No197 - Conscience Phono

  • June 2020
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  • Words: 59,137
  • Pages: 195
Revue créée par l’A.R.P.L.O.E.V. Paris

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Impression : TORI 141-143, rue de Charenton, 75012 Paris Téléphone : 01 43 46 92 92

Sommaire

Mars 1999

N° 197

Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris Ce numéro a été dirigé par Monique Touzin, orthophoniste

LA CONSCIENCE PHONOLOGIQUE

La conscience phonologique dans le cadre d’une évaluation psycholinguistique de l’enfant Bill Wells, Joy Stackhouse, Maggie Vance, Londres

1. Sensibilité phonologique et traitement métaphonologique : compétences et défaillances Monique Plaza, Chargée de recherches, CNRS, Paris 2. Déficits phonologiques et métaphonologiques chez des dyslexiques phonologiques et de surface Liliane Sprenger-Charolles, Philippe Lacert, Pascale Colé, CNRS, Paris Willy Serniclaes, Laboratoire de Phonétique expérimentale, Bruxelles 3. Evaluation de la mémoire de travail verbale chez six enfants présentant une hémiplégie congénitale Monique Sanchez, Sibylle Gonzalez, Annie Ritz, Service de Rééducation Pédiatrique, Pierre-Bénite 4. Conscience phonologique et surdité Annie Dumont, Orthophoniste, Paris

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1. Approche rééducative de la conscience phonologique auprès d’une enfant présentant une dysphasie et une dyslexie Guillemette Bertin, Isabelle Retailleau, Orthophonistes, Sibylle Gonzalez, Médecin neurologue, Lyon 2. Phonorama : matériel d’entraînement de la compétence métaphonologique Naseman Issoufaly, Orthophoniste, Drancy, Béatrice Primot, Orthophoniste, Groslay 3. Pratique de la D.N.P. et développement de la conscience phonologique Danièle Prado, Orthophoniste, Briançon

1. Evaluation de la conscience phonologique et entraînement des capacités phonologiques en grande section de maternelle Michel Zorman, Médecin, Laboratoire Cogni-Sciences et Apprentissages, Grenoble 2. Entraînement à la parole et au langage acoustiquement modifiés : une relation entre l’entraînement à la discrimination auditive du mot et les mesures d’évolution du langage Steven L. Miller, Nancy Linn, Paula Tallal, Michael M. Merzenich et William M. Jenkins, Scientific Learning Corporation, Berkeley, USA

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La conscience phonologique dans le cadre d'une évaluation psycholinguistique de l'enfant Bill Wells, Joy Stackhouse, Maggie Vance

Résumé Les principes de l'examen psycholinguistique de la conscience phonologique sont illustrés en utilisant une étude de cas. Zoe a été atteinte de troubles sévères du langage oral. A l'âge de 9 ans 8 mois, elle présente d'importantes difficultés de langage écrit. Nous avons fait une évaluation psycholinguistique, utilisant comme cadre d'évaluation une liste de questions afin d'identifier les niveaux de traitements déficitaires à l'origine du trouble présenté par l'enfant. Les résultats indiquent que Zoe n'a pas encore atteint l'étape métaphonologique, caractérisée par la conscience phonologique, que la plupart des enfants atteint à l'âge de 4 ou 5 ans. L'analyse de ses erreurs de lecture et d'orthographe indique qu'elles sont liées aux déficits sous-jacents de traitement phonologique. Mots clés : conscience phonologique, psycholinguistique, langage oral, langage écrit.

Abstract Some principles of psycholinguistic assessment of phonological awareness are illustrated by means of a case study. Zoe, who in the past had severe speech difficulties, at the age of 9 years 8 months presents with serious written language problems. We carried out a psycholinguistic assessment using a framework which comprises a list of questions designed to identify the levels of deficit underlying the child's difficulties. Results indicated that Zoe had not yet reached the Metaphonological Phase, which is characterised by phonological awareness and which most children reach by the age of 4 or 5. Analysis of reading and spelling errors suggests that these are linked to the underlying speech processing deficits. Key Words: phonological awareness, psycholinguistics, spoken language, written language.

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Bill WELLS, Joy STACKHOUSE, Maggie VANCE Department of Human Communication Science University College London Chandler House, 2 Wakefield Street, London, WC1N 1PG, Angleterre. e-mail : [email protected]

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ous présentons ici une étude de cas pour illustrer quelques principes de l'examen psycholinguistique de la conscience phonologique et aussi pour illustrer l'intégration d'un examen de la conscience phonologique dans le cadre d'une évaluation compréhensive du traitement de la parole. Zoe est une jeune fille qui a été atteinte de troubles sévères du langage parlé, dont nous avons fait une étude linguistique (phonétique et phonologique) et psycholinguistique quand elle avait 5 ans 11 mois (Wells & Stackhouse 1992, Wells 1994, Stackhouse & Wells 1997). A l'âge de 9 ans 8 mois, Zoe présente toujours des difficultés résiduelles de langage oral, ainsi que des difficultés prononcées du langage écrit.

◆ Lecture Sur le Wechsler Objective Reading Dimensions (WORD) Basic Reading subtest (Wechsler, 1993), elle a obtenu un score standard de 81 (9e percentile) soit un âge équivalent de 7 ans 6 mois. Voici quelques erreurs sur le Graded Nonword Reading Test (Snowling, Stothard & McLean, 1997). <egwop> → [twɒpf] <stansert> → [stεnt] → [tʃæmb] → ['bæwə] <molsmit> → ['məυləz] <nolcrid> → ['nəυtwd].

◆ Orthographe Voici quelques erreurs que Zoe a faites :

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Mots cibles Ecriture de Zoe CLOWN DRESS FLOOR STAR <sote> SNAIL <sane> SMALL <semll> GIRAFFE BROTHER SLEEPING <selding> COLLAR PUPPET TELEPHONE UNDERSTAND ELEPHANT <enfet> UMBRELLA PYJAMAS Nous avons fait une évaluation psycholinguistique de Zoe à l'âge de 9 ans 8 mois, dans le but de tester l'hypothèse selon laquelle les déficits de traitement phonologique identifiés à 5 ans 11 mois sont à l'origine de ses problèmes actuels en lecture et orthographe. Nous nous intéressons surtout aux épreuves de conscience phonologique, par exemple aux tests de rime (production, détection), parce que l'hypothèse de déficit phonologique suppose que les problèmes de dyslexie ont à leur origine un déficit de traitement phonologique, qui se manifeste par une conscience phonologique peu développée. Le cadre d'évaluation psycholinguistique que nous proposons prend la forme d'une liste de questions afin d'identifier les niveaux de traitements déficitaires à l'origine du trouble présenté par l'enfant (cf. Figure 2 : Profil psycholinguistique). Ces questions sont organisées en fonction d'un modèle de traitement de l'information (Figure 2) qui distingue l'entrée, la sortie et les représentations internes des mots dont l'information linguistique (y compris phonologique et sémantique) est stockée de façon permanente en mémoire à long terme (Constable, Stackhouse & Wells, 1997). Ce cadre différencie les processus de traitement « bottom-up » (ascendants) des processus de traitement « top-down » (descendants). Les processus descendants portent sur l'information linguistique contenue au niveau des repré-

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sentations internes ; les processus ascendants exigent l'analyse et le maniement de phénomènes sensoriels et physiques : par exemple sur le versant « entrée », la détection des signaux acoustiques et sur le versant « sortie », les mouvements articulatoires.

Fig. 1 : Modèle psycholinguistique

Nous présentons l'examen psycholinguistique de Zoe en utilisant le profil psycholinguistique (Figure 1). Cependant, nous ne couvrons pas chaque question en détail et nous ne suivons pas toujours l'ordre des questions sur le profil. Pour avoir de l'information supplémentaire sur l'établissement du profil, le lecteur peut se référer à Stackhouse & Wells (1997).

◆ Etude de l'entrée A. L'enfant a-t-il une perception auditive adéquate? Les tests audiométriques n'ont décelé aucune perte auditive chez Zoe B. L'enfant peut-il discriminer les sons de la parole sans se référer aux représentations lexicales? Ce niveau de traitement d'entrée peut être analysé par la recherche des capacités à discriminer des différences entre des non-mots. Dans ce cas, l'enfant ne peut pas utiliser les représentations phonologiques des mots stockées et existantes. Zoe devait déterminer si des paires de non-mots étaient identiques ou non, par exemple BEKSET - BESKET ; SPODER - SPODER. Zoe a obtenu 87,5 % de réponses correctes, ce qui est dans la gamme des résultats obtenus par les enfants de 7 ans avec un développement normal (Stackhouse & Wells, 1997).

◆ Etude des représentations E. Les représentations phonologiques de l'enfant sont-elles exactes ? L'évaluation ici a comporté une épreuve de décision lexicale sur image. L'examinateur présente une image, par exemple d'un poisson. L'examinateur prononce à haute voix ou bien le mot correct (FISH), ou bien une version inexacte (FIS). L'enfant doit décider si le nom est correct ou non. Pour réussir, l'enfant doit comparer la forme qu'elle entend avec sa propre représentation phonologique stockée de ce mot. Si sa représentation est inexacte, l'enfant peut

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accepter des prononciations erronées, comme FIS. Zoe a fait trois erreurs sur dix mots, acceptant ['kæɹə,fæn] (CARAVAN), ['hεl,gɒptə] (HELICOPTER), ['pæwəʃut] (PARACHUTE). Ces résultats indiquent que pour plusieurs mots Zoe a des représentations inexactes. La conscience phonologique est la capacité de réfléchir sur la structure phonologique d'un mot ou d'une expression et de la manier. La conscience de la rime est normalement l'une des capacités métaphonologiques qui se développe le plus précocement et qui est indépendante de l'acquisition de la langue écrite. Maintenant nous présentons les résultats de quatre épreuves de rime. Pour comparer les résultats de Zoe, nous avons les résultats de 100 enfants de 3 à 7 ans avec un développement normal. F. L'enfant est-il conscient de la structure interne des représentations phonologiques? La capacité de Zoe à détecter la rime fut testée en utilisant trois méthodes qui n'exigent aucune réponse orale de la part de l'enfant. 1) Détection de rime - présentation orale : mots réels Il y a trois jouets : un chien et deux ours. Le chien prononce le mot cible, par exemple BOAT. Chaque ours prononce un mot différent : BATH, COAT. L'enfant doit choisir l'ours qui a prononcé le mot qui rime avec le mot du chien. Zoe a obtenu 11 réponses correctes sur 12. 2) Détection de rime - présentation orale : non- mots Ce test est comme le précédent, sauf qu'il utilise des non-mots, ex : POAT / HOAT. Ici, l'enfant ne peut plus utiliser une connaissance de mots déjà stockés (processus descendant). L'enfant doit utiliser uniquement les processus ascendants d'analyse du signal acoustique. Zoe a obtenu 11 réponses correctes sur 12. 3) Détection de rime - présentation visuelle L'enfant doit choisir entre deux illustrations (ex : BOAT, GLOVE) celle qui rime avec une troisième (coat). Aucun des trois mots n'est prononcé par l'examinateur, de sorte que l'enfant est obligé (i) d'accéder à ses propres représentations phonologiques pour les trois mots (processus descendant) ; (ii) de les comparer l'une à l'autre ; (iii) et d'identifier les deux mots qui riment. On présume que cette tâche implique la segmentation des mots en ces constituants phonologiques « attaque » et « rime ». Zoe a obtenu 12/12 réponses correctes. Il semble que Zoe n'a pas de gros problème de segmentation des mots dans « l'attaque » et la « rime », ce qui suggère une réponse affirmative à la question : F. L'enfant est-il conscient de la structure interne des représentations phonologiques ?

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Les résultats des tests de détection de rime indiquent aussi une réponse affirmative à la question : D. L'enfant peut-il discriminer entre des mots réels ? Cependant nous avons observé que dans la troisième épreuve, (détection de rime - présentation visuelle) Zoe a vocalisé les mots en décidant sa réponse - comme les enfants plus jeunes (4 - 6 ans) dans l'étude contrôle. La plupart des enfants de 7 ans a cessé de vocaliser. Quoique elle n'ait pas fait de fausses réponses, il est possible que cette épreuve reste assez difficile pour Zoe. H. L'enfant peut-il manier des unités phonologiques? Un enfant peut être conscient du fait qu'un mot est composé d'unités phonétiques, et le prouver dans des tests de détection ; mais il peut toutefois avoir des difficultés à manier ces unités en production. On a demandé à Zoe de produire une succession de rimes à partir de 12 mots cibles prononcés par l'examinateur, par exemple : RING, LIGHT, PURSE. Elle a eu 20 secondes pour répondre à chaque mot. Zoe a donné une première réponse exacte pour 8/12 mots cibles (groupe contrôle, 7 ans : moyenne 11,4). Total de réponses correctes : Zoe : 20 ; groupe contrôle (moyenne) : 40. Pour six mots cibles, Zoe n'a pu produire aucune rime. Une de ses meilleures réponses fut pour le mot cible ring : RING : " ring ping ting ling ring ping [fə'lε] boo ring ping ['tli] boo " Elle a bien commencé, mais fut incapable de soutenir cette stratégie pendant les vingt secondes. Cet exemple montre aussi que Zoe a répété le mot cible à des intervalles réguliers. Quoique cette stratégie soit typique d'enfants plus jeunes, nous ne l'avons rencontrée que dans 15 pour cent des enfants de 7 ans (les plus âgés dans notre étude de contrôle). Pour réussir à ce test de production de rime il faut (1) segmenter le mot présenté en « attaque » et « rime » ; (2) manier ces unités phonologiques pour créer de nouveaux programmes moteurs ; (3) produire ces mots. Les réponses de Zoe aux tests de détection suggèrent qu'elle est capable d'exécuter (1). Ses réponses au test de production indiquent qu'elle est incapable d'exécuter (2), et que par conséquent elle ne peut pas produire les réponses correctes (3).

◆ Etude de la sortie G. L'enfant a-t-il accès aux programmes moteurs corrects? Zoe a bénéficié d'une rééducation orthophonique depuis l'âge de 2 ans 10 mois, jusqu'à 6 ans, pour ses difficultés de langage et de parole (Wells &

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Stackhouse 1992, Stackhouse & Wells, 1997). Une grande part du travail rééducatif a été consacrée à l'articulation. A l'âge de 9 ans 8 mois, elle a une parole intelligible, mais avec quelques difficultés résiduelles, surtout avec les séquences complexes de consonnes, par exemple : QUEEN /kwin/ → [kjwɔin] ; PUMPKI N /'pÃm p k n/ → [ ' p à ŋkn ] ; INST RU C T E D /n ' s t rÃ, td /→ [nds'dÃk,td]. La production exacte d'un mot exige que Zoe accède à partir de son lexique au programme moteur stocké pour ce mot, et puis qu'elle le prononce. Ainsi l'erreur peut provenir du fait d'un programme moteur inexact au sein du lexique. I. L'enfant peut-il prononcer correctement les mots réels? Les épreuves de répétition de mots réels constituent un test assez pur des programmes moteurs pour les mots déjà stockés au lexique. Zoe a dû répéter des mots complexes mais familiers, ex : HELICOPTER, FEATHER, CROCODILE, SUPERMARKET. Zoe a obtenu 17/24 (Groupe contrôle, 6 ans : 20/24). Quoique Zoe ait fait quelques erreurs, elles étaient peu significatives du point de vue articulatoire, par exemple CROCODILE → ['kwɒkədail], AQUARIUM → [ə’'kwεəυiən]. J. L'enfant peut-il émettre une parole sans se référer aux représentations lexicales? Nous avons utilisé la répétition des non-mots pour évaluer les capacités de production de termes nouveaux ou non familiers chez Zoe. Les non-mots ont été appariés aux mots réels du test précédent, afin de comparer les compétences entre la répétition des mots réels et des non-mots. Des difficultés plus importantes dans le cas des non-mots pourraient relever d'un déficit d'assemblage des nouveaux schémas moteurs. Zoe a obtenu 8/24 (groupe contrôle, 6 ans : 11/24). Voici des exemples de ses erreurs : /'lεw,gɒbdə/ → ['lεV,glɒbdə] ; /'vεθə/ → [ ' fε ð ə] ; /'glɒgətail/ → [ ' g lɒdətail]. /'zubə, bɑgd/ → [ ' z u bə, gɑe dd ] , ['zubə,gɑvd], ['zubə,gVɑvd]. Zoe manifeste sans doute des difficultés de programmation des schémas moteurs ; elle a du mal à élaborer des programmes moteurs exacts pour les mots complexes en particulier quand ils sont nouveaux pour elle. K. L'enfant peut-il produire des sons adéquats ? Nous avons déjà remarqué que Zoe peut émettre les sons individuels de la langue anglaise, par exemple dans les mots peu complexes. Nous avons maintenant un profil assez complet pour Zoe (Figure 2). '✔' indique qu'il n'y a pas de problème à ce niveau de traitement ; 'X' indique qu'il y

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a un problème ; 'XXX' indique que le problème est assez grave. Cette évaluation a été faite sur la base d'une comparaison avec des enfants ayant un développement normal. Souvent il n'est pas possible d'interpréter la signification des résultats d'une tâche isolée. Par exemple, Zoe n'a pas réussi la tâche de production de rime. On peut construire deux hypothèses alternatives : (1) l'origine de ses erreurs est qu'elle ne peut pas segmenter les mots en « attaque » et « rime » ; (2) la cause de ses erreurs est qu'elle a du mal à assembler les schémas moteurs nouveaux. Si nous n'avons que les résultats de l'épreuve de production de rime, nous ne pouvons pas choisir entre les deux hypothèses. Mais nous avons aussi les résultats des tâches de détection de rime. Pour réussir avec ces tâches de détection, il faut segmenter les mots dans « attaque » et « rime ». Zoe a eu peu de difficultés avec les trois tâches de détection de rime. Ainsi nous pouvons abandonner l'hypothèse (1) et accepter l'hypothèse (2.). Cette conclusion est soutenue par l'évidence des difficultés que Zoe a eues avec la répétition des non-mots, ex : /' z u bə, bɑgd/ → [' z u bə, gɑdd] , ['zubə,gɑvd], ['zubə,gυɑbd]. Pour réussir à cette épreuve, il faut (1) discriminer et identifier les sons dans le mot nouveau /'zubə,bɑgd/ ; (2) assembler un schéma moteur pour la production du mot, en utilisant les syllabes et les gestes articulatoires (Kent 1997) déjà stockés. Nous avons déjà vu que Zoe peut discriminer des non-mots ; ainsi il apparaît que le problème est plutôt d’assembler un nouveau schéma moteur. Ainsi il apparaît que les deux tâches où Zoe a la plus grande difficulté (production de rime ; répétition de non-mots) ont une étape de traitement en commun : l'assemblage des nouveaux programmes moteurs.

◆ Relation entre langage oral et langage écrit Nous avons déjà vu que Zoe a du mal à lire ou à orthographier les mots nouveaux. Maintenant nous allons considérer la relation entre ce déficit spécifique de traitement de parole chez Zoe, et ses problèmes de lecture et d'orthographe. Pour réussir à l'orthographe il faut (1) entendre le mot ; (2) le segmenter en ses constituants phonologiques ; (3) choisir les lettres qui correspondent aux phonèmes segmentés, (4) puis rassembler les lettres dans l'ordre correct. Pour faire cela, il est évidemment très utile d'être capable de retenir le mot prononcé en mémoire à court terme. Ceci dépend de la capacité à répéter le nouveau mot (à haute voix, en chuchotant, ou même silencieusement). Pour répéter un nouveau mot, il faut d'abord le segmenter dans ses constituants phonologiques ou phonétiques. Nous avons déjà vu que Zoe est capable de segmenter les mots, du moins à un certain niveau. Ensuite il faut rassembler ces constituants en un nou-

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Figure 2

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veau programme moteur. - mais nous avons déjà vu que cette étape de traitement présente des difficultés importantes pour Zoe. Il semble donc que ce déficit est impliqué dans ses difficultés avec l'orthographe, qui deviennent d'autant plus prononcées que les mots sont longs. Pour lire un nouveau mot (ou un non-mot), l'enfant doit (1) établir la correspondance entre les graphèmes du mot et les phonèmes (ou autres constituants phonologiques, ex : attaques, rimes) stockés dans la mémoire à long terme ; (2) utiliser ces constituants phonologiques pour assembler un nouveau programme moteur ; (3) énoncer le mot à haute voix. Les erreurs de lecture de Zoe montrent qu'elle a des difficultés à signaler le nombre correct de syllabes et à arranger les phonèmes dans l'ordre correct. En conclusion, les résultats de l'examen psycholinguistique indiquent qu'à l'âge de 9 ans 8 mois, Zoe n'a pas encore atteint l'étape métaphonologique, caractérisée par la conscience phonologique, que la plupart des enfants atteignent à l'âge de 4 ou 5 ans (Stackhouse & Wells 1997). L'analyse de ses erreurs de lecture et d'orthographe indique qu'elles sont liées aux déficits sous-jacents de traitement phonologique (cf. Vance, Stackhouse & Wells, 1998). Nous proposons que des connexions significatives et précises entre les déficits de langage écrit et les déficits de langage oral peuvent être relevées par une approche systématique lors de l'évaluation du traitement de la parole, en utilisant, par exemple, le profil et le cadre de questions que nous avons présentés ici. REFERENCES CONSTABLE, A., STACKHOUSE, J., WELLS, B. (1997) Developmental word finding difficulties and phonological processing : the case of the missing handcuffs. Applied Psycholinguistics, 18, 4 507-536. KENT, R. (1997) Gestural Phonology : basic concepts and applications in speech-language pathology. In Ball, M.J. & Kent, R.D. (eds) The New Phonologies : Developments in Clinical Linguistics Singular pp 247-268. SNOWLING, M., STOTHARD, S.E. & MCLEAN, J. (1997) The Graded Nonword Reading Test. Bury St Edmunds : Thames Valley Test Company. STACKHOUSE, J. & WELLS, B. (1997) Children's Speech and Literacy Difficulties : A Psycholinguistic Framework. Whurr Publishers. VANCE, M., STACKHOUSE, J & WELLS, B. (1998) Examen psycholinguistique des troubles du langage oral et du langage écrit chez l'enfant. In : DJ Duche, CL Gerard, J Metellus, J Roustit (eds) Entretiens d'orthophonie, Paris. Expansion Scientifique Française, Paris. p103-110. ISBN 27046-1566-X. WECHSLER, D. (1993). Wechsler Objective Reading Dimensions (WORD). New York : Psychological Corporation. WELLS, B. & STACKHOUSE, J (1992) Application d'un cadre psycholinguistique à l'évaluation et l'intervention orthophoniques auprès d'enfants présentant des troubles developpementaux de langage. In Kremin, H. & Leclerq, M. (eds) Approche neuropsychologique de l'enfant. Société de Neuropsychologie de Langue Française. pp 131-142. WELLS, B. (1994) Junction in developmental speech disorder : a case study.Clinical Linguistics & Phonetics 7 1-25.

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Sensibilité phonologique et traitement métaphonologique : compétences et défaillances Monique Plaza

Résumé Les compétences phonologiques peuvent être définies comme primaires et secondaires. Les compétences primaires sont de l'ordre de la sensibilité phonologique et elles pré-existent à l'apprentissage de la lecture. Les compétences métaphonologiques, qui permettent des manipulations phonémiques complexes, sont secondaires à l'acquisition de la lecture. L'article ici présenté a deux objectifs. D'une part, il analyse l'évolution et la variabilité des compétences phonologiques et métaphonologiques chez des enfants pré-lecteurs, lecteurs débutants et lecteurs confirmés. D'autre part, il décrit deux profils de dysfonctionnement phonologique, chez un enfant et un adulte dyslexiques. Mots clés : sensibilité phonologique, traitement métaphonologique, dyslexie.

Phonological sensitivity and metaphonological processing : strengths and weaknesses Abstract The phonological abilities include primary and secondary skills. Primary skills which involve phonological sensitivity are developed in children before they acquire reading skills. Secondary skills which involve metaphonological processing are the result of the development of reading skills. This article has two objectives: 1) to analyze the development and variability of phonological and metaphonological skills in non-reading children, beginning readers and fluent readers, and 2) to describe two profiles of phonological impairment, that of a dyslexic child and of a dyslexic adult. Key Words: phonological sensitivity, metaphonological processing, dyslexia.

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Monique PLAZA Chargée de recherches CNRS Neuropsychologie clinique de l'enfant Hôpital de la Salpêtrière Bâtiment Pharmacie, 3ème étage 75651 Paris cedex 13 Tel : 01 42 16 24 82 et 01 42 16 22 04 Fax : 01 53 79 08 25 E-mail : [email protected]

L

a notion de compétence phonologique a pris, ces trente dernières années, une fonction fondamentale dans les théories de l'acquisition, par l'enfant, de la langue écrite. Pour apprendre à déchiffrer d'une manière précise les mots d'une langue de type alphabétique, et accéder à leur sens, l'enfant doit établir des correspondances entre les graphèmes et les phonèmes, établir des séquences très complexes d'association entre ces unités. La compétence phonologique est impliquée dans cette activité dite d'« assemblage » dans la mesure où elle permet à l'enfant de prendre distance par rapport à la langue, de l'analyser, et ainsi d'accéder à des unités abstraites peu prégnantes sur le plan perceptif. Le jeune enfant traite évidemment l'unité phonémique bien avant d'apprendre à lire (il distingue très aisément un bateau et un barreau, mots qui diffèrent par un seul phonème), mais il ne se représente et ne manipule consciemment le phonème que lorsqu'il apprend à lire.

La notion de compétence phonologique est contemporaine de la linguistique chomskyenne et jakobsonienne, des travaux neuropsychologiques sur les troubles de la lecture acquis chez l'adulte après lésion cérébrale, et d'une approche pédagogique accordant une place prépondérante à l'acquisition du décodage grâce à la maîtrise des règles de transcription graphème-phonème. Cette approche pédagogique, qui s'est inscrite en faux contre la méthode dite « globale » de la lecture, a souligné l'importance pour l'enfant de construire luimême la signification de l'écrit en assimilant les phonèmes et les graphèmes, instruments de valeur abstraite constituant un code de référence [Galifret-Granjon, 1967]. L'accès aux règles de fonctionnement, permettant l'auto-intelligibilité de l'écrit, est posé comme un préalable nécessaire avant que ne s'instaure l'appréhension globale, directe et lexicale, du mot. L'enfant doit dans le premier temps de l'apprentissage acquérir les règles de décodage, plutôt que chercher à « deviner » les mots sur la base d'indices partiels [Girolami-Boulinier, 1966].

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La notion de conscience phonétique était centrale dans les élaborations théoriques et pédagogiques proposées notamment par la revue Rééducation orthophonique, autour de Suzanne Borel-Maisonny. Selon ces théories, l'enfant, pour apprendre à lire, doit dans un premier temps saisir, reconnaître, évoquer et émettre correctement les sons de la parole, c'est à dire le système phonétique de sa langue, avant de découvrir la symbolisation des phonèmes constituée par les lettres de l'alphabet. La correspondance écrit/oral n'est possible que si l'enfant admet la symbolisation du phonème par une lettre ou un groupe de lettres, et la symbolisation du groupe de phonèmes (syllabes) par un groupe de signes. Dans ce contexte théorique, l'examen phonétique prenait une place centrale dans toute approche des apprentissages lexiques. L'examen préconisé par Suzanne BorelMaisonny mettait en jeu simultanément trois facteurs : le système phonématique, le système graphématique, et la correspondance entre ces deux systèmes. Les recherches effectuées dans cette optique théorique sur le développement lexique de l'enfant tentaient de préciser, en élaguant la dimension de la signification, les mécanismes élémentaires permettant l'acquisition de la lecture [Piacere, 1969]. Les troubles dyslexiques apparaissaient comme une difficulté fondamentale, non réductible à un simple mauvais apprentissage, dans l'établissement de ces mécanismes structurels [Borel-Maisonny, 1967]. Ces quinze dernières années, une question a suscité d'importantes controverses. Il s'agissait de savoir si la compétence phonologique est une condition nécessaire à l'acquisition de la lecture, si elle en est le corrélat, ou si elle en est la conséquence. Comme l'a très clairement montré l'école de Bruxelles pour ce qui concerne la langue française [Alegria et Morais, 1979 ; Alegria, Pignot et Morais, 1982 ; Bertelson, 1986 ; Content, 1984 et 1985 ; Morais, Cary, Alegria et Bertelson, 1979 ; Morais, 1994] la compétence phonologique comporte deux dimensions. La première est de l'ordre de la sensibilité phonologique et elle apparaît chez les enfants avant qu'ils n'apprennent à lire. La sensibilité phonologique, qui s'appuie fortement sur des indices perceptifs, permet par exemple le jugement de rimes, la discrimination auditive de phonèmes, la manipulation de syllabes. Elle semble être un élément qui facilite l'apprentissage de la lecture, dans la mesure où elle témoigne d'une bonne intégration phonétique, permettant à l'enfant de s'intéresser à la forme de la langue. La seconde compétence, dont l'on rend compte le plus souvent par les notions de « conscience phonologique » ou de « traitement métaphonologique », apparaît essentiellement après la maîtrise du code alphabétique et de la stratégie d'assemblage par l'enfant. Elle lui permet d'accéder à un traitement abstrait des sons du langage, et de manipuler les unités discrètes que sont les phonèmes. Les enfants présentant des troubles du langage oral et écrit manifestent souvent des défaillances aux épreuves phonologiques, défaillances qui peuvent

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affecter les niveaux primaires (sensibilité phonologique) et/ou secondaires (processus métaphonologiques) de la compétence phonologique [Plaza, 1997 et 1998]. Dans le cadre d'une langue alphabétique comme la nôtre, compétences phonologiques et maîtrise de la lecture sont en interaction étroite en début d'apprentissage, notamment lors de l'acquisition de la stratégie d'assemblage. En conséquence, le constat d'une défaillance phonologique lorsque l'enfant est prélecteur, ou lecteur en difficulté, peut amener à préconiser un entraînement portant sur les secteurs phonologiques les plus déficients. C'est le sens du travail réalisé, pour leur mémoire de certificat d'orthophonie, par Béatrice Primot et Nasenam Issoufaly [Primot et Issoufaly, 1994], qui ont édité une méthode d'entraînement de la conscience phonologique à l'usage des orthophonistes francophones [Primot et Issoufaly, 1996]. Parler de « défaillances » implique de connaître l'évolution des compétences phonologiques chez des enfants « témoins » ou « contrôles ». Ce travail d'étalonnage est en cours, dans les Nouvelles Epreuves pour l'examen du langage, qui comportent des épreuves phonologiques [Chevrie-Muller, Plaza et al, à paraître]. Dans l'étude présente, nous avons deux objectifs. D'une part, celui de rendre compte de l'évolution et de la variabilité des compétences phonologiques et métaphonologiques chez des enfants pré-lecteurs, lecteurs débutants et lecteurs confirmés. D'autre part, celui de définir deux profils de dysfonctionnement phonologique que nous avons pu observer chez un enfant et un adulte dyslexiques.

◆ Méthode Nous appuyant sur les travaux réalisés par différents auteurs [Alegria et Morais, 1979 ; Bruck et Treiman, 1990 ; de Gelder et Vroomen, 1991 ; Lecocq, 1991], nous avons construit deux protocoles qui tiennent compte (a) du fait que les compétences phonologiques comportent deux niveaux différents (la « sensibilité phonologique » et « le traitement métaphonologique ») et (b) du fait que les activités les plus complexes (le traitement métaphonologique) ne se développent pleinement que lorsque l'enfant est lecteur. Le premier protocole, destiné à des enfants non-lecteurs ou lecteurs, comporte cinq épreuves mettant en jeu la sensibilité phonologique. Il comprend : (a) une épreuve de jugement de rime portant sur 20 paires de mots (« craiebaie », « pain-mie »). L'enfant doit dire si les mots riment, en répondant par oui ou par non. (b) deux épreuves de discrimination auditive du phonème « S » en position initiale et du phonème « F » en position centrale, sur des logatomes tels que

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« PFI » ou « BOS » (en position initiale l'enfant doit dire si le mot commence par le son S, en position centrale, si le mot contient le son F au milieu). L'enfant doit répondre par oui ou par non. (c) une épreuve d'inversion de logatomes bi-syllabiques (l'enfant doit inverser les segments : « pati » devient « tipa »). (d) une épreuve d'identification du phonème initial, portant sur cinq voyelles syllabiques et sur cinq consonnes qui, par définition, ne peuvent qu'être une partie de la syllabe. L'enfant doit dire quel est le premier son du logatome « alac » ou du logatome « milu ». De ces cinq épreuves, la dernière est la plus difficile puisqu'elle oblige l'enfant à segmenter le mot pour en extraire et en produire le premier son. Lorsque le phonème initial est une voyelle syllabique, le traitement est plus facile que lorsqu'il s'agit d'une consonne. La voyelle syllabique constitue en effet une unité traitée de façon précoce par les enfants. En contraste, la consonne ne peut s'extraire de la syllabe sans la mise en jeu d'une compétence plus abstraite, détachée de la prégnance acoustique : la compétence phonémique. Le second protocole, destiné à des enfants lecteurs, comprend, outre ces cinq épreuves, cinq tâches métaphonologiques de segmentation et de manipulation phonémique : (a) une épreuve d'inversion phonémique, l'enfant étant invité à inverser les segments de logatomes monosyllabiques (« im » devient « mi »). (b) Une épreuve d'élision du phonème en position initiale. L'enfant est invité à dire ce que devient le logatome « pouk » sans le p initial. (c) Une épreuve d'élision du phonème en position finale. L'enfant est invité à dire ce que devient le logatome « pac » sans le c final. (d) Une épreuve d'élision du phonème en position centrale. L'enfant est invité à dire ce que devient le logatome « ska » sans le k médian. (e) Une épreuve d'ajout d'un phonème en position initiale. L'enfant est invité à dire ce que devient le logatome « amo » si on lui ajoute un p au début. Ces deux protocoles ont été proposés à deux populations différentes d'enfants témoins. Le protocole de sensibilité phonologique a été proposé à 100 enfants scolarisés en grande section de maternelle, à la fin de l'année scolaire (Mai-Juin). Les 100 enfants constituant l'échantillon de référence avaient tous été, à trois ans six mois, l'objet d'un dépistage à l'aide du Questionnaire Langage et comportement 3 ans 1/2 [Chevrie-Muller et al, 1994]. Selon les critères de ce questionnaire, ils ne présentaient aucune difficulté de langage ni de comportement. Ces enfants ne savaient pas lire, mais une épreuve de reconnaissance

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des 52 graphies minuscules et majuscules que nous leur avons proposée montrait une compétence alphabétique variable (étendue de 0 à 52, moyenne de 24,3, soit 46,7 %, écart-type de 16,6). Une analyse de variance prenant en compte la capacité alphabétique a cependant montré qu'elle n'intervenait, de façon significative, dans aucune des épreuves de sensibilité phonologique. Le second protocole a été proposé à 100 enfants : 20 enfants lecteurs débutants (ayant accompli quatre mois d'apprentissage de la lecture), 20 enfants en début de CE1 (après un an révolu d'apprentissage), 20 enfants en début de CE2, 20 enfants en début de CM1 et 20 enfants en début de CM2. Sélectionnés par les enseignants, ces enfants ne présentaient aucune difficulté d'apprentissage dans l'acquisition de la lecture. La compétence lexique de ces enfants a été en outre évaluée par une épreuve de reconnaissances de lettres, une épreuve d'identification de graphèmes complexes, et une épreuve de lecture de logatomes. Les enfants de C.P. maîtrisaient les correspondances lettres-sons à hauteur de 84,8 %, identifiaient les graphèmes complexes à hauteur de 35 %, et lisaient 48,5 % des logatomes proposés. Dès le CE1, les enfants maîtrisaient l'ensemble des épreuves à plus de 95 %. Le recueil des données du deuxième protocole a été l'objet d'un mémoire pour le certificat d'orthophonie [Ramel et de Maistre, 1995].

◆ Compétences phonologiques et métaphonologiques d'enfants sans trouble d'apprentissage Dans un premier temps, nous comparons les scores obtenus par les enfants pré-lecteurs, lecteurs débutants (après 4 mois de C.P.) et lecteurs confirmés (début de CM2) au protocole de sensibilité phonologique. Dans un deuxième temps, nous comparons les résultats obtenus par chaque niveau de classe primaire (après 4 mois de CP, en début de CE1, CE2, CM1 et CM2) d'abord au protocole de sensibilité phonologique puis au protocole métaphonologique. (1) La sensibilité phonologique préexiste à l'apprentissage de la lecture, mais elle s'automatise avec la lecture Ce tableau montre que les enfants non-lecteurs maîtrisent la plupart des épreuves de sensibilité phonologique qui leur ont été proposées. Les épreuves les plus difficiles sont celle d'inversion syllabique (qui requiert une manipulation de segments mettant en jeu la mémoire de travail auditivo-verbale) et celle d'identification de la consonne initiale, qui requiert la segmentation d'un élément peu perceptible sur le plan acoustique. Nous observons que les enfants lecteurs débutants obtiennent des scores très proches de ceux des non-lecteurs, sauf en ce qui concerne l'identification de la consonne initiale, qui est pratiquement maîtrisée après quatre mois d'apprentissage de la lecture.

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Tableau 1. Sensibilité phonologique chez les enfants pré-lecteurs, lecteurs débutants et lecteurs confirmés

Epreuves

Enfants non lecteurs

Lecteurs débutants (après 4 mois de CP)

Lecteurs confirmés (en début de CM2)

Jugement de rime

15.99 (79,9 %)

14.7 (73,5 %)

19.2 (96 %)

Discrimination consonne initiale

9.61 (80 %)

10.6 (88,3 %)

11.9 (99,1 %)

Discrimination consonne médiane

9.85 (82 %)

10.6 (88,3 %)

11.8 (98,3 %)

Inversion syllabique

6.62 (66,2 %)

7.5 (75 %)

9.7 (97 %)

Identification du phonème initial (e) voyelles : (f) consonnes :

7.14 (71,4 %) 4.7 (94,6 %) 2.4 (49,4 %)

8.6 (86 %) 4.8 (97 %) 4.8 (97 %)

9.8 (98 %) 5 (100 %) 4.9 (98 %)

En contraste, les enfants ayant quatre années pleines d'apprentissage de la lecture (début de CM2) ont une maîtrise parfaite de toutes les épreuves. Ces résultats confirment que la sensibilité phonologique se manifeste chez l'enfant avant qu'il n'apprenne à lire, mais que cette compétence se développe et s'automatise pleinement après la maîtrise de la stratégie d'assemblage par l'enfant. (2) La sensibilité phonologique se stabilise très rapidement au cours du cycle primaire Tableau 2. Evolution de la sensibilité phonologique du CP au CM2

Epreuves

C.P.

CE1

CE2

CM1

CM2

19 (95 %) 1.8

19.2 (96 %) 1.8

Jugement de rime

14.7 (73,5 %) 18.2 (91 %) 19.1 (95,5 %) 3.4 1.8 0.9

Discri. Phon. initial

10.6 (88,3 %) 11.8 (98,3 %) 11.7 (97,5 %) 11.8 (98,3 %) 11.9 (99,1 %) 1.5 0.36 0.5 0.4 0.2

Discri. Phon. médian

10.6 (88,3 %) 11.9 (99,1 %) 11.8 (98,3 %) 11.8 (98,3 %) 11.8 (98,3 %) 1.8 0.36 0.6 0.5 0.4

Inversion syllabique

7.5 (75 %) 2.4

9.1 (91 %) 1.1

9.5 (95 %) 0.8

9.5 (95 %) 0.8

9.7 (97 %) 0.5

Identifi. du phomène initial

8.6 (86 %) 1.6

9.9 (99 %) 0.3

9.7 (97 %) 0.5

10 (100 %)

9.8 (98 %) 0.4

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Les résultats montrent que les épreuves de sensibilité phonologique se stabilisent après un an d'apprentissage de la lecture, parallèlement au fait que les enfants maîtrisent les bases de la stratégie d'assemblage (comme le montrent leur connaissance des règles de correspondances graphèmes-phonèmes, et leurs scores en déchiffrage de logatomes). (3) Les compétences métaphonologiques se développent en parallèle à la stratégie d'assemblage, et elles sont maîtrisées après un an plein d'apprentissage de la lecture Tableau 3 Evolution des compétences métaphonologiques du CP au CM2

Epreuves

C.P.

CE1

CE2

CM1

CM2

Elision initiale

10.5 (50 %) 5.7

Elision médiane

3.3 (27,5 %) 10.9 (90,8 %) 10.9 (90,8 %) 11 (91,6 %) 11.7 (97,5%) 3.5 1.2 1.5 1.2 0.5

Elision finale

10.3 (51,5 %) 18.5 (92,5 %) 19.1 (95,5 %) 18.6 (93 %) 19.5 (97,5 %) 5.6 4.5 1 1.4 0.8

Inversion phonémique Ajout initial

5.7 (57 %) 3.7

18.8 (94 %) 18.7 (93,5 %) 19.5 (97,5 %) 19.7 (98,5 %) 1.8 1.1 0.8 0.4

9.3 (93 %) 1.5

9.7 (97 %) 0.7

9.8 (98 %) 0.3

9.9 (99 %) 0.3

6.6 (38,8 %) 14.1 (82,9 %) 15.2 (89,4 %) 15.1 (88,8%) 16.3 (95,8 %) 3.2 2.2 0.8 1.5 0.7

Nous constatons que les enfants lecteurs débutants traitent de façon partielle les tâches de segmentation et de manipulation phonémique, l'épreuve la mieux réussie étant l'inversion phonémique, l'épreuve la plus difficile étant l'élision centrale. Après un an d'apprentissage de la lecture, toutes les tâches sont traitées avec efficacité. Cependant, l'élision de la consonne centrale et l'ajout d'un phonème en position initiale ne sont pleinement acquis que chez les enfants entrant en CM2.

◆ Discussion Ces études exploratoires qui, rappelons-le, ont un statut expérimental, montrent que la sensibilité phonologique préexiste à l'apprentissage de la lecture et qu'elle se développe en parallèle à des éléments tels que la maîtrise de la stratégie d'assemblage par l'enfant et le développement de sa maturité. Les tâches phonologiques sont, en effet, très complexes sur le plan cognitif. Elles requiè-

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rent de la part de l'enfant attention et concentration, mise en jeu de la mémoire immédiate et de la mémoire de travail, compréhension de consignes portant sur la forme de la langue. La maturité intellectuelle, linguistique et cognitive de l'enfant ne peut que faciliter l'épanouissement de cette compétence. Les résultats obtenus aux épreuves métaphonologiques par les enfants de cycle primaire sont comparables à ceux obtenus par l'équipe de Bruxelles dans le cadre de la batterie BELEC [Mousty et al, 1994]. Les auteurs notent, en effet, que les épreuves proposées (inversion syllabique et phonémique, soustraction syllabique et phonémique, acronymes auditifs) sont très bien réussies (scores autour de 90 %) dès l'âge de 7 ans et demi.

◆ Défaillances phonologiques chez deux sujets dyslexiques phonologiques Nous analysons ici les profils de performance phonologique de deux sujets dyslexiques, en rappelant que la plupart des épreuves proposées sont maîtrisées vers 6 ans (pour ce qui concerne la sensibilité phonologique) ou vers 8 ans (pour ce qui concerne le traitement métaphonologique). S.G. est une jeune femme de 25 ans qui présente des séquelles de dyslexie-dysorthographie de type phonologique. Aimant beaucoup lire, elle a développé une lecture rapide et efficace, sémantique et inférentielle. Son orthographe d'usage est globalement efficace. En revanche, elle a le plus grand mal à orthographier des noms propres inconnus d'elle, à situer les lettres les unes par rapport aux autres, à chercher des mots dans le dictionnaire. En transcription de logatomes, on note des confusions persistantes p/b, c/t, v/p, t/d. Les épreuves phonologiques aboutissent à des résultats dissociés. D'une part, les tâches de segmentation phonémique (du phonème initial, du phonème central, du phonème final), d'inversion phonémique et d'ajout du phonème initial sont bien réussies, avec cependant des petites erreurs de type phonétique (p + amo = bamo, t + rep = drep, ti à l'envers devient id). En contraste, S.G. est en difficulté lors de l'épreuve de rimes, et surtout lors de l'épreuve de discrimination du phonème central. Elle n'« entend » pas le son f dans les logatomes CCV « pfi », « tfé », et « cfa » (alors qu'elle a bien réussi les deux épreuves de discrimination phonémique proposées par ailleurs). La jeune femme dit s'être appuyée sur ses connaissances orthographiques pour traiter les épreuves métaphonologiques (elle se représentait visuellement les mots). Ses difficultés lors de la tâche de discrimination auditive du phonème central, et lors de l'épreuve de rimes, montrent une altération de la sensibilité phonologique, qui persiste en dépit d'une bonne compétence métaphonologique. On peut faire l'hypothèse que cette alté-

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ration persistante de la sensibilité phonologique, qui n'a pas entravé le développement des compétences lexiques et orthographiques, a cependant des effets résiduels localisés qui gênent la jeune femme lors de certaines de ses activités. C.H. est un garçon de 12 ans qui a connu un développement précoce et harmonieux du langage oral. Il présente une dyslexie-dysorthographie sévère affectant à la fois l'assemblage et l'adressage. La lecture de logatomes et de mots irréguliers est très déficiente, et la transcription d'une dictée montre des difficultés majeures en phonétique, en usage et en grammaire. Les épreuves phonologiques aboutissent à des résultats dissociés. D'une part, C.H. est très à l'aise dans toutes les épreuves de sensibilité phonologique pour traiter le jugement de rime et pour discriminer des phonèmes initiaux et centraux. En revanche, il parvient à supprimer le phonème initial avec 25 % d'erreurs, le phonème final avec 50 % d'erreurs, il fait 50 % d'erreurs lors de l'addition du phonème initial, et il ne parvient pas du tout à supprimer le phonème central. Ses erreurs lors de la manipulation des phonèmes sont de type séquentiel : C.H. inverse ou désorganise la séquence des phonèmes (p+amo = poam, i+ru = iur, d+rom = dorm). Les performances métaphonologiques sont donc en adéquation avec les difficultés rencontrées par C.H. en lecture et en orthographe. On peut faire l'hypothèse que les difficultés lexiques / orthographiques et les difficultés métaphonologiques de C.H. sont interdépendantes, sans pouvoir décider ce qui, des deux éléments, est le facteur déterminant. Précisément, afin de déterminer si les défaillances phonologiques des enfants dyslexiques sont primaires ou secondaires, causes ou conséquences de leurs difficultés de lecture, on a coutume de comparer leurs performances à celles d'enfants de même niveau de lecture. La comparaison avec des enfants du même âge a été écartée dans la mesure où, la maîtrise de la lecture améliorant et décuplant les performances phonologiques, une telle comparaison ne pouvait que défavoriser les enfants mauvais lecteurs. On a donc admis le principe de la comparaison avec des enfants de même niveau de lecture, ce qui permettait d'exclure en quelque sorte l'« effet lecture ». Ce principe, bien qu'en théorie plus juste, est lui aussi contestable. D'une part, du fait de l'ambiguïté de la notion de « niveau de lecture », l'utilisation d'un test tel que l'Alouette (auquel se réfèrent beaucoup de chercheurs français) ne permet pas de définir sur quel mode l'enfant recourt à l'adressage et à l'assemblage, quelle stratégie il utilise pour déchiffrer. De plus, les enfants dyslexiques font des erreurs de lecture atypiques que l'on ne retrouve pas chez les enfants « contrôle » plus jeunes. A niveau de lecture prétendument égal, le mode de lecture peut donc être très différent. D'autre part, comparer les performances d'enfants dyslexiques à celles d'enfants de « même niveau de lecture », revient à comparer les performances d'enfants de

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10 ans à celles d'enfants de 7 ou 8 ans. Cette comparaison est étrange car elle ne tient pas compte de la maturité de l'enfant plus âgé, de ses capacités linguistiques en général, des connaissances qu'il a pu acquérir à l'école, des rééducations dont il a bénéficié, éléments qui peuvent modifier ses performances, y compris au niveau phonologique. On conclura donc provisoirement que si certaines habiletés phonologiques (relevant de la sensibilité phonologique) peuvent être considérées comme des éléments facilitant l'apprentissage de la stratégie d'assemblage, en revanche les défaillances métaphonologiques sont davantage des corrélats ou des conséquences des difficultés lexiques, dont elles sont en quelque sorte l'écho. Cette conclusion, qui relativise la fonction de « pré-requis » de la conscience phonologique, ne doit cependant pas occulter l'importance de l'entraînement phonologique pour les enfants pré-lecteurs chez qui la sensibilité phonologique est défaillante, et pour les enfants lecteurs qui rencontrent des difficultés dans la stratégie d'assemblage.

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Déficits phonologiques et métaphonologiques chez des dyslexiques phonologiques et de surface Liliane Sprenger-Charolles, Philippe Lacert, Pascale Colé

Résumé Les dyslexiques phonologiques présentent un déficit de la voie phonologique de lecture et les dyslexiques de surface, un déficit de la voie orthographique. Dans l'article, on examine tout d'abord si ces deux sous-types sont également représentés dans la dyslexie. Pour cela, on évalue l'efficience des voies phonologique et orthographique de 33 dyslexiques de 10 ans issus d'une cohorte de 373 enfants suivis depuis l'âge de 5 ans. La comparaison avec 19 normo-lecteurs de même âge permet de relever 16 dyslexiques phonologiques et 11 dyslexiques de surface. Onze des 16 dyslexiques phonologiques, mais seulement 2 des 11 dyslexiques de surface, résistent à la comparaison avec 19 normo-lecteurs plus jeunes mais de même niveau de lecture. Ces résultats indiquent que les dyslexiques de surface - mais pas les dyslexiques phonologiques - auraient un simple retard d'apprentissage. Une autre question est celle de l'origine des troubles de la lecture dans ces deux sous-types de dyslexie. Etant donnée la nature de leur déficit en lecture, les dyslexiques phonologiques devraient présenter des troubles en analyse phonologique et en mémoire phonologique à court terme. A l'inverse, les dyslexiques de surface devraient présenter des troubles de mémoire visuelle qui ne leur permettraient pas de 'fixer' l'image orthographique des mots. Pour tester ces hypothèses, on compare, à différentes époques (entre 5 et 11 ans), les résultats des dyslexiques à ceux des normo-lecteurs dans des épreuves d'analyse phonologique et non-phonologique ainsi que de mémoire à court terme phonologique et visuelle. Un déficit dans tous les tests phonologiques, mais pas dans les tests non-phonologiques, est relevé dans le groupe des 16 dyslexiques phonologiques, tout comme dans celui des 11 dyslexiques de surface, ce qui indique qu'un déficit spécifiquement phonologique serait à la base des différents types de dyslexie. Mots clés : dyslexie phonologique, dyslexie de surface, capacités d'analyse phonologique, mémoire à court terme phonologique, mémoire à court terme visuelle

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Phonological and metaphonological deficits in phonological and surface dyslexia Abstract Phonological dyslexia involves a deficit in the phonological reading channel and surface dyslexia involves a deficit in the orthographic channel. This article deals with two important issues. The first question is to determine whether these two subtypes are equally represented in dyslexia. To answer this question, we assessed the level of efficiency of the phonological and spelling channels in 33 ten-year-old children with dyslexia, selected among a group of 373 children followed since kindergarden. Using a comparison group of 19 average readers of the same age, we found 16 children with phonological dyslexia and 11 children with surface dyslexia. Compared to 19 younger average readers of the same reading level, 11 out of the 16 phonological dyslexic children could still be classified as having phonological dyslexia, as opposed to only 2 of the 11 children with surface dyslexia. These results suggest that phonological dyslexia represents a specific phonological processing deficit whereas surface dyslexia represents a more general delay in the development of reading skills. The second question concerns the origin of the reading disorder for each subtype of dyslexia. In view of the nature of the reading deficit observed in children with phonological dyslexia, one expects to find in these children specific deficits in phonological awareness and phonological short-term memory, whereas children with surface dyslexia would exhibit deficits in visual short-term memory which would prevent them from « fixating » the orthographic pattern of words. To test this hypothesis, we compared the results of our two groups with those obtained from average readers on tasks of phonological vs. non-phonological awareness as well as tasks of phonological vs. visual short-term memory. Phonological and non-phonological awareness skills were assessed at 5, 7 and 8 years of age; phonological memory and visual memory skills were measured at 8, 10 and 11 years of age. Both phonological and surface dyslexic children showed deficits on phonological tests only, suggesting that the same phonological deficit is responsible for different types of dyslexia. Key Words: developmental dyslexia, phonological dyslexia, surface dyslexia, phonological awareness, phonological short-term memory, visual short-term memory.

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Liliane SPRENGER-CHAROLLES 1 Philippe LACERT 2 Pascale COLÉ 3 1 Université René Descartes, Paris, 2 Dpt. de Linguistique et CNRS/UMR 8606, 3 UFR de Psychologie et CNRS/UMR 8605, Faculté de Médecine. Willy Serniclaes Université Libre de Bruxelles, Lab. de Phonétique expérimentale

Adresse pour correspondance : L. Sprenger-Charolles, LEAPLE/CNRS, Dpt. de Linguistique, Université René Descartes, 12 rue Cujas, 75230 Paris

L

es difficultés d'apprentissage de la lecture peuvent être la conséquence de conditions sociales difficiles ou d'une scolarisation non assidue. La présence de lésions neurologiques, d'atteintes du système visuel ou auditif, de déficits intellectuels ou encore de perturbations psychologiques graves peuvent également affecter cet apprentissage. Dans ces cas, les enfants présentent des troubles sur l'ensemble des acquisitions scolaires, leurs difficultés ne sont pas limitées à la lecture. Au contraire, les dyslexiques n'ont des difficultés graves et persistantes que pour apprendre à lire.

D'un point de vue opérationnel, on caractérise un enfant comme dyslexique s'il a un retard en lecture d'au moins deux ans, les causes potentielles d'échec précédemment évoquées pouvant être éliminées. Il est largement admis que les procédures d'identification des mots écrits sont déficientes chez ces enfants, leur problème de compréhension de texte étant une conséquence de cette déficience 1. Notre objectif est d’examiner la nature et l’origine possible de ce déficit. La question est de savoir si tous les dyslexiques souffrent d’un même déficit ou si on peut cerner plusieurs sous-types de dyslexie ayant une origine différente. 1.1. Procédures d’identification des mots et dyslexie Pour reconnaître les mots écrits, le lecteur expert peut utiliser des informations orthographiques issues du traitement perceptif d'un mot-stimulus pour contacter directement une représentation mentale stockée dans le lexique orthographique. Il peut également utiliser des unités infra-lexicales et associer des segments orthographiques des mots écrits aux segments phonologiques corres1. Voir en particulier, Stanovich, 1981.

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pondants. Ces deux procédures respectivement dénommées « orthographique » et « phonologique » ont pour caractéristique d'être très rapides chez ce type de lecteur 2. Au début de l’apprentissage de la lecture, le lexique orthographique ne peut pas être fonctionnel, les enfants utilisent donc principalement la procédure phonologique. C'est ce que montrent les études portant sur le lecteur débutant 3. Les études longitudinales indiquent également que le recours précoce à cette procédure joue un rôle central dans la dynamique développementale en permettant la mise en place du lexique orthographique 4. Dans les écritures alphabétiques, les unités utilisées pour le traitement phonologique sont principalement les graphèmes en relation avec les phonèmes 5. Un des problèmes auquel va être confronté l’enfant qui apprend à lire est lié au fait que le phonème n’est pas une unité facilement perceptible à l’oral en raison de la coarticulation. Par exemple, le mot « pour » est prononcé en un seul mouvement articulatoire. Par contre, à l’écrit, ce mot est représenté par les trois graphèmes qui correspondent aux trois phonèmes /p/+/u/+/r/. Pour pouvoir associer les graphèmes aux phonèmes, l’enfant doit donc prendre conscience de la structure phonémique de l'oral. Si les représentations phonémiques des enfants ne sont pas correctement spécifiées, la procédure phonologique de lecture devrait se mettre en place difficilement. Cela peut être le cas des dyslexiques comme en témoignent les résultats de recherches qui montrent que, d'une part, ces enfants présentent, bien avant l'apprentissage de la lecture, des capacités d'analyse phonémique déficientes 6 et que, d’autre part, c’est essentiellement la procédure phonologique de lecture qui dysfonctionne chez eux 7. Reste à savoir si de tels déficits sont spécifiques d’une forme particulière de dyslexie ou s’ils se trouvent chez tous les dyslexiques. 1.2 Dyslexie phonologique et dyslexie de surface En fonction de la nature de leur déficit en lecture, on distingue les dyslexiques phonologiques et les dyslexiques de surface. Les premiers présentent un déficit touchant la voie phonologique de lecture et les seconds, un déficit de 2. Voir la revue de question de Ferrand, 1995 3. Que ce soit dans des expériences de lecture à haute voix ou de lecture silencieuse. Voir pour une synthèse en français Sprenger-Charolles & Casalis, 1996. 4. Voir la note 3 ou la synthèse de Share, 1995. 5. Les graphèmes peuvent être composés d’une seule lettre, d’une lettre accompagnée d’un signe diacritique ou encore de plusieurs lettres. Par exemple, « b », « c », « é », « ou », « ch » ou encore « eau » sont des graphèmes du français. Voir Catach, 1986. 6. Voir Lundberg et Hoien, 1989; Wimmer, 1996. 7. cf. Rack, Snowling et Olson, 1992. Voir également en français Casalis 1995.

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la voie orthographique 8. Le fonctionnement de la voie orthographique est généralement évalué par la lecture de mots fréquents irréguliers (par exemple, sept, femme, second) qui, parce qu'ils ont été fréquemment rencontrés, peuvent être stockés dans le lexique orthographique et, vu la non-régularité de certaines de leurs correspondances grapho-phonémiques, ne peuvent être lus correctement par la voie phonologique. Le fonctionnement de la voie phonologique est évalué par la lecture d'items qui ne font pas partie du lexique de la langue cible (des pseudomots), et qui, en conséquence, ne peuvent pas avoir été intégrés dans le lexique orthographique mental des sujets ; ces items ne peuvent donc être lus que par une procédure phonologique 9. La dyslexie phonologique est mise en relief par des performances plus faibles en lecture de pseudomots qu’en lecture de mots irréguliers fréquents et la dyslexie de surface par des performances plus faibles en lecture de mots irréguliers fréquents qu’en lecture de pseudomots. Deux questions sont au centre de cet article. La première est de savoir si ces deux formes de dyslexie sont également représentatives de la dyslexie du développement. Pour répondre à cette question, on examine les résultats d'une étude française récente, en les comparant à ceux obtenus dans d'autres études dans lesquelles on a évalué, dans un groupe de dyslexiques développementaux, la proportion de dyslexiques phonologiques et de surface. Les performances de ces dyslexiques ont été comparées à celles de normo-lecteurs de même âge ou de même niveau de lecture. Pour mieux cerner l'intérêt de ces deux comparaisons, on peut imaginer une balance avec deux plateaux et des poids à droite et à gauche. Le poids de gauche indique l'efficience de la procédure phonologique, celui de droite, l'efficience de la procédure orthographique. Le poids global de ces deux procédures est bien sûr plus lourd chez des normo-lecteurs que chez des dyslexiques de même âge. Toutefois, les plateaux de la balance peuvent ne pas s'équilibrer de la même façon. On peut, par exemple, observer chez les dyslexiques un fort déséquilibre au détriment du plateau gauche, celui censé évaluer les déficits phonologiques. Ce résultat serait conforme à l'abondante littérature qui indique que c'est principalement la procédure phonologique qui est détériorée dans la dyslexie du développement 10. Ce qu’apportent les comparaisons entre dyslexiques et normo-lecteurs plus jeunes mais de même niveau de lecture, c’est de pouvoir évaluer comment s’effectue l’équilibre de la balance avec un même poids global de départ. Un 8. Voir également sur cette question Casalis 1995 ; Valdois, 1996. 9. Sauf quand un pseudomots est proche d’un mot fréquent. Par exemple, mable qui ne diffère de table que par son début, peut être lu par « analogie » à ce mot fréquent. 10. Voir la note 7.

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point d’équilibre identique dans les deux populations permet de penser que les dyslexiques ont simplement un retard développemental, puisqu'ils se comportent de la même façon que des enfants plus jeunes qu'eux mais de même niveau de lecture. Si, dans la même comparaison, il s'avère que le point d'équilibre de la balance n'est pas le même chez les dyslexiques, on peut avancer l'hypothèse que la dyslexie serait une déviance développementale. On peut observer que, dans l'ensemble, c'est bien le plateau gauche qui pèse le moins lourd chez les dyslexiques. Cette constatation peut toutefois masquer de fortes différences entre enfants, certains ayant des performances phonologiques relativement préservées alors que d'autres se caractérisent par un lourd déficit à ce niveau. Il est donc important d'aller au-delà des résultats d'ensemble d'un groupe de dyslexiques. Il faut pouvoir examiner, cas par cas, comment se situent les performances de chaque sujet. C'est ce que permettent les méthodes de cas adaptées à l'étude de groupe. La méthode la plus classique consiste à faire ressortir un déficit absolu. On définit alors comme dyslexique phonologique l'enfant qui a des performances normales en lecture de mots irréguliers mais dont les performances en lecture de pseudomots se situent, par exemple, à au moins un écart-type de la moyenne de celles des normo-lecteurs. L'enfant qui, à l'inverse, peut lire normalement les pseudomots mais a des performances au-delà d'un écart-type en lecture de mots irréguliers, est caractérisé comme dyslexique de surface. Une autre méthode consiste à faire ressortir un déficit relatif qui est fonction de la taille de l'écart entre les performances pour les mots irréguliers et pour les pseudomots dans les différents groupes. Dans ce cas, c'est l'importance de la différence entre les plateaux de gauche et de droite qui permet de caractériser la nature du déficit. On prend comme référence les performances des normo-lecteurs en lecture de mots irréguliers, en regard de celles pour les pseudomots, ou à l'inverse, leurs performances en lecture de pseudomots en regard de celles pour les mots irréguliers. Cette méthode permet de tracer deux droites de régression. La première permet de repérer les cas de dyslexie phonologique, à savoir les enfants dont les performances en lecture de pseudomots - mais pas en lecture de mots irréguliers - sont hors de l'intervalle de confiance défini à partir des performances des normo-lecteurs 11. La seconde permet de repérer les cas de dyslexie de surface, en l’occurrence les enfants qui ont des performances hors de l'intervalle de confiance pour les mots irréguliers, mais pas pour les pseudomots. Les enfants qui se situent, dans les deux cas, hors de l'intervalle de confiance, présentent un déficit mixte, à la fois phonologique et orthographique. 11. A 90 % ou à 95 %.

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1.3. Autres déficits associés à la dyslexie du développement La seconde question au centre de cet article est celle de l'origine des troubles de la lecture dans les deux sous-types de dyslexie du développement. Les dyslexiques phonologiques ont plus de difficultés avec les traitements phonologiques qu'avec les traitements orthographiques en lecture. Ils devraient donc présenter des troubles phonologiques en dehors du domaine de la lecture. Ces troubles devraient concerner, d'une part, l'analyse phonologique et plus spécifiquement l'analyse phonémique et, d'autre part, la mémoire phonologique à court terme. Ces deux capacités sont fortement sollicitées par la procédure phonologique de lecture. En effet, l'opération de « recodage » nécessite une analyse phonémique qui permet de mettre en relation les graphèmes avec les phonèmes. Il faut également pouvoir garder en mémoire les unités résultant de ce recodage pour les « assembler ». Par contre, ces dyslexiques ne devraient pas avoir de déficit en mémoire à court terme visuelle. A l'inverse, les dyslexiques de surface ont plus de difficultés avec les traitements orthographiques qu'avec les traitements phonologiques en lecture. On peut donc s'attendre à ce que ces enfants aient des troubles de la mémoire à court terme visuelle qui ne leur permettraient pas de fixer l'image orthographique des mots. Par contre, on ne devrait pas relever de troubles phonologiques chez ces dyslexiques. Pour tester ces hypothèses, on examine les résultats obtenus, entre 5 et 11 ans, par nos deux sous-groupes de dyslexiques comparativement à des normo-lecteurs dans des épreuves d'analyse phonémique et syllabique, ainsi que dans des épreuves de mémoire à court terme phonologique et visuelle.

◆ Enfants, épreuves et sessions d'observation 2.1. Les enfants Des dyslexiques et des normo-lecteurs ont été sélectionnés dans une cohorte de 373 enfants francophones (202 garçons et 171 filles) qui ont été suivis de 5 à 8 ans. Les normo-lecteurs étaient tous inclus dans un sous-groupe de 58 enfants de cette population dont 43 (27 garçons et 16 filles) ont pu être suivis intensivement de 5 à 11 ans. D'après les enseignants et les psychologues scolaires, ces enfants ne présentaient pas de troubles langagiers, psychologiques ou sensori-moteurs au début de l'étude. Leur QI non-verbal était normal (au-dessus du 25e centile aux Matrices de Raven, PM47) et ils étaient alors tous non-lecteurs d'après leurs résultats à un test de lecture standardisé (Bat-Elem 12). Alors qu’ils avaient 10 ans et 11 ans, on a revu 49 mauvais lecteurs sélectionnés parmi 12. Savigny, 1974.

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les 373 enfants de la cohorte en fonction de leurs résultats dans différents tests de lecture et d’écriture à 8 ans. Ont été retenus comme dyslexiques les 33 enfants (21 garçons et 12 filles) qui, à 11 ans, avaient deux ans au moins de retard en lecture d'après l'Alouette 13. Dix-neuf normo-lecteurs (11 garçons et 8 filles) de la sous-cohorte des 43 enfants suivis plus intensivement ont pu être appariés aux 33 dyslexiques en fonction de leur âge ainsi que de leur QI non-verbal et verbal au début de l’étude, à 5 ans. Ces 19 normo-lecteurs avaient, à 11 ans, moins d’un an d’avance ou de retard en lecture d’après l’Alouette et, un an auparavant, les scores des dyslexiques étaient à deux écarts-type de la moyenne de ceux des normo-lecteurs à l'épreuve de lecture à haute voix de l'ANALEC (vitesse + erreurs 14). Le groupe de 19 normo-lecteurs constitue notre groupe contrôle de même âge que les dyslexiques. Les résultats obtenus par les normo-lecteurs à 8 ans dans un test de lecture de mots sont supérieurs à ceux des dyslexiques de 10 ans pour les réponses correctes, mais pas pour les temps de latence, ni pour les réponses correctes en écriture. On a considéré ces 19 normo-lecteurs de 8 ans comme groupe contrôle, approximativement de même niveau de lecture que les dyslexiques de 10 ans. Les résultats des tests qui ont permis d'apparier les enfants sont présentés dans les tableaux 1 (appariement en fonction de l'âge) et 2 (appariement en fonction du niveau de lecture). Tableau 1 : Appariement en fonction de l’âge (moyenne et écart-type)

Age (en mois) Tests

Sessions Normo-lecteurs 10 ans (N = 19) Dyslexiques 10 ans (N = 33) Différence : F [1,50]

13. Lefavrais, 1965. 14. Inizan, 1995.

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11 ans 132.2 (3.2)

Age lexique Niveau lexique QI QI (en mois) (Temps) Non-verbal Verbal Alouette ANALEC RAVEN TVAP (en sec.) (PM47) (max = 60) (max = 36) Fin de l’étude Début de l’étude 11 ans 10 ans 5 ans 5 ans 129.6 (8.4) 60.6 (7.3) 17.6 (2.0) 41.0 (5.3)

131.2 (3.5)

97.2 (6.0)

141.9 (42.1)

16.4 (3.6)

38.7 (4.8)

F<1

F = 263.6, p < .01

F = 69.2, p < .01

F = 2.0

F = 2.5

Tableau 2 : Appariement en fonction du niveau de lecture (moyenne et écart-type)

Epreuves

Lecture de mots Réponses correctes

Normo-lecteurs de 8 ans (N = 19) Dyslexiques de 10 ans (N = 33) Différence : F [1,50]

44.1 (1.8) 42.2 (3.4) F = 4.9, p < .05

Temps de latence des réponses (en msec.) 1000 (274) 1031 (258) F<1

Ecriture de mots Réponses correctes

35.7 (4.5) 26.3 (4.7) F<1

2.2. Principales épreuves et sessions d'observation En dehors des résultats aux tests de lecture standardisés tels que « l'Alouette » et « l'ANALEC » utilisés alors que les enfants avaient 10 et 11 ans, on dispose des résultats obtenus dans des épreuves expérimentales de lecture de mots et de pseudomots. Tous les enfants ont passé ces épreuves sur ordinateur alors qu'ils avaient 10 ans. L'ordinateur était équipé d'un système d'enregistrement de la parole ce qui nous a permis de vérifier la nature des réponses et de calculer leur temps de latence 15. Les normo-lecteurs ont passé les mêmes épreuves à 7 et 8 ans, avec la même méthodologie, ainsi que les futurs dyslexiques mais, pour la plupart, en version « papier-crayon ». L’épreuve de lecture de mots comportait 48 mots, dont 12 irréguliers. Pour évaluer la part des déficits orthographiques dans la dyslexie, on a utilisé les scores en lecture de mots irréguliers. On exploite aussi les résultats d'une épreuve de vérification orthographique. Les enfants devaient désigner le « bon mot » dans une liste de 3 items comportant un pseudomot homophone et un intrus visuel (par exemple, pomme vs pome vs pomne). Cette épreuve a été passée sur ordinateur par tous les enfants à 10 et 11 ans ainsi que par les normolecteurs à 9 ans. Les mots utilisés dans ces deux épreuves étaient tous fréquents 16. Pour évaluer la part des déficits phonologiques dans la dyslexie, on a utilisé la lecture de deux listes de pseudomots. Une liste comportait des items appariés en difficultés orthographiques aux mots réguliers, l’autre était composée d’items de 6 lettres ayant une structure syllabique simple (CV/CV/CV) ou

15. On appelle temps de latence de la réponse, le délai qui s’écoule entre le moment où un mot apparaît sur l'écran et le début de la réponse de l'enfant. 16. Liste des mots irréguliers : pied, compte, noël, femme, sept, attention, punition, poêle, noeud, scie, short, album. Liste des items utilisés pour le test de vérification orthographique: rouge, blanc, pomme, carotte, train, auto, vélo, fraise, loup et pigeon.

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complexe (CVC/CVC ou CCV/CVC) 17. Les items de ces deux listes ont été présentés en même temps, en ordre quasi-aléatoire. L'épreuve de lecture de pseudomots a été passée sur ordinateur, après l'épreuve de lecture de mots. On a évalué les habiletés des enfants dans des domaines supposés avoir une incidence sur leur niveau de lecture, tels que la mémoire à court terme phonologique et visuelle ou les capacités d'analyse phonologique. La mémoire à court terme phonologique a été évaluée, à 8, 10 et 11 ans, par la répétition de pseudomots de 3 à 6 syllabes et la mémoire visuelle, à 10 et 11 ans, par un test de répétition de séquences visuelles de 2 à 7 items (CORSI 18). On a aussi évalué, à 10 ans, les capacités visuo-motrices via la copie de figures géométriques non signifiantes 19. On dispose également de données recueillies alors que les enfants avaient 5, 7 et 8 ans dans trois épreuves d’analyse phonologique ainsi que dans deux épreuves d’analyse musicale. Dans la première épreuve d’analyse phonologique, on demandait aux enfants de dire si deux mots ou deux pseudomots bisyllabiques étaient identiques. Pour les paires non-identiques, la différence portait sur la consonne intervocalique 20. Dans les deux autres épreuves phonologiques, on demandait aux enfants, après une série d’exemple, de « manger » le début de pseudomots, soit leur première syllabe, soit leur premier phonème. Les 20 items utilisés dans l’épreuve de suppression syllabique avaient deux ou trois syllabes simples de type CV. Vingt items ont également été utilisés pour l’épreuve de suppression phonémique, des pseudomots de deux ou trois phonèmes de structure CV ou CVC. En analyse musicale, les enfants devaient se prononcer sur l'identité de deux mélodies de trois notes (test dit de mélodie) ou sur l'appartenance d'une note à une mélodie de 3 notes (test dit de musique). Tous ces tests ont été préalablement enregistrés.

◆ Les sous-types de dyslexie 3.1 Profils individuels des enfants : méthode dite classique Les comparaisons entre dyslexiques et normo-lecteurs de même âge ne sont pas exploitables pour les réponses correctes en raison d'effets « plafond ». En effet, 16 des 19 normo-lecteurs et 7 des 33 dyslexiques lisent pratiquement tous les pseudomots. De même, 16 normo-lecteurs et 4 dyslexiques lisent pratiquement tous les mots irréguliers. On a donc utilisé les temps de latence des réponses pour évaluer les sous-types de dyslexie. On a défini comme dyslexiques de surface les 17. Liste 1 des pseudomots: lople, mirpe, sinope, tanepi, sulche, moube, turche, loumi, tocir, silge, lurce, marpige. Liste 2: tirbul, bultir, puldir, dirpul, tribul, blutir, pludir, dripul, tibulo, butiro, pudiro, dipulo. 18. Voir Hitch, Haliday, Schaafstal, Marten et Schraagen, 1988. 19. Voir Beery, 1982. 20. Par exemple, bouder vs bouger ou zabo vs zado. Cf. Autesserre, Deltour et Lacert, 1988. En raison d’effet « plafond », ce test n’a pas été passé lors de la dernière session.

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enfants qui ont des performances s'éloignant à au moins un écart-type de la moyenne de celle des normo-lecteurs en lecture de mots irréguliers, tout en ayant des performances normales en lecture de pseudomots. A l'inverse, les dyslexiques phonologiques ont des performances à un écart-type de celle des normo-lecteurs pour les pseudomots et des performances normales en lecture de mots irréguliers. Avec cette méthode, on a pu identifier 6 dyslexiques de surface, qui présentent un déficit de la voie orthographique sans déficit de la voie phonologique et 5 dyslexiques phonologiques, qui ont le profil inverse. On a pu aussi repérer 17 dyslexiques qui ont un double déficit, ainsi que 5 enfants qui n'ont pas de déficit apparent, ni orthographique, ni phonologique. Comme le montre le tableau 3, nos résultats sont proches de ceux obtenus dans trois autres études récentes. La principale différence par rapport à une autre étude française est que nous avons observé une plus faible proportion de dyslexiques de surface. Cette différence peut être due au fait que nous n'avons utilisé que des pseudomots courts, de 5 à 7 lettres, alors que Génard et al. utilisent des pseudomots courts et longs. En conséquence, nous avons obtenu un nombre élevé de réponses correctes en lecture de pseudomots, y compris chez les dyslexiques. C'est ce qui a conduit à prendre en compte comme indicateur d'une défaillance de la procédure phonologique non les réponses correctes, mais leur temps de latence. Or le temps de latence d'une réponse est un indicateur très fiable de l'efficience d'une procédure, quelle qu'elle soit. Cet indicateur est peut être plus pertinent que les réponses correctes pour mettre à jour des déficits. En effet, les dyslexiques peuvent parfaitement lire des pseudomots simples. Toutefois, s'il leur faut au moins deux fois plus de temps qu'à des normo-lecteurs de même âge pour les lire, on ne peut pas dire que ces enfants s'appuient pour lire sur une procédure phonologique efficiente. Tableau 3 : Proportion des différents types de dyslexie par rapport à des normo-lecteurs de même âge

Langue parlée Indicateurs Double déficit Dyslexie phonol. Dyslexie de surface Aucun déficit

Manis et al. 1996 anglais Réponses correctes (-1ET) 76,5 % 9,8 % 9,8 % 3,9 %

Castles et Coltheart, 1993 anglais Réponses correctes (-1ET) 60,4 % 15,1 % 17,0 % 7,5 %

Genard et al., 1998 français Réponses correctes (-1ET) 67 % 3% 23 % 8%

Présente étude français Temps de latence des réponses (-1ET) 51,5 % 15,1 % 18,2 % 15,1 %

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Quand on compare les performances de nos dyslexiques à celles des normo-lecteurs plus jeunes qu'eux, mais de même niveau de lecture, on ne relève aucun déficit, ni phonologique, ni orthographique, chez la majorité d'entre eux (22 soit 66,7 %). On relève par contre 7 cas de type phonologique (21 %) contre un seul cas de type surface et trois enfants présentant un double déficit. Ces résultats indiquent que nos dyslexiques se comportent massivement comme des lecteurs en retard. Toutefois un nombre non négligeable d'entre eux ont des performances phonologiques plus faibles que les normo-lecteurs de même niveau de lecture, et donc un profil déviant. 3.2. Mise en relief de déficits phonologiques ou orthographiques relatifs On définit comme dyslexiques phonologiques les enfants qui, par rapport aux normo-lecteurs de même âge ou de même niveau de lecture, ont des performances en lecture de pseudomots - mais pas en lecture de mots irréguliers - qui se situent hors de l'intervalle de confiance. A l'inverse, les performances des dyslexiques de surface doivent être hors de l'intervalle de confiance pour les mots irréguliers mais dans cet intervalle pour les pseudomots. On relève 16 dyslexiques phonologiques et 11 dyslexiques de surface par rapport aux normo-lecteurs de même âge. Comparativement aux normo-lecteurs plus jeunes mais approximativement de même niveau de lecture qu'eux, 11 des 16 dyslexiques phonologiques ont toujours un déficit plus marqué en lecture de pseudomots qu'en lecture de mots irréguliers mais seulement 2 des 11 dyslexiques de surface ont plus de difficultés à lire des mots irréguliers que les pseudomots. Comme le montrent les tableaux 4 et 5, ces résultats reproduisent ceux obtenus dans les autres études, plus particulièrement dans celles menées avec des enfants anglophones. Les différences entre les deux études françaises, surtout en ce qui concerne la dyslexie phonologique, peuvent s'expliquer par le fait qu'on a détecté les sous-types de dyslexie en prenant en compte les temps de latence des réponses correctes. Cette méthode serait peut être plus fiable en français dans la mesure où, dans cette langue, les correspondances graphème-phonème sont plus régulières qu'en anglais. En conséquence, certains dyslexiques phonologiques peuvent apprendre à lire des pseudomots sans erreurs, leur déficit n'étant apparent qu'au niveau du temps qui leur est nécessaire pour effectuer cette lecture. Les résultats présentés dans le tableau 5 indiquent clairement que la dyslexie de surface ne serait qu'un simple retard de lecture puisque ces dyslexiques se comportent globalement, à quelques rares exceptions, comme des normo-lecteurs plus jeunes, mais de même niveau de lecture. Les performances lexiques des deux dyslexiques de surface 'consistants' pourraient s'expliquer par des déficits visuels, particulièrement en mémoire, qui ne leur permettraient pas de

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Tableau 4 : Comparaisons entre dyslexiques et normolecteurs de même âge

Sex Ratio

Age des dyslexiques

DYS. phonologiques Pseudomots ‘–’ Mots irréguliers “+” Dyslexiques de surface Mots irréguliers ‘–’ Pseudomots “+” Double déficit Mots irréguliers ‘–’ Pseudomots “–” Aucun déficit Mots irréguliers ‘+’ Pseudomots “+”

Castles, Coltheart, 1993 Garçons uniquement

11.2 ans (entre 7.6 et 15 ans) Réponses correctes

Manis et al., 1996 DYS : 37G+14F NL : 35G+16F 12.4 ans (entre 9 et 15 ans) Réponses correctes

Stanovich et al., 1997 DYS : 9G+39F NL : 16G+28F 9 ans

54,7 % = 29

33,3 % = 17

25 % = 17

4% =3

48,5 % = 16

30,2 % = 16

29,4 % = 15

22,1 % = 15

56 % = 42

33,3 % = 11

5,7% =3

9,8 % =5

27,9 % = 19

2,7 % =2

3% =1

9,4 % =5

27,5% = 14

25 % = 17

37,3 % = 28

15,2 % =5

Réponses correctes

Genard Présente et al., 1998 étude DYS : DYS : 50G+25F 21G+12F NL : NL : 99G+132F 11G+8F 10 ans 10 ans (entre 9 (plus ou et 12 ans) moins 6 mois) Réponses Temps de correctes latence des rép. correctes

mémoriser la forme orthographique des mots irréguliers. Toutefois, à la même époque, on n'a relevé aucun déficit visuel chez ces deux sujets, ni en mémoire à court terme visuelle (Corsi), ni en copie de séquences visuelles, alors qu'ils ont un déficit en mémoire à court terme phonologique. De plus, leur déficit phonologique était manifeste deux ans auparavant (à 8 ans) en mémoire à court terme et en analyse phonologique. Surtout, il apparaît que tous les dyslexiques présentaient des troubles phonologiques en analyse phonologique et/ou en mémoire phonologique à court terme à 5, 7 ou 8 ans. 3.3 Résultats des groupes Dans cette partie, on analyse les résultats des groupes des 16 dyslexiques phonologiques et des 11 dyslexiques de surface comparativement à ceux des 19

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Tableau 5 : Comparaisons entre dyslexiques et normolecteurs de même niveau de lecture

Age

DYS. phonologiques Pseudomots ‘–’ Mots irréguliers “+” Dyslexiques de surface Mots irréguliers ‘–’ Pseudomots “+” Double déficit Mots irréguliers ‘–’ Pseudomots “–” Aucun déficit Mots irréguliers ‘+’ Pseudomots “+”

Stanovich, et al.a, 1997 11;6 vs 8;6 Réponses correctes

Manis et al., 1996 12;5 vs 8;6 ans Réponses correctes

Stanovich Genard et al., 1997 et al., 1998 9 vs 7;5 ans 10;2 vs 7;10 Réponses Réponses correctes correctes

= 12/17b Total = 15/40c

= 11/16b Total = 17/68c Total = 6/75c Total = 12/33c

= 1/15b Total = 2/40c ?

?

Présente étude 10 vs 8 ans Temps de latence des rép. correctes

= 0/5

b

= 2-11b Total = 1/68c ?

?

Total = 0/75c

Total = 2/33c = 0/1b

Total = 0/75c

Total = 1/33c =5/5b

Total = 69/75c Total = 18/33c

a : Réanalyse des données de Castles et Coltheart. b : Effectif restant d'un sous-type particulier de dyslexie (phonologique ou de surface...) par rapport aux dyslexiques du même sous-type repérés dans les comparaisons avec les normo-lecteurs de même âge. c : Effectif d'un sous-type particulier de dyslexie par rapport à l'ensemble de la population des dyslexiques.

normo-lecteurs d'une part de même âge et, d'autre part, de même niveau de lec ture. Les temps de latence des réponses correctes pour les mots irréguliers et les pseudomots sont présentés dans la figure 1. Les comparaisons portant sur les trois groupes de même âge indiquent que l'écart entre les performances pour les pseudomots et les mots irréguliers varie en fonction des groupes. En fait, les normo-lecteurs de 10 ans, tout comme les dyslexiques phonologiques de même âge, lisent plus lentement les pseudomots que les mots irréguliers 21 alors qu’il n’y a pas de différence significative entre ces deux types d’items chez les dyslexiques de surface. De plus, les dyslexiques phonologiques sont plus lents que les dyslexiques de surface en lecture de pseudomots alors que l’inverse est observé pour les mots irréguliers 22. Enfin, par rapport aux normo-lecteurs, les 21. Effet du groupe et interaction groupe x type d’item : F[2,43]=14.06 et 40.32, p<.01. Effet du type d’item respectivement pour les normo-lecteurs et pour les dyslexiques phonologiques : F[1,18]=58.08, p<.01; F[1,15]=118.15, p<.01. 22. Respectivement pour les pseudomots et les mots irréguliers : F[1,25]= 6.24 et 7.34, p<.05.

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deux groupes de dyslexiques, mais surtout les dyslexiques de surface, lisent plus lentement les mots irréguliers ; de même les deux groupes de dyslexiques, mais surtout les dyslexiques phonologiques, lisent plus lentement les pseudomots 23. Ces données indiquent que les dyslexiques phonologiques ont principalement un déficit dans l’utilisation de la voie phonologique de lecture alors que c’est surtout la voie lexicale qui est détériorée chez les dyslexiques de surface. Toutefois, les performances orthographiques et phonologiques des dyslexiques, quelle que soit leur forme de dyslexie, sont significativement inférieures à celles des normo-lecteurs.

Fig. 1 : Lecture de mots irréguliers et de pseudomots (temps de réponse en ms)

Comme l'indique la figure 1, le déficit phonologique des dyslexiques phonologiques ressort également quand on compare leurs temps de réponse en lecture de pseudomots à ceux des normo-lecteurs plus jeunes. En fait, seuls les normo-lecteurs de 8 ans et les dyslexiques phonologiques de 10 ans, mais pas les dyslexiques de surface du même âge, lisent plus lentement les pseudomots 23. Lecture de mots irréguliers : dyslexiques de surface vs normo-lecteurs : F[1,28]=24.08, p<.01 ; Dyslexiques phonologiques vs normo-lecteurs : F[1,33]=9.93, p<.01. Lecture de pseudomots : dyslexiques phonologiques vs normo-lecteurs : F[1,33]=49.53, p<.01 ; Dyslexiques de surface vs normo-lecteurs : F[1,28]=9.03, p<.01).

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que les mots 24. De plus, les dyslexiques phonologiques de 10 ans sont plus lents que les normo-lecteurs qui ont deux ans de moins pour lire les pseudomots mais pas les dyslexiques de surface 25. Pour les mots irréguliers, on n’observe aucune différence significative entre les normo-lecteurs de 8 ans et les deux groupes de dyslexiques de 10 ans. Les performances des dyslexiques de surface ne diffèrent donc de celles des normo-lecteurs plus jeunes ni pour les mots irréguliers, ni pour les pseudomots. Les résultats de l’épreuve de choix orthographique indiquent que le lexique orthographique des dyslexiques, quel que soit leur groupe, est moins stable que celui des normo-lecteurs de même âge, puisqu'il leur faut plus de temps pour fournir une réponse correcte 26. Il est à noter que, dans cette épreuve, on ne relève pas de supériorité des dyslexiques phonologiques par rapport aux dyslexiques de surface. On ne relève également pas de différence significative entre les deux groupes de dyslexiques de 11 ans et les normo-lecteurs de 9 ans. Dans la mesure où les dyslexiques phonologiques ont des performances en lecture de pseudomots inférieures à celles de normo-lecteurs de même âge et de même niveau de lecture, ces enfants ont un profil d'apprentissage déviant. Par contre, il semble que les dyslexiques de surface présentent un simple retard d'apprentissage de la lecture puisqu'ils se comportent comme des normo-lecteurs plus jeunes, mais de même niveau de lecture. Toutefois, les performances phonologiques des dyslexiques de surface, tout comme les performances orthographiques des dyslexiques phonologiques, sont loin d'être préservées.

◆ Origine possible des troubles de la lecture dans les sous-types de dyslexies 4.1. Mémoire à court terme phonologique et visuelle et capacités visuo-motrices Le fait que les dyslexiques phonologiques rencontrent plus de difficultés avec les traitements phonologiques qu'avec les traitements lexicaux en lecture permet de penser qu'ils doivent avoir des troubles phonologiques manifestes en dehors du domaine de la lecture, entre autres, en mémoire phonologique à court terme ; par contre, ces dyslexiques ne devraient pas avoir de déficit en mémoire à court terme 24. Effet principal du type d’item et interaction entre Groupes et Types d'items : F[1,43]=48.58, p<.01, F[2,43]= 15.88, p<.01. Différence entre mots irréguliers et pseudomots pour les normolecteurs (F[1,18]=5.43, p<.05), les dyslexiques phonologiques (F[1,15]=118.15, p<.01) et les dyslexiques de surface (F[1,10]<1). 25. Dyslexiques phonologiques vs normo-lecteurs : F[1,33]=10.04, p<.01. Dyslexiques de surface vs normolecteurs : F<1. 26. Différence non significative entre les deux groupes de dyslexiques (F[1,25]=2.62). Différence entre les dyslexiques phonologiques ou de surface et les normolecteurs : F[1,33]=8.40, p<.05; F[1,28]=16.28, p<.05.

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Fig. 2 : Epreuve de choix orthographique (temps de réponse en ms)

visuelle. A l'inverse, le fait que les dyslexiques de surface ont plus de difficultés avec les traitements lexicaux qu'avec les traitements phonologiques en lecture laisse augurer de la présence de troubles de la mémoire à court terme visuelle, troubles qui ne leur permettraient pas de fixer l'image orthographique des mots irréguliers ; par contre, ces dyslexiques ne devraient pas avoir de troubles phonologiques. Les enfants ont passé l'épreuve de mémoire à court terme phonologique à 8, 10 et 11 ans, le test de mémoire visuelle (Corsi) à 10 et 11 ans et celui évaluant leurs capacités visuo-motrices à 10 ans. Les résultats sont présentés dans la figure 3. Dans l'épreuve de mémoire phonologique, aucune différence significative n'émerge entre les deux groupes de dyslexiques qui ont, par contre, des résultats systématiquement inférieurs à ceux des normo-lecteurs de même âge, aussi bien à 8 qu'à 10 ou 11 ans. Leurs résultats sont également inférieurs à ceux des normo-lecteurs plus jeunes qu'eux mais approximativement de même niveau de lecture 27. Pour les deux tests qui n’impliquent pas de traitement phonolo27. Effet des groupes : F[2,43]=17.81, p<.01 ; effet des sessions et interaction Groupe x Session non significatifs (respectivement : F[2,75]=2.86 et F<1). Comparaison globale entre normo-lecteurs de 10 ans et respectivement dyslexiques phonologiques ou de surface : F[1,33]=23.54 ; F[1,28]=25.03, tous les p<.01. Comparaisons entre les dyslexiques phonologiques ou de surface et les normolecteurs à 8 ans, 10 et 11 ans respectivement : F[1,33]=10.84, 15.84, 14.88 ; F[1,28]=9.74, 16.59, 16.71, tous les p<.01. Comparaison entre normo-lecteurs de 8 ans et dyslexiques phonologiques ou de surface de 10 ans : F[1,33]=15.88 ; F[1,28]=17.01, tous les p<.01).

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gique, il n’y a aucune différence entre les groupes, ni en mémoire visuelle, ni au test de copie de dessin. Ces résultats indiquent que les dyslexiques, quelle que soit leur forme de dyslexie, ont des déficits spécifiques en mémoire à court terme phonologique. Ils reproduisent ceux obtenus dans d'autres études avec des groupes de dyslexiques indifférenciés 28.

Fig. 3 : Empan de mémoire à court terme phonologique (1) et visuelle (2) : Test d’intégration visuo-motrice (3) (réponses correctes)

4.2. Analyse phonologique et musicale Les tests d’analyse phonologique ont été passés alors que les enfants avaient 5, 7 et 8 ans, sauf le test de discrimination phonémique qui n’a pas été passé lors de la dernière session. A ces différentes époques, aucun diagnostic de dyslexie n’avait encore pu être prononcé. En discrimination phonémique (voir la figure 4), les deux groupes de futurs dyslexiques ont des scores qui ne diffèrent pas significativement alors que les futurs dyslexiques phonologiques, tout comme les futurs dyslexiques de surface, ont des scores inférieurs à ceux des futurs normo-lecteurs. On peut noter que c'est dès la première session, avant 28. Lecocq, 1991 ; Liberman, Mann et Werfelman, 1982 ; McDougall, Hulme, Ellis et Monk, 1994.

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l'apprentissage de la lecture, qu'on constate une infériorité des deux groupes de futurs dyslexiques 29.

Fig. 4 : Test de discrimination phonémique (réponses correctes)

Les résultats pour les tests de suppression syllabique ou phonémique sont présentés dans les figures 5 et 6. Les différences entre les deux groupes de futurs dyslexiques et le groupe des futurs normo-lecteurs sont plus marquées dans le sous-test de suppression de la première syllabe d'un pseudomot trisyllabique et dans celui qui porte sur le premier phonème d'un pseudomot triphonémique que dans les sous-tests qui incluent des items bisyllabiques et biphonémiques. On observe également une augmentation des différences entre les futurs normo-lecteurs et les deux groupes de futurs dyslexiques pour le sous-test comportant des items trisyllabiques, alors que l'écart entre les groupes reste stable, voire diminue, pour les autres sous-tests 30. Les résultats de la troisième session sont toutefois entâchés d’effets plafond pour les normo-lecteurs. 29. Effet des groupes et des sessions : F[2,43]=5.35, F[1,43]=40.19, les deux p<.01, sans interaction (F<1). Différence d’ensemble entre les futurs dyslexiques phonologiques ou de surface et les futurs normo-lecteurs, respectivement : F[1,33]=7.75, et F[1,28]=7.92, les deux p<.01. Différence entre les deux groupes de futurs dyslexiques et les futurs normo-lecteurs pour la première et la seconde session, respectivement : F[1,33]=4.52, 4.93 p<.05 et F[1,28]=3.77, p<.06, 8.24, p<.01. 30. Effets principaux : Groupe : F[2,43]=12.78 ; Session : F[2,86]=190.93 ; Type d’épreuve : F[3,129]=52.82, tous les p<.01. Interactions Type d’épreuve x Session : F[6,258]=4.31, p<.01; Groupe x Type d’épreuve : F[6,129]=2.64, p<.05 ; Groupe x Type d'épreuve x Session : F[12,258]=2.55, p<.01; Session x Groupe, F<1.

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Fig. 5 : Suppression de la première syllabe : pseudomots bi-syllabiques (1) et tri-syllabiques (2) (réponses correctes)

Fig. 6 : Suppression du premier phonème : pseudomots bi-phonémiques (1) et tri-phonémiques (2) (réponses correctes)

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Quand on examine les résultats de chaque sous-test, on n’observe aucune différence significative entre les deux groupes de futurs dyslexiques. Par contre, dans les quatre sous-tests, les futurs dyslexiques phonologiques, mais également les futurs dyslexiques de surface, ont systématiquement des résultats inférieurs aux futurs normo-lecteurs, y compris avant l'apprentissage de la lecture, à 5 ans 31. Les mêmes tendances se retrouvent trois ans plus tard. Dans le premier test d’analyse musicale, on observe simplement une amélioration des scores des enfants dans le temps, sans changement en fonction des groupes. L’effet du groupe est significatif pour le second test d'analyse musicale. Dans ce test, on relève une différence entre les futurs dyslexiques de surface et les futurs normo-lecteurs mais pas entre les futurs dyslexiques phonologiques et ces mêmes enfants, ni entre les deux groupes de dyslexiques. Des analyses séparées

Fig. 7 : Test de musique (1) et de mélodies (2) (réponses correctes) 31. Effet du groupe en suppression de la première syllabe de bi- ou tri-syllabiques : F[2,43]=7.39 et 12.29, p<.01 ; en suppression du premier phonème de bi- ou tri-phonémiques : F[2,43]=7.34 et 11.20, p<.01. Différences pour les deux sous-tests syllabiques et les deux sous-tests phonémiques entre futurs dyslexiques phonologiques et futurs normo-lecteurs : F[1,33]=12.10 ; 17.40 ; 8.27 ; 21.37, tous les p<.01 ; entre futurs dyslexiques de surface et futurs normo-lecteurs : F[1,28]=12.69 ; 22.01 ; 15.36 ; 15.36, tous les p<.01 ; entre les deux groupes de dyslexiques : tous les F < ou = 1. Différences significatives (p < .05 ou .01) entre futurs dyslexiques phonologiques et futurs normo-lecteurs pour les quatre sous-tests à 5 ans F[1,33]=8.01 ; 5.65 ; 4.70 ; 6.19 ; à 8 ans : F[1,33]=4.39 ; 13.60 ; 9.55 ; 4.70 ; entre les futurs dyslexiques de surface et futurs normo-lecteurs à 5 ans : F[1,28]=6.81 ; 4.53. 8.51 ; 4.23 ; à 8 ans : F[1,28]=16.85 ; 24.56 ; 6.00 ; 8.02.

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session par session indiquent que, à la différence des épreuves phonologiques, on ne trouve pas d'infériorité des futurs dyslexiques par rapport aux futurs normo-lecteurs à 5 ans dans la seconde épreuve de musique, pas plus que dans la première 32. En résumé, on observe une infériorité des futurs dyslexiques phonologiques, tout comme des futurs dyslexiques de surface, dans tous les tests d’analyse phonologique, sans exception. En analyse musicale, un résultat similaire n’est observé que dans un des deux tests et que pour un des deux sous-groupes de futurs dyslexiques (les dyslexiques de surface). Le résultat le plus surprenant est que les futurs dyslexiques phonologiques n’ont jamais des scores inférieurs à ceux des futurs dyslexiques de surface en analyse phonologique. Un autre résultat marquant est qu'à 5 ans, avant l'apprentissage de la lecture, on ne trouve pas de différence entre futurs dyslexiques et futurs normo-lecteurs dans les deux tests d'analyse musicale. Par contre, une infériorité des futurs dyslexiques phonologiques, tout comme des futurs dyslexiques de surface, est observée dans tous les tests d'analyse phonologique. Un autre résultat mérite l'attention. Les scores obtenus en suppression de syllabe, particulièrement pour les items trisyllabiques ne sont pas inférieurs à ceux relevés en suppression de phonème dans des items triphonémiques. Par exemple, on relève, pour l'ensemble des sessions, 70 % de réponses correctes pour les trisyllabiques contre 78 % pour les triphonémiques chez les futurs normo-lecteurs, 42 contre 52 % chez les futurs dyslexiques phonologiques et 31 contre 52 % pour les futurs dyslexiques de surface. On s'attendrait à ce que les capacités d'analyse syllabique soient supérieures aux capacités d'analyse phonémique. La supériorité de la segmentation syllabique sur la segmentation phonémique est surtout escomptée avant l'apprentissage de la lecture qui permettrait l'émergence de la dernière forme de segmentation parce que le phonème, à la différence de la syllabe, n'est pas facilement identifiable à l'oral en raison de la coarticulation. De fait, il est généralement rapporté dans la littérature qu'avant cet apprentissage les capacités d'analyse syllabique sont relativement bien établies, ce qui n'est pas le cas pour l'analyse phonémique qui se développerait surtout sous l'effet de cet apprentissage 33. Or, dès la première session on ne relève 32. Premier test d’analyse musicale, effet du groupe non significatif (F[2,43]=2.29) ; effet des sessions : F[2,86]=15.00, p<.01 ; interaction Groupe x Session : F[4,86]=1.73. Effet du groupe pour les second test d’analyse musicale (F[2,43]=3.33, p<.05). Différences entre futurs dyslexiques de surface et futurs normo-lecteurs: F[1,28]=5.88, p<.05 ; entre futurs dyslexiques phonologiques et normolecteurs : F[1,33]=3.82 ; entre les deux groupes de futurs dyslexiques (F<1). Différence entre les dyslexiques phonologiques ou de surface et les normo-lecteurs à 5 ans dans ces deux tests : F[1,33]=1.06 et 1.74 ; F[1,28] < 1. 33. Voir par exemple, pour les enfants avant et après l’apprentissage de la lecture, Liberman, Shankweiler, Fisher et Carter, 1974 ou les résultats des illettrés comparés à ceux des ex-illettrés : Bertelson et de Gelder, 1989 ; Morais & Kolinsky, 1995.

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pas d’infériorité des résultats en suppression syllabique par rapport à la suppression phonémique, ni chez les futurs normo-lecteurs, ni dans les deux groupes de futurs dyslexiques (voir les figures 5 et 6). Les faibles scores relevés en segmentation syllabique peuvent s’expliquer par le fait que toutes les tâches d’analyse phonologique ont été présentées au magnétophone. Cette procédure élimine la possibilité de s'appuyer sur les aides labiales qui peuvent faciliter la reconnaissance des frontières syllabiques. Le résultat obtenu pour l'épreuve syllabique, particulièrement pour les trisyllabiques, suggère donc que les performances des dyslexiques dans cette tâche sont fortement dégradées quand ils ne peuvent pas s'appuyer sur les aides labiales complémentaires.

◆ Interprétation des résultats Dans l'ensemble, nos résultats indiquent que les dyslexiques phonologiques, comparativement aux normo-lecteurs de même âge ou de même niveau de lecture, souffrent d'un déficit spécifique aux traitements phonologiques en lecture. Par contre, on n'observe un déficit orthographique chez les dyslexiques de surface que lorsque leurs performances sont comparées à celle de normo-lecteurs de même âge alors qu'aucune différence entre leurs performances en lecture de pseudomots et de mots irréguliers ne ressort dans les comparaisons avec des enfants plus jeunes, mais approximativement de même niveau de lecture. Le même résultat a été observé dans d'autres études (voir le tableau 5). Partant de ce constat, il est possible d'avancer que les dyslexiques de surface seraient des enfants ayant un simple retard de lecture 34. Toutefois, les deux groupes de dyslexiques, y compris les dyslexiques de surface, semblent souffrir d’un déficit phonologique en dehors de la lecture. C’est ce qu’on relève dans le test de mémoire à court terme phonologique passé à l'époque où les enfants ont été diagnostiqués comme dyslexiques (à 10 et 11 ans). Par contre, à la même époque, il n'y a aucune différence entre les deux groupes de dyslexiques et les normo-lecteurs de même âge en mémoire à court terme visuelle et en copie de figures géométriques non signifiantes. De plus, les déficits phonologiques des dyslexiques, quel que soit leur type de dyslexie, apparaissent antérieurement au diagnostic de dyslexie. Ainsi, l'infériorité des dyslexiques par rapport aux normo-lecteurs de même âge ressort dès 8 ans dans le test de mémoire à court terme phonologique. A la même époque, on constate une infériorité systématique des dyslexiques, toujours quel que soit leur type de dyslexie, dans tous les tests d'analyse phonologique. Cette infériorité des dyslexiques, quel que soit leur type de dyslexie, est manifeste bien avant l'appren34. Manis et al., 1996, p.179. Voir aussi Bryant et Impey, 1986; Stanovich et al., 1997.

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tissage de la lecture (à 5 ans), alors qu'à la même époque on ne trouve pas de différence entre futurs dyslexiques et futurs normo-lecteurs dans deux tests d'analyse musicale. Le résultat le plus surprenant est que, d'une part, les futurs dyslexiques phonologiques n'ont jamais des scores inférieurs à ceux des futurs dyslexiques de surface en analyse phonologique, ni en mémoire à court terme phonologique. D'autre part, les dyslexiques de surface n'ont pas de résultats inférieurs aux dyslexiques phonologiques, ni même aux normo-lecteurs de même âge, dans les tests visuels. Ces résultats suggèrent qu'un déficit spécifiquement phonologique serait à la base des deux formes de dyslexie. Reste à comprendre comment, à partir d'un même déficit, on peut obtenir deux profils différents de dyslexie. On peut comprendre qu'un déficit phonologique hors du domaine de la lecture entraîne une détérioration des procédures phonologiques de lecture. C'est le cas pour les dyslexiques phonologiques. Le fait que ces enfants ont aussi un lexique orthographique moins stable que celui de normo-lecteurs de même âge qu'eux (cf. l'épreuve de vérification orthographique) s'envisage facilement si l'on pense que l'utilisation de la voie phonologique contribue à la mise en place du lexique orthographique. Dans la mesure où les mots irréguliers ne sont jamais totalement irréguliers, on peut en effet produire une prononciation partiellement correcte de ces mots en utilisant les correspondances graphème-phonème (CGP) 35 et, par une confrontation avec le lexique oral, corriger ensuite les « erreurs » auxquelles a pu conduire l’utilisation de cette procédure de lecture. Par exemple, si on lit « femme » en utilisant les CGP les plus fréquentes, on obtient l'item /fem/ qui n'existe pas. Dans la mesure où existe un mot fréquent de prononciation voisine (/fam/), les enfants peuvent inférer que, dans ce contexte, 'e' doit être lu /a/. Les relations entre orthographe et phonologie peuvent être acquises par cette procédure. En fonction de la fréquence des correspondances graphème-phonème, et de celle des mots, des associations fortes entre unités orthographiques et phonologiques vont se créer. La consolidation de ces associations permettrait la mise en place progressive du lexique orthographique 36. Il est plus difficile de comprendre pourquoi les dyslexiques de surface, en dépit de compétences phonologiques dégradées hors de la lecture, ont des com35. On peut aussi utiliser les relations entre des unités de l'écrit et de l'oral plus larges que les graphèmes, par exemple, l'attaque et la rime de la syllabe. L'utilisation de ces unités peut être particulièrement rentable pour la lecture en anglais. En effet, cette langue se caractérise par un nombre élevé de mots courts qui ont des rimes comportant des groupes consonantiques complexes (light, night, right, sight) dont la prononciation est plus prédictible si on tient compte de la rime entière (ight). 36. Voir sur ce point la synthèse de Share, 1995 ; voir également Sprenger-Charolles & Casalis, 1996, et pour une évaluation de l'effet, sur l'apprentissage de la lecture, de la consistance des relations graphème-phonème, voir Sprenger-Charolles, soumis.

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pétences phonologiques relativement préservées en lecture et des compétences orthographiques plus faibles, ces dernières ne pouvant s’expliquer par un déficit de leur mémoire visuelle. On peut toutefois rappeler que, d’une part, par rapport aux normo-lecteurs de même âge, les dyslexiques de surface lisent plus lentement les pseudomots, même si ce déficit est moins marqué chez eux que chez les dyslexiques phonologiques. De plus, on n'observe pas de différence entre ces dyslexiques et les normo-lecteurs qui ont deux ans de moins pour les temps de réponse des pseudomots. Les compétences phonologiques de lecture de ces dyslexiques sont donc loin d'être totalement préservées. D'autre part, si ces enfants ont un déficit orthographique plus marqué que celui des dyslexiques phonologiques, ce déficit ne ressort significativement que dans une de nos deux épreuves. En effet, aucune différence entre les deux groupes de dyslexiques n'apparaît dans l'épreuve de vérification orthographique. Il ne faut donc pas perdre de vue que les déficits des procédures de lecture qu'on a pu détecter avec la méthode utilisée ne sont que relatifs. En d'autres termes, les dyslexiques phonologiques présentent principalement, mais pas uniquement, un déficit de la voie phonologique de lecture, et les dyslexiques de surface ont principalement, mais pas uniquement, un déficit de la voie orthographique. Dans ce cas, il n'est plus surprenant de trouver des déficits phonologiques en lecture, et en dehors de la lecture, chez des dyslexiques de surface. La méthode classique serait donc mieux adaptée pour détecter les différentes formes de dyslexie dans la mesure où elle permet de relever des déficits « absolus ». Or avec cette méthode, comme l'indiquent les résultats des différentes recherches examinées (voir le tableau 3), on observe surtout des doubles déficits, et non des dissociations. Par exemple, dans notre cohorte, seuls 6 enfants présentent un profil de type surface et 5 un profil de type phonologique. Toutefois, nos 6 dyslexiques de surface avaient tous des déficits en analyse phonologique avant l'apprentissage de la lecture 37. Ces résultats indiquent que les déficits phonologiques sont au centre de la dyslexie du développement 38. Cet article met donc en relief une nouvelle fois ce qui ressort avec une grande convergence des recherches menées depuis une vingtaine d'année. Des progrès restent toutefois à faire dans le domaine pour trouver des épreuves plus fines que celles dont nous disposons à l'heure actuelle pour évaluer les capacités d'analyse phonologique et de mémoire à court terme phonolo-

37. La moyenne des normo-lecteurs pour l’ensemble des épreuves d’analyse phonologique passées alors que les enfants avaient 5 ans est de 72.95 (écart-type : 14.61). Les scores des 6 futurs dyslexiques de surface se situent entre 36 et 45. 38. Voir entre autres, Siegel, 1993.

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gique des enfants et, plus généralement, leurs capacités phonologiques. Il se pourrait en effet que les problèmes repérés par les épreuves classiques phonologiques que nous signalons dans l'article recouvrent en fait des déficits phonologiques de nature différente 39 qui pourraient entraîner des profils différents de dyslexie. REFERENCES AUTESSERRE D., DELTOUR J.J. & LACERT P. (1988). Epreuve de discrimination phonémique pour enfants de 4 à 8 ans. Issy-les-Moulineaux : Editions de Psychologie Appliquée. BEERY K. (1982). Revised administration, scoring and teaching manual for the developmental test of visual motor integration. Cleveland : Modern Curriculum Press. BERTELSON P. & DE GELDER B. (1989). Learning about reading from illiterates. In A.M. GALABURDA (Ed.). From reading to neurons. Cambridge, Mass : M.I.T. Press. BISHOP D., BISHOP, BRIGHT, JAMES, DELANEY & TALLAL, P. (1999). Different origins of auditory and phonological processing problems in children with language impairment : Evidence from a twin study. Journal of Speech and Hearing Research, 42(1), 155-169. BRADY S., SHANKWEILER D. & MANN V. (1983). Speech perception and memory coding in relation to reading ability. Journal of Experimental Child Psychology, 345-367. BRYANT P. & IMPEY L. (1986). The similarities between normal readers and developmental and acqui red dyslexics. Cognition, 24, 121-137. CASALIS S. (1995). Lecture et dyslexies de l'enfant. Paris : Septentrion. CASTLES A., & COLTHEART M. (1993). Varieties of developmental dyslexia. Cognition, 47, 149-180. CATACH N. (1986). L'orthographe français : Traité théorique et pratique. Paris : Nathan. DELTOUR J.J., & HUPKENS D. (1980). Test de vocabulaire actif et passif pour enfants (5 à 8 ans). Issyles-Moulineaux : E.A.P. GENARD N., MOUSTY P., CONTENT A., ALEGRIA J., LEYBAERT J. & MORAIS, J. (1998). Methods to establish subtypes of developmental dyslexia. In P. REITSMA & L. VERHOEVEN (Eds.). Problems and interventions in literacy development. Kluwer : Academic Publishers. GOMBERT J.E. (1990). Le développement des capacités métalinguistiques. Paris : P.U.F. FERRAND L. (1995) Evaluation du rôle de l'information phonologique dans l'identification des mots écrits. L'Année Psychologique, 95, 293-315. HITCH G.J., HALIDAY S., SCHAAFSTAL A.M., MARTEN J. & SCHRAAGEN, C. (1988). Visual working memory in young children. Memory and Cognition, 16, 120-132. INIZAN A. (1995). Analyse de la compétence en lecture (ANALEC). Issy-les-Moulineaux : E.A.P. LACERT P. & SPRENGER-CHAROLLES L. (1997). Spécificité des troubles phonologiques et métaphonologiques dans la dyslexie. Approches Neuropsychologiques des Apprentissages de l'Enfant (ANAE), 42, 73-83. LECOCQ P. (1991). Apprentissage de la lecture et dyslexie. Liège : Mardaga. LEFAVRAIS P. (1965). Test de l'Alouette. Paris : E.C.P.A. LIBERMAN I.Y., MANN V.A. & WERFELMAN M. (1982). Children's memory for recurring linguistic and non linguistic material in relation to reading ability, Cortex, 18, 367-375 LIBERMAN I.Y., SHANKWEILER D., FISHER, W.F. & CARTER B. (1974). Explicit syllable and phoneme segmentation in the young child. Journal of Experimental Psychology, 18, 201-212. LUNDBERG I. & HOIEN T. (1989). Phonemic deficits: A core symptom of developmental dyslexia. The Irish Journal of Psychology, 10, 4, 579-592. MANIS F.R. SEIDENBERG M.S., DOI L.M., MCBRIDE-CHANG C. & PETERSON A. (1996). On the basis of two subtypes of developmental dyslexia. Cognition, 58, 157-195.

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Evaluation de la mémoire de travail verbale chez six enfants présentant une hémiplégie cérébrale congénitale Monique Sanchez, Sibylle Gonzalez, Annie Ritz Résumé Le rôle de la Mémoire de travail (MDT) verbale dans les apprentissages est maintenant reconnu. Les troubles d'apprentissages dans la population des enfants présentant une hémiplégie cérébrale congénitale (HCC) sont très fréquemment rapportés. Nous présentons les résultats d'une étude portant sur l'évaluation de la MDT verbale chez six enfants présentant une HCC. Le matériel d'évaluation a été élaboré en référence au modèle de la MDT de Baddeley (1986). En l'absence d'étalonnage, actuellement indisponible chez l'enfant, de ce matériel, nous avons comparé les résultats des enfants hémiplégiques à ceux d'une population témoin. Lorsque les résultats des enfants hémiplégiques sont considérés globalement, on observe un déficit de la boucle phonologique. En revanche, lorsque les résultats des six enfants sont étudiés séparément, on met en évidence une hétérogénéité du dysfonctionnement de cette mémoire. Ces résultats sont interprétés en comparaison avec ceux que l'on observe dans d'autres pathologies du développement cognitif telles que la dysphasie. Mots clés : mémoire de travail verbale, boucle phonologique, hémiplégie cérébrale congénitale, enfant, évaluation, troubles d'apprentissages.

Evaluation of verbal working memory in 6 children with congenital hemiparesis Abstract The role of verbal working memory in the development of learning skills is now well recognized. Learning disorders in children with congenital hemiparesis are frequently reported. We present the results of a study on the evaluation of verbal working memory in 6 children with congenital hemiparesis. The tests we used in this study were developed on the basis of Baddeley's model (1986). Since these tests do not provide norms for children, we compared the results of hemiplegic children with those of a control group. Global results from the hemiplegic group showed a phonological loop deficit. However, when results were analyzed separately for each of the 6 children, they indicated some heterogeneity in this memory dysfunction. Our results are interpreted and contrasted with those obtained in other cognitive development disorders such as speech and language impairment. Key Words: verbal working memory, phonological loop, congenital hemiparesis, child, evaluation, learning disorders.

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Monique SANCHEZ Sibylle GONZALEZ Annie RITZ Service de Rééducation Pédiatrique L'Escale, Centre Hospitalier Lyon-Sud 69495 Pierre-Bénite Cedex.

L

e terme d'hémiplégie désigne une atteinte motrice intéressant exclusivement de façon prédominante un hémicorps, consécutive à une lésion cérébrale unilatérale et controlatérale à l'atteinte clinique. Selon la définition de Hagberg et al. (1975), on parle d'hémiplégie cérébrale congénitale (HCC) en l'absence d'épisode causal identifié au-delà du 7e jour de vie. Sa fréquence est d'environ 7 pour 10 000. L'atteinte est plus fréquente chez le garçon. Des causes anté et/ou péri-natales sont retrouvées mais l'étiologie inconnue reste prédominante. Sur le plan moteur, la sévérité de l'hémiplégie dépend de l'atteinte du membre supérieur. On trouve dans la littérature trois grandes études (Goutières et al. 1972, Uvebrant 1988, Wiklund et Uvebrant 1991) qui rendent compte des données générales, neurologiques et neuroradiologiques de cette population. Plusieurs auteurs se sont interrogés sur l'origine des troubles d'apprentissage sur le plan scolaire souvent rencontrés dans cette population. Pour Claeys, Deonna et Chraznowski (1983) et Molteni et al.(1987), le quotient intellectuel (QI) moyen de la population HCC se situe dans l'intervalle de normalité mais à un niveau inférieur à celui de la population ordinaire. Banich et al. (1990) parlent d'une dégradation du QI avec le temps ; résultats que ne retrouvent pas Aram et Eisele (1994) à partir du suivi longitudinal de 26 enfants hémiplégiques. Les études, telles que celle de Carlsson et al. (1994), qui prennent en compte le facteur côté de la lésion, rapportent que le groupe des hémiplégies droites a de moindres performances intellectuelles que le groupe des hémiplégies gauches. Dans une étude antérieure, nous avons (Gonzalez et al. 1998) rapporté un résultat identique. Sur le plan du suivi longitudinal, nous avons pu montrer que quel que soit le côté de l'hémiplégie, il existerait, avec le temps, une préservation de l'intelligence verbale au détriment de l'intelligence visuo-spatiale. Les travaux concernant le développement du langage de cette population rapportent une récupération quasi normale ou du moins des déficits qui ne cor-

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respondent pas à ceux que l'on observe chez l'adulte pour des sites lésionnels identiques (Bates et al. 1997). Feldman en 1994 considère que cette récupération du langage dans les premières années de développement ne témoignerait d'une plasticité cérébrale que pour les fonctions les plus élémentaires. Selon cet auteur, l'hémisphère gauche serait recruté pour les aspects plus élaborés du langage et des déficits pourraient donc s'exprimer plus tardivement. On voit donc que les différents travaux tendant à rendre compte des difficultés d'apprentissage que rencontre cette population ne portent que sur des données psychométriques globales ou sur le langage. Nous n'avons pas trouvé d'études dans la littérature concernant l'évaluation de la mémoire de travail. Si la mémoire de travail est sollicitée pour la compréhension, le raisonnement, l'apprentissage (Baddeley et Hitch, 1974 ; Baddeley, (1986, 1990 a), il paraît légitime de se pencher sur cet aspect du développement cognitif chez l'enfant HCC. La Mémoire De Travail (MDT) est conçue, dans le modèle de Baddeley (1986), comme un système hiérarchique tripartite, dont la composante essentielle est l'Administrateur Central (AC) responsable de la répartition des ressources cognitives entre le stockage et le traitement de l'information : une activité mentale complexe est en effet mise en jeu lorsqu'une information doit être mémorisée en vue d'un traitement cognitif. Pour le stockage, l'AC est assisté de deux systèmes périphériques auxiliaires : la Boucle Phonologique (BP) spécialisée dans le maintien temporaire d'un matériel verbal, et le Calepin visuo-Spatial (CVS) spécialisé dans le maintien temporaire d'un matériel visuel et spatial. La MDT est classiquement évaluée par la mesure de l'empan mnésique : l'empan définit la plus longue séquence d'items que le sujet est capable de rappeler dans l'ordre de présentation. La plupart des batteries psychométriques ont recours à ce type d'épreuve. Notre étude se centrera sur le fonctionnement de la BP ou mémoire phonologique à court terme. Déjà en 1887, un instituteur anglais, Jacobs, observait que les enfants qui répétaient la plus longue séquence de chiffres étaient ceux qui obtenaient les meilleurs résultats scolaires. Depuis, différents auteurs ont montré le rôle de la BP dans plusieurs aspects de la cognition verbale : l'acquisition du vocabulaire (Gathercole et Baddeley, 1989 ; 1990 a), la compréhension du langage (Baddeley, 1990 a et b), l'acquisition de la lecture (Baddeley et Gathercole, 1992), l'acquisition de nouvelles structures syntaxiques (Adams et Gathercole, 1995)... La BP est elle-même dotée de deux composantes :

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* une unité de stockage phonologique qui reçoit directement les informations verbales présentées auditivement et les stocke passivement, sous forme de représentations phonologiques, pendant une durée de 1,5 à 2 secondes. * un processus d'auto-répétition subvocale actif qui, en réactivant ces traces mnésiques, va permettre de les réintroduire dans l'unité de stockage phonologique, différant ainsi leur déclin. Le processus d'auto-répétition subvocale intervient également pour convertir une information verbalisable présentée visuellement (image, mot écrit) en un code phonologique lui donnant accès à l'unité de stockage phonologique. C'est la sensibilité de l'empan à différents effets qui attestera du bon fonctionnement de ces deux composantes. * L'Effet de Similarité Phonologique (ESP) : le rappel immédiat apparaît moins bon lorsque les items sont phonologiqement proches : cet ESP est interprété comme un indice du fonctionnement normal de l'unité de stockage phonologique. * L'Effet de Longueur de Mot (ELM) : le rappel immédiat se révèle d'autant moins bon que les mots sont plus longs : cet ELM dépendrait de la mise en œuvre adéquate du processus d'auto-répétition subvocale du fait que les mots longs demandent un temps d'auto-répétition plus long, ce qui laisse à la trace mnésique le temps de s'effacer avant de pouvoir être réintroduite dans l'unité de stockage phonologique. * L'effet de Suppression Articulatoire (ESA) : l'empan est également affecté négativement lorsqu'on demande au sujet de répéter à haute voix une série itérative (telle une suite de chiffres : 1, 2, 3, 1, 2, 3...) pendant l'encodage des items à mémoriser. Ce procédé, appelé suppression articulatoire, perturbe le recodage phonologique de l'information présentée visuellement et empêche d'auto-répéter sous-vocalement les mots. La présence d'un ESA témoigne donc du fonctionnement normal du processus d'auto-répétiton subvocale. Ce modèle de fonctionnement d'une BP mature a été conceptualisé chez l'adulte. On sait que, chez l'enfant, l'empan augmente avec l'âge, et on admet que la BP se développe progressivement avec l'apparition d'opérations successives (Gillet et al., 1996, pour une revue de la littérature). Ainsi, le concept de BP, considéré dans une perspective développementale, peut-il servir de cadre théorique pour tenter d'expliquer certaines difficultés d'apprentissage chez l'enfant HCC.

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◆ Sujets et méthode Notre population est constituée de 6 enfants HCC : 3 enfants présentent une hémiplégie droite (HD) et 3 enfants présentent une hémiplégie gauche (HG) (cf. tableau 1). Le diagnostic d'HCC a été porté sur des arguments cliniques et neuroradiologiques (lésion cérébrale unilatérale et controlatérale à l'atteinte clinique, identifiée au scanner cérébral et/ou à l'IRM cérébrale). On note une prédominance de garçons. Nous n'avons retenu que des enfants avec un Quotient Intellectuel (QI) supérieur à 90, afin d'éliminer des déficits intellectuels plus globaux. Tous bénéficient d'une éducation maternelle en langue française. Un enfant (sujet 5) présente une épilepsie traitée. Il est le seul de notre population à avoir été maintenu dans une classe (actuellement 2e année de CE1). Nous avons constitué un protocole expérimental d'évaluation de la mémoire de travail verbale que nous avons proposé à ces 6 enfants. Ce protocole a été élaboré en référence au modèle de la mémoire de travail de Baddeley (1986) dans le cadre d'un mémoire de DESS de Neuropsychologie (Sanchez, 1998). Il est constitué de 13 épreuves présentées ci-après. Les mêmes épreuves ont été présentées à une population témoin : nous avons apparié, à chaque enfant HCC, trois enfants tout-venant de même sexe, même âge chronologique (à 3 mois près), d'éducation maternelle en langue française et suivant un cursus scolaire normal. Nous n'avons pas pu contrôler le QI de ces enfants en raison des problèmes matériels que pose ce type d'évaluation en milieu scolaire. Nous n'avons pas pu non plus contrôler le niveau socio-culturel de leurs parents. Nous nous sommes contenté d'éviter les extrêmes. épreuve 1 : empan de mots monosyllabiques en modalité auditive de présentation. épreuve 2 : empan de mots trisyllabiques en modalité auditive de présentation. épreuve 3 : empan de mots monosyllabiques en modalité visuelle de présentation. épreuve 4 : empan de mots trisyllabiques en modalité visuelle de présentation. épreuve 5 : empan de mots monosyllabiques en modalité auditive de présentation, avec suppression articulatoire. épreuve 6 : empan de mots trisyllabiques en modalité auditive de présentation, avec suppression articulatoire. épreuve 7 : empan de mots monosyllabiques en modalité visuelle de présentation, avec suppression articulatoire. épreuve 8 : empan de mots trisyllabiques en modalité visuelle de présentation, avec suppression articulatoire.

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Ces 8 épreuves sont constituées d'un lexique de 10 mots, commun aux deux modalités de présentation et évitant les rapports phonologiques et sémantiques entre les items d'une même série. Les items présentés visuellement ne sont pas des mots écrits, mais des images, afin d'éviter d'éventuelles difficultés liées au déchiffrement. En modalité auditive, les items sont énoncés au rythme de un mot par seconde ; en modalité visuelle, les images sont présentées au rythme d'une image toutes les 2 secondes. On peut conclure à un ELM si l'empan de mots trisyllabiques est inférieur à l'empan de mots monosyllabiques : l'ELM atteste de l'utilisation du processus d'auto-répétition subvocale pour réviser le contenu du stock phonologique. On peut conclure à un ESA si l'empan diminue lorsqu'est imposée parallèlement à l'encodage, l'articulation de la séquence itérative : 1, 2, 3, 1, 2... La disparition de l'ELM lors de la suppression articulatoire, quelle que soit la modalité de présentation, signe un fonctionnement normal de ce mécanisme. Nous avons choisi de ne pas étudier l'ESP au moyen d'empans de mots phonologiquement similaires en raison de l'absence de mots proches phonologiquement de même fréquence d'utilisation que les mots proposés pour les empans de référence. Pour évaluer la composante stockage phonologique, nous avons alors présenté une tâche d'analyse phonologique de mots ayant des codes phonologiques proches : détecter un intrus dans une tâche d'identification de rimes (épreuve 9), ainsi qu'une tâche de répétition de non-mots de longueur croissante (épreuve 10). épreuve 11 : empan digital. A ces épreuves d'évaluation de la BP, nous avons ajouté deux épreuves impliquant l'AC sur des tâches verbales : épreuve 12 : complètement de phrases (la consigne est de compléter oralement les phrases lacunaires avant de rappeler dans l'ordre de présentation des phrases, les mots évoqués). épreuve 13 : ordonnancement de chiffres (la consigne est de restituer dans l'ordre numérique croissant une série de chiffres). Ces deux dernières épreuves combinent stockage et traitement de l'information, à la différence des précédentes qui n'exigent qu'un stockage. * la passation du protocole s'est déroulée, pour les enfants HCC, dans le service où ils sont habituellement suivis et, pour les enfants témoins, en milieu scolaire. La présentation des épreuves a été scindée en deux séances individuelles, organisées de la même façon pour tous les enfants. Chaque épreuve,

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toujours précédée d'une démonstration, comporte trois séries d'items. L'empan de l'enfant correspond au niveau le plus élevé où deux séries sont réussies.

◆ Résultats Nous présentons tout d'abord les résultats des 6 enfants HCC en comparaison avec les résultats de leurs sujets témoins (cf. tableau 2). On note que le sujet 1 présente des résultats normaux pour les épreuves qui évaluent la BP et l'AC. Si le sujet 2 présente une réduction de l'empan de base, on constate, cependant, une certaine fonctionnalité de la BP. Le sujet 3 compense ses capacités relativement limitées au niveau de la BP par une bonne utilisation de l'AC. Les résultats du sujet 4 témoignent d'une BP déficitaire. Pour le sujet 5, on met en évidence des performances faibles essentiellement pour l'AC. Enfin, le sujet 6 présente des performances globalement déficitaires. Etant donné la mise en évidence d'une telle hétérogénéité du fonctionnement de la MDT verbale dans notre population, nous avons procédé, secondairement, à une analyse globale des résultats en comparant les scores du groupe des enfants HCC à ceux du groupe des sujets témoins. Nous avons eu recours pour cela à trois tests statistiques : - le test d'hypothèse khi-deux du rapport de vraisemblance, - le test t appariés de Student : en ce qui concerne ce test, le faible nombre de sujets conduit à reconnaître que cette méthode d'analyse est employée dans des conditions limites et qu'on peut en discuter l'utilisation par suite du manque de puissance. - le test non paramétrique de signes. Nous n'avons pas constitué de sousgroupes en fonction du côté de la lésion, ceci en raison du faible nombre d'enfants, ainsi que des différences d'âge et de sexe au sein de notre population. * test d'hypothèse khi-deux du rapport de vraisemblance : on considère, pour une première analyse, que les variables sont quantitatives et on explore l'indépendance de chaque épreuve par rapport au fait d'être hémiplégique ou non, à l'aide de tableaux croisés (épreuves X status). Pour toutes les épreuves, les scores du groupe des enfants HCC sont inférieurs à ceux du groupe contrôle (cf. tableaux 3). La différence s'avère statistiquement significative (.05) pour les épreuves 1, 3, 4, 9. On ne note pas de différence significative pour la tâche d'empan de mots trisyllabiques en modalité auditive de présentation (épreuve 2), alors que cette différence est significative pour les mots monosyllabiques (épreuve 1). L'empan du groupe contrôle est plus faible pour les mots longs que pour les mots courts. L'ELM témoigne d'un bon fonctionnement du mécanisme d'auto-répétition subvocale dans la popula-

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tion contrôle ; cet effet n'est pas retrouvé dans le groupe d'enfants HCC. On ne note pas non plus de différence significative lorsqu'intervient la suppression articulatoire (épreuves 5, 6, 7, 8). L'empan du groupe contrôle diminue alors, tandis que celui du groupe des enfants HCC est moins affecté. L'ESA reflète aussi le bon fonctionnement du mécanisme d'auto-répétition subvocale chez les enfants témoins ; cet effet est moins net chez les enfants HCC. Ces résultats témoigneraient d'une moindre utilisation du mécanisme d'auto-répétition subvocale chez les enfants HCC. En outre, les enfants HCC seraient moins sensibles à la similarité phonologique entre les mots (différence statistiquement significative à l'épreuve 9). La BP paraît donc être de capacité plus réduite chez l'enfant HCC (empans de référence plus bas en modalités auditive et visuelle : épreuves 1 et 3) et moins fonctionnelle dans ses deux composantes. En revanche, on ne peut pas conclure à un déficit de l'AC pour les deux tâches verbales que nous avons présentées (épreuves 12 et 13). * test t appariés de Student : on utilise, pour une seconde analyse, la différence de moyennes sur des variables appariées (on a supposé que la distribution des variables était normale, sans le vérifier, et que les variances étaient homogènes). Les moyennes du groupe d'enfants HCC sont toujours inférieures à celle du groupe contrôle (cf. tableau 4). La différence est statistiquement significative (.05) pour les épreuves 1, 4, 9. A noter que si les enfants HCC ont, en moyenne, un empan de mots monosyllabiques en modalité auditive de présentation plus faible que celui des enfants témoins de façon statistiquement significative (épreuve 1 : 3,50 pour les sujets HCC / 4,38 chez les sujets témoins) (cf annexe), la différence, quoique non statistiquement significative, existe aussi en modalité visuelle de présentation (3,50 pour les sujets HCC / 4,27 pour les sujets témoins). Ces résultats semblent donc confirmer un certain déficit de la BP chez les enfants HCC. * le test non paramétrique de signes : les résultats sont encore en faveur d'un moins bon développement de la BP chez les enfants HCC (cf. tableau 5). Cependant, ce test statistique « robuste » ne permet pas de généraliser ces observations, sans doute en raison du nombre trop faible d'individus participant à la série étudiée.

◆ Discussion L'existence d'un lien entre MDT verbale et apprentissages semble confirmée par différentes données. Notre étude concerne l'évaluation de cet aspect de la

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mémoire chez des enfants HCC en début de scolarité (CP, CE1, CE2) dans l'optique de repérer d'éventuels déficits susceptibles de retentir sur les résultats scolaires. Si on considère l'étude de groupes (groupe d'enfants HCC comparé au groupe contrôle), on note, pour les 13 épreuves de notre protocole, des scores toujours inférieurs dans le groupe d'enfants cérébrolésés. L'analyse statistique révèle des différences significatives pour les épreuves évaluant la BP (empan de mots, identification de rimes), alors que l'AC serait plus épargné. Au vu des résultats, la BP paraît être de capacité plus réduite dans le groupe d'enfant HCC, mais également moins fonctionnelle. * la présence moins nette de l'ESA, en modalité auditive, et de l'ELM, dans le groupe d'enfants HCC témoignerait d'une moins bonne utilisation du processus d'auto-répétition subvocale pour renforcer le stockage (il reste cependant délicat d'interpréter une absence d'effets lorsque les empans de référence sont déjà faibles). * le recodage phonologique existe : la quasi totalité des enfants HCC passe par une dénomination des images à voix chuchotée, d'où la présence d'un ESA en modalité visuelle de présentation. La difficulté résiderait plutôt dans la dénomination subvocale de ces images ("inner speech"). * la composante stockage phonologique semble également être de moins bonne qualité dans le groupe d'enfants HCC si on se réfère à la différence significative qui apparaît pour la tâche d'identification de rimes. Nous pouvons toutefois nuancer cette affirmation en rappelant qu'il ne s'agit pas là de la tâche habituellement utilisée pour évaluer la composante stockage phonologique (plus communément explorée par la recherche d'un ESP dans la tâche d'empan de mots). Nous insistons sur le fait que notre population est constituée d'un nombre trop faible d'enfants pour que nous puissions généraliser ces résultats. On peut néanmoins s'interroger sur la raison des moindres performances du groupe d'enfants HCC dans les tâches de MDT verbale, lorsqu'on compare leurs résultats à ceux du groupe contrôle. Ces moindres performances peuvent-elle être expliquées par le fait que, comme le rapportent les travaux de Clayes et al. (1983), Cohen-Lévine et al. (1987), Molteni et al (1987), la population des enfants HCC a un QI globalement inférieur à celui de la population ordinaire bien que dans l'intervalle de normalité. Mais les six enfants de notre échantillon ont un QI supérieur à 90. Dans ce cas, peut-on poser l'hypothèse pour notre échantillon d'un déficit spécifique de la MDT verbale ? Il aurait été intéressant de pouvoir contrôler l'effet du côté de la lésion sur les résultats. Les sujets hémiplégiques droits sont-ils plus déficitaires en mémoire verbale et dans les tâches de similarité phonologique que les sujets hémiplégiques gauches ? Ceci serait à explorer sur un effectif plus large.

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L'analyse séparée des résultats des six enfants HCC met cependant en évidence l'hétérogénéité du dysfonctionnement de la MDT verbale. Le sujet 1, qui obtient de très bons scores, souvent supérieurs à ceux des sujets témoins, est l'enfant le plus jeune de notre échantillon. Il est trop tôt pour dire qu'il ne présentera pas de troubles ultérieurement ; ceci en référence aux travaux de Banich et al. (1990) qui reprennent l'hypothèse de Goldman (1974) selon laquelle, en cas de lésion cérébrale précoce, le potentiel de réorganisation cérébrale serait limité à la prise en charge des fonctions élémentaires jusqu'aux environs de 6 ans et non des fonctions plus élaborées qui se développent plus tard, c'est-à-dire après 6 ans. Précisons aussi qu'il s'agit du seul sujet de sexe féminin de notre population et que certains travaux tels que ceux de Kimura (1983) évoquent une différence de réorganisation cérébrale post-lésionnelle en fonction du sexe. Le sujet 4 présente des séquelles de retard d'acquisition du langage oral. Pour cet enfant, la présentation visuelle facilite la rétention d'un matériel verbal (empan de mots supérieur en modalité visuelle de présentation). Lors de la passation du protocole, on constate qu'il essaye d'évoquer la représentation visuelle de l'image pour compenser la défaillance de la BP, ce qui améliore sa performance, mais au prix d'une extrême lenteur et d'importants efforts de concentration. Le sujet 5 présente une épilepsie : il obtient des scores nuls à certaines épreuves de MDT verbale. Rappelons que pour Vargha-Khadem et al. (1992), il existe un lien entre la présence d'une épilepsie et l'abaissement du QI. Le QIT de cet enfant est supérieur à 90, mais c'est le seul enfant de notre population à présenter une dissociation entre QI verbal et QI performance supérieur à 15 ; cette différence est cependant en faveur de l'aspect verbal. Les sujets 2, 3 et 6 ne présentent pas de dysfonctionnements neuropsychologiques particuliers. Nos résultats pourraient être rapprochés de ceux que rapportent Gillet et al. (1996) dans la population des enfants dysphasiques. Ces auteurs mettent en évidence une altération de la BP qui ne serait pas univoque et pourrait affecter l'unité de stockage phonologique et le processus d'auto-répétition subvocale. En revanche, dans notre population d'enfants HCC, le recodage phonologique semble être fonctionnel. Ceci signifie que ces enfants, s'ils ne présentent pas de troubles spécifiques du langage associés, utilisent les codes de parole pour supporter la rétention mnésique des images. Les résultats de cette étude suggèrent que quel que soit le côté de la lésion cérébrale, l'enfant atteint d'HCC pourrait présenter un déficit de MDT verbale. Ce déficit pourrait être un des facteurs responsable des difficultés d'ap-

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prentissage fréquemment observées dans cette population. Si les enfants de notre échantillon ne présentent pas actuellement de difficultés scolaires importantes, ce trouble de mémoire pourrait-il être prédictif de difficultés à venir ? Seul un suivi longitudinal permettra de vérifier s'il s'agit d'un retard de maturation ou d'un déficit spécifique de la BP.

◆ Remerciements Nous tenons à remercier le docteur Louis Ayzac pour l'analyse statistique des résultats, Françoise Combe pour la relecture du texte et ses propositions de correction, Véronique Chambe pour le soin apporté à la présentation du texte et des tableaux. Nous remercions également l'association Handicap International dont le soutien financier, depuis plusieurs années, a permis d'initier cette étude chez l'enfant hémiplégique dans le service du docteur Carole Bérard.

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Tableaux 3 Epreuve 1 : empan de mots monosyllabiques en modalité auditive de présentation

3 mots 4 mots 5 mots

cas 3 (50 %) 3 (50 %) 0

témoins 1 (5,6 %) 9 (50 %) 8 (44,4 %)

Epreuve 2 : empan de mots trisyllabiques en modalité auditive de présentation

cas 4 (66,7 %) 2 (33,3 %) 0

témoins 8 (44,4 %) 8 (44,4 %) 2 (11,1 %)

X2 = 1,708 (ddl2) p = 0,426.

Epreuve 3 : empan de mots monosyllabiques en modalité visuelle de présentation

3 mots 4 mots 5 mots

cas 3 (50 %) 3 (50 %) 0

témoins 3 (16,7 %) 7 (38,9 %) 8 (44,4 %)

X2 = 6,457 (ddl2) p = 0,040.

Epreuve 4 : empan de mots trisyllabiques en modalité visuelle de présentation

3 mots 4 mots

cas 4 (66,7 %) 2 (33,3 %)

3 mots 4 mots

témoins 2 (11,1 %) 16 (88,9 %)

Epreuve 5 : empan de mots monosyllabiques en modalité auditive de présentation + suppression articulatoire

cas 1 (16,7 %) 2 (33,3 %) 3 (50 %)

X2 = 4,042 (ddl2) p = 0,133.

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témoins 10 (55,4 %) 8 (44,4 %)

Epreuve 7 : empan de mots monosyllabiques en modalité visuelle de présentation + suppression articulatoire

2 mots 3 mots 4 mots

témoins 0 3 (16,7 %) 15 (83,3 %)

cas 4 (66,7 %) 2 (33,3 %) 0

témoins 7 (38,9 %) 7 (38,9 %) 4 (22,2 %)

X2 = 3,037 (ddl2) p = 0,219.

Epreuve 8 : empan de mots trisyllabiques en modalité visuelle de présentation + suppression articulatoire

0 mots 2 mots 3 mots

cas 1 (16,7 %) 2 (33,3 %) 3 (50 %)

témoins 0 11 (61,1 %) 7 (38,9 %)

X2 = 3,612 (ddl2) p = 0,164.

Epreuve 9 : jugement de rimes

X2 = 6,796 (ddl1) p = 0,009.

3 mots 4 mots 5 mots

cas 5 (83,3 %) 1 (16,7 %)

X2 = 1,618 (ddl1) p = 0,203.

X2 = 8,997 (ddl2) p = 0,011.

3 mots 4 mots 5 mots

Epreuve 6 : empan de mots trisyllabiques en modalité auditive de présentation + suppression articulatoire

4 séries 5 séries 6 séries 7 séries 8 séries 9 séries 10 séries

cas 0 1 (16,7 %) 0 0 4 (66,7 %) 1 (16,7 %) 0

X2 = 14,855 (ddl6) p = 0,021.

témoins 1 (5,6 %) 0 1 (5,6 %) 3 (16,7 %) 2 (11,1 %) 3 (16,7 %) 80 (44,4 %)

Epreuve 10 : répétition de non-mots

3 syllabes 4 syllabes 5 syllabes 6 syllabes 7 syllabes

cas 2 (33,3 %) 2 (33,3 %) 1 (16,7 %) 0 1 (16,7 %)

Epreuve 12 : complément de phrases

témoins 0 8 (44,4 %) 3 (16,7 %) 5 (27,8 %) 2 (11,1 %)

cas 1 (16,7 %) 3 (50 %) 2 (33,3 %) 0

0 mot 2 mots 3 mots 4 mots

témoins 0 15 (83,3 %) 2 (11,1 %) 1 (5,6 %)

X2 = 5,227 (ddl3) p = 0,156.

X2 = 8,666 (ddl4) p = 0,70.

Epreuve 11 : enpan digital

3 chiffres 4 chiffres 5 chiffres 6 chiffres 7 chiffres

cas 2 (33,3 %) 2 (33,3 %) 2 (33,3 %) 0 0

X2 = 7,803 (ddl4) p = 0,099.

témoins 0 5 (27,8 %) 10 (55,6 %) 2 (11,1 %) 1 (5,6 %)

Epreuve 13 : ordonnancement de chiffres

cas 3 (50 %) 3 (50 %) 0 0

3 chiffres 4 chiffres 5 chiffres 6 chiffres

témoins 4 (22,2 %) 9 (50 %) 4 (22,2 %) 1 (5,6 %)

X2 = 3,935 (ddl3) p = 0,269.

Tableau 4 : Test t appariés de Student

1 - mono / prés. aud. 2 - tri / prés. aud. 3 - mono / prés. vis. 4 - tri / prés. vis. 5 - mono / prés. aud. + SA 6 - tri / prés. aud. + SA 7 - mono / prés. vis. + SA 8 - tri / prés. vis. + SA 9 - jugement de rimes 10 - non-mots 11 - empan digital 12 - complèt. de phrases 13 - ordt de chiffres

Cas 3,50 (0,55) 3,33 (0,52) 3,50 (0,55) 3,33 (0,52) 3,33 (0,52) 3,16 (0,41) 2,33 (0,52) 2,16 (1,17) 7,66 (1,37) 4,33 (1,51) 4 (0,89) 2 (1,10) 3,50 (0,55)

Témoins 4,38 (0,53) 3,66 (0,56) 4,27 (0,65) 3,88 (0,27) 3,83 (1,18) 3,44 (0,27) 2,88 (0,46) 2,38 (0,39) 8,55 (1,47) 5,05 (0,80) 5,05 (0,80) 2,22 (0,54) 4,11 (0,62)

P 0,043 0,332 0,104 0,042 0,203 0,141 0,185 0,679 0,029 0,17 0,115 0,675 0,069

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Tableau 5 : Test non paramétrique des signes

1 - mono / prés. aud. 2 - tri / prés. aud. 3 - mono / prés. vis. 4 - tri / prés. vis. 5 - mono / prés. aud. + SA 6 - tri / prés. aud. + SA 7 - mono / prés. vis. + SA 8 - tri / prés. vis. + SA 9 - jugement de rimes 10 - non-mots 11 - empan digital 12 - complèt. de phrases 13 - ordt de chiffres

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Différence - Différence + 5 1 5 1 5 1 4 0 3 1 4 1 4 2 2 3 5 1 4 1 4 1 2 2 4 0

Ex aequo 0 0 0 2 2 1 0 1 0 1 1 2 2

P 0,219 0,219 0,219 0,125 0,625 0,375 0,688 1 0,219 0,375 0,375 1 0,125

Conscience phonologique et surdité Annie Dumont

Résumé Face à un enfant sourd, la question de la conscience phonologique est d'emblée posée. En effet sachant qu'à partir d'une surdité moyenne, l'enfant perçoit difficilement les contrastes phonétiques on s'interroge sur ses possibilités de segmentation du flux acoustique de la parole. Il semble toutefois que la conscience phonologique existe chez l'enfant sourd et qu'elle soit post lexique. Mots clés : conscience phonologique, surdité, cued-speech, langage des signes, langage écrit.

Phonological awareness and deafness Abstract The issue of phonological awareness is immediately raised when dealing with deaf children. Even when the hearing impairment is of moderate severity, the child has difficulty perceiving phonetic contrasts and his ability to segment the acoustic flow of speech can be questioned. Phonological awareness nevertheless seems to exist in deaf children as a post-lexical phenomenon. Key Words: phonological awareness, deafness, cued speech, sign language, written language.

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Annie DUMONT Orthophoniste 15, rue Cino del Duca 75017 Paris e-mail : [email protected]

C

e numéro spécial de la revue Rééducation Orthophonique consacré entièrement à la conscience phonologique rappelle l'importance des habiletés phonologiques dans l'acquisition du langage oral et écrit. Cependant les liens entre l'audition « normale » et l'acquisition de la conscience phonologique sont loin d'être simples. Certains enfants entendent bien mais ne développent pas une conscience phonologique efficace ce qui revient à se poser la question de la place réelle de l'audition dans ce processus et à s'interroger sur les aspects perceptifs, cognitifs et linguistiques mis en jeu dans la conscience phonologique. A ce titre le cas de l'enfant sourd peut apporter des indications et peutêtre des pistes de recherche.

◆ Comprendre par les yeux ? Comment les sujets qui présentent des surdités sévères ou profondes procèdent-ils pour recevoir, traiter et comprendre le langage oral? Sur quelles procédures s'appuient-ils pour segmenter le flux acoustique de la parole? Suivant l'importance de leur perte d'audition, leur niveau de langage et la qualité de leur appareillage (prothèses numériques, implants cochléaires) ils peuvent dans certaines conditions d'attention spécifique percevoir des éléments du signal sonore mais ces bribes de mots, ces parcelles de sens sont insuffisantes pour recevoir une information complète. Le sujet sourd doit donc avoir recours à d'autres sources perceptives pour compléter les trous du message et la lecture labiale semble la compensation la plus naturelle. Toutes les personnes, les sourds comme les entendants utilisent le visuel pour renforcer la perception auditive. L'expérience peut en être faite lors de la conversation courante où la perception des mouvements des lèvres du locuteur améliore le traitement de l'information verbale. A contrario un doublage cinématographique mal synchronisé procure une certaine gêne. Et Mc Gurk a bien mis en évidence l'influence de la lecture labiale en décrivant le phénomène de

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« blend illusion ». Lorsque deux stimuli, visuel et auditif, correspondant à deux sons différents, sont présentés simultanément c'est un troisième son qui est perçu. Ainsi, lorsqu'on présente visuellement un « ga » et auditivement un « ba » en même temps à un sujet il percevra un « da » ou un « ta ». Au niveau segmental les indices visuels et auditifs fonctionnent en synergie l'un venant à l'aide de l'autre. On peut décrire que les indices visuels apportent des informations sur les points d'articulation des consonnes tandis que les indices auditifs permettent d'en distinguer leur mode et la présence ou non du trait de voisement. Cependant dans le traitement du langage, le flux acoustique de la parole n'est pas segmenté en phonèmes isolés mais il déclenche des procédures qui permettent un accès au lexique interne. L'hypothèse d'une intégration audiovisuelle du signal de parole intervenant à un niveau pré-lexical, avant la catégorisation phonétique, est actuellement émise. En effet les travaux de Ruth Campbell révèlent l'existence d'une activation du cortex auditif au cours d'opérations de lecture labiale. En comparant les régions cérébrales activées lors de tâches de lecture labiale silencieuse et celles activées au cours de tâches d'audition sans lecture labiale, Ruth Campbell a mis en évidence une activation des aires de Brodmann dans la situation d'audition alors que la lecture labiale silencieuse active la partie inféro-postérieure du lobe temporal et que le gyrus angulaire met en relation un input visuel avec la représentation verbale correspondante. Il semble d'après ces travaux que les informations visuelles de la lecture labiale influencent la lecture labiale avant que les sons de parole ne soient discriminés en phonèmes au niveau du cortex auditif associatif. Par ailleurs le cortex temporal n'étant pas activé par des mouvements du visage sans signification verbale ni par l'articulation labiale de pseudo-mots, force est de reconnaître l'existence d'une activation par la lecture labiale des zones du cortex auditif primaire impliquées dans le perception du signal de parole. De ce fait on peut penser que la lecture labiale influe sur la perception auditive non seulement à un niveau prélexical mais également au stade de la catégorisation phonétique. Cependant sur le plan fonctionnel, la lecture labiale est loin d'être un bon candidat pour être une modalité unique de traitement du langage parlé puisqu'elle n'apporte que 40 % de l'information en raison du nombre de sosies labiaux et des différences suivant les locuteurs. Lorsqu'on évoque la lecture labiale de la langue française, on comprend que cette saisie soit incomplète puisque le système consonantique de la langue n'est représenté que par cinq images labiales pour les consonnes et trois positions pour les voyelles. De nombreux phonèmes sont donc identiques sur les lèvres: P = B = M, T = D = N (L), F = V, S = Z, CH = J, sans oublier ceux qui demeurent invisibles sur les lèvres K = G = R.

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De plus le paysage se complexifie avec les phénomènes de coarticulation. En effet des modifications dans la production des consonnes sont observées en fonction de leur voisinage vocalique car /o/, /u/, /ou/ arrondissent les lèvres et transforment « peau » en « l'eau » ou encore « mot » ou « chaud ». Pour ajouter encore de la complexité il faut rappeler les variations de performance en lecture labiale en fonction des locuteurs, des niveaux linguistiques de chacun, de la fatigue du labio-lecteur, de l'éclairage, de la distance…

◆ Ajouter quelque chose ? Le Langage Parlé Complété Un moyen de contourner les ambiguïtés de la lecture labiale consiste à ajouter un code supplémentaire comme le Langage Parlé Complété. Cet ajout de clés constitué d'un accompagnement gestuel composé de 8 configurations de la main et de 5 localisations autour du visage permet de lever les ambiguïtés et de percevoir 100 % du message sans confusion. Ainsi « bateau », « manteau », « gâteau » sont différenciés. Et les phrases « Tu fais ton gâteau », « Tu veux le manteau », « Je fais du bateau » ne prêtent plus à confusion. Cet entraînement au décodage de l'information verbale visuelle complète, semble de plus favoriser la mise en place de la conscience phonologique ainsi que le révèlent certains travaux. Leybaert, Charlier, Hage et Alegria (1996) ont montré qu'en la quasi absence d'informations auditives les habiletés phonologiques peuvent se développer sur la base d'informations visuelles comportant des signaux manuels. Ainsi les jeunes sourds exposés au LPC sont capables d'effectuer des jugements de rimes corrects et d'apprendre des mots nouveaux. Alegria, Dejean, Capouillez et Leybaert (1990) ont proposé à des enfants sourds d'apprendre une suite de mots nouveaux en utilisant le LPC et ils leur ont ensuite demandé de choisir la représentation orthographique adéquate en choix multiple. Les résultats obtenus démontrent que les nouveaux items lexicaux introduits par l'intermédiaire du LPC possèdent une structure phonologique complète. Une étude réalisée par M. Herbault et V. Pierret en 1994 sur le rôle du LPC dans l'identification des mots écrits auprès d'une population de 44 enfants présentant des surdités profondes et âgés de 6 ans à 8 ans a mis en évidence des scores supérieurs dans des tâches d'appariement d'images et de mots en choix multiple (1) de même que pour le subtest (2) où il s'agissait de phrases à compléter par un mot présenté en choix multiple. Deux autres

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épreuves intéressantes ont également mis en évidence des spécificités dans les correspondances grapho-phonologiques. Il s'agit d'une épreuve de segmentation syllabique (3) et d'une tâche de différenciation de mots et de logatomes présentés visuellement (4). LD LPC

LD non LPC

LC LPC

LC non LPC

Mots (1)

60, 83%

34,66%

89,12%

65,55%

Phrases (2)

61,11%

8,8%

64,91%

43,5%

Segmen. Syll. (3)

67%

21,33%

69,47%

56,1%

Mots/Logat. (4)

48%/77,54%

30,9%/23,6%

76%/78,4%

61,3%/73,3%

Il apparaît ici évident que le LPC joue un rôle déterminant dans l'apprentissage de la lecture notamment chez le lecteur débutant (LD) de Cours Préparatoire où la médiation phonologique est très présente mais l'écart tend à diminuer chez le lecteur confirmé (LC). La Langue des signes L'utilisation du « visuel » et de l'espace est tout autre dans la langue des signes puisqu'il ne s'agit plus ici de décoder des informations en synergie avec la langue orale mais d'utiliser un autre moyen pour transmettre le message. Par la langue des signes, le locuteur et l'interlocuteur utilisent un système iconique de communication avec un code. Le codage de l'information est basé sur 5 éléments : • la configuration de la main et des doigts : 35 formes peuvent être repérées suivant le nombre de doigts étendus et le degré d'ouverture de la main. • l'orientation des mains et plus précisément des paumes et des bras permettant de différencier certains signes comme « maison » bras verticaux, doigts qui se rejoignent vers le haut, « je te demande » bras horizontaux les doigts pointés vers l'interlocuteur, « je lui demande » bras horizontaux les doigts pointés à l'oblique. • l'emplacement où les signes se font. Il peuvent être situés dans une quinzaine d'endroits, le front, les yeux, la bouche, le menton, le bras, le côté de la poitrine, l'estomac… • le mouvement simple, répété, détendu, en rotation… avec ou non des déplacements du visage ou des yeux. • l'expression du visage qui est fondamentale dans la phrase. Par ailleurs le recours à la dactylologie peut apporter des éléments d'organisation dans le temps et favoriser la segmentation mais en fait elle n'est utilisée

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que pour transmettre les noms propres ou quand on ne connaît pas le signe mais il ne garantit en rien l'accès au mot si celui-ci ne fait pas partie du stock lexical du récepteur. De plus on peut s'interroger sur la possibilité de développer une conscience phonologique quand on segmente le message sur une base visuelle qui renvoie à une lettre et non à sa composition sonore. L'épellation ne semble pas un bon candidat dans la maîtrise de la lecture. Mais le problème fondamental réside dans le fait qu'il n'existe pas de parité entre la LSF et l'écrit. L'enfant sourd doit dans la situation de bilinguisme être capable de faire le lien entre l'iconicité de la morpho-syntaxe française et la morpho-syntaxe de la langue écrite. De plus les signes comportent des éléments qui se combinent simultanément pour apporter l'information contrairement au message oral ou écrit qui se déroule de façon séquentielle. Cependant la langue des signes par son caractère visuel est d'un accès facile pour l'enfant sourd et quand l'enfant sourd vit dans une famille de sourds il peut dans ses interactions avec des locuteurs de cette langue apprendre à dénommer, à agir sur autrui, à exprimer ses sentiments, ses désirs, à jouer, à raisonner avec les éléments de la langue sans effort apparent. Et pour entrer dans l'écrit, parallèlement à une compétence phonologique, il apparaît indispensable de posséder des compétences linguistiques précoces les plus complètes possibles. En ce sens la langue des signes peut apporter une aide mais beaucoup d'hypothèses restent à vérifier et peu d'études permettent d'étayer ces hypothèses. Un mémoire d'orthophonie réalisé en 1995 par S. Cauchois et C. Latour a tenté d'établir une comparaison entre enfants sourds pratiquant le LPC et ceux qui étaient engagés dans une pédagogie basée sur le signe. Il s'agissait dans le protocole de proposer aux enfants des tâches d'appariement mots/images prenant en compte la régularité et la fréquence des mots, un autre test soumettait aux enfants des mots et des pseudo mots analogues (« lorte ») et non analogues (« lople ») pour une tâche de décision lexicale. Les résultats de l'étude montrent que les enfants « LPC » sont sensibles à l'orthographe (p<.01) et insensibles à l'analogie. L'enfant signeur contrairement à l'enfant « LPC » est insensible à la structure du mot. Les mots réguliers (« samedi ») sont mieux lus que les mots irréguliers (« pieds ») par les enfants sourds bénéficiant du LPC (p<.01) alors qu'on n'observe pas d'effet significatif de la régularité graphique pour le groupe d'enfants sourds bénéficiant d'un prise en charge en LSF. Cette même étude a montré que les sourds signeurs lisent mieux les mots fréquents que les mots rares ce qui est compatible avec un mode d'apprentissage global. Les auteurs repèrent également que les sourds qui signent, lisent mieux les pseudo mots analogues que les pseudo mots non analogues mais cet effet n'est pas significa-

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tif. Dans leur conclusion S. Cauchois et C. Latour soulignent le peu d'écart entre les résultats des enfants LPC dont la moyenne est de 70 % et celle des enfants LSF qui obtiennent une moyenne de 65 % de réussite dans la tâche d'identification de mot écrit. Le mouvement On peut s'interroger sur d'autres candidats à la conscience phonologique et notamment sur une voie motrice et kinesthésique donnant accès à une conscience motrice de la parole. Pour J. Segui « percevoir les sons en tant que sons de parole implique de les envisager comme l'expression de gestes articulatoires ». Le recours à une rétro-action phonatoire semble une stratégie utilisée par certains. On observe en effet des enfants qui « redisent » pour différencier et ne semblent opérer une distinction des traits que lorsqu'ils activent leurs organes moteurs de la parole. De plus ce procédé est souvent renforcé dans la rééducation. Dans certaines approches les gestes de la méthode Borel-Maisonny sont utilisés lors de l'apprentissage de la lecture afin de préciser la production et de favoriser les transcodages grapho-phonologiques. Cependant pour la plupart des enfants les gestes Borel-Maisonny sont délaissés lorsque la lecture devient courante. Les pratiques de la verbo tonale avec le rythme corporel, le rythme musical et le graphisme phonétique font intervenir le corps comme médiateur de la parole et par le graphisme phonétique l'enfant est orienté vers un vécu de la trace dans une recherche des possibilités d'expression par le corps tout entier. C'est donc dans un contexte hétérogène et dépendant des modalités de communication choisies par la famille et l'entourage que l'enfant sourd développe sa communication, entre dans le code linguistique puis accède au langage écrit.

◆ Conscience phonologique et langage écrit Sachant que la médiation phonologique est indispensable dans l'accès à l'écrit on s'interroge sur les procédures des personnes sourdes dans des activités de lecture ou de production d'écrits. Comment l'enfant sourd établit-il des correspondances grapho-phonologiques au cours de son apprentissage de l'écrit? S'appuie-t-il sur des reconnaissances logographiques ? Et dans ce cas on peut s'interroger sur ses capacités de mémoire? Les confusions peuvent-elles apporter des informations sur les modalités de traitement? Comment procèdent les lecteurs sourds face au mot, à la phrase et au texte ?

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Les travaux de L. Paire Ficout et N. Bedoin (1998) ont tenté d'aborder cette question par des tâches de décision lexicale. La technique d'amorçage sémantique médiatisée par la phonologie montre que le codage phonologique précoce observé à 100ms chez les lecteurs entendants n'apparaît pas chez les lecteurs sourds. Il apparaît vers 150 ms pour se stabiliser à 200ms. La différence temporelle dans l'intervention d'un code phonologique entre les lecteurs entendants et sourds peut s'interpréter en terme de « robustesse » des connaissances phonologiques grâce à des expériences indirectement dérivées de l'audition telles que la lecture labiale, l'articulation et la dactylologie. Les données disponibles permettent d'avancer l'idée que les sujets sourds peuvent développer des connaissances phonologiques et surtout utiliser leurs représentations dans les processus de reconnaissances de mots écrits. L'intervention de ces représentations est simplement plus tardive comparativement aux lecteurs entendants. Ceci confirme d'autres recherches indiquant que les connaissances phonologiques ne sont pas inexistantes mais elles sont moins spécifiées chez le sujet sourd (Leybaert. 1996) Certaines tâches de la Batterie d'évaluation du langage écrit et de ses troubles (BELEC) ou du DMI proposées à des jeunes sourds mettent en évidence l'existence d'habiletés métaphonologiques. Avec la BELEC on relève des capacités à inverser des syllabes mais par rapport aux entendants du même âge, on note un allongement du temps de réponse et le recours à des procédures de subvocalisation. Par ailleurs on observe des erreurs en rapport avec des confusions vocaliques « tuli = lifi ». L'accès est plus direct et rapide pour les inversions de syllabes mais le phonème /K/ est élidé ce qui semble en rapport avec des difficultés d'articulation. La soustraction de la consonne initiale est plus difficile dans les situations CCV que CVC. Pour les tâches d'acronymes auditifs, la consigne est difficilement appréhendée car les jeunes sourds doivent conjointement inhiber la référence au graphème et préciser leur production. Par le DMI on peut préciser certains aspects de la conscience phonologique. Dans une recherche orthophonique auprès de 65 élèves sourds du Lycée François Truffaut de Paris âgés de plus de 16 ans et présentant des surdités sévères à profondes certains points spécifiques apparaissent. Pour l'épreuve de logatomes on relève que • le nombre de syllabes est bien restitué ; • la répétition des suites de 4 syllabes est possible (ce qui n'est pas réalisé par les illettrés) ; • il n'existe pas de corrélation entre le niveau de surdité et la réussite ou l'échec à cette épreuve ;

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• les sujets transforment la suite de syllabes en mots réels dont ils connaissent la représentation écrite (sémantisation).

◆ Conclusion A travers toutes ces analyses il apparaît que l'on peut reconnaître l'existence d'une conscience phonologique chez les jeunes sourds. Cependant ces connaissances phonologiques semblent moins spécifiées et l'hypothèse d'une mise en place post lexique de cette conscience phonologique est posée. Il serait souhaitable de poursuivre ces recherches en les reprenant sur des populations plus étendues et de favoriser des études longitudinales permettant de suivre l'évolution de cette conscience phonologique au fur et à mesure des acquisitions lexicales.

REFERENCES ALEGRIA J. (1992) Lecture, phonologie et surdité in A. Bentolila (Ed.) Lecture et Ecriture 75-100. Les Entretiens Nathan. CAMPBELL R. (1997) Activation of auditory cortex during silent lipreading. Science, 276, 594-596 CAMPBELL R., BROOKS B., DE HAAM E., ROBERTS T. (1996) Dissociation face processing skills : decisions about lip read speech. The quaterly Journal of experimental psychology, 49 a, 295-314 CAUCHOIS S., LATOUR C. Etude des mécanismes d'identification des mots écrits chez l'enfant sourd sévère ou profond : comparaison entre enfants LPC et enfants signeurs. Mémoire d'orthophonie 1995-1996. DUMONT A. (1995 2ème edition) L'orthophoniste et l'enfant sourd. Paris Masson éd. 199 pp. FRANCO A., PORTE E (1994) Peut-on développer une conscience phonologique chez l'enfant sourd profond à l'aide du LPC. Glossa , 38, 28-34 HERBAULT M., PIERRET V. Rôle du LPC dans l'identification du langage écrit lors de l'apprentissage de la lecture chez les déficients auditifs profonds. Mémoire d'orthophonie 1993-1994 . LEYBAERT J., CHARLIER B., HAGE C., ALEGRIA J. (1996) Percevoir la parole par les yeux : l'enfant sourd exposé au langage parlé complété. In Lepot Froment C. Clerebaut N. L'enfant sourd, communication et langage. 277-315 PAIRE FICOUT L. BEDOIN N. (1998) Contribution de la phonologie dans le processus de reconnaissance de mots écrits : comparaison entre les lecteurs sourds et entendants. Acfos II (en cours de publication)

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Approche rééducative de la conscience phonologique auprès d’une enfant présentant une dysphasie et une dyslexie Guillemette Bertin, Isabelle Retailleau, Sibylle Gonzalez

Résumé Nous présentons un travail de rééducation portant sur la conscience phonologique chez une enfant âgée de 9 ans et demi présentant un trouble du langage et de la parole et une dyslexie. Nous faisons l’hypothèse que cette prise en charge lui permettra l’accès à la conversion graphème-phonème et aura des répercussions sur son trouble de parole. Alors que le niveau de conscience phonologique a été évalué à partir de tests sur afférence exclusivement auditive, la rééducation a été menée à partir d’un support exclusivement visuel. Les résultats mettent en évidence le lien entre mémoire de travail et habiletés métaphonologiques. Ils montrent également l’intérêt d’utiliser différents canaux perceptifs pour le développement de la conscience phonologique chez l’enfant. Mots clés : conscience phonologique, évaluation, rééducation, mémoire phonologique, parole et langage, lecture, enfant.

A case study of rehabilitation of phonological awareness in a dyslexic child with speech and language disorder Abstract This paper presents a case study of rehabilitation of phonological awareness in a girl aged 9 years and half with dyslexia and a speech and language disorder. We hypothesise that this kind of remediation will help grapheme-phoneme conversion and will have a positive impact on her speech disorder. While phonological awareness was exclusively assessed with auditive tests, the remediation was carried out exclusively with visual material. The results show a link between short-term memory and metaphonological abilities. They also show how useful it can be to use different perception channels for the development of phonological awareness in children. Key Words: phonological awareness, evaluation, remediation, phonological short-term memory, speech and language disorder, reading, child.

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Guillemette BERTIN Isabelle RETAILLEAU Orthophonistes Sibylle GONZALEZ Médecin neurologue Service de Rééducation Pédiatrique, L’Escale Centre Hospitalier Lyon-Sud 69495 Pierre-Bénite Cedex.

L

a conscience phonologique peut être définie comme la capacité à manipuler explicitement des unités discrètes du langage de dimensions variées et à effectuer certaines opérations sur ces unités.

Son développement s’enracine dans des comportements épiphonologiques qui apparaissent avant trois ans à travers des jeux vocaux, des productions de rimes d’abord spontanées puis sur commande (Gombert 1990). Au même âge l’enfant est capable de distinguer un son appartenant au langage d’un autre son, et de développer les premières conduites de segmentation. « L’habileté épiphonologique serait le prérequis de la mise en place d’une capacité métaphonologique » (Gombert 1990). Lecocq (1991) décrit cette genèse selon plusieurs paramètres. Il propose dans l’ordre croissant de difficultés : - La reconnaissance des unités rime, syllabe, semi-syllabe (ex : bl/eu), puis phonème. - Ces segments de la parole seraient identifiables plus ou moins facilement suivant leur position dans le mot : au début, à la fin puis au milieu du mot. - La nature des opérations proposées suit également un gradient de difficultés. L’identification (reconnaissance d’un son cible) et la comparaison précéderaient : - la catégorisation, - la segmentation

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- la soustraction - la fusion. On peut ainsi se baser sur quelques repères chronologiques (Lecocq 1991). La suppression d’une syllabe initiale est réalisable par la majorité des enfants de 6-7 ans, et même par des enfants plus jeunes. En revanche, la suppression de la syllabe médiane reste encore problématique jusqu’à 12 ans (45% de réussite seulement à cet âge). La suppression de la syllabe finale semble bien plus facile puisqu’elle correspond à une simple répétition interrompue du mot présenté (dans des mots bisyllabiques 80 % des enfants de 6-7 ans réussissent). La suppression phonémique serait possible vers 7 ans en position finale et initiale mais plus tardivement en position médiane (un quart des enfants de 9 ans y parviendrait). De nombreux travaux ont tenté de préciser le rôle de la conscience phonologique dans l’apprentissage du langage écrit (Mehler, Segui et Fraqenfelder 1981, Gombert 1992, Alegria et Moraïs 1979). Les résultats de ces travaux sont parfois contradictoires et poussent à envisager un lien de causalité réciproque entre la conscience phonologique et le développement du langage écrit. L’étude d’un cas de rééducation de la conscience phonologique chez un enfant présentant des troubles d’apprentissage du langage écrit nous permet de poser plusieurs questions : Si la conscience phonologique est nécessaire à l’acquisition de la langue écrite, cette faculté doit-elle être abordée sur un mode uniquement auditivoverbal ? Le développement de la conscience phonologique fait-il appel à d’autres fonctions cognitives : la mémoire phonologique de travail, le traitement séquentiel (Plaza et Guitton 1997) ? La réponse à ces questions pourrait orienter différemment la prise en charge rééducative et pédagogique des enfants gravement atteints sur le plan du langage. Ainsi, dans le cadre d’un mémoire d’orthophonie, nous avons proposé à une enfant un travail portant sur la conscience phonologique, pour lui permettre d’accéder à la conversion graphème-phonème et d’améliorer son trouble de parole. Il s’agit d’Aurélie, 9 ans 6 mois, scolarisée en CE1. Elle présente une dysphasie diagnostiquée en mars 1996 à l’issue d’examens cliniques et paracliniques. Elle bénéficie d’orthophonie depuis novembre 1992. Elle a redoublé son

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CP, et redoublait alors son CE1. Nous avons tout d’abord procédé à une évaluation cognitive globale à l’aide de la batterie K-ABC (Kaufman et Kaufman 1983). Nous nous sommes assurés des bonnes capacités d’analyse visuelle de l’enfant par l’épreuve de barrages de cloches et des demi-cercles et droites (Bmo Borel). Nous avons ensuite proposé plusieurs épreuves qui ont constitué un prétest : - langage oral : décision lexicale orale à partir des mots tirés du corpus de l’enfant, recueilli à partir d’une histoire en images, - discrimination auditive : test Montréal Toulouse d’évaluation des gnosies auditives PEGA (Agniel et al. 1992), - conscience phonologique : D2 de Lobrot (Lobrot 1973) épreuves de la batterie Belec (Mousty et al. 1994) épreuves élaborées par Plaza (Plaza 1995) épreuves élaborées par nous mêmes, visant à compléter ces tests (Bertin et Retailleau 1997), - mémoire verbale : répétition de mots et phrases de Borel, - mémoire auditive : rythme du Bmo de Borel - orthographe : dictée de Borel, - lecture : de mots : Lmc de Khomsi (Khomsi 1990) Belec : Mim et Regul, reconnaissance des lettres et des graphèmes, La rééducation orthophonique s’est déroulée au rythme d’une séance de 45 minutes par semaine, durant dix semaines. Un post-test a été proposé à l’issue de la rééducation, constitué des tests de lecture, de conscience phonologique et de parole, cités dans le prétest.

◆ Profil de l’enfant Il s’agit d’une dysphasie portant sur le versant expressif associant un trouble de parole important et des troubles fins de compréhension orale. - Profil cognitif (K-ABC) :

notes standard m = 100 ± 15

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Processus séquentiels

Processus simultanés

Processus mentaux Composites

Connaissances

58

82

78

57

Subtests processus Processus mentaux Séquentiels (notes d’échelle) m = 10 ± 3 Mouvements 7 de mains Reconnaissance de formes Mémoire immédiate 3 de chiffres Triangles Suites de mots Matrices analogiques Mémoire spatiale Séries de photos

Processus Simultanés

Connaissances m = 100 ± 15

9

personnages et lieux connus arithmétique

104

devinettes

50

lecture et déchiffrement lecture et compréhension

50

9

1

73

50

6 7 7

Les résultats à la batterie K-ABC situent Aurélie à la limite inférieure de l’intervalle de normalité (Pmc = 78). Il existe par ailleurs une dissociation significative entre les scores obtenus aux échelles séquentielle (Pséq = 58) et simultanée ( Psim = 82), au profit du traitement simultané. On met en évidence un déficit du traitement séquentiel. On note une hétérogénéité des scores obtenus aux différents subtests à l’intérieur de chaque échelle. L’enfant obtient un score normal au subtest « arithmétique ». Les notes les plus faibles sont obtenues aux deux subtests « mémoire immédiate de chiffres » et « suites de mots ». Ceci témoignerait d’un trouble de la mémoire auditive. Les résultats à l’échelle Connaissances mettent en évidence une faible exploitation de son potentiel cognitif dans les acquisitions scolaires. Les tests ont mis en évidence : - des difficultés de conscience phonologique. Aurélie est capable de porter son attention sur des syllabes et des rimes et peut repérer un phonème cible dans un mot sans pour autant être capable de segmenter un mot en phonèmes et effectuer des opérations métaphonémiques. Aurélie se situe donc au stade de la conscience phonétique dans la genèse décrite par Lecocq, niveau observé chez les enfants qui débutent l’apprentissage de la lecture. Cet apprentissage a débuté pour Aurélie il y a trois ans. - l’existence d’une dysorthographie primaire caractérisée par la prédominance de fautes phonétiques, - des paralexies sémantiques et l’utilisation préférentielle de la stratégie iconique dans le traitement des énoncés écrits.

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Pré-test : Epreuves Répétition de mots (Borel) Décision lexicale orale : - mots du corpus - pseudomots phonologiquement proches - non-mots Connaissance des lettres et des graphèmes (Belec) Sons des graphèmes(Belec) Lmc (lecture de mots Khomsi) - PseudoSynonymes - PseudoLogatomes Ecrits - Distracteurs Empan de mots (K ABC) Test de discrimination des paires phonologiques (PEGA) Jugements de rimes (Plaza) Manipulations syllabiques : - Inversions (Belec) - Elisions (Belec) en initiale en finale en médiane - D2 de Lobrot Manipulations phonémiques : - Inversions (Belec) - Elisions en finale (Plaza) - Ajouts (Plaza) - Extractions (Plaza) Temps de lecture (Belec) : - MIM - REGUL Rythme (Bmo) : - Désignation - Reproduction Manipulations syllabiques : - Identification [ta] Manipulations phonémiques : - Elision en initiale (Belec) Consonne Voyelle Consonne Consonne Consonne Voyelle - Elision en médiane (Plaza) - Acronymes auditifs (Belec) Habiletés de perception de la parole et mémoire phonologique de travail (Belec) - CV - CCV

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Résultats niveau < 6-8 ans 10/10 7/10 10/10 21/26 8/37 4/5 8/13 4/5 2 39/40 14/20 8/10 8/8 7/7 5/7 6/20 0/3 11/20 1/17 7/10 24’05” 8’25” 2 points 12 points 11/20 1/3 0/3 0/1 non présentés 11/20 7/20

Concernant la lecture, ces résultats orientent vers un diagnostic de dyslexie de type phonologique, diagnostic renforcé par des difficultés séquentielles mises en évidence avec la K ABC, et l’existence de bonnes aptitudes visuospatiales.

◆ Rééducation Les résultats du prétest ont permis de mettre en place une rééducation, en suivant la genèse du système phonologique décrite par Lecocq. Le tableau présente l’ensemble des exercices proposés à l’enfant. Nous avons tenté de les classer par ordre de difficulté. Pour construire la rééducation nous avons utilisé divers matériels (Celerier 1991, 1992 ; Estienne - Dejong 1991 ; Issoufaly, Primot 1996) et nous avons également construit d’autres exercices. Nous détaillerons deux de ces exercices à la suite du tableau 1. Ces exercices concernent la segmentation (S), l’identification (I) , l’extraction (E), la fusion (F) de syllabes. L’étape première fut la segmentation syllabique à l’aide de jetons. Ces derniers seront ensuite symbolisés pour les exercices avec support graphique. Tableau 1 : Exercices d’entraînement aux habiletés syllabiques

Travail sur la syllabe S Identification de rimes. Phonorama Relier les images dont les noms riment 2 par 2 parmi 4 paires de mots. Promenons-nous dans les bois. Avancer un bonhomme (playmobil) à chaque fois que l’on entend la syllabe cible. Basket-son. Lancer une balle dans des poubelles portant le nom de deux ou trois syllabes quand celles-ci sont entendues, en respectant leur ordre d’apparition. Identification de la rime. Phonorama A partir d’images éloignées ou proches phonologiquement. Identification de syllabes en position initiale. Phonorama Identification de syllabes en position médiane. Phonorama Reconnaissance de syllabes à partir d’images. Phonorama Jeu de l’oie. Dé à facettes de couleurs qui correspondent à des syllabes. Sur un parcours, se placer sur l’image contenant la syllabe.

I

E

F

X

X

X X X X X

X

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Chenille syllabique. Phonorama Qui va à la chasse... Dire la place de la syllabe-cible dans un mot entendu, et avancer du nombre de cases correspondant, sur un parcours. Rébus. Phonorama Que manque-t-il ? Phonorama. Rébus à trous Syllabes retranchées. Plaisir et langage Deviner la syllabe manquante à partir d’un mot présenté d’abord sous sa forme correcte. Evocation lexicale sans support et segmentation syllabique Comptage du nombre de syllabes. Phonorama à partir d’images Le mot de passe. Plaisir et langage Trouver la syllabe commune à plusieurs mots à l’aide d’images. Produire un mot dont le nombre de syllabes correspond au chiffre obtenu au dé. Plaisir et langage Effeuillage syllabique. Phonorama à partir de mots entre 2 et 5 syllabes . Segmentation syllabique de mots longs. Orthopholistes Catégorisation d’images selon le nombre de syllabes Phonorama Les invités. Trouver et fusionner les syllabes communes à des images pour découvrir le nom et le prénom des invités à un goûter. Jeu des familles phonologiques. Dans chaque famille, les images ont une syllabe commune. La segmentation en jetons est symbolisée sous les images. Saute Planète. Ce jeu récapitule toutes les habiletés travaillées auparavant ainsi que la fluence. Il se présente sous la forme d’un voyage dans l’espace avec des missions à remplir en répondant à des questions.

X

X X X X X

X X X X

X

X X X X

X

X

X X

X X X X

Le jeu des familles phonologiques : Il comporte des familles de syllabes cibles contenues dans des mots. Il s’agit pour l’enfant de rassembler les cartes d’une même famille de syllabe. Pour ce faire, il doit mettre en jeu sa capacité d’extraction syllabique. On propose une mémoire sur laquelle sont représentées toutes les cartes du jeu. Dans l’exemple on peut dégager deux familles « to » et « pi ». L’enfant doit demander par exemple : « dans la famille « to », je voudrais marteau ».

86

87

Saute planète (Bertin et Retailleau) : Il reprend toutes les habiletés travaillées en séance : - inversion syllabique avec et sans support visuel d’images,

- fluence après extraction syllabique avec support visuel

- fusion syllabique à l’aide de support visuel

- identification de syllabes communes à deux mots avec et sans support

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La rééducation s’est arrêtée au niveau des manipulations syllabiques, mais nous avions prévu d’aborder la semi-syllabe puis le phonème. Nous présentons en annexes les exercices initialement prévus. Post test Nous présentons tout d’abord les épreuves dans lesquelles l’enfant n’a pas progressé à la suite de la rééducation : - répétition de mots (Borel), - décision lexicale orale, - connaissance des lettres et des graphèmes (Belec), - sons des graphèmes (Belec), - Lmc (Khomsi 1990) - empan de mots (K. ABC) - test de discrimination des paires phonologiques (PEGA) - jugements de rimes (Plaza 1995) - manipulations syllabiques : D2 de Lobrot, inversions (Belec), élisions (Belec), - manipulations phonémiques : inversions (Belec), élisions en finale (Plaza 1995), ajouts (Plaza 1995), extractions (Plaza 1995). Le tableau 2 rassemble les épreuves dans lesquelles l’enfant a progressé. Tableau 2 : Résultats aux pré et post tests des épreuves dans lesquelles l’enfant a progressé

Epreuves Temps de lecture (Belec) : - Mim - Regul

Résultats au prétest

Résultats au post test

24’05’’ 8’25’’

20’10’’ 8’50’’

On note une amélioration qualitative dans les productions lexiques d’Aurélie : - le mot lu est plus proche phonologiquement de la cible, - Aurélie peut davantage fusionner le résultat de son déchiffrage. Rythme (Bmo Borel) : - Désignation - Reproduction Manipulations syllabiques : - Identification [ta] Manipulations phonémiques : - Elision en initiale (Belec) CVC CCV

2 points 12 points

16 points 17 points

11/20

16/20

1/3 0/3

1/10 1/10

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Aurélie a compris la consigne au post-test et a fait preuve d’un certain degré de conscience phonémique. Elle a pu donner le dernier phonème des items. Parfois, elle a réussi à n’ôter que le premier phonème, mais en inversant les deux derniers. - Elisions en médiane (Plaza) - Acronymes auditifs (Belec) Habiletés de perception de la parole et mémoire phonologique de travail (Belec) CV CCV

0/1 non présentés

6/12 2/10

11/20 7/20

16/20 12/20

Les améliorations concernent essentiellement : - la mémoire auditive : répétition de non-mots, rythme, - certaines manipulations phonémiques (élisions, acronymes), - la qualité de lecture de mots et non-mots. En effet, le temps de lecture s’est amélioré, le mot prononcé est plus proche de la cible, et l’enfant peut davantage fusionner les syllabes déchiffrées, ex : caler au prétest est lu [ka-laer], et au post-test [kaloer], participer : [pa-er-ti-si-pa-ar] [partisipar]. Il n’y a pas eu de répercussions sur la connaissance des lettres et des graphèmes, ni sur la parole (dans les tests de répétition de mots), ni dans la plupart des habiletés syllabiques.

◆ Discussion Cette enfant a progressé en conscience phonologique lorsque l’on considère les tests portant sur le phonème. Mais il existe très peu de progrès dans les manipulations syllabiques (tous les tests étant passés sur le mode auditivoverbal). Cette dissociation est inattendue puisque la syllabe peut être considérée comme plus facile à manipuler et puisque notre essai de rééducation n’a porté que sur des manipulations syllabiques. Cet écart pourrait s’expliquer par les faibles capacités en mémoire de travail (cf. résultats empan de chiffres K-ABC, et répétition de non mots de la Belec). En effet, le matériel phonémique est plus court que le matériel syllabique, l’unité phonème monopoliserait-elle moins la mémoire phonologique de travail que l’unité syllabe ? On peut donc s’interroger sur l’implication de la mémoire phonologique de travail dans le développement de la conscience phonologique.

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Seule la constitution de tests de conscience phonologique sollicitant a minima la mémoire phonologique de travail permettrait de répondre à cette question. Les résultats de l’enfant après la rééducation apportent une amorce de réponse. Cette rééducation basée sur le canal visuel amène à envisager la possibilité de développer la conscience phonologique en passant par d’autres canaux que le canal auditivoverbal. Il semble donc important de diversifier les approches sensorielles. On peut donc envisager l’utilisation complémentaire de plusieurs canaux perceptifs : - le canal visuel (cf. rééducation proposée), - le canal tactile ex : associer une sensation tactile à une syllabe ex : doux : [da]- rugueux : [ri]. On fait énumérer les syllabes à l’enfant en même temps qu’il fait un repérage tactile : doux - rugueux - doux - doux. L’enfant doit émettre oralement : « daridada ». - le canal somesthésique ex : taper le nombre de jetons sur le bras de l’enfant pour travailler la fluence.

◆ Conclusion L’exemple de cet essai de rééducation chez cette enfant montre la possibilité de développer la conscience phonologique par un canal non auditivoverbal. On peut donc s’interroger sur la validité de l’évaluation de la conscience phonologique par des tests uniquement auditivoverbaux. En effet, l’implication de la mémoire phonologique de travail dans ces épreuves rend difficilement interprétables les résultats. Ces données demandent à être confirmées par le développement de matériel de rééducation utilisant différents canaux perceptifs.

◆ Annexes A la suite des manipulations de la syllabe, partie de mots, on propose à l’enfant la semisyllabe comme partie de syllabes. On travaille à l’aide de jetons de taille différente de ceux utilisés pour les manipulations syllabiques avec des mots contenant des groupes consonantiques ex : bleu : bl/eu. Les habiletés travaillées sont les mêmes que celles exposées pour la syllabe : segmentation, extraction, fusion, identification, fluence. Puis le phonème est abordé. Le tableau 1 propose une série d’exercices prévus initialement dans l’essai de rééducation.

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Tableau 1 : Exercices d’entraînement aux habiletés phonémiques

Travail sur le phonème La course des sons. Avancer un bonhomme à chaque fois que son nom (phonème) est entendu dans des mots ou des non-mots. Jeu de l’oie. Dé à facettes de couleurs qui correspondent à des phonèmes. Sur un parcours, se placer sur l’image qui contient le phonème-cible. Relier les mots contenant le son cible. Phonorama Le diapason. Plaisir et langage Colorier une case pour découvrir un dessin après avoir identifié le son qui revient le plus : - dans une série de mots entendus ou - dans une phrase L’invité. Plaisir et langage Il s’agit de découvrir le phonème ajouté dans une paire de mots entendus. Les phonèmes identifiés doivent faire découvrir le prénom de notre invité. Barrer l’intrus. Phonorama Le coquin. Supports verbaux Repérage et identification du type d’erreurs phonologiques. Repérage d’erreurs phonologiques dans une phrase. Supports verbaux Trouver le phonème commun. Phonorama Entre 2 ou 3 mots représentés par des images, en positions initiale et finale. Qui va à la chasse... Dire la place du phonème dans le mot et avancer du nombre de cases correspondant, sur un parcours. Identification de la position des phonèmes. Phonorama Ranger les images (3) en fonction de la place du son commun. Reconnaissance de la place du phonème cible [l] dans des syllabes complexes à partir d’images. Phonorama Labyrinthe. Phonorama Retrouver les sons communs en début et en fin de mots pour progresser dans le labyrinthe. Comptage de phonèmes. Phonorama Mettre autant de croix que de sons dans le mot. Organisation de phonèmes. Supports verbaux Trouver tous les arrangements possibles des phonèmes dans des syllabes à segmenter au préalable.

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S

I

E

F

X X

X X

X

X X X X X

X X

X X X X

X X

X X X

Basket-son. Lancer une balle dans des poubelles portant le nom de phonèmescibles quand ceux-ci sont prononcés dans des mots ou des logatomes. X Trouver l’intrus. entre plusieurs dessins puis segmentation phonémique d’une syllabe. Trouver toutes les combinaisons possibles des phonèmes de la syllabe segmentée. X Apparier des dessins dont le nom commence par le même phonème. X Saute Planète Ce jeu récapitule toutes les habiletés travaillées, ainsi que la fluence. X X X

X

X

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Phonorama : matériel d’entraînement de la compétence métaphonologique Naseman Issoufaly, Béatrice Primot

Résumé Nous souhaitions proposer un entraînement spécifique des compétences défaillantes chez des enfants en difficulté d’apprentissage de la lecture après deux ans d’enseignement. Aussi, nous avons élaboré un programme d’entraînement de la compétence métaphonologique, à base d’exercices d’analyse segmentale. Nous avons pu évaluer les améliorations de cette capacité et ses répercussions sur la qualité de la lecture. Mots clés : métaphonologie, conscience phonologique, analyse segmentale, dyslexie, techniques rééducatives, exercices métaphonologiques.

Phonorama : Metaphonological skills training program Abstract We were interested in creating a specific skills training program for those children who experienced problems in reading acquisition after two years of school exposure. For this purpose, we developed a metaphonological training program based on exercises in segmental analysis. We evaluated levels of skills improvement and their impact on the quality of reading skills. Key Words: metaphonology, phonological awareness, segmental analysis, dyslexia, remedial techniques, metaphonological exercises.

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Naseman ISSOUFALY 280 av. Henri Barbusse 93700 Drancy tél : 01 48 30 81 18

N

Béatrice PRIMOT 55, rue du Général Leclerc 95410 Groslay tél : 01 39 83 00 54

otre contact avec les enfants présentant des difficultés de lecture nous a amenés à nous interroger sur l’origine de leur incapacité à accéder à une lecture fluide et à une compréhension correcte du langage écrit.

Nous voulions contribuer à mieux connaître ces difficultés en nous inscrivant dans une recherche à long terme visant à mieux cerner les capacités déficitaires de ces enfants.

D’autre part, nous avions le désir d’effectuer un travail ayant trait à l’aspect rééducatif plutôt qu’évaluatif. En tant que rééducatrices, l’analyse fine des différents secteurs de compétence des enfants se conçoit dans le but de proposer une meilleure prise en charge. En répondant aux obstacles d’apprentissage, notre action rééducative, mieux ciblée, est plus à même de se répercuter efficacement sur le comportement de l’enfant. De nombreux chercheurs ont entrepris des travaux permettant de restreindre progressivement le champ d’investigation des causes des dyslexies. Ils ont démontré que ce n’est pas seulement dans la pauvreté du lexique, ni une moindre organisation de la mémoire sémantique, ni un défaut de sensibilité à l’information contextuelle, ni une faiblesse de l’analyse syntaxique, ni, de manière générale, dans des différences de compréhension que réside la déficience des dyslexiques, mais dans le développement général de la compétence linguistique, et plus particulièrement sur l’incapacité à accéder à certaines informations phonético-phonologiques, et à les utiliser dans un certain nombre de tâches dont la liaison est évidente avec les activités requises lors de la lecture. En effet, lors de la lecture, l’enfant est confronté à différentes unités qu’il va devoir manipuler. Il lui faut apprendre leur caractère arbitraire, leur structure formelle et segmentale, leur capacité à se composer avec d’autres pour former des phrases selon certaines règles, leur décomposabilité en éléments de différentes dimensions dépourvus de signification.

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L’accès à ces représentations constitue une condition nécessaire à la capacité de lecture et la prise de conscience de ce savoir-faire paraît être déterminante à l’acquisition d’une lecture fluide et automatisée. Pour certains théoriciens, cette défaillance des capacités métaphonologiques, qu’ils définissent comme primaire serait d’origine génétique et non accessible directement à l’entraînement. Pour d’autres, elle est d’origine fonctionnelle, puisque leur expérimentation leur a permis d’agir sur cette compétence. Nous avons choisi de mettre en pratique cette deuxième conception de la rééducation dans ce domaine spécifique par l’élaboration de Phonorama, matériel de rééducation phonologique

◆ Partie théorique Un des domaines les plus explorés ces dernières années concerne l’influence du développement de la conscience phonologique sur l’apprentissage de la lecture. De nombreux auteurs (Lecocq, Ferrera, Lowett, Morais, Alegria) reconnaissent l’importance de la conscience phonologique dans l’acquisition de la lecture. Il est aujourd’hui admis qu’un enfant présentant des défaillances de la conscience phonologique sera susceptible de présenter un trouble de la lecture. 1 - Qu’est-ce que la conscience phonologique ? C’est la capacité des sujets à discriminer les différentes composantes de la parole, à prendre conscience des segments de différentes dimensions et à manipuler les unités phonologiques. Elle comprend la conscience des suites phonologiques ou sensibilité phonologique qui suppose une attention à certaines unités comme les rimes et les syllabes : - la décomposition des séquences de mots en unités de plus en plus petites, - la soustraction d’éléments, - l’identification ou la discrimination de rimes, - la fusion d’éléments présentés séparément, etc. Ces tâches sont échouées par les enfants dont la conscience phonémique est insuffisante ou irrégulière. La conscience phonologique n’est pas innée, automatique ou spontanée. Elle apparaît avec l’apprentissage de la langue et se développe avec l’apprentissage de la lecture sur un mode interactif. Par conséquent, un enfant, dont le

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développement linguistique n’a pas suivi le cours normal, rencontrera des difficultés dans la prise de conscience des différents éléments constitutifs de la parole et dans l’apprentissage du langage écrit. 2 - Le développement de la conscience phonologique Mac Lean et al. (10), ont montré que 20 % des enfants de trois ans avaient conscience de la rime des mots isolés sans toutefois que leurs connaissances phonémiques ne leur permettent de réussir des tâches d’analyse plus sophistiquées. Liberman et al. (8) ont proposé une épreuve de comptage syllabique et phonémique à des enfants âgés de quatre ans dix mois à six ans dix mois. Il ressort de cette étude que si, dès quatre ans, pratiquement la moitié des enfants (46 %) réussit la tâche de segmentation syllabique, aucun d’entre eux ne segmente au phonème. Cette réussite précoce à la segmentation syllabique semble provenir du fait que les syllabes sont isolables d’un point de vue articulatoire, ce qui n’est pas le cas des phonèmes. A cinq ans, 48 % des enfants segmentent à la syllabe contre seulement 17 % au phonème. Ce n’est que vers six ans que la grande majorité des enfants réussit les deux tâches (90 % en segmentation syllabique et 70 % en segmentation phonémique). Toutefois, comme le montrent Bredart et Rondal (2) entre trois ans et cinq ans et demi, les enfants montrent une « sensibilité à l’étage phonétique de la langue » puisqu’ils peuvent déformer volontairement certains mots ou s’amuser des fautes de prononciation des autres. Ainsi la capacité à utiliser la conscience phonologique de façon intentionnelle n’apparaît chez l’enfant que vers six ans, au moment où il doit appréhender l’écrit. Selon Content (4), cette habilité phonologique ne se manifesterait complètement qu’à la condition que l’enfant soit confronté à un problème pour lequel elle est indispensable, c’est à dire l’accès au code écrit (le langage oral ne nécessitant pas une analyse segmentale de la structure phonétique de la langue). J. Alegria (4) va également dans ce sens : il explique que la confrontation avec l’écrit a un caractère causal exclusif dans l’émergence de la conscience de cette structure segmentale, qu’il n’existe pas d’autre habileté exigeant une telle prise de conscience. Or la conscience phonologique des enfants dyslexiques ne suit pas ce développement. Ainsi, en 1986, Lecocq (7) montrait que les dyslexiques présentaient un retard d’environ 4 ans sur leurs homologues de même âge chronologique et de 2 ans sur ceux de même âge lexique dans une tâche où il s’agissait de soustraire une syllabe ou un phonème dans des mots significatifs ou des logatomes, puis de fusionner ou de prononcer les éléments restants. Ce n’est pas

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seulement la discrimination des segments phonétiques ou phonémiques qui pose problème à ces enfants, mais également la maîtrise d’unités plus globales et saillantes comme les syllabes. 3 - Rapport entre conscience phonologique et apprentissage de la lecture Le modèle d’acquisition de la lecture attribue une importance primordiale à la prise de conscience du fait que la parole est constituée d’unités segmentales, phonémiques. C’est grâce à cette prise de conscience que l’enfant comprend le code alphabétique lui permettant de mettre en rapport la version orale de la parole avec sa version écrite. Dans ce but, l’enfant doit isoler mentalement les éléments de la parole auxquels correspondent les lettres, les phonèmes. L’activité permettant d’isoler mentalement les phonèmes est de nature consciente et doit être distinguée de celle qui intervient au cours de la compréhension du message oral et qui est automatique sans que la conscience intervienne. Une étude menée par Mann et Ditunno (14) suppose que « les habiletés phonologiques » ne sont pas seulement concomitantes à la capacité de lecture et n’en sont pas non plus des sous-produits, mais en sont de véritables antécédents qui peuvent rendre compte de 60 % de la variance des capacités de lecture des enfants. Une équipe suédoise Lunberg et Olofsson (9), travaillant à la fois dans le domaine de l’analyse prédictive et des effets à court et long terme des épreuves d’entraînement sur la compétence lexique, ont testé les capacités de fusion, d’analyse et de manipulation de syllabes et de segments de 200 enfants de 7ans pendant 3ans : ils ont constaté que les facteurs prédictifs les plus déterminants du niveau de la réussite en lecture et en orthographe étaient l’analyse en segments et la capacité à inverser ces segments. Des corrélations entre les performances en lecture et les épreuves de rimes ont également été relevées chez 400 enfants par Bryant (3) et Stuart et Coltheart (5) (sur des épreuves d’identification de phonèmes initiaux et de rimes). Ceci explique la réussite des expériences d’entraînement spécifique de la conscience phonologique des enfants. Bradley et Bryant (1), ainsi que Olofsson et Lunberg (11), ont mis en évidence, par un entraînement à la segmentation, une amélioration du niveau de lecture. Le fait que la conscience phonologique soit un pré-requis pour l’apprentissage de la lecture n’est pas incompatible avec le fait que cet apprentissage facilite le développement de la conscience phonologique. Ainsi, la prise de conscience de la structure segmentale n’a pas lieu hors du cadre de l’acquisition de la lecture, dans un système alphabétique, parce qu’il n’existe pas d’autres habilités exigeant de l’enfant une telle prise de conscience. Certaines capacités,

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comme celle de générer des images orthographiques qui sont acquises ou renforcées au cours de l’apprentissage de la lecture, peuvent améliorer considérablement les performances obtenues lors des tests portant sur la conscience phonologique. Comme le souligne Stanovitch (16), la conscience phonologique pourrait être à la fois une cause et une conséquence de l’acquisition de la langue écrite. L’enfant doit disposer d’un minimum de conscience phonologique pour pouvoir acquérir les compétences fondamentales de la lecture, cette acquisition permettant en retour le développement de capacités secondaires pouvant ensuite servir de base pour la réalisation de traitements métalinguistiques plus élaborés. 4 - Quelques données expérimentales sur les dyslexiques De très nombreuses recherches comparatives ont montré l’infériorité des enfants dyslexiques dans les tâches que nous venons d’évoquer et dans celles plus directement liées à la lecture, que nécessitent l’utilisation des règles de correspondance graphèmes-phonèmes ou des analogies dans le décodage de nonmots. Snowling (15), a comparé la performance d’un groupe d’enfants dyslexiques à celle d’enfants plus jeunes ayant le même âge lexique, dans l’utilisation des règles de correspondance graphèmes-phonèmes en lecture : il s’agissait de procéder à un appariement visuo-auditif sur des mots non significatifs. Les enfants dyslexiques se révélaient inférieurs à leurs camarades du groupe contrôle, pourtant plus jeunes qu’eux, et réussissaient moins bien à lire les nonmots. Manis et al. (6), ont exploré les stratégies de décodage utilisées dans la lecture des non-mots, c’est à dire l’utilisation des règles de conversion graphèmes-phonèmes et/ou le recours aux analogies. Les résultats montraient que les dyslexiques, âgés de 11 ans, arrivaient loin derrière les normo-lecteurs dans l’utilisation des deux stratégies de déchiffrage et avaient encore recours aux analogies quand leurs homologues de même âge lexique utilisaient les règles. L’auteur établit une liaison étroite entre les déficiences dans le traitement phonético-phonologique des dyslexiques et leur échec bien connu en orthographe.

◆ Hypothèses Au vu des études longitudinales et des expériences comparatives portant sur les enfants présentant des troubles du langage, il semble désormais acquis : - qu’un certain niveau de conscience phonologique soit nécessaire pour intégrer et maîtriser la lecture,

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- qu’au contact du langage écrit, par un jeu inter-relationnel, cette conscience se développe et s’améliore, permettant l’automatisation des processus de décodage et l’enrichissement des compétences orthographiques. Cependant, pour certains enfants, ce développement des processus phonologiques ne suit pas un cours harmonieux. Ils n’ont pas les capacités nécessaires pour percevoir les unités déterminantes au décodage et à la compréhension du message. L’exposition à un matériel orthographique, même dans un contexte d’apprentissage de la lecture ne leur suffit pas à prendre conscience de la structure segmentale de la parole. Les capacités cognitives de ces enfants peuvent ne pas leur permettre de réaliser d’emblée les opérations métalinguistiques nécessaires à l’apprentissage de la lecture. Ils se révèlent alors incapables de réaliser des opérations telles qu’inverser des syllabes, des phonèmes. Puisqu’il semble que le déclencheur de la prise de conscience de la structure segmentale de la parole n’est pas le fait en soi d’apprendre à lire et d’être confronté au principe alphabétique, nous faisons l’hypothèse qu’un entraînement explicite de la conscience phonologique puisse, par l’emploi du matériel Phonorama conçu à cet effet, permettre à ces enfants en difficulté de tirer un meilleur profit de l’enseignement de la lecture.

◆ Elaboration du matériel Phonorama (17) Nous nous sommes inspirées dans une certaine mesure des travaux de Lecocq réalisés auprès de jeunes enfants de 4 à 8 ans en cours d’acquisition de la lecture et ne présentant pas de trouble de la lecture, pour élaborer une batterie d’exercices aussi diversifiés que possible, permettant d’entraîner les différentes capacités nécessaires au développement de la conscience phonologique (reconnaissance, identification et manipulation). Matériel Le choix d’un matériel imagé s’explique par : * Une présentation plus attrayante pour les enfants. * De par son imageabilité, le matériel exposé est composé exclusivement de notions concrètes (composante majoritaire du vocabulaire enfantin), qui sont donc supposées être d’un accès facile. * Il offre la possibilité de pallier les problèmes mnésiques qui se poseraient pour des exercices similaires n’impliquant qu’une présentation orale du matériel (les troubles spécifiques de la lecture sont souvent associés à des difficultés de rétention).

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* Les présentations auditives et visuelles (du mot écrit) rendent la segmentation perceptible. Cependant, avec du matériel imagé, l’enfant est contraint à l’utilisation de ses capacités métaphonologiques afin de réaliser la consigne. Il n’a : - ni l’aide des graphies, dont les unités correspondent la plupart du temps aux phonèmes sur lesquels l’enfant doit travailler, et qui traduisent dans l’espace la successivité des éléments constitutifs, - ni le retour auditif, qui rend également compte de l’agencement des phonèmes, bien que celui-ci soit moins prégnant qu’à l’écrit. Cependant, au cours des exercices, chacune de ces voies sera utilisée afin d’initier les mécanismes que l’on cherche à apprendre à l’enfant, puis abandonnée lorsqu’elle se révélera inutile. Les théories classiques de la lecture reposent sur l’idée qu’il existe trois niveaux de conscience phonologique : la conscience de la rime, celle-ci étant le premier aspect de la décomposition des mots que l’enfant puisse appréhender, la conscience des syllabes et celle des phonèmes. Les conceptions actuelles nous amènent donc à établir un programme d’entraînement respectant les trois étapes de développement métaphonologique. 1 - la prise de conscience des rimes, 2 - la segmentation du mot en syllabes, dont les éléments intra-syllabiques (attaque et rime) ne seront pas abordés directement, 3 - la prise de conscience phonémique. Afin de respecter au plus près une progression logique de difficulté dans chacun de ces trois chapitres et leurs sous-parties, nous avons essayé d’éclaircir les différents processus cognitifs successifs qu’implique leur réalisation. La plupart des exercices s’appuie sur trois types d’aide : orale, écrite, sémantique. 1- La prise de conscience des rimes 1-1- Reconnaissance Cette première opération mentale conditionne les étapes suivantes. Dans un premier temps, la discrimination auditive de la rime va amorcer le processus de décomposition volontaire du mot par l’enfant. Différents types d’exercices sont proposés à cet effet : Dans l’exercice « Relie les mots qui riment avec l’image du milieu », une rime cible clairement désignée est proposée à l’enfant qui doit la retrouver dans

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d’autres items « par simple comparaison » : au début, l’appréhension de la rime cible par l’enfant peut être associée à une aide auditive. L’orthophoniste pourra oraliser la rime en isolé et en segmentant le mot. On pourra également écrire le mot et souligner la rime.

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Ceci multiplie les afférences et, on le suppose, contribue au repérage de la cible. Puis, on s’abstiendra progressivement de ces deux aides en laissant à l’enfant le soin d’oraliser le mot et de le segmenter seul à l’oral, puis finalement, effectuer la tâche sans l’aide de l’oralisation. Bon nombre d’exercices, par la suite, pourront être exécutés en suivant ce schèma de paliers progressifs. Nous avons distingué deux degrés de difficultés dans cette tâche : * des mots avec des rimes éloignées de la rime cible parmi des mots rimants (coeur/fleur) - (coeur/souris), (6 planches), * des mots avec des rimes proches de la rime cible parmi des mots rimants (doigt/noix) - (doigt-poire), (6 planches). 1-2- Identification Dans l’exercice « Dis si les mots riment ou ne riment pas », les enfants n’ont plus de repère cible et doivent dire si les mots présentés deux par deux riment ou ne riment pas : ils doivent être capables de fixer leur attention sur la fin des mots pour pouvoir identifier la rime de chacun d’entre eux ; ils peuvent alors « délimiter » la rime qui n’est plus donnée comme précédemment, puis, seulement dans un troisième temps, les enfants sont à même de reconnaître les rimes « par comparaison », comme dans le premier exercice. Dans cet exercice, deux degrés de difficultés sont également proposés : * identification de rimes éloignées, (7 planches), * identification de rimes proches, (7 planches). D’autres variantes à cet exercice ont été proposées, comme « Relier les mots qui riment deux par deux », (2 planches), et le « Memory de rimes » ou « Pouilleux de rimes », (4 planches) qui fait appel aux mêmes mécanismes mentaux : parmi un jeu d’images face cachée, l’enfant doit retrouver des couples d’images rimantes. 1-3- Transcription Une fois que l’enfant est parvenu à un certain degré de réussite au niveau de l’analyse perceptive de la rime, les correspondances entre les sons et leur transcription peuvent être introduites. C’est l’exercice « Quelle est la rime ? Ecris-la », (2 planches). La transition vers l’écrit sera d’autant plus aisée que les items proposés ont préalablement été présentés et travaillés dans les exercices antérieurs. 1-4- Production de rimes A la différence des exercices précédents, le matériel n’est plus proposé à l’enfant. Dans cet exercice ultime, il doit au contraire faire un effort d’évocation, de recherche dans son propre stock lexical pour retrouver des mots rimant,

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uniquement à partir d’un item cible. Le domaine d’investigation est plus vaste que lors des exercices précédents ce qui augmente la difficulté de la tâche. D’autre part, la démarche d’analyse mise en jeu est sensiblement différente de celle des exercices précédents. Pour cet exercice « Trouve des mots qui riment avec l’image et écrisles », (2 planches), l’enfant doit rechercher des mots à partir de la rime (aller de la partie au tout) alors que les exercices précédents l’obligeaient à effectuer l’opération inverse, c’est à dire, partir de mots pour trouver la rime (partir du tout pour trouver la partie). 2- La segmentation du mot en syllabes 2-1- Reconnaissance L’enfant doit reconnaître une syllabe cible transcrite dans des mots parmi lesquels figurent des distracteurs. L’opération est identique à celle demandée pour les rimes. La cible est clairement désignée par la trace écrite, mais également, au début, par la production orale de la syllabe et la segmentation du mot à l’oral par l’orthophoniste.

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Cette double afférence favorise, au départ, la reconnaissance du phonème « par comparaison ». Par la suite, l’enfant devra trouver la syllabe uniquement à partir de la trace écrite, en s’aidant éventuellement de la boucle audio-phonatoire, le but ultime étant de parvenir à accomplir la tâche en « lecture silencieuse ». L’exercice « Retrouve les mots qui contiennent la syllabe », (12 planches), va permettre d’initier ce premier mécanisme cognitif concernant l’unité syllabique. (cro : crocodile/ accordéon/ groseilles).

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2-2- Identification L’exercice « Retrouve la syllabe commune aux trois mots », (4 planches), suppose l’identification de trois mots imagés ; - la syllabe cible n’est plus clairement désignée, comme dans l’exercice précédent, cependant l’extraction de celle-ci est orientée par son emplacement, invariable au sein d’un même exercice. L’enfant doit être capable de porter son attention sur une partie précise du mot, au début, à la fin ou milieu de l’item selon la consigne. - la tâche la plus délicate est sans doute la phase de « délimitation » de l’unité syllabique. A ce stade peuvent interférer ces autres éléments, appelés attaque et rime par Stanovitch & al, définis comme des unités infra-syllabiques. Celles-ci rendent floue la notion de syllabe et son étendue dans le mot : soit l’enfant est tenté de délimiter une unité plus grande que la syllabe par l’inclusion d’un ou deux phonèmes adjacents ; soit, au contraire, l’unité désignée par l’enfant sera moins étendue que la syllabe cible (uniquement formée de l’attaque ou de la rime). - c’est par une troisième phase de confrontation d’au moins deux des items que l’enfant sera amené à rectifier la « délimitation » de la cible afin de reconnaître une seule et même unité dans chacun des items. Le troisième mot imagé peut servir de vérificateur. Ce travail de délimitation est facilité par le choix de mots dont les syllabes adjacentes à la cible sont systématiquement différentes d’un item à l’autre. Par ordre supposé de difficulté nous avons présenté la syllabe cible dans un premier exercice, en position initiale, (4 planches), puis en position finale (cet exercice pourrait être présenté comme exercice de repérage du phonème final et non plus de la syllabe finale), (4 planches) et en dernier lieu, en position intermédiaire (3 planches). Le même travail en position initiale est également proposé sous forme de « Mémory de 1re syllabe », (4 planches), au cours duquel on demande à l’enfant d’apparier les images de mots commençant par la même syllabe à partir d’un jeu d’images retournées sur la table. A tour de rôle, les joueurs doivent retourner deux cartes afin de retrouver les couples ainsi définis. Le vainqueur est le joueur qui a reconnu le plus grand nombre de paires. Il est également possible de jouer avec une carte de plus au jeu du « Pouilleux » sur le même principe. Un autre exercice permet de travailler plus spécifiquement « L’identification de la place de la syllabe », (1 planche), dans le mot sans support imagé. Cet exercice porte sur l’aspect séquentiel des mots, que l’enfant doit commencer à percevoir comme une succession linéaire et structurée de syllabes dont chacune est audible et transcriptible.

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2-3- Segmentation mot/syllabes Pour aider à la prise de conscience syllabique et à son renforcement, les exercices suivants sont proposés: * « Mots rébus », (11 planches), cette phase du programme est destinée à engager l’enfant à saisir plusieurs unités sémantiques à l’échelle de la syllabe et de les concaténer de façon à créer des mots. Ce travail sur syllabes sémantisées est plus propre à faire distinguer les éléments constitutifs du mot résultat.

* La segmentation de mots en syllabes signifiantes dans l’exercice « Que manque-t-il ? », (11 planches), est, elle, plus proche de la fonction de transcription qui consiste à coder le sens par l’intermédiaire des éléments phonologiques. La réalisation de cet exercice est plus facile car elle reprend les items travaillés précédemment. Ces deux opérations vont permettre à l’enfant d’individualiser plus aisément les composants syllabiques du mot. L’intermédiaire d’unités sémantisées

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facilite le travail de « délimitation » des unités parce que celles-ci sont déjà familières à l’enfant. * « Trouve la syllabe manquante », (7 planches), associe évocation et transcription de syllabes. Le matériel verbal est donné à l’enfant, c’est un mécanisme de reconnaissance qui permet par comparaison du mot écrit tronqué avec l’image oralisée du mot et, plus tard, avec son image mentale donnée par le dessin, de retrouver la syllabe manquante. Là également, toutes les positions sont travaillées.

* « L’Identification de la syllabe manquante », (1 planche), fait appel à un processus d’évocation lexicale afin de reconstituer un prénom. L’enfant doit travailler sur un support lexical non désigné, appartenant à un registre ouvert, bien que la consigne soit restreinte à un champ sémantique particulier (les prénoms). On peut imaginer deux stratégies de réponses : soit l’enfant effectue des confrontations successives de prénoms qu’il connaît à l’item tronqué, soit il choisit de « combler le vide » de l’item par des phonèmes jusqu’à trouver un

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logatome qui soit également un mot (en l’occurrence un prénom, mais le jeu peut se faire à partir de noms de fruits ou autres…). * Les exercices de « Catégorisation », (9 planches), et « comptage de syllabes », (6 planches), procèdent des mêmes mécanismes mentaux : ils permettent de renforcer les automatismes de la segmentation syllabique. Ils seront réalisés en oralisant la segmentation des mots, puis, uniquement en s’appuyant sur la représentation mentale du mot. 2-4- Manipulations syllabiques Ces opérations nécessitent la maîtrise des capacités de segmentation. Leur exécution implique des opérations supplémentaires à celles demandées dans les exercices ci-dessus. Ces exercices consistent en : * « L’effeuillage syllabique », (1 planche) l’enfant doit isoler la syllabe, l’enlever pour restituer la partie restante, soit en commençant par le début, soit par la fin du mot. Ceci laisse supposer que l’enfant passe par les étapes suivantes : identifier la syllabe, porter son attention au début ou à la fin du mot, délimiter la syllabe, élider la syllabe (c’est-à-dire en faire abstraction), constituer une nouvelle unité, un logatome avec les syllabes restantes. L’enfant a tendance à sémantiser ses réponses, c’est à dire chercher dans son lexique un mot approchant. Il est obligé, à l’inverse des exercices de rébus, de faire abstraction du sens qui n’est plus un support de travail, et de considérer les syllabes en tant que telles. * « Inversion de syllabes » (tin-pa ; patin), (1 planche). Il ne s’agit plus d’identifier une seule syllabe : chacune des deux syllabes doit être « délimitée » correctement. On enlève la première syllabe par effeuillage syllabique pour isoler la seconde avant de se remémorer la première. L’aide de l’oralisation est importante lorsqu’il s’agit de reconstituer l’unité nouvelle. Cette reconstitution est facilitée par le fait que l’unité recherchée est un mot sémantisé : il y a confrontation avec le lexique interne à ce stade de la tâche. * « Quel est le mot caché », (1 planche), l’isolation des syllabes initiales de chacun des deux mots entraîne par fusion, la reconstitution d’un nouveau mot. Les mécanismes cognitifs sont identiques à ceux de l’inversion syllabique dans la complexité de la tâche : il y a identification puis fusion de deux syllabes pour constituer une unité sémantique, cette dernière opération étant facilitée par la confrontation au lexique interne. On pourrait relever plus d’erreurs étant donné que le matériel de base est constitué de 4 syllabes au lieu de 2 pour l’inversion syllabique. * Les « Chenilles », (6 planches), suivent le principe des dominos : la syllabe finale d’un mot correspond à la syllabe initiale du mot suivant. Le critère de réus-

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site de cet exercice est la prise de conscience de la place de la syllabe à l’intérieur des mots impliquant, à ce stade une identification des syllabes à peu près automatisée. Il faudra toujours passer par une étape orale, graphique puis silencieuse. 3 - Prise de conscience phonémique Les exercices sur les phonèmes respectent les mêmes étapes que ceux portant sur les syllabes : 3-1 - Reconnaissance On propose une sensibilisation à la recherche de l’unité phonémique à l’occasion de ce premier exercice, « Relie les mots dans lesquels tu entends le son cible », (16 planches). Aidé, dans un premier temps, par l’oralisation de chacun des mots et/ou par leur transcription, le repérage du phonème résulte de la comparaison des différentes caractéristiques de chaque phonème du mot avec celles du phonème cible. Ces caractéristiques peuvent induire l’enfant en erreur de deux façons : soit les distracteurs ont des caractéristiques phonétiques proches (f/v), soit leurs caractéristiques graphiques sont proches (p/b), ceci ayant certainement moins d’incidence sur la réalisation de la tâche. On supprimera progressivement les aides orales et écrites afin d’engager l’enfant à répondre à partir de l’élaboration d’une image mentale. Sur une même planche, les phonèmes cibles sont systématiquement présentés en différentes positions (initiale, intermédiaire, finale). On pourra présenter les exercices portant sur les phonèmes vocaliques au départ, beaucoup plus faciles à repérer dans la chaîne parlée que ne le sont les consonnes. On abordera ensuite les phonèmes consonantiques longs (fricatives, nasales, vibrantes), pour terminer par les occlusives orales. Ont été introduits dans cet exercice quelques phonèmes à double graphie afin que l’enfant puisse appréhender l’aspect irrégulier de la transposition graphème/phonème (in, ch). 3-2 - Identification * L’exercice « Par quel son commence », (5 planches), « finit le mot » (5 planches), est le premier des exercices pour lesquels l’enfant ne peut plus procéder par simple « comparaison » d’une cible bien définie avec les phonèmes d’un mot. On peut observer deux moments dans cette tâche : 1. le phonème n’étant plus désigné, la recherche de l’enfant est orientée par l’indication de sa place. L’enfant doit encore restreindre son champ de recherche. 2. Il s’agit alors de « cerner » le phonème et ne pas donner la syllabe entière, l’attaque ou la rime. Le processus d’identification du phonème, qui pourrait s’effectuer à partir

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d’un seul mot imagé est facilité par la présentation d’un second mot imagé. La confrontation des deux items lève d’éventuelles ambiguïtés concernant l’étendue de l’unité par le choix d’un environnement phonétique automatiquement différent d’un item à l’autre.

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(On aurait pu proposer, par la suite, des items pour lesquels l’environnement phonétique peut induire en erreur.) * On tentera de renforcer et affiner les processus de discrimination phonémique à travers les « Mémory/Pouilleux » (5 planches) : à partir d’un jeu d’images de paires minimales (fer/verre), l’enfant prend conscience du fait que le changement d’une seule unité phonémique entraîne le changement de sens.

* Une autre variante à cet exercice, « Barre l’intrus », (5 planches), rend la détection phonémique plus difficile par un environnement non inducteur (maison/ niche/ martien/ mouton). Dans un premier temps on pourra désigner le phonème à l’enfant, ou alors, lui donner une indication sur la place du phonème cible. * Cet exercice est également proposé sans support imagé dans « Catégorisation de phonèmes », (1 planche) : à l’oral, l’enfant doit trouver le mot qui n’appartient pas à la série en fonction du phonème initial ou final (louche/ cage/ vache/ torche). Cependant, à l’oral, se pose le problème mnésique : il s’agit pour l’enfant d’isoler très rapidement le phonème pour limiter la charge mnésique. Cet exercice sera proposé en dernier lieu.

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* L’exercice « Range les images en fonction de la place du son commun », (4 planches), travaille plus particulièrement la conscience de la place du phonème à l’intérieur du mot. Il fait intervenir 2 processus : l’identification du phonème commun aux 3 mots imagés, qui n’est pas orientée par l’indication de sa position dans le mot ; et l’identification même de sa place dans le mot qui, une fois le phonème repéré, est une condition sine qua non à l’application de la consigne. * Ce travail sur la place du phonème est consolidé par l’exercice « Où se trouve le son cible? », (5 planches) : la discrimination porte, cette fois-ci, sur la sériation des phonèmes, non plus à l’intérieur des mots, mais en syllabes complexes où l’un des phonèmes consonantiques échappe, bien souvent, à l’attention des enfants (crocodile/corde). 3-3- Segmentation * Comme précédemment pour les syllabes, nous avons élaboré un exercice de comptage de phonèmes, « Mets autant de croix que de sons dans le mot », (6 planches). Nous avons distingué deux niveaux de difficulté au sein de cet exercice : les premières planches sont exclusivement composées d’items à syllabes simples et relativement courts, les mots des planches suivantes comprennent une ou plusieurs syllabes complexes.

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* « Trouve la lettre manquante », (5 planches), est le pendant de l’exercice élaboré pour les syllabes : la recherche du phonème manquant à la représentation écrite d’un item s’effectue à partir de l’évocation lexicale induite par la représentation imagée de ce mot. Cette évocation pourra au début être oralisée, puis la reconnaissance du phonème ne se fera qu’à partir de l’image mentale de l’item. La position du phonème manquant est indiquée par un tiret. Ce travail porte plus particulièrement sur les phonèmes en syllabe complexe. La réponse matérialisée par la transcription consolide la conscience de la séquence phonémique. 3-4 - Manipulations Les exercices de manipulation de phonèmes ont été proposés en dernier lieu car ils demandent à l’enfant l’exécution de tâches successives plus nombreuses que pour les exercices précédents. Ce sont d’ailleurs ces « manipulations » qui occasionnent le plus d’échec à la passation du protocole (n°6, n°7 et n°8). * « L’identification du phonème élidé », (1 planche), impose à l’enfant de saisir l’importance de chacun des éléments phonémiques de la chaîne parlée : l’élision d’une seule unité phonémique suffit à modifier le sens d’un mot (bœuf/œuf ; pile/île). Le matériel lexical est donné à l’enfant qui n’a aucun effort d’évocation lexicale à fournir. Lors de la passation des tests, l’épreuve de rajout de phonème a été la plus échouée. Nous avons donc inclus dans notre programme, des exercices appropriés : * Cet exercice, « Trouve la première lettre, tu auras un prénom », (1 planche), est sans doute plus facile que celui portant sur les syllabes. L’enfant peut retrouver d’emblée le prénom, ce qui n’implique pas pour autant qu’il soit capable de désigner le phonème manquant : il s’agit bien de dénommer ce phonème. L’enfant aura alors la même stratégie de recherche que dans l’exercice précédent. L’approche peut être différente de celle de l’identification du phonème élidé si l’enfant, n’ayant pas trouvé tout de suite, effectue une recherche active : soit en essayant de « combler » par des phonèmes successifs, jusqu’à trouver un mot qui fasse partie de son lexique, soit en évoquant tous les prénoms qu’il connaît. * La « Substitution du 1 er phonème », (1 planche), met en œuvre plusieurs stratégies consécutives dont l’enfant doit strictement respecter les étapes : isolation du phonème initial, suppression de ce phonème, recherche et ajout d’un phonème de substitution puis consulltation du lexique interne pour vérifier que ce mot appartient à la langue. * « Chenilles », (2 planches), et « Labyrinthes », (2 planches), visent à automatiser la précision et la rapidité des capacités entraînées précédemment. Ces exer-

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cices suivent le principe des dominos : il s’agit de placer ou de retrouver à côté d’un premier mot un deuxième dont le phonème initial correspond à son dernier phonème.

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◆ Rééducation métaphonologique par Phonorama : mise en application, évaluation A- Protocole Différents tests nous ont permis de déterminer les difficultés de lecture ainsi que les capacités métaphonologiques : Evaluation de la lecture : - ANALEC : permet de quantifier les performances des enfants au niveau du langage oral et écrit. - Identification des mots de KHOMSI : permet de mettre en évidence la ou les stratégies préférentielles de lecture utilisées par l’enfant. - Appariement phrases / images de KHOMSI : permet de tester la compréhension du langage écrit. Evaluation de la conscience phonologique : Nous avons expérimenté le protocole d’évaluation de la conscience phonologique élaboré par Madame Monique PLAZA, psychologue, chercheur au CNRS (12), (13). Celui-ci fait appel aux trois niveaux de la conscience phonologique et à ses étapes intermédiaires. Il nous permet d’analyser les compétences identiques à celles développées lors des recherches précédentes. De la plus accessible à la plus complexe, l’étude des différentes épreuves suit le plan suivant : * sensibilité aux similarités phonologiques (épreuve d’identification de rimes) * conscience syllabique ( épreuve d’inversion de syllabes) * sensibilité aux phonèmes : - conscience phonétique (reconnaissance de phonèmes en position initiale, et intermédiaire), - conscience phonémique (identification du phonème initial, du phonème final, élision du phonème initial, du phonème final, rajout d’un phonème, inversion de phonèmes). L’ordre de passation des épreuves respecte quasiment cet ordre dans la complexité de la tâche. Nous avons retenu les enfants échouant aux différentes épreuves du protocole : l’échec était considéré comme significatif lorsque les erreurs étaient supérieures ou égales à 15-20 % à au moins 5 épreuves sur 10. Leur échec traduisait donc, pour nous, un déficit de la conscience phonologique, puisqu’ils ne parvenaient pas, soit à identifier, soit à manipuler consciemment les phonèmes.

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B - Planification des exercices A la mi-février, début mars pour certains enfants, des exercices d’entraînement de la conscience phonologique étaient proposés aux enfants retenus pour cette expérimentation, à raison d’une séance hebdomadaire de 15 à 20 minutes, inclus dans une séance classique de rééducation orthophonique. L’entraînement était prévu pour 12 semaines. Le programme d’entraînement individuel était établi en fonction des déficits spécifiques à chaque enfant, observés lors des tests, et en particulier, lors du protocole d’évaluation de la conscience phonologique. Tout matériel de même conception que celui des tests était écarté du programme de rééducation. Le support employé n’était pas similaire. De la même manière, les tâches demandées étaient éloignées, dans la mesure du possible de celles du test. Enfin, nous tenions à alterner les exercices portant sur les rimes, les syllabes et les phonèmes, tout en respectant l’ordre de progression dans l’identification, la compréhension, la manipulation et la production. Ceci dans le but de rendre la rééducation moins monotone, mais également afin de répondre aux besoins de la rééducation car le développement de ces compétences est concomitant bien que l’on ait montré que leur maîtrise s’acquière de façon chronologique. Les enfants qui avaient échoué à l’épreuve de rimes à plus de 15 % se sont vus proposer des exercices de sensibilisation à la rime. Il est à noter que la majorité des enfants n’avaient aucune idée de ce qu’est une rime et qu’une présentation de cet aspect du mot ne leur avait donc jamais été proposée. Les exercices respectaient un ordre de difficultés croissantes : discrimination auditive de plus en plus fine de la rime dans des mots d’abord éloignés puis proches ; reconnaissance de mots rimants ; appariement de mots rimants, avec un choix de plus en plus restreint ; production et transcription. Les aides diminuaient au fur et à mesure des exercices proposés. Au niveau de la syllabe, nous leur avons donc proposé une palette variée de tâches, similaire à celle proposée pour le phonème, qu’ils ont accomplie selon le niveau de compétence atteint. Celle-ci comprenait : l’identification des syllabes initiales, les exercices de reconnaissance de syllabes communes à travers les images, la reconnaissance de syllabes complexes permettant de travailler la discrimination fine des syllabes proches (bra/dra - cro/gro) et les confusions sonores, l’utilisation de l’identification de la syllabe finale et intermédiaire, l’imprégnation sonore de la place de la syllabe était travaillée à travers des exercices oraux, imagés (mots rébus) et a développé les capacités de recon-

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naissance, de segmentation du mot en syllabes, les exercices de segmentation, de découpage, de reconstitution de rébus, d’isolation de syllabe et de fusion. Un ultime exercice « la chenille », a permis, sous un aspect ludique, de confirmer ces acquis : l’enfant devait ordonner en tenant compte du fait que la syllabe initiale de l’image à trouver est la syllabe finale de l’image précédente. L’objectif final de cet entraînement était, bien sûr, que l’enfant parvienne à discriminer et manipuler la plus petite unité de la phrase, le phonème. Pour beaucoup d’enfants, les exercices portant sur l’identification des phonèmes en initial n’ont pas eu d’utilité, les enfants maîtrisant la correspondance graphème-phonème. Par contre, les exercices de catégorisation se sont révélés difficiles à exécuter : les exercices « l’intrus » et « range les images en fonction du son commun » étaient laborieux et nécessitaient plus d’une séance avant d’être réalisés. Ces projets de rééducation étaient d’emblée divers. La volonté de s’adapter au plus juste aux besoins de chaque enfant a encore entraîné des modifications dans le cours des séances initialement prévues. C- Analyse des Résultats * P.J. (13-06-84) âgé de 9ans 6, QIV=91, QIP=101, QIG=95 en classe de CE2, avait redoublé son CP en raison d’importantes lacunes en lecture et en dictée, pris en charge à partir de décembre 91 présentait : - des difficultés au niveau du langage oral, surtout en compréhension syntaxique, - une dissociation de la rétention chiffres/phrases, avec support langagier niveau de 6 ans, - la lecture était difficile, hésitante, avec des confusions visuelles, la compréhension du texte lu était mauvaise, - à la transcription, on notait de nombreuses fautes phonétiques, des confusions, des inversions au niveau des graphèmes, l’orthographe d’usage était très faible. *S.N. (31-01-82) âgé de 11ans 11, en classe de sixième (5 années d’apprentissage de la lecture). QIV= 90, QIP= 92, QIG= 90 S.N. était suivi en réeducation orthophonique depuis le CP pour un trouble articulatoire (schlintement). On avait pu constater une amélioration du trouble en dirigé, mais celui-ci était encore présent en spontané. Le stock lexical, de même que l’élaboration syntaxique étaient encore insuffisants, mais la compréhension et la rétention étaient correctes. Il persistait une importante dyslexie-dysorthographie mise en évidence par des erreurs de

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lecture, des omissions, un défaut d’intonation, un débit trop rapide et d’importantes difficultés de transcription 1- Analyse individuelle des enfants entraînés: PJ et SN Nous avons choisi deux enfants dont les performances au protocole étaient antagonistes : - PJ était l’enfant qui échouait le plus, dans toutes les tâches exceptée la septième (opération de rajout de phonème), dans le groupe (E), - SN était un des meilleurs. Nous avons pu constater que SN, meilleur au départ, a progressé de manière plus sensible de décembre à mai, que PJ. Progression de PJ : (Abscisse : les épreuves ; Ordonnée : % d’erreurs)

Progression de SN : (Abscisse : les épreuves ; Ordonnée : % d’erreurs)

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On peut se demander si les progrès observés sur les autres épreuves sont du même ordre. L’épreuve de l’ANALEC situe PJ au niveau du dixième décile en décembre comme en mai. On n’a pu distinguer de progrès quantifiable pour PJ, concernant les capacités de lecture en dehors de ceux constatés au protocole et à la lecture des mots. L’ANALEC situait SN au niveau du dixième décile, en mai comme en décembre, comme PS. Mais contrairement à ce dernier, on a noté un net progrès pour SN (- 35 points du 9e décile en décembre, - 5 points en mai). Cette deuxième évaluation objectivait une amélioration des capacités de lecture de SN sous plusieurs de ses aspects (temps de lecture, qualité de lecture, compréhension, combinatoire, stratégies de lecture et traitement morpho-syntaxique). On peut donc dire que l’évolution des performances en lecture n’était pas systématiquement objectivée par rapport aux progrès constatés au protocole : bien que l’on ait constaté des progrès au protocole pour les deux enfants, en considérant le lien de cause à effet entre capacités métaphonologiques et lecture, on peut émettre l’hypothèse de l’existence d’un « seuil d’efficacité » qui aurait été atteint par SN et pas encore par PJ, dont les capacités initiales étaient moins bonnes. 2- Cas particulier d’une rééducation exclusive de la métaphonologie : GL En regard de ce graphique, le résultat obtenu chez cette enfant non lectrice ayant bénéficié uniquement de 8 séances entièrement consacrées à la conscience phonologique était aussi probant que pour les autres enfants pour ce qui est du protocole : Progression GL : (Abscisse : les épreuves ; Ordonnée : % d’erreurs)

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Au niveau qualitatif, la lecture s’était améliorée, l’association syllabique était devenue possible ainsi que la lecture des mots courants. Les tests de lecture de l’ANALEC, impossibles en décembre étaient accessibles. L’épreuve d’analyse échouée précédemment (5/20) était mieux réalisée (12/20). A la lecture de phrases, la progression était visible. De 9 erreurs elle ne faisait plus que 3 erreurs sur l’ensemble bien que la tâche ait été réalisée cependant après 3 ou 4 relectures des phrases. L’entraînement a contribué à une meilleure maîtrise de la voie phonologique puisque GL n’utilisait plus de stratégies contextuelles compensatoires à la lecture de mots et de phrases. Les exercices ont incontestablement amélioré les trois niveaux de la conscience phonologique : la sensibilité aux similarités (épreuves de rime), la conscience phonétique (reconnaissance de phonèmes) et la conscience phonémique (tâches de segmentation, soustraction, addition) Ces tâches, qui ne manifestaient non pas une incapacité totale, mais une instabilité et une irrégularité dans leur réalisation, étaient mieux maîtrisées. Les résultats témoignaient d’une plus grande régularité dans la mobilisation des capacités métaphonologiques. Toutes ces épreuves découlent d’un seul facteur commun, elles renvoient à un même fond de compétence tant au niveau des unités rime-phonème qu’au niveau opératoire (identification, discrimination, segmentation, suppression, fusion). On fait précisément appel à la conscience que l’enfant a de la langue orale par rapport à la langue écrite.

◆ Conclusion Nous nous posions la question de savoir si les capacités métaphonologiques sont améliorables à partir d’un entraînement, d’exercices rééducatifs spécifiques tels que Phonorama, même chez des enfants ayant déjà deux ou trois années d’apprentissage de la lecture. Notre expérimentation nous permet de répondre de façon positive : de manière générale, nous constatons que les lecteurs entraînés ont, dans toutes les épreuves, une performance supérieure à celle des lecteurs non entraînés, même si l’on observe ici et là, quelques cas où leurs performances sont équivalentes. Nous pouvons donc affirmer que les capacités métaphonologiques, telles que testées à travers le protocole, sont améliorées par un entraînement spécifique.

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Nous étions curieuses de savoir si cet entraînement spécifique a une incidence à court terme sur les capacités de lecture. L’entraînement se répercute de façon indirecte sur les capacités de lecture, puisqu’on note également une évolution différentielle des stratégies de lecture aux épreuves du KHOMSI. Seuls les résultats obtenus à l’ANALEC ne sont pas probants car ils sont liés aux capacités lexiques. Cependant, notre pratique quotidienne avec Phonorama nous laisse penser que cet effort de rééducation métaphonologique est d’autant plus efficace lorsqu’elle se poursuit sur des périodes plus longues que celle expérimentée précédemment. Il nous semble donc que ce nouveau paramètre pourrait faire l’objet d’une évaluation plus systématique dans le cadre du bilan orthophonique au même titre que les capacités de rétention. Notre action parvient à affiner l’analyse segmentale de la chaîne parlée et indirectement à modifier le comportement de l’enfant face aux tâches de lecture. Il semble donc nécessaire d’inclure, dans tout programme pédagogique, scolaire ou orthophonique, des exercices favorisant l’émergence ou le renforcement de ces capacités métaphonologiques. Certes, leur amélioration ne permet pas aux mauvais lecteurs de devenir des lecteurs parfaits, mais elle peut leur donner les moyens de compenser une partie de leur retard comme nous avons pu le constater pour certains de nos enfants. D’autre part, le matériel Phonorama présente des intérêts autres que métaphonologiques : - il peut être utilisé pour travailler le stock lexical des enfants en retard de langage, - chez les aphasiques pour renforcer les rééducations par l’apport d’un support visuel souvent nécessaire. Enfin, d’un point de vue expérimental, il nous a paru intéressant d’évaluer une méthode rééducative. Ceci nous amène à relever que trop peu d’études vérifient l’adéquation des méthodes thérapeutiques utilisées aux pathologies observées. L’évaluation des méthodes thérapeutiques permettrait de vérifier leur bienfondé. Cette recherche aurait pour conséquence la définition de choix thérapeutiques de plus en plus adaptés et donc efficaces.

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Pratique de la Dynamique Naturelle de la Parole (D.N.P.) et développement de la conscience phonologique Danièle Prado

Résumé Sentir, voir, toucher la parole, tel est le projet dans lequel nous conduit Madeleine Dunoyer de Segonzac pour développer la Dynamique Naturelle de la Parole. Nous analyserons dans cet article comment cette méthode favorise le développement de la conscience phonologique à travers des approches psychomotrices inspirées entre autres sources de la méthode verbo-tonale, permettant de visualiser la parole par le biais d’une calligraphie phonétique. Nous aborderons également l’apport de cette méthode pour le travail du rythme verbal et du passage à la phrase. Mots clés : phonologie, calligraphie phonétique, parole enrichie, polysensorialité.

Use of Natural Dynamics of Speech method and development of phonological awareness Abstract To feel, watch and touch speech was the aim of Madeleine Dunoyer de Segonzac when she developped the Natural Dynamics of Speech Program. In this article, we discribe how this method enhances the development of phonogical awareness through the use of psychomotor approaches such as the verbal-tonal method, making it possible to visualize speech through phonetic calligraphy. We also decribe the contributions of this method to our work with verbal rythm and sentence construction. Key Words: phonology, phonetic calligraphy, enriched speech, multi-sensory perception.

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Danièle PRADO Orthophoniste 10 Avenue du 159e RIA 05100 Briançon

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l n’est plus à démontrer l’importance sinon la nécessité des compétences de l’enfant à jouer avec les segments de la parole et du langage pour accéder à la langue écrite. Devant cet acquis indiscutable, il nous reste à affiner dans nos relations d’aide aux enfants en difficulté de parole, les outils susceptibles de faire émerger cette conscience phonologique dont on perçoit quotidiennement la fragilité chez ces tout petits atteints de troubles graves de l’acquisition du langage, de dysphasie, chez les enfants atteints de surdité, ou chez les dyslexiques. Nous avons maintenant à notre disposition du matériel et des logiciels fort bien pensés dans ce projet. Je vais pour ma part vous présenter une approche polysensorielle et psychomotrice susceptible de développer la Dynamique Naturelle de la Parole par une libération du geste, pratique élaborée par Madeleine Dunoyer de Segonzac qui s’est appuyée dans sa démarche créative sur trois piliers fondamentaux : l’anthropologie du geste de Marcel Jousse, la méthode verbo-tonale du Professeur Guberina, la méthode Martenot pour l’enseignement du dessin.

Développer la Dynamique Naturelle de la Parole, voilà bien qui nous préoccupe lorsque nous sommes en présence de ces enfants chez lesquels ces facultés font défaut alors quelles sont très précocement présentes chez le bébé comme l’a montré Bénédicte De Boysson-Bardies dans son ouvrage : « Comment la parole vient aux enfants » (1999). Pour la clarté de l’exposé, j’appellerai D.N.P la méthode de Madeleine Dunoyer de Segonzac consistant en une libération de la parole par une libération du geste développant la Dynamique Naturelle de la Parole. Revenons maintenant aux sources. J’ai cité Marcel Jousse et je vous renvoie à l’article du Professeur Metellus dans « Voyage à travers le langage » d’où j’extrais la citation suivante : « Nous vivons actuellement sur la dégradation des gestes aussi bien corporels, manuels, que laryngo-bucco et graphiques parce que

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vidés de leur concrétisme originel par des millénaires d’usure... Pour Jousse le geste constitue le fondement même de l’expression humaine. Il s’agit de prendre la mesure de ce que le geste et les activités praxiques ont jadis permis à l’homme de réaliser : transposition des mouvements du corps et des mains sur les muscles pneumo-laryngo-bucco-faciaux, le langage oral reste un geste à finalité significative ». Nous voici tout naturellement amenés à citer le second pilier de la D.N.P, la méthode verbo-tonale du Professeur Guberina, méthode d’éducation et de rééducation des enfants sourds. Pour Guberina, on entend avec tout son corps et on parle avec son corps. La méthode verbo-tonale permet à l’enfant de prendre conscience de sa parole au moyen de son corps. Chaque phonème est produit et porté par le corps selon des mouvements spécifiques de tension, relâchement, ouverture, durée. Les rythmes corporels travaillés en verbo-tonale sont des ensembles de mouvements reprenant les paramètres de la parole que nous appelons en D.N.P chorégraphie phonétique. Il est temps de citer maintenant le troisième pilier : l’éducation par l’art selon la méthode Martenot. Notre projet pour aider ces enfants en difficulté de parole va être de les amener à sentir, voir, toucher la parole avec tout leur être afin d’amener une calligraphie phonétique matérialisant ainsi la parole. Avec les « images pulsées » dont nous parlerons plus loin, nous développerons chez ces enfants une créativité esthétique par une représentation du réel directement issue des pulsions phonétiques de la parole. Selon la méthode Martenot et les apports de Madeleine Dunoyer de Segonzac, nous utiliserons la relaxation pour mettre l’enfant en état de réceptivité d’une imprégnation du réel. Nous préparerons également le rythme de la parole pour que le réel puisse être « parlé », « découpé », en accord avec la rythmique de notre langue. Il convient maintenant d’illustrer ces propos par des exemples concrets et d’analyser comment cette méthode peut soutenir le développement de la conscience phonologique. Je viens de parler de traces de l’articulation de la parole. Comment les produirons-nous ? En associant une couleur attribuée à une voyelle, au mouvement générateur de la consonne. Les couleurs des voyelles sont représentées dans le soleil des voyelles où ces dernières sont disposées comme dans le triangle vocalique selon leurs propriétés d’ouverture ou de fermeture du canal buccal et selon leurs valeurs fréquentielles.

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Le soleil des voyelles se chante et se joue par l’ouverture et la fermeture progressive des bras autour de l’axe de notre corps, utilisant au maximum notre bilatéralisme (illustration 1). Quant aux mouvements générateurs des consonnes, voici quelques explications essayant de désigner au mieux le mouvement agrandi de leur production. « L » : on enroule et on déroule les bras. « K » : les coudes donnent un coup en arrière. « S » : on presse et on ondule sur l’air. « B » : les mains, les bras et tout le corps retombent dans un mouvement détendu. « T » : on tape des pieds et des mains dans une explosion. « R » : on ébranle et on râcle l’air avec ses bras et tout son corps. La projection, la matérialisation de ces grands mouvements donnent les traces figurées sur les illustrations 2a et 2b (illustrations 2a et 2b). A vous d’essayer maintenant : un peu de jaune sur les index pour le « ou », la pulsion phonétique du « s », pression sur l’air et en la disant vous réalisez la trace de la syllabe « sou ». Un peu de vert maintenant pour le « i » et la pulsion phonétique du « r » et vous avez devant vous la trace de la syllabe « ri ». Avez-vous senti combien en traçant « sou » vous avez allongé dans votre parole la production de la consonne sifflante? Faites de même en ressentant longuement le raclement du « r » dans la production de la syllabe « ri ». Ne sommes-nous pas là dans une démarche phonologique amenant l’enfant à construire dans sa parole et sa gestuelle les syllabes « sou » « ri », lui permettant ainsi le ressenti de la fusion syllabique? Car pour analyser la facture sonore du mot - et combien cette analyse est défaillante chez les enfants dont nous nous occupons - une attention phonématique à la boucle audio-phonatoire est nécessaire, l’articulation participant à la construction de cette audition phonématique. « Prononcer les mots, c’est déjà analyser les composantes motrices de ce mot, c’est réaliser leur analyse sonore. » (Métellus). Faisons état des besoins et des manques de ces enfants pour poursuivre dans la voie de ce que la D.N.P. peut leur apporter. Nous l’avons déjà dit « le sujet doit être capable de fractionner le flux continu du langage oral, d’en dégager les phonèmes stables, d’en conserver l’ordre de succession et de les fusionner en groupes phonématiques de synthèse. S’il n’est pas capable de réaliser cette activité, il ne pourra rentrer dans la lecture. » (Métellus). Vous avez déjà saisi avec les traces d’articulations du mot « souris » comment nous montrons à l’enfant la segmentation syllabique. Il vous est donc facile d’imaginer tous les jeux au bout des doigts pour faire sentir, voir, toucher

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le nombre de syllabes, mais aussi les rimes (bateau, château, couteau), les attaques (gâteau, cadeau) (illustrations 3a, 3b et 3c). Quant à l’ordre de succession des phonèmes qui suppose cette activité si difficile consistant à saisir un son isolé dans un groupe de sons, commençons par le jouer avec tout notre corps dans une chorégraphie phonétique. Suivezmoi : en tapant des pieds et des mains nous reculons en disant « ta-ta-ta » puis arrive le léger raclement du « r » en position faible et sa gestuelle comme diluée dans l’air pour produire « tar ». Puis nous repartons en produisant sur chaque pas le phonème « t » discrètement accompagné de sa gestuelle « t...t...t... » et soudain explose le groupe consonantique « tra » avec le râclement du « ra ». Après ce vécu corporel de la place des sons, réalisons leurs traces dont vous pouvez vous-même faire la reviviscence (illustration 4). Posez vos pouces sur la syllabe pleine « ta » puis laissez venir au bout de vos doigts en même temps que dans votre gorge le léger frôlement du « r » en position faible et vous dites « tar ». A l’inverse, posez légèrement vos pouces pour rappeler la place de ce « t » lointain et peu consistant et couvrez-le du râclement dominant de la syllabe « ra » et vous dites « tra ». Là encore vous sentez bien la richesse de cet outil kinesthésique et visuel pour aider à la conscience de la succession des phonèmes dans les groupes consonantiques, ces structures sonores si difficiles à analyser et à réaliser par les sujets dont nous nous occupons. Avançons encore. Lorsque de phonétique l’univers devient phonologique, l’enfant doit apprendre à repérer consciemment les frontières souvent ténues qui séparent les sons, et plus deux sons sont proches, plus il aura de mal à les maintenir séparés, à distinguer « papa » de « tata », ou « cha » de « sa », d’où le recours à la concrétisation visuelle par les traces d’articulation de ces productions phonétiques et phonologiques (illustration 5). Il nous sera alors utile de rassembler ces traces dans un classeur confié à l’enfant et à sa famille, classeur qui servira de support à cette « reviviscence » à ce « rejeu », à ce soutien quotidien à la mémoire du geste laryngo-buccal producteur de la parole et fondement de la boucle audio-phonatoire sur laquelle reposent les possibilités de discrimination et d’analyse. Il semble bien que nous soyions là au coeur du problème et qu’avec cet outil D.N.P., nous travaillions sur les difficultés spécifiques de ces enfants qui présentent une désorganisation de l’analyse sonore, une instabilité des traces mnésiques et des traces sonores, de ces enfants porteurs de déficit phonologique, susceptibles de devenir des sujets dyslexiques « caractérisés par l’absence d’automatisme dynamique dans l’interprétation de sons successifs, par l’impossibilité à déterminer quel son précède ou suit un autre. » (Métellus).

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Mais si la conscience de la structure sonore d’un mot est nécessaire, il convient également que ce mot appartenant au lexique de la langue prenne sens. Il faut associer reconnaissance et mémorisation d’un schéma phonétique à la représentation du référent signifié par ce schéma phonétique. Me voici donc amenée à vous présenter un nouvel outil D.N.P. que nous appelons « images pulsées ». Encore une fois, je m’appuierai sur un exemple concret. Comme moi peut-être vivez-vous douloureusement la blessure imposée à ce référent mythique rythmant nos saisons, nos rêves, voire nos combats écologiques, je veux parler de « l’arbre » tristement élagué dans la parole de nos enfants et rabougri à « rab », quand ce n’est pas « ra » ou « na ». Nous avons vu par quel moyen nous allons aider à segmenter en syllabes, à placer le « r » en position faible de « ar », et le « r » du groupe consonantique « bre ». Nous allons avec l’image pulsée faire découvrir à l’enfant qu’une parole « enrichie », une parole « debout », une parole « construite » permet à ce référent d’apparaître au bout de ses doigts dans sa représentation imagée. Essayez vous-même et placez la tranche des mains jointes posées sur le tronc en disant « a ». Avec la pulsion phonétique du « r » vibrez sur les racines du bout des doigts. Puis avec « b » et dans la détente du mouvement producteur de ce phonème, le dos de vos mains retombe produisant le feuillage. Enfin elles s’animent en vibrant, donnant au feuillage le mouvement impulsé par la vibration du « r ». Essayez en enduisant vos doigts des couleurs du réel, car dans l’image pulsée nous nous débarrassons du code de la couleur du soleil des voyelles pour nous rapprocher du réel, et au bout de vos doigts et en le disant vous créerez « votre arbre » (illustrations 6a et 6b). Les enfants aussi, seuls ou délicatement soutenus dans leurs gestes produiront « leur arbre », et vous pouvez imaginer non seulement leur bonheur à cette création, car elle est belle, mais aussi vous pouvez ressentir les bienfaits réparateurs d’un tel accompagnement à la représentation du réel. Nous avons là un merveilleux moyen de développer chez ces enfants un lexique expressif, de donner sens et vie à un lexique réceptif ou interne dont la production est handicapée par la mise en oeuvre pragmatique. Reprenons les outils dont nous disposons maintenant pour faire sentir, voir, toucher au bout des doigts non seulement la structure sonore, mais le découpage morpho-syntaxique. Après avoir transporté au bout de nos trois doigts les trois syllabes du mot « éléphant » chargées de ses couleurs, après les avoir « tapotées » selon trois traces que nous nommons « mémogrammes » puisqu’elles réfèrent à une trace mnésique ou image mentale, nous avons alors la possibilité de marquer visuellement les mots grammaticaux (déterminants définis, indéfinis, singuliers pluriels) par des « dessingrammes » appelés « mimogrammes », de la taille du bout des doigts (illustrations 7a et 7b).

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Abordons maintenant l’extension de ce nouvel outil nous permettant d’aller encore plus avant dans le fait de montrer la parole et la langue au bout des doigts. Suivez-moi dans le déroulement de l’extension propositionnelle (illustration 8). A partir de l’image pulsée du mot « voiture », nous vivons avec l’enfant non seulement les segments de la parole, mais l’enrichissement syntagmatique. Ayant transporté la couleur de l’objet représenté, il nous est maintenant possible de l’enrichir de qualités et de le faire agir : La voiture La belle voiture La belle voiture bleue La belle voiture bleue roule La belle voiture bleue roule sur la route La belle voiture bleue roule vite sur la route Nous abordons ici la nécessité du travail du rythme, car pour amener l’enfant à exprimer « la belle voiture bleue roule vite sur la route », il nous faudra passer par toutes les enveloppes rythmiques, de la plus simple à la plus complexe. Rappelons que pour Suzanne Borel-Maisonny comme pour Guberina, le rythme est au premier rang des éléments d’intelligibilité de la parole et du langage et que pratiquer un entraînement des capacités rythmiques prépare et accompagne l’enfant dans son développement du langage. L’objectif est d’amener cet enfant à une prise de conscience des différents éléments rythmiques inhérents au langage afin qu’il les utilise dans sa parole spontanée. Nous disposons là aussi avec la D.N.P. d’un matériel simple et adapté : la boite de rythmes comprenant des petites surfaces de bois représentant les durées réparties selon trois temps, longues, semi-brèves, brèves. Ce matériel permet encore une fois de faire saisir à l’enfant les structures rythmiques à travers de multiples jeux et ressentis corporels, de les lui représenter visuellement. C’est donc une pédagogie ludique, artistique et créative que je viens de vous présenter. Je me permettrai maintenant de citer Marc Monfort et Adoracion Juarez Sanchez dans « L’intervention dans les troubles graves de l’acquisition du langage et les dysphasies développementales » : « La méthode maternelle continue d’être le meilleur moyen connu à ce jour de développer le langage et de transmettre les caractéristiques particulières de chaque langue... Si l’on veut cependant établir une séquence standard minimum, nous serions par exemple assez d’accord avec la séquence suivante destinée à refléter la hiérarchie des objectifs d’une intervention : - Comportements qui démontrent initiative et plaisir dans la communication ; - Comportements d’imitation en situation de jeu ;

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- Premières manifestations de production vocale volontaire ; - Comportements d’imitation vocale ; - Comportements d’imitation verbale ; - Premières manifestations de compréhension de phrases ; - Premières manifestations de productions verbales ; - Augmentation du répertoire lexical en compréhension ; - Augmentation du répertoire lexical en expression ; - Premières combinaisons de deux ou trois mots en expression ; - Stimulation du développement de l’intelligibilité de la parole ; - Introduction de mots fonctions et de structures morpho-syntaxiques dans l’expression de l’enfant ; - Amélioration de la prononciation au-delà de la simple intelligibilité ». Nous avons pu effleurer dans la démarche interactive de cet article comment la pratique de la D.N.P. permet d’aborder de façon ludique les différents points de ce programme en utilisant les moyens sensoriels, visuels, auditifs, kinesthésiques et psycho-moteurs qui seront les supports du développement de la parole et du langage. Je terminerai encore sur une citation de Marc Monfort dans le même ouvrage : « Il est possible, surtout si nous les renforçons par des moyens appropriés spécifiques, de faire parvenir au cerveau certains éléments de la parole et du langage par la voie de la vue et du toucher. Il est possible aussi de renforcer le contrôle de la production à travers des sensations proprioceptives et kinesthésiques. » C’est dans cette voie que nous conduit Madeleine Dunoyer de Segonzac avec une méthode si riche que je n’ai pu vous en donner qu’un aperçu rapide vous laissant peut-être le goût d’y aller « voir, sentir et toucher » de plus près.

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Illustration 1

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Illustration 2a

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Illustration 7a

Illustration 7b

Illustration 8

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REFERENCES DE BOYSSON BARDIES, B. (1999 2éme éd.) : « Comment la parole vient aux enfants » - Ed : Odile JACOB. DUNOYER de SEGONZAC, M. (1991) : « Pour que vibre la Dynamique Naturelle de la Parole» : Association La Joie de Parler. METELLUS, J. (1997) : « Voyage à travers le langage » : Ed Ortho Edition. MONFORT, M. et JUAREZ SANCHEZ, A. (1996) : « L’intervention dans les troubles graves de l’acqui sition du langage et des dysphasies développementales » : Ed Ortho Edition. Vidéo DUNOYER de SEGONZAC, M. « Une dynamique ludique et artistique pour la joie de parler ». Renseignements pour la formation Association La joie de parler, 424, route de Laudon, 74410 Saint Jorioz. Tél. : 04 50 77 08 86.

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Evaluation de la conscience phonologique et entraînement des capacités phonologiques en grande section de maternelle Michel Zorman

Résumé La population de cette étude comprend 2265 enfants répartis en 118 classes de grande section de maternelle dans les cinq départements de l’académie de Grenoble (Ardèche, Drôme, Isère, Savoie, Haute-Savoie). Le service de Santé scolaire a évalué au cours de son bilan de santé de la sixième année des habiletés cognitives impliquées dans l’apprentissage de la lecture : conscience phonologique, mémoire à court terme, vocabulaire. A la suite, 473 enfants parmi les plus faibles en conscience phonologique ont bénéficié d’un entraînement métaphonologique réalisé en classe par leur enseignant. Les enfants entraînés ont plus progressé en capacités métaphonologiques que les autres. Les capacités phonologiques sont en relation avec le niveau culturel de la famille. Le bilan réalisé permet d’effectuer un dépistage des enfants à risque de développer une dyslexie. Mots clés : conscience phonologique, entraînement métaphonologique, dyslexie, lecture.

Evaluation of phonological awareness and phonological skills training in kindergarden children Abstract The sample of this study comprises 2265 children from 118 kindergarden classrooms located in five french « departments » of the Grenoble School District (Ardêche, Drôme, Isère, Savoie, Haute-Savoie). As part of a regular medical check-up during the child’s sixth year, the School Health Services assessed those cognitive skills involved in the development of reading skills: phonological awareness, working memory and vocabulary. As a result of this evaluation, 473 children were selected among those who obtained the lowest scores on phonological awareness tests and placed in a metaphonological training program which was conducted by their own teacher. Children from this training program made more progress in metaphonological knowledge than other children. Phonological abilities were associated with the family’s educational level. This type of evaluation usefully screens those children who are at risk for dyslexia. Key Words: phonological awareness, metaphonological training, dyslexia, reading.

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Michel ZORMAN Laboratoire Cogni-Sciences et Apprentissages IUFM Académie de Grenoble 30, avenue Marcellin Berthelot 38100 Grenoble e-mail : [email protected]

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epuis 1987, les médecins et infirmières de l’Académie de Grenoble ont souhaité donner une grande part au dépistage et à la prévention des difficultés et troubles des apprentissages. Cette démarche s’appuie sur le constat que les adolescents et jeunes adultes qui vont le moins bien (quel que soit l’indicateur de santé : les comportements addictifs, les comportements violents ou asociaux, les tentatives de suicide) sont ceux qui ont été en situation d’échec scolaire dès leur plus jeune âge. Il apparaît dans différentes études (Choquet, 1995) que la santé mentale, l’insertion sociale, la capacité à gérer sa santé, l’estime de soi sont fortement corrélées à la réussite scolaire. Dans les pays économiquement développés et riches, apprendre à l’école et s’y insérer sont des fortes composantes du développement et de la construction de la personne et donc de la santé de l’enfant, de l’adolescent et aussi du futur adulte. Apprendre à lire est fondamental dans la mesure où cela est absolument nécessaire pour accéder aux autres savoirs de l’école (Delahaie, 1998). Cette place centrale et générative occupée par la lecture est le cadre des recherches et des expérimentations du Service de Santé Scolaire (Service de Promotion de la Santé en Faveur des Elèves, SPSFE) depuis plus de dix ans. Cela s’est traduit par l’élaboration et le développement d’outils de dépistage, de prévention et d’évaluation précoce des retards simples, des risques de développer une dyslexie, des difficultés d’apprentissage de la lecture. Ce travail a commencé à l’initiative d’une infirmière du Nord Isère par la mise au point d’épreuves d’évaluation des capacités de traitement visuel de l’information (Zorman, 1994) et d’un entraînement visuel (Jacquier-Roux, 1998) réalisé en classe dont l’évaluation a montré un effet positif sur la performance de lecture. Pour piloter, coordonner ces études et produire les outils, le Centre Ressources Cogni-Sciences de l’académie de Grenoble a été créé il y a une dizaine d’années. En 1998, il est devenu Laboratoire Cogni-Sciences et Apprentissages

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de l’IUFM 1 de Grenoble en association avec le Laboratoire de Psychologie Expérimentale CNRS, Université P. Mendès France de Grenoble. Dans cet article, nous présentons les résultats de la première partie d’une recherche qui a débuté en 1995 en grande section de maternelle pour mesurer les effets sur l’apprentissage de la lecture d’un entraînement de la conscience phonologique des élèves qui ont de faibles habiletés dans ce domaine.

◆ La conscience phonologique Les études expérimentales réalisées sur la lecture durant ces vingt-cinq dernières années ont mis en évidence l’un des déterminants essentiels des premiers progrès en lecture, qui est en même temps un moyen de la prévention de l’échec de son apprentissage, la conscience phonologique ou capacités métaphonologiques (Bradley,1983 ; Juel,1986 ; Olofsson, 1985 ; Stanovich, 1988 ; Sprenger-Charolles, 1996 ; pour des revues Goswani, 1990 ; Gombert 1992). De nombreuses recherches ont montré les liens entre l’apprentissage de la lecture et la capacité à identifier, à manipuler de façon intentionnelle les unités phonologiques de la langue orale. L’enfant apprend peu à peu à reconnaître les graphèmes qui composent les mots écrits (« ch », « ou », « p », « eu ») et prend conscience des unités phonémiques qui composent les mots parlés ( /s/, /u/, /p/, /œ/). Les mots écrits qu’il rencontre seront alors systématiquement décodés : les différents graphèmes du mot seront individualisés ; à chaque graphème sera associé le phonème correspondant ; les phonèmes seront fusionnés en syllabe, puis en mot permettant de reconstruire la forme phonologique globale du mot et d’en évoquer le sens. On parle quelquefois de médiation phonologique pour exprimer le fait que le sens du mot ne puisse être évoqué qu’après traitement phonologique. Les traitements phonologiques y jouent un rôle fondamental puisque l’enfant doit acquérir des procédures de conversion grapho-phonologique et prendre conscience des unités phonémiques qui composent les mots. Ce stade (alphabétique, Frith, 1985) se caractérise par une lecture lente et analytique pendant laquelle l’enfant se concentre sur le traitement des lettres constituant les mots afin de les décoder sans erreur. La conscience phonologique est un puissant mécanisme d’auto-apprentissage lié à la conception même des écritures alphabétiques. L’élève doit commencer par apprendre le principe général du code alphabétique, puis acquérir un nombre suffisant de correspondances entre les graphèmes et les phonèmes pour 1 Institut Universitaire de Formation de Maîtres.

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commencer à décoder. L’apprentissage de ces premières correspondances permet la mise en place des procédures de déchiffrement qui sont lentes car elles demandent à l’enfant un travail conscient, volontaire et de l’attention. Cette correspondance graphème/phonème va rapidement et progressivement devenir automatique, jouant un rôle moteur et génératif dans l’apprentissage de la lecture. L’acquisition du principe du code alphabétique nécessite que l’enfant prélecteur ait préalablement acquis un début de conscience phonologique. La conscience phonologique (ou capacités métaphonologiques) peut être définie comme l’aptitude à percevoir et se représenter les unités de segmentation non signifiantes de la langue orale comme les syllabes, les rimes, les phonèmes. Les épreuves qui permettent d’évaluer les habiletés métaphonologiques peuvent consister à demander à l’enfant si deux mots riment, de prononcer ce qu’il reste du mot lorsqu’on enlève la première syllabe d’un mot bi-syllabique (enlever /tor/ de torchon, il reste /chon/), pour la conscience phonémique demander de dire ce qui reste si on enlève le premier « bruit » de « Bœuf » → « œu ». Certaines habiletés à segmenter la langue sont plus précoces que d’autres. En particulier, un certain nombre d’enfants de quatre ans sont capables d’identifier les rimes et des syllabes; par contre la sensibilité aux phonèmes est plus tardive : si elle peut être présente avant six ans, elle se développe en même temps que l’apprentissage de la lecture. En résumé, la conscience phonologique peut être définie comme l’aptitude à percevoir, produire et se représenter la langue orale comme une séquence d’unités ou de segments comme la syllabe, la rime, le phonème. L’importance de la médiation phonologique est également démontrée à travers l’étude de cas d’enfants souffrant de troubles sévères d’apprentissages de la lecture. En effet, il a été montré (Valdois, 1996) que la majorité des enfants dyslexiques souffre de troubles phonologiques qui se manifestent par des difficultés importantes de répétition des non-mots et des difficultés à manipuler volontairement les sons qui composent les mots. Il semble donc que des déficits touchant les procédures phonologiques soient à l’origine de troubles sévères d’apprentissage de la lecture. D’autres recherches ont montré que l’entraînement de la conscience phonologique consistant en une pratique régulière d’exercices oraux fait progresser plus rapidement l’enfant prélecteur et favorise l’apprentissage de la lecture (Content 1982, Olofsson, 1983 ; Lundberg, 1988 Vellutino, 1985, Lecocq, 1991). Les habiletés phonologiques sont des compétences qui permettent de traiter les sons élémentaires du langage et de les combiner (syllabes, rimes, pho-

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nèmes). Le système phonologique est une représentation qui permet à l’homme de produire et de mémoriser un nombre indéfini de mots à partir de quelques éléments abstraits sans signification, les phonèmes. La mesure de la conscience phonologique peut se faire à l’aide d’épreuves de reconnaissance et de production de rimes, de découpage syllabique, d’identification et de segmentation phonémique. Depuis une quinzaine d’années, des recherches anglo-saxonnes et quelques-unes en langue française ont été effectuées sur les liens entre le niveau de conscience phonologique et l’apprentissage de la lecture (Bradley et Bryant, Lundberg, Fox et Routh, Stanovitch, Lecocq, Content et Alégria, Lacert et Sprenger-Charolles,...).

◆ En résumé - Des études longitudinales ont montré la valeur prédictive du niveau de conscience phonologique des enfants avant l’apprentissage de la lecture, sur la réussite de celui-ci. - Des recherches ont mis en évidence qu’un entraînement de la conscience phonologique, avant d’apprendre à lire, permet d’améliorer les performances en lecture. Ces travaux montrant la valeur prédictive de la conscience phonologique et l’efficacité de l’entraînement sur l’apprentissage de la lecture ont été réalisés sur de petits effectifs d’enfants, et la plupart d’entre eux sur des enfants de langue anglaise. Notre étude se proposait de vérifier les deux hypothèses énoncées plus haut, mais sur une grande population d’élèves. Pour ce travail, nous souhaitions être aussi proches que possible des conditions normales d’enseignement afin de vérifier les hypothèses dans cette situation et d’en faciliter la reproduction et la diffusion ultérieures. Nous avions aussi comme objectif de mettre au point et de valider des tests simples d’évaluation de la conscience phonologique, rapides à pratiquer dans le cadre du bilan de 5-6 ans réalisé par le Service de Promotion de la Santé en Faveur des Elèves et permettant de dépister les enfants présentant des risques de développer une dyslexie. • L’évaluation de la conscience phonologique sur un large effectif d’élèves de grande section de maternelle et le suivi de cette cohorte sur trois années scolaires (de la grande section de maternelle jusqu’à la fin du CE1) devraient permettre de mesurer le rôle et la part des habiletés phonologiques dans la réussite ou l’échec de l’apprentissage de la lecture.

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• L’entraînement de la conscience phonologique pratiqué en grande section de maternelle devra faire la preuve qu’il peut améliorer de façon significative l’acquisition de la lecture (C.P., C.E.1). 1 Population et méthode La population de cette étude comprend 2265 élèves répartis en 118 classes de grande section de maternelle dans les cinq départements de l’académie de Grenoble (Ardèche, Drôme, Isère, Savoie, Haute-Savoie). Les données ont été recueillies par 37 enquêteurs, médecins et infirmières du service de promotion de la santé de l’Education Nationale. Ces médecins et infirmières ont préalablement participé à une formation. Les 118 classes ont été choisies dans le secteur d’intervention des enquêteurs. Les médecins et les infirmières ont évalué les capacités phonologiques des 2265 enfants à deux reprises, une première fois en décembre 1995 (nous l’appellerons le pré-test), une deuxième fois en juin 1996 (nous l’appellerons le post-test). L’ensemble des tests d’évaluation du niveau phonologique a été enregistré sur cassette. La passation des épreuves a été réalisée avec un magnétophone, tous les enfants avaient les mêmes consignes et les mêmes épreuves prononcées par la même voix afin de limiter les biais dus à la différence de prononciation, à l’intonation ou à la vitesse d’élocution. Pendant les tests phonologiques, l’intervention de l’enquêteur était limitée et avait été codifiée pour mettre les élèves dans des conditions les plus similaires possible. Pour chacun des tests, il y avait des items de démonstration et une consigne énoncée avec un vocabulaire très simple. Ces épreuves étaient à priori difficiles pour les enfants dans la mesure où ils n’avaient que les informations orales de la voix (magnétophone) sans aucun indice non verbal (lecture labiale, mimique,…). Les enfants ont passé d’autres épreuves : - une épreuve de répétition de non-mots, - un test de mémoire à court terme consistant à répéter trois séries de 3, 4 et 5 mots comportant deux et trois syllabes, - une épreuve de vocabulaire (TVAP) passée en mai, - une évaluation de la connaissance des lettres de l’alphabet et du niveau de lecture réalisée en juin. Les tests réalisés en décembre ont été faits dans le cadre du bilan de santé de la 6e année et accompagnés d’un bilan plus global (vision, audition, psychomotricité,...). Les données socio-démographiques, éducatives et de santé ont été recueillies auprès d’un des parents présent au moment de ce bilan.

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La méthode consiste à évaluer la conscience phonologique des 2265 enfants, puis à entraîner les sept enfants par classe qui ont le moins bon niveau de conscience phonologique et ceci dans 69 classes sur 104, pendant 31 jours (février-mars 1996), à raison de 15-20 minutes par jour, puis à effectuer trois mois après une nouvelle mesure de la conscience phonologique avec les mêmes épreuves qu’au pré-test, enfin à comparer les progrès réalisés entre les deux tests par les 2265 élèves et par chacun des quatre groupes définis plus haut. Pour l’analyse, les 2265 élèves sont classés en quatre groupes : • le groupe des élèves entraînés qui est composé des 6-7 (N=473) élèves de la moitié des classes concernées, ayant obtenu les moins bons scores au pré-test, • le groupe contrôle construit par appariement avec les élèves du groupe entraîné regroupant des élèves (N=451) des autres classes ayant en décembre un score de conscience phonologique identique à ceux du groupe entraîné, • le groupe coentraîné (N=841) qui est le groupe des élèves qui étaient dans les classes des élèves entraînés et qui n’ont pas bénéficié de l’entraînement. • le groupe témoin (N=387) qui est le groupe d’élèves des classes qui n’avaient pas d’entraînement, moins les élèves du groupe contrôle. On a comparé les progrès du groupe d’élèves entraînés avec ceux du groupe contrôle (qui a des caractéristiques identiques, mais qui n’a pas bénéficié de l’entraînement) afin d’évaluer l’effet de cet entraînement sur le niveau de conscience phonologique. Les différentes séquences de l’entraînement (Jacquier-Roux,1998) ont été construites à partir de celles de P. Lecocq (1992) et d’une revue de la littérature internationale en sélectionnant les exercices qui avaient montré le plus grande efficacité comme préparation à la lecture. L’entraînement était entièrement oral, il ne comportait pas d’association de lettres ou de graphème pour ne pas anticiper en maternelle sur l’apprentissage de la lecture. Ils avaient donné lieu l’année précédente à une pré-étude de faisabilité (Zorman, 1996), sur une plus petite population d’élèves. Les soixante-neuf enseignants qui ont réalisé les entraînements avaient bénéficié d’une demi-journée de formation. 2 Évaluation de la conscience phonologique 2.1 Performance des élèves Tous les élèves ont passé la même épreuve de conscience phonologique comportant 52 items, en décembre et en juin de la grande section de maternelle.

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Les figures 1 et 2 qui représentent la distribution de la moyenne des scores des élèves sont assez proches de courbes normales (courbe en cloche) et mettent en évidence les progrès des élèves enregistrés dans les épreuves métaphonologiques. L’évaluation de la conscience phonologique comportait six épreuves : - reconnaissance de rimes (8 items): il faut trouver, parmi trois mots, le mot qui rime avec le mot cible ex : galette/ manteau, cahier, dînette. - comptage syllabique (8 items), il faut dire (ou montrer avec les doigts) le nombre de syllabes d’un mot (qui compte une, deux ou trois syllabes). - suppression syllabique (12 items), il faut enlever la première syllabe, la dernière ou celle du milieu et prononcer ce qui reste, (4 items pour chacun), ex : chapeau/ peau. - identification de consonnes (8 items), il faut trouver, parmi trois mots, celui qui ne commence pas par le même bruit que le mot cible, ex : main/ puits, mur, moi. - nommer la consonne initiale (8 items), il faut prononcer le phonème de début de huit mots, ex : faim, /f/. - suppression de phonèmes (8 items), il faut supprimer le premier bruit du mot et dire ce qui reste, ex : Bœuf →/ œuf/.

Figure 1 : Distribution des scores phonologiques du pré-test (Total des 6 épreuves ; 12/1995)

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Figure 2 : Distribution des scores phonologiques du post-test (5/1996)

2.2 Performance en fonction de l’âge Au pré-test (décembre, figure 3) on constate que la moyenne des scores obtenus par chaque groupe pour quatre épreuves (rimes, deux épreuves de syllabes, et nommer la consonne), met en évidence que plus les élèves sont jeunes, moins bon est leur score en phonologie. Les résultats aux épreuves de phonèmes sont faibles tout particulièrement pour la suppression du premier phonème. Le

Figure 3 : Scores moyens aux épreuves phonologiques du pré-test en fonction de l’âge

147

groupe des élèves les plus jeunes a des performances significativement inférieures à celles des deux autres groupes. Aux mêmes épreuves en juin (figure 4), les enfants ont globalement progressé. Les différences en fonction de l’âge ont pratiquement disparu, mais les scores aux épreuves phonémiques restent bas. On peut remarquer qu’à âge égal, les élèves ont un meilleur score de conscience phonologique en juin qu’en décembre. Ceci met en évidence que les capacités métaphonologiques ne sont pas principalement liées au développement de l’enfant mais à sa confrontation avec la langue. Cette différence à âge égal entre juin et décembre est imputable à l’école qui développe la conscience phonologique à travers les différentes activités de langage dispensées. 2.3 Conscience phonologique en fonction du niveau scolaire de la mère 2

Figure 4 : Scores moyens aux épreuves phonologiques au post-test en fonction de l’âge

Nous n’avons pris en compte que les élèves en deçà d’un écart type de la moyenne (les 20 % ayant les moins bons scores phonologiques) et au-delà d’un écart type de la moyenne (les 14 % qui ont le meilleur score phonologique). Les pourcentages, à plus ou moins un écart type, correspondent à la proportion d’enfants pour un même diplôme de la mère. Par exemple, pour le prétest, 35 % des enfants dont la mère a un niveau scolaire de primaire ont un écart 2 Parmi les variables socio démographiques, (catégorie socio-professionnelle du père, de la mère, niveau de diplôme des parents) c’est le niveau de diplôme de la mère qui est le plus corrélé aux résultats scolaires des enfants.

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type de moins que la moyenne et 6 % ont un écart type de plus que la moyenne et donc 59 % (ceux qui ne sont pas représentés sur l’histogramme) sont entre les deux.

Figure 5 : Pourcentage d’enfants à moins et plus un écart type selon le diplôme de la mère (ET = écart type)

L’histogramme de la figure 5 montre qu’il y a une forte relation entre le niveau de diplôme des mères et le niveau de conscience phonologique des enfants. Moins le niveau de diplôme de la mère est élevé, moins l’enfant maîtrise de façon consciente la structure sonore de la langue. Entre le pré-test et le post-test (six mois d’école) les écarts entre les élèves ne se sont pas modifiés. Nous avions recueilli l’âge d’entrée à l’école. Nous avons constaté que les enfants dont les mères ont un niveau de scolarité de primaire et qui sont entrés à l’école avant deux ans six mois ont des scores en conscience phonologique significativement supérieurs à ceux dont la mère a le même niveau scolaire, mais qui sont entrés à l’école après trois ans ou plus. Cet avantage n’est pas retrouvé pour les enfants dont les mères ont un niveau scolaire secondaire ou supérieur. 3 Niveau de lecture et de vocabulaire 3.1 Connaissance des lettres de l’alphabet et lecture de mots Au mois de juin, les enquêteurs ont évalué le niveau de reconnaissance des lettres de l’alphabet et le niveau de lecture des élèves. Ces épreuves compre-

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naient une lecture de cinq voyelles, le nom de cinq consonnes, le son de cinq consonnes, la lecture de trois mots de trois lettres (VCV : « ami » ou CVC : « car ») et de trois non-mots de trois lettres (VCV : « ima », CVC : « dic »). Tableau n° 1 : Pourcentage d’élèves lisant des mots et des non-mots en fin de maternelle

0 1 2 3

LECTURE DE MOTS (ami, car, ose) 95 % 2% 1% 2%

LECTURE DE NON MOTS (ima, dic saf) 96 % 1% 1% 2%

Les cinq voyelles sont lues par 37 % des élèves, 9 % n’en lisent aucune. En moyenne, les élèves lisent trois voyelles en fin de grande section de maternelle. Les cinq consonnes sont lues par 29 % des élèves, 26% n’en lisent aucune, la moyenne de consonnes lues est de 2,5. 6% connaissent les cinq sons de consonnes, 75 % des enfants ne connaissent aucun des sons. Pour les mots, comme le montre le tableau n° 1, 95 % des élèves ne lisent aucun des trois mots, 2 % en lisent un et 2 % en lisent trois. Pour les non-mots, les résultats sont identiques, 2 % seulement lisent les trois non-mots. Ces résultats confirment qu’en fin de maternelle, il y a très peu d’enfants qui savent lire : 2 % ce qui correspond à un élève toutes les deux classes. Il est intéressant de constater que ce sont les mêmes élèves qui lisent les trois mots et les trois non-mots. Sur les 41 élèves qui lisent trois mots en fin de maternelle, 36 lisent les trois non-mots, 4 lisent deux non-mots et 1 un non-mot. Ces résultats montrent que les enfants qui savent lire les mots ont déjà mis en place la voie de lecture par médiation phonologique du modèle à deux voies (Frith, 1985,1986 ; Harris, 1986 ; Morton, 1989) car ils savent lire les non-mots qu’ils n’ont pas pu rencontrer avant ce test. 3.2 Vocabulaire actif et passif (TVAP) En juin, les élèves ont passé une épreuve de vocabulaire, le TVAP (Test de vocabulaire actif et passif) qui consiste à définir verbalement (actif) des mots comme hiver, château, bâiller puis à les reconnaître parmi différentes images dont certaines sont proches sur le plan sémantique ou sonore. Les résultats se répartissent sur une courbe normale et témoignent de l’existence d’un assez grand écart entre les élèves.

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Figure 6 : Distribution des scores au TVAP (actif+passif) score sur 60

La relation entre la performance des élèves et le niveau de diplôme des mères met en évidence, comme pour la conscience phonologique, un gradient continu entre le niveau scolaire des mères et le niveau de vocabulaire (langage) des enfants. Les différences illustrées par la figure 7 sont significatives sur le plan statistique et se retrouvent aussi bien pour le vocabulaire passif qu’actif.

Figure 7 : Score moyen au TVAP en fonction du niveau de diplôme de la mère

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4 Effet de l’entraînement phonologique Au total, 473 enfants ont été entraînés. Ils avaient tous un score faible au pré-test (entre 0 et 19 /52) [19 représente à peu près la médiane de la distribution des élèves (50 %)]. Pour analyser l’effet de l’entraînement sur la conscience phonologique, nous avons choisi, dans le groupe témoin, les enfants qui avaient un score de 0 à 19 au pré-test (n=451). Ils constituent le groupe contrôle. 4.1.Comparaison des deux groupes en fonction des scores au post-test Les deux groupes ont progressé pendant l’année scolaire : une comparaison des moyennes des scores à chacun des deux tests dans chaque groupe montre que la différence constatée est significative (p<10-3). Dans chaque groupe, la différence entre les deux moyennes représente le progrès réalisé par les élèves entre le pré-test et le post-test. Tableau n° 2 : Comparaison des scores du pré-test et du post-test pour les deux groupes

entraîné contrôle

pré-test moyenne 9,8 12,1

post-test moyenne 24,5 20,5

différence (progrès) 14,7 8,4

p 0,0001 0,0001

La comparaison des progrès réalisés dans les deux groupes montre une différence significative (p<0,01) ; le groupe entraîné a plus progressé que le groupe contrôle. Les progrès sont plus importants dans le groupe entraîné pour toutes les épreuves comme le montre la figure 8. Les progrès sont particulièrement importants dans les épreuves de suppression syllabique et phonémique. 4.2-Comparaison intra-groupe La progression enregistrée pour chaque groupe n’est pas due à une forte progression de quelques uns ; elle est présente pour tous les élèves du groupe. Sur la figure 9 on voit par exemple que les élèves qui avaient 8 au score phonologique en décembre ont progressé pour le groupe entraîné de 16 points en juin et pour le groupe contrôle de 9 points. Pour tous les scores, la différence est statistiquement significative (p<0,01) à l’exception de 0 et de 5. Au total, les élèves, quel que soit leur niveau de départ aux épreuves phonologiques, ont plus progressé dans le groupe entraîné que dans le groupe contrôle. La figure 9 montre que les progrès du groupe entraîné ne sont pas dus à certains des élèves, tous les élèves ont plus progressé dans le groupe entraîné que dans le groupe contrôle.

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Figure 8 : Progrès phonologique pour chacune des épreuves

Figure 9 : Comparaison des progrès en phonologie en fonction du score du pré-test

4.3-Comparaison avec les autres groupes de notre population Outre le groupe entraîné et le groupe contrôle, les 2 autres groupes étaient le groupe témoin et le groupe coentraîné définis plus haut (Population et méthode).

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Tableau N° 3 : Comparaison des scores pré, post-test pour les différents groupes

témoin coentraîné entraîné contrôle

Progrès entre le pré et le post-test (différence) 4,43* 6,76* 14,75* 8,40*

* Les différences de progrès des 4 groupes sont significatives sur le plan statistique à p<0,01. Le groupe coentraîné progresse plus que le groupe témoin, cette différence pourrait s’expliquer par une contagion avec le groupe entraîné ou du moins avec l’activité d’entraînement phonologique pratiquée par un groupe dans la classe. Les figures 10 et 11 mettent en évidence les différences de score de conscience phonologique avant et après l’entraînement. On note qu’en décembre le groupe qui va être entraîné a des performances faibles et nettement en dessous du groupe contrôle. Après l’entraînement, les positions se sont inversées et le groupe entraîné est très proche de la moyenne du groupe dénommé « Tous » qui est composé des groupes témoin et coentraîné. Le groupe contrôle se situe pour toutes les épreuves en dessous du groupe entraîné. À l’épreuve de suppression de phonème, le groupe entraîné a fortement progressé au point de dépasser le groupe « Tous » alors que pour cette même épreuve le groupe contrôle n’a pratiquement pas progressé. Ce constat pourrait avoir une certaine importance dans la mesure où les performances de lecture semblent fortement influencées par la conscience phonémique.

Figure 10 : Moyennes des scores par épreuve au pré-test en fonction des groupes

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◆ Résumé et discussion Dans le cadre du bilan de santé de la 6e année, le service de santé scolaire de l’académie de Grenoble a évalué la conscience phonologique de 2265 élèves de la grande section de maternelle en décembre et en juin. Nous avons pu noter qu’au début de l’année les enfants les plus jeunes sont moins performants que les autres, mais qu’après six mois d’école tous les enfants avaient progressé et les différents groupes d’âge avaient tendance à s’homogénéiser. Ceci met en évidence le rôle de l’école et des exercices de langage qui y sont développés.

Figure 11 : Moyennes des scores par épreuve au post-test en fonction des groupes

Nous avons constaté que le niveau de conscience phonologique était fortement déterminé par le niveau de diplôme de la mère. Les écarts entre les enfants dont la mère avait un niveau d’étude primaire et ceux dont la mère avait le Baccalauréat ou plus n’étaient pas diminués après six mois d’école. Ce même type de constat a pu être fait en ce qui concerne le niveau de langage et de vocabulaire. Plus l’enfant a été élevé dans un milieu culturellement défavorisé, où la pratique langagière est fruste ou peu développée, moins il a l’occasion d’acquérir et d’exercer les connaissances et compétences linguistiques et métalinguistiques nécessaires à l’apprentissage de la lecture. Nous avons aussi montré qu’un entraînement phonologique en petit groupe des enfants les plus faibles en capacités métaphonologiques leur permettait de faire des progrès significativement supérieurs à ceux qui n’en bénéficiaient pas. Il reste à vérifier que le bénéfice constaté pourra se réinvestir dans l’apprentissage de la lecture jusqu’en CE1. Ce type d’entraînement devrait aussi

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être réalisé en même temps que l’apprentissage de la lecture en CP et au-delà pour les élèves qui nécessitent la mise en place de remédiations pédagogiques. Cette première partie de l’étude a aussi permis de mettre au point et d’étalonner des épreuves de conscience phonologique, de mémoire à court terme, de vocabulaire, qui permettront aux équipes de santé scolaire d’évaluer et de dépister les enfants à risque de développer une dyslexie. Ceci pourrait permettre soit une prise en charge préventive avant que l’enfant n’apprenne à lire, soit de revoir cet enfant après le premier trimestre de CP pour vérifier s’il a pu faire des acquisitions et dans le cas contraire d’envisager une rééducation sans attendre. Une dyslexie diagnostiquée et traitée précocement accompagnée d’un aménagement scolaire va éviter à l’enfant la situation d’échec scolaire et l’incompréhension du milieu scolaire et familial. Des échanges, des rencontres, une collaboration entre le service de santé scolaire et les orthophonistes ne peuvent qu’être bénéfiques aux enfants présentant des retards ou des troubles du langage oral et/ou écrit.

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Entraînement à la parole et au langage acoustiquement modifiés : une relation entre l’entraînement à la discrimination auditive du mot et les mesures d’évolution du langage Steven L. Miller, Nancy Linn, Paula Tallal, Michael M. Merzenich, William M. Jenkins Résumé La relation entre la performance à un programme d’apprentissage du langage assisté par ordinateur (Fast ForWord) et l’évolution du langage au Clinical Evaluation of Language Fundamentals - Third Edition (CELF-3) a été explorée. Les résultats montrent globalement que les enfants avec des problèmes de langage font des progrès significatifs dans certains domaines de performance en langage réceptif et expressif, tels que mesurés par le CELF-3, après entraînement avec le Fast ForWord. Les résultats montrent que la performance pendant le programme d’entraînement est en relation non linéaire avec les performances ultérieures de jeu et l’évolution du langage. Les enfants ont été divisés en trois groupes d’après leur performance à l’entraînement du Fast ForWord, mesurée par le pourcentage d’entraînement accompli, qui atteignait un maximum de différenciation au 20ème jour de l’entraînement. Les trois groupes suivants ont été identifiés : le groupe I (performance supérieure à la moyenne) comprenait des enfants dont les performances au jeu était réalisées à plus de 90% ; le groupe II (performance moyenne) était constitué d’enfants ayant réalisé de 20 à 90% des exercices, et le Groupe III (performance inférieure à la moyenne) regroupait les enfants ayant réalisé moins de 20 % des exercices d’entraînement. Les enfants du groupe I ont terminé la majorité des jeux à un niveau supérieur à 90% dans le cadre d’un entraînement continu. Les enfants du groupe II ont augmenté leur performance à un niveau de 90 % ou plus à la majorité des autres exercices, mais plus lentement que les enfants du Groupe I. Il était rare que les enfants du Groupe III parviennent à améliorer leur maîtrise des exercices au delà d’un niveau de 20 % aux autres jeux avec la poursuite de l’entraînement. Globalement, les enfants ayant bénéficié du FFW ont amélioré leurs scores au CELF à la fois sur le versant expressif et réceptif (F (2, 100) = 73,195, p < .0001). Cependant, la performance à l’entraînement a révélé une dissociation intéressante entre les groupes dans les résultats réceptifs et expressifs. L’amélioration du quotient réceptif du CELF ne distingue pas significativement les trois groupes de niveaux de performance différents à l’entraînement. En revanche, les trois groupes présentaient une différence significative dans leurs progrès aux mesures de langage expressif. Les progrès en langage expressif étaient les plus importants chez les enfants avec la plus haute performance d’entraînement (groupe III). Mots clés : apprentissage du langage, rééducation du langage, Fast ForWord, langage réceptif, langage expressif, conscience phonologique.

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Acoustically modified Speech and Language Training: A Relationship between Auditory Word Discrimination Training and Measures of Language Outcome Abstract The relationship between performance on a computer-based language learning program (Fast ForWord) and language outcomes on the Clinical Evaluation of Language Fundamentals - Third Edition (CELF-3) was explored. Overall, results demonstrate that children with language problems make significant improvements in several areas of receptive and expressive language performance, as measured by the CELF-3, following training with Fast ForWord. Results show that performance during the training program revealed a non-linear relationship with subsequent game performance and language outcomes. Children were divided into 3 groups based on their Fast ForWord training performance, measured as the percent of training completed, which reached maximal differentiation on the 20th day of training. The following three groups were identified: Group I (Above Average Performance) consisted of children whose game performance was above 90% complete, Group II (Average Performance) children reached between 20% and 90% complete, and Group III (Below Average Performance) children had completed less than 20% of the training exercises. Group I children finished a majority of the games above 90% complete with continued training. Group II children increased their performance to 90% complete or greater on a majority of the other exercises but more slowly than the children in Group I. Group III children were unlikely to improve their mastery of the exercises to a level of above 20% completion on the other games with continued training. Overall, the children who went through FFW improved on both the CELF receptive and expressive language scores (F (2, 100) = 73,195, p < .0001). However, training performance did reveal an interesting dissociation among the groups in receptive and expressive results. The improvement on the CELF receptive quotient did not significantly differ among the three groups differing in training performance. In contrast, there was a significant difference in improvement on measures of expressive language among the three groups. Expressive language improvements were the largest in children with the highest training performance (Group III). Key Words: language learning, language remediation, Fast ForWord, receptive language, expressive language, phonologicial awareness.

Paula Tallal, Ph.D. est aussi Professeur et co-directeur au Département des Neurosciences, Center for Molecular and Behavioral Neuroscience, Rutgers, The State University of New Jersey Michael M.Merzenich est le Sooy Professor au William M. Keck Center for Integrative Neuroscience, University of California, San Francisco Medical Center, San Francisco, CA 94143-0732 Toute correspondance concernant cet article peut être adressée à : Steven L. Miller, Ph.D. Suite 400, 1995 University Avenue, Berkeley, CA 94704.

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Steven L. MILLER Nancy LINN Paula TALLAL Michael M. MERZENICH et William M. JENKINS Scientific Learning Corporation Berkeley, CA 94704 E-mail : [email protected]

A

u cours des dernières années, il y a eu un intérêt grandissant pour l’évaluation de l’efficacité de différents traitements ou programmes d’éducation. Cette évaluation peut être séparée en deux parties. La première partie est une évaluation permettant de déterminer si le programme en question apporte un bénéfice direct ou non. Cette évaluation est généralement menée sur une population ou condition bien ciblée, avec un contrôle expérimental rigoureux de tout facteur extérieur pouvant systématiquement biaiser l’étude. Généralement, durant cette phase le programme est statistiquement comparé à des sujets contrôles non traités en utilisant une série de procédures objectives qui réunissent les critères d’un échantillon contrôle établi de manière aléatoire. Il est important de noter que les procédures et mesures d’évolution employées dans une étude d’efficacité ont peu de caractéristiques communes avec celles du praticien. C’est un point qui peut expliquer certaines suggestions récentes faites aux chercheurs et praticiens d’utiliser différents résultats de recherche dans leur choix de nouvelles approches thérapeutiques (Kamhi, 1999).

La seconde étape permettant de déterminer l’utilité d’un programme thérapeutique devra inclure une évaluation des facteurs associés au sujet qui pourraient contribuer à son efficacité (âge, sexe et histoire médicale), ainsi que des variables liées au programme (durée du programme et intensité). Des facteurs qui dans l’étude initiale d’efficacité ont pu être expérimentalement contrôlés en laboratoire, ne pourront pas l’être par des praticiens individuels parce que cette démarche est trop contraignante. Comme on s’en doute, ce type de contraintes (financières ou autres) influence considérablement l’adoption d’un programme par les praticiens. Dans cet article, nous discuterons du programme d’entraînement par ordinateur Fast ForWord et de deux variables de performance qui influencent les mesures d’évolution obtenues : pourcentage de réussite aux exercices et durée

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de l’entraînement. Ces deux mesures simples ont été sélectionnées car nous pensons qu’elles ont un impact sur tout programme d’entraînement efficace.

◆ Principes de base du Fast ForWord Dans des articles précédents, nous avons décrit une méthode efficace d’entraînement adaptatif par ordinateur permettant d’améliorer les problèmes de réception de la parole et de compréhension du langage chez des enfants avec des troubles d’apprentissage du langage (Merzenich et al., 1996 ; Tallal et al., 1996 ; Merzenich et al., sous presse). Cette approche était fondée sur une série de données venant de champs de recherche traditionnellement séparés sur les troubles développementaux et la plasticité cérébrale. Les recherches sur les enfants avec des troubles développementaux du langage et des apprentissages suggéraient qu’une proportion non négligeable ne décomposait pas avec exactitude la fine structure spectro-temporale de la parole (Liberman et al., 1974 ; Tallal & Piercy, 1974 ; 1975 ; Leonard, McGregor ; Allen, 1992 ; Leonard, 1997). De plus, les études psychophysiques auditives menées auprès de ces populations trouvent une détection et une reconnaissance inversées anormalement fortes, qui masquent des interférences entre des inputs acoustiques successifs rapides, y compris la parole (Tallal & Piercy, 1973 ; Protopapas et al., 1997 ; Wright et al., 1997 ; Farmer & Klein, 1995 ; Stein & McNally, 1995 ; de Weirdt, 1988 ; Stark & Heinz, 1996 ; Cornelissen et al., 1996). Les études empiriques portant sur la petite enfance suggèrent que les problèmes de réception d’un signal acoustique complexe (la parole) peuvent être démontrés dès les six premiers mois de la vie (Benasich & Tallal, 1996), une période critique du développement pour la mise en place des catégories phonétiques. En plus des problèmes en grammaire, syntaxe et sémantique, ce problème interfère avec la capacité à faire des progrès en rapport avec l’âge en langage et en acquisitions scolaires. De nombreuses recherches ont montré le rôle critique que l’expérience précoce a sur le développement du langage. Par exemple, l’expérience du bébé qui avec un langage spécifique altère ses perceptions phonétiques préférentiellement pour ce langage dans les premiers mois de vie (Kuhl, 1994 ; Kuhl et al., 1992 ; Eimas, Miller & Jusczyk, 1987). Des troubles transitoires, tels que les otites moyennes, gênant les capacités des enfants à décomposer les détails spectro-temporaux dans les inputs acoustiques complexes, peuvent retarder et dégrader le développement de la parole et du langage et l’évolution scolaire ultérieure (Gravel & Wallace, 1995 ; Roberts, Wallace & Henderson, 1995). Il est donc envisageable que beaucoup d’enfants avec des troubles d’apprentissage du langage aient de façon persistante des capacités de réception acoustique dégradées qui étaient inefficaces dans l’induction ou le maintien des progressions d’ap-

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prentissage du langage. En conséquence, des progressions du langage inefficaces ou moins efficaces se sont développées et deviennent solidement installées après des années de pratique. Ces antécédents d’apprentissage inefficace constituent des aspects importants du développement cérébral qui compliquent ensuite la prise en charge de l’enfant présentant des problèmes de langage et d’apprentissage. Nous pensons que les problèmes d’apprentissage du langage dont la base est biologique pourraient sans doute exiger (ou être exacerbés) par, un autre type de progression d’apprentissage du langage, dans un cerveau ayant par ailleurs des capacités d’apprentissage normales. Certaines études venant des neurosciences intégratives et comportementales ont démontré qu’un entraînement dirigé pouvait améliorer de manière significative la distinction et l’identification correctes et fidèles d’inputs sensoriels changeant et se succédant rapidement. Ces résultats ont été obtenus sur une période limitée d’entraînement adaptatif intensif chez des sujets adultes (Karni & Sagi, 1991 ; 1993 ; Merzenich et al., 1996). Les représentations neurologiques, dans le cortex cérébral, de stimuli changeant rapidement ou se succédant rapidement sont soumis à des effets puissants d’apprentissage qui sont dus à la plasticité cérébrale et qui sont indépendants de l’âge (Recanzone, Merzenich & Schreiner, 1992 ; Wang, Merzenich, Sameshiman, Jenkins, 1995 ; Kilgard & Merzenich, 1998 ; Merzenich & deCharms, 1996 ; Merzenich & Jenkins, 1995). A partir d’études sur la plasticité corticale dans les apprentissages de compétences, conduites essentiellement sur des modèles animaux, nous avons formulé l’hypothèse que de nets progrès en langage réceptif peuvent être réalisés chez ces enfants grâce à une période relativement limitée d’entraînement intensif et très ciblé de la réception de la parole et du langage. De plus, on peut prédire de la recherche sur la plasticité corticale qu’une clarification des représentations neurologiques des signaux acoustiques de la parole favoriserait des formes neurologiquement plus saillantes et mieux distribuées de représentations de la parole, ce qui aurait à son tour un impact important sur les opérations perceptives et cognitives associées au langage. S’appuyant sur ces deux lignes de recherche, Michael Merzenich et William Jenkins de l’Université de Californie au Medical Center de San Francisco ainsi que Paula Tallal et Steve Miller de l’Université de Rutgers dans le New Jersey ont développé une série d’exercices d’entraînement auditifs à la parole et au langage, déguisés en « jeux sur ordinateur ». Le but de ces exercices était de procurer un entraînement systématique 1) pour augmenter progressivement le taux de traitement acoustique des enfants avec un trouble du langage et 2) pour entraîner spécifiquement les enfants à des exercices gradués visant à améliorer les capacités phonologiques, grammaticales et syntaxiques. De plus,

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une nouvelle forme de parole altérée par ordinateur (modifiée acoustiquement) a été appliquée, dans laquelle les composantes successives rapides de la parole continue étaient initialement allongées (séparées) dans le temps et différemment amplifiées (plus fortes). Une série de sept exercices sur ordinateur a été programmée en utilisant une série d’algorithmes d’apprentissage procurant systématiquement différents niveaux de difficultés pour chaque enfant, et dans certains cas s’adaptant à chaque enfant, suivant essai par essai sa progression d’apprentissage. Grâce à ces exercices adaptatifs sur ordinateur, les enfants seront entraînés à faire progressivement plus de distinctions adaptées d’inputs verbaux et non verbaux, ainsi qu’à les traiter de façon exacte et à les comprendre de façon plus rapide (moins modifiés acoustiquement). Le but final de ces sept exercices, qui formeront ensuite le programme d’entraînement nommé Fast ForWordTM, était d’atteindre une capacité normale à distinguer rapidement des événements acoustiques successifs, ainsi qu’une capacité à traiter les parties phonologiques de la parole naturelle présentes dans les mots et les phrases.

◆ Recherche antérieure utilisant un entraînement par ordinateur de la parole acoustiquement modifiée et du langage Etude 1 : Les effets de l’entraînement direct au traitement temporel et à la compréhension du langage avec une parole temporellement modifiée ont été évalués en comparant les scores aux tests pré- et post-entraînement de traitement auditif, de discrimination de la parole, de compréhension verbale et de grammaire réceptive chez sept enfants ayant des troubles significatifs de l’apprentissage du langage (moyenne d’âge chronologique 7 ans 3 mois). Les enfants ont été soumis aux exercices d’entraînement pendant environ deux heures par jour, cinq jours par semaine, sur quatre semaines consécutives de l’été 1994. Une analyse de variance à mesures répétées comparant les performances pré- et post-test de chaque enfant à toutes les mesures standardisées de parole et de langage a montré que les performances se sont significativement améliorées (Figure 1, F (1,6) = 200,1, p < .001). L’amplitude de l’amélioration variait selon l’enfant et la tâche, mais une amélioration moyenne d’environ un an et demi à deux ans a été enregistrée, le groupe des enfants LLI (Troubles d’apprentissage du langage) se rapprochant des limites de la normale pour leur âge en discrimination de la parole et compréhension du langage (voir Merzenich et al., 1996 ; Tallal et al., 1996, pour une description complète de cette étude). Les résultats de cette étude étaient spectaculaires, tant dans l’amplitude que dans la période de temps relativement courte sur laquelle ils ont été obtenus. Ces résultats encourageaient fortement la poursuite de l’utilisation du programme chez les enfants avec des troubles d’apprentissage du langage. Cepen-

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dant, beaucoup de questions importantes restent sans réponse. Les manipulations acoustiques temporelles adaptatives de la parole et l’intensité de l’entraînement du langage, deux éléments fondamentaux du programme, peuvent contribuer de manière différentielle aux gains langagiers mesurés. Une seconde étude plus vaste avec un groupe contrôle apparié a été débutée pour répondre à cette question importante. Etude 2 : Pour répondre à cette question, une seconde étude plus large a eu lieu en été 1995. Non seulement cette étude visait à reproduire les résultats de l’étude 1, mais l’addition d’un groupe contrôle cherchait à évaluer la spécificité de l’entraînement à la parole et au langage acoustiquement modifiés et de l’entraînement au traitement temporel versus l’intensité du programme d’entraînement. Vingt-deux enfants ont participé à l’étude 2 (âge moyen 7 ans 4 mois ; âge moyen de langage 4 ans 9 mois). Ils ont été sélectionnés selon les mêmes critères que pour l’étude 1. La méthodologie de l’étude 1 a été reprise avec quelques modifications des exercices (voir Merzenich et al., 1996 ; Tallal et al., 1996, pour une description plus complète de cette étude). Les enfants ont été placés de manière aléatoire dans l’un des deux groupes selon les procédures stratifiées suivantes : deux groupes appariés sur la base de leur QI non verbal, leurs capacités de langage réceptif, sexe et âge, au test de pré-entraînement. Pour évaluer la spécificité ainsi que l’efficacité de l’entraînement à la parole acoustiquement modifiée et de l’entraînement temporel, nous avons présenté à la moitié des enfants 1) les jeux sur ordinateur qui entraînaient de manière adaptative au traitement temporel et 2) les exercices de langage enregistrés avec parole acoustiquement modifiée (groupe de parole modifiée). Les autres enfants LLI ont reçu essentiellement le même entraînement, mais avec 1) des jeux sur ordinateur qui n’étaient pas temporellement adaptatifs et 2) exactement les mêmes exercices de langage mais avec une parole naturelle non modifiée (groupe de parole naturelle). Les enfants des deux groupes ont participé ensemble pour qu’ils soient dans les mêmes conditions de renforcement, d’encouragement, de rééducation de la parole et d’entraînement par ordinateur. Ainsi, les effets plus généraux d’attention, de motivation, de renforcement et d’exposition en laboratoire à une rééducation rigoureuse et quotidienne de la parole, étaient les mêmes pour les deux groupes. Il n’y avait pas de groupe contrôle « placebo » au sens usuel du terme. Disons plutôt que les deux groupes recevaient le même traitement, l’un avec une modification temporelle et l’autre sans. Une comparaison des deux groupes de traitement aux mesures de préet post-entraînement a montré que les performances se sont significativement améliorées (F(1,20) = 34,18, p<.001), reproduisant les résultats de l’étude 1.

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Cependant, comme prévu, l’amélioration du groupe d’entraînement par parole modifiée était significativement plus importante que celle du groupe qui avait reçu essentiellement la même intensité d’entraînement, mais avec une parole naturelle non modifiée (F (120) = 5,44, p< .015). De nouveau, comme dans l’étude 1, il y avait une corrélation significative entre l’amélioration du seuil de l’enfant pour correctement séquencer et segmenter des tonalités « balayantes » auditives non verbales présentées de façon successive rapide et l’évolution postentraînement du langage réceptif de l’enfant (r = .89 ; p<.01). De plus, le degré de diminution des seuils temporels était significativement corrélé à l’évolution du langage réceptif post-entraînement (Etude 1 ; Figure 2a ; r = .81, p<.05). Conclusion des études d’entraînement : Dans les études précédentes, nous posions la question de savoir si une manipulation directe des composantes temporelles de la forme continue de l’onde acoustique de la parole, associée à un entraînement visant à réduire les seuils d’intégration temporelle, permettaient d’améliorer la perception de la parole et du langage. Pour répondre à cette question, nous avons développé un algorithme sur ordinateur qui accentuait (en les amplifiant et les allongeant) les aspects du signal acoustique (changements temporels rapides), dont on sait qu’ils sont traités de manière défectueuse par beaucoup d’enfants LLI. Ensuite, la parole acoustiquement modifiée a été intégrée dans une série « d’exercices » sur ordinateur qui devaient, de manière adaptative, conduire à des réductions de seuils d’intégration temporelle des stimuli non verbaux et verbaux. Nous avons modifié la parole continue en temps réel sous la forme d’une série d’exercices d’entraînement de la parole et du langage et avons exposé de manière intensive les sujets à ce signal de parole modifiée durant quatre semaines. Les résultats ont montré une diminution significative des seuils d’intégration temporelle associée à une très nette amélioration dans tous les domaines de parole et langage réceptifs évalués. De plus, les changements de seuils temporels étaient fortement corrélés aux progrès langagiers (Merzenich et al., 1996 ; Tallal et al., 1996). Il est important de noter que les résultats de l’étude 1 ont été reproduits sur un échantillon indépendant d’enfants LLI dans l’étude 2. Dans l’étude 2 de reproduction, la spécificité de l’amélioration en parole et langage a été démontrée par comparaison avec un groupe contrôle qui a bénéficié de la même thérapie et de la même intensité d’entraînement, mais sans modification adaptative acoustique de la parole. Le groupe soumis au traitement temporel adaptatif s’est significativement plus amélioré que le groupe ayant reçu le même traitement, mais sans modification temporelle adaptative. Deux autres points importants de l’étude 2 méritent d’être discutés. Une amélioration significative a été obtenue non seulement pour la parole acoustiquement modifiée, mais aussi pour la

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parole naturelle non modifiée, après un mois d’entraînement intensif du langage réceptif avec parole temporellement modifiée. De plus, une partie significative des progrès résultant de l’entraînement était encore présente douze semaines plus tard (investigation de suivi), suggérant que l’amélioration des capacités de traitement s’est maintenue. L’investigation suivante avait pour but d’évaluer le degré de généralisation au langage expressif de l’entraînement adaptatif de la parole acoustiquement modifiée.

◆ Méthodologie Sujets Les sujets étaient 216 enfants (152 garçons et 64 filles) chez lesquels 78 orthophonistes avaient repéré la présence d’un trouble du langage réceptif. Les scores moyens de langage expressif et réceptif des sujets étaient inférieurs à un écart type à une évaluation standardisée du langage réceptif. L’âge moyen de l’échantillon était de 8 ans 9 mois (écart type de 2 ans 6 mois), la distribution allant de 4 ans 2 mois à 18 ans 9 mois. Instruments et Procédure Programme d’entraînement Fast ForWord : Fast ForWord est un programme d’entraînement assisté par ordinateur, basé sur un entraînement à la parole et au langage acoustiquement modifiés, décrit ci-dessus et de manière plus détaillée dans d’autres publications (Merzenich et al., 1996, Nagarajan et al., 1998). L’enfant a des écouteurs pour entendre les instructions ou les stimuli et utilise la souris de l’ordinateur pour répondre. Le programme d’entraînement comprend sept exercices présentés sous forme de jeux sur ordinateur qui sont organisés de telle façon que l’enfant entraîne d’abord ses capacités de réception acoustique de base et progresse vers des exercices visant à améliorer ses compétences syntaxiques et sémantiques. Chaque exercice d’entraînement (jeu) commence par un entraînement à cet exercice, à un niveau où la plupart des enfants peut réussir. Le niveau de difficulté est continuellement adapté pour que l’enfant obtienne des réponses correctes à la majorité des exercices (environ 80%). Initialement, les éléments acoustiques brefs et changeants de la parole (Block Commander, Language Comprehension Builder, Phonic Match, and Phonic Word) ou les signaux acoustiques (Circus Sequence, Old McDonald’s Flying Farm, et Phoneme Identification) étaient rallongés dans le temps ou amplifiés. Au fur et à mesure que l’enfant progressait, les éléments acoustiques et les signaux se rapprochaient adaptivement des vitesses de parole normale. Le dernier niveau de tous les exercices d’entraînement était une parole ou des signaux

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acoustiques normaux non modifiés. Pendant les jeux, l’enfant était informé de ses performances à chaque essai. Après une réponse incorrecte, la réponse correcte était montrée avant de présenter l’essai suivant. Les réponses correctes étaient récompensées par des sons, des lumières, des indicateurs de progrès, des animations à l’écran et des points. Les points étaient convertis en jetons que l’enfant pouvait échanger contre des objets disponibles dans son économie locale. Circus Sequence (CS) améliore le taux de traitement au sein des sons non verbaux et entre ces sons. On apprend à l’enfant à discriminer entre une séquence de deux balayages acoustiques successifs brefs, séparés par un intervalle inter-stimulus précis (ISI). Les balayages sont modulés selon la fréquence (FM), glissant vers le haut à partir d’une fréquence de base ou vers le bas pour rejoindre cette même fréquence de base, donnant quatre combinaisons possibles de balayage : bas-bas, bas-haut, haut-bas et haut-haut. Il y avait trois fréquences de base, 0.5, 1 ou 2 kHz, six durées de stimulus variant de 80 à 25 ms, et 45 intervalles inter-stimulus allant de 500 à 0 ms. L’enfant commence par les durées d’intervalles et de balayages les plus longues, fait le tour des fréquences de base, et progresse vers des durées de balayage et des intervalles de plus en plus courts au fur et à mesure de l’amélioration de ses performances. Old McDonald’s Flying Farm (OMDFF) apprend à l’enfant à distinguer les changements de sons au niveau des phonèmes individuels. L’enfant capture un animal de ferme volant qui déclenche un flot de phonèmes constitué d’un nombre aléatoire de phonèmes distracteurs phonétiquement proches, ainsi que d’un phonème cible provenant d’un des ensembles suivants de paires consonnevoyelle (CV) /gi/ vs. /ki/, /chu/ vs. /shu/, /si/ vs. /sti/, /ge/ vs. /ke/, ou /do/ vs. /to/. L’enfant doit délivrer l’animal dans les 125 ms de la présentation de la consonne-voyelle cible. Le temps de l’attaque vocale (VOT) et des espaces entre fricative et voyelle étaient rallongés, puis systématiquement raccourcis jusqu’à atteindre le rythme naturel de parole. Il y avait également cinq niveaux de ISI variant de 500 à 300 ms. Phoneme Identification (PI) apprend à l’enfant à identifier des phonèmes spécifiques. Les paires de stimuli consonne-voyelle (CV) et voyelleconsonne-voyelle (VCV) sont /ba/ vs. /da/, /be/ vs. /de/, /bi/ vs. /di/, /va/ vs. /fa/, et /aba/ vs. /ada/. L’enfant entend le stimulus cible qui est une des paires citées, puis l’un des deux personnages animés vocalise soit la syllabe cible soit la syllabe composée de phonèmes distracteurs phonétiquement proches. La tâche de l’enfant est d’identifier le personnage animé qui a vocalisé la syl-

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labe cible. Il existe trois ordres de présentation : stimulus cible présenté isolément, cible suivi de phonèmes distracteurs phonétiquement proches, et phonèmes distracteurs phonétiquement proches suivi de cible, et 26 niveaux distinguant les changements de ISI, de longueur de la parole et d’amplification des transitions de fréquence.

Fig. 1. Entraînement de base au balayage FM et aux Phonèmes. Trois exercices donnant un entraînement individualisé adaptatif au traitement acoustique (intra- et inter-) des sons non verbaux et des phonèmes.

Phonic Match (PM) renforce les compétences de mémoire et de raisonnement au sein de structures simples de mots qui ne diffèrent que par un phonème. La tâche est d’apparier les CV en appuyant successivement sur les deux cases correctes d’un tableau quadrillé de 2x2 cases (quadrillages de jeu de 3x3, 4x4, ou 5x5 à des niveaux supérieurs). Chaque fois que l’enfant appuie sur une case, une CV sonore est évoquée, l’enfant devant correctement entendre chaque CV et se souvenir de son emplacement sur le tableau de jeu. Le degré de confusion possible des CV et CVC a été pris en compte lors de la

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construction du continuum de difficulté de l’épreuve. La durée de la parole pouvait être rallongée de 1,5 ou 1,25 ou 1,0 fois la durée de parole normale et les éléments acoustiques brefs étaient amplifiés de +20, +10 ou +0 dB. Le nombre maximum de réponses pour chaque taille de tableau était fixé en dessous d’un niveau établi par la procédure d’échantillonnage Monte-Carlo pour déterminer le nombre de réponses correctes possibles en jouant au hasard. Si l’enfant finissait le jeu en ayant donné un nombre de réponses inférieur à ce taux, il avait droit à des points supplémentaires. Lorsque l’enfant peut entendre et se souvenir de manière fiable des CV et CVC, il donne un total de réponses moins important. Phonic Words (PW) : défie l’enfant de distinguer entre des mots qui diffèrent uniquement par une consonne initiale ou finale. L’enfant entend le mot, puis choisit entre deux images celle qui décrit le mieux ce mot. La longueur de la parole peut être allongée de 1,5 fois, 1,25 ou 1,0 fois la durée de parole normale et les éléments acoustiques brefs sont amplifiés de +20, +10, ou +0 dB. Block Commander (BC) apprend la compréhension de la parole entendue et la mémoire à court terme par l’utilisation de structures de phrases de plus en plus complexes. Dans cet exercice, l’enfant touche ou déplace des objets sur l’écran de l’ordinateur en réponse à des instructions verbales de plus en plus complexes, semblables au Token Test pour enfants (DeSimoni, 1978). Les objets varient en taille (grand, petit), couleur (rouge, bleu, blanc, jaune, vert) et forme (rond, carré). Cet exercice débute avec une parole acoustiquement modifiée (1,5 fois la durée normale ; les éléments rapides sont amplifiés de +20 dB), puis traverse de façon adaptative 5 niveaux de traitement de la parole. L’algorithme de traitement prolonge la parole de 1,5, 1,25 ou 1,0 fois la normale et amplifie les éléments acoustiques brefs de +21, +10 ou +0 dB (Nagarajan et al, 1998). Language Comprehension Builder (LCB) introduit des phrases de plus en plus complexes pour développer les compétences plus élevées de langage, notamment la phonologie, la morphologie, la syntaxe et la grammaire. L’exercice LCB a été adapté de Curtiss-Yamada Clinical Language Evaluation (Curtiss and Yamada, non publié). Après avoir entendu une phrase, l’enfant pointe l’image cible parmi 2 à 4 images. Les phrases varient par leur structure grammaticale et leur complexité et présentent systématiquement plus de 40 structures syntaxiques et grammaticales. Les phrases étaient initialement présentées avec une durée de parole prolongée d’1,5 fois et avec des éléments rapides différemment amplifiés de +20 dB, +10 dB ou +0 dB, puis évoluant systématiquement en 4 étapes vers une parole naturelle.

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Fig. 2. Entraînement langagier de niveau supérieur: Quatre exercices qui se centrent sur la discrimination auditive, la reconnaissance et la compréhension de mots individuels et de phrases.

Evaluation du langage L’évaluation Clinique de la Fonction du Langage (CELF-3, Semel et al, 1995 ; Wiig et al, 1992) a été administrée à tous les enfants pour évaluer leur langage avant et immédiatement après l’entraînement par le Fast ForWord. Le CELF-3 comprend les épreuves suivantes (sub-tests) qui mesurent les compétences langagières réceptives. L’examinateur introduit chaque épreuve, et guide le sujet pendant un ou deux items d’essais avant de commencer. Certaines épreuves comprennent un livre d’images qui est fourni avec le matériel de test. - Mesures du langage réceptif • Structure de la phrase (6-8 ans) évalue la compréhension qu’a l’enfant des règles structurelles dans les phrases. L’examinateur présente à l’enfant quelques images, puis dit une phrase. L’enfant pointe l’image qui correspond le mieux à la phrase. Exemple : l’examinateur montre à l’enfant quatre images

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et dit : « montre-moi… le canard marche vers la fille ». Réponse correcte : l’enfant montre l’image d’un canard qui marche vers une fille. • Concepts et consignes (6 ans et plus) évalue la capacité de l’enfant à réaliser des instructions orales de longueur et complexité croissantes. L’examinateur présente à l’enfant quelques images de formes différentes et lui donne quelques consignes. Exemple : l’examinateur dit : « Montre-moi tous les carrés, mais pas les noirs ». Réponse correcte : l’enfant montre tous les carrés qui ne sont pas noirs. • Classes de mots (6 ans et plus) évalue la capacité de l’enfant à comprendre les relations entre des groupes de mots. L’examinateur dit une série de mots et demande ensuite à l’enfant d’indiquer ceux qui vont ensemble. Exemple : l’examinateur dit « Ecoute bien les mots que je vais te dire et donne-moi les deux qui vont le mieux ensemble : aigle, aile, main ». Réponse correcte : l’enfant dit « aigle, aile. » • Relations sémantiques (9 ans et plus) évalue la capacité de l’enfant à interpréter des relations sémantiques dans des phrases. L’examinateur présente un problème à l’enfant qui doit donner la réponses correcte. Exemple : je vais te lire quelques problèmes à résoudre. Chaque problème a deux réponses exactes. « Les livres sont plus lourds que… une télé…des plumes…des chaises…des lettres ». Réponse correcte : l’enfant répond : « des plumes, des lettres ». - Mesures de langage expressif • Structure de mots (6-8 ans) évalue la connaissance qu’a l’enfant des règles de la structure des mots. L’examinateur montre à l’enfant deux images, et fait un commentaire sur la première image. Il demande alors à l’enfant de faire un commentaire sur la seconde image. Exemple : l’examinateur montre à l’enfant l’image d’un garçon et l’image d’une fille. Il dit, « Ici il y a un garçon (en pointant l’image du garçon) et là, il y a ......... » (en pointant l’image de la fille). Réponse correcte : l’enfant dit « une fille ». • Phrases formulées (6 ans et plus) évalue la capacité de l’enfant à formuler des phrases simples, composées et complexes. L’examinateur montre à l’enfant une image et lui demande de faire une phrase sur cette image, en utilisant un mot spécifique. Exemple : le testeur montre à l’enfant l’image d’une famille en train de prendre le petit déjeuner et dit, « Fais une phrase sur cette image en utilisant le mot “a donné” ». Réponses correctes : l’enfant reçoit le maximum de points s’il donne une réponse entièrement exacte comme « La mère a donné des céréales à ses enfants ». L’enfant reçoit une partie des points s’il donne une réponse partiellement correcte, telle que « la mère a donné le petit déjeuner ». • Rétention de phrases (6 ans et plus) évalue la capacité de l’enfant à répéter une phrase orale. L’examinateur lit une phrase et demande à l’enfant de la répéter. Exemple : il dit : « Est-ce que les petits garçons n’ont pas mangé les bonbons ? ». Réponse correcte : l’enfant est crédité de tous les points pour une

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réponse entièrement correcte, telle que « Est-ce que les petits garçons n’ont pas mangé les bonbons ? ». L’enfant n’est crédité que d’une partie des points pour une réponse partiellement correcte telle que « Est-ce que les garçons ne vont pas manger des bonbons ? » • Assemblage de phrases (9 ans et plus) évalue la capacité de l’enfant à composer des phrases correctes et ayant un sens. L’examinateur lit une série de mots et demande à l’enfant d’en faire une phrase. Exemple : l’examinateur dit : « fais une phrase avec ces mots : la balle, perdue, est, du bébé ». Réponse correcte : « La balle du bébé est perdue ». La performance au CELF-3 est ensuite indiquée par le calcul de trois scores composites. • Score de Langage Réceptif (Moyenne = 100, Ecart type = 15) indique la performance de l’enfant aux épreuves de langage réceptif. Il est calculé en utilisant les trois sub-tests de langage réceptif qui sont en rapport avec l’âge de l’enfant. • Score de Langage Expressif (Moyenne = 100, Ecart type = 15) indique la performance de l’enfant aux épreuves de langage expressif. Il est calculé en utilisant les trois sub-tests de langage expressif qui sont en rapport avec l’âge de l’enfant. • Score Total de Langage (Moyenne = 100, Ecart type = 15) reflète les performances de l’enfant aux épreuves réceptives et expressives. Il est calculé en utilisant les six sub-tests de langage réceptif appropriés à l’âge de l’enfant. Le score total de langage est le plus complet car il reflète les capacités globales de l’enfant. Les scores de langage réceptif, expressif et global peuvent aussi être convertis en percentiles, scores standards, équivalents de courbe normale et équivalents d’âge. Protocole d’entraînement Chaque enfant était entraîné 1 heure 40 minutes par jour, 5 jours par semaine, sur une moyenne de 39 jours (SD = 15,05, entre 15-116 jours). La durée de l’entraînement variait considérablement, se basant sur plusieurs facteurs tels que la motivation de l’enfant, l’absence de progrès aux exercices d’entraînement ou un problème d’accès aux ordinateurs. Ainsi, la plupart des enfants arrêtaient de jouer quand ils atteignaient un niveau de performance de 90 % à 5 des 7 jeux, ou quand le thérapeute jugeait que l’enfant avait reçu assez d’entraînement. Certains enfants continuaient de jouer après avoir atteint un niveau de performance de 90 % à 5 des 7 jeux. Nous avons obtenu pour les 216 enfants le pourcentage de réussite à chaque jeu pour chaque jour, les scores pré- et post-test aux quotients réceptif et expressif du CELF, et l’âge. Un « calendrier graphique » du jeu retraçait visuellement le pourcentage quotidien de réussite par jeu pour chacun des sept jeux pour chaque enfant. Un niveau alpha de 0.05 a été utilisé pour toutes les analyses.

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◆ Résultats Une analyse de variance à mesures répétées a été conduite sur les scores standard corrigés pour l’âge (Moyenne = 100, SD = 15) sur les quotients de langage du CELF. Les résultats ont révélé des améliorations significatives à la suite de l’entraînement Fast ForWord, aux quotients de langage réceptif et expressif du CELF. L’analyse a été effectuée en utilisant comme mesures les quotients réceptif et expressif du CELF et en utilisant la dimension temps (pré-test et post-test) comme facteur intra-sujet ; elle a montré que dans l’ensemble les enfants amélioraient significativement leurs résultats au CELF après entraînement par le Fast ForWord (F(2, 206) = 230,8, p < .0001). Le quotient réceptif du CELF a augmenté de 15,48 en moyenne (SD = 12,43) (pré-test : x = 77,05, SD = 20,02 ; postest : x = 92,99, SD = 21,21) et le quotient expressif du CELF a subi une augmentation moyenne de 13,77 (SD = 11,29) (pré-test : x = 75,21, SD = 17,13 ; post-test : x = 88,99, SD = 20,75). Il est important de noter que les mesures de langage réceptif du CELF manquaient pour 8 sujets. Il est intéressant de souligner qu’en plus des gains importants de 1 SD (15 points) dans le domaine du langage réceptif, globalement les enfants entraînés ont également amélioré de façon significative leur quotient de langage expressif. L’amplitude de ces gains, obtenus dans un temps relativement court avant la ré-administration de la même batterie de tests (moins de 6 mois) peut être interprétée de plusieurs façons. La fiabilité test/retest de ces batteries est de niveau acceptable, (avec des coefficients de corrélation > 0.8 pour les quotients du CELF3). Ces batteries de tests donnent un indice raisonnable du niveau de langage de l’enfant à chaque administration. Pour définir les augmentations de scores en tenant compte de la fiabilité test-retest et des effets possibles de régression vers la moyenne, un critère d’Erreur Standard 2 est souvent utilisé comme index de changement positif univoque (Hsu, 1995). Quand un enfant obtient une différence d’Erreur Standard > 2 SE à n’importe quel test ou subtest, les probabilités que l’augmentation observée au test ou subtest soit réelle sont de 95,05 %. En utilisant ce critère extrêmement conservateur, la majorité des enfants entraînés au Fast ForWord ont présenté des améliorations de scores à la plupart des mesures de tests. En même temps, les données de fiabilité test/retest produites par les concepteurs des batteries CELF-3 peuvent être directement comparées aux résultats de cette étude. Les données test-retest des concepteurs du CELF ont été obtenues une à quatre semaines après le test initial et reflètent, en moyenne, environ 30 % des améliorations observées dans la présente étude. A noter que notre « retest » a été administré, en moyenne, après 72 jours d’intervalle, suggérant que la comparaison directe des résultats test-retest des concepteurs produit une surestimation de l’impact du retest sur la présente étude. De plus, Fast For-

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Word donnait un cours intensif d’entraînement par interférence pendant les semaines d’intervalle entre les deux tests. Performance à l’entraînement et amélioration au CELF : Le critère d’arrêt de l’entraînement aux exercices du Fast ForWord était 90 % de réussite à 5 des 7 jeux. Six enfants ont dépassé ce critère de 90 % à 5 des 7 jeux au bout de la 4e semaine (Jour 20). Deux enfants ont dépassé ce critère de 90 % aux 7 jeux à la fin de la 4e semaine de jeu. Tous les enfants ont atteint la catégorie de jeu la plus élevée aux 7 exercices ; ceci indique qu’ils ont réussi les différents niveaux de parole modifiée et qu’ils travaillaient à des niveaux de parole proches de la normale quand ils ont arrêté les jeux. Le nombre total de jours de jeu n’était pas significativement associé au niveau de réussite de l’enfant aux jeux ou aux scores pré- et post-test du CELF, les corrélations étaient faibles, entre ± .30. Ce résultat n’était pas surprenant dans la mesure où le point d’arrêt du jeu était flexible. Le taux de progrès hebdomadaire aux jeux et sa relation avec les pré- et post-tests du CELF ont ensuite été explorés. Le pourcentage hebdomadaire de réussite a été calculé pour chacun des sept jeux pendant les neuf premières semaines de jeu (5 jours de jeu = 1 semaine de calendrier). A la fin des 9 semaines, plus de 80 % des enfants avaient fini de jouer. Pour chaque semaine, le pourcentage de réussite hebdomadaire a été utilisé pour répartir les enfants en trois groupes. Le groupe 1 comprenait les enfants dont le taux de performance au jeu était supérieur à 90 %. Dans le groupe 2, les enfants atteignaient des taux de 20 % à 90 %. Les enfants du groupe 3 étaient en dessous d’un niveau de 20 % de réussite. Un enfant pouvait être dans le groupe 1 pour un jeu et dans le groupe 3 pour un autre. L’attribution à l’un des trois groupes s’est faite jeu par jeu, car un seul enfant a atteint un niveau supérieur à 90% à tous les jeux au jour 20 et qu’il y aurait 7 ! = 5040 catégories si l’on voulait que toutes les combinaisons possibles de jeux atteignent le niveau de 90 % à chaque semaine de jeu. Pré-tests du CELF et Pourcentage de Réussite au Jeu. Pour chacune des semaines allant de la deuxième à la neuvième, des analyses de variance multivariées ont été réalisées en utilisant le groupe jeu comme facteur, pour déterminer l’influence des scores au pré-test du CELF sur les performances aux jeux. Les différences hebdomadaires significatives combinées avec les graphiques de jeu indiquaient que dès le jour 20 (4 semaines de calendrier) le taux de performance aux jeux était stable. Il y avait des différences significatives entre les 3 groupes, aux performances de jeu à la fin de la semaine 4 (jour 20) au pré-test CELF du Block Commander (F(4,404) = 3,451, p = .009), Language Comprehension Builder (F(4,404) = 9,789, p < .0001), Old McDonald’s Flying Farm (F(4,404) = 2,776,

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p = .027), Phone me Identification (F (4,404) = 2,490, p = .043), Phonic Match (F(4,404) = 6,288, p < .0001), et Phonic Words (F(4,404) = 3,596, p = .007). Il n’y avait pas de différence significative entre les trois groupes pour Circus Sequence, mais dans l’ensemble, la moyenne des quotients réceptif et expressif augmentait en même temps que le pourcentage de réussite au Circus Sequence. Ainsi, les performances au jeu du 20e jour prédisaient les quotients réceptif et expressif du pré-test CELF. Les résultats du groupe 1 ont montré que lorsque le pourcentage de réussite aux exercices de discrimination auditive des mots (Phonic Words) était supérieur à 90 % au jour 20, l’enfant finissait la majorité des jeux à un niveau supérieur à 90 %. Le groupe 2 avait un pourcentage de réussite aux Phonic Words de 20 % à 90 %. Pour ce groupe, Phonic Words et quelques autres jeux atteignaient aussi un niveau de 90 %, bien que plus lentement. Dans le groupe 3, si le taux de réussite aux Phonic Words était inférieur à 20 % à la semaine 4, il était peu probable que le pourcentage de réussite dépasse les 20 % aux autres jeux. A noter que cette étude ne nous permettait pas d’aborder le problème de causalité et que l’objectif était plutôt de trouver le jeu servant de facteur clé dans la prédiction des performances aux autres jeux. Phonic Words est systématiquement l’un des 7 exercices les plus performants, de sorte qu’il n’est pas surprenant que si l’enfant ne réussit pas bien aux Phonic Words, il/elle ne réussira pas bien aux autres jeux. Tableau 1. Caractéristiques d’échantillonnage

Age Homme :Femme Ratio Jours d’entraînement

Groupe 1 7.9 (2.4)

Groupe 2 8.8 (2.4)

Groupe 3 9.9 (2.2)

Tous 8.9 ans (1.06)

2.8:1

2.0:1

2.6:1

2.4:1

47 (19.1)

40 (13.9)

34 (11.3)

39 (1.1)

Les statistiques descriptives de l’échantillon d’entraînement. Les valeurs descriptives indiquent que plus de garçons que de filles ont participé à l’étude et, qu’en moyenne, les sujets étaient à - 1 écart type de leur niveau de performance attendu selon l’âge, tant dans leur performances de langage réceptif que de langage expressif. Les valeurs sont exprimées en moyenne (écart type).

Différences d’Age. Des ANOVAs séparées ont exploré les différences d’âge entre les trois groupes et mis en évidence des différences d’âge significatives aux tests de Block Commander (F(2,209) = 28,965, p = .0001), Language Comprehension Builder (F(2,209) = 12,068, p < .0001), Old McDonald’s Flying Farm (F(2,209) = 4,740, p = .010), Phoneme Identification (F(2,209) = 5,236, p = .006), Phonic Match (F(2,209) = 20,908, p < .0001), et Phonic Words (F(2,209) = 16,820, p < .0001). Pour tous les exercices, le groupe 1 était plus

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jeune que le groupe 2, lui-même plus jeune que le groupe 3. Il n’y avait pas de différence significative d’âge entre les trois groupes au test de Circus Sequence. A noter que les quotients au CELF sont ajustés pour l’âge. Une analyse de variance multivariée a donné des différences significatives (F(77, 1428) = 1,998, p < .0001) à toutes les performances de jeu pour des enfants d’âges différents. Malgré des différences d’âge significatives au pré-test du CELF et aux performances de jeu, il n’y avait pas de différences significatives de progrès entre le pré-test et le post-test entre les différents groupes d’âges ou de jeu à aucun des jeux ; ceci suggère que les enfants ont tiré bénéfice de l’entraînement, quels que soient leur âge et leurs performances aux jeux. Pré- et Post-test du CELF et Taux de Réussite au Jeu. Les scores aux prétest et post-test ont été analysés par analyse de variance mutivariée avec mesures répétées, avec le temps (pré et post-test) comme facteur intra-sujets et le groupe de jeu à la fin de la semaine 4 comme facteur inter-sujets, les quotients réceptif et expressif du CELF constituant les mesures répétées. Des analyses séparées ont été réalisées pour chacun des sept jeux pour les raisons décrites plus haut. Les interactions multivariées globales entre le facteur temps et le facteur groupe de jeu étaient significatives pour Language Comprehension Builder (F(4, 410) = 2,904, p = .022), Phonic Match (F(4, 410) = 3,018, p = .018), et Phonic Words (F(4, 410) = 2,595, p = .036), indiquant que les trois groupes de jeu se différenciaient dans leurs progrès au post-test du CELF. Les interactions entre facteur temps et facteur groupe n’étaient pas significatives pour Block Commander, Circus Sequence, Old McDonald’s Flying Farm, et Phoneme Identification. Cependant, des analyses complémentaires ont montré que le quotient expressif du CELF expliquait l’interaction significative entre le temps et le groupe ; aucun groupe de jeu ne montrait de différences significatives au quotient réceptif du CELF, pour aucun des jeux. Les enfants ayant les quotients réceptifs au pré-test du CELF les plus faibles et qui ne réussissaient pas aussi bien au jeu, ont fait autant de progrès que les enfants dont les quotients réceptifs au pré-test du CELF étaient plus élevés et qui avaient de meilleures performances au jeu. Bien que les enfants se soient globalement améliorés au quotient expressif du CELF, les analyses post-hoc (Student-Newman-Keuls) ont indiqué que les enfants qui réussissaient les jeux à plus de 90 % se distinguaient significativement des autres enfants. Les enfants qui réussissaient au 20e jour d’entraînement à plus de 90 % chacun des exercices suivants avaient un quotient expressif du CELF signifi c a t ivement meilleur : Block Commander, Language Comprehension Builder, Phonic Match, et Phonic Word. Nous n’avons pas trouvé de relations semblables pour Old McDonald’s Flying Farm, Circus Sequence, et Phoneme Identification.

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Fig. 3 - Moyenne des quotients de langage réceptif et expressif pré- et post-entraînement (CELF-R) en fonction du groupe d’entraînement (groupe 1-3) à l’exercice de Phonic Words. L’axe vertical représente le score standard de performance corrigé pour l’âge, à la batterie de langage CELF (moyenne = 100, SD = 15). L’ordre sur l’axe horizontal (de gauche à droite), reflète les groupements suivants- (a) quotient de langage réceptif pré-entraînement, (b) quotient de langage réceptif post-entraînement, (c) quotient de langage expressif préentraînement, (d) quotient de langage expressif post-entraînement pour chaque groupe (groupe 1, groupe 2, groupe 3). La hauteur de la barre reflète la performance moyenne à chaque mesure pour chaque groupe, la ligne fine reflétant l’erreur standard.

◆ Discussion L’entraînement adaptatif par parole acoustiquement modifiée a produit une amélioration significative des mesures de langage réceptif et expressif. C’est la quatrième étude qui utilise des échantillons indépendants et démontre ce type de relation avec les mesures de performance de langage. (Tallal et al., 1996; Merzenich et al., 1996 ; Merzenich et al., sous presse). Les quatre études ont mis en évidence des améliorations de langage qui étaient en moyenne de 1SD et étaient spectaculaires puisqu’on les obtenait après une moyenne de 8 semaines d’entraînement. Les sujets de la présente étude se sont significative-

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ment améliorés à une mesure globale de langage puisqu’ils sont partis d’un niveau bien inférieur à celui attendu pour l’âge avant entraînement, pour atteindre des niveaux moyens de performance après entraînement. L’amplitude et la cohérence de ces améliorations dépassent les estimations de changement de performances observées, d’après la fiabilité test-retest (publiée) et les erreurs types des mesures de langage utilisées dans cette étude. Il est important de noter que les bénéfices tirés de ces exercices, tels qu’ils sont mesurés par les quotients réceptif et expressif du CELF, étaient indépendants de l’âge des sujets (de 4 à 18 ans). Malgré les différences significatives d’âge au pré-test du CELF et aux performances de jeu, il n’y avait pas de différences significatives de bénéfice observé après entraînement. Le manque d’effet significatif de l’âge sur les résultats en langage confirme l’intérêt d’une application continue des algorithmes d’entraînement adaptatif dans la construction des compétences. Cependant, tous les algorithmes d’entraînement adaptatif n’ont pas la même efficacité. Dans la recherche présente, ils étaient fondés sur les résultats d’études de plasticité corticale réalisées principalement chez l’adulte. Les études physiologiques de plasticité neuronale chez l’animal et l’humain ont montré une réorganisation importante des neurones corticaux après entraînement intensif. Bien que la notion de changement physiologique n’ait pas été abordée directement dans l’étude présente, les résultats comportementaux nous conduisent à formuler l’hypothèse d’une réorganisation corticale des représentations neurologiques des stimuli de parole chez ces enfants. De meilleures performances aux différents exercices conduisent-elles à de plus grands progrès dans les résultats des mesures de langage ? En effet, la performance aux exercices d’entraînement était directement liée aux améliorations des quotients expressif et réceptif du CELF. Cependant, la relation n’était pas linéaire et variait pour le langage expressif et le langage réceptif. Les enfants avec les moins bonnes performances au jeu ne se distinguaient pas significativement des enfants avec de bonnes performances au jeu, au quotient réceptif du CELF. Les enfants qui avaient les scores les plus faibles au pré-test du CELF et qui n’avaient pas d’aussi bons résultats aux jeux, ont fait autant de progrès au quotient réceptif du CELF que les enfants qui avaient de meilleurs scores au pré-test du CELF et une meilleure performance au jeu. Tous les groupes d’enfants ont amélioré leur quotient réceptif du CELF, quel que soit leur niveau de performance au jeu. Cependant, les progrès étaient significativement différents au quotient expressif du CELF, les enfants qui étaient à 90 % ou plus de niveau de réussite au Phonic Words, Language Comprehension Builder, Block Commander, et Phonic Match ayant gagné plus d’un écart type à la mesure de langage expressif du CELF.

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Le degré d’amélioration du traitement du langage réceptif, comprenant la phonologie réceptive, la morphologie et la syntaxe, suggère que les déficits des enfants LLI doivent dans une certaine mesure refléter les conséquences développementales de l’accumulation de difficultés dans le traitement du langage, plutôt qu’un défaut de compétence langagière en soi. Il semble peu probable que ces enfants aient appris l’équivalent de deux ans de langage en un mois. Ces enfants ont vraisemblablement développé beaucoup plus de langage qu’ils ne sont capables de le montrer ou de l’utiliser « en direct » dans des conditions normales d’écoute et de parole. Cependant, l’accès à un signal acoustique modifié, fourni dans le cadre d’un environnement d’entraînement adaptatif, semble améliorer significativement le traitement ultérieur de la parole naturelle « en direct ».

◆ Conclusion Le présent article contribue à enrichir la littérature en démontrant que les enfants avec un LLI (trouble d’apprentissage du langage) améliorent significativement leurs performances en langage réceptif par un entraînement en langage adaptatif qui utilise la parole acoustiquement modifiée. Tallal et ses collègues ont émis l’hypothèse que les enfants avec un LLI avaient besoin de significativement plus de temps que les enfants de développement normal pour intégrer deux événements sensoriels brefs et rapidement présentés (dans les 10 millisecondes) ou pour produire des mouvements moteurs séquentiels rapides dans le même intervalle de temps. Ceci confirme l’existence possible d’un déficit fondamental d’intégration temporelle qui sous-tendrait le développement des troubles phonologiques réceptifs, entraînant une cascade d’effets négatifs sur le développement ultérieur du langage réceptif et expressif et en dernier lieu sur l’acquisition de la lecture et de la transcription (dyslexie). Bien que les études antérieures aient montré de fortes corrélations entre la sévérité des déficits de traitement temporel non verbal et les diverses composantes du langage et de la lecture, notamment les compétences phonologiques, l’existence de ces corrélations ne peut pas résoudre directement les problèmes de causalité ou d’étiologie. Pour le moment, nous dirons que les études d’intervention actuelles apportent un étayage supplémentaire à ce modèle théorique de Troubles d’Apprentissage du Langage (LLI).

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Aucun article ou résumé publié dans cette revue ne peut être reproduit sous forme d’imprimé, photocopie, microfilm ou par tout autre procédé sans l’autorisation expresse des auteurs et de l’éditeur.

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DERNIERS NUMÉROS PARUS N °1 93 : I.M.O.C. - Rencontre ( B .W A H L ) — Données Actuelles : Infirmités Motrices d’Origine Cérébrale Généralités (F. REVOL) - Paroles d’enfants IMC (F. DE BARBOT) - L’enfant porteur d’un handicap sévère et sa famille (M. MARTINET, J.M. BLANC) - Déficits visuo-spatiaux et dyspraxies : une entrave aux apprentissages (M. MAZEAU) - Etude du développement intellectuel et du langage chez 34 enfants présentant une hémiplégie cérébrale congénitale (S. GONZALEZ, F. COMBE, A. RITZ, A.S. EYRAUD, C. EBERHARDT, C. BERARD) - Evaluation médicale des IMC lourdement handicapés par leur dysarthrie ou leur absence d’expression orale (pour raison mécanique) (D. TRUSCELLI) - Bilan de langage et diagnostics chez les enfants infirmes moteurs cérébraux (M.H.MARCHAND) - Les conditions neuromotrices de l’apprentissage de la parole chez l’IMOC (A. LESPARGOT) - Des moyens différents pour communiquer et développer le langage (M.H. MARCHAND) — Examens & Interventions : L’évolution des conduites de communication chez un enfant polyhandicapé (A.TOSCANELLI-ROUAULT) - Les troubles de la motricité bucco-faciale de l’enfant IMC (D.CRUNELLE) - La rééducation des troubles de la déglutition des enfants et adolescents I.M.O.C. (C. SENEZ) - Les systèmes de communication alternative chez l’enfant IMC (M.MONFORT, A. JUAREZ-SÀNCHEZ) — Perspectives : Facilitation à la mise en place de tableaux ou d’aides techniques de communication (E. CATAIX-NÈGRE) - Etude de cas : Romain - Quel cheminement pour une synthèse vocale ? (J.CHAILLEY) - O.E.A./A.T.C. (Outil d’Evaluation Adapté) (Téléthèses) - Evaluation préalable à la mise en place d’une aide technique à la communication (A. D’ALBOY, V. CHATAING). N °1 94 : LES PATHOLOGIES VOCALES CHEZ L’ENFANT - L’enfant, sa demande et sa motivation Rencontre (C.KLEIN-DALLANT) — Données Actuelles : Les dysphonies de l’enfant : aspects cliniques et thérapeutiques (G. CORNUT, A. TROLLIET-CORNUT) - L’évolution de l’appareil phonatoire et la voix et l’enfant (V. WOIZARD, J. PERCODANI, E. SERRANO, J.J. PESSEY) - Particularités du travail vocal en rééducation (B. AMY DE LA BRETÈQUE) - Qualité de voix chez l’enfant et facteurs sociaux / environnementaux (P.H. DEJONCKERE) - Pour une logique dans la démarche rééducative de la dysphonie de l’enfant (M.C. PFAUWADEL) - Le chant chez l’enfant et ses difficultés (J. SARFATI) - Dysphonie de l’enfant : relations entre professeur de formation musicale et phoniatre (M. LECOQ) — Examens et interventions : Expérience clinique de la rééducation vocale de l’enfant (F. MARQUIS) - Le profil vocal et son adaptation chez l’enfant (F. DEJONG-ESTIENNE) - L’enfant et sa voix. Comment les réconcilier. Le but, les étapes et les moyens qui font la trame d’une rééducation (F. DEJONG-ESTIENNE) - Relaxer l’enfant ou détendre sa voix ? (C. KLEIN-DALLANT) - Voix et oralité chez l’enfant dysphonique (C.THIBAULT) - Rééducation vocale de l’enfant : écoute ce qui est ( P .L U P U ) - Bertrand, l’histoire d’une mue faussée. Utilisation de la méthode des mouvements minimaux associée à cette rééducaation ( M .H A B I F ) - Apports de la sophrologie en rééducation vocale de la dysphonie de l’enfant hypertonique (E. DE MONTAUZAN) — Perspectives : Que deviennent les dysphonies de l’enfant à l’âge adulte ? (D. HEUILLET-MARTIN, C. SEYOT) - Questionnaire ( C .K L E I N DALLANT) - Questions et réponses (J. ABITBOL). N °1 95 : LES MALADIES NEURO-DÉGÉNÉRATIVES - La prise en charge orthophonique des maladies neurologiques - Rencontre (F. MARTIN) — Données Actuelles : Plasticité du système nerveux : chances de réhabilitation (N. ANNUNCIATO) - Importance des facteurs neurotrophiques dans la régénération du système nerveux (N. ANNUNCIATO) - Les maladies neurologiques chroniques dégénératives et la réadaptation (C. HAMONET) - Les troubles de la déglutition dans la maladie de Parkinson (B. ROUBEAU) - Fonctions cognitives et sclérose latérale amyotrophique (S.L.A.) (J. MÉTELLUS) — Examens et interventions : La maladie de Steele-Richardson-Olszewski : diagnostics différentiels et rééducation orthophonique (I. EYOUM, S. DEFIVES-MASSON) - Un cas particulier de chorée : l’hémiballisme (N. COHEN, I. EYOUM) - Sclérose en plaques : examen de la dysarthrie (G. COUTURE, A. VERMES) - L’orthophonie dans la SLA : un accompagnement ? (S. BRIHAYE) — Perspectives : La communication après l’aphémie (S. BRIHAYE) - Aides techniques (A. VETRO, M. VETRO) N °1 96 : LANGAGE ORAL - PRODUCTION - Justine ou la difficile conquête de l’autonomie et du langage Rencontre (P. AIMARD) — Données Actuelles : De l’approche neuropsychologique en général et du langage oral en particulier (J.-P. LASSERRE) - Etiologies des dysphasies : le point de la question (J.-J. DELTOUR) - Développement des productions vocales : évaluation et implications cliniques (S. VINTER) - Pour une évaluation intégrative du langage oral (J.A. RONDAL) — Examens et interventions : Etude de cas : Emmanuelle, née le 14 novembre 1969 (A.-M. ROBERT-JAHIER) - Qui dit quoi ? Le rôle de la reformulation dans la rééducation du langage oral chez l’enfant de 4 ans (C. FOUASSIER, A. GADOIS, C. HÉNAULT, D. MORCRETTE, L. BIHOUR, N. GUÉRET) - Quand le nombre est parlé avant d’être écrit : acquisition et élaboration de la chaîne numérique verbale (A. MÉNISSIER) — Perspectives : Apports de la pragmatique et de la psychologie du langage à la compréhension des troubles du développement du langage (G. DE WECK) - Premiers pas dans l’acquisition du lexique (D. BASSANO) - Et si l’humour c’était sérieux ? (M.FOSSARD) - L’oral : une tâche moins discriminante que l’écrit ? (K. DUVIGNAU)

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