Asac Transformation Final

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  • Pages: 10
ASAC 1997 St. John’s, Newfoundland

Albert Lejeune Lise Préfontaine Département des sciences administratives Université du Québec à Montréal Line Ricard Département de marketing École des Hautes Études Commerciales

QU’EST-CE QUE LA TRANSFORMATION DES ENTREPRISES?1

Une réflexion multidisciplinaire sur la transformation des organisations est présentée et un cadre conceptuel proposé. Cette transformation s’appuie principalement sur les concepts d’innovation, de compétence et de relation avec le client ou approche relationnelle. De plus, elle se réalise dans un contexte de déploiement massif de la technologie de l’information.

Introduction

Qu’est-ce que la transformation des entreprises? Un nouveau buzzword ou une réalité nouvelle? Est-ce seulement un élan plus fondamental que la réingénierie et l’approche qualité pour repenser les organisations? Comment en juger alors que le mot transformation désigne actuellement tout aussi bien le phénomène de réinvention de l’entreprise que des projets de réingénierie et des programmes d’élimination massive de postes (downsizing), des projets de création de valeur et de préparation à la déréglementation dans le cadre de l’ALENA, au Canada et au Québec? Ainsi HydroQuébec tout comme Bell Canada et les grandes banques canadiennes mettent en oeuvre des projets de transformation d’entreprise. Pourquoi parler de transformation et pas de changement ou de réingénierie ? Pour deux raisons. Tout d’abord parce que la transformation est comportementale et sociale: elle touche au comportement même des individus, aux liens entre supérieurs et subordonnés, aux interactions entre les salariés et aux relations avec les clients (Blumenthal et Haspeslagh, 1994). La transformation menée et réussie par les bons élèves du management - IKEA, ABB, Intel, GE, Corning...- a permis de transformer des unités économiques en institutions sociales (Bartlett et Ghoshal, 1994) suivant en cela les observations de Selznick (1957). Ensuite parce que la transformation est totale, c’est la naissance d’une nouvelle configuration de stratégie-structure (Miller et Friesen, 1984) ou plutôt la naissance dans le vocabulaire des années 1990 - d’une nouvelle configuration de projet d’entreprise (purpose), de personnes et de processus (Bartlett et Ghoshal, 1995c). 1

Les auteurs remercient le Fonds pour la Formation de Chercheurs et l’Aide d’Aide à la Recherche pour leur support à ce projet de recherche.

Nous proposons dans cet article une réflexion multidisciplinaire sur la transformation des organisations qui s’appuie à la fois sur les domaines de la stratégie, de la gestion de la technologie et des systèmes d’information, de la gestion des ressources humaines et du marketing. Comment allonsnous aborder ce phénomène complexe? D’abord en définissant le concept de transformation des organisations et en commentant le but et le défi de la transformation qui est l’innovation sur les produits, les processus et les relations avec les clients. Ensuite nous analysons le contexte de la technologie de l’information qui vient à la fois fournir des outils et des leviers tout en posant des obstacles à la gestion par processus et à la cohésion sociale. Nous arrivons ensuite au coeur de notre article qui consiste en la présentation d’un modèle de la transformation composé de quatre axes qui sont autant de paradoxes: Positionnement stratégique et/ou projet d’entreprise? Structures et/ou personnes? Systèmes et/ou processus? Approche transactionnelle et/ou relationnelle avec les clients? Enfin, nous discutons le processus de la transformation, souvent basée sur la pratique maîtrisée du conflit, et nous concluons.

La transformation des organisations La transformation des organisations se définit par un ensemble de changements inhabituels, tant par leur ampleur que par leur étendue, que doit effectuer l’entreprise qui est confrontée et menacée par de nouvelles formes de compétition (Moore, 1996) et/ou occasions d’affaires ou par un environnement en décroissance. L’enjeu de cette transformation est de renouer avec la croissance et la performance en créant des alignements nouveaux entre la firme et ses partenaires, principalement avec ses clients. L’atteinte de cet objectif passe d’abord par une restructuration des compétences de base reliées aux produits et services et par le déploiement de compétences nouvelles. Le plus souvent, cette transformation se réalise dans un contexte de déploiement massif de la technologie de l’information qui vise une réduction des coûts, la création d’avantages concurrentiels ou la mise en place et le support d’un réseau intra et interfirme (Venkatraman, 1990). La transformation exige ainsi une redéfinition de la mission ou projet d’entreprise qui se traduira par une plus grande focalisation sur les attentes du client (Day, 1990), sur les compétences de base (Hamel et Prahalad, 1994) et sur l’efficience des processus d’affaires (Hammer et Champy, 1993). Dans le phénomène de transformation, il y a invariance d’échelle, c’est à dire que la transformation peut s’observer au niveau des individus comme au niveau du changement global de la configuration organisationnelle. Ou, comme le proposent Blumenthal et Haspeslagh (1994), il y a au moins trois types de transformation: la transformation des opérations; la transformation stratégique (par exemple de nouvelles compétences pour rencontrer des occasions d’affaires) et la redéfinition de l’entreprise ou self-renewal. L’enjeu central : des compétences pour l’innovation L’entreprise innovatrice cherche découvrir de nouveaux moyens de satisfaire sa clientèle et, par ses activités de veille environnementale, elle est constamment à l’affût des changements technologiques et/ou concurrentiels susceptibles d’affecter sa compétitivité. Elle est réceptive aux nouveaux projets et n’hésite pas à redéfinir ses compétences de base même si cette action rend parfois désuets les acquis accumulés (Imai et al., 1985). Cette entreprise mise sur ses activités de R-D pour développer de nouvelles connaissances et sur des projets de collaboration interfirmes pour acquérir et compléter celles-ci. Mais tout particulièrement, cette entreprise investit dans ses employés qui sont la source de la création des connaissances; elle favorise la formation, la valorisation des connaissances et surtout, la mise en place d’un climat organisationnel favorable à l’apprentissage et à la créativité (Lefebvre et al., 1997).

Car si la transformation de l’organisation passe nécessairement par le déploiement de nouvelles compétences, encore faut-il que l’entreprise ait inventorié ses compétences actuelles. Le projet d’entreprise ne peut s’articuler qu’à partir d’un noyau de compétences de base qui confèrent à la firme son caractère distinctif (Hamel et Prahalad, 1994). Ces compétences de base reposent ellesmêmes sur des compétences organisationnelles ou savoir-faire institutionnalisés (March, 1991) qui se traduisent dans les méthodes de travail, les mécanismes de gestion, le climat organisationnel, la structure et la culture de l’entreprise. Mais surtout, il faut miser sur les compétences individuelles de employés qu’il faut continuellement mettre à niveau soit par le transfert de connaissances et de savoirfaire externes, soit encore par la formation. L’entreprise doit également fournir un climat organisationnel favorable à l’apprentissage et à la créativité (Garvin, 1993). Cette créativité favorisera la recherche de solutions d’affaires innovatrices aux divers problèmes de l’entreprise, particulièrement ceux qui ont trait à la gestion de la relation avec le client. Le contexte général: le déploiement massif de la technologie de l’information La technologie de l’information (TI) forme un contexte que produit et qui produit l’organisation (Zuboff, 1991; Giddens, 1990; Barrett et al., 1996). Elle n’est pas seulement un levier, une source d’avantage concurrentiel (Porter et Millar, 1985), elle est le plus souvent imposée à un secteur industriel et les investissements se font le plus souvent en mode de rattrapage que d’innovation. Ce nouveau contexte exige de la haute direction une vision à long terme de l’infrastructure, la planification serrée d’applications et l’établissement d’un partenariat entre affaires et systèmes. L’état de transformation des organisations exige une réflexion nouvelle sur l’arrimage des infrastructures d’affaires (clients, produits, marchés, technologies) et de la TI (plates-formes matérielles, logicielles et de communication) ainsi que sur l’arrimage des architectures d’affaires (processus et stratégie) et de la technologie de l’information (choix des applications) (Henderson et Venkatraman, 1993). Il s’agit pour les entreprises de décider des attributs de leur infrastructure de la TI en termes de capacité de manoeuvre, étendue géographique et éventail de services et en fonction de leur projet d’entreprise ou intention stratégique projetée dans le futur. L’organisation qui investit massivement dans la technologie (plus de 50 % des investissements industriels sont des investissements en technologie de l'information) doit revoir ses processus et modèles d’évaluation ainsi que ses pratiques de planification (Parker, 1996). L’organisation doit mettre en place les systèmes d’évaluation et de planification qui lui permettent d’investir dans des capacités stratégiques (Baldwin et Clark, 1994). Ainsi la stratégie, les opérations, la comptabilité et la technologie doivent marcher main dans la main. Il s’agit maintenant de planifier pour la transformation (voir Business Week, 1996) dans un contexte économique où les règles du jeu changent continuellement. La technologie de l’information offre un potentiel capital pour l’organisation en transformation. Berry (1995) propose d’emblée sept applications pour soutenir l’approche relationnelle en marketing. À titre d’exemple, l’automatisation de la cueillette d’informations sur le client permet de colliger dans un site unique, les renseignements nécessaires sur celui-ci de façon à lui offrir un service adapté à ses besoins. Grâce à la technologie de l’information et plus spécifiquement aux télécommunications, l’entreprise peut également multiplier ses points de service, maintenir une interface avec le client unifiée et lui offrir en tout temps et en tout lieu un service personnalisé et de qualité: tout ce qu’exige une approche relationnelle en marketing. En résumé, la technologie de

l'information automatise l’interface avec les clients et maintient l’information nécessaire à la relation avec le client. La TI offre également de multiples possibilités en production : la conception de processus d’affaires innovateurs passe nécessairement par l’automatisation et/ou l’informatisation des activités de logistique et de fabrication. Par exemple, l’échange de documents informatisés (É.D.I.) altère le cycle des transactions entre clients et fournisseurs et les nouveaux automatismes industriels transforment les procédés de fabrication et les automatisent. La technologie de l’information joue également un rôle important en rendant l’information accessible à tous et sous toutes ses formes: voix, données, textes, images fixes, images vidéo. La TI peut contribuer ainsi à l’automatisation du processus de conception de nouveaux produits, notamment à l’aide de la conception assistée par ordinateur. Soulignons enfin l’apport récent des entrepôts de données qui pourraient contribuer à une véritable démocratisation de la prise de décision en facilitant l’accès à l’information, son analyse, sa représentation et son partage. La TI peut ainsi faciliter la définition et la réalisation d’un projet commun en créant entre les membres d’une organisation, une véritable «communauté virtuelle» via les réseaux locaux et étendus ou les intranets.

Un modèle de la transformation des organisations Le modèle proposé s’inspire largement du cadre conceptuel de Bartlett et Goshal (1994; 1995a,b,c) qui suggèrent trois axes de transformation : de la stratégie au projet d’entreprise (purpose), de la structure aux personnes et des systèmes aux processus. Nous proposons l’ajout d’un quatrième axe qui représente le passage d’une vision privilégiant les produits et services vers une approche centrée sur le client (voir figure 1). En fait, cet ajout s’avère très pertinent et en accord avec plusieurs tendances actuelles telles la qualité totale et l’approche relationnelle qui mettent le client au cœur de la stratégie. Ceci explique aussi l’intégration du client à la vison de l’entreprise. Nous passons en revue chacun de ces quatre axes en commençant par la gauche de la figure 1. Les quatre axes du modèle de base Vision stratégique : positionnement ou projet d’entreprise. Dans l’entreprise en transformation, les processus sont menés par des personnes qui poursuivent avec ardeur et cohésion un projet d’entreprise. Dans l’ancienne configuration, on mettait en place des systèmes qui soutenaient des structures chargées d’exécuter la stratégie. Hamel (1996) voit la stratégie comme une révolution sociale qui concerne chaque membre de l’entreprise: « Anyone can be a strategy activist ». Dans cette mesure, il s’oppose à Porter (1980, 1985) et aux tenants de son école qui ont conceptualisé la stratégie essentiellement comme positionnement. Il y aurait ainsi pour une entreprise une position particulière au sein d’un secteur industriel, un lieu où elle exploite au mieux ses forces et les forces du secteur. L’école de la stratégie basée sur les ressources, les compétences (Leonard-Barton, 1995), les capacités (Stalk et al., 1992) ou la révolution (Hamel, 1996) a pris le relais.

Figure 1 Modèle de la transformation des organisations Projet d’entreprise

Stratégie

C o m p é t e n c e s

Positionnement

Approche relationnelle

Personnes

Processus

Clients

Conflits Technologie de l’information Structure

Systèmes

Produits/Services

Systèmes d’information

Approche transactionnelle

Pour Bartlett et Ghoshal (1994), c’est le projet d’entreprise qui est la vraie stratégie: parce qu’il inspire de dépassement et de mobilisation des ressources, particulièrement des ressources humaines. Ce débat entre projet d’entreprise (purpose) et positionnement est à peine esquissé ici. Mais nous devons convenir avec Mintzberg (1994), Hamel et beaucoup d’autres que la planification stratégique n’est pas ou n’est plus stratégique. Par contre, la mobilisation des intelligences et l’engagement des salariés est stratégique. Un pointeur se déplaçant sur l’axe stratégie-projet d’entreprise (voir figure 1) permet pour une organisation donnée, de juger de l’ampleur de la transformation réalisée ou à réaliser sur cet axe. Cet axe implique une redéfinition de la mission, de la culture et des valeurs de l’entreprise pour refléter l’importance accordée au client. Le respect du client externe implique nécessairement une valorisation du client interne, l’employé, sans lequel une approche relationnelle n’est pas possible (Berry, 1995). Parmi les indicateurs qui permettraient à un gestionnaire de positionner son entreprise et d’orienter les changements à réaliser, nous pourrions suggérer les suivants : La mission de notre entreprise traduit-elle l’importance accordée au client ? Les mécanismes de communication permettent-ils à l’ensemble des employés de l’entreprise sa connaître la mission ? Le capital humain est-il privilégié autant que le capital financier ? Le leadership s’exerce-t-il sous la forme d’un entrepreneurship ? Les relations entre dirigeants et subalternes sont-elles basées sur le pouvoir ou sur la confiance? Notre entreprise a-t-elle identifié ou défini son domaine d’excellence distinctif ? Management stratégique: entre les structures et les personnes. La réduction drastique du nombre de postes (citons les banques, Bell, Nynex, Hydro...) ou downsizing et l’élimination de pans entiers de l’organisation transforme les structures. Du côté des personnes, les gestionnaires parlent d’éthique, d’apprentissage, de collaboration et de coopération: ils parlent de transformation sociale. Ils tentent de bâtir un contexte organisationnel - ou comportemental - qui facilite la cohésion dans l’action, la confiance et la créativité (Nonaka et Takeuchi, 1995; Bartlett et Ghoshal, 1995). Il est question aussi de personnaliser les relations avec les clients. Certaines entreprises semblent s’appuyer nettement sur les personnes, source essentielle de création de la valeur - plutôt que sur des structures. C’est le cas

des entreprises qui créent de la connaissance, des entreprises qui regroupent un grand nombre de travailleurs intellectuels ou, d’après l’usage américain, de travailleurs de la connaissance (Davenport et al., 1996). Ces personnes doivent pouvoir socialiser pour partager et expliciter leur savoir. Le travail en équipe et un contexte organisationnel adéquat permet alors la transformation de l’entreprise. Les indices de cette transformation pourraient être: le ratio de professionnels sur le nombre total d’employés, l’importance des activités conduites par projet; le nombre de brevets déposés, le temps de développement d’un nouveau produit, le pourcentage du chiffre d’affaires qui provient de produits ou services inexistants deux années plus tôt; la rémunération par équipe, etc. On le voit: sur cet axe structures-personnes, la transformation est également paradoxale. Comment justifier des mises à pied massives et faire croire aux personnes qu’elles sont la vraie richesse de l’entreprise? Le débat continue; l’idée même de dowsizing se transforme: on veut éviter de défaire les équipes gagnantes, de casser les réseaux informels par lesquels chemine l’innovation, on veut éviter de perdre la capacité d’innover (The Economist, 1996). On jugera de la transformation, à l’aide d’un pointeur, sur l’axe structure-personne à partir de l’importance accordée à l’apprentissage et aux mécanismes de gestion du savoir. Ainsi, diverses activités telles la R-D, la formation, la veille technologique et commerciale et les alliances contribuent à la création, au transfert et au renouvellement des connaissances et des compétences autant individuelles qu’organisationnelles, et ce, avec un support important de la technologie de l’information (Préfontaine, 1997). La TI supportera la responsabilisation des personnes en leur fournissant l’accès à une information de qualité mais facilitera également le traitement de cette information et ce, de façon conviviale grâce aux entrepôts de données, aux intranets avec leurs agents de recherche et aux systèmes à base de connaissances. La technologie favorisera également le travail de groupe avec des collecticiels et des systèmes de communication tels les réseaux locaux ou étendus pour le courrier électronique ou l’échange de fichiers. Processus stratégiques : le frein des systèmes établis. Historiquement, les systèmes de contrôle, d’information, de logistique, de production sont conçus pour spécialiser le travail et le diviser en tâches parcellaires. Les systèmes d’information en sont l’exemple typique en alimentant la haute direction en information de contrôle plutôt que de servir à faciliter la résolution de problèmes, là où les problèmes se posent dans l’organisation. L’idée de processus - la vision horizontale - s’impose depuis le début des années 90 (Hammer, 1990), avec un souci essentiel: servir le client avec de performances phénoménales en terme de coûts, de délai et de qualité. La transformation des organisations peut encore une fois faire l’objet d’une évaluation sur cet axe. Quel est le niveau d’intégration des processus d’affaires et de l’infrastructure technologique? Quelle est l’évolution en terme de coûts, délais et qualité? Comment, paradoxalement, les systèmes établis empêchent-ils la réalisation d’une entreprise dite horizontale? L’axe systèmes-processus réfère au changement au niveau de l’organisation du travail. L’entreprise qui a adopté un programme de qualité totale, celle qui a amorcé la réingénierie de ses processus d’affaires ou qui a entrepris des activités d’étalonnage de ses procédés en comparaison des meilleures pratiques de l’industrie, pourra considérer avoir amorcé un changement significatif. L’automatisation et/ou l’informatisation de processus tels la conception de produits, la fabrication ou de l’interface avec le client constituent également des indices de la progression de l’entreprise sur cet axe.

L’orientation client : l’approche relationnelle. L’axe central de cette transformation est celui du passage d’une orientation axée sur les produits et services vers une approche dite relationnelle, c’està-dire centrée sur le client. Il s’agit pour l’entreprise de délaisser l’approche transactionnelle où l’effort vise à multiplier le nombre de transactions pour chercher à rentabiliser dans le temps, chacune des relations avec le client. Cet axe est au coeur même de la transformation puisqu’il implique une vision qui articule ces nouvelles valeurs au projet de l’entreprise. Une approche relationnelle se traduit en premier lieu par la mise en place d’une culture client, l’élaboration d’un climat de confiance et l’existence de mécanismes favorisant une meilleure connaissance (Ricard et Perrien, 1997). Pour favoriser une culture client et un climat de confiance, il devient impératif de revoir la mission de l’entreprise qui doit être orientée vers la satisfaction des besoins des clients. Il faut aussi s’assurer que les politiques de l’entreprise permettent aux employés d’être relationnels plutôt que transactionnels. Ainsi, l’évaluation de la performance des employés basée uniquement sur des critères de volume de transactions ou de nouveaux clients va à l’encontre de la philosophie même d’une approche relationnelle qui suppose plutôt l’approfondissement de la relation avec les clients actuels grâce entre autres à la vente croisée (vente de plusieurs produits à un client). Tout ceci suppose évidemment un changement de compétences puisque le responsable de la relation n’est alors plus un vendeur mais plutôt un conseiller. Une meilleure connaissance du client exige aussi le développement de mécanismes de cueillette d’information sur les clients. L’automatisation de ces mécanismes assure la régularité, la disponibilité et la pertinence des informations.

La dynamique du modèle: le lien crucial entre conflit et apprentissage

L’apprentissage permet à la transformation de se réaliser. Améliorer le processus de développement de nouveaux produits, démarrer de nouveaux cycles de vie de produits, mettre en place une production dite flexible et mettre en oeuvre le potentiel de la technologie de l'information sont autant d’innovations organisationnelles qui vont transformer l’entreprise. Ces apprentissages variés sont largement tributaires des capacités d’échange entre les membres des équipes de travail. L’encouragement et la coordination de ces interactions sont la marque de commerce des organisations intelligentes alors que le déploiement massif de la technologie de l'information risque d’altérer les liens sociaux et peut générer de nouveaux mécanismes de désintégration sociale. L’apprentissage sous-tend tout processus de transformation organisationnelle. Il permet de rester à la pointe en terme de technologie et de nouvelles pratiques de gestion. Si l’apprentissage est la caractéristique clé par laquelle les firmes accumulent du savoir-faire et de la technologie pour mener la compétition, l’apprentissage - parce qu’il résulte d’interactions dynamiques - est corollaire de conflit (Dodgson, 1993; Pascale, 1990). L’entreprise en transformation connaît une tension créatrice entre l’exploration et l’exploitation; entre l’innovation et la recherche de la productivité; entre le changement et la force de l’expérience. Le conflit, l’opposition et la dissonance (Burgelman et Grove, 1996) peuvent s’analyser sur les quatre axes de notre modèle. Entre formulation et mobilisation sur l’axe de la stratégie; entre les personnes et les structures sur le deuxième axe; entre les systèmes fonctionnels et les processus horizontaux; entre l’approche transactionnelle et l’approche relationnelle. À partir du moment où un

leader pose la question ´Que voulons-nous créer?», question qui donne le signal de la transformation (Senge, 1990), les conflits vont éclater, même si l’objectif de croissance et les produits retenus font consensus. La transformation implique donc un rejet de certaines façons de faire, de penser et de décider. Celui-ci ne peut donc s’opérer sans crises (Hurst, 1995), sans conflits, sans destruction créatrice (Abernathy et Clark, 1985) ou sans désapprentissage (Imai et al., 1985). Ainsi, la redéfinition du projet d’entreprise impliquera vraisemblablement des oppositions, des jeux de pouvoir entre factions ne partageant pas la même vision. Les systèmes établis pour le contrôle et la production dans un contexte hiérarchique agiront comme freins à la libre circulation de l’information et à son partage, condition nécessaire à l’habilitation des personnes et à la valorisation des connaissances. L’adoption d’une approche par processus nécessite une vision horizontale de l’entreprise alors que tout, les structures et la division du travail et même les systèmes d’information, concourt à fragmenter et à spécialiser le travail. L’approche relationnelle elle-même suggère de servir le client au moindre coût, en lui offrant dans les délais les plus restreints un produit ou service personnalisé et de qualité. Cette offre est-elle possible sans automatisation et informatisation à outrance, sans réduction drastique du nombre de postes? Et comment dès lors concilier tous ces changements avec la création d’une véritable communauté (Garvin, 1993)? La cohésion et la confiance sont-elles possibles dans un climat d’insécurité (Kumar, 1996)? La marque de l’entreprise en transformation c’est de vivre dans un état permanent de déséquilibre, dans un questionnement sans relâche des produits, des processus et de la performance; dans la recherche d’une vision holistique de l’entreprise et de sa transformation; dans l’acceptation du conflit. Car le conflit est aussi renouvellement des énergies et élaboration d’un contexte et d’un climat qui rendent le changement possible. Pour Pascale (1990), la définition opérationnelle de la vraie transformation, c’est le changement continu des valeurs, des comportements et des processus organisationnels. Quand cette transformation a lieu, les salariés vont toujours admettre ceci: « Cette place (ce bureau, cette usine) est complètement différente; il y a vraiment un fossé entre ce que nous sommes aujourd’hui et ce que nous étions avant ».

Conclusion Nous n’avons abordé ici que quelques-uns des grands paradoxes que devront élucider les entreprises en transformation. Il ne s’agit à vrai dire, ni d’une problématique purement du ressort de la stratégie, du marketing, de la gestion des ressources humaines ou du domaine des technologies et systèmes d’information. Le cadre conceptuel proposé se veut plutôt un outil d’intégration de diverses perspectives adoptées par des chercheurs qui partagent un intérêt commun, celui de la gestion des organisations. L’essai d’identification de repères sur chacun des axes de transformation démontre, nous le croyons, tout le potentiel de ce modèle en tant qu’outil de gestion et de recherche. On peut raisonnablement penser que la transformation est un changement de configuration. Le gestionnaire, comme l'observateur externe, doit confirmer des changements majeurs sur les quatre axes du modèle (voir figure 1) pour s'assurer d'un changement de configuration (voir Miller et Friesen, 1984). Les échecs nombreux de la réingénierie et des programmes de qualité totale pourraient s'expliquer ainsi: ce sont

des changements partiels sur un seul des quatre axes. A eux seuls, ils ne constituent pas un saut suffisant pour la transformation de la configuration organisationnelle. Le déploiement de la technologie de l’information constitue un des enjeux majeurs de la transformation des organisations. Puisque l’expérience passée a démontré que les investissement en technologie de l'information ne se traduisent pas nécessairement en bénéfices pour l’entreprise, quelles sont les compétences à mettre en place pour retirer tous les avantages possibles de l’adoption de nouvelles technologies informatiques ? On peut également se questionner sur l’impact d’une informatisation poussée sur les personnes et particulièrement sur les clients. L’automatisation des processus d’affaires et l’avènement de marchés virtuels pourraient dépersonnaliser les relations d’affaires et dans plusieurs cas, même les éliminer. Comment dès lors garder un client, conserver un employé motivé ? On peut également se questionner sur la nature des compétences à mettre en place pour gérer le changement de configuration. Miller (1992) soulignait à juste titre la difficulté pour l’entreprise de réaliser à la fois un alignement externe avec son environnement et un alignement interne centré sur l’efficience des activités de production et de gestion. De plus, comme les compétences se définissent en tant qu’actifs intangibles (Nonaka et Takeuchi, 1995), elles sont difficiles à identifier et à évaluer. Tout au plus pouvons-nous baser nos recherches sur leurs manifestations. Le modèle proposé suscite donc de nombreuses questions. À l’échelle de la société occidentale et même mondiale, la mise en œuvre de solutions basées sur la technologie de l'information pour réduire les coûts et accroître la flexibilité transforme - pas toujours pour un mieux - les individus et les organisations. La transformation issue de la technologie de l’information engendre les équipes, les organisations et les communautés virtuelles aux frontières floues: c’est la banque, le centre de recherche ou le marché virtuels. Comment innover, développer des compétences nouvelles, et exploiter les investissements en technologie de l'information? Seule la maîtrise de la transformation organisationnelle peut apporter une réponse.

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