désormais en vidéo, la captation du joli spectacle japonisant signé Takashima et Nagano au Châtelet de 2002 ne pouvant lui non plus P. F. tenir la comparaison.

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118 Q CLASSICA / Avril 2018

Spécialisé dans le convertisseur haut de gamme, remarqué pour quelques réalisations exemplaires comme le Mojo (550 u) ou le Hugo TT (4195 u),le Britannique Chord présente le Hugo 2 conçu pour accompagner le mélomane exigeant dans sa quête d’absolu. De la taille d’un (petit) livre de poche, ce modèle peut fonctionner avec un smartphone, pour une utilisation nomade, ou un ordinateur, pour un emploi plus statique, soit par connexion avec prise microUSB, soit par Bluetooth. Dans son boîtier en aluminium, il enferme un circuit de conversion maison capable de traiter des signaux codés en 32 bits/ 768 kHz et en DSD 512 (plus de cinq cents fois la résolution du CD). Des diodes de couleur renseignent sur la nature du signal écouté, mais également

sur le niveau de charge de la batterie (autonomie de sept heuresannoncée), etunemolettepermet de régler le niveau de sortie. Une série de filtres ajustent la couleur sonore, et trois sorties analogiques (jack de 6,35 mm et de 3,5 mm pour le casque, RCA pour un amplificateur) complètent cette panoplie.

Écoute Plus de 2 000 u pour un appareil portable peut sembler totalement déraisonnable. Ça l’est. Mais le Chord n’a rien d’un modèle gros comme une clé USB qu’on glisse dans sa poche: il peut aussi bien fonctionner en usage mobile avec un casque qu’en mode domestique avec une chaîne hi-fi de

haut niveau. À nouveau, l e Hu g o 2 impressionne par le raffinement avec lequel il restitue la musique. Il permet en effet d’entendre les moindres variations de phrasé et de dynamique, notamment dans les nuances les plus faibles, là où se loge l’âme de la musique : le toucher d’un pianiste, le poids de l’archet d’un violon ou d’un violoncelle sur la corde, le vibrato d’une voix se perçoivent ainsi sans peine. Un équilibre tonal exemplaire, privé de toute coloration mais pas de couleurs, assure une transmission la plus neutre, c’est-à-dire la plus objective, du message, afin d’approcher au plus près les intentions des musiciens et de s’abandonner à la contemplation. Quand on s’appelle Hugo… X

TAGA THDA-200T Récemment distribuée en France, la marque polonaise Taga Harmony (To Achieve Glorious Acoustics) nous a déjà enthousiasmés avec le tout-en-un HTR-1000CD(470 u)etl’amplificateur intégré HTA-1200 (1 290 u), tous deux salués par un CHOC de Classica. À leur image, le THDA-200T recourt à la technologie du tube. Il n’apparaît pas aussi clairement que dans ces deux autres appareils ; a priori, il s’agit d’un simple boîtier noir carré en aluminium brossé. Il faut regarder sur un côté pour voir apparaître une lueur rouge caractéristique : une lampe 12AX7. Elle fonctionne en classe A avec des transistors, de façon à profiter du meilleur des deux technologies.Si la face avant n’arbore que la prise casque et le gros potentiomètre de volume, la face arrière

aligne un mini-port USB, pour relier une tablette, un smartphone ou un ordinateur, mais aussi un jeu de fiches RCA, pour une entrée analogique directe (la sortie d’un lecteur CD, par exemple) et une prise pour raccorder l’alimentation électrique externe. La conversion est assurée par un circuit Cirrus Logic de résolution 24 bits/192 kHz.

Écoute Certes, ce modèle n’est pas le plus complet: il ne dispose que d’une unique entrée numérique USB. Mais il a deux atouts : sa musicalité rayonnante et son prix très serré. L’association du transistor et du tube permet une restitution à la fois précise, dynamique et chaleureuse. La fameuse douceur du tube n’agit heureusement pas comme

un baume lénifiant qui finirait par rendre les musiciens apathiques. Les cordes et les voix sont ainsi magnifiques de plénitude chromatique et de richesse harmonique. L’aigu ne se montre jamais pointu, ce qui, pour une écoute au casque, préserve de la fatigue ou de la saturation. Et quand la musique exige des contrastes, de l’énergie (grave du piano, par exemple) et de l’aération (un orchestre), le Taga sait les lui offrir: l’écoute reste ainsi à la fois détaillée et chantante. X

Prix: 240 u Entrées numériques : 1 USB Dimensions (L x H x P) : 15 x 5 x 11,5 cm Poids: 850 g Finition: noire Origine: Pologne Distribution: Hamy Sound Tél.: 01 47 88 47 02 Pour: la douceur et l’énergie Contre : rien à ce prix Timbres: Transparence: Restitution spatiale: Finition: Rapport qualité/prix:

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RHA DACAMP L1 L’ e n t r e p r i s e écossaise RHA Technologies Limited est spécialisée dans les produits audio nomades de qualité. Elle propose ainsi des écouteurs intra-auriculaires, avec ou sans fil (Bluetooth), logés dans des coques en acier ou en céramique, et le présent Dacamp L1. De fabrication soignée et d’un design épuré, cet appareil dispose d’un circuit de conversion ESS Sabre par canal, de molettes de réglage de volume, de gain et de tonalité et d’entrées numériques, USB ou optique. Il se branche donc directement, via un cordon USB, à un smartphone, à une tablette, Android ou iOS, et à un ordinateur, PC ou Mac, pour en récupérer le signal numérique, le convertir et l’acheminer vers un casque

(sortie mini-jack ou miniXLR) ou une chaîne hi-fi via la sortie ligne (mini-jack). Le RHA accepte les signaux en 32 bits/384 kHz et en DSD 256 (11 et 28 MHz). La batterie assure une utilisation nomade et possède une autonomie de dix heures, selon le fabricant.

Écoute Voilà un modèle qui devrait convaincre les mélomanes. Convaincre plutôt que séduire. Le Dacamp ne cherche en effet jamais à enjoliver le

son, à faire tonner les basses, briller les aigus ou ronronner le médium. Pas de sourire enjôleur ni de sucre ajouté : c’est garanti sans colorant. Aussi quand la prise de son est un peu métallique, il y a fort à parier que les tympans soient agacés par quelques piqûres d’aiguille. De même, si le grave traîne, il ne sera pas ramassé. Mais quand le travail est bien fait, on se plaît parfaitement à cerner l’acoustique du lieu, à localiser chaque pupitre, à percevoir les différences de micros entre les instruments et la voix, à distinguer les superpositions de pistes. Une exigence professionnelle et un prix d’ami. Une très belle réussite. X

Prix: 399,95 u Entrées numériques : 1 optique, 1 USB Dimensions (L x H x P) : 11,8 x 2 x 7,3 cm Poids: 233 g Finition: noire Origine: Royaume-Uni Distribution: Sound & Colors – GT Audio Tél.: 01 45 72 77 20 Pour: une écoute très objective Contre : rien Timbres: Transparence: Restitution spatiale: Finition: Rapport qualité/prix:

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CLASSICA / Avril 2018 Q 119

LA HI-FI MOON 230HAD LeMooncumule les fonctions d’amplificateur pour casque, de convertisseur, mais aussi de préamplificateur. Il accompagnera donc un lecteur CD ou un réseau directement branché en numérique, un amplificateur intégré dépourvu de sortie casque ou un amplificateur de puissance. À une face sobre, où se côtoient le gros potentiomètre de volume, la petite touche de sélection d’entrées et quelques diodes

Prix: 799 u Entrées numériques: 2 coaxiales, 2 optiques, 1 XLR, 1 USB Dimensions (L x H x P) : 29,6 x 10,1 x 27,1 cm Poids: 6,3 kg Finition: grise Origine: Japon Distribution: Pioneer-Onkyo Europe Tél.: 01 84 88 47 12 Pour: la transparence et la qualité des timbres Contre : rien Timbres: Transparence: Restitution spatiale: Finition: Rapport qualité/prix:

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120 Q CLASSICA / Avril 2018

lumineuses, répond un panneau arrière encombré de prises en tout genre : entrée analogique, deux sorties analogiques, l’une variable, l’autre fixe, et quatre entrées numériques. Le Moon supporte les signaux en 32 bits/384 kHz et en DSD 256.

Écoute Le 230HAD s’inscrit dans la droite ligne esthétique du fabricant canadien. Malgré son origine américaine, il ne cherche pas le grand spectacle du son. Il se montre au contraire plus rigoureux que démonstratif : le grave reste toujours très bien tenu, jamais envahissant, et le médium évite les textures trop facilement onctueuses.On peut éventuellement imaginer une restitution spatiale un peu plus

Prix: 1650 u Entrées numériques: 2 coaxiales, 1 optique, 1 USB Dimensions (L x H x P) : 17,8 x 7,6 x 28 cm Poids: 2,8 kg Finition: noire ou grise Origine: Canada Distribution: PPL Tél.: 04 50 17 00 49 Pour: la fluidité musicale et les détails Contre: un très léger manque de profondeur Timbres: Transparence: Restitution spatiale: Finition: Rapport qualité/prix:

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ouverte, en profondeur notamment,mais on doit souligner la qualité de l’aigu qui sait éclairer mille détails sans jamais fatiguer. L’auditeur est au cœur de la musique. X

PIONEER U-05-S Avec son large écran, ses nombreuses prises casqueenfaçade, dont les rares XLR (une à quatre broches), le Pioneer arbore une incontestable allure d’appareil professionnel ; on l’imagine sans peine dans un studio. Il permet en effet de régler le volume sonore en deux paliers, le second permettant de s’ajuster au mieux au caractère du casque. S’y ajoutent deux niveaux de gain. L’espace de la face arrière se montre tout aussi occupé et aligne pas moins de six entrées numériques et sorties analogiques. Les huit circuits Sabre

PRO-JECT HEAD BOX S2 DIGITAL On pourrait le glisser dans sa poche, mais ce modèle n’a rien d’un baladeur : il se branche sur le secteur via un transformateur externe. En façade se superposent deux rangées de diodes lumineuses : la première indique l’entrée sélectionnée, la seconde le filtre utilisé. Le convertisseur sait traiter des signaux en 32 bits/ 768 kHz et en DSD 256.

Écoute Malgré son format mini, le Head Box S2 Digital aime les grands espaces, les spectres larges, les belles échelles dynamiques. Très réactif, toujours sur le qui-vive, il garantit des écoutes stimulantes. On peut sans doute imaginer un aigu encore un peu plus raffiné, mais il n’a rien de métallique ni de vinaigré. Cette boule de nerfs a de quoi enthousiasmer plus d’un mélomane. X

acceptent des signaux jusqu’en 24 bits/384 kHz et en DSD 128. Le poids de l’appareil laisse deviner une importante alimentation électrique.

Écoute Pioneer a montré à plusieurs reprises qu’il savait produire des casques de très haut niveau, tel le SE-Master 1. Aussi ne s’étonnera-t-on pas de découvrir des qualités semblables d’objectivité, de clarté, de rapidité et d’équilibre tonal à l’écoute de cet amplificateur. Ses nombreux réglages permettent de profiter au maximum des qualités de chaque casque et de disposer d’une restitution musicale à la fois très détaillée, mais jamais figée ni asséchée. Le grave se déploie avec une grande aisance, tout en restant sous contrôle (piano, orchestre), et l’aigu ne brille jamais d’une lumière artificielle. X

Prix: 279 u Entrées numériques: 1 coaxiale, 1 optique, 1 USB Dimensions (L x H x P) : 10,3 x 3,7 x 12 cm Poids: 366 g Finition: noire ou grise Origine: Autriche Distribution: Audio Marketing Services Tél.: 01 55 09 55 50 Pour: de l’air, de l’énergie Contre: très léger manque de soyeux Timbres: Transparence: Restitution spatiale: Finition: Rapport qualité/prix:

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« L’impossible rendu possible »

LA MAISON DE LA HIFI 4, rue Matheron 13100 AIX-EN-PROVENCE Tél : 04 42 26 25 37 www.lamaisondelahii.fr

PLAY IMAGE ET SON 88, allée Jean Jaurès 31000 TOULOUSE Tél : 05 62 73 53 63 www.playhii.fr

HIFI 35 7, rue des Fossés 35000 RENNES Tél : 02 23 20 54 23 www.hii35.com

L’AUDIOPHILE 33, avenue de Grammont 37000 TOURS Tél : 02 47 05 61 19 www.hii-tours.com

PRÉSENCE AUDIO CONSEIL 10, rue des Filles du Calvaire 75003 PARIS Tél : 01 44 54 50 50 www.presence-audio.com

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LA HI-FI I NOUVEAUTÉS

Écoute de studio odèleunique,échappé de toute gamme existante, la nouvelle Studio de Monitor Audio profite cependant des innovations technologiques développées par le constructeur anglais sur ses différentes autres séries. Cette enceinte compacte réunit ainsi deux haut-parleurs de 10 cm de diamètre inspirés par son modèle phare, la Platinum PL500 II. Ceux-ci sont protégés par un coffret en aluminium moulé et s’appuient sur le panneau arrière par une tige métallique, de façon à assurer une rigidité maximale à l’ensemble. Les haut-parleurs adoptent une structure composite en sandwich dans laquelle se glisse un matériau en nid d’abeille. La membrane avant est composée d’alliage d’aluminium et de magnésium

plissée capable d’atteindre des fréquences très aiguës. De façon à équilibrer les pressions à l’intérieur du coffrage, deux évents, l’un en haut, l’autre en bas, sont percés. Le filtre choisit des composants de haute qualité, tels que des condensateurs à film polypropylène et des inducteurs à air laminés en acier, et se connecte à un bornier plaqué en rhodium. Monitor Audio propose un pied spécifique à 500 u la paire. X

M

recouvertdecéramique.Lamembrane arrière, elle, emploie la fibre de carbone tissé. Entre ces deux transducteurs s’installe un tweeter à membrane

Prix: 1300 u la paire Rendement: 86 dB Dimensions (H x L x P): 34 x 15,7 x 36,1 cm Poids: NC Origine: Royaume-Uni Distribution: PPL Tél.: 0450170049

Balade de luxe i l’écoute nomade de la musiquedepuisunsmartphone est devenue la règle, elle doit cependant composer avec les limites technologiques de l’appareil. Les amateurs de haute-fidélité, possesseurs d’un casque de qualité, peuvent espérer franchir le mur du son. Existent, pour ce faire, des baladeurs numériques capables de lire des fichiers audio en haute définition.LePioneerXDP-02U est ainsi équipé de deux convertisseurs et amplificateurs ESS Sabre pour assurer une restitution optimale.

S

Il dispose d’une traditionnelle sortie casque de 3,5 mm de diamètre, mais également d’une prise jack classique de 2,5 mm à quatre pôles : elle propose deux modes de restitution, BTL (privilégiant la puissance de sortie) et ACG (contrôle de gain automatique favorisant la stabilité du signal)

pour s’adapter à tous les styles d’écoute. Le baladeur supporte les fichiers codés en DSD jusqu’à 5,6 MHz, en MQA (MasterQualityAuthenticated), et en 32 bits/192 kHz. Sa capacité de stockage de 16 Go peut être étendue grâce à deux cartes micro SD de 256 Go chacune. Il est aussi possible d’écouter la musique en streaming en se connectant à une large palette d’appareils via les technologies wi-fi et Bluetooth intégrées. La gestion s’effectue à partir d’un large écran tactile.L’autonomie annoncée du Pio-neer est de quinze heures. X

Prix: 349 u • Dimensions (L x H x P): 9,4 x 6 x 1,5 cm • Finition: rose, blanche ou bleu marine Origine: Japon • Distribution: Pioneer-Onkyo Europe • Tél.: 0184884712 122 Q CLASSICA / Avril 2018

Centrale à musique

C

’est un disque épais de 7 cm qui, comme son nom l’indique,ademultiplesfonctions. Le Music Center d'Elipson comprendainsiunamplificateurstéréophonique, un lecteur de CD (chargement motorisé par une fente) et untunerFMRDSetDAB.Équipédu Bluetoothapt-Xpourunetransmission à distance depuis une tablette ou un smartphone, cet appareil aligneaussi unebatteriede connexions, qui permettent d’ajouter un caisson de grave, un amplificateur depuissancesupplémentaire(sortie préamplificateur), un casque, unecléUSB(fichierMP3ouautres), deux entrées analogiques par prises RCA (serveur multimédia, téléviseur),unetroisièmeparminifiche jack (baladeur), une entrée numérique optique (téléviseur, décodeur,satellite,consoledejeux). LemoduleChromecastinclusoffre uneconnexionenwi-fipourécouter de la musique en streaming. Et c’estavecunetélécommande,très bien conçue, que l’on peut piloter cette centrale à musique. X

Prix: 999 u Puissance: 2 x 120 W/ 4 Ohms Entrées analogiques: 2 RCA, 1 mini-jack Entrées optiques: 1 optique, 1 USB Sortie casque: oui Dimensions (D x H): 33 x 7, 3 cm Poids: 3,8 kg Finition: noire Origine: France Distribution: AV Industry Tél.: 0805696304

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Au doigt et à la parole quipé d’un large écran tactile de 16,3 cm de diagonale, le nouvel autoradio XAV-AX205DB de Sony permet de regarder des DVD (sans doute pas en conduisant), de profiter d’un tuner FM RDS et DAB comme du Bluetooth, mais aussi de disposer de toutes les informations, notamment les contacts, rangées dans un smartphone. Ainsi, simplement en appuyant

E

sur une unique touche,on peut commander vocalement l’appel d’un correspondant ou l’envoi d’un SMS. Il est bien évidemment possible d’utiliser les cartes de navigation et autres plans pour s’orienter comme d’afficher les images captées par la ou les caméras pour faciliter des manœuvres délicates. Une amplification à quatre canaux assure un rayonnement musical optimal dans l’habitacle de l’automobile et une diffusion sur les trois dimensions, hauteur comprise. X

PRISE DE SON DU MOIS

Prix: 600 u Dimensions (L x H x P): 17,8 x 10,2 x 16,8 cm Origine: Japon Distribution: Sony France www.sony.fr

GIOVANNI FELICE SANCES Dialoghi Amorosi Hanna Al-Bender, Deborah Cachet, Reinoud Van Mechelen Nicolas Achten, Scherzi Musicali Ricercar RIC 385

n quatuor vocal et quelques cordes, pincées (harpe, chitarrone, guitare, clavecin) ou frottées (basse de viole, lirone) : cette œuvre, qui balance entre monodie ornée et opéra, a besoin d’espace pour déployer ses sortilèges et laisser ses timbres capiteux s’emparer de l’auditeur. Installé dans l’église Sainte-Agnès du béguinage de SaintTrond, en Belgique, décidément propice à la musique avec son plafond de bois en carène de navire, l’excellent ensemble Scherzi Musicali (CHOC dans ce numéro, p. 88) bénéficie d’une prise de son exemplaire de naturel. Les micros sont placés à une distance idéale des musiciens, c’est-à-dire pas trop près, pour profiter de leurs couleurs, de leurs nuances et de la dynamique dans une acoustique favorable. Comme au concert. X

U

124 Q CLASSICA / Avril 2018

LE TEST

AMPLIFICATEUR

MCINTOSH MA252

M

arque légendaire de la haute-fidélité, reconnue pour ses appareils à tubes,McIntosh présente son premier amplificateur hybride. Hybride, c’est-à-dire qu’ilassociedestubes,enl’occurrence deux 12AX7 et deux 12AT7 dans le circuit de préamplification, à des transistors : les premiers assurent une grande palette de couleurs, les seconds la netteté du trait. Derrière leur grille de protection, les quatre tubes s’illuminent et se dressent, tel un portique, devant l’imposant bloc métallique noir, orné d’un écran de contrôle OLED et d’ailettes de refroidissement. À l’arrière se disposent les entrées analogiques, dont une pour platine tourne-disque et une autre en prises XLR, les sorties pour enceintes et un caisson de basses. La télécommande permet de nommer chacune des entrées et de gérer la tonalité et la balance.

Écoute Manifestement, l’union entre tubes et transistors est appelée à durer. La combinaison des caractères des deux composants permet en effet d’accéder à une restitution musicale à la fois détaillée et fluide, chaleureuse et maîtrisée.Le spectre se montre en effet très équilibré, sans l’excès de coloration auquel peuvent s’abandonner certains amplificateurs à tubes, ni la discipline desséchante de certains modèles à transistors. Le violon file ainsi librement dans l’aigu, sans s’encombrer d’un grave qui pourrait être celui d’un alto. Le contour et le timbre de chaque instrument sont parfaitement respectés, et les chanteurs laissent leur voix s’épanouir avec

CLASSICA HI-FI

une rare spontanéité. Adepte des phrasés souples et d’un lyrisme continu, le McIntosh MA252 sait aussi faire preuve d’autorité (tenue du grave, rapidité des attaques, énergie du rythme) et de dynamisme pour mieux servir la musique.Ce mariage de la carpe et du lapin constitue un mets de choix. X Prix: 4990 u Puissance: 2 x 100 W Entrées analogiques: 4 dont 1 XLR et 1 phono Sortie casque: oui Télécommande: oui Dimensions: (L x H x P): 30,5 x 19,4 x 44,7 cm Poids: 12,7 kg Finition: noire et argentée Origine: États-Unis Distribution: Europe Audio Diffusion Tél.: 0386330109 Pour: la plénitude musicale, la vitalité Contre: rien Timbres: ++++ Transparence: ++++ Restitution spatiale:++++ Finition: ++++ Rapport qualité/prix: ++++

NOUVELLE RÉFÉRENCE

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Studio est le résultat du mariage entre élégance et savoir-faire reconnu mondialement. Son design moderne et les technologies empruntées à Platinum II font de Studio une enceinte réellement unique.

L’Exception Musicale 㑷㑹㑸㑳㒄㑹㒂㑥㒅㑨㑳㑹㑰㒂 3ʛɿ ©©ȊȎ©ȏȊ©ȋȑ©ȊȊ©Ȏȓ©©©©©©g©©©©©©ʊʊʊ

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LA HI-FI I NOUVEAUTÉS

Service cinq étoiles

oon Labs a développé un logiciel, appelé Roon, destiné à gérer sa bibliothèque numérique multimédia. L’entreprise newyorkaise propose désormais deux serveurs audio, Nucleus et Nucleus Plus, qui intègrent

R

un ordinateur et qui doivent en exploiter au mieux les possibilités. Il suffit de les connecter au réseau ou, via USB, à un DAC. Ceux-ci permettront alors de piloter l’ensemble des appareils compatibles avec la marque américaine, pour

une utilisation en multiroom, en affectant, si on le souhaite, un DSP ou un suréchantillonnage à une zone d’écoute. Il est possible d’installer dans le Nucleus un disque dur interne, d’ajouter un disque dur USB externe ou de conserver sa musique sur un NAS. Bien que d’esthétiques rigoureusementidentiques,leNucleus et le Nucleus Plus se distinguent par leurs caractéristiques techniques. Le second offre une mémoire interne (128 Go SSD) et une RAM (8 Go) deux fois supérieures, et utilise un processeur différent. Comme son apparence le laisse supposer, le boîtier a été conçu de façon à dissiper la chaleur sans recourir à un ventilateur à l’intérieur, ce qui assure un silence absolu. X

Prix Nucleus: 1800 u • Prix Nucleus Plus: 2990 u • Dimensions (L x H x P): 21,2 x 7,4 x 15,6 cm Poids: 2,5 kg • Origine: États-Unis • Distribution: PPL • Tél.: 0450170049

Nouveaux horizons près avoir renouvelé sa prestigieuse gamme 800 en 2016, le célèbre fabricant Bowers & Wilkins décline ses innovations technologiques sur la 700 qui prend ainsi le relais de la série CM. Celle-ci comprend trois enceintes compactes (dont la 705, CHOC de Classica), trois colonnes (702, 703 et 704), deux enceintes centrales et un caisson de basses.Si les lignes n’ont pas changé, il semble qu’il ne reste aucun composant du passé. Une des modifications les plus visibles est le remplacement des membranes de haut-parleurs de médium en Kevlar, alors reconnaissables à leur couleur

A

Prix 702 S2: 3 998 u la paire Prix704 S2: 2 398 u la paire Prix 705 S2: 2 198 u la paire Finition: noire, blanche ou bois de rose Origine: Royaume-Uni Distribution: Bowers & Wilkins Group France Tél.: 0437461500

126 Q CLASSICA / Avril 2018

jaune, par des membranes en Continuum, matériau composite tressé, de finition noire. Le tweeter, appelé Carbon Dome, est censé proposer des performances supérieures à celle du double dôme en aluminium et peut atteindre des fréquences très élevées (mais inaudibles) pour offrir une image plus précise et plus détaillée. Conçu selon le principe Nautilus propre à B&W, le tweeter de la 705 et de la 702 est en dehors du coffrage de l’enceinte, installé dans un tube fuselé en aluminium qui le préserve des vibrations. La finition, extrêmement soignée, s’accorde avec une décoration contemporaine. X

Triangle au cube

D

eux nouveaux caissons de basses viennent enrichir la production de Triangle : leThetis 380 et le Tales 400, tous deux conçus pour gagner de la puissance imposante sans perdre de la vitesse de réaction. Le premier se situe en haut de la gamme et utilise, pour reproduire des fréquences très basses (jusqu’à

20 Hz, indique le constructeur), un haut-parleur à membrane en alliage de cellulose et de carbone. Il propose une entrée analogique RCA, une entrée LFE (Low Frequency Effects : le canal réservé aux basses), des entrées et sorties pour enceintes ainsi que le réglage de la fréquence de coupure, du volume et de la phase. Le Tales 400 donne accès à la marque française. Également doté d’un haut-parleur de 30 cm, il permet les mêmes réglages que le Thetis. X Prix Thetis 380: 1200 u Prix Tales 400: 500 u Dimensions Thetis (L x H x P): 38 x 42 x 38 cm Poids: 19,1 kg Dimensions Tales (L x H x P): 39,3 x 40,8 x 43,4 cm Poids: 11,5 kg Finition: noire ou blanche Origine: France Distribution: Triangle Tél.: 0323753820

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Cochez les CD que vous commandez dans la liste ci-dessous. Les CHOCS NOUVEAUTÉS CD DEGOUT, STÉPHANE : ENFERS p.78 1047164S 27,92 € U

FAURÉ, GABRIEL: TREIZE BARCAROLLES (LES) p.87 1039025A 27,92 € U

BÖHM, KARL : COMPLETE VOCAL RECORDINGS DEUTSCHE GRAMMOPHON p.97 1044519A 280,32 € U

BOESMANS, PHILIPPE : PINOCCHIO p.80 1046807A 60,88 € U

SANCES, GIOVANNI FELICE : DIALOGHI AMOROSI p.88 1041962A 27,71 € U

MOZART, WOLFGANG AMADEUS : CLEMENZA DI TITO p.97 1040565A 34,37 € U

SCHUMANN,ROBERT: SONATASAND ROMANCES FOR VIOLINAND PIANO p.82 1049573A 24,64 € U

MAHLER, GUSTAV : MAHLER : SYMPHONIE N°7 p.89 1045443V 28,99 € U

BERNSTEIN, LEONARD : MASS p.84 1049486A 33,14 € U

BACH, WILHELM FRIEDEMANN : INTÉGRALE OEUVRE POUR CLAVECIN p.85 1028670A 35,23 € U DEBUSSY, CLAUDE: PRÉLUDES II ; EN BLANC ET NOIR p.86 1046839A 24,23 € U

128 Q CLASSICA / Avril 2018

Les CHOCS NOUVEAUTÉS DVD WARSHINGTON : FUNÉRAILLES DE LOUIS XIV (LES) p.78 124987AS 28,01 € U

LES CHOCS, RÉÉDITIONS CD JUILLIARD STRING QUARTET: COMPLETE EPIC RECORDINGS (THE) p.94 1045463A 48,31 € U

MOZART, WOLFGANG AMADEUS : COSI FAN TUTTE p.97 1044718A 32,20 € U JUROWSKI, VLADIMIR : INTÉGRALE DES SYMPHONIES p.98 1039807A 89,79 € U BERNSTEIN,LEONARD : COMPLRECORDINGS DEUTSCHE GRAM & DECCA p.101 1046838A 528,41 € U JOYCE, EILEEN : COMPLETE STUDIO RECORDINGS (THE) p.109 1045281A 54,77 € U

Sous-Total (1)

Références

Pages

ABRAHAMSEN, HANS : QUATUORS À CORDES N°1 À 4

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p.90

28,78 €

ADAMEK, ONDREJ : SINUOUS VOICES

1 0 4 67 7 7 A

p.90

2 7, 7 1 €

ALKAN, CH. VALENTIN : CONCERTOS CHAMBRE - OEUVRES POUR PIANO

103 9 8 47 A

p.90

24, 9 1 €

BACH, JEAN-SÉBASTIEN : FAMOUS ORGAN WORKS

1046508A

p.91

1 8, 2 8 €

ComPositeurs, Œuvres

Prix

LES CD DE A À Z

BACH, JEAN SEBASTIEN : SONATES POUR FLUTE ET CLAVECIN

10 4 378 4 A

p.91

2 7, 9 2 €

BACH, JEAN-SÉBASTIEN : CONSOLATIO : CANTATES BWV 22,75 & 127

10 4 875 8 A

p.91

2 7, 9 2 €

BACH, JEAN-SÉBASTIEN : BRANDENBURGISCHE KONZERTE

1040088A

p.91

8 , 9 4€

BARTOK, BÉLA : CONCERTOS POUR VIOLON N°1 & 2

1048002A

p.92

26,83 €

BAX, ARNOLD : CONCERTOS POUR VIOLONCELLE

920932A

p.92

24,53 €

BEETHOVEN, LUDWIG VAN : OEUVRES COMPL VIOLONCELLE PIANO

103 5 6 2 5 A

p.92

2 7, 9 2 €

BERLIOZ, HECTOR : NUITS D'ETE (LES) & LA MORT DE CLÉOPATRE

1 0 4 5 7 14 A

p.92

2 7, 7 1 €

BLISS, SIR ARTHUR : BEATITUDES ; INTRODUCTION AND ALLEGRO

1044526V

p.93

24,64 €

BLOCH, ERNEST : BLOCH : SONATES POUR VIOLON ET PIANO

10 473 3 9 A

p.93

2 6, 2 1 €

BRAHMS, JOHANNES : OEUVRES POUR VIOLONCELLE ET PIANO

1038087A

p.95

25,28 €

BRAHMS, JOHANNES : 2 SONATES POUR PIANO ET VIOLONCELLE

1035007A

p.95

1 9, 3 3 €

BRAHMS, JOHANNES : DEUX SONATES POUR VIOLONCELLE ET PIANO

1 0 4 1 9 47 A

p.95

2 7, 8 4 €

BRAHMS, JOHANNES : SONG OF DESTINY : WORKS CHOIR - ORCHESTRA

1041269A

p.96

24,53 €

CHOPIN, FRÉDÉRIC : LOUIS LORTIE PLAYS CHOPIN : VOL.5

1034993A

p.96

24,64 €

CHOPIN, FRÉDÉRIC : MAZURKAS

1041392A

p.96

4 2 ,74 €

CHOSTAKOVITCH, DIMITRI : GADFLY - TAON : COMPL ORIG 1955

1041259A

p.96

1 2 ,0 5 €

DEBUSSY, CLAUDE : DEBUSSY : LE CENTENAIRE

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DEBUSSY, CLAUDE : PRÉLUDES - CHILDREN'S CORNER

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DEBUSSY, CLAUDE : ETUDES

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DEBUSSY, CLAUDE : PIANO MUSIC : VOL.5

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BLOCH, ERNEST : SCHELOMO - KLID 'SILENT WOODS DE DVORAK'

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DYSON, GEORGE : CHORAL SYMPHONY ; ST PAUL'S VOYAGE TO MELITA

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FRANCK, CÉSAR : QUATUOR À CORDES ; QUINTETTE POUR PIANO

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GADE, NIELS WILHELM : COMALA, OP.12 : DRAMATIC POEM

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GLASS, PHILIPP : STRING QUARTETS 6 & 7

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HENZE, HANS-WERNER : LIEDER VON EINER INSEL

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HOMILIUS, GOTTFRIED-AUGUST : INTÉGRAL DES CHORALS POUR ORGUE

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JARRELL, MICHAEL : ...MAIS LES IMAGES RESTENT...

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LANGGAARD, RUED : 18 SONGS

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MAHLER, GUSTAV : SYMPHONIE N°9

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MOZART, WOLFGANG AMADEUS : CONC 10, 12, 13 TRANSCRIPT HARPE

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NIELSEN, CARL : SYMPHONY N°3 ET N°4

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RACHMANINOV, SERGE : 24 PRÉLUDES

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RAUTAVAARA, EINOJUHANI : WORKS FOR CELLO AND PIANO

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TRIO NUORI : TRIO NUORI

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SATIE, ERIK : COMPLETE PIANO WORKS : VOL.2

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SCHNITTKE, ALFRED : ALFRED SCHNITTKE : REQUIEM

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SCHUBERT, FRANZ : TRUITE (LA) ; FANTAISIE EN UT MAJEUR

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SCHUBERT, FRANZ : SYMPHONIE N°8

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WAGNER, RICHARD : OPERA ARIAS FROM WAGNER OPERAS

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FAURÉ, GABRIEL : BEAU SOIR : WORKS FOR VIOLIN & PIANO

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FAURÉ, GABRIEL : HORIZONS

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DAVIES, IESTYN : LOST IS MY QUIET

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CLASSICA / Avril 2018 Q 129

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130 Q CLASSICA / Avril 2018

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