Ecrans Wikip�dia se trompe � tous vents Web. Des �tudiants de Sciences-Po ont r�alis� une enqu�te minutieuse sur l�encyclop�die en ligne. Par FR�D�RIQUE ROUSSEL, FR�D�RIQUE ROUSSEL QUOTIDIEN : lundi 9 juillet 2007 36 r�actions �En 2001, Pierre Assouline a remport� le championnat de France de jeu de paume.� Voil� un troph�e qui d�tonne dans le pedigree de l��crivain et ancien r�dacteur en chef du magazine Lire. Mais la phrase, pioch�e sur Wikip�dia, est en r�alit� l��uvre de cinq �tudiants du master de journalisme de Sciences-Po (1), qui souhaitaient voir � quel point il �tait possible de vandaliser les notices de l�encyclop�die en ligne, et combien de temps le d�tournement pouvait perdurer. Trop longtemps � leur go�t. Ainsi, la �confession catholique�, malicieusement accol�e par leurs soins � l�Anglican Tony Blair le 2 mai 2007 � 10h14, est rest�e en ligne plusieurs semaines. Cheval de Troie. Ce jeu du cheval de Troie fait partie d�une longue enqu�te que ces �tudiants ont r�alis�e sur Wikip�dia, et qui alimente les controverses sur sa fiabilit�. Comment ont-ils eu l�id�e de s�attaquer � cette pieuvre qui grossit depuis sa naissance, en janvier 2001 ? C�est leur professeur lui-m�me qui leur a sugg�r� cette piste. Egalement blogueur �m�rite ( La R�publique des livres), Pierre Assouline a d�j� eu maille � partir avec les �Wikip�diens�. Dans un post intitul� L�affaire Wikip�dia, dat� du 9 janvier 2007, il avait critiqu� le manque d�objectivit� de l�article sur l�affaire Dreyfus. Depuis, il y a eu de s�v�res passes d�armes entre �Wikip�diens� et Assouline. �En d�but d�ann�e, j�ai eu des �changes assez vifs avec des �tudiants qui n��taient pas du tout d�accord avec plusieurs de mes billets sur le sujet, explique Pierre Assouline. J�ai pens� que cela valait le coup de faire ce qu�aucun journal n�a fait jusqu�� pr�sent : plusieurs mois d�enqu�te � plusieurs pour d�monter le m�canisme.� L�enqu�te de 67 pages, intitul�e La r�volution Wikip�dia, les encyclop�dies vontelles mourir?, enfonce le clou sur l�utilisation croissante par les jeunes g�n�rations de ce site, qui compte plus de sept millions d�articles : �Ce sont bien les syst�mes de tous les pays occidentaux qui sont affect�s par le d�veloppement et la g�n�ralisation de Wikip�dia aupr�s des �l�ves.� L�enqu�te met les points sur les �i�. Notamment � propos d�un article de la revue Nature de d�cembre 2005, qui comparait 42 articles scientifiques de Wikip�dia et de l�encyclop�die Britannica. Celui-ci montrait que la premi�re �tait largement aussi bien faite que la seconde. �Cette enqu�te est cit�e en r�f�rence dans les m�dias pour preuve de la fiabilit� de Wikip�dia, alors qu�elle ne peut pas �tre repr�sentative�, explique B�atrice Roman-Amat, l�une des auteurs de La r�volution Wikip�dia. Nature n�a en effet choisi que des articles scientifiques pointus, le domaine o� Wikip�dia est la meilleure. La cyber-encyclop�die demeure plus discutable dans d�autres sph�res susceptibles de manipulation ou de vandalisme : �Dans des domaines sensibles comme l�histoire ou la politique, on assiste souvent � des guerres id�ologiques [.].� Nature, d�sireuse de comparer des articles de m�me taille, en a m�me coup� certains, originaires de Britannica ! L�enqu�te de Nature �souffre d�un manque de rigueur � de multiples niveaux�. Et pan pour Nature ! Affabulateurs. Les principaux poisons de l�encyclop�die en ligne sont les affabulateurs, ceux qui s�amusent � ins�rer des erreurs. Cas exemplaire, cit� par le travail des �tudiants de Sciences-Po, celui de John Seigenthaler, journaliste am�ricain � la retraite. Il a d�couvert un jour sur Wikip�dia qu�il avait �t� suspect� d�avoir pris part � l��laboration des attentats contre les Kennedy, et qu�il aurait v�cu treize ans en Union sovi�tique ! L��normit� est rest�e en ligne durant cent trente-deux jours. Certaines notices ressortent plus joliment du registre po�tique, comme celle sur l�imaginaire �le de Porchesia, supprim�e le 30 septembre 2006. �Car Wikip�dia [.], c�est aussi un immense espace de cr�ation, o� la supercherie devient parfois po�sie�, notent les auteurs.
Les �tudiants sont all�s interroger les homologues papier, qu�on imagine terroris�s. Chez Larousse et Quid, le malaise est perceptible, mais on s�affirme confiant. �Ils laissent plus de place � la culture populaire, sur toute une s�rie de sujets, et �a peut aller des ours en peluche aux �missions de t�l�r�alit�. Des sujets absents des encyclop�dies traditionnelles�, d�crypte ainsi Yves Garnier de Larousse. Avec sa croissance d�mesur�e, Wikip�dia ne sera bient�t plus contr�lable, taclent les encyclop�dies papier, qui disent peaufiner leur contreattaque. Pas grand-chose ne filtre, sinon que Larousse pr�pare un projet sur Internet pour la rentr�e. �Work in progress�. L�historien Raymond Trousson, biographe de Diderot, �tablit une nette distinction entre encyclop�die collaborative et encyclop�die tout court : �Wikip�dia, c�est du work in progress , en construction permanente, ce qui est la meilleure et la pire des choses, tandis que la base m�me de l�Encyclop�die de Diderot, c�est l�organisation du savoir.� C�est donc son absence de principe organisateur clair qui est �galement reproch�e � Wikip�dia, comme sa manie d�accumuler sur des sujets moins importants que d�autres (50 % de plus sur Nouvelle star que sur Jacques Delors), et sa propension � h�berger de la propagande. Conclusion, cet outil incontournable qu�est devenue Wikip�dia n�cessite de �former les jeunes � un usage raisonn� et raisonnable�. Jean-No�l Lafargue, professeur d�arts plastiques � l�universit� Paris-VIII de Saint-Denis et administrateur de Wikip�dia France, est un mod�le du genre. Depuis trois ans, il note ses �tudiants sur leurs contributions � la cyber-encyclop�die dans le domaine de l�art contemporain. Son s�minaire s�appelle �enrichissement de l�encyclop�die Wikip�dia�. (1) Pierre Gourdain, Florence O�Kelly, B�atrice Roman-Amat, Delphine Soulas, Tassilo von Droste zu H�lshoff