Partage et piratage : le peer est avenir LEMONDE.FR | 02.12.06 | 11h47 � Mis � jour le 04.12.06 | 11h14 La r�cente condamnation de plusieurs adeptes des r�seaux d'�change par le tribunal de Rennes relance une nouvelle fois la question : la r�pression est-elle vraiment efficace contre une utilisation ill�gale du peer to peer ? Plusieurs faisceaux, qui mettent en avant des baisses de fr�quentation, semblent le confirmer depuis quelques mois, sans comptabiliser toutefois les nouveaux outils et r�seaux crypt�s ou non identifiables.
Le peer to peer, encore confidentiel il y a quelques ann�es, est peu � peu devenu l'une des applications les plus utilis�es � mesure que les d�bits ont augment� et que les logiciels se sont simplifi�s. Les majors et autres ayants droit, qui voyaient l� une source importante de fuites de leurs produits et de pertes de gains, ont donc milit� pour une r�glementation s�v�re afin d'enrayer le ph�nom�ne. La loi Dadvsi, source de longs d�bats et controverses, a install� � de force � un cadre l�gal autour du t�l�chargement et de la gestion des droits num�riques. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et principal promoteur de cette loi, assurait alors que "la prison pour l'internaute [c'�tait] termin� !". Pourtant toutes les condamnations �nonc�es ces derni�res semaines r�clament des amendes plus ou moins importantes, mais sont �galement parfois assorties de prison avec sursis. La r�pression est donc toujours de mise pour faire changer ces habitudes maintenant install�es et r�duire l'activit� d'�changes ill�gaux, avec force publicit� autour des proc�s de "petits t�l�chargeurs anonymes". LES R�SEAUX D'�CHANGE SERAIENT MOINS VISIT�S Les diff�rentes mises en garde des majors et l'adoption tr�s m�diatis�e de la loi Dadvsi d�but ao�t 2006 ont eu une r�elle influence sur la fr�quentation des r�seaux de peer to peer. Slyck et Ratiatium, deux sites sp�cialis�s dans le partage et les �changes, constatent cette baisse d'engouement depuis 2004, qui culminerait selon eux autour des 10 millions d'utilisateurs en mars 2006. Effectivement, l'innovation en la mati�re � tendance � ralentir. Plus de sortie de nouveaux protocoles ni de programmes de partage, les anciens logiciels phares tels Kazaa ou eDonkey sont contraints d'arr�ter leur activit� par la RIAA (Recording Industry Association of America) et laissent progressivement la place � des versions open-source, donc inattaquables, comme eMule ou les d�riv�s de LimeWire. Mais cette influence ne va peut-�tre pas dans le sens que l'on croit. Paradoxalement, en France, c'est � la suite de l'adoption de la loi Dadvsi que l'engouement pour les r�seaux de partage est remont�. L'UPFI (Union des producteurs phonographiques fran�ais ind�pendants) estimait, en septembre, que 98 % de la musique t�l�charg�e �tait ill�gale : plut�t que de se passer de musiques ou films gratuits, les internautes se sont sp�cialis�s, perfectionn�s et se tournent maintenant vers des techniques et r�seaux plus souterrains, plus furtifs. On assiste � la mont�e en puissance aupr�s du grand public de technologies et protocoles d�j� anciens mais jusqu'alors plut�t r�serv�s aux passionn�s comme BitTorrent et Usenet, mais aussi de nouveaux venus comme Share qui b�n�ficie d'un protocole � la fois anonyme, s�curis� et crypt�. BITTORRENT: LE PEER EST PARTOUT La mont�e en puissance du syst�me de distribution BitTorrent incite donc les d�veloppeurs � f�d�rer leurs outils en cr�ant des "tout en un" : LimeWire et Ares Galaxy prennent d�sormais en charge BitTorrent. Les navigateurs Op�ra et Firefox (gr�ce � une extension sp�cifique) incluent �galement un client compatible. De son
c�t�, la start-up BitTorrent Inc. cr��e par Bram Cohen, son inventeur, essaie de reprendre la main sur son syst�me d'�change : gr�ce � des accords sign�s avec plusieurs studios am�ricains (Fox, MTV, Paramount ou Warner), sortira en f�vrier 2007 une plate-forme de t�l�chargement payante directement int�gr�e dans plusieurs p�riph�riques (magn�toscopes num�riques, routeurs Wi-Fi ou encore serveurs et disques durs multim�dias de salon), permettant de s'affranchir de l'ordinateur pour t�l�charger des contenus, forc�ment l�gaux. Ipoque, qui analyse le trafic des principaux fournisseurs d'acc�s en Allemagne, estime, dans une �tude parue en octobre, que plus de la moiti� du trafic en peer to peer se ferait au travers de BitTorrent (53 %), loin devant eDonkey (43 %). En t�te des t�l�chargements, les vid�os, avec plus de 71 % des �changes totaux. Le trafic, bien qu'impossible � mesurer pr�cis�ment, donne une id�e de cette activit� souterraine, qui, de communautaire, s'est peu � peu g�n�ralis�e au grand public. POUR VIVRE HEUREUX, SURFONS CACH� On assiste donc, c�t� d�veloppeurs de syst�mes de partage, � une surench�re s�curitaire. La derni�re version d'eMule, le plus utilis� des logiciels de peer to peer, int�gre maintenant un syst�me de brouillage, qui emp�che la d�tection de trafic peer to peer dans les routeurs de nos fournisseurs d'acc�s. Venu du Japon, le logiciel Share est, quant � lui, un bon compromis entre facilit� d'utilisation et anonymat. Simple et rapide, il masque l'adresse IP et les donn�es transf�r�es. Mais l'initiative la plus �tonnante vient de Su�de, o� la soci�t� Relakks s'est sp�cialis�e dans le masquage d'adresses IP, permettant de surfer cach� contre 5 euros par mois, � l'image des r�seaux anonymes crypt�s comme Freenet , Gnunet ou I2P, encore confidentiels, mais gratuits et en plein devenir. Les industries du disque et du cin�ma, apr�s plusieurs campagnes de sensibilisation mettant notamment en sc�ne des artistes connus, continuent donc les pressions pour plus de r�pression. L'internaute, lui, s'adapte et transforme de plus en plus rapidement ses habitudes pour continuer � b�n�ficier de ces contenus, faisant fi des �ventuelles sanctions p�nales qu'il encourt. De plus en plus d'�changes se font �galement "au grand jour", sur des sites de partage de vid�os et de musique : les plus connus sont pour la vid�o YouTube ou Dailymotion et pour la musique Pandora ou Last.fm. On assiste donc � une mutualisation l�gale et � grande �chelle des contenus, � l'image d'un Radio.Blog.Club ou de The Hype Machine, qui rendent disponibles les centaines de milliers de morceaux mp3 propos�s en �coute sur les blogs. La solution pour les majors serait donc peut�tre dans ce contr�le de la diffusion via des r�seaux "autoris�s".