Politis Nu Pas Kadou

  • April 2020
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Agriculture Les damnés de la terre

I Semaine du 19 au 25 février 2009 I n°1040 I

GUADELOUPE, MARTINIQUE, RÉUNION

M 03461 - 1040 - F: 3,00 E

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NOU PA DAKÒ !

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SOCIAL Sarkozy ne lâche rien

ISRAËL À quoi sert le Parti travailliste ?

IDÉES Les trois vies de Madeleine Rebérioux

SOMMAIRE LILIAN THURAM L’ÉVÉNEMENT

CULTURE CINÉMA. « Z32 »,

GUADELOUPE

TACK/AFP

« Un processus préinsurrectionnel.»

d’Avi Mograbi. Page 22 LITTÉRATURE. « Prenez l’avion », de Denis Lachaud. Page 23

BANDE DESSINÉE.

Pages 4 et 5

« Alpha… directions », de Jens Harder. Page 24

POLITIQUE ANALYSE.

La crise prend de l’ampleur. Pages 6 et 7

MÉDIAS TÉLÉVISION.

« Les Enfants de M’Bour », de Daniel Grandclément. Page 25

SOCIAL SOMMET SOCIAL.

Sarkozy discute, mais ne lâche rien. Pages 8 et 9

IDÉES/DÉBATS

À CONTRE-COURANT.

ESSAI.

« Une autre “relance” est possible », par Jean Gadrey.

« Vive la République ! », de Madeleine Rebérioux.

Page 9

Pages 26 et 27

SOCIÉTÉ

DE BONNE HUMEUR.

SANTÉ. Le dossier médical en réanimation. Pages 12 et 13

La chronique de Sébastien Fontenelle. Page 29

ÉCOLOGIE

RÉSISTANCES

SYLVICULTURE. Le requiem de forêts. Page 14

ENVIRONNEMENT. Flins ne roule pas pour la F1. Page 30

MONDE

LE POINT DE VUE DES LECTEURS

ISRAËL. Entretien avec Zeev Sternhell : « À quoi sert

Pages 32 à 34

le Parti travailliste ? » Page 16 Une : Julien Tack/AFP

DOSSIER

AGRICULTURE

MULLER/AFP

NUMÉRO SPÉCIAL

Les exemplaires de ce numéro adressé à nos abonnés incluent un encart des éditions Yves Michel.

Les nouveaux damnés de la terre. Entretien avec Patrick Herman. « Un modèle aberrant », par José Bové. Pages 18 à 21

Crise sociale, financière et écologique 2003-2008 six années d’analyses économiques

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ÉDITORIAL PAR DENIS SIEFFERT

La hantise de la contagion

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Voilà bien la braise incandescente sur laquelle agit un gouvernement qui n’a plus guère de marge de manœuvre.

es conflits sociaux ne sont pas seulement affaire d’arithmétique. Il y entre une bonne part de psychologie. Sans la décision d’un recteur de faire donner les CRS dans la Sorbonne, un certain 3 mai 1968, le cours de l’histoire eût peut-être été changé. La Guadeloupe a failli, lundi, connaître cet événement contingent qui décuple d’un coup la colère des peuples. Cette bourde politique qui embrase un pays. Alors que neuf barrages dressés par les grévistes étaient démantelés par les policiers, une quarantaine de manifestants ont été encerclés et, bientôt, interpellés. Cela pour « entrave à la circulation ». Un délit, assurément ! Mais nous ne sommes pas en temps normal. Au reste, si nous l’étions, personne ne songerait à dresser des barricades. Dans une situation quasi insurrectionnelle, comme celle que connaît ces jours-ci la Guadeloupe, le curseur du droit et celui de la justice se déplacent rapidement. Les manifestants aussi parlent de droits bafoués. Ils parlent de pillage économique, d’injustice, d’exploitation ou de « pwofitasyon », comme il est dit dans cette langue savoureuse qui touche au cœur. Les infractions dont ils se sentent victimes, et depuis des décennies, sont d’une autre gravité et d’une autre profondeur que celles qu’on leur reproche aujourd’hui, sur la voie publique.

Il faut croire qu’à Paris quelque autorité éclairée a tout de même flairé la faute, puisque le soir même les quarante manifestants interpellés étaient relâchés. Mais voilà bien la braise incandescente sur laquelle agit un gouvernement qui n’a plus guère de marge de manœuvre et qui, à tout instant, peut connaître la tentation de la canonnière. Plus vite et plus brutalement sans doute dans ces lointaines contrées que dans nos villes dites métropolitaines… Faute de réponse économique et politique, les mauvaises occasions de commettre l’irréparable ne

manqueront pas au cours des jours à venir. D’autant que le malaise se répand en Martinique, en Guyane et à la Réunion. Ce n’est pas la géographie qui réunit ces peuples de la mer des Caraïbes et de l’océan Indien, mais bien l’histoire. Une commune histoire coloniale qui tient en ces quelques chiffres : la Réunion a connu en 2007 le taux de chômage record de 25,2 % ; suivie de près par la Guadeloupe, 25 %, la Martinique, 22,1 %, et la Guyane, 21 %. Premières victimes de cette monstrueuse « infraction au droit » – le droit au travail –, les jeunes. Ils sont plus de 55 % à être sans emploi en Martinique. Que va dire Nicolas Sarkozy aux élus des DOMTOM qu’il doit recevoir jeudi ? Le gouvernement s’est enfoncé lui-même en effectuant un dangereux pas de clerc. Après avoir laissé entendre qu’il agirait directement en faveur des deux cents euros d’augmentation pour les bas salaires demandés par les Guadeloupéens, il s’est rétracté pour les renvoyer à une impossible négociation entre le Collectif anti-exploitation (LKP) et le patronat local.

mêmes caractéristiques, à la fois dérisoires par les budgets annoncés, et destinées à ne servir qu’une fois. Voyons la mesure la plus spectaculaire. À supposer qu’il supprime cette année la fameuse « première tranche » de l’impôt sur le revenu, le gouvernement ferait grâce de 334 euros à une catégorie de population en grave difficulté économique. Ce qui n’est certes jamais négligeable. Mais il le ferait une fois. Et, au passage, il oublierait les catégories inférieures ; celles qui ne sont pas même imposables. Or, le mouvement social qui se développe aujourd’hui ne demande pas l’aumône. Il est né de la crise économique. C’est-à-dire dans un grand moment de vérité qui met à nu tous les déséquilibres de nos sociétés. Ce mouvement a donc une forte composante politique parce qu’il voit que des masses colossales d’argent existent.

Nous avons tous pris la mesure des transferts qui se font depuis trente ans aux dépens des salaires. Oui, la crise est systémique. Et, à sa façon, ce mouvement social porte en lui la critique du système. C’est une autre répartition des richesses qu’il faut. Cela ne passe pas par la Et puis, il y a la hantise d’une contagion transformation du salarié en tout petit en métropole, où la situation est certes actionnaire, comme le suggère Nicolas moins explosive, mais où tout pourrait Sarkozy. Cela passe par les salaires, ou aussi basculer rapidement. Là encore, il plus généralement par du pouvoir faudrait une bourde. Elle n’est jamais à exclure. Et il n’y a pas que les CRS ou leur d’achat. Cela pourrait passer par de la ministre de l’Intérieur qui soient préposés réduction du temps de travail si la gauche à cet office. Un mot politique malheureux n’avait pas si honteusement capitulé sur le pourrait tout aussi bien faire l’affaire. On sujet. Une autre politique ne peut donc être l’œuvre que d’une vraie gauche, observera donc avec une particulière sociale et écologiste. Il suffit d’énoncer attention ce qui va sortir du rendez-vous cette évidence pour mesurer le risque avec les syndicats (ceux en tout cas qui d’impasse. À moins que le mouvement ne ont été « sélectionnés »), mercredi. Mais précipite les échéances. sans illusion. Car il faudrait, pour répondre aux attentes sociales, que Nicolas Sarkozy désavoue sa propre politique, qu’il renie les groupes sociaux dont il porte les intérêts. Bref, qu’il essuie une défaite majeure. Nous n’en sommes pas encore là ! Pour l’heure, les mesures proposées par le président de la République ne répondent pas à l’attente sociale. Elles ont d’ailleurs toutes les

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• La Guadeloupe • Le gouvernement laisse • Une tactique

L’ÉVÉNEMENT ANTILLES

Un « processus pré-insurrec

Les premières arrestations lundi 16 février. TACK/AFP

uelle que soit l’issue du conflit social en Guadeloupe, en Martinique, et maintenant à la Réunion, nous savons déjà les images que nos archivistes retiendront. On y verra une dizaine de barrages en feu dans les rues de Pointe-à-Pitre. On y verra un magasin de fournitures de bateaux également incendié dans le quartier populaire du Carénage. On y verra quelques voitures retournées, et un véhicule dévoré par les flammes devant un hôtel de Gosier, la ville la plus touristique de l’île, située à 5 kilomètres de Pointe-à-Pitre. On y verra un petit groupe de jeunes, dont certains le visage masqué, en découdre avec un escadron de gendarmes mobiles. S’il fallait figer la situation – une situation pourtant bien mouvante –, ce sont ces quelques instantanés qui resteraient du conflit, au soir du 16 février. Rendent-ils compte de la réalité d’une épreuve de force entre la population et le gouvernement ?

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Après un mois de grève générale, l’impasse politique est totale. Le mouvement gagne la Martinique et la Réunion. Évidemment, non. Car si cela fait de bonnes images, ces escarmouches restent très marginales. Sur place, les policiers eux-mêmes mettaient l’accent sur « des incivilités urbaines », plutôt que sur une évolution du mouvement. Mais il n’y a guère « d’incivilités urbaines » quand le climat social est apaisé, et quand la population n’a pas le sentiment de l’injustice. Il n’est donc pas facile de faire la distinction. La vérité est plus complexe. Plus le

mouvement social sera maintenu dans l’impasse par la fuite politique du gouvernement, et plus les risques d’affrontements seront grands. D’autant qu’il y a à droite de chauds partisans de la confrontation. Le procureur de Pointe-à-Pitre en a appelé lundi soir à un renforcement des « moyens face aux manifestants ». La juste évaluation de l’état du conflit est peut-être venue, ce même lundi, de Fort-de-France. Dans un commu-

niqué rendu public après une audience, le conseil de l’ordre des avocats du chef-lieu de la Martinique a constaté que « la situation économique et sociale est dramatique, entraînant un processus pré-insurrectionnel face à des revendications légitimes non satisfaites ». Tirant les conclusions de ce constat, le conseil de l’ordre a invité les avocats du barreau à se mettre en « grève illimitée ». Dans le même texte, les avocats martiniquais estiment nécessaire « l’arrêt immédiat des audiences car l’acte de juger doit se dérouler dans une atmosphère sereine empreinte d’équité », et ils demandent « instamment au président de la République et au gouvernement de prendre toutes dispositions pour mettre fin à une discrimination sociale évidente en mettant un terme aux abus inconsidérés de groupements dont le profit est l’unique valeur ». Voilà au moins qui rend parfaitement compte d’un sentiment largement partagé par la population, aussi bien en Martinique qu’en Guadeloupe. Tout est dit de l’imbrication du rapport entre les revendications sociales et le sentiment d’injustice à l’égard de ces « groupements » patronaux qui incarnent toujours le colonialisme. Et c’est bien en raison de cette empreinte coloniale que la tactique du gouvernement qui consiste, depuis une semaine, à se retirer pour laisser face à face la population et le patronat local est particulièrement périlleuse et irresponsable. Le secrétaire d’État à l’Outre-Mer, Yves Jégo, s’applique quant à lui à contourner les mots qui pourraient désigner la réalité coloniale. Dans une tribune publiée mardi dans le Figaro, il s’efforce d’attribuer le conflit actuel à la crise économique « qui frappe toute la planète ». Ce qui s’appelle noyer le poisson. Et lorsqu’il évoque les spécificités locales, c’est pour parler de « crise existentielle ». Les Antillais auraient du vague à l’âme. Il s’en prend aussi violemment au patronat local lorsqu’il dénonce « les dérives ultimes mais encore observables de l’héritage d’une économie de comptoir ». Ce qui n’est certes pas faux, mais qui ne peut aboutir à un désengagement du gouvernement, comme

vit sa quatrième semaine de grève générale. face à face la population et le patronat local. particulièrement périlleuse et irresponsable. HUGUETTE BELLO députée de la Réunion

tionnel »

« Les jeunes n’ont aucune perspective »

L’aide proposée par le président du conseil de Région (PS) et par le conseil général était en réalité déjà affectée aux plus démunis.

La fausse bonne idée des socialistes ictorin Lurel, président socialiste de la DÉCRYPTAGE n’étaient en fait qu’une partie des sommes déjà Région, et son homologue du conseil affectées à l’aide aux plus démunis… général, Jacques Gillot (apparenté PS), ont eu une Interrogé au cours de la manifestation du 14 février du bonne idée. Il s’agissait, pour essayer de trouver une Moule, sur l’opportunité de cette aide, le porte-parole du porte de sortie au conflit en cours, de faire des LKP, Élie Domota, a balayé d’un revers de main la propositions au LKP. Les deux exécutifs ont raclé les fonds proposition des deux assemblées, parlant « d’argent recyclé ». de tiroirs de leurs assemblées respectives, et proposé une On est donc encore loin d’une sortie de crise. Mais, fait « aide » de 100 euros. « Puisque tout est en panne, a annoncé Victorin Lurel, eh bien, nous acceptons d’octroyer nouveau, les deux exécutifs ont, pour la première fois, une prime salariale de 50 euros chacun : 50 pour le conseil débordé du cadre social de la crise, pour toucher au régional et 50 pour le conseil général, soit au total politique. Après quatre semaines de grève, le volet 100 euros. Une forte contribution pour atteindre les politique semble s’entrouvrir. Alors que Victorin Lurel, en 200 euros, à tous les salariés qui touchent un salaire dépit de la profondeur de la crise, refusait jusqu’ici d’ouvrir inférieur à 1,4 Smic. Calcul fait, cela concerne à peu près son agenda politique, il semble que Jacques Gillot et ses 40 000 salariés. » Hélas, Jacques Gillot a apporté la conseillers aient réussi à l’obliger à revoir ses précisions. précision de trop : « Nous proposons tout d’abord de Le cœur n’y était pas. La manière le traduit bien : « Compte tenu de ce qui monte du fond et des tréfonds de réaffecter une partie des primes exceptionnelles de 150 euros mises en œuvre par la Région et le département, la société guadeloupéenne, j’appellerai avec Jacques Gillot à ce que l’on organise des états généraux ou les assises afin d’assurer la prise en charge durant trois mois d’une augmentation d’au moins 100 euros des 40 000 salaires les de la société guadeloupéenne, pour définir qu’elle sera la Guadeloupe de demain, celle que nous voulons. » plus bas. » Au travers des propos du président du conseil Danik Ibraheeem Zandwonis général, on a très bien compris que les 100 euros promis

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c’est évidemment le but de son propos. Et comme c’est l’évidence depuis que le secrétaire d’État a été « recadré » par le Premier ministre. Façon de dire aux Guadeloupéens et aux Martiniquais, ces deux cents euros d’augmentation qui, aujourd’hui, concentrent toute la crise, trouvezles vous-mêmes ! Ce qui conduit à de vraies fausses solutions, comme celles préconisées par le président socialiste de la région (voir page suivante). Certes, la question de l’avenir institutionnel de la Guadeloupe est posée en filigrane par les revendications

du collectif Liyanna Kont Pwofitasyon (LKP). Mais jusqu’ici le LKP s’est volontairement cantonné dans un discours social et revendicatif. À plusieurs reprises, son principal porteparole, Élie Domota, a affirmé qu’il refusait « d’entrer dans un débat sur les articles 73 ou 74 de la Constitution française. » Pour l’heure, la question principale reste celle d’une issue à la crise. La Guadeloupe vit sa quatrième semaine de grève générale. À deux heures de là, en Martinique, un « Collectif du 5 février » s’est constitué. Ses revendications et ses méthodes sont proches de celles du

LA GUADELOU P E EN QU ELQU E S CHIFFRE S 1,6 millard, c’est le chiffre d’affaires, le groupe Bernard Hayot, une grande famille béké.

35 751, c’est le nombre de RMIstes fin 2007, soit 17,8 % de la population (contre 3,1 % en métropole).

22,7 %, c’est le pourcentage de Guadeloupéens chômeurs, fin 2007 (contre 8,1 % en métropole).

LKP. Mais, là non plus, rien n’a avancé malgré « l’appel à l’apaisement » lancé le 13 février par le président de la Région Martinique, Alfred MarieJeanne (indépendantiste), et la mobilisation se poursuit. Enfin, pendant ce week-end, le LKP a reçu la visite d’une délégation de socialistes français, conduite par l’exministre Christian Paul. Ils ont été sagement écoutés par le LKP, qui a juste réaffirmé son intention de « continuer la mobilisation ». La députée Guyanaise, Christiane Taubira, arrivée en Guadeloupe vendredi, s’est jointe au « déboulé » (manifestation) qu’organisait le LKP dans la ville du Moule, à 30 kilomètres à l’est de Pointe-à-Pitre. Là, plus de 30 000 personnes ont commémoré les incidents du 14 février 1952. Ce jour-là, les militaires français avaient réprimé dans le sang une grève ouvrière. _Alain Lormon (avec Danik Ibraheem Zandwonis, en Guadeloupe)

Politis I Comment expliquer cette mobilisation populaire sans précédent dans la plupart des départements d’Outre-Mer ? Huguette Bello I Ce qui frappe dans ces mouvements, c’est l’unanimité qu’ils suscitent dans la population. Il ne s’agit pas d’une poussée corporatiste. Presque tout le monde se retrouve devant le triptyque du pouvoir d’achat, du chômage et du manque de logements. La cherté de la vie est évidemment le déclencheur. Dans nos pays, c’est là un problème ancien et récurrent que, cette fois, la crise mondiale exacerbe. Ce qui est contesté, c’est le poids des monopoles économiques et l’aggravation des inégalités sociales, cela dans un climat d’interrogations identitaires. Pour la première fois sans doute depuis 1946, année de la départementalisation, ces quatre régions expriment ensemble un malaise dont les origines sont multiples, mais que la politique du gouvernement actuel a ravivé. Depuis de longues années, ce malaise a été nié, occulté par les abstractions chiffrées. En tant que députée de la Réunion, pensezvous que ce département va rejoindre le mouvement ? Il faut savoir qu’en novembre nous avons déjà connu, à la Réunion, des mouvements de protestation contre le prix des carburants, l’un des plus chers du monde. Il faut noter aussi que l’augmentation des prix y a été trois fois supérieure à celle de l’Hexagone, que le chômage, le plus important des Régions européennes, a encore fait un bond de 17% en 2008, et que plus de 30000 familles attendent un logement social. Toutes les raisons de mécontentement sont donc réunies. Plus encore que dans les autres DOM, la jeunesse est l’élément central de la situation. Elle représente une part très importante de la population et se trouve frappée de plein fouet. Le diplôme n’est plus une garantie contre le chômage. À 20 ans, trop de jeunes n’ont aucune perspective, d’autant que les déplacements hors de l’île ont un coût exorbitant. Cette jeunesse pressent, mieux encore que le reste de la population, à quel point la société réunionnaise a besoin d’un nouvel élan. _Propos recueillis par Olivier Doubre 1 9 f évr ier 2 0 09

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POLITIQUE ANALYSE Un président de moins en moins crédible qui décroche dans les sondages, une opposition qui ne parvient pas à se faire entendre… La crise sociale prend une tournure politique.

La crise prend de l’ampleur e rendez-vous était crucial. Il ne sera certainement pas décisif. Avant la rencontre organisée à l’Élysée, mercredi 18 février, entre les partenaires sociaux et Nicolas Sarkozy, tous les indicateurs politiques s’étaient colorés de rouge. Qu’on le mesure au nombre des mouvements sociaux ou dans les enquêtes d’opinion, le constat est le même : les Français sont de plus en plus mécontents de l’action de l’exécutif. Alors que la crise économique s’aggrave, cette défiance n’épargne aucun des responsables du gouvernement, et surtout pas le chef de l’État, dont la crédibilité est grandement entamée, signe d’une indéniable crise politique. Après le succès de la journée d’action

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interprofessionnelle du 29 janvier, qui a mis plus de deux millions de personnes dans les rues, Nicolas Sarkozy pensait sans doute qu’une émission spéciale à la télévision calmerait l’inquiétude sociale. Qu’une bonne séance de pédagogie de la crise suffirait à faire taire les revendications. Mais la recette est éculée, et l’explication présidentielle, loin de calmer la grogne, semble bien l’avoir amplifiée. Avant le 29 janvier, 69 % des Français soutenaient ou avaient de la sympathie pour la mobilisation syndicale, selon un sondage CSA pour le Parisien. Dans une étude du même institut, réalisée le 11 février, ils étaient désormais 75 % à comprendre que l’on puisse manifester, et exprimer des inquié-

tudes et des mécontentements face aux réformes envisagées par le gouvernement et le président de la République. L’émission devait valoriser un Nicolas Sarkozy à l’écoute des Français. Du décor du plateau, installé sous les lambris dorés de l’Élysée, se dégageait une tout autre impression. Sur le petit écran, le président est apparu déconnecté du peuple. De larges bandes d’un blanc virginal dessinaient au sol, tout autour de la table d’entretien, une sorte de fossé symbolique que les journalistes devaient franchir pour venir l’interviewer. Cette image d’un président coupé du peuple, déconnecté des préoccupations des Français, dont il ne perçoit l’écho qu’à travers le miroir déformant des rapports de son

Les manifestants du 29 janvier ont exprimé un fort rejet de la politique du chef de l’État. MEDINA/AFP

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administration et des synthèses des enquêtes d’opinion que lui rédigent ses conseillers, n’est pas nouvelle. Tous les présidents de la République qui l’ont précédé, sous la Ve République, l’ont connue. L’image était d’autant plus forte qu’à vouloir reprendre l’initiative face aux manifestations en donnant un volet social à son plan anticrise, dans un climat très tendu, Nicolas Sarkozy ne pouvait pas dire grand-chose de neuf. Sauf à avouer son impuissance ou trahir un certain affolement, le chef de l’État ne pouvait corriger son plan de relance de 26 milliards, à peine entré en vigueur. Son silence sur la crise des Antilles, sujet sur lequel il est resté depuis étrangement discret, renforce encore le sentiment de déconnexion

POLITIQUE du pouvoir face à la montée du chô- Convergence sur la défense du poumage et à la récession économique. voir d’achat et de l’emploi. Mais aussi En regard de la suppression annon- pour dénoncer les prétendues lois cée de la taxe professionnelle en 2009 naturelles du marché et mettre en – une mesure qui bénéficiera unique- cause une vision sécuritaire des rapment aux entreprises et risque d’ag- ports sociaux. graver les difficultés financières des Ce vent de fronde se traduit dans les collectivités locales avec des réper- sondages par une forte baisse des cussions inévitables sur leurs inves- cotes de Nicolas Sarkozy, au plus bas tissements et services publics –, Nico- depuis son arrivée à l’Élysée, et de las Sarkozy n’avait, ce 5 février, qu’un François Fillon. Le président se voit rendez-vous à proposer aux parte- reprocher de ne pas agir en profonnaires sociaux, les cinq confédérations deur et préférer la parole à l’action. de salariés « représentatives » (CGT, Le sens même de ses réformes est CFDT, FO, CFE-CGC et CFTC) et les remis en cause. Selon un sondage deux organisations patronales (Medef Sofres-Logica publié dans le Nouet CGPME). En ouvrant ces discus- vel Observateur, la semaine dernière, sions, le chef de l’État voulait gagner 57 % des personnes interrogées estidu temps. En programmant une nou- ment que les réformes engagées ne velle journée interprofessionnelle de vont pas dans la bonne direction. Si grève pour le 19 mars, les syndicats le le divorce entre le pouvoir et les Franlui ont accordé. Il est toutefois peu çais n’est pas encore consommé, la probable que ce délai calme la contes- rupture est déjà patente. Après vingt mois, le quinquennat de tation. Car les cinq mesures « sociales » qui Nicolas Sarkozy est à un tournant. figuraient au menu de la rencontre de Face à la crise qui agit comme un révémercredi ne sont pas de nature à révo- lateur, le roi est nu. Et sa seule consolutionner la politique du gouverne- lation ne réside plus que dans sa cerment. Ni la baisse d’impôt en faveur titude qu’il n’existe aucune alternative politique crédible. « Je reçois du « bas de la classe les critiques de tous ceux qui moyenne », qui pourrait ont essayé » d’entrer à l’Élyprendre la forme d’une supsée, a-t-il déclaré récempression du 2e tiers proviment, « s’ils avaient la bonne sionnel dès cette année, ni des personnes méthode, ça se saurait ! » l’aide aux chômeurs de interrogées Fort de cette conviction, le moins de 25 ans et aux sala- comprennent chef de l’État n’entend pas riés en fin de CDD, ni le que l’on puisse changer de politique. De « coup de pouce » aux allo- manifester et méthode, oui. Mais certaications familiales des exprimer de nement pas changer de familles les plus modestes, l’inquiétude ligne. Pas question pour lui ni les chèques emploi-ser- (sondage CSA de procéder à une relance de vice en faveur des personnes du 11 février). la consommation. Encore âgées et des mères célibamoins à des augmentations taires, ni le nouveau partage des profits des entreprises en trois tiers de salaire, même si cette revendicaégaux (investissement, actionnaires, tion figure en tête des préoccupations salariés) ne sont de nature à satis- des Français. Oubliée, la promesse faire les revendications immédiates d’une revalorisation du travail. La des mouvements sociaux qui se mul- priorité reste l’investissement, seul capable aux yeux du gouvernement tiplient. Cette multiplication des conflits de préserver l’emploi. ébranle le gouvernement en remet- À les écouter, les socialistes ne sont tant en cause à chaque fois un aspect pas loin de partager le même point de de sa politique. Peu de secteurs y vue. Certes, ils réclament aujourd’hui échappent. Que ce soit à La Poste, une relance de la consommation, mais dans le monde judiciaire, parmi les il y a quelques mois encore les trois professions de la santé, chez les tra- principales motions socialistes au vailleurs sociaux, dans l’université, congrès de Reims assuraient qu’il est la culture ou dans l’industrie, la nécessaire de produire avant de rediscontestation vise autant les réformes tribuer. Renvoyant ainsi à des lendedu gouvernement que les effets de mains improbables la redistribution sa politique. Et dépasse aujourd’hui des fruits de la croissance. largement le simple mouvement d’hu- L’urgence de l’heure est pourtant au meur. Car si ces mouvements sem- partage des richesses, bien réelles, elles. blent dispersés, la mobilisation du Faute d’être entendu, ce besoin éco29 janvier ou, à sa façon, « l’Appel nomique ne peut qu’aggraver la crise des appels » témoignent d’une conver- politique. gence de toutes ces luttes éparses. _Michel Soudais

75 %

ENTRETIEN L’historien Christophe Prochasson* compare la situation de crise sociale au mouvement de Mai 68.

Une critique du pouvoir Politis I En tant qu’historien observant la situation actuelle de crise sociale profonde et de revendications multiples face au pouvoir en place, à quelle situation historique du passé pourriez-vous la comparer ? Christophe Prochasson I Pour un historien, rien n’est analogue et, en même temps, tout est comparable. Mais la référence la plus évidente – et souvent la plus revendiquée – est certainement celle de Mai 68, dans la mesure où se dessine d’abord un mouvement au sein des universités, adossé à une crise sociale qui toutefois n’a pas encore pris de formes très dures, sauf aux Antilles. Trois éléments renvoient à la révolte étudiante de 1968. Le type de vocabulaire politique employé et les références invoquées aujourd’hui semblent puiser dans une vulgate, certes un peu affadie quarante ans après, qui pourrait être qualifiée de foucaldobourdieusienne, c’est-à-dire une critique sociale qui est aussi une critique du pouvoir, de son caractère autoritaire et de son incompréhension face à la jeunesse. Le second élément commun est l’existence d’une crise sociale au sein du monde universitaire. Les jeunes diplômés ont un sentiment de déclassement : ou ils ne trouvent pas d’emploi, ou ils trouvent des emplois déclassés qui ne correspondent pas à ce qu’ils espéraient en suivant de longues études. D’où une désespérance sociale qui peut conduire à des actes de violence – que souhaite à mon avis le pouvoir actuel. Enfin, le pouvoir gaulliste en 1968 et celui de Sarkozy aujourd’hui sont perçus comme autoritaires et multipliant les maladresses et les provocations, à cause d’une incompréhension manifeste à l’égard de la société. Toutefois, contrairement à ceux de Mai 68, les jeunes d’aujourd’hui ne se sentent pas les héritiers d’une tradition révolutionnaire ou d’un mouvement social. Ils veulent d’abord changer un présent qu’ils jugent intolérable.

Quels seraient alors les éléments qui distinguent les deux mouvements, à quarante ans d’intervalle ? Tout d’abord, le présentisme des

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jeunes universitaires que j’évoquais à l’instant s’adosse à un certain individualisme. Ce mouvement universitaire est d’un certain point de vue fondamentalement corporatiste, d’où une unité de façade entre la part la plus conservatrice, voire réactionnaire, de l’université (à l’instar de Paris-IV-Sorbonne) et ses composantes plus à gauche. Cette alliance est rendue possible par l’absence de perspectives politiques au-delà de la résistance face à un décret totalement intolérable. Dans notre monde post-communiste, les perspectives révolutionnaires se sont effacées. Il n’y a donc pas pour l’instant de jonction entre les mouvements universitaire et social aux Antilles, et je reste perplexe quant à l’évolution du mouvement et à son éventuelle traduction politique. En outre, contrairement à 1968, les étudiants, eux, bougent peu. L’autre élément porte sur l’union sacrée entre les profs et les maîtres de conférences : la mini-lutte des classes entre eux en 1968 n’existe plus. Enfin, ce mouvement assez triste se déroule au moment d’une crise économique, alors que la société des années 1960 était portée par un élan économique rendant l’avenir plus riant. Propos recueillis par Olivier Doubre (Retranscription Pauline Baron) *Directeurd’étudesàl’Écoledeshautesétudesensciences sociales.Dernierouvrage:l’Empiredesémotions.Leshistoriens dans la mêlée, Demopolis, 2008. 1 9 f évr ier 2 0 09

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ÉCONOMIE SOMMET SOCIAL Encadrée par l’Élysée, la rencontre du 18 février montre les limites de la politique présidentielle pour répondre à l’urgence. Et laisse de côté les principales mesures proposées par les syndicats.

Sarkozy discute mais ne lâche rien es organisations syndicales s’y exigences portées par la mobilisation attendaient, et l’Élysée avait du 29 janvier » et de la déclaration tout fait ces dernières semaines intersyndicale du 5 janvier, affirment pour délimiter les contours du les syndicats. Ceux-ci insistent sur sommet social de mercredi : il n’est la multiplication des plans sociaux pas question d’un virage qui passerait et les prévisions de l’assurance chôpar un reniement des engagements mage, qui pronostique au moins présidentiels. La crise économique 400 000 chômeurs supplémentaires n’obligera pas Nicolas Sarkozy à en 2009 et 2010. La CGT souhaite revoir les principaux « donner au comité d’endogmes de sa politique, qui treprise un pouvoir suspenveut qu’entre l’emploi et les sif sur les plans sociaux afin salaires le choix consiste à de dégager du temps pour miser sur les exonérations faire des propositions alterde cotisations patronales et de personnes natives ». FO exige un à justifier un abaissement ont défilé en « moratoire sur les licenFrance le du coût du travail. ciements ». Et la réformiste Le changement de cap sou- 29 janvier, CFDT s’accroche à son idée haité par les syndicats après selon la CGT. de « fonds d’investissement la mobilisation réussie du social » de 5 à 10 milliards 29 janvier, notamment une d’euros permettant aux perrelance par les salaires, est sonnes privées d’emploi de pour l’instant exclu. Sans surprise, les se former en échange d’un revenu. Il huit organisations syndicales signa- serait financé par la « suspension » de taires d’une plateforme de revendi- la loi Tepa, exonérant totalement de cations avaient déjà tiré les conclu- prélèvements sociaux et fiscaux les sions du « sommet social » après heures supplémentaires, et du boul’intervention télévisée de Nicolas Sar- clier fiscal. Si cette « proposition est kozy, en regrettant le maintien, « pour jugée très intéressante » par la minisl’essentiel », des orientations prési- tre de l’Économie, Christine Lagarde, dentielles. Et, à quelques exceptions le Medef n’y voit pas un « enjeu prioprès, les revendications syndicales pré- ritaire » et renvoie au fonds d’urgence sentées lors des réunions préparatoires créé dans l’accord interprofessionau sommet ont été écartées des déci- nel sur la formation professionnelle. sions mais aussi des « processus de négociation » lancés après le 18. Il y avait peu de terrain d’entente. Le fossé entre l’Élysée et les cinq confédérations invitées à la conférence La Confédération européenne des sociale s’est creusé autour des diver- syndicats, qui réclame un «new deal gences sur le financement de la poli- social», se devait de le constater: «Les tique sociale du plan de relance. Limi- objectifs de rendement des sociétés n’ont tée à 1,4 milliard d’euros, fruit de pas changé avec la crise, et la variable l’hypothétique rendement d’un prêt d’ajustement reste l’emploi.» Ainsi, le de 25 milliards d’euros aux banques, profit historique de Total dégagé en 2008, la politique sociale du chef de l’État en hausse de 14% sur un an à fait pâle figure comparée aux 365 mil- 13,9milliards d’euros, ne doit pas masquer liards d’euros qui ont été rassemblés la manne versée aux actionnaires des pour les banques, sans compter les entreprises du CAC40. Selon le quotidien deux rallonges récentes de 10 milliards lesÉchos (du 13février), ces dividendes chacune, et les 26 milliards injectés n’ont enregistré qu’un très léger recul, dans l’économie. totalisant 54,2milliards d’euros contre Une grosse part du financement pro- 57,2milliards en 2007, alors que Nicolas mis est destinée à la prévention du Sarkozy déclarait, dans son discours de chômage, avec une meilleure indem- Toulon en septembre2008: «L’économie nisation du chômage partiel, et à la de marché […], ce n’est pas des profits formation des salariés victimes de la exorbitants pour quelques-uns et des crise. Ces choix d’accompagnement sacrifices pour tous les autres […]. Ce social sont « loin des attentes et des

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millions

Secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly se dit plutôt favorable à « un retour provisoire au système des préretraites ». Pour Solidaires, défendre l’emploi des salariés passe par l’arrêt des licenciements et l’indemnisation à 100 % du chômage partiel. « Ce n’est pas à eux de payer les conséquences d’une crise dont ils ne sont pas responsables », affirme l’union syndicale. Autre piste : la réunion par le gouvernement « de commissions mixtes paritaires auxquelles les organisations syndicales et patronales ont l’obligation d’assister », selon FO. « Ensuite, l’État peut soumettre les aides sociales aux négociations salariales et à la fin des délocalisations et des licenciements. » La CGT prend l’exemple de PSA Peugeot-Citroën, qui a reçu 3 milliards d’euros d’aides de la part de l’État et ne remettra pas en cause le plan de 3 550 départs volontaires annoncé fin 2008, ce que l’organisation syndicale considère comme des licenciements économiques de fait.

Parmi les « mesures de solidarité » destinées à ne fâcher personne, déjà acquises avant le 18, figure l’effort consenti en faveur des jeunes et des fins de CDD qui ne pourront prétendre à une indemnisation du chômage, ainsi qu’au « bas des classes

Pas de crise pour les profits

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n’est pas la primauté donnée au spéculateur.» On voit concrètement qu’il n’en est rien. Dans le secteur bancaire, le gouverneur de la Banque de France, loin d’être un gauchiste, avait mis en doute, en janvier, le bien-fondé du versement d’aides supplémentaires(1,5milliard d’euros) aux grandes banques françaises. Christian Noyer avait déclaré que ces établissements restent «globalement rentables» et qu’ils n’ont «pas vraiment» besoin «d’un tel renforcement de leur solvabilité et de leur capital». Àcôté, René Ricol, médiateur national du crédit, qui a estimé que les actionnaires devaient faire preuve de «solidarité» en acceptant de ne pas percevoir de dividendes «pendant un an ou deux», semble d’une grande naïveté. _T. B.

moyennes ». Sur ce point, l’Élysée penche pour une hausse des allocations familiales sous condition de revenus et un « chèque emploi-service payé par l’État » pour les personnes âgées ou les familles monoparentales. On est très loin du compte, ont noté les syndicats, qui ont fait de la défense du pouvoir d’achat une des principales revendications de leur déclaration commune, qui est aussi celle des mouvements sociaux dans les départements d’Outre-Mer. La CGT réclame « une revalorisation importante du Smic » et FO « un coup de pouce », alors que 17 % des salariés perçoivent 1 037 euros de salaire net par mois. « La hausse du Smic serait un signal fort qui permettrait de réévaluer toute la grille salariale à la hausse », juge Jean-Claude Mailly. « La première chose à faire », selon Jean-Michel Nathanson, porte-parole de Solidaires, consisterait à augmenter « les salaires de 300 euros, les pensions, le RMI et les minima sociaux à 1 500 euros ». Cette aide à la consommation peut aussi se traduire par « une baisse de la TVA sur les produits de première nécessité » pour Solidaires, ou par « plus de proportionnalité du taux d’imposition et une meilleure répartition des richesses » pour FO. « Les gens en ont marre qu’on distribue de l’argent aux banques alors que certains n’arrivent pas à boucler leur fin de mois », affirme Solidaires. Le ministre du Budget et de la Fonction publique, Éric Woerth, a appelé « solennellement » les syndicats à « comprendre les contraintes » françaises et a réaffirmé l’objectif de nonremplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite. L’abandon des suppressions de postes dans la Fonction publique est resté non négociable. La déclaration commune des syndicats exige pourtant que, « dès 2009, le gouvernement renonce aux 30 000 suppressions de postes ». « L’État, employeur public, doit donner l’exemple aux entreprises », préconise FO, qui souhaite la fin des suppressions de postes dans le secteur public. Les syndicats enseignants rappellent que 13 500 suppressions dans l’Éducation nationale ont été

ÉCONOMIE À C O N T R E - C O U R A N T JEAN GADREY Professeur émérite à l’université Lille-I.

Une autre « relance » est possible ! Un débat essentiel existe à gauche entre ceux qui pensent qu’il faut très vite relancer la croissance (qu’ils qualifient de «verte», crise écologique oblige) et ceux qui estiment qu’il faut «profiter de la crise» pour en finir avec le culte de la croissance et proposer une autre vision du progrès. Les premiers ont un argument: la croissance est favorable à l’emploi, et elle dégage des surplus économiques pour améliorer les conditions de vie et la protection sociale. Cette «loi» a été plus ou moins vérifiée dans le passé. On en déduit qu’elle doit s’appliquer à l’avenir. C’est faire preuve de peu d’imagination face à une crise systémique. Il est pourtant possible (voir Politis n°969 et mon blog), sans croissance économique, de «relancer» l’emploi en jouant la carte de l’amélioration de la qualité et de la durabilité de la production (que les calculs de la croissance ignorent), sous réserve d’une forte réduction des inégalités, condition d’accès universel à des modes de vie soutenables. Des scénarios existent pour une agriculture, une industrie, des bâtiments, des transports et des énergies durables (négaWatt, étude récente de WWF…). Ils combinent les apports des technologies et ceux d’une sobriété réfléchie et différenciée (personne ne demande aux plus démunis d’être sobres). Ils exigent tous plus d’emplois que dans les organisations actuelles, qui sont à la fois productivistes, gaspilleuses et polluantes.

Pour ne pas apparaître comme les perdants, les syndicats devront défendre leurs revendications lors de la manifestation du 19 mars. KOVARIK/AFP programmées dans le budget 2009, 900 pour les enseignants chercheurs. Pour Gérard Aschieri, de la FSU, il faut « abandonner les suppressions de postes dans la Fonction publique. C’est un geste que l’État, en tant qu’employeur, peut faire immédiatement ». Un appel solennel de tous les syndicats de la Fonction publique a été adressé à Nicolas Sarkozy en ce sens. Solidaires exige « des moyens supplémentaires dans les services publics afin qu’ils soient accessibles à toute la population ». La grande question du partage des richesses dans l’entreprise, maintes fois évoquée par Nicolas Sarkozy lui-même, est renvoyée à des discussions entre partenaires sociaux, mais il faudra compter sur le patronat pour jouer la montre et ne rien lâcher. Les demandes de suppression du bouclier fiscal et d’abandon des mesures sur les heures supplémentaires ont reçu une fin de non-recevoir de Brice Hortefeux, ministre du Travail. Nicolas Sarkozy continuera

de prôner le dialogue et de camper sur ses positions. S’ils ne veulent pas apparaître comme les perdants du sommet, les syndicats devront de nouveau défendre leurs revendications sur les salaires, l’emploi et les services publics lors « La première de la journée de chose à manifestation faire consisterait prévue le 19 mars, à augmenter les dont les modalités salaires de doivent être fixées 300 euros, les pensions, le RMI et le 23 février, par les minima sociaux les huit organisations syndicales. à 1 500 euros », D’ici là, le front selon Solidaires. syndical, qui souhaite préserver l’unité dans la durée, devra maintenir la pression dans les secteurs en crise, des Antilles aux universités, et là où l’emploi est sinistré, comme le souhaite la CGT, alors que l’Élysée et le gouvernement font le pari que la fièvre de la rue sera retombée. Pauline Baron et Thierry Brun

Cette autre relance passe non pas par la croissance mais par la solidarité (du local au global) et le partage. Partage du pouvoir économique et politique, partage des ressources économiques et naturelles, partage du travail, solidarité avec les générations futures. Aucune de ces formes de partage ne progressera sans des mobilisations puissantes contre les privilèges des possédants et des actionnaires. Mais aussi contre la religion du «toujours plus» créée par le capitalisme et dont il ne peut se passer. Pour améliorer les conditions de vie de la majorité des Français en réduisant fortement leur empreinte écologique, pour éradiquer la pauvreté dans un monde durable, les ressources existent, sans exigence de croissance. Il faut «juste» les distribuer autrement. Les 0,15% les plus riches du monde détiennent à eux seuls un patrimoine de 40000milliards de dollars, hors résidences principales. Un ISF mondial modeste au taux français rapporterait 600milliards par an. C’est plus qu’il n’en faut pour atteindre à la fois les objectifs du millénaire adoptés aux Nations unies et l’objectif de division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à2050. D’énormes

ressources publiques sont disponibles pour la « relance » d’un progrès social.

En France, les réductions d’impôts directs décidées

depuis 2000 en faveur des plus riches représentent un manque à gagner de 30milliards d’euros par an pour les finances publiques, bien au-delà du seul «paquet cadeau» fiscal de Sarkozy en 2007. Si l’on y ajoute les réductions de cotisations sociales patronales décidées depuis 1992, dont au moins la moitié sont inefficaces en termes d’emploi, cela fait plus de 50milliards par an! D’énormes ressources publiques sont ainsi disponibles, sans croissance autre que qualitative, pour la «relance» d’un progrès social respectant les équilibres écologiques: éducation, santé et autres services publics, gardes d’enfants, personnes âgées, logement, mais aussi minima sociaux, contrôle public des banques, emplois jeunes de qualité, emplois durables dans de nouvelles activités d’utilité écologique et sociale, accompagnement de la reconversion des activités insoutenables. Elles permettraient d’investir massivement dans la «grande bifurcation» d’un système en faillite sur tous les plans. Les «croissancistes» font penser à des pédiatres qui confondraient le développement d’un enfant avec sa prise de poids. Ils nous incitent à l’obésité économique, une pathologie qui peut être fatale. 2% de croissance par an d’ici à2100 signifie six fois plus de biens et de services produits. Indépendamment même de l’aggravation dramatique de la crise écologique que cette accumulation insensée provoquerait, franchement, six fois plus de quoi? Quand arrête-t-on cette course folle? Trop tard ou tout de suite? La croissance fait désormais partie non pas des solutions, mais des problèmes. 1 9 f évr ier 2 0 09

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SOCIAL COOPÉRATIVES Les initiatives se multiplient après la liquidation de la Camif Particuliers. Une association d’ex-salariés, une centrale d’achat de l’économie sociale et un groupe privé sont sur les rangs.

Camif : un catalogue de propositions ncore fumantes, les ruines de la Camif sont très convoitées. Après la liquidation de Camif Particuliers en octobre 2008 (800 salariés) et la mise en redressement judiciaire de Camif SA, la maison mère, les projets avancent à pas discrets, annonce un des acteurs du dossier. La disparition de la célèbre coopérative de consommateurs créée en 1947 pour le monde enseignant, l’un des fleurons de l’économie sociale, n’a pas laissé indifférente la Centrale d’achats de l’économie sociale (Cades), un groupement de 25 sociétés coopératives issues notamment de comités d’entreprise, dont ceux de la Banque de France, de France Télécom et de La Poste. Son président, Patrice Sifflet, est venu présenter les intentions de la Cades à Niort, le 16 février, devant les exsalariés de la Camif qui ont créé l’Élan coopératif niortais, une association regroupant 250 adhérents et soutenue par les élus locaux et la chambre régionale de l’économie sociale de Poitou-Charentes. Installée dans un local prêté par la mairie, l’association a dans ses cartons une douzaine de projets : « Celui d’un ancien chef de produit de la Camif, Jean-Luc Joly, est actuellement poussé par l’association, explique Isabelle Heurtebise, sa présidente. Jean-Pierre Martin, qui préside la chambre régionale, ajoute qu’il s’agit d’un « site Internet destiné

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Les salariés de ce fleuron de l’économie sociale mis en liquidation manifestaient en octobre devant le ministère de l’Économie. HORVAT/AFP

Ces populations privées de santé En pleine « affaire Kouchner », l’ONG Oxfam International publie un rapport édifiant sur les systèmes de santé privés dans les pays pauvres. a France et de nombreux pays dona-

Lteurs font la promotion dans les pays

pauvres de programmes de santé privés. Notamment par le biais d’audits sur le fonctionnement de systèmes de santé, comme celui demandé par le Gabon en 2004 à Bernard Kouchner, alors consultant, au cœur d’une polémique mise au jour dans le dernier livre de Pierre Péan, le Monde selon K (Fayard). Un récent rapport d’Oxfam International vient opportunément jeter un éclairage édifiant sur ces systèmes de santé privés (1) et affirme qu’ils « sont souvent

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inefficaces et mettent en péril la vie des populations pauvres ». Autre constat : « Les services de santé publique dans les pays pauvres sont délabrés. En Afrique subsaharienne, l’espérance de vie des adultes ou le nombre d’accouchements assistés par du personnel qualifié ont reculé au cours des dix dernières années », déplore Sébastien Fourmy, d’Oxfam France-Agir ici. Le rapport réclame le renforcement des soins publics et gratuits, «seul moyen efficace pour sauver des millions de vies dans le monde ». Et Sébastien Fourmy

pointe des «priorités sectorielles et géographiques de l’aide française [qui] ne sont pas claires. Aujourd’hui, le gouvernement français se contente de souscrire à la stratégie que promeut la Banque mondiale en matière de santé ». Il demande à Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, « de rompre avec cette position ». _T. B. (1) «Optimisme aveugle: une remise en question des mythes concernant les soins de santé privés dans les pays», février2009. Téléchargeable sur www.oxfamfrance.org

à la commercialisation de produits. Il veut rassembler des structures économiques indépendantes autour d’une société coopérative d’intérêt collectif. Il a été validé par l’association et présenté au préfet, à la mairie, à la communauté d’agglomérations et à la région ». De son côté, Patrice Sifflet espère « reconstituer » une coopérative dès cette année. « Nous disposons d’un catalogue de vente à distance et nous regroupons 75 comités d’entreprise. Notre action restera modeste. On n’a pas la possi« On veut bilité de recréer démontrer que le système coopératif une Camif et est toujours valable d ’ e m b a u c h e r 1 000 personnes. et que c’était une Mais on veut erreur de confier la Camif à un fonds démontrer que le système coopérade pension. » tif est toujours valable et que c’était une erreur de confier la Camif à un fonds de pension capitaliste. » Créée il y a trois ans, la Cades fournit meubles, vêtements, linge de maison et appareils électroménagers aux salariés des comités d’entreprises. Hors catalogue, elle réalise dans ses magasins environ 50 millions d’euros de chiffre d’affaires par an, six fois moins que Camif Particuliers. La Cades a été approchée par le gouvernement avant la liquidation de Camif Particuliers pour racheter la société en difficulté, pour 100 millions d’euros, ce qu’elle a refusé : « C’était trop », dit Patrice Sifflet. Pour JeanPierre Martin, le sort de la Camif réserve d’autres surprises : de mystérieux entrepreneurs sont également intéressés. Matelsom, « leader de la vente en ligne de literie », serait sur les rangs. Optimiste, Patrice Sifflet table déjà sur la création d’une coopérative dès juin et l’envoi en octobre d’un premier catalogue aux enseignants, commun aux autres coopératives de la Cades. Sur le papier, les idées ne manquent pas. Reste à les concrétiser. Isabelle Heurtebise est convaincue qu’il y a une forte volonté de créer une coopérative « de salariés, dirigée par des salariés ». Mais ce n’est pas gagné. _Thierry Brun

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SOCIÉTÉ SANTÉ Quelle politique de confidentialité autour des données relatives aux soins ? C’est la question que pose la relance du dossier médical personnalisé, projet non sécurisé et dispendieux qui s’est déjà soldé par un fiasco.

Le dossier médical en réanimation ’est à se demander à quoi servent les rapports d’experts. En 2007, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a publié un avis condamnant la mise en place de la tarification à l’activité à l’hôpital parce qu’elle était inadaptée, entre autres, à la prise en charge « des maladies chroniques, des soins de suite, des soins palliatifs, des personnes âgées ou des enfants malades… ». Or, la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST), actuellement en discussion à l’Assemblée, prévoit d’étendre la tarification à l’activité à l’ensemble de la gestion hospitalière. La même logique semble présider à la relance du dossier médical personnalisé (DMP). Composante de la

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loi de 2004 sur l’assurance-maladie, le DMP a été pensé comme un instrument accessible par Internet et qui doit, via l’informatisation des données médicales de chaque patient, faciliter « la coordination et les échanges d’information entre les Le DMP risque de professionnels de mettre en danger santé ». Le 12 juin 2008, la relation le CCNE a publié patient-médecin. un avis rejetant ce DMP. Motifs : il ne pouvait pas, en l’état, rendre service à la personne, il risquait d’aggraver les coûts de santé publique en temps de pénurie, il ne garantissait pas la sécurité des données enregistrées, il posait des problèmes éthiques

relatifs au masquage d’informations et il mettait en danger la relation patient-médecin. Non seulement le DMP pouvait engendrer des dérives sans laisser espérer une quelconque efficacité, mais il allait en outre accroître le déficit de la Sécurité sociale. Pourquoi ne pas laisser tomber ? Le projet a été expérimenté entre 2005 et 2007 dans 17 sites pilotes répartis dans 13 régions et 100 établissements de santé, sans que l’informatisation du système de santé ait « atteint le niveau quantitatif et qualitatif nécessaire », d’après le CCNE. Le 18 juin 2008, la ministre a fait mine de prendre en compte l’avis des sages en retirant le caractère obligatoire du DMP, tout en annonçant son extension à l’ensemble du

territoire. En janvier 2009, le rapport annuel de la Cour des comptes a dénoncé le ratage du DMP en épinglant les dysfonctionnements de la structure chargée par l’État de gérer le projet. Créé en 2005, le Groupe d’intérêt public du DMP (GIP-DMP) a connu des problèmes financiers, n’était pas de taille, manquait d’expérience… Cette fois encore, au lieu d’abandonner le projet, le ministère en a retiré la conduite à la première entité au profit d’une nouvelle : l’Agence des systèmes d’information de santé partagés (Asip). Dopé par la loi HPST, le DMP va être relancé d’ici au mois de juin alors même que le fond du débat – quelle politique de confidentialité autour des données de santé ? – n’a pas

En juin 2008, Roselyne Bachelot a retiré le caractère obligatoire du DMP… tout en annonçant son extension à l’ensemble du territoire. FOLLIOT/AFP

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SOCIÉTÉ Pour preuve, le décret sur la confiprogressé d’un iota. « C’est toujours le même fantasme dentialité des données devait faire de mainmise sur une population, la l’objet d’un arrêté dans les trois ans. même dérive de quantification à Il n’a toujours pas vu le jour. « Le outrance, soupire Pierre Le Coz, phi- fond du problème, selon Pierre Leslosophe et rapporteur de l’avis du teven, c’est la confiance que les gens CCNE. Il faudrait enquêter sur ce peuvent avoir en un nouveau sysqui se passe en Angleterre, où le prin- tème. Actuellement, chacun fait cipe d’un DMP s’étend dans une ver- confiance à son petit système – son sion hard : on ne demande même pas médecin de ville, son hôpital –, qui leur avis aux patients ! » Selon lui, le informatise quelques données le ministère français n’a cessé de « souf- concernant. » L’enjeu serait donc : fler le chaud et le froid », renonçant faut-il passer à un système général, à une application « totalitaire » mais et comment ? Selon le représentant sans renoncer totalement. Au point de la FHF, il existe un vrai besoin que plus personne ne sait exactement d’échange d’informations entre petits établissements mais aussi entre hôpice qu’il en est. Le 23 juin 2008, forte des conclu- taux et médecins de ville : « On a construit notre système sions du rapport Gagneux sur des échanges de patient pour la relance du projet, à soignant, et de collègue Roselyne Bachelot a à collègue. Sauf qu’il y a déclaré « indispensable dossiers encore dix ans on pouvait d’inscrire le DMP dans une médicaux être suivi par le même soistratégie nationale des sys- personnalisés gnant pour un problème tèmes d’information de (DMP) ont été de santé. Aujourd’hui, une santé ». Ce pourquoi elle a ouverts entre majorité de patients sont fait fusionner le GIP-DMP, 2005 et 2007. atteints de maladies comle GIP-CPS (Carte profesplexes réclamant une prise sionnel santé) et le GMSIH en charge sur plusieurs (Groupement pour la années et l’intervention de modernisation du système d’information hospitalier) en une plusieurs spécialistes et praticiens. agence unique, l’Asip. Ses deux Nous devons changer de système, pilotes, Michel Gagneux (inspec- et les technologies doivent nous y teur général des affaires sociales) et aider. » Jean-Yves Robin (médecin, ex-direc- Mais, quel pilotage, quelle sécuteur de Santeos, fournisseur de solu- rité et quelle disponibilité pour ce tions informatiques de santé), n’an- nouveau système ? Le pilotage serait nonceront leur feuille de route qu’en en phase d’amélioration avec la mars. L’heure est donc aux ques- création de l’Asip, dont les dirigeants semblent avoir compris qu’ils tionnements. Tout d’abord, que sont devenues les devaient en passer par la concerdonnées collectées entre 2005 tation avec les professionnels et 2007 ? Personne ne sait vraiment. concernés. À propos de la sécurité Les hébergeurs ont été dissous quand et de la disponibilité, l’outil indusla phase expérimentale s’est arrêtée. triel d’interopérabilité adapté Les informations contenues dans n’existe pas encore, à en croire Pierre les dossiers ouverts ont-elles bien été Lesteven. S’il n’a jamais été témoin détruites ? À la Cnil, qui n’a toujours de dérives relatives à des échanges pas de pôle spécifique santé, Jeanne de fichiers, il a pu observer les Bossi, directrice adjointe chargée de risques engendrés par une panne la relation avec les usagers, s’in- informatique bloquant les résultats quiète : « Nous attendons les lignes d’un examen pour déclencher un directrices des pouvoirs publics. Des acte médical, par exemple. dossiers médicaux partagés, il y en Il y a néanmoins peu de chances, à a des centaines, mais nous ignorons l’avenir, que le projet DMP persiste ce qui est estampillé DMP. » En effet, sous ce nom tant celui-ci est synodes quantités d’informations médi- nyme de fiasco. Médecin et responcales informatisées circulent déjà sable de l’Observatoire des technoentre hôpitaux, hébergeurs, cabinets logies et des systèmes d’information de ville… Et ce, sans cadre réel. Il y de santé, Jean-Jacques Fraslin le a bien un cadre juridique, la loi de considère comme « le plus grand 2004 sur la protection des rensei- échec de la réforme de l’assurancegnements sur la santé, mais, pour maladie de 2004 ». Pierre Lesteven, représentant de la _Ingrid Merckx Fédération hospitalière de France (avec Christine Tréguier) (FHF), « elle pose des principes sans Pour en savoir plus: www.pour-politis.org les moyens de son application ».

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Manifestation fin 2008 contre le projet de loi Boutin. HORVAT/AFP

LOGEMENT Les députés adoptent le projet de loi Boutin, qui contredit les propositions des associations.

Droits dans le mur es députés ne pourront pas dire qu’ils n’étaient pas prévenus. Voilà des mois que le Collectif des associations unies s’insurge contre le projet de loi « de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion », défendu par la ministre du Logement et de la Ville, Christine Boutin. Cet automne, il leur avait envoyé une liste de quatorze amendements déclinés en trois axes : réintroduire dans le projet de loi les propositions du député Étienne Pinte, auteur d’un épais rapport sur l’hébergement d’urgence ; renforcer le rôle de l’État pour atteindre l’objectif 2012 de la loi sur le Droit au logement opposable (Dalo) ; et assurer la cohérence entre la prévention, l’hébergement et le logement. Rien n’y a fait : le 10 février, les députés ont adopté le projet de loi première mouture par 312 voix contre 225. « Si, fort heureusement, les parlementaires ont refusé de modifier l’article 55 de la loi SRU, s’ils ont bien pris en compte quelques propositions du rapport du député UMP Étienne Pinte, admet le Collectif, d’autres mesures régressives ont été maintenues, notamment en matière d’expulsions locatives : l’article 19 de la loi prévoit en effet la réduction de 3 à 1 an du délai d’expulsion qui peut être accordé par le juge aux ménages en grande difficulté et sans

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solution de relogement. » Ce qui contredit le Dalo. « Le projet de loi préfère jouer la carte répressive plutôt que de renforcer le volet préventif de la lutte contre les expulsions », dénonce le Collectif, qui demande la suppression de l’article 19. « La loi qui vient est dramatique », s’indigne aussi le DAL, qui fustige le fait que le texte vienne « amputer » le Dalo, écarter les associations de défense des exclus, retirer leur droit au logement aux demandeurs d’emploi qui refusent une solution de logement dans un autre département que le leur et, surtout, limiter la condamnation de l’État (article 24 bis). La loi prévoit de lancer le dispositif controversé de « Maison à 15 euros » et de soutenir la construction en permettant à l’État de mobiliser les ressources des organismes HLM et du 1 % logement au moyen de « conventions d’utilité sociale ». Elle propose d’abaisser de 10 % les plafonds de ressources pour l’accès au logement social et d’accroître la mobilité dans le parc. Enfin, elle instaure une définition d’« habitat indigne », et projette de créer des « logements de transition » dans le parc social. Des mesures cosmétiques face à la crise ? L’adoption définitive du projet de loi après son passage devant la commission mixte paritaire est prévue le 19 février. _I. M. 1 9 f évr ier 2 0 09

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ÉCOLOGIE SYLVICULTURE La tempête dans le Sud-Ouest a entraîné la disparition de millions d’arbres et la ruine de milliers de propriétaires. Une catastrophe écologique et sociale peu prise en compte par les pouvoirs publics.

Le requiem de forêts entement mais sûrement, l’opinion publique oublie que le sud-ouest de la France a subi une catastrophe climatique, économique et sociale avec la disparition, notamment dans les Landes, de millions d’arbres qui vont pourrir par terre au point d’être inutilisables pour quoi que ce soit dans quelques mois. Parce que l’État se désintéresse des zones et des populations sinistrées à partir du moment où le téléphone et l’électricité fonctionnent de nouveau. Sans doute parce que le secteur industriel n’est pas directement touché et que les propriétaires ruinés par la chute des pins des Landes, une trentaine de milliers, ne constituent pas une « force politique » suffisante pour émouvoir longtemps les autorités et le président de la République. Le maire de Louchas, commune de 730 habitants au sud de Bordeaux, analyse ainsi le discours de ce dernier : « Il est facile de comprendre, en écoutant ses déclarations lors de son rapide voyage dans la région, qu’il a privilégié les effets d’annonce et qu’il n’a rien compris à ce qui s’est passé, qu’il n’a aucune notion de ce que peut être une forêt. » Entre chablis (arbres déracinés) et volis (arbres brisés), les 15 000 propriétaires landais qui possèdent moins de 10 hectares ont irrémédiablement perdu un complément de retraite ou

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La forêt des Landes, créée à la fin du XIXe siècle, est désormais condamnée à disparaître. BERNARD/AFP de revenus. La situation n’est guère plus enviable pour les 15 000 autres, sauf pour la Caisse des dépôts, le plus gros propriétaire de la région. « Car, expose Philippe Carreyre, conseiller général de la Gironde, la plupart d’entre eux n’auront ni l’envie ni, surtout, les moyens de replanter. D’autant plus que, contrairement à ce qui s’était passé en 1999, les jeunes arbres ont beaucoup souffert, qu’il s’agisse de

ceux plantés il y a dix ans ou de ceux qui ont entre 15 et 20 ans. Même les acacias n’ont pas résisté. Donc la filière bois est par terre. Il ne faut pas oublier qu’une production de bois fonctionne sur un cycle minimum de quarante ans. Je pense que même les quelques grands propriétaires vont préférer des investissements à plus court terme. » Ce qui signifie clairement que cette forêt des Landes, créée à la fin du

Pour une gestion durable Le morcellement de la forêt française privée interdit une exploitation cohérente de cette ressource. Des regroupements permettraient une meilleure production et la création d’emplois dans cette filière. u milieu du XIX e siècle, lorsque le Corps des forestiers, créé en 1827, annonça la disparition de la forêt française, celle-ci ne couvrait plus guère que 7 à 8 millions d’hectares, décimés par la construction navale et l’industrie naissante. Aujourd’hui, en constante progression, elle couvre 15,7 millions d’hectares : le résultat des plantations de la seconde moitié du XIX e siècle et des exodes ruraux laissant place à un véritable phénomène de «forêt vierge», notamment dans le sud du Massif Central. Il faut ajouter les erreurs anciennes des forestiers privilégiant les conifères aux feuillus, sous prétexte d’une rentabilité

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immédiate, ce qui entraîna une réduction de la biodiversité, celle-ci étant bien moins riche sous des sapins et des pins que sous des chênes ou des hêtres. Mais le drame de la forêt française privée (11,6millions d’hectares contre 4,1 pour les forêts domaniales, communales ou régionales) est qu’elle compte actuellement plus de 3,5millions de propriétaires, dont 3millions possèdent moins de 4hectares et 450000 entre 4 et 10 hectares. Ce morcellement interdit une gestion cohérente. Malgré plusieurs textes de loi, les gouvernements n’ont jamais imposé les regroupements facilitant une exploitation rationnelle, préservant à la fois l’intérêt

des propriétaires et les chances d’une production durable. D’ailleurs, seuls 21 % de la forêt privée bénéficient d’une certification de gestion durable contre 79 % (sur les 4,5 millions certifiés) pour les forêts publiques. Alors que la forêt privée est bien plus vaste et qu’elle produit 22 millions de m3 de bois de chauffage autoconsommé, le même chiffre que pour le bois d’œuvre. Une gestion moins calamiteuse de la forêt française pourrait augmenter le nombre d’emplois de cette filière, s’élevant à 390000 actuellement.

_C.-M. V.

XIXe siècle pour assainir des zones de marais, est désormais condamnée à disparaître. Des industriels tentent de profiter de la situation : l’un d’eux a proposé à Louchas, dont les 60 hectares de forêt communale ont été ravagés, de lui acheter 5 000 mètres cubes : « Il nous fallait débiter les troncs et les transporter à l’usine, explique le maire, pour un prix qui couvrait tout juste la dépense. On a renoncé, alors que la commune a besoin d’argent. » Ces charognards, parfois venus de loin, démarchent Comme les communes et proplantations vont priétaires, présens’arrêter, des milliers d’emplois tant leurs offres dérisoires comme vont disparaître un service rendu. dans les Landes. Alors que huit années de production sont à terre, que les parasites vont rapidement ronger le bois, que les risques d’incendie sont accrus puisque, au mieux, 20 à 30 % de ce bois pourront être ramassés, sauf à organiser une opération d’urgence en mobilisant rapidement des milliers de salariés bien équipés. Mais personne n’a songé à inclure une telle opération dans le « plan de relance », les industries papetières et la filière du bois industriel ayant fait savoir qu’elles préféreraient s’approvisionner à l’étranger. En Russie, par exemple. Quant aux usines de pâte à papier du Sud-Ouest, elles sont incapables ou peu désireuses d’absorber plus de bois. La situation, conséquence du morcellement forestier français et d’une gestion erratique de l’Office national des forêts, est dramatique pour les retraités qui compensaient des retraites trop modestes grâce aux coupes régulières. Personne ne les aidera, parce qu’ils sont peu, mal ou pas assurés. Conséquence : comme les plantations vont s’arrêter, des milliers d’emplois vont disparaître dans les Landes, comptant 627 000 hectares de forêt, qui en faisaient le département le plus boisé de France. Sans oublier le bouleversement inévitable de la biodiversité dans la région. _Claude-Marie Vadrot

ÉCOLOGIE

EAU Veolia battue par le Braden ! On se pince dans le quartier du Braden, à Quimper: aprèsenviron cinq ans de lutte, la tenace association des habitants vient de l’emporter face à Veolia, numéro un mondial des services de l’eau. Pendant des mois, les canalisations éclataient par dizaines sous l’effet d’une surpression décidée par l’opérateur, qui renvoyait avec mépris les habitants à leur prétendue inconséquence(1). Veolia a même déclaré ne pas vouloir faire appel, etque les sinistrés seraient remboursés! (1)Voir Politis n°939.

C L I M AT L’Australie sous le feu

2 500 km de projets autoroutiers refont surface. MULLER/AFP

GRENELLE 1 Le Sénat vient de voter en première lecture une loi dépouillée de ses ambitions.

Balayé, abasourdi, meurtri: le Sud-Est de l’Australie vient de vivre les incendies les plus meurtriers de son histoire, d’une exceptionnelle violence. En début de semaine, on comptait près de 200 morts, 2000 maisons en cendre, 500000 hectares brûlés, 500millions de dollars partis en fumée –tous chiffres provisoires. Les flammes ont annihilé plusieurs

Un lent naufrage ûrement, le Grenelle de l’environnement s’étiole. Un an et demi après les ronflantes promesses du président de la République, le Sénat vient seulement de voter en première lecture le texte dit « Grenelle I », c’est-à-dire la loiprogramme qui fixe le cadre d’une prétendue révolution écologique à la française. Il devra revenir devant les deux chambres, à une date indéterminée. Le ministre de l’Écologie, JeanLouis Borloo, avait initialement annoncé une loi pour… décembre 2007. Il n’est pas certain que tout sera bouclé en juin prochain. Entretemps, aura probablement commencé l’examen de la loi « Grenelle II », contenant les mesures d’application de Grenelle I. Chevauchements et confusions en prévision. La machine à dissoudre ses ambitions poursuit consciencieusement son œuvre, animée par les intérêts des élus, des administrations et des groupes d’intérêt économiques. « Plan de relance anticrise, milliards accordés au secteur automobile, loi de finances, contrats de projets État-Région…, chaque nouvelle mesure vient contredire ou raboter les décisions initiales du Grenelle, déplore Olivier Louchard, coordonnateur du Réseau action climat (RAC). Les lobbies regagnent systématiquement du terrain, nous sommes très préoccupés. » Les déceptions les plus importantes concernent les secteurs clés du transport et des bâtiments, premiers responsables des émissions de gaz à effet

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de serre et des consommations d’énergie fossile en France. Voilà que les quelque 2 500 kilomètres de projets autoroutiers en cours, que Jean-Louis Borloo avait présentés comme « gelés » par le Grenelle, refont résolument surface. Une dérogation avait déjà été concédée en cas d’impératifs de décongestion, de sécurité ou « d’intérêt local », vite mise à profit par le Premier ministre pour remettre en selle les portions A63, A150 et A355. Les sénateurs ont paisiblement ajouté que « les grands itinéraires autoroutiers » devront être menés « à bonne fin dans les meilleurs délais » ! Brandissant ces échappatoires, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France vient de justifier près de 500 millions d’euros d’engagement pour de nouveaux projets routiers en 2009. « Un retour en grâce inacceptable de la route », s’élèvent plusieurs associations dans un communiqué commun (1). Qui confesse aussi une « énorme désillusion » concernant la rénovation thermique des bâtiments anciens, chantier considérable et prioritaire. Alors que les sénateurs espèrent une réduction des consommations d’énergie de près de 40 % d’ici à 2020, le seuil de performance adopté pour la rénovation des logements sociaux est deux fois trop élevé, selon les associations ; et il n’est même pas défini pour les autres logements… Patrick Piro (1) Réseau Action Climat, Amis de la Terre, Cler, Fnaut, Greenpeace et WWF.

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bourgades (ici, Marysville, à 100km au nord-est de Melbourne). En Australie, la conjonction sans précédent de conditions climatiques extrêmes –chaleur de près de 47°C à Melbourne, sécheresse historique, vents violents– s’impose: c’est la signature du dérèglement climatique, que les autorités ont longtemps traité par le mépris. D’autant que le nord du pays était simultanément inondé par des pluies cycloniques diluviennes. D’ici à2050, le nombre de jours durant lesquels les incendies présenteront un danger extrême pourrait doubler.

OGM L’Afssa sans gêne La bataille anti-OGM va reprendre de plus belle en France, à la suite du rapport rendu la semaine dernière par MULLER/AFP l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa): il conclut que le maïs OGM Mon810 de Monsanto, dont la culture est sous moratoire en France depuis un an, est sans danger pour la santé. Et

précisément: «Aucun élément nouveau ne remet en cause la sécurité» du Mon810 dans le rapport d’Yvon LeMaho, datant de juin2008. En bon scientifique, celui-ci constatait qu’on ne pouvait conclure à l’absence de nocivité sanitaire et environnementale (ni le contraire d’ailleurs), recommandant de s’en tenir au principe de précaution. Pas étonnant: les études d’impact sont très majoritairement produites par les firmes semencières elles-mêmes, et ne sont pas rendues publiques. Ce qui ne gêne nullement l’Afssa. Alors que l’expertise officielle se décrédibilise périodiquement, le gouvernement, qui tarde à y remédier, a pour une fois vivement réagi face au lobby semencier, qui s’empresse de réclamer la levée du moratoire: c’est comme si on se basait sur l’avis d’un dentiste pour soigner une fracture, résume Chantal Jouanno, nouvelle secrétaire d’État à l’Écologie. En effet, c’est en raison des sérieux risques de contamination de l’environnement que la culture du Mon810 a été suspendue, et pas pour des raisons sanitaires. L’Afssa n’est pas plus troublée par la manœuvre qui a entouré la divulgation de son avis: il a «fuité» dans la presse (leFigaro du 11février), juste avant le vote des experts de l’Union, lundi dernier, sur la proposition de la Commission européenne de casser le moratoire français (mais aussi grec). Cette pression a finalement échoué dans ses fins, mais le répit ne sera que de courte durée: à moins que les ministres de l’Environnement de l’Union ne se mettent d’accord (c’est peu probable) d’ici à juin prochain, le dernier mot reviendra à la Commission: sous peine de sanction, la France sera alors sommée de lever son moratoire.

PRESSE ÉCOLO Déchets nucléaires Alors que l’Agence nationale Andra cherche désespérément des sites pour entreposer des centaines de tonnes de déchets radioactifs, le Réseau Sortir du nucléaire publie une brochure (Peut-on recycler les déchets nucléaires?) qui fait le tour d’un problème pour lequel l’industrie ne propose que d’hypothétiques solutions. www.sortirdunucleaire.org, 0478282922.

Guide des isolants Dans une enquête exclusive, laMaison écologique compare 100 isolants thermiques pour la construction. www.la-maison-ecologique.com, 0299370696.

Villes sobres Un dossier de Silence (presque sauvé!) sur ces villes britanniques qui cheminent vers l’écologie pour tous. www.revuesilence.net, 0478395533. 1 9 févr ier 2 00 9

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MONDE ISRAËL Historien de renommée internationale, spécialiste des nationalismes et homme de gauche authentique, Zeev Sternhell analyse ici les causes du déclin du Parti travailliste.

« À quoi sert le Parti travailliste ? » Politis I Le Parti travailliste israélien, qui fut le parti des fondateurs du pays, vient d’enregistrer, avec 13 sièges, le plus mauvais score de son histoire. Comment expliquezvous ce qui est plus qu’une défaite, une déchéance ? Zeev Sternhell I Ce phénomène s’explique par différents éléments. Le Parti travailliste connaît un processus de glissement électoral vers le bas depuis de nombreuses années. En dix ans, il a perdu environ la moitié de son électorat. Mais ce processus est encore plus profond. Ce parti a perdu sa spécificité. Ne possédant aucune réponse véritable face aux problèmes qui se posent dans la société israélienne, il ne parvient plus à convaincre les électeurs du centre gauche. Il n’a ni la capacité de proposer des réponses qui puissent constituer une solution de rechange face à la droite, ni celle d’être à la hauteur des solutions qu’il préconise. Tout d’abord, le Parti travailliste n’a rien fait pour la paix, même s’il en parle beaucoup. Il a apporté la preuve qu’il était incapable de se mesurer au problème essentiel : celui des colonies. La colonisation des territoires palestiniens s’est poursuivie, même sous Ehud Barak, lorsque celui-ci était Premier ministre, en 1999 et 2000, puis ministre de la Défense. Et cela de la même manière qu’auparavant.

la grande défaite de la gauche en 1977. Jusqu’à présent, il n’a pas été capable de se remettre debout. Le principal responsable est d’abord Shimon Pérès, qui a lui-même glissé vers le centre droit. Non seulement la reconstruction du parti n’a « Le Parti jamais eu lieu, mais elle n’a travailliste même jamais n’a rien fait pour commencé. Ce la paix, même qui fait qu’aus’il en parle jourd’hui on beaucoup. » cueille les fruits d’un processus d’autodestruction qui dure depuis pratiquement trente ans.

Ehud Barak, leader du Parti travailliste et ministre de la Défense. Tout un programme… GUEZ/AFP Il n’y a pas de véritable différence entre la politique menée par un travailliste et une politique menée par le centre droit ou la droite. Le second élément concerne la politique économique et sociale. Le Parti travailliste ne présente aucune solution de rechange face au néolibéralisme sauvage tel qu’on le pratique dans notre pays. Israël est devenu l’une des sociétés les plus inégalitaires du monde occidental. Ce parti n’ayant

aucune politique spécifique sur le plan économique comme sur celui de la paix, on peut se demander à quoi il sert encore. Le Parti travailliste fait face à un processus très comparable à celui connu par la SFIO en France à la fin des années 1950 et dans les années 1960. Mais, il n’y a pas de François Mitterrand en vue. Son problème correspond à l’absence de leadership, depuis une trentaine d’années, et à

Les nouvelles conditions d’Israël Avant de conclure un éventuel cessez-le-feu, Israël hausse sans cesse le niveau de ses exigences. Et demande maintenant la libération du soldat Gilad Shalit. elon une méthode déjà éprouvée, Israël n’en finit pas de hausser le niveau de ses exigences avant de conclure un éventuel cessez-le-feu avec le Hamas. Quelques jours auparavant, Israël exigeait la fin des tirs de roquettes sur les villes voisines de Sderot et Ashkelon, et « des progrès » dans les tractations en vue d’un échange de prisonniers. Dimanche soir, le Premier ministre, Ehud Olmert, a indiqué que la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit, capturé par le Hamas en juin 2006, prime désormais sur tous les autres objectifs que s’était fixés l’État hébreu : « En premier lieu, la libération de Gilad Shalit, a déclaré

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Ehud Olmert, deuxièmement, l’arrêt de la contrebande [d’armes] de l’Égypte vers la bande de Gaza, troisièmement, un cessez-le-feu total. » Du côté du Hamas, la principale condition, outre l’arrêt des raids aériens dans la bande de Gaza, reste l’ouverture de points de passage qui permettent de desserrer le blocus qui asphyxie ce territoire peuplé d’un million et demi de Palestiniens. Cette surenchère israélienne résulte aussi de la confusion politique qui règne une semaine après les élections législatives. Avant sa déclaration publique, Ehud Olmert a en effet dû consulter, en plus

de l’actuel gouvernement, le leader du Likoud, Benyamin Netanyahou, probable futur Premier ministre, qui pratique lui-même la surenchère. Mais, en conditionnant la conclusion d’une nouvelle trêve à la libération de Gilad Shalit, Israël risque aussi de devoir en payer le prix en libérant des centaines de prisonniers palestiniens, dont le chef du Fatah en Cisjordanie, Marwan Barghouti, condamné en juin 2004 à la prison à vie. Ironie du sort: si cette libération intervenait, ce serait le Hamas qui obtiendrait la libération du principal dirigeant du Fatah, l’homme que l’on dit capable de refaire l’unité palestinienne. _D. S.

Est-ce qu’il y a à l’intérieur du Parti travailliste une force ou un personnage qui vous semblent pouvoir incarner un redressement ? L’espoir d’un redressement, suscité par l’arrivée d’Amir Peretz, a été balayé par la guerre du Liban de 2006. En outre, l’élite dirigeante du parti lui était opposée et n’a donc pas collaboré avec lui. Parce qu’il était précisément un outsider qui arrivait à la tête du parti, beaucoup ont espéré qu’il remettrait le Parti travailliste dans le droit chemin. Cela ne s’est pas produit. C’est aussi le signe d’une sorte de désespoir. Le parti aurait dû jouer le rôle d’une force d’opposition au Likoud. La grande masse de ses électeurs potentiels n’y croyait pas ; elle a donc voté pour Kadima, le parti centriste. N’oublions pas que le pourcentage de votes est tombé de 80 % au début des années 2000 à 65 %. Ces voix perdues viennent de la gauche et du centre gauche. La droite, elle, continue de voter. Si les électeurs de gauche n’ont pas voté, c’est parce qu’ils ne pensaient pas que la droite aurait une influence sur le rapport de force. En fait, ils ne croient pas à la capacité de la politique de changer la réalité. _Propos recueillis par Denis Sieffert et Pauline Baron Zeev Sternhell est notamment l’auteur d’Aux origines d’Israël: entre socialisme et nationalisme (Fayard, 1996) et desAnti-Lumières (Fayard, 2006).

LES ÉCHOS En Italie, la Ligue du Nord exige que les médecins dénoncent leurs patients immigrés sans papiers. Pour transformer les blouses blanches en chemises noires ?

ici

en 2 mots

Lutte ouvrière présentera ses propres listes aux élections européennes dans les sept circonscriptions métropolitaines. Sans illusion aucune. «Même si on avait 50élus au Parlement européen on ne pourrait pas peser», a expliqué Nathalie Arthaud, sur Radio Orient, le 13février. «Notre but, c’est de défendre avant tout nos idées», reconnaît la nouvelle porte-parole de LO, en confiant que «l’enjeu est avant tout propagandiste». Voilà qui a le mérite de la franchise.

ENTENDU Christine Lagarde s’est félicitée sur RTL, le 13février, du bénéfice record enregistré en 2008 par Total. «Je me réjouis qu’il y ait des entreprises en France qui réussissent, qui fassent des profits», a déclaré la ministre de l’Économie. Interrogée sur la répartition de ces 13,9milliards d’euros de bénéfice, dont 38% iront aux actionnaires et 2% seulement aux salariés, la ministre de l’Économie a botté en touche: «Je n’ai pas à porter de jugement sur la répartition telle qu’elle est décidée par les actionnaires dans un groupe privé.» Comme le journaliste lui rappelait la promesse de Sarkozy de répartir les profits en trois tiers égaux (investissements, actionnaires, salariés), MmeLagarde a admis ne pas pouvoir faire valoir «d’exigences» auprès d’une société si bien portante. Avant de conclure, agacée: «Je ne pense pas que les salariés du groupe Total soient dans une situation de paupérisation ou de misérabilisme…» Sarko leur promettait

Entre ici, Estrosi ! Le 13février, rapporte le site letuyo.info, Christian Estrosi, député-maire UMP de Nice, lance au socialiste Patrick Allemand, en plein conseil municipal: «Vous êtes quelqu’un de très dangereux, vous mentez à l’aide des méthodes de falsification utilisées, durant l’Histoire, par ceux qui ont conduit aux plus grands drames de la planète.» Et de préciser, pour le cas où des simples d’esprit n’auraient pas complètement compris le message: «Je pense notamment à certains hommes qui officiaient en 39.» En clair: Patrick Allemand serait un peu nazi sur les bords. Et Christian Estrosi est bien sûr un héros de la Résistance.

Un mensonge avoué Devant quelques journalistes, Jean-François Copé a estimé, le 11février, que l’«on ne fera pas de défense européenne si on ne remplit pas la case Otan». Le chef de file des députés UMP, favorable à un débat parlementaire (sans vote!) sur un retour de la France dans les structures intégrées de l’Alliance atlantique, assure qu’«il y a de vraies raisons d’y aller». S’il ne peut y avoir de défense européenne sans réintégration de la France dans le commandement militaire de l’Otan, pourquoi l’avoir nié quand les opposants au TCE soutenaient que ce traité et son jumeau, le traité de Lisbonne, nous plaçaient sous la coupe de l’Otan? Encore un mensonge qui tombe aujourd’hui.

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D’OLIVIER BRISSON

49000euros en moyenne; ils auront 3000. La ministre ne va quand même pas les plaindre…

LU Manifestement insensible à la joie de Christine Lagarde, la justice italienne, quant à elle, «suspend pour un an la concession d’exploitation de Total Italie dans le sud du pays» (nouvelobs.com, 16février). C’est pas tous les jours facile d’être bénéficiaire de près de 14milliards d’euros, quand on a le monde entier contre soi. Les carabinieri

spécialisés dans les délits environnementaux estiment que plusieurs dirigeants de l’entreprise pétrolière se seraient livrés à «des activités ayant pour but de fausser la concurrence» et «visant à réaliser des profits énormes» par ces moyens déloyaux. Utiles précisions, toujours d’après les carabiniers: «Il est manifeste que ces délits ont été commis dans l’intérêt et à l’avantage de la société», et «l’énorme étendue des intérêts en jeu conduit à penser qu’ils impliquent également la maison-mère.» Ces Italiens salissent tout…

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MERLE/AFP

La franchise de LO

Venu faire le 13février, sur France2, la promotion de son nouveau (et burlesque) livre, Jacques Séguéla énonce, doctement, que: «Si à 50ans on n’a pas de Rolex, on a raté sa vie.» Le mépris de classe, dans toute son obscénité, met parfois un peu de temps à s’imposer pour ce qu’il est: d’autres fois, il crève l’écran…

MENDOZA/AFP

le chiffre Désinformation à vie ? Le 15février, Libération lançait un véritable cri d’alarme à destination de l’Amérique latine (qui s’en moquait): «Chavez se verrait bien président à vie.» Même son de cloche au Monde, où la détestation du président vénézuélien est une espèce de religion. Dimanche, totalement sourds au déchaînement propagandaire des quotidiens français, 54,6% des votants ont voté «oui» au référendum qui permet à Hugo Chavez de briguer un nouveau mandat en 2012 –approuvant ce que leMonde appelle sa «possible réélection illimitée». Comprendre: l’instauration, au Venezuela, du système qui a prévalu en France jusqu’à l’an dernier, sans que jamais Libération ou leMonde ne hurlent que François Mitterrand ou Jacques Chirac se voyaient en présidents à vie.

71 000 euro s C’est le nouveau bonus de Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers, ex-secrétaire d’État aux Affaires européennes de Sarkozy et homme de gauche. Son indemnité annuelle vient en effet de passer de 149 000 à 220 000 euros brut, un joli pactole en temps de crise… 1 9 févr ier 2 00 9

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• Le Salon • Près de 40 % des agriculteurs • Ils sont des

DOSSIER AGRICULTURE

LES NOUVEAUX DAMNÉS DE LA TERRE e Salon de l’agriculture ouvre ses portes à Paris le 21 février. Avec ce slogan qui fait la fierté de son président, Jean-Luc Poulain : « Génération agriculture : produire aujourd’hui, nourrir demain, respecter toujours ». Cela ne veut pas dire grandchose, mais le message sonne bien, et le visiteur peut s’y laisser prendre. Cela établit surtout que l’agriculture dominante mise sur la communication plutôt que sur l’information pour redorer l’image d’une industrie agroalimentaire dont les Français se méfient de plus en plus. Une fois de plus, le public sera donc abreuvé d’images rassurantes du fameux Concours général, couronnant de plus de 1 500 médailles d’or des taureaux énormes, quelques vaches plantureuses (fournissant un lait dont les prix ne cessent de baisser), des brebis dodues (dont l’élevage ruine des paysans qui tentent de lutter contre les conséquences du dumping en provenance de Nouvelle-Zélande).

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Il sera moins directement question de la crise qui affecte une bonne part des agriculteurs. Réduits, de plus en plus souvent, au Smic, au RMI, à d’autres minima sociaux plus dérisoires encore, certains, acculés à la faillite, abandonnent leur exploitation ou leur maison. Pour rejoindre la cohorte des chômeurs chichement indemnisés. La situation n’est pas nouvelle. Mais, d’année en année, elle s’aggrave. Il y a cinq ans, déjà, une étude du Credoc constatait que dans 40 % des exploitations agricoles le revenu ne permettait pas de dégager une rémunération supérieure au Smic pour le chef d’exploitation ni pour ses aides familiaux non salariés. Si beaucoup s’acharnent à maintenir leur activité, c’est qu’elle leur procure deux avantages de survie : l’autoconsommation, pratiquée par plus de 80 % d’entre eux, et la jouissance d’un logement dont beaucoup sont propriétaires. Chiffres et témoignages, accablants, démontrent qu’en France, trop de paysans sont les nouveaux damnés de la terre.

La grande misère du monde paysan On parlera peu de la pauvreté des travailleurs de la terre pendant le Salon de l’agriculture. Pourtant, des milliers de paysans vivent avec le RMI ou des revenus en dessous du Smic.

ireille Vallet, paysanne à Lailly-enVal, à quelques encablures de Beaugency (Loiret), vient de passer trois années au RMI pour tenter de sauver son élevage de vaches laitières : « Moralement, ce genre de situation n’est pas facile à assumer. Mais les exploitations plus importantes que la mienne ne sont pas non plus à l’abri des catastrophes financières. Pas loin de chez moi, un agriculteur de 40 ans qui gérait une grosse structure s’est suicidé. Le système nous maintient tout juste la tête hors de l’eau, alors que le moindre équipement coûte une fortune. » De tels témoignages sont nombreux dans les permanences de Solidarité paysans (1),

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association nationale de défense des agriculteurs en difficulté. Rien que dans les Pays de la Loire, 292 agriculteurs ont été pris en charge en 2006 par le dispositif « Agriculteurs en difficulté », qui les oriente vers la reconversion professionnelle, le redressement de leur exploitation ou la préretraite. Les bénévoles s’activent de plus en plus pour tenter d’aider leurs collègues menacés par des faillites ou des liquidations judiciaires. Des milliers de dossiers sont ainsi déposés chaque année dans les 50 départements où l’association, qui existe depuis 1992, est présente. À cette situation, il faut ajouter que « près de 40 % des paysans vivent avec un revenu inférieur au Smic », ajoute Jacques

Pasquier, secrétaire national de la Confédération paysanne. Le syndicat est le seul à publier régulièrement des estimations, ce que le ministère de l’Agriculture évite. Les statistiques sur l’appauvrissement d’une partie du monde agricole sont rares, les dernières remontent à plus de dix ans. Dans les permanences de Solidarité paysans, José Morand, son responsable, sait aussi que tous les paysans en difficulté n’osent pas demander d’aide : « Ils ont la honte ! » De fait, nombre d’agriculteurs avouent difficilement des situations souvent considérées comme infamantes. José ajoute : « Les désastres, notamment les suicides, se produisent plus fréquemment encore pour les grandes exploitations très productivistes, dans lesquelles les gens ont perdu tout rapport avec la terre ou les animaux. Quand les difficultés surviennent, plus rien ne les retient à l’existence parce qu’il n’existe plus aucun attachement à leur outil de travail. »

de l’agriculture, vitrine chatoyante, masque une réalité accablante. vivent avec un revenu inférieur au Smic. dizaines de milliers à tenter de survivre, péniblement.

Jean, agriculteur divorcé, 45 ans, raconte le calvaire qu’il a vécu quand il a dû renoncer à ses 6 hectares de maraîchage près de Beauvais. Comme beaucoup de ses collègues, il répugne à se confier. « J’ai vécu les cinq dernières années avec un revenu de 500 à 700 euros par mois en moyenne. Ma femme et mes deux gosses en ont eu marre, surtout elle. J’ai tout fait pour sortir du trou, mais j’ai fini par accepter de vendre à un voisin. Ce qui a juste payé les dettes à banque. J’ai dû me battre pour sauver ma maison, j’ai failli devenir SDF. Pour toucher le RMI, ça n’a pas été plus simple car les conseils généraux ont le droit de prendre leur décision au vu du revenu fiscal et non pas sur ce qui reste. À première vue, on me disait que je gagnais bien ma vie. Sauf que 90 % de mes gains servaient à rembourser mes deux banques. J’ai eu l’impression de mendier, mais je n’avais pas d’autres solutions. Depuis, je vis sur mon jardin, avec l’impression que je ne retrouverai jamais un emploi. » Ils sont des dizaines de milliers, comme Jean, à survivre. Péniblement. Puis certains coulent. Sombrent dans un désespoir qui peut mener jusqu’au suicide. « Nulle part il n’est

possible de faire des comptes précis, raconte Francis Thomas, responsable d’une antenne de Solidarité paysans dans le Sud-Est. Simplement, entre 1994 et 2007, alors que le nombre des agriculteurs a chuté dans notre région, le flux de ceux qui viennent demander une aide est resté constant. C’est une indication. » « La fluctuation des prix est dramatique, se plaint Jacques Pasquier. Depuis quelque temps, ils sont très faibles. En 2008, les éleveurs de brebis ont eu un revenu proche de zéro ! » En cause aussi, la politique agricole commune (PAC), « qui représente entre 10 et 15 % du chiffre d’affaires de l’agriculture. Elle n’est pas utilisée pour prendre en compte les situations de revenus. Ce qui fait que les maraîchers et les viticulteurs n’ont, par exemple, aucun soutien direct. On construit un modèle très capitalistique, c’est-à-dire qu’on pousse les agriculteurs à investir beaucoup, toujours plus, sur des durées très longues. Et dans de nombreux systèmes de production, les investissements sont colossaux. C’est le cas pour les productions hors sol de porcs, pour la production laitière. C’est l’une des conséquences de ce que certains appellent la

modernisation de l’agriculture, qui met bon nombre d’agriculteurs en difficulté. » Emportés par la spirale infernale de la pauvreté (2), les agriculteurs ruinés, chassés de leurs terres, ont beaucoup de mal à se reconvertir, notamment parce qu’ils n’ont aucun droit au chômage. Le syndicat dominant, la FNSEA, gouverné et financé par les céréaliers et les exploitants agro-industriels, a toujours refusé que les paysans soient affiliés à l’assurance-chômage. Avec pour conséquence qu’un agriculteur cessant son activité n’entre pas dans les statistiques nationales. Il devient un chômeur « clandestin ». Et n’a ensuite droit qu’à une indemnité de 1 550 euros, complétée par un second versement de 1 550 euros s’il suit une formation, pendant laquelle il touchera 75 % du Smic. Avec, en prime, pour une aussi faible allocation, l’interdiction de redevenir exploitant agricole. Malgré tout, José Morand ne baisse pas les bras : « Je ne suis pas optimiste, mais la situation donne envie de se battre. »

Emportés par la spirale infernale de la pauvreté, les agriculteurs ruinés, chassés de leurs terres, n’ont aucun droit au chômage. MULLER/AFP

_Claude-Marie Vadrot (1)www.solidaritepaysans.org (2)En passant du RMI au RSA, les agriculteurs perdront le droit à la CMU. 1 9 f évr ier 2 0 09

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DOSSIER AGRICULTURE

« On a réinventé le servage » Paysan-journaliste, Patrick Herman* a enquêté pendant plusieurs années dans le secteur des productions fruitière et légumière pour y rencontrer une main-d’œuvre immigrée surexploitée.

La maind’œuvre permanente a été remplacée par des précaires et des « clandestins » pour assurer une flexibilité maximum. POUJOULAT/AFP

POLITIS I Qu’avez-vous constaté en France, en Espagne et au Maroc ? Patrick Herman I L’agriculture intensive

Dans le cas de la France, vous dites que nous sommes dans un pays de non-effectivité du droit…

des fruits et légumes a été un laboratoire de la régression sociale, où le droit du travail ne s’applique pas. On y a réinventé le servage, qui s’est étendu à d’autres secteurs de l’économie. Le système a été décrit en 2001 dans un rapport tenu secret (1). En fait, l’État a perdu le contrôle de la situation, et la profession applique ses propres lois. Il en va de même en Andalousie.

Dans ce système de production intensive, la main-d’œuvre permanente a été remplacée par des précaires, des « clandestins » et des salariés d’entreprises prestataires de service, cela pour assurer une flexibilité maximum. L’empilement des statuts permet la mise en concurrence des salariés les uns avec les autres et fragilise l’ensemble de la pyramide salariale au mépris des

Le camouflet de la Halde Travailleurs sans droits, absence de contrôle de l’administration, connivence de la préfecture, de la direction départementale du travail et de la FDSEA, puissant syndicat agricole… Cette lourde charge a été rendue publique le 15décembre 2008 par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité(Halde), qui recommande la «requalification» en CDI des contrats des travailleurs agricoles étrangers employés dans les Bouches-du-Rhône. La Halde a en effet été saisie en

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mars 2007 par le Collectif de défense des travailleurs étrangers dans l’agriculture(Codetras), et sa délibération a infligé un cinglant camouflet à l’État et aux exploitants agricoles du département. Pas moins de 4000forçats de l’agriculture intensive, venant notamment du Maroc et de Tunisie, sont employés dans ce département, estime le Codetras. Et ce chiffre s’élève à près de 15000 si l’on ajoute le Gard et l’Hérault. La Halde relève que ces travailleurs ont trimé pendant dix et parfois trente ans, souvent sur la même

exploitation agricole, sous couvert de contrats dit «OMI»(Office des migrations internationales), une pratique des employeurs qui «empêche l’application des dispositions relatives à l’emploi et à la protection sociale». La délibération de la Halde a récemment fait bouger la préfecture, qui a délivré une centaine de cartes de séjour. Le Codetras indique aussi qu’un certain nombre d’exploitants agricoles fournissent désormais des promesses d’embauche en CDI. _T. B.

conventions collectives du secteur.

Les travailleurs saisonniers ont-ils un statut ? Certains, oui. Le contrat de l’Office des migrations internationales (OMI) (2) n’est régi ni par le droit du travail ni par le droit des étrangers, mais par une convention bilatérale de main-d’œuvre signée avec le Maroc en 1963 et une circulaire de 1976, censée encadrer l’embauche de « travailleurs saisonniers originaires des pays lointains ». Le contrat OMI est un sous-CDD : les travailleurs n’ont pas droit à la prime de précarité, à la priorité de réembauche. Ils cotisent à l’assurance chômage mais n’ont pas Les salariés droit aux allocations car, au bout de huit mois, ils cotisent à doivent rentrer dans leur l’assurancepays. Sans la certitude chômage mais n’ont pas droit aux d’être réembauchés. Un trafic de main-d’œuvre allocations. est organisé, et les contrats se négocient jusqu’à 10 000 euros. En Espagne, l’équivalent des contrats OMI s’appelle le « contrat d’origine ». Des dizaines de milliers de jeunes femmes d’Europe de l’Est et du Maghreb viennent ramasser les fraises chaque année près de Huelva. Elles sont recrutées directement dans leur pays d’origine par les producteurs à la recherche d’une main-d’œuvre corvéable à merci. Les saisonniers sans papiers assurent l’hyperflexibilité de la maind’œuvre pendant les pointes de travail.

Dans quelles conditions travaillent les saisonniers immigrés ? Prenons le cas d’Aït Baloua, Marocain sous contrat OMI. Il a été pendant vingt-trois ans payé comme un manœuvre débutant alors qu’il était chef de culture. Ses heures supplémentaires, plus de 6 300, n’étaient pas rétribuées. Logé dans une caravane délabrée, il faisait en huit mois l’équivalent d’un temps de travail annuel, souvent sans jour de repos hebdomadaire. Résultat : une spoliation d’environ 100 000 euros. Les saisonniers marocains ont été le plan Marshall des agricultures provençale et andalouse. _Propos recueillis par Thierry Brun (1)Rapport n°2001-118 rédigé par Guy Clary, inspecteur général des affaires sociales, et Yves Van Haecke, inspecteur au ministère de l’Agriculture. Il est analysé dans le premier chapitre du livre de Patrick Herman (voir ci-dessous). (2)Devenu l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations(Anaem). *Il a publié lesNouveaux Esclaves du capitalisme aux éditions Au diable Vauvert(2008). Il est aussi l’auteur des textes de laRoue ou la noria des saisonniers agricoles, un livre de photographies de Yohanne Lamoulère, édité par l’association Khiasma(2007).

JOSÉ BOVÉ Cofondateur de la Confédération paysanne.

L’amour n’est pas toujours dans le pré

Un modèle aberrant

La désertification des campagnes et la baisse du niveau de vie des agriculteurs rendent les unions difficiles. Une émission de téléréalité et plusieurs films récents témoignent du phénomène.

«

’amour est dans le pré. » Que cette expression soit le titre d’une émission à succès ne doit rien au hasard. Après « Tournez manège » ou « Les mariés de l’A2 », jeux matrimoniaux périmés, le petit écran organise le bal des célibataires à la sauce paysanne. « Découvrez 11 nouveaux agriculteurs célibataires, avec pour la première fois, cette année, 2 agricultrices ! Issus de toutes les régions de France et de tous les corps de métiers agricoles, ils sont travailleurs, passionnés, proches de la nature… mais seuls ! », annonce l’émission. De vieux garçons et de vieilles filles endurcis, il y en a toujours eu. Mais, en ces temps de désertification des campagnes, de recul du niveau de vie agricole et de difficile transmission des petites exploitations, le problème prend des proportions inquiétantes. Foin de mondialisation, la misère affective et sexuelle dans nos campagnes est devenue un phénomène. C’était le sujet du film Je vous trouve très beau (Isabelle Mergault, 2006), où Michel Blanc, fermier veuf, partait à la (con)quête d’une jeune Roumaine prête à tout. C’est l’une des questions abordées par les récents documentaires de Raymond

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Se faire remplacer, un luxe ? Que faire en cas de vacances, d’accident, de maladie? Il existe depuis trente ans un service départemental pour les agriculteurs qui met un «agent de remplacement» à disposition de ses adhérents. La cotisation coûte de 15 à 80euros suivant le département, et le service de 16 à 130euros par jour suivant le motif. Si l’agriculteur a souscrit à l’assurance partenaire (200euros) ou à une assurance extérieure, 70% du montant lui sera reversé. Sinon, tout est à sa charge. Or, certains congés peuvent être longs, en cas de cancer ou de dépression par exemple, maladies les plus citées. «Les agriculteurs assurent bien leur matériel et leur cheptel mais négligent leur personne», regrette Franck Laur, président de la Fédération nationale des services de remplacements, qui compte 70000adhérents. Faible taux, rapporté aux 400000agriculteurs en exercice, mais correct rapporté aux 100000éleveurs laitiers, qui connaissent le plus d’astreintes. _I. M.

En route vers Depardon (Profils paysans) et Raphaël Mathié (Derun avenir… nière Saison). « Le Chasseur difficile. français est plein d’offres de rencontres », confiait le jeune documentariste lors de la sortie de son film, le 21 janvier. Jusque sur son site Internet, le magazine propose un onglet « Rencontres soft » : Saint-Flour (Cantal), « Femme, 50 ans… », Gattières (Alpes-Maritimes), « Jeune octogénaire », Perros-Guirec (Côtesd’Armor), « Homme, 40 ans »… L’une des annonces provient d’une Camerounaise. Justement, la nationalité de la femme que Jean Barrès, l’éleveur de Dernière Saison, avait accueillie dans sa ferme à la lisière du Cantal et de la Lozère pour en faire son épouse et héritière. Le courant n’est pas passé et l’éleveur s’est retrouvé seul. Sans traiter le sujet, le film suggérait l’existence de réseaux matrimoniaux franco-africains, cantalo-camerounais… « Et vous, la vôtre, vous l’avez rencontrée “par les copines” ? » Offre terre d’accueil pour compagne fuyant misère économique… Derrière les courriers du cœur, un marché louche ? Pour le meilleur ou pour le pire.

La politique agricole commune (PAC) mise en place en 1958 par le traité de Rome avait trois objectifs: l’autosuffisance alimentaire européenne ; la recherche d’une alimentation au coût le moins élevé possible pour les consommateurs, notamment par une organisation des marchés qui éviterait les trop grandes fluctuations des prix (le panier de la ménagère devait être préservé en permettant une alimentation satisfaisante du point de vue de la quantité et de la qualité) ; et l’harmonisation durable des revenus des paysans par rapport aux autres catégories sociales. Ce dernier point n’a jamais été atteint. La situation empire car les politiques sont prêts à sacrifier des agriculteurs et leurs revenus pour obtenir une baisse du prix des produits dans les grandes surfaces. Une politique aberrante puisque presque tout le monde sait que cela Les politiques ne réussit jamais, sauf pour faire disparaître des exploitations ou pour agrandir leur taille, sont prêts à et pour réduire les revenus des paysans en sacrifier des augmentant ceux de l’agrobusiness. Ce qui agriculteurs pour n’évite d’ailleurs plus les faillites, voire les suicides, dans ce secteur. Pour tenter de obtenir une peser sur le pouvoir d’achat, le système met baisse des prix des paysans au chômage, ce qui se voit moins qu’un plan social ou la fermeture d’une usine. dans les grandes Les départs, les dépressions nerveuses, les dérives personnelles des paysans ne font surfaces. jamais la une des journaux alors qu’il y a 20000nouveaux chômeurs paysans tous les ans. Il faut savoir que 30% des agriculteurs vivent au-dessous du seuil de pauvreté, et qu’il y en a de plus en plus qui continuent vaille que vaille à cultiver en étant au RMI. Ce système porte préjudice aux paysans, au milieu naturel et aux consommateurs.

DANIAU/AFP

L’agriculture vit sous un modèle libéral dirigé par l’agroindustrie, qui écrase les plus faibles en les décourageant pour qu’ils renoncent à leurs terres et à l’espoir. La politique agricole qui s’affiche au Salon est conçue et s’exécute en faveur de quelques multinationales qui ne se préoccupent ni de la qualité de l’alimentation, ni de la santé des consommateurs, ni du pouvoir d’achat ou du destin des paysans. Il est facile de le constater, l’exemple est récent, sur la question du lait: des prix revus sans cesse à la baisse sans le moindre égard pour les éleveurs, qui n’ont plus leur mot à dire face à des coopératives qui deviennent des entreprises à la recherche de profits. Une guerre économique contre les paysans et contre leurs revenus puisque, à chaque réforme ou inflexion de la PAC, nous constatons une hémorragie supplémentaire du nombre des exploitations: nous ne sommes plus que 400000, et des milliers de paysans quittent leurs terres chaque année. Ne s’en sortent, sans que leurs revenus deviennent extraordinaires, que les paysans qui réussissent à établir un contact direct avec les consommateurs, par exemple avec les Amap. Le modèle est aberrantet considère que plus un pays est moderne moins il doit garder de paysans: 3% de la population active en France, moins de 1% en Grande-Bretagne. Voilà la modernité suggérée: un seuil minimal de paysans. Nous imitons le modèle des États-Unis ou de la Grande-Bretagne. En pesant sur le revenu des paysans pour qu’ils se désespèrent, pour qu’ils partent «volontairement».

_Ingrid Merckx 1 9 f évr ier 2 0 0 9

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CINÉMA

Regarder l’ennemi 32 est le numéro de dossier militaire d’un jeune Israélien qui, deux ans plus tôt, membre d’une unité d’élite de l’armée de son pays, a participé à une mission de représailles, digne de la loi du talion, au lendemain de la mort de six soldats israéliens. Résultat : plusieurs policiers palestiniens abattus arbitrairement, un crime de guerre que le jeune homme, sujet du film d’Avi Mograbi, dénommé Ronny, a commis avec des compagnons d’arme, tuant lui-même au moins un des Palestiniens. Le cinéma d’Avi Mograbi continue à développer sa relation déjà ancienne – Comment j’ai appris à surmonter ma peur et à aimer Arik Sharon date de 1996 – avec l’« ennemi ». Question centrale pour le documentaire (comme pour la fiction, mais les modes d’approche diffèrent), aux implications dangereuses soulevant des problèmes délicats : comment faire avec l’humanisation de l’« ennemi », inhérente au filmage dans la durée ? Comment échapper à une certaine séduction ? Ultraconscient de ces questions, Avi Mograbi a décidé de les placer au cœur de ses films, d’en faire en soi une matière cinématographique, qui donne à son œuvre un caractère réflexif unique. Dans Z32, celles-ci se posent plus que jamais. Car, a priori, Ronny est (ou, plus exactement, a été) un de ces tueurs sans scrupule, ayant donné la mort non pas froidement mais « avec plaisir », selon ses propres termes. Mograbi a ainsi tenu à mettre à distance le témoignage de celuici. Ce sont des séquences musicales où le cinéaste, dans son appartement, chante, accompagné du pianiste qui a composé la musique, Noam Enbar, ou entouré d’un orchestre de chambre. À la manière des chœurs antiques de la tragédie grecque, il commente le témoignage de Ronny, donne son point de vue sur la personnalité de celui-ci, et va jusqu’à interroger le bien-fondé de son film. Au détour d’un couplet d’une de ses chansons, il confie même que sa femme trouve que « ce n’est pas un sujet pour un film ». Mais il est bien possible qu’elle se trompe… L’autre question fondamentale concerne la manière dont il a filmé

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Dans « Z32 », Avi Mograbi montre un ex-soldat israélien qui a participé à une mission meurtrière, et donne autant à réfléchir sur cet acte que sur le fait de filmer un criminel de guerre.

Ronny. La condition posée par celuici pour témoigner – rester anonyme, parce qu’aujourd’hui encore il a peur d’un acte de vengeance – exigeait que son visage ne soit pas reconnaissable. Avi Mograbi a ainsi imaginé un masque virtuel, réalisé en 3D, posé a posteriori sur le visage de Ronny, et sur celui de sa petite amie, quand tous deux sont devant la caméra. S’il est effectivement non reconnaissable,

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Ronny n’est pas immédiatement désigné comme un assassin, un serial killer, ce qu’auraient eu pour effet un masque ou une cagoule. En considérant Ronny pour ce qu’il est, un être humain et non un monstre, en le filmant dans une relation de confiance, dans un cadre intime (chez le jeune homme ou dans l’appartement du cinéaste) ou sur les lieux du meurtre pour une reconstitution subjective, Avi Mograbi ne se détourne pas de ses engagements de cinéaste et de citoyen. Il documente une réalité qui pourrait n’être qu’aveuglante si elle n’était perçue que dans sa seule dimension d’horreur. Quand il filme Ronny expliquant la manière dont les jeunes soldats sont encadrés et entraînés, mis sous pression pendant des mois avec au bout la nécessité de se défouler et de tirer sur tout ce qui peut représenter une menace (comme les enfants de plus de 5 ans…), le cinéaste fait entendre que son interlocuteur est loin d’être un cas singulier, et que son geste est finalement le produit d’un conditionnement malheureusement banal. Derrière son masque, Ronny est un soldat sans visage. Ou, plus exactement, un soldat aux trop nombreuses

identités : celles du Français pendant la guerre d’Algérie, de l’Américain pendant les guerres du Vietnam ou d’Irak, du Russe en Tchétchénie… Il est partout où se déroule une guerre coloniale. Avi Mograbi n’occulte pas pour autant la responsabilité individuelle du jeune homme. Sa petite amie est là pour la lui rappeler, dans des séquences denses en émotion, tournées sans le cinéaste, captées par et chez le jeune couple. Face à Ronny, en quête d’un début de pardon de la part de sa petite amie, celle-ci reste désarmée par le récit de ses exactions, par son absurdité. Elle ne conçoit pas comment il a pu commettre cela. Mais, parce qu’elle continue à l’aimer, elle ne le juge pas. Le film non plus. Ce qui pourrait ressembler à de la complaisance si Z32 n’affirmait aucun point de vue. C’est parce qu’Avi Mograbi y affirme un point de vue de cinéaste, que celuici peut donner à voir la complexité des choses sans les rendre confuses. Autant dire, mais on l’aura compris, que Z32 est le contraire même du tout-venant télévisuel. Un film au regard assumé. _Christophe Kantcheff

L I T T É R AT U R E

LITTÉRATURE

La fragilité des liens

La vie en l’air urvivre à une catastrophe aérienne immunise-t-il contre la peur de l’avion ? Ou, comme l’explique ce mathématicien aux deux personnages du dernier roman de Denis Lachaud, la probabilité d’être victime une première fois d’un crash, même si elle est infime, n’annule pas la possibilité d’en être victime une deuxième. Ou une troisième. Prenez l’avion n’est pas une démonstration sur les lois de la probabilité ou une application thérapeutique sur les crashs. Mais plutôt une construction, comme seule la fiction en autorise peut-être, à partir du motif de l’avion qui s’écrase, métaphore de la peur de mourir et d’une réflexion sur le sens à donner à sa vie. Lindsay et Emmanuel sont les deux survivants quadragénaires d’un crash qui a fait 349 morts dans une forêt tropicale. Ils ne s’étaient jamais vus. Ne se sont pas parlé. Le roman démarre juste après l’impact. C’est Lindsay qui raconte : le mollet déchiré, l’accoudoir en travers du ventre, et l’arrivée de ce « Cary Grant jeune » qui l’emporte loin de la carlingue pendant que la chair saigne ou cuit autour. Ils marchent des heures « sur trois jambes » avant de s’effondrer. Emmanuel, Français au prénom d’ange, sombre dans le coma et se réveillera

S

Dans «35 Rhums», Claire Denis filme des vies intérieures. n RER glisse dans la banlieue parisienne. La caméra est dans la cabine du conducteur, elle « avale » les rails et le décor alentour. Le mouvement est lent, plein, étonnamment serein. Quelques instants plus tard, la nuit est tombée. Un homme observe les mouvements de la circulation des rames et des lumières dans le paysage urbain. Après son travail, il fait une pause avant de rentrer chez lui. Il prend son temps. Comme le film. On découvrira progressivement que cet homme, Lionel (Alex Descas), est le père d’une jeune femme (Mati Diop) qui habite encore avec lui. Que sa femme est morte depuis longtemps. Que la voisine (Nicole Dogué) est secrètement amoureuse de Lionel. Que le jeune ami de la famille (Grégoire Colin), qui habite le même immeuble, est lui aussi devenu un adulte. 35 Rhums est fait de climats. Délesté des rythmes impératifs de la narration, il avance à son rythme, nonchalant. Mais il réussit là où le précédent film de Claire Denis, l’Intrus, échouait : le film prend corps. Sans doute en raison de la justesse des relations qui se jouent entre les personnages, qui s’expriment moins par la parole que par des gestes, des rires, des regards. Un plaisir d’être ensemble que l’on sent perpétuellement en danger, comme si cette petite communauté pouvait soudain se séparer, comme si la fille allait bientôt quitter le domicile familial… Mais 35 Rhums n’est certainement pas une chronique naturaliste de la vie en banlieue de travailleurs ou d’une étudiante noirs. Plus qu’une description de la violence sociale, on y perçoit la vie intérieure d’individus guettés par la solitude mais désireux de liberté. L’atmosphère tout en délicatesse de 35 Rhums n’exclut pas le désarroi. Claire Denis est parvenue à filmer la fragilité de ce qui réunit.

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_C. K.

Denis Lachaud abolit le hasard. DR

Denis Lachaud brode une rencontre amoureuse sur le motif du crash aérien en combinant les modes d’expression.

sans souvenir de la catastrophe. C’est Lindsay, le comédien gallois qui, tombé amoureux de son sauveur, lié à lui à jamais par leur étreinte « à la vie à la mort », devra inventer les mots pour dire ce qu’il a vu. Écrire l’histoire. Leur histoire. Il n’y a pas de hasard dans ce roman : Emmanuel, menuisier, aérodromophobe comme 10 % de la population, venait de s’offrir un « stage de déconditionnement psychologique pour les phobiques du vol aérien ». Dans la foulée, il a embarqué sur le premier vol en direction d’une île. Lindsay, lui, oubliait en vacances un rôle dans une pièce portant sur un crash, d’un auteur mort peu après dans un crash. Ils étaient faits pour se rencontrer. Tomber ensemble. Se sauver ensemble. Mais Denis Lachaud va au-delà de cette arabesque pas banale sur une rencontre amoureuse en coup de dés : passant d’une intériorité à l’autre, du dialogue au monologue, du blog d’Emmanuel à la pièce de Lindsay, il combine les modes d’expression pour échafauder une série de questionnements du type : « Peut-on vivre sans baigner dans l’insouciance ? » Comment se lève-t-on chaque matin sous le poids de la mort ? Comment dépasser ses phobies, névroses, angoisses ? Où « prendre l’avion » pourrait accéder au sens de « prendre le train en marche », « prendre conscience », et « prendre la vie à bras-le-corps ». Et « survivre » à celui de « sur-vivre »… _Ingrid Merckx Prenez l’avion, Denis Lachaud, Actes Sud, 218p., 18euros.

Matricule 100 Le Matricule des anges fête son centième numéro. Créé en 1992 par deux anciens élèves de l’école de journalisme de Strasbourg, Thierry Guichard et Philippe Savary (respectivement directeur de la publication et rédacteur en chef), le Matricule des anges est un mensuel littéraire à part. Indépendant, consacrant une large place à la critique (qui ne cesse de diminuer ailleurs au profit des interviews, portraits, rencontres, qui contribuent au mouvement de «pipolisation» dans le champ artistique…), leMatricule est resté fidèle à sa ligne originelle : faire connaître le «fait littéraire», en mesurer la teneur, explorer les œuvres qui en portent témoignage. Lire le Matricule, c’est avant tout découvrir toute une part de la littérature en train de se faire qui ne bénéficie guère des feux de la rampe médiatique, le plus souvent parce qu’elle s’incarne dans des formes anormales, risquées, singulières. Le Matricule des anges n’exclut aucun genre littéraire : le roman est évidemment présent, mais aussi la poésie, le théâtre et les revues, publiés par des éditeurs de toutes tailles, y compris les plus petits. Pour l’occasion, le mensuel paraît exceptionnellement avec deux unes recto verso. La première, habituelle, est consacrée à Chloé Delaume, qui vient après Rodrigo Fresan, Mathieu Riboulet ou Emmanuelle Pagano. La seconde annonce l’enquête effectuée auprès d’une quarantaine d’écrivains, à qui fut posée cette simple mais si difficile question: «Quelle critique littéraire attendezvous?» L’ensemble est passionnant, où l’on voit des écrivains qui pensent la critique et d’autres qui ne la pensent pas (ou plus), qui la considèrent exclusivement en fonction de leur œuvre ou aussi en tant que lecteur, qui en discernent les contraintes et en posent les exigences. LeMatricule des anges franchit avec succès cette étape du 100e numéro. Souhaitons-lui longue vie! _C. K. Le Matricule des anges, n°100, février2009, 6 euros. En kiosque et en librairie. Tél.0467 92 29 33. www.lmda.net. 1 9 f évr ier 2 00 9

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CULTURE

BANDE DESSINÉE

THÉÂTRE

Farouchement manouche

Bible scientifique

Une pièce d’Hugo Paviot sur un amour entre une Tzigane et un gadjo.

as facile d’entrer dans la communauté gitane. Mais peut-être moins difficile que d’être un gitan toujours repoussé à la marge des villes. Un jeune auteur, Hugo Paviot, a écrit Manouche pas touche ! après avoir rencontré longuement un groupe de gens du voyage dans la région de Dax. Il a imaginé l’histoire d’un homme, un garagiste, un gadjo (c’est-à-dire un étranger à la communauté), qui tombe amoureux d’une Tzigane. Ils se marient, dans la mesure où l’on se marie dans ce groupe : on décide plutôt de s’aimer et de faire corps contre toute adversité. L’homme s’intègre si bien qu’il devient plus manouche que les manouches. Comme le temps passe (la pièce parcourt gaillardement le temps), il ne tolère pas que sa fille s’intéresse à un gadjo ! Autour de lui vivent d’autres personnalités tendres et farouches : la femme qui renvoie ses amants à cinq heures cinquante-neuf du matin, le policier sourcilleux… La pièce d’Hugo Paviot a la drôlerie brute et tendre d’une population qui adore autant les mots que le silence. Voilà une pièce qui sait crier, se taire et chanter. Xavier Czapla l’a mise en scène sans superflu, dans l’éclat des vérités humaines. Louis-Marie Audubert, Ève Rouvière et François Puyalto (également auteur de la musique) jouent tous les personnages, bourrus de talent – si l’on veut bien nous passer l’expression.

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Comment et pourquoi sont-ils arrivés là ? Une aventure palpitante qui tient du thriller. J. RIBES/RÉA ui ne connaît le big-bang ? L’importance de l’eau dans l’apparition de la vie ou encore les théories de Darwin, toujours contestées alors qu’on célèbre le bicentenaire de sa naissance ? Mais ces notions ne sont pour beaucoup d’entre nous que de simples souvenirs scolaires, presque des coquilles creuses, tant elles brassent de savoirs scientifiques, tant elles se dérobent à la visualisation. Pour remédier à cette ignorance, battre froid le créationnisme, il faut lire Alpha… directions. Bible scientifique, bande dessinée volumineuse, l’ouvrage de Jens Harder restitue l’incroyable épopée de la Terre depuis l’apparition de l’univers jusqu’à celle de l’hominidé. « Représenter plus de 14 milliards d’années en à peine 350 pages relève de la plaisanterie, note-t-il. Avec à peu près 2 000 dessins, cela nous fait en moyenne une image tous les sept millions d’années. » Attention, Alpha… directions n’a rien de rébarbatif. Au contraire. On y plonge, happé par le premier « miracle ». Un point minuscule se déploie sur la double page, explose, irradie : ça y est, la matière existe. Les autres sidèrent tout autant. Création de la terre, arrivée de la première pluie, du premier continent, de la première bactérie s’enchaînent selon un ordre chronologique. Non seulement on

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Jens Harder met en images la création du monde et de la vie. Stupéfiant.

comprend ce qui préside à ces débuts grâce à un texte discret et concis, mais surtout on voit les phénomènes, jusqu’alors aussi obscurs que peuvent l’être les termes « explosions cambriennes » ou « édiacarien ». En fait, Alpha… directions pourrait être un thriller, un thriller scientifique, existentiel. Le suspense lancinant repose sur un constat pourtant simple : comment chaque étape, à la probabilité déjà réduite, débouche sur la suivante, tout aussi folle. Cette tension est renforcée par des « coups du sort », des événements imprévus. Plusieurs fois, la vie a quasi disparu de la terre – et pas seulement les dinosaures. Plusieurs fois, elle s’est accrochée, améliorée, adaptée, livrant un bestiaire hallucinant. Pour échapper à toute aridité, Jens Harder mêle à ses projections d’autres images. Certaines rendent concrets un mécanisme ou sa conséquence : un

mineur se juxtapose ainsi à l’apparition de la houille. D’autres reviennent sur la préoccupation humaine constante, celle de nos origines. Des représentations religieuses, des cosmogonies de tout temps, de tout lieu, intriguent par une certaine perspicacité, d’autres amusent par leur naïveté. Toutes soulignent que le miracle de la vie est moins question de croyance que de possibilités innombrables, sans jamais trancher sur l’existence d’un Dieu. Si l’ambition est énorme, Jens Harder reste modeste. Il apporte des précisions sur le contenu du livre, mouvant comme l’est la recherche scientifique, et obéissant à ses lois propres de bandes dessinées. « Les théories et les connaissances les plus diverses ont présidé à l’élaboration de ces pages, explique Jens Harder, et elles ne correspondent pas toujours aux derniers résultats de la recherche ; je les ai choisies, de mon point de vue subjectif, pour leur probabilité et leur fort potentiel visuel. » Aussi espère-t-il que d’autres auteurs compléteront son entreprise : représenter un monde qui ne s’est pas créé en six jours mais en 14 milliards d’années.

_Gilles Costaz Manouche pas touche! Centre culturel Alban-Mainville, Toulouse, 20février. Théâtre du Grand-Rond, 24-28février, Toulouse. Texte aux éditions de l’Amandier.

_Marion Dumand Alpha…directions, Jens Harder, traduit de l’allemand par Stéphanie Lux, 357p., Actes Sud-l’An2, 39,50euros.

Une drôlerie brute et tendre. C. M. PONTOIR

MÉDIAS

À VOS POSTES

La vie à la cravache

RSAMEDI A D 21I OFÉVRIER Terre à terre France Culture, de 7h05 à 8h

inq heures du matin. Dans une « daara », une école coranique, âgés de 4 à 15 ans, les « talibés » font leur toilette. Une petite ablution au fond d’un seau. Pas d’électricité ni d’eau courante sur place. En cercle, les élèves entament la journée par une prière et la lecture de versets du Coran, à mémoriser. À 6 heures, ils partent mendier. C’est bon pour l’humilité, qu’on leur dit. Un marabout disperse les enfants qui décanillent munis d’une gamelle pour la piécette ou pour glaner quelque nourriture dans le centre de M’Bour, cité portuaire à quatre-vingts kilomètres de Dakar. Ils se répartissent dans la ville. Seuls et abandonnés. Dépenaillés, au turbin, en charge de basses besognes, pour décharger les embarcations, nettoyer les coques, mendier toujours au coin des rues. Avec le devoir de rapporter au moins 250 francs CFA. Faute de quoi, c’est la sanction : les coups de cravache. Tel est leur quotidien. Huit heures de mendicité, neuf heures de Coran. Abrutis de fatigue. Ils n’apprennent rien d’autre que des versets dont le sens leur échappe. Grand reporter, Daniel Grandclément s’est déjà fait remarquer par ses images sur la traversée du Golfe d’Aden par les candidats à l’exil, Somaliens et Éthiopiens naviguant dans des conditions épouvantables. Il a aussi signé un excellent reportage sur les enfants esclaves au Ghana, vendus aux pêcheurs. Cette fois-ci, Daniel Grandclément dénonce les conditions de vie de ces

C

Daniel Grandclément filme au Sénégal, dans les écoles coraniques, l’enfer des enfants les plus pauvres.

mouflets dont le nombre augmente chaque année. 50 000 à 100 000 selon l’Unicef, trois fois plus selon d’autres sources. Beaucoup proviennent d’États voisins, arrivent en groupes, sans plus jamais revoir leur famille, dans un Sénégal en proie à la crise économique. Auparavant, chaque village abritait son école coranique. En contrepartie, le maître prodiguait un enseignement. La sécheresse, la misère et l’exode rural ont bouleversé ces pratiques. Les enfants, les plus pauvres, forcément, sont contraints à l’errance, subissent les coups, impitoyablement. Rares sont ceux qui échappent à ces écoles brutales, parviennent à fuir avant d’être recueillis par le Samu social de Dakar, ou de se retrouver dans les bidonvilles. Un autre calvaire pour des enfants qui demeurent la première cible de la pauvreté. _Jean-Claude Renard Thalassa: les enfants de M’Bour, vendredi 20février, vers 20h40, France3 (46’).

Des enfants forcés à la mendicité. DANIEL GRANDCLÉMENT/DGP PRODUCTION.

Avec Ruth Stégassy, Gilles-Éric Séralini, chercheur et auteur de Nous pouvons nous dépolluer.

DU LUNDI 23 AU JEUDI 26 FÉVRIER

Délinquance des mineurs France Culture, de 16h à 17h

Selon les chiffres de l’Observatoire national de l’enfance en danger, plus de 250000mineurs en France bénéficient d’au moins une mesure en protection de l’enfance (chiffres 2005). Les jeunes à protéger vivent des destins divers. Les uns restent auprès de leurs proches, soutenus par des mesures ponctuelles. D’autres (la moitié d’entre eux) sont placés en foyer ou en famille d’accueil par l’Aide sociale à l’enfance ou par l’autorité judiciaire. Avec les témoignages d’enfants, d’éducateurs, de psychologues et de juges pour enfants.

connut donc gamin une première guerre, une deuxième à l’âge mûr et une troisième au soir de sa vie. Ça fait beaucoup pour un pacifiste, qui tire le rideau précisément en 1940. En complément du film pédagogique de Mehdi Lallaoui, auquel Bernard Langlois prête sa voix, Arte diffuse une série documentaire (du lundi 23février au jeudi 5mars, à 18h15) faisant justement la part belle à la plus importante collection au monde des premières photographies en couleur.

DIMANCHE 22 FÉVRIER

Tchala, l’argent des rêves France5, 21h30

Dans l’un des pays les plus pauvres du monde, Haïti. Des milliers de personnes rêvent de décrocher le gros lot en jouant à la «borlette», fameux jeu de hasard représentant une véritable économie parallèle.

MERCREDI 25 FÉVRIER

La Trahison Arte, 23h20

TSAMEDI É L É21VFÉVRIER ISION Le voyage d’Albert Kahn Arte, 14h45

C’est un destin cornaqué au souvenir, à la mémoire. Albert Kahn a grandi dans une famille juive pauvre, en Alsace. Il a 10ans, en 1870, quand éclate la guerre. Sa famille décide de rester française, gagne Paris. À16ans, il est apprenti tailleur. Àl’orée du XXe siècle, il a bâti sa fortune en spéculant sur les mines d’or et de diamants en Afrique du Sud. C’est aussi un attentif du cinématographe, l’un des 33spectateurs de la toute première séance des frères Lumière, quand, en décembre1905, est projeté dans un salon parisien le film Arrivée d’un train en gare de LaCiotat. Il y perçoit la capacité de l’image à faire évoluer les mentalités, et finance très rapidement «les bourses autour du monde». Son but: donner une connaissance exacte du monde. Les voyages sont formateurs, allons donc dare-dare fixer les réalités. Et les opérateurs de parcourir alors les continents, chargés de châssis, de plaques, avant d’archiver méthodiquement selon le sujet: l’environnement et l’habitat, les paysages et les monuments, les scènes de la vie quotidienne, le monde du travail. Kahn est un encyclopédiste, du parti de la vie, avec en point de mire une meilleure connaissance de l’autre, un dialogue entre les peuples. Point de vue bouleversé par l’horreur des tranchées. Dans l’entredeux-guerres, le quotidien d’une quarantaine de pays est filmé, livrant notamment des images de l’occupation de la Rhur ou de l’affaire Sacco et Vanzetti. La crise de 1929 sera fatale au mécène, qui

Avec Sabine (1993) ou encore Samia (2001) Philippe Faucon avait déjà signé des études de mœurs plus ou moins délicates. En adaptant laTrahison de Claude Sales, en 2006, il a ajouté une marche dans l’échelle de la gravité. La guerre d’Algérie, aux premiers mois de l’année 1960, vue à travers un officier français, sa troupe et ses soldats algériens. Un quotidien fait de routine et de violence, gagné par la suspicion et le doute des uns et des autres, plongés dans l’impasse de la colonisation. En question, la trahison possible au sein de la section, ou plutôt qui trahit qui? Les harkis, qui se savent déjà abandonnés, ou la France, qui n’aura aucune reconnaissance? Un film d’une sobriété exemplaire, éclairé par une lumière crépusculaire, une succession de scènes et de plans tournés sans artifice.

VENDREDI 27 FÉVRIER

Saint-Nazaire France 3, 20h35

C’est là un littoral marqué par l’histoire, de Vannes à Saint-Nazaire, par un port industriel, fleuron de la construction navale et tête de pont des activités pétrochimiques. Pas vraiment l’antre de la nature.

DU LUNDI 23 AU JEUDI 26 FÉVRIER

Alain Bashung France Inter, de 21h à 22h

Un an après son album Bleu pétrole, retour sur un parcours musical, émaillé d’archives puisées dans l’INA, d’entretiens, de témoignages. Àsuivre, le jeudi 26février à 1h du matin, par un concert en direct de Jacques Higelin. 1 9 f évr ier 2 0 09

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DÉBATS & IDÉES

Trois vies pour une femme Les historiens Gilles Candar et Vincent Duclert ont rassemblé une douzaine d’articles de Madeleine Rebérioux, qui mettent en lumière les engagements de cette spécialiste de Jaurès.

En septembre 2002, lors de la conférence de presse organisée par la Ligue des droits de l’homme pour protester contre l’ignoble « livraison » expresse aux autorités italiennes en seulement quelques heures du réfugié politique des années de plomb Paolo Persichetti (la France reniant là pour la première fois la parole donnée au nom de la République par François Mitterrand dix-sept ans plus tôt), l’ancienne présidente (de 1991 à 1995) de cette institution centenaire, Madeleine Rebérioux, prit la parole pour répondre à la question insidieuse d’un journaliste sur la position de la Ligue sur la « question du terrorisme ». Au lieu de se lancer dans une défense de l’extradé ou un exposé du contexte politique de ces événements qui ensanglantèrent l’Italie pendant plus de quinze ans, l’historienne, alors âgée de 82 ans, s’empara de la formulation du journaliste et s’engagea dans un véritable cours d’histoire contemporaine sur les différents usages du mot « terroriste » selon les périodes, depuis la seconde moitié du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Passant rapidement sur 1848 puis la Commune de Paris, elle précisa que l’usage de ce mot se répandit largement au moment des attentats anarchistes en France vers 1894, puis en Russie jusqu’à la Première Guerre mondiale.

Surtout, elle insista sur la complexité d’un tel sujet en histoire et montra combien l’usage de ce terme dépendait des contextes et des enjeux politiques. Elle rappela ainsi qu’il fut d’abord largement utilisé par les nazis et le régime de Vichy à l’égard des Résistants avant 1944, avant d’être retourné par les vainqueurs contre les ultimes méfaits commis par la Milice (collaborationniste) ou les divisions SS se repliant vers l’Allemagne en pillant et massacrant des villages entiers. Cette prise de parole était typique du mode

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Madeleine Rebérioux avait la passion de l’enseignement. d’intervention de Madeleine Rebérioux dans la vie publique : son engagement politique se nourrissait de ses recherches d’historienne chevronnée et très respectée dans le monde universitaire, et bénéficiait de son inlassable volonté d’enseigner et de transmettre ses connaissances, pour mieux appuyer ses combats politiques et faire partager ses convictions. C’est aussi ce qu’ont retenu les historiens Gilles Candar et Vincent Duclert de celle qui fut (entre autres) la grande spécialiste de Jaurès, dans leur préface au recueil d’articles de Madeleine Rebérioux qu’ils ont eu la bonne idée de composer trois ans après sa disparition. Ces textes se trouvaient en effet éparpillés dans nombre de revues et donc difficilement accessibles en dehors des bibliothèques universitaires. Bien qu’ayant publié une bonne quinzaine

ROBINE/AFP

d’ouvrages, « elle préféra les articles aux livres » car, comme le rappellent les concepteurs du volume, « en bonne historienne du temps des Annales, elle préférait de toute façon l’histoire-dossier, prendre un problème et chercher à le résoudre » et « se méfiait des synthèses trop hâtives »… Pour les deux historiens, l’œuvre de Madeleine Rebérioux, traitant principalement de la IIIe République et du socialisme de cette période, se situe justement au centre de ses « trois vies » : la recherche, l’engagement et l’enseignement. Sa vocation d’historienne s’exprimait en quelque sorte selon ces trois dimensions. Ainsi, celle qui allait contribuer à fonder en 1959 la Société d’études jaurésiennes, puis la diriger à partir de 1982 (et dont le successeur n’est autre aujourd’hui que

Gilles Candar), prit la décision de travailler sur Jaurès avec, selon les auteurs de la préface, « l’impérieuse nécessité de comprendre comment les socialistes se fourvoyaient au même moment dans la guerre d’Algérie tandis que soixante ans plus tôt ils avaient fini par se porter vers la défense du capitaine Dreyfus : entre ces deux engagements radicalement opposés, entre l’honneur et le déshonneur, il y avait le courage de Jaurès et l’aveuglement de Guy Mollet ». On voit ainsi, dans ce volume, un exemple de cette partie importante de ses recherches, avec un article (coécrit avec Georges Haupt) paru dans le Mouvement social en 1963 et intitulé « L’Internationale et le problème colonial ». Ses auteurs y analysent année après année les débats entre les différentes délégations de partis socialistes nationaux avant 1914 sur cette question épineuse puisque, « lorsque naît en 1889, à Paris, la Seconde Internationale, la colonisation contemporaine est en plein essor ». L’article montre en particulier combien le fait colonial est appréhendé de façon distincte selon que les partis sont originaires de pays eux-mêmes impérialistes ou au contraire sans colonies. Et de pointer le problème important posé par ce sujet aux socialistes des pays ayant un empire colonial, qui de fait constitue un objet de fierté au sein de leurs propres opinions publiques nationales : lorsqu’ils se déclarent publiquement contraires à l’expansion, ils subissent souvent de sévères revers électoraux. Ainsi, le parti allemand – luimême très divisé sur cette question, avec d’un côté une aile droite favorable à la colonisation, porteuse selon elle de progrès et de civilisation pour les peuples indigènes, et, de l’autre, une aile gauche

qui s’y oppose farouchement, avec en son sein Rosa Luxembourg ou Karl Liebknecht – prend finalement position officiellement contre la politique coloniale du Reich en 1906. Il perdra l’année suivante la moitié de ses sièges ! Et, lors des élections de 1912, la socialdémocratie allemande « mènera sur les problèmes coloniaux une campagne “dépourvue d’emphase” et… gagnera un million de voix ! » Texte après texte, Madeleine Rebérioux retrace les grands problèmes qui se sont posés à la fois à la jeune IIIe République et au mouvement socialiste. Ainsi, la question de la citoyenneté dans la République, intrinsèquement liée à celle des droits des femmes, exclues jusqu’en 1945 du suffrage « universel », est un sujet qui n’allait pas soi pour de nombreux socialistes, y compris Jaurès. Ayant travaillé avec elle sur cette question, notamment après 1968 à la faculté de Vincennes, Michelle Perrot, dans son affectueuse postface, souligne combien Madeleine Rebérioux y était attachée. D’autres articles reviennent sur l’histoire du droit de pétition, celui d’association, ou plus largement des droits de l’homme au sein de la République, dont elle examine notamment la confrontation dialectique avec la question des droits sociaux. Formée par le grand historien du socialisme et pilier de la revue des Annales Ernest Labrousse, qui dirigea sa thèse sur Proudhon (publiée en 1945), elle délaisse peu à peu le milieu du XIXe siècle et l’étude du courant anarchiste pour se concentrer sur Jaurès et le mouvement socialiste. Membre du PCF de 1946 à 1969, elle sera toujours une « marxiste inquiète », comme la qualifient Candar et Duclert, et dialoguera rapidement d’égal à

égal avec les plus grands spécialistes du mouvement ouvrier, tels Jean Maitron ou Georges Haupt, avec qui elle cofondera le Mouvement social, revue qu’elle va diriger de 1971 à 1982. Toujours mue par un engagement à gauche, comme pendant la guerre d’Algérie, où elle participe aux Comités Audin ou Vérité-Liberté aux côtés notamment de Pierre Vidal-Naquet, la « priorité » de sa vie est cependant d’abord d’enseigner, et de faire de l’enseignement de l’histoire contemporaine « le principe d’une éducation intellectuelle ». Et, de fait, poursuivent Candar et Duclert, « la forme de son écriture s’en ressentait, une écriture soucieuse de la démonstration, de l’argumentation ». La diversité des sujets abordés par l’historienne se retrouve pour une bonne part dans ce volume, qui réalise une œuvre salutaire, notamment pour les jeunes générations, de présentation de cette inlassable chercheuse. Mais cet éclectisme prolifique ne s’éloigne jamais vraiment de ce qu’elle nommait elle-même « le continent Jaurès ». Bien qu’elle n’ait jamais écrit la biographie monumentale du leader socialiste que beaucoup attendaient d’elle, mais d’innombrables textes plus courts sur lui, peut-être parce qu’on ne peut prétendre à l’exhaustivité lorsqu’on s’approche d’un « continent », Jaurès demeure toujours présent, tel un guide, tel le « centre de toutes ses vies ». Ce recueil permet aujourd’hui de (re)découvrir celles-ci. Espérons qu’il incite à se nourrir de leur exemple et de leur exigence intellectuelle. _Olivier Doubre Vive la République! Histoire, droits et combats de 1789 à la guerre d’Algérie, Demopolis, 286p., 21euros.

PARUTIONS Histoire d’Afrique Professeur d’histoire africaine à l’université de Cambridge, John Iliffe s’est engagé dans une recherche à la taille du continent qu’il étudie: l’histoire générale des Africains, de la préhistoire jusqu’au début du XXIe siècle! Contrairement à bien des ouvrages, l’auteur ne s’est pas limité à un pays, une région ou une période précise, et aborde également le rôle des religions, la traite négrière, les invasions coloniales successives, le temps des indépendances ou les grands problèmes contemporains. Cette seconde édition sur les «pionniers de l’humanité» que sont les Africains a notamment été

augmentée d’un remarquable chapitre conclusif «au temps du sida». Une somme impressionnante. Les Africains. Histoire d’un continent, John Iliffe, traduit de l’anglais par Jean-Paul Mourlon, Flammarion, « Champs histoire », 704p., 12euros.

L’anarchisme, source majeure de l’anticolonialisme Les idées circulent, et cela a parfois des conséquences déterminantes. Benedict Anderson, professeur à l’université Cornell, aux ÉtatsUnis, qui avait travaillé sur les

imaginaires nationaux et les origines intellectuelles des nationalismes européens, a voulu cette fois s’interroger sur les influences politiques et littéraires des militants anticolonialistes. Pour ce faire, il a décidé de suivre José Rizal, l’un des pères de l’indépendance des Philippines (qui, avant la Première Guerre mondiale, a voyagé aux quatre coins du monde), pour montrer combien les mouvements antiimpérialistes ont puisé dans les idées véhiculées par les cercles littéraires parisiens, les milieux révolutionnaires allemands ou les premiers syndicalistes espagnols. On découvre notamment le rôle majeur de l’anarchisme dans

l’imaginaire anticolonial, bien davantage que le marxisme, dont les défenseurs ont, eux, souvent hésité face à la question coloniale. Un ouvrage étonnant entre la biographie et l’histoire des idées. Les Bannières de la révolte. Anarchisme, littérature et imaginaire anticolonial. La naissance d’une autre mondialisation, Benedict Anderson, traduit de l’anglais par Émilie L’Hôte, LaDécouverte, 264p., 26euros.

Le marxisme et l’historien Comme elles l’ont fait pour ceux de Madeleine Rebérioux, les éditions

Demopolis ont rassemblé une dizaine d’articles ou de conférences –inédits en français– du grand historien britannique Eric Hobsbawm, où il analyse sous différents angles le rapport (et l’apport) de Karl Marx à l’histoire. L’historien montre avec force combien le matérialisme de Marx s’est imposé au cœur de la démarche des historiens et pour quelles raisons l’auteur du Capital est toujours une source féconde d’inspiration et de compréhension de l’histoire. Une réflexion sur l’histoire par un grand historien. Marx et l’histoire, Eric Hobsbawm, traduit de l’anglais par Christophe Magny, Demopolis, 208p., 21euros. 1 9 f évr ier 2 0 09

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DÉBATS & IDÉES ESSAI

Gaza, vu du Hamas oici deux semaines, nous avions évoqué ici le « Gaza » d’un journaliste palestinien, Hassan Balawi. Celuici se définissait lui-même comme « enfant de l’OLP ». Pour autant, son témoignage de laïque n’épargnait pas le « système Fatah » ; un système aux spécificités franchement mafieuses dans l’étroit territoire de Gaza. C’est dans la continuité du précédent que nous avons lu le livre dont nous vous parlons aujourd’hui. Il s’agit moins cette fois d’une histoire de Gaza que d’un récit subjectif, celui d’un médecin de Gaza, chirurgien orthopédiste, qui nous parle de sa propre évolution et de celle de sa famille, originaire de Ramallah. Mohamed al-Rantissi n’est pas membre du Hamas. Il en est proche. Et sa proximité n’est pas seulement politique ou religieuse. Il est le frère d’Abdelaziz al-Rantissi, l’homme qui avait succédé à Cheikh Yassine à la tête du mouvement islamiste avant d’être lui-même assassiné par Israël en 2004. Quiconque aime comprendre se passionnera pour ce livre écrit avec simplicité. Mohamed y raconte son propre parcours et celui de son frère, notamment à partir de l’occupation de Gaza par Israël, en 1967.

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L’homme qui raconte ici son histoire, celle de sa famille, et qui décrit la vie à Gaza, est le frère d’un dirigeant du mouvement islamiste tué par Israël.

L’auteur décrit une résistance palestinienne « teintée de marxisme » ou de « nationalisme laïque » à la façon du parti Baas syrien ; une résistance à la limite de l’antireligieux. La famille est pieuse, mais sans plus. De retour d’Égypte, en 1971, où il a fait ses études de médecine, Abdelaziz n’a pas été converti par les Frères musulmans, que, visiblement, il n’a pas côtoyés. C’est un militant social. Sa femme ne porte pas le voile. Son évolution est donc typique des changements profonds qui ont travaillé la société palestinienne à

partir de cette époque, consécutifs à l’échec du nasserisme, de la gauche palestinienne et de l’OLP : « Il y a bien eu, en 1974, le discours d’Arafat à la tribune de l’ONU à New York […], mais rien, toujours rien de tangible pour les Palestiniens », note, désenchanté, Mohamed. C’est après cela, au cours d’un deuxième séjour au Caire, où il achève une spécialité de pédiatrie, qu’Abdelaziz « croise le chemin de la mosquée ». Et celui des Frères. Parallèlement, l’histoire se fait. Et toujours aux dépens des Palestiniens : « En novembre 1977, se souvient Mohamed al-Rantissi, le voyage à Jérusalem du président égyptien Anouar el-Sadate vient ajouter un clou au cercueil de notre cause : il n’exige aucune contrepartie en échange d’un traité de paix avec Israël. » Intransigeance israélienne, trahison arabe, échec du mouvement nationaliste : c’est sur cette toile de fond que la conversion d’Abdelaziz s’opère. On ne saurait mieux dire l’imbrication du politique et du religieux. Certes, le Hamas ne voit le jour qu’en décembre 1987. Mais son éclosion, comme son irrésistible montée en puissance, semble suivre une courbe régulière qui se dessine au verso des rebuffades israéliennes et des échecs de l’OLP. La suite est l’histoire d’un homme traqué qui ne quitte les prisons israéliennes que pour entrer dans celles de l’Autorité palestinienne. Au printemps 2004, Cheikh Yassine, le fondateur du Hamas, est abattu par un missile israélien, quelques jours après avoir fait une offre de trêve à Israël… Abdelaziz al-Rantissi lui succède. Brièvement. Car, le 3 juillet, il est à son tour victime d’un missile israélien. Nous sommes alors presque dans notre actualité. Celle qui va du retrait des colonies juives de Gaza, en août 2005, jusqu’à la récente et sanglante offensive israélienne. La vision qui nous est proposée du conflit interpalestinien, de la prise de contrôle de Gaza par le Hamas, de la vie quotidienne sous le blocus nous éloigne sensiblement du récit imprégné de propagande israélienne qui domine dans les médias français. Mais la relation des faits, à propos de cette dernière période qui va de 2005 à aujourd’hui, ne diffère pas de celle d’Hassan Balawi. Ce qui tendrait à démontrer que la vérité n’est pas maltraitée dans ce livre. On aurait cependant préféré que les attentats à « la ceinture explosive » donnent lieu à une vraie réflexion. Mais il est vrai que dans le flot monstrueux de violence qui s’abat en permanence sur ce peuple, tout devient relatif. Et c’est peutêtre cela le comble de l’horreur. Denis Sieffert

Abdelaziz al-Rantissi et Cheikh Ahmed Yassine. Tous les deux ont été tués par Israël en 2004. NURELDINE/AFP

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Survivre à Gaza, Mohamed Al-Rantissi (avec Christophe Oberlin et Jacques-Marie Bourget), Koutoubia, 200p., 18,90euros.

DE BONNE HUMEUR MOTS CROISÉS PAR JEAN-FRANÇOIS DEMAY

SÉBASTIEN FONTENELLE

GRILLE N° 5 I II III IV V VI VII VIII IX X 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

HORIZONTAL:

1. Vue de l’esprit. 2. Concerné par les accords de Matignon. Devant les lettres. 3. À l’est d’Éden. Journaliste sédentaire. Destin. 4. Merci Martine. Poème lyrique. Roman de Stephen King. 5. Mitron. Préjudice. 6. Timide. 7. Aperçu. Parti gaulliste. Action divine. 8. Ils furent décimés pendant la Conquête de l’Ouest. 9. Razzia. Genre littéraire médiéval. 10. Fondamentaux. VERTICAL:

Solution de la grille n° 4 : 1. Coloniales. 2. Origan. Âne. 3. Me. Vos. 4. Pilerez. St. 5. Aloses. Bai. 6. Glus. T.V.A. 7. Népérienne. 8. Öre. I.S. Ion. 9. Ressuait. 10. Sfaxiennes.

I. Compagnons. II. Oreiller. III. Li. Loupera. IV. Ogresse. Ex. V. Na. Ré. Risi. VI. Investisse. VII. Oz. Vé. Un. VIII. Las. Banian. IX. En. S.A. Noie. X. Sentiments.

I. Technologie qui désoblige le décroissant. II. Linéaire. Crack. III. Caché. Pour accéder à de nouveaux programmes, guère meilleurs. Brun gris. IV. Son siège est à Genève. Prêtre celte. V. Laïussons. VI. Largeur de tissu. Seront débiteurs. VII. Le haut du panier. VIII. Capitale de la Saxe. IX. Traite d’êtres humains, tolérée par tout le monde. Au bout du fil. X. Rades de mineurs.

Incorrigibles Palestiniens ! Incorrigibles Palestiniens! La dernière fois déjà, en janvier2006, rappelle-toi: ils ont voté pour le Hamas. Librement, certes. Mais pour le Hamas. Incroyable comme ces gens-là sont mal élevés(1). C’est à désespérer d’en faire un jour des citoyens à part entière –nonobstant l’effort généreux que l’État israélien consent régulièrement. (C’est pas chez nous qu’on verrait ça, hein? C’est pas chez nous que des candidats un peu rugueux arriveraient au deuxième tour d’une élection –pas vrai?) Bon, ils votent mal, et nous, qu’est-ce qu’on fait –bien obligés? On les punit, évidemment. (Faudrait pas non plus qu’ils pensent pouvoir nous défier impunément, à grands coups d’élections démocratiques.) On leur coupe les vivres, pour leur apprendre la politesse. Tu la vois, ta subvention européenne, Abdel Aziz? Ben tiens, regarde c’que j’en fais. Question: est-ce que ces tristes sires retiennent la (sévère mais juste) leçon? Absolument pas. (Obtus un jour, obtus toujours. Proverbe palestinien.) Deux ans plus tard, les voilà qui remettent ça, et qui cette fois-ci votent pour un fondu intégral –pour un psychopathe grave qui lance carrément des appels au meurtre de masse, genre attendez un peu de voir comment je vais bouter la Si le prochain racaille à la mer, attendez un peu de voir gouvernement comment je vais vous nucléariser tout ça, israélien intègre ainsi que les Yankees ont fait naguère avec les Japonais. (Ça, tu reconnaîtras: même le ce forcené, je Hamas n’avait pas osé.) suppose que Le mec s’appelle Avigdor Lieberman, et bien sûr je ne m’étonne que peu que les l’Europe va le Palestiniens lui aient massivement donné sanctionner, leurs voix: ce n’est pas comme si on exactement découvrait qu’ils ont la sauvagerie chevillée au keffieh. comme elle a sévi Nous, il va de soi? Nous allons devoir en 2006 contre les sanctionner ce nouveau manquement Gazaouis. au vivre-ensemble: j’espère que tu aimes te serrer la ceinture, Abdel Aziz, parce que là, c’est pas demain la veille qu’on te rétablira tes subv… Attends! M**de alors! Suis-je sot: j’avais mal lu! (Ça m’arrive tout le temps!) Au temps pour moi, je me suis (lourdement) trompé: ce sont des Israéliens, et non les Palestiniens, qui ont vivement voté pour une brute ultraraciste, qui préconise notamment (mais pas que), pour en finir avec Gaza, de «combattre le Hamas comme les États-Unis ont combattu les Japonais pendant la Deuxième Guerre mondiale» –s’épargnant par Hiroshima une coûteuse «conquête du Japon». Et en même temps, sur le fond, je suppose que ça ne change rien, et que si le prochain gouvernement israélien intègre ce forcené, l’Europe va le sanctionner, exactement comme elle a sévi en 2006 contre les Gazaouis: ça serait quand même dommage de donner au monde l’impression que les mêmes causes électorales ne produisent pas forcément les mêmes effets, suivant qu’on est Palestinien –ou pas. Non? (1)Pires que les Irlandais –qui ont du moins la décence d’accepter de nouvelles élections, quand par erreur ils disent «non» à l’Europe concurrentielle. 1 9 f évr ier 2 0 09

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RÉSISTANCES ENVIRONNEMENT L’implantation d’un circuit de Formule 1 au cœur des Yvelines suscite une vive polémique. À l’heure des crises financière et climatique, riverains et associations s’élèvent contre cette aberration.

Flins ne roule pas pour la F1 a Formule 1 nuit-elle gravement à l’environnement ? Oui, répond l’Alliance pour la planète, qui a dressé la liste des projets « grenello-incompatibles ». Parmi les mauvais élèves figure en bonne place le projet d’implantation d’un circuit de F1 au cœur des Yvelines. Dans les starting-blocks depuis septembre 2008, le conseil général a pris le départ d’une course qui s’avère plus agitée que prévue. Visant à accueillir le Grand Prix de France dès 2011, le site yvelinois a recueilli le soutien des plus hautes instances politiques et d’anciens champions français de F1. Mais de nombreux riverains et associations ne sont guère enthousiastes à l’idée de voir s’implanter ce circuit automobile, avec son lot de pollutions et de nuisances. Ils ont déjà déposé plusieurs recours. « Nous avons reçu beaucoup de soutien de la part de la population, et ce au-delà des clivages habituels, indique Hélène Danel, coordinatrice du collectif Flins sans F1. Cela prouve l’aberration économique et écologique de ce projet. » Le site devait être implanté près de Versailles, mais « le candidat UMP qui soutenait le projet n’a pas été élu », explique Hélène Danel, qui y voit le refus des riverains d’accueillir un tel circuit. « Le conseil général s’est donc reporté sur le village d’en face. » En catimini, le président du département, Pierre Bédier, décide de soumettre cet autre projet de circuit à la Fédération française de Formule 1. Il ne prévient les conseillers généraux que la veille du dépôt de candidature. Le projet yvelinois, « qui mêle industrie, recherche, formation, tourisme et loisir », prévoit de construire une piste de F1 sur les communes de Flins-surSeine et des Mureaux. Entre 122 et 150 millions d’euros seraient prélevés sur l’argent des contribuables pour le circuit seul, auxquels il faut ajouter divers aménagements pour l’accueil du public. « Cette installation ne rendra même pas service à la population locale », s’insurge le collectif Flins sans F1. « Le terrain n’est pas du tout propice à cette construction, puisque le circuit se situera en zone inondable, où il est interdit de réaliser des remblais »,

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Un projet de haute qualité environnementale, selon le conseil général. VERDY/AFP poursuit Hélène Danel. Des caractéristiques qui interdisent toute construction. Le service presse du projet assure néanmoins que « la piste ne sera pas installée sur la partie inondable du terrain ». Autre sujet d’inquiétude pour les membres du collectif : la présence sur les lieux d’une nappe phréatique alimentant l’un des plus grands captages d’eau potable d’Île-de-France. « Nous craignons une pollution de celle-ci », avertit Flins sans F1. Enfin, les terrains préemptés par le conseil général pour le circuit devaient à l’origine accueillir un projet d’agriculture biologique regroupant trois exploitants, une ferme pédagogique, des jardins familiaux… « La présence d’une ancienne décharge, de terres sablonneuses, nécessitant plus d’arrosage, et la proximité avec l’A13 » prouvent, selon le conseil général, que ce lieu se révèle peu adapté pour un tel espace bio. Oui, mais, curieusement, la chargée de presse du projet de circuit, Adélaïde Gérard, précise que cette initiative de développement durable « ne sera pas abandonnée. Les deux maraîchers resteront à côté du circuit, et

Pierre Bédier négocie avec le céréalier pour lui trouver un terrain à proximité ». Un leurre, pour Hélène Danel, qui se demande comment ces agriculteurs installés à côté d’une piste automobile pourront obtenir un label de qualité. Si le circuit de F1 sort de terre, le projet bio tombe à l’eau. La piste est perçue comme « un projet de haute qualité environnementale » par le conseil général, « une aberration écologique » par Flins sans F1. Pollution atmosphérique, pollution sonore et atteinte à la qualité de vie menacent : « On va ajouter de la congestion à celle de l’A13, avec un parking de 15 000 places prévu », précise Hélène Danel. « Tous les flashes seront braqués sur nous, nous n’allons pas nous tirer une balle dans le pied en polluant, rétorque Adélaïde Gerard. Si on suit les arguments de Flins sans F1, il faudrait aussi fermer l’A13, souvent bouchée, et l’usine Renault située sur la nappe phréatique. » Le circuit aurait incité Renault à créer dans son usine de Flins un futur centre de recherche et développement sur les véhicules électriques. Pourtant, les syndicats de Renault considèrent,

comme le collectif, que « l’entreprise n’a pas besoin d’un circuit sale pour faire des voitures propres ». Entre crise économique et crise climatique, le conseil général a choisi : « Sauver des emplois est plus important. » « De nombreuses entreprises doivent s’installer à proximité du circuit », argumente encore Adélaïde Gérard. L’objectif reste bien de pérenniser la grande vallée yvelinoise de l’automobile, grâce à la création d’emplois et au maintien de ceux existant. Renault et Peugeot se seraient ainsi engagés auprès des instances départementales à conserver sur place leurs activités, en cas de création du circuit. Les promoteurs du projet tablent sur 5 000 nouveaux emplois et des retombées économiques conséquentes d’environ « 63 millions d’euros en deux jours de course ». « Cela créera des emplois dans le BTP, mais il n’y aura pas grand-chose par la suite, réplique Hélène Danel. Ce circuit ne servira pas de piste d’essai pour les voitures de M. Tout-le-monde. Renault a déjà ses infrastructures à Guyancourt. » Un tel projet demeure pour ses opposants « une aberration économique », alors que le sport automobile rencontre des difficultés financières : Honda arrête la compétition, Renault et Williams viennent de perdre leurs sponsors, et certains grands prix sont en faillite. Ni le collectif ni le conseil général des Yvelines ne comptent abandonner la partie. Dernier rebondissement en date, l’amendement déposé par quatre sénateurs UMP pour permettre « l’autorisation expresse d’un circuit de F1 en région parisienne » vient d’être retoqué par les parlementaires. « Il s’agissait juste d’un amendement technique pour le choix de l’exploitant et d’un gain de temps par rapport aux démarches administratives. Cela ne bloquera pas le processus », minimise Adélaïde Gérard. Selon Flins sans F1, des investissements couplant emplois pérennes et respect de l’environnement peuvent être réalisés, y compris dans l’automobile. Pour le collectif, écologie et économie sont compatibles. Mais sans Formule 1. _Pauline Baron www.collectif-flinssansf1.org

SUR LE TERRAIN

En août 2006, trente-deux faucheurs volontaires neutralisent une parcelle de maïs transgénique Monsanto dans le Loiret. Après deux jugements défavorables, leur pourvoi en cassation a été rejeté fin 2008. « Nous sommes définitivement condamnés […] pour destruction du bien d’autrui commise en réunion », regrettent les militants. Et de rappeler qu’« au moment où notre pourvoi était rejeté, le conseil d’État a déclaré illégales les autorisations d’essais OGM accordées en 2006 ». Cette condamnation permet en outre à Monsanto de réclamer des dommages et intérêts. Le 12 février, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments estimait que le maïs OGM ne présente pas de danger pour la santé. Un avis fondé sur les recherches déjà existantes, dont les plus favorables au maïs _X. F. transgénique sont financées par… Monsanto.

SANTÉ Sauver le Planning

JULIEN/AFP

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Pour soutenir le Planning familial et «défendre le droit à l’information, à l’éducation, à la sexualité, pour tous», l’association du Mouvement français pour le planning familial met en ligne une pétition déjà paraphée par près de 100000 personnes. «En diminuant de 42% pour 2009 le montant affecté au conseil conjugal et familial, l’État programme la suppression des associations intervenant sur l’accueil, l’information et l’orientation pour la contraception, la fécondité, la sexualité», rappelle l’association, qui craint la disparition d’un tiers de ces structures. www.planning-familial.org/petitiondefense-loi-neuwirth/?petition=6

CITOYENNETÉ Semaine anticoloniale

JUSTICE De modestes vendeurs d’objets récupérés sont sévèrement réprimés par la police.

La chasse aux biffins ommercer pour quelques euros hors des sentiers battus peut coûter cher, même aux plus modestes. Le militant du PCF Lounis Ibadioune était convoqué au tribunal ce 18 février après avoir refusé de payer l’amende reçue en février 2007 pour « vente de marchandise dans un lieu public sans autorisation ». Le crime de cet homme était de vendre… l’Huma dimanche au marché Dejean, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. En outre, « des militants associatifs ont été, depuis, importunés à diverses reprises, de Château-Rouge à Barbès. Quel que soit le prétexte invoqué, il s’agit d’atteintes de fait à la liberté d’expression », estiment l’association Sauve qui peut et le Comité de soutien aux biffins de la porte Montmartre, confrontés au même type de répression aveugle. Les biffins, ce sont des hommes et des femmes à très faibles ressources, parfois sans toit, qui n’ont pour seul moyen de survie que la vente d’objets récupérés la nuit dans les rues et les poubelles, ou tirés de leur maigre patrimoine. Chaque week-end, les biffins

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s’installent sous le pont du périphérique, à la porte Montmartre et à Saint-Ouen (93), à l’orée du marché aux puces, pour tenter d’y vendre ces objets. D’autres exercent la même activité, « absolument nécessaire à leur survie », à Montreuil et ailleurs. Seulement voilà, en sus de leurs difficultés de logement, ils sont de plus en plus victimes de l’« acharnement » de la police, qui n’hésite pas à confisquer et à détruire les biens saisis. Sans oublier d’infliger une amende de 172 euros par contrevenant. Même tarif, même motif que pour Lounis Ibadioune. Un objet recueilli dans une poubelle et proposé à quelques euros ou centimes d’euros « est-il vraiment une marchandise comme les autres, pouvant justifier une telle sanction ? », s’interrogent l’association et le comité, qui appellent à faire « cesser la répression contre les classes populaires ». _Xavier Frison Comité de soutien à Lounis Ibadioune: www.humanite.fr http://biffins.canalblog.com, [email protected]

Jusqu’au 24février, la «semaine anticoloniale» veut protester contre «les discriminations qui touchent les descendants des peuples colonisés et l’occultation de la mémoire de l’histoire de la colonisation française». Parmi les nombreuses initiatives prévues, on retiendra un colloque contre le francCFA le 20février, une manifestation à Paris le 21février ou encore, le 24, l’élection du prix du «colonialiste de l’année». Programme complet: www.anticolonial.net

Politis, 2, impasse Delaunay 75011 Paris Tél. : 01 55 25 86 86 Fax : 01 43 48 04 00 www.politis.fr [email protected] Fondateur : Bernard Langlois.

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OGM

Politis est édité par Politis, société par actions simplifiée au capital de 941 000 euros. Actionnaires : Association Pour Politis, Christophe Kantcheff, Denis Sieffert, Pascal Boniface, Laurent Chemla, Jean-Louis Gueydon de Dives, Valentin Lacambre. Président, directeur de la publication : Denis Sieffert. Directeur de la rédaction : Denis Sieffert. Comité de rédaction : Thierry Brun (87), Christophe Kantcheff (85), Michel Soudais (89) (rédacteurs en chef adjoints) ; Sébastien Fontenelle (74) (secrétaire général de la rédaction), Olivier Doubre (91), Xavier Frison (88), Ingrid Merckx (70) (chefs de rubrique) ; Patrick Piro (75), Jean-Claude Renard (73), Gilles Costaz, Marion Dumand, Denis-Constant Martin, Christine Tréguier, Claude-Marie Vadrot, Jacques Vincent. Responsable éditorial web : Xavier Frison (88). Architecture technique web : Grégory Fabre (Terra Economica) et Yanic Gornet. Conception graphique Sophie Guéroult_Sikora (01 43 71 21 46). Premier rédacteur graphiste papier et web : Michel Ribay (82). Rédactrice graphiste : Claire Le Scanff-Stora (84). Correction et secrétariat de rédaction : Marie-Édith Alouf (73), Pascale Bonnardel. Administration-comptabilité : Isabelle Péresse (76).

I M M I G R AT I O N Contre l’expulsion Schengxiang Xia et Le Gao, un couple chinois en situation irrégulière (voir Politis n°1027), ne sont pas encore tirés d’affaire. Après appel du jugement de Rennes rendu en 2008, une annulation des deux arrêtés de reconduite à la frontière avait été prononcée. Aujourd’hui, la famille est dans l’attente d’un examen approfondi de son dossier. Elle dispose d’une autorisation provisoire de séjour de deux mois, sans autorisation de travail. En parallèle de la pétition mise en ligne, le Réseau éducation sans frontières 56 transmettra un courrier à la préfecture de Vannes pour demander l’abandon de l’appel. Les deux filles aînées de Xia sont scolarisées dans un collège du IXe arrondissement de Paris; le couple paie des impôts, ses factures et le loyer de son appartement parisien. www.educationsansfrontieres.org («pétitions individuelles»)

Secrétariat : Brigitte Hautin (86). Publicité-promotion : Marion Biti (90). [email protected] Impression : Rivet Presse Édition BP 1977, 87022 Limoges Cedex 9 DIP, Service abonnement Politis 18-24, quai de la Marne, 75164 Paris Cedex 19 Tél. : 01 44 84 80 59. Fax : 01 42 00 56 92. [email protected] Abon. 1 an France : 147 euros Diffusion. NMPP. Inspection des ventes et réassort : K.D. Éric Namont : 01 42 46 02 20 Numéro de commission paritaire : 0112C88695, ISSN : 1290-5550 1 9 f évr ier 2 0 09

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LE POINT DE VUE DES LECTEURS Lors de votre prochain bain de foule, M. Obama, ayez une pensée pour Nicolas Sarkozy, qui ne peut plus approcher le peuple à moins de 500 mètres sans être sifflé et hué… William Peterson

Urgence pour nos libertés publiques, collectives et individuelles Grâce au réseau RESF et aux divers collectifs de soutien aux personnes sans papiers, nous sommes alertés depuis de nombreuses années sur le non-respect de droits élémentaires et les dérives sécuritaires. Il s’agit des conditions indignes dans les centres de rétention (CRA) […] et des conditions d’arrestation, transfert avec menottes au tribunal, encadrement policier soutenu. Et ces atteintes ont dérivé vers la criminalisation des soutiens aux sans-papiers. Ainsi, le collectif de soutien aux sans-papiers de Rennes a été attaqué en justice par le

Nous avons reçu cette lettre de Louis Skorecki, qui a été longtemps journaliste à Libération, en soutien à Florence Cousin, secrétaire de rédaction dans ce quotidien, qui a entamé une grève de la faim le 10 février à la suite de son licenciement. Mourir à Libération ?Je ne suis pas le mieux placé pour parler de Libération ni de la crise qui l’agite. En même temps, vu mon passé (vingt-cinq ans de fidélité exclusive à Libé, dont je suis parti volontairement, mais à bout de force, à bout de nerfs, voici bientôt deux ans), j’en connais assez sur le fonctionnement de la maison Libération, celle de July autant que celle de Joffrin, pour pouvoir émettre deux ou trois hypothèses, ne serait-ce que des hypothèses purement météorologiques, des hypothèses d’ambiance, sur la crise

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ministre de l’Immigration en 2008… L’atteinte aux libertés publiques a commencé par les immigrés, elle se poursuit envers les jeunes et les militants. À Saint-Nazaire, nous avons connu, coup sur coup, deux exemples significatifs. Le 3 février, Mickaël, un lycéen, a subi une condamnation de 2 mois avec sursis, 150 heures de TIG [travail d’intérêt général] et 300 euros d’amende, condamnation allant au-delà de la réquisition du procureur (1 mois avec sursis, 60 heures de TIG et 300 euros d’amende). Participant en décembre aux manifestations lycéennes, inculpé pour début de feu d’une poubelle, il avait refusé

grave, une crise d’un nouveau genre, qui l’agite. L’ambiance. Il me reste deux ou trois amis, pas plus, à Libé. Les autres sont morts (Serge Daney, Michel Cressole) ou partis (JeanLuc Allouche, Emmanuel Poncet…). Je ne veux pas dire par là que rester à Libé, c’est se mettre sur une position idéologique avec laquelle je serais forcément en désaccord, c’est juste un titre de presse déboussolé, sans énergie, fatigué tout autant par la mollesse de sa direction que par le manque d’enthousiasme de ses journalistes. Disons que c’est la lâcheté ambiante qui m’a fait partir, pas l’absence d’amis dans la maison. Si je raconte tout ça (qui n’intéresse peut-être pas grand monde) c’est pour témoigner à la première personne du peu de cas qui est fait de la vie d’une de ses employées, Florence Cousin, qu’on tente de

un prélèvement d’ADN. Le 2 février, au même tribunal de Saint-Nazaire, 4 hommes âgés de 28 à 47 ans ont été arrêtés dans la manifestation du 29 janvier, avec brutalité, pour jets de cailloux. Deux d’entre eux ont été condamnés à 4 mois de prison ferme, immédiate, et les deux autres à 3 mois ferme, sans détention immédiate. La manifestation du 29 janvier réunissait 18 000 personnes et se terminait comme à l’accoutumée par un dépôt de texte à la souspréfecture. Mais, contrairement à l’habitude, le sous-préfet a refusé la rencontre intersyndicale, et un cordon de CRS était ostensiblement déployé ! Rapidement, les forces de l’ordre jetèrent des grenades lacrymogènes vers la tête de manifestation, où étaient présents des enfants ! Ce fut considéré comme une provocation par tous. L’ensemble a ensuite dégénéré, et fut qualifié d’« émeutes urbaines » dans la presse, ce qui est un peu exagéré ! Le procureur n’a pas hésité à parler de « guerre civile », de « barricade », etc. L’utilisation des mots est aussi à remarquer ! […] Après Tarnac, le journaliste de Libération arrêté, les faucheurs

déstabiliser et de renvoyer brutalement du journal où elle travaille depuis plus de vingt ans, avec deux mois de salaire pour tout dédommagement, sous prétexte qu’elle serait « incompétente ». On aurait pu s’en rendre compte avant. Florence Cousin est actuellement secrétaire de rédaction à Libération, elle y a occupé sept ou huit postes différents par le passé. Elle sort d’une longue et grave maladie. Elle a entamé mardi 10 février, dans le hall du journal, une grève de la faim.

Faut-il mourir pour son journal ? Faut-il mourir pour Libération ? Florence cousin fait partie du petit peuple de Libé, les obscurs, les faibles, ceux qu’on ne remarque guère. C’est l’une de ces deux ou trois personnes dont je disais en ouverture de ce texte que ce sont encore pour moi « des amis ». Sans doute pour cette raison aussi peut-

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ou envoyez un courrier électronique à c [email protected] om Un site des NMPP indique également où trouver Politis :

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volontaires, les étrangers, voici venu pour le pouvoir en place le temps de s’attaquer aux jeunes, aux militants et militantes. Nos libertés à tous et à toutes sont menacées. Demain, j’hésiterai à prendre une photo dans une manifestation, l’un d’entre nous a en effet été molesté parce qu’il photographiait. […] À Saint-Nazaire, nous appelons à la constitution d’un Collectif pour les libertés publiques.

on penser que je ne suis pas le mieux placé pour la défendre. Doit-on se taire pour autant quand un ami souffre, quand il souffre injustement ? Doit-on se taire quand ces souffrances, on les partage, on les comprend un peu, on les a un peu soi-même vécues (j’ai été viré manu militari de Libé, un mois avant ma date officielle de départ volontaire, avec une violence et un sadisme rares) ? C’est pourquoi j’ai décidé, même si je ne suis pas la personne la mieux placée pour parler du peu de cas qui est fait de la vie de Florence Cousin, de parler quand même. Avec des mots peut-être excessifs, excusez-moi, ce sont les miens, je n’en ai pas tant que ça. Écrire pendant quarante ans aux Cahiers du cinéma ou à Libé vous donne un peu de vocabulaire, mais pas ce vocabulaire-là. Que Libération se mette ou non en

POLITIS courrier des lecteurs, 2, impasse Delaunay, 75011 Paris.

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Dans une déclaration commune du 23 janvier, Mouloud Aounit, Olivier Besancenot, Patrick Braouzec et Noël Mamère s’élevaient contre de telles atteintes aux libertés et appelaient à créer des mouvements de résistance pour les libertés. En effet, voici venu pour nous le temps de confluence de tous nos combats. La lutte pour les personnes sans papiers était prémonitoire. C’était, c’est notre combat à toutes et à tous. Puissions-nous le poursuivre ensemble dans des Collectifs de lutte pour les libertés publiques et contre les dérives sécuritaires. À quand des manifestations de deux millions de personnes pour la liberté de circuler et de s’installer dans le monde ? Marie-Élisabeth Allaire, Saint-Nazaire (Loire-Atlantique)

Les propositions radicales de Charlie Hebdo Dimanche 1er février, à 13 heures sur France 2, le journal nous informe. Un nouveau sondage (vive l’info !) montre que les Français pensent majoritairement que les salaires des footballeurs sont excessifs. Il fallait au moins un sondage pour faire ce constat ! Proposition de Caroline

grève – pour protester du peu de cas qui est fait du sort de l’une de ses employées, mais aussi et surtout pour s’indigner légitimement de certaines nouvelles inégalités salariales, insupportables en temps de crise – ne me regarde pas. Je prie juste pour la vie de Florence. Elle entame ce jeudi sa dixième journée de grève de la faim. Elle est courageuse, et très digne dans l’épreuve, mais les signes de lassitude, de faiblesse, de découragement face à l’indifférence de la plupart de ses « collègues » du journal se font déjà sentir. Un peu de décence, un peu de justice, un peu de compassion, un peu de pitié, messieurs de Libé, serait tout à votre honneur. J’ai la faiblesse de n’attendre rien d’autre de vous. Louis Skorecki

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Fourest, de Charlie Hebdo, invitée du JT : il faut instaurer une petite taxe sur leurs salaires. Voilà une proposition des plus « radicales » qui a bien sa place dans nos grands médias adorant les exploits sportifs. Aucune chance, en revanche, d’y voir évoquer l’idée d’un plafonnement des salaires et d’un revenu maximum acceptable (RMA). Les Thierry Henry et autres Cissé peuvent dormir tranquilles… Michel Kubler

L’esprit de Vichy est là… Éric Besson a signé le jeudi 5 février une circulaire […] adressée aux préfets qui ouvre la possibilité à tout « immigré clandestin victime de proxénétisme ou d'exploitation » d'obtenir un titre de séjour temporaire en échange d'une « coopération » avec la police pour l'aider à démanteler une filière clandestine. Le ministre de l'Immigration a expliqué à la préfecture de police de Paris que le sans-papiers, une fois entendu par les services de l'État, disposerait d’« un délai de réflexion de 30 jours pour lui permettre de se soustraire à l'influence de ses exploiteurs et prendre sa décision de porter plainte ». Ce n'est qu'une fois cette décision prise que « la victime pourra recevoir une carte de séjour temporaire » de 6 mois minimum, « renouvelable jusqu'à l'achèvement définitif de la procédure judiciaire ». « Si une condamnation effective est prononcée, a ajouté Éric Besson, la victime pourra obtenir une carte de résident de 10 ans. » Et si la condamnation n’est pas obtenue ? […] Dans la catégorie des « exploiteurs », faut-il intégrer les employeurs du textile, les « négriers des zones portuaires », les patrons voyous qui sous-payent les salariés, les mêmes patrons ou leurs congénères qui obligent à faire des heures supplémentaires et qui ne les 1 9 f évr ier 2 00 9

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AGENDA

LE POINT DE VUE DES LECTEURS

Paris VIIe : 21 février, de 14h à 17h, Natureparif organise une rencontre intitulée «Pollinisateurs sauvages». Tour d’horizon du monde des abeilles sauvages, leur rôle de pollinisateur, leur biologie et l’écologie. 84,rue de Grenelle. www.natureparif.fr

payent pas ? Interrogations : peut-être le transfuge n’a-t-il pas osé penser aux suites sinistres que feront encourir les chefs des réseaux de « passeurs » aux sans-papiers (vite identifiés) et à leur famille ? Peutêtre le « ministre-progressiste-quise-sent-bien-dans-la majorité » a-til omis de faire recruter par ses amis de l’Intérieur les centaines de fonctionnaires de police supplémentaires dont c’est la mission républicaine de rechercher les clandestins ? Évidences : cette fois, le félon vient d’exprimer tout son jus pour plaire et se faire aimer de la droite dure et franchouillarde. Probablement aussi de l’extrême droite. […] Ce sont les résidents des banlieues qui vont apprécier ce grand jet d’huile sur le feu, ce triste retour à l’ordre moral. Ce titulaire du ministère de

l’Identité nationale devrait envisager de changer l’appellation de son officine : en 1945, les collaborateurs de Vichy furent taxés de la pitoyable formule « d’indignité nationale ». Pourquoi ne pas, après ce déshonneur national, transformer l’intitulé des attributions de ce ministre en « ministère de l’Indignité nationale » ? […] Gérard Molines, Espeluche (Drôme)

Le parcours de soin L’article intitulé « Économies dangereuses » paru dans le n° 1038 de Politis stigmatise la baisse du remboursement des consultations hors « parcours de soin ». Cette position unanime des confédérations syndicales […] ne les différencie pas de ceux qui prêchent la liberté pour chacun de consommer des soins à sa guise mais remboursés. Le système de

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« LBO Les insoumis » d’Olivier Minh « La nouvelle technique financière qui précarise l’emploi à la vitesse de la lumière ! » Le rachat-vente de sociétés (LBO) est une technique très en vogue aujourd’hui chez les fonds d’investissement qui disposent de moyens considérables. L’obligation de rentabilité extrême qui est imposée à ces sociétés rachetées rend les conditions de travail insoutenables pour leurs salariés. Face à l’immense puissance de la finance internationale, le combat des salariés victimes de LBO semble perdu d’avance. Pourtant certains d’entre eux résistent et la mobilisation semble gagner du terrain.

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santé est un bien collectif dont l’usage doit légitimement être soumis à quelques règles : le parcours de soin qui consiste à choisir un médecin traitant, et à le consulter en premier en cas de problème de santé, est l’une de ces règles essentielles. C’est la responsabilité du médecin traitant (de soin primaire) d’évaluer la gravité du problème et de le prendre en charge ou de diriger le patient vers les autres niveaux du système de soin (niveau secondaire, les spécialistes ; ou tertiaire, l’hôpital). Que les patients qui ne respectent pas cette organisation des soins rationnelle et économe soient pénalisés n’est pas choquant : ils s’exposent au risque de surconsommation de soins et contribuent à l’engorgement du système. La crainte des organisations syndicales est sans doute que les plus démunis soient pénalisés par manque de connaissance des règles du jeu. Ces populations ont pourtant massivement choisi un médecin généraliste (le Pas-de-Calais rassemble à la fois un fort taux de populations en difficulté et le plus fort taux de choix d’un médecin traitant) ; et les habitudes de recours direct au spécialiste sont plutôt le fait des catégories les plus aisées et parisiennes. La pénalisation pour les plus démunis est d’autant moins à craindre que l’on peut à tout moment changer de médecin traitant et que cette mesure n’est pas applicable en cas d’urgence, de changement de domicile ou de remplacement du médecin traitant. Les inégalités de santé ne commencent pas dès le stade des soins primaires, mais en amont, avec les conditions de vie et de revenus. Et l’incitation à instaurer une relation de confiance avec un médecin généraliste, accessible (presque) partout et disponible, est un outil de lutte contre les inégalités de santé. Ne nous trompons pas de combat et exigeons au contraire une incitation plus forte au bon usage des soins, grâce au tiers payant, à l’interdiction des dépassements d’honoraires et à la suppression des franchises dans le parcours de soin. J.-P. Canévet, médecin généraliste à Nantes

Mortagne-sur-Sèvre (85) : le 21 février, à partir de 20h, le comité de soutien de Vendéeaux faucheurs volontaires d’OGM organise un concert solidaire. Salle polyvalente. Entrée: 12euros. 0626237266.

Bruxelles : 21 février, de 9h30 à 18h30, l’Association d’objecteurs de croissance, Attac ULB et les Amis de la Terre organisent une journée de réflexion intitulée «Choisir la décroissance». Avec Marie-Dominique Perrot, Serge Latouche, Riccardo Petrella, Michaël Singleton, Christian Arnsperger, Paul Lannoye et bien d’autres. Université libre de Belgique, campus du Solbosch, auditoire UD2.120 (bâtimentU porteD). Entrée 8euros. www.objecteursdecroissance.be

Saintes (17) : 24 février au 1er mars, la IIe Biennale d’éducation populaire sera consacrée au thème «Dire le monde. Accueillir l’autre». Théâtre forum, caf’conf’, cinéma militant, débats, concerts, spectacles, fête populaire. Infos/rés. : 0546919879, www.direlemonde.org

Villefranche-de-Rouergue (12) : 26 février, à 20h30, Attac 12 et la Confédération paysanne organisent une projectiondébat sur le thème «Agriculture industrielle et régression sociale». Projection du documentaire El Ejido, la loi du profit, de Jawad Khalib, suivie d’un débat. Salle de Bernussou. [email protected]. http://attac.aveyron.free.fr/

Val-d’Oise : jusqu’au 1er mars, l’association des salles de cinéma du Vald’Oise organise le 9e festival Image par image. Un mois de projections et de rencontres exceptionnelles, avec ateliers et expositionsconsacrés au cinéma d’animation. Rés.: [email protected], 0134253714. www.valdoise.fr

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POUR POLITIS

Un nouveau président à la tête de « Pour Politis » L’association des lecteurs et du personnel de Politis a tenu samedi son assemblée générale annuelle, et profondément renouvelé son conseil d’administration. L’assemblée générale annuelle – la troisième du genre – de l’association « Pour Politis » s’est tenue samedi 14 février dans un lieu désormais traditionnel, le Caveau de la République, à Paris, où nous accueille aimablement Hugues Leforestier. Les dessins de presse de Faujour, Tignous et quelques autres, évoquant « un autre monde (qui, bien sûr, est) possible », et les travers de la mondialisation, exposés sur les murs, semblaient avoir été affichés à notre intention. « En ces temps difficiles, on a aussi besoin de rire », a noté Patrick Piro, président sortant de l’association, en guise d’accueil des quelque soixante lecteurs qui avaient fait le déplacement. Après un compte rendu d’activité, présenté conjointement par Patrick Piro, Bruno Oliviers (Tours), Gérard Vincent (Nice), Paule Devillaine (Paris), Didier Delinotte (Lille), Raphaël Sardou (Avignon) et Françoise Borel (Paris), d’où il ressort que l’association a pulvérisé son record de présence dans des salons du livre, manifestations écologistes ou solidaires, et meetings (70 rendezvous), assurant une large promotion de notre journal. Parmi d’autres activités, Raphaël Sardou a évoqué le premier « prix Politis » pour des élèves de BTS, avec l’espoir que cette initiative s’étendra en 2009. Patrick Piro a rappelé que « Pour Politis » comptait au 14 février 348 adhérents, soit une vingtaine de plus que l’année précédente à la même époque. Il a informé l’AG que l’association avait embauché à tiers-temps Pauline Bureau, pour assurer le secrétariat (1). Après un rapide échange sur les initiatives que l’association pourrait prendre cette année, les rapports

Adh é re z e n li g n e : a ssoci at i on . pou r - poli t i s. org

(financier et d’activité) ont été adoptés à l’unanimité. La seconde partie de la journée a été consacrée à un dialogue sur l’entreprise Politis SAS et sur le journal. Rappelons que « Pour Politis », créée pour recueillir les fonds versés par les lecteurs au moment de la sessionreprise de Politis en octobre-novembre 2006, est l’actionnaire majoritaire de Politis SAS, à hauteur de 65 %. Toutes les précisions ont donc été apportées aux « lecteurs-actionnaires » présents sur les chiffres (les deux dernières années ont été largement bénéficiaires), l’évolution du journal, la nouvelle maquette, la qualité du papier, le nouveau site (qui ouvrira le 10 mars), les campagnes d’abonnements que nous envisageons en partenariat avec des associations, les suites de l’Appel de Politis lancé le 14 mai dernier, mais aussi sur la politique salariale, avec un alignement progressif sur la grille du Syndicat professionnel de la presse magazine et d’opinion (SPPMO). Tour à tour, Denis Sieffert, Isabelle Péresse et Christophe Kantcheff ont répondu aux questions posées. L’accent a été mis sur la nécessité de gagner des lecteurs jeunes. D’où la nécessité d’améliorer la forme du journal, d’investir davantage sur le site et d’être plus pédagogues, sans rien céder sur le fond de nos engagements. Au terme d’un échange très riche et dynamique, Patrick Piro a proposé d’importantes modifications au sein du conseil d’administration (2). Après deux années de mandat, il a souhaité que la présidence soit assurée par un membre du collège des adhérents (c’est-à-dire par un lecteur). C’est JeanPaul Hébert, de Rouen, qui a été élu par le nouveau CA, qui comprend sept

L’association Pour Politis est l’actionnaire principal de notre journal. Elle comptait au 14 février 348 adhérents.

PHOTOS MICHEL SOUDAIS

membres du collège adhérents (les lecteurs) et huit membres du collège des fondateurs (les salariés de Politis). Qui est Jean-Paul Hébert ? Laissonsle se présenter lui-même : « Je suis économiste spécialisé sur les questions d’économie de la défense et des transferts d’armement. Avec Alain Joxe, j’anime à l’École des hautes études en sciences sociales le Centre interdisciplinaire de recherches sur la paix et d’études stratégiques, qui publie le bulletin le Débat stratégique. Je

Nouveau conseil d’administration Collège dit «desadhérents» Alain Chadefaux (trésorier), Fabienne Delabouglise, Didier Delinotte, Paule Devillaine, Raphaël Sardou, Gérard Vincent, Jean-Paul Hébert (président). Collège dit «des fondateurs» Marion Biti, Pascale Bonnardel, Thierry Brun, Olivier Doubre, Christophe Kantcheff (secrétaire), Isabelle Péresse, Patrick Piro, Denis Sieffert.

milite à la Ligue des droits de l’homme et à l’association France Palestine solidarité. Abonné à Politis depuis le premier numéro, j’ai apporté ma contribution à la souscription, mais aussi en en faisant la publicité. Dans la période de recomposition actuelle, j’essaie comme bien d’autres d’œuvrer à une unification des forces de gauche alternative. Par ailleurs, un développement de l’audience de Politis dans les milieux universitaires de la recherche me paraît être un objectif à viser, et je suis prêt à participer à une réflexion et à une initiative dans ce domaine. » Une première réunion du nouveau CA se tiendra le 17 avril. (1)Pauline Bureau assure une permanence chaque mardi : 10h-18h, 0155258675 (ou 86 86), [email protected] (2) L’élection du conseil d’administration a été acquise à l’unanimité moins une abstention. Une modification statutaire concernant la validation des décisions du CA a été adoptée à l’unanimité moins un contre. N.B. Un compte rendu de l’AG plus détaillé sera disponible dans quelques jours sur le site de http://association.pour-politis.org 1 9 f évr ier 2 0 09

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