No196 - Lge Oral Production

  • June 2020
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  • Words: 56,122
  • Pages: 163
Revue créée par l’A.R.P.L.O.E.V. Paris

Revue éditée par la Fédération Nationale des Orthophonistes 2, rue des Deux-Gares, 75010 PARIS — T é l . : 0 1 40 35 63 7 5 — e - m a i l : fn o@ w ana do o.fr

Directeur de la publication : le Président de la F.N.O. :

Jacques ROUSTIT

Rédaction - Administration : 2, rue des Deux-Gares, 75010 PARIS — Tél. : 01 40 34 62 6 5 — A bonnement normal : 5 15 F A bonnement rédu it : 370 F

Membres fondateurs du comité de lecture : Pr A LLIERES • A. APPAIX • S. BOREL-MAISONNY

réservé aux adhérents de la F.N.O., de l’A .R. P.L.O .E .V. o u d’une a ssociati on euro péenne m em bre du C.P. L.O. L.

M. DUGAS • J. FAVEZ-BOUTO NNIER • J. GERAUD

Abonnement étudiant : 205 F

R. GRIMAUD • L. HUSSON • Cl. KOHLER • Cl. LAUNAY

réservé au x é tudia nts e n orth ophoni e

Abonnement étranger : 595 F

G.

F.

DECROIX



LHERMITTE

R.



DIATKINE

L.



M ICHAUX

H.



DUCHÊNE

P.

PETIT

G . PORTMANN • M. PORTMANN • B. V A L L A N C I E N .

Comité scientifique Aline d’ALBOY Dr Guy CORNUT Ghislaine COUTURE Dominique CRUNELLE Pierre FERRAND Lya GACHES Frédéric MARTIN Pr Marie-Christine MOUREN-SIMEONI Bernard ROUBEAU Liliane SPRENGER-CHAROLLES Monique TOUZIN Rédacteur en chef Jacques ROUSTIT Secrétariat de rédaction Marie-Dominique LASSERRE Abonnements Emilia BENHAMZA Commission paritaire : 61699

Impression : TORI 141-143, rue de Charenton, 75012 Paris Téléphone : 01 43 46 92 92

Sommaire

Décembre 1998

N° 196

Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris Ce numéro a été dirigé par Pierre Ferrand, orthophoniste

LANGAGE ORAL PRODUCTION

Paule Aimard, pédopsychiatre, Lyon

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Justine ou la difficile conquête de l’autonomie et du langage Catherine Courrier-Hevia, orthophoniste, Anne Colin-Déat, psychologue, Nancy

1. De l’approche neuropsychologique en général et du langage oral en particulier Dr Jean-Pierre Lasserre, médecin neurologue, Toulouse 2. Etiologies des dysphasies : le point de la question Jean-Jacques Deltour, Liège 3. Développement des productions vocales : Evaluation et implications cliniques Shirley Vinter, orthophoniste-psychologue, Maître de conférences, H.D.R., Besançon 4. Pour une évaluation intégrative du langage oral Jean A. Rondal, Ph.D., Dr.Ling.2, Liège

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1. Etude de cas : Emmanuelle, née le 14 novembre 1969 Anne-Marie Robert-Jahier, orthophoniste, Châteauroux 2. Qui dit quoi ? Le rôle de la reformulation dans la rééducation du langage oral chez l’enfant de 4 ans C. Fouassier, A. Gadois, C. Hénault, D. Morcrette, L. Bihour N. Guéret Modesco, orthophonistes, Caen 3. Quand le nombre est parlé avant d’être écrit : acquisition et élaboration de la chaîne numérique verbale Alain Ménissier, orthophoniste, Arc-les-Gray

1. Apports de la pragmatique et de la psychologie du langage à la compréhension des troubles du développement du langage Geneviève de Weck, psychologue-logopédiste, Genève 2. Premiers pas dans l’acquisition du lexique Dominique Bassano, Directeur de Recherche au CNRS, Paris 3. Et si l’humour c’était sérieux ? Marion Fossard, orthophoniste, Toulouse 4. L’oral : une tâche moins discriminante que l’écrit ? Karine Duvignau, doctorante deuxième année, Toulouse

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Dans les années soixante, alors que se dessinaient les grandes lignes de l'orthophonie, à la fin d'un trimestre d'enseignement, une étudiante me demanda un rendez-vous. Déroutée par la diversité des matières enseignées, elle ne voyait pas comment faire la synthèse de toutes les disciplines qu'elle découvrait. Submergée par trop de connaissances qui lui semblaient disparates. Comment trouver là une certaine cohérence ? Je la retrouvais un peu plus tard comme stagiaire. Elle était restée une « questionneuse », comme on aime à en voir parmi les étudiants, comme on reste soi-même après tant d'années. Sa question s'était simplement déplacée. Elle se demandait alors, vous l'avez deviné, comment faire le lien entre les connaissances théoriques fraîchement acquises mais non encore totalement intégrées et ce qu'elle vivait en consultation, la réalité clinique. Faisons un saut dans le temps. Après tant d'années, l'orthophonie s'est tant enrichie, parfois même tant encombrée que chacun se trouve un jour ou l'autre devant ces impératifs : trier, sélectionner, conserver l'essentiel et, quand il le faut, remettre en question. Les demandes de l'étudiante questionneuse sont celles de chacun de nous et demeurent les plus pertinentes. La mise au point que présente le numéro spécial de cette revue consacré aux troubles du langage oral rend particulièrement sensible l'enrichissement qu'a connu l'orthophonie autour de ce groupe clinique qui est au centre de sa pratique et en partie de sa réflexion. Bien peu des lecteurs d'aujourd'hui ont eu accès à ce premier document qui fait en quelque sorte figure d'acte fondateur dans les travaux de langue française : « Les troubles du langage de l'enfant », un rapport présenté au Xlle Congrès des Pédiatres de langue française en 1949 : un demi-siècle ! Les noms des signataires sont familiers à tous, tant par leurs écrits que par des présentations orales : C. Launay, S. Borel-Maisonny, J. Duchène, R. Diatkine. Ces initiateurs ont tracé les premiers cheminements de l'orthophonie ; les mêmes ont oeuvré pour en conduire l'évolution pendant les décennies suivantes. Autour des troubles du langage de l'enfant s'est constitué depuis cette période héroïque un creuset de réflexion, de recherche, d'échange d'idées d'une richesse exceptionnelle. Parce qu'il s'agit du langage, parce qu'il s'agit de l'enfant, du développement de l'enfant, du premier âge, des questions relationnelles de la petite enfance. Des thèmes qui ont été le terrain d'enrichissements renouvelés, de moments d'essor exceptionnel et parfois de polémiques sévères. Certaines approches voulaient tout balayer, tout expliquer...

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Nous n'avons jamais perdu de vue, dans les moments de tourmente, qu'en privilégiant une seule optique, un seul mode d'approche, une seule théorie, on ne pourrait jamais expliquer tout le langage et tout ce qui se passe, bien ou mal, à l'âge de son acquisition. Avec ces apports nouveaux, parfois séduisants, souvent indispensables, le territoire clinique des troubles de l'acquisition du langage s'est précisé, affiné, nous amenant à naviguer entre la tentation de trop délimiter et classer et celle de rester dans le flou. On ne confond plus, par exemple, une séméiologie autistique et les difficultés de communication qui peuvent survenir chez un enfant déficient auditif, mais l'attention doit rester en éveil, il existe des cas limites ou des formes mixtes. La parcellisation des connaissances dans tous les champs des sciences humaines a entraîné, au fil des ans, une hyper-spécialisation, qu'il s'agisse de recherche, de soins, de pratique professionnelle. Nombre d'orthophonistes ont eu le souci de compléter leur formation, d'ajouter un « plus » à leurs connaissances de base, aboutissant à des spécialisations parfois très « pointues », soit par le type de formation (plutôt « psy », plutôt « socio », plutôt linguistique, etc.), soit par le champ clinique privilégié (surdité de l'enfant, aphasie, dyslexie, etc.). En même temps l'orthophonie atteignait une certaine maturité, ce qui permettait de prendre du recul, de penser synthèse, de voir les problèmes dans leur ensemble. La richesse actuelle s'enracine dans ce paradoxe : d'une part une orthophonie en plein essor qui, au fil des ans, s'efforce de faire la synthèse des nombreuses approches qui gravitent autour du langage, d'autre part des attitudes thérapeutiques individuelles de plus en plus diversifiées et personnalisées. Ces apparentes contradictions ne peuvent que conforter chacun dans une attitude qu'il me semble avoir encouragé depuis « la nuit des temps » : chaque enfant est unique, aucune recette n'est standard, on travaille au cas par cas. Ce côté « à la carte » de la prise en charge requiert imagination, initiative, ouverture ; une remise en question devant chaque cas. Ces libertés ne vont pas sans quelque revers de médaille : un petit brin de risque et d'incertitude car rien n'est totalement tracé, aucun résultat n'est vraiment prévisible. Paule AIMARD, Pédopsychiatre 104, rue Crillon 69006 LYON

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Justine ou la difficile conquête de l’autonomie et du langage Catherine Courrier-Hevia, Anne Colin-Déat

Résumé Les troubles de langage oral du jeune enfant, particulièrement lorsqu'ils sont accompagnés de troubles de la communication, nous interrogent sur les origines psychiques du langage. A travers l'histoire de la rééducation de Justine, nous essaierons de réfléchir à ce qui, au-delà des acquisitions, opère dans la relation établie avec l'enfant. Mots clés : communication - langage - développement de la personnalité - transfert.

Justine, or the difficult conquest of autonomy and language Abstract Speech problems in the young child, especially when accompanied by communication problems, lead us to examine the psychological origins of language. Through the story of Justine's remedial education, we shall attempt to think about what occurs in the relationship established with the child, over and beyond language acquisition. Key Words : communication, language, personality development, transference.

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Catherine COURRIER-HEVIA Orthophoniste 6 bis, quai de la Bataille 54000 Nancy

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Anne COLIN-DÉAT Psychologue, psychothérapeute Centre d'Education pour Déficients Visuels Santifontaine 54000 Nancy Centre de Placement Familial 54115 Thorey-Lyautey

es rééducations de retard de langage sont tout à la fois fascinantes et émouvantes. Fascination de voir le langage s'étayer et se construire peu à peu, émotion de voir l'enfant s'émanciper en s'appropriant ce fantastique outil.

Aux débuts de ma vie professionnelle, j'avais de plus le sentiment que l'ensemble de ce qui se passait dans ces rééducations m'échappait. Que se passait-il entre ces enfants et moi pendant les séances de rééducation, qui permettait au langage de se mettre en place, alors que je n'avais pas l'impression de leur apprendre à parler ? Questions naïves d'orthophoniste fraîchement diplômée, qui ont trouvé, grâce à la formation continue, quelques réponses dans l'étude du développement des structures de pensée et dans le domaine de la linguistique. Cependant, les enfants que nous rencontrons pour des retards de langage ont souvent de gros troubles de la communication, même non verbale. Or, cette dimension pragmatique n'est pas vraiment prise en compte ; elle ne figure d'ailleurs pas dans notre nomenclature. Pourtant, il est évident pour la plupart d'entre nous que la communication est intimement liée au langage et nous y faisons presque toujours allusion dans nos bilans. Nous différencions l'enfant qui, malgré un retard dans la construction de son langage, a de bonnes stratégies de communication non verbale, de celui qui, en deçà de son retard de langage, n'a pas mis en place de capacités de communication.

Cela a vraiment été mon sentiment tout au long de la rééducation de Justine. Malgré mes suggestions réitérées, ses parents ont toujours refusé de rencontrer un psychologue. J'ai accepté de respecter leur choix et d'accéder à leur demande de rééducation. Mais ce fut un accompagnement éprouvant, car je suis toujours restée préoccupée de ce que cette petite fille me donnait à pressentir de ses difficultés à se construire, en dépit de ses progrès rapides et constants sur le plan du langage. Il m'a semblé intéressant de réfléchir à cette intrication communication/ langage, en essayant d'interroger ce qui, au-delà des acquisitions, opère dans la

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relation établie avec l'enfant. S'il est évident, pour nous orthophonistes, que cette relation (que l'on peut appeler transfert) est centrale, nous n'avons pas toujours dans notre formation les outils théoriques nous permettant de comprendre ce qui s'y joue. De plus, ce n'est pas notre rôle que de travailler sur le transfert. J'ai donc choisi de demander à une psychologue particulièrement sensibilisée à ces questions, ayant elle-même été orthophoniste par le passé, de faire des hypothèses sur ce qui a pu se jouer pour cette fillette, pendant deux ans et demi de rééducation, et lui permettre de faire un long chemin. Elle ne connaît l'enfant qu'à travers mes propos, quelques dessins et les notes que j'avais prises à l'époque. Nous avons choisi de présenter ce récit à deux voix de façon continue et chronologique, en ayant simplement recours à deux typographies différentes.

◆ Justine et sa famille La première fois que je rencontre Justine, elle est âgée de 3 ans 8 mois. Elle a une grande sœur, de six ans son aînée, et sa maman attend un autre enfant. C'est une petite fille à la fois menue et musclée, noueuse. Tout au long de ces deux années, je ne la verrai pratiquement jamais en robe. Les premiers contacts avec elle sont difficiles et un bilan classique s'avère impossible. Le peu que j'arrive à percevoir de son langage laisse apparaître un jargon important avec quelques mots signifiants extrêmement déformés. Elle est très inhibée, littéralement dans les jupes de sa maman, collée à elle. Pendant de longs mois d'ailleurs, Justine ne pourra pas me dire « bonjour » devant sa maman. Bien qu'elle vienne très volontiers en rééducation, sa façon de répondre à mes salutations consistera longtemps à me tendre un objet (jouet, livre, carte, dessin, etc.) ramené de chez elle et remporté chez elle à la fin de la séance. Il faudra plus d'un an pour qu'elle puisse venir sans objet et parvienne à me saluer. Dans les jours qui suivent le bilan, le pédiatre prescripteur m'appelle pour me demander mon avis au sujet de cette petite fille et me conseiller une extrême prudence. En effet, il m'apprend que la famille, sur ses conseils, avait déjà commencé un bilan dans un centre de consultation de la région. Les parents ont entendu parler de psychose, se sont braqués et ont refusé de poursuivre les investigations (ni lors du bilan, ni par la suite, les parents de Justine ne me parleront de cette expérience). Il me fait part en outre de ses préoccupations concernant les symptômes de Justine et me précise qu'il n'a relevé aucune anomalie neurologique. La mère de Justine est une femme très douce et gentille, un peu austère et triste dans son apparence et peu exubérante. Elle appelle sa fille avec un curieux

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diminutif : « Jus », alors qu'elle appelle ses autres enfants par leurs prénoms. Elle est très inquiète, en demande de conseils, et en même temps très défensive, parlant presque en même temps que moi pour ne pas m'entendre. Pendant très longtemps, chaque fois que je formulerai une hypothèse ou essaierai de donner un conseil, la mère de Justine aura cette attitude, me signifiant qu'elle sait déjà ou fait déjà tout ça. Ce n'est qu'après quelques mois, lorsque Justine aura commencé à faire des progrès et que je serai rassurante et encourageante dans mes propos, que la mère me révélera qu'elle-même a parlé très tardivement et que l'on avait à l'époque suspecté chez elle une surdité profonde. Dans les premiers temps, je ne rencontre pas le père de Justine. Il est très pris professionnellement, peu présent, sera même muté dans le Nord un an plus tard. Les parents de Justine choisissent alors de préserver sa bonne insertion à l'école et sa rééducation orthophonique (sans prendre ni l'avis de l'institutrice, ni le mien) et de ne pas déménager. Le père fera les trajets tous les week-end pour rejoindre sa famille pendant plus de deux ans, avant d'être muté dans le Sud. A ce moment seulement, à la fin du C.P. de Justine, toute la famille déménagera. A plusieurs reprises, lors d'entrevues provoquées avec les deux parents pour faire le point, le père parlera de son inquiétude pour sa fille, même alors que les progrès sont manifestes et importants. Il me confiera bien plus tard avoir été inquiet au point de penser que sa fille avait un handicap ou un problème mental. Le suivi s'engage dans un climat de craintes non formulées et de non-dits de part et d'autre (la suspicion de psychose, de handicap mental, le mutisme de la mère durant sa petite enfance... ) Les parents n'ont pas donné suite aux premières investigations menées par une équipe pluridisciplinaire, confrontés à quelque chose d'intolérable, à des hypothèses alarmistes, réellement avancées ou simplement redoutées... Justine présente le même symptôme que sa mère, mais celle-ci ne peut l'évoquer de prime abord. S'adresser à une orthophoniste plutôt qu'à un psychologue permet de faire l'économie d'une confrontation aux conflits non résolus qui se réactualisent, et d'aborder les difficultés de l'enfant sans en interroger le sens. Dès lors, l'attitude particulière de la maman, qui en permanence sollicite des conseils et en dénonce l'utilité, apparaît comme une conséquence logique de la situation paradoxale dans laquelle elle se trouve. Pour ses parents, Justine est « en panne de langage ». Dans un premier temps ils font silence et impasse sur l'histoire maternelle, n'évoquent pas davantage les troubles relationnels de leur fille, ni les angoisses profondes que cela génère ; n'ayant pu trouver à s'engager dans un travail sur les conflits et les fantasmes inconscients passés ou actuels qui pourraient participer de ce symptôme

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récidiviste, ils s'orientent vers une rééducation dont il est attendu réparation dans la réalité. Le recours à une spécialiste, investie de la capacité d'éradiquer ou de corriger le défaut de langage, permet à la mère de solliciter une aide pour sa fille, tout en maintenant le refoulement quant à ce qui peut soutenir ou au contraire inhiber un enfant dans son devenir de sujet parlant. Cependant, à accréditer plus ou moins consciemment l'idée que l'entrée dans le langage de sa fille relève d'un savoir faire que certains maîtriseraient et qu'elle ne posséderait pas, la mère se trouve face à un sentiment d'impuissance et de culpabilité redoublé ; d'où sa résistance à consentir aux remarques et conseils de l'orthophoniste. Le scénario est fréquent et bien connu des orthophonistes, puisque la définition même de leur mode d'intervention y contribue. L'orthophonie se préoccupe du symptôme ; elle tend généralement à l'aborder dans une approche globale du sujet, mais elle ne construit pas sa pratique sur une connaissance et une prise en compte des origines psychiques du langage et des fondements psychopathologiques de ses avatars. Elle ne fait pas obstacle aux questionnements psychologiques quand ils surgissent, mais leur accorde un statut périphérique à son objet. Cette mise à distance de la dynamique psychique qui sous-tend la relation et l'énonciation, au profit d'une approche instrumentale, comporte ses limites ; elle n'en est pas moins efficace et bénéfique dans nombre de situations, fussent-elles très alarmantes, car elle s'offre comme une aire d'investissements multiples et ambigus qui favorisent certains réaménagements psychoaffectifs parallèlement au travail de rééducation. C'est vraisemblablement le cas pour Justine. En dépit des résistances parentales à envisager les difficultés sous l'angle de la communication, et malgré le caractère éprouvant de la séparation, l'enfant s'investit très vite et progresse dans la relation et le travail avec son orthophoniste. De multiples hypothèses peuvent être formulées quant à ce qui lui permet d'évoluer dans ce cadre : au-delà de ses paradoxes, cette démarche de la mère auprès d'une professionnelle peut constituer pour la fillette une reconnaissance de sa souffrance et de son droit à l'émancipation. L'orthophoniste peut être investie comme un auxiliaire paternel ou maternel venant soutenir son devenir de sujet, c'est à dire quelqu'un relayant le père dans sa fonction de tiers, ou la mère dans ses tentatives de le faire valoir. Justine aurait pu rester piégée sous le poids de la répétition et des craintes la concernant, mais il semble au contraire qu'elle parvienne à s'en démarquer, l'orthophoniste ayant reçu et accepté sa part du fardeau que la problématique familiale faisait supporter à l'enfant. Justine n'est plus seule. Une première désintrication de l'histoire respective de la mère et de l'enfant ainsi réalisée, la fillette peut s'employer à de nouvelles expériences.

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◆ La rééducation Très vite, bien qu'il soit compliqué pour elle de quitter sa mère pour venir avec moi, Justine investit la rééducation et la personne de l'orthophoniste. A cause de son inhibition et de ces objets qu'elle me tend comme un écran entre elle et moi, je choisis de travailler sur deux plans : d'une part l'axe symbolique avec des jeux de faire semblant (qui vont être en même temps l'occasion de verbaliser tout ce qu'on agit ensemble), d'autre part la prise de tours dans la conversation et la prise en compte de l'autre dans la communication avec des petits jeux de mémory (pour l'alternance chacun son tour) ou le jeu de la marchande. Il est très difficile pour moi de travailler avec elle. Lorsque nous jouons à terre avec des petits bonshommes, Justine vient toujours tout près de moi et ses bonshommes viennent toujours se coller aux miens. Elle a du mal à accepter les contraintes du type chacun son tour ou à respecter des décisions prises en commun quand nous jouons ainsi. La distance est difficile à mettre en place et cela provoque chez moi une certaine angoisse. Peu de temps après les débuts de la rééducation, la maman accouche d'un petit garçon (et je rencontre le père pour la première fois puisque c'est lui qui accompagne Justine aux séances). Il me semble qu'à partir de ce moment, Justine commence à pouvoir mettre une certaine distance physique entre nous. Cependant, quand nous jouons au loto ou au mémory, elle a toujours du mal à accepter la prise de tour. Ses dessins ne sont pas représentatifs, elle barbouille allègrement et jargonne toujours autant. A la fin de l'année scolaire, (Justine vient alors me voir depuis trois mois, une fois par semaine), je peux lui faire passer de petites épreuves de bilan. Son système phonologique est incomplet (absence de [ch, j, r]), et le retard de parole est important. Elle commence à se repérer dans le temps, différencie le jour et la nuit, avant et après (et l'exprime dans son langage) mais présente un retard massif dans la compréhension et l'expression des termes relatifs à l'espace. Devant le dessin de trois bonshommes rangés du plus petit au plus grand, quand je lui demande comment est celui-là (en espérant entendre « grand »), elle me dit « c'est Papa, c'est Justine (en montrant le petit) et ma petite sœur (en montrant le moyen) ». Or elle a une grande sœur et un petit frère... Par ailleurs, je trouve qu'elle communique beaucoup plus verbalement et commence à prendre en compte l'autre. Elle m'appelle [kakrin], se met parfois à rire, et accepte quelquefois de me parler devant sa maman. Elle commence à structurer des phrases, mais avec un débit haché, de fréquentes reprises inspiratoires et des épisodes encore fréquents de simples juxtapositions de mots. Son institutrice remarque aussi des progrès en langage et une ouverture face aux autres enfants, mais la décrit comme étant encore souvent dans son monde et personnelle avec les jouets.

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Dans les premiers temps, Justine ne peut quitter sa mère et entrer en relation sans un certain rituel, tandis qu'elle n'a pas pleinement accès aux codes symboliques ordinaires qui cadrent les échanges (le bonjour, la prise en compte des tours de parole). Elle est « inhibée », en retrait, ou « collée » à l'orthophoniste; il n'y a pas de moyen terme. C'est pourtant dans « cette distance difficile à mettre en place » que pourra se déployer la parole... Parler suppose un décollement, l'aménagement d'un espace entre deux êtres différenciés. Or il semble que Justine se situe encore dans un registre très fusionnel. La construction psychique procède d'une succession de pertes et de renoncements ouvrant sur le symbolique. Les toutes premières opérations de symbolisation pré-langagières décrites par Freud visent déjà à surmonter les séparations initiales telles que l'absence du sein ou de la mère. Durant l'étape préoedipienne qui qualifie la relation première de l'infans (étymologiquement celui qui n'est pas parlant) à la mère, celle-ci incarne l'Autre comme lieu du langage dans la mesure où elle parle à son enfant et interprète ses éprouvés, mais la relation se joue essentiellement dans le monde des choses et le corps à corps. Au cours de cette phase initiale, l'enfant vit dans l'illusion qu'il constitue l'unique objet du désir maternel et peut le combler. Cette phase de complétude initiale est nécessaire, mais un décollement doit progressivement s'opérer afin que l'enfant ne reste pas captif d'une relation où il devient la proie des significations de l'autre entièrement suspendu à ce que le partenaire lui indique. De cette opération de décollement, de séparation, dont nous sentons qu'elle est problématique pour Justine, dépend pour l'enfant la possibilité de se poser pleinement comme sujet parlant et désirant. C'est à la faveur d'événements particuliers, tels que la naissance d'un puîné ou la découverte par l'enfant du plaisir qu'il peut se procurer en dehors de la mère, que s'amorcera le phénomène; mais c'est surtout la mise en jeu de la fonction paternelle qui sera déterminante. Le père vient faire intrusion dans cet ordre imaginaire qui régissait la relation mère-enfant pour que s'installe l'ordre symbolique ; interdisant l'inceste, à savoir le corps à corps avec la mère, du fait même que celle-ci est déjà possédée, l'intervention paternelle invite l'enfant à se désengluer de l'univers des choses pour entrer dans celui des mots. Dans le cas de Justine, on peut s'interroger sur l'appui que représente le père réel, tétanisé par la crainte du handicap mental. Il s'en remet à d'autres (notamment à l'orthophoniste et à l'institutrice), choisissant de priver les siens de sa présence quotidienne lorsqu'il est muté, plutôt que de confronter sa fille à d'autres séparations. Le début du suivi coïncide pour Justine avec l'arrivée d'un petit frère. Il est possible que cette naissance bouleverse l'organisation de la relation mèreenfant et joue un rôle positif pour la fillette, déboutée de la place de benjamine.

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Les processus d'individuation s'en voient stimulés et Justine évolue dans ses conduites relationnelles et langagières. Elle commence à prendre l'autre en compte, à mieux tolérer la distance physique et psychique, dans la mesure où elle-même se différencie davantage. Cependant le bilan révèle un tableau dysharmonieux et un retard toujours important. Justine s'ouvre timidement ; malgré une amorce de construction syntaxique, l'élocution reste très contrariée, de même qu'elle est « encore souvent dans son monde ». L'extériorisation par la parole ne va pas de soi ; elle suppose en effet une relative cohérence interne et la possibilité pour l'enfant de se reconnaître et de se projeter dans une configuration familiale où il se repère. Face au dessin des trois bonshommes (lequel peut suggérer le triangle oedipien ou la fratrie), Justine produit une série qui témoigne de la confusion des places et des rôles dans laquelle elle se trouve encore. Il faudrait pouvoir l'entendre davantage pour avancer des hypothèses sur le type de condensation ou de télescopage qu'elle réalise ainsi; il est probable qu'elle n'ait pas encore intégré la différence des générations. Toujours est-il qu'en l'occurrence, elle n'est pas accessible à la consigne et ne peut se décentrer des identifications imaginaires confuses que sollicite le dessin, pour se prononcer sur la notion de taille relative... L'envahissement fantasmatique fait obstruction à la démarche de raisonnement et d'abstraction. A la rentrée, je retrouve Justine très en forme. La mère me signale que chaque fois qu'ils passent en voiture dans la rue du cabinet, sa fille parle de moi. En plus de ses petits objets, elle commence à ramener des dessins qu'elle m'offre. Les jouets qu'elle ramène sont des bonshommes légos, des petites voitures ou des cartes de collection sur les basketteurs. A la suite du bilan de juin, je décide de travailler désormais les axes suivants : la structuration de l'espace et du schéma corporel car elle ne dessine toujours pas de bonhomme, l'attention auditive, la syntaxe à l'aide des « Histoires à parler » de Laurence Lentin (1) que je lui prête, la communication en poursuivant nos jeux de dînette ou de loto. En essayant de travailler avec elle le schéma corporel (désigner sur elle, moi, une poupée etc.), je me rends compte qu'elle supporte mal de me toucher ou que je la touche. Je n'insiste pas. De toutes façons, les activités trop structurées (du type attention auditive en jouant avec des instruments de musique) ne sont pas possibles. Je crois que ça ne l'intéresse pas, en tout cas c'est un fiasco complet! Jusqu'à Noël, je navigue donc à vue entre mes projets et les envies de (1) Lentin L. (1989) - Histoires à parler : série de 18 livrets pour tout-petits, Paris - Istra (Casteilla).

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Justine qui me dit souvent désormais ce qu'elle souhaite faire : « Non, je veux jouer, moi ». Nous négocions ainsi des compromis. Elle a peu à peu accepté la présence d'une stagiaire, puis que celle-ci participe un peu à nos activités. Cependant, elle continue à me tendre un objet en guise de salutations quand je viens la chercher dans la salle d'attente. Je ne supporte plus cet « écran-jouet » tendu vers moi quand je l'accueille, car il me semble en décalage avec les aptitudes que Justine a développées sur le plan verbal. En effet, elle est de plus en plus enjouée, nomme la stagiaire par son prénom et raconte de plus en plus pendant les activités que nous faisons. Elle tient donc mieux compte de l'autre mais a encore du mal à ajuster l'alternance chacun son tour. Début novembre, je « craque » et lui dis que je refuse de travailler avec elle si elle ne me dit pas bonjour. A partir de ce moment, elle me tend son jouet en disant « bonjour » ! Justine a pu nommer l'orthophoniste au cours de leurs échanges, et elle peut maintenant évoquer sa présence à distance. On assiste à un développement parallèle du transfert engagé et des acquisitions : tandis que la fillette atteste de cette intégration psychique de la séparation qui lui permet de reconnaître et de maîtriser l'absence de l'autre par la parole, elle-même commence à pouvoir se désigner par l'emploi du « Je », et à faire valoir ses propres envies sur un mode verbal : « Je veux jouer ! ». Cette recherche de distance dans la communication pour laquelle l'orthophoniste avait intuitivement opté en vertu de son ressenti au contact de Justine, porte peu à peu ses fruits, relayé par des circonstances familiales qui invitent l'enfant à un certain sevrage. Justine témoigne en effet de gros progrès dans le processus d'individuation. Il semble qu'elle émerge d'une problématique fusionnelle et puisse s'éprouver dans une relation duelle entre deux sujets différenciés. Cette évolution est indispensable pour que l'enfant puisse ensuite construire son identification féminine dans une relation triangulaire et accéder à l'oedipe. La consolidation du processus de séparation-individuation doit cependant pouvoir s'étayer sur le développement de la maîtrise corporelle. Or, il semble que Justine rencontre d'importantes difficultés à ce niveau : le toucher conserve un caractère intrusif, tandis que la structuration chaotique du schéma corporel et l'apparition tardive du bonhomme dans le dessin révèlent une construction très délicate de l'image inconsciente du corps. Justine toutefois, avance à son rythme, tandis que se négocie au jour le jour l'ajustement respectif de son désir et du projet de l'orthophoniste. En Janvier, je refais avec elle un petit bilan. Elle a alors 4 ans 6 mois et continue de progresser : apparition du dessin du bonhomme, des phonèmes [ch, j] non systématisés, progrès en mémoire verbale, début d'utilisation des pro-

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noms personnels (moi, je, tu, il avec des confusions il/elle). Elle a pris suffisamment d'aisance et de distance avec le langage pour pouvoir définir des mots. Cependant, elle a encore des difficultés avec les contractions (type « de le » pour du), avec les pronoms possessifs (« les petites filles de moi » pour mes copines), elle ne sait pas jouer aux devinettes et le retard concernant les termes relatifs à l'espace reste massif (alors que pour les termes relatifs au temps elle est très en avance, elle commence à se situer dans les jours de la semaine). Son institutrice la décrit comme étant assez autoritaire avec les enfants, ayant des difficultés à partager, et signale surtout qu'elle a eu beaucoup de mal à laisser en classe sa blouse de peinture, comme le veut l'usage dans son école. Elle pleure et veut absolument la ramener chez elle tous les soirs, pendant plusieurs mois. Par ailleurs, elle travaille bien et ne pose pas de problèmes particuliers malgré ses difficultés de langage. Justine fait donc des progrès réguliers. Elle est devenue très bavarde, elle qui était si inhibée. Mais cette rééducation continue à me préoccuper. En effet, son bavardage est tel que je dois souvent lui demander de se taire pour que nous puissions travailler. Quel paradoxe! Mais je me rends compte en fait que ce bavardage est comme un écran qu'elle place entre nous et qui n'est pas vraiment destiné à communiquer. Elle ne m'y laisse aucune place. Le bilan effectué à la fin de son année de moyenne section de maternelle (elle a alors 4 ans 11 mois) confirme que les progrès sont importants : Justine produit de nombreuses phrases complexes, parvient de plus en plus à décoder l'implicite, parle de ce qu'elle vit à l'école et à la maison, peut me saluer devant sa maman, sait écrire son prénom, commence à sexuer ses bonhommes, à savoir compter et se normalise sur le plan scolaire. Ses parents sont contents des progrès de leur fille mais le père me fait part de son inquiétude pour la scolarité future car il la trouve encore très en décalage sur la plan verbal, avec les autres enfants de son âge. Effectivement, malgré tous les progrès accomplis par Justine, son langage garde un caractère nettement pathologique. Jusqu'au terme de la rééducation, je garderai d'ailleurs cette impression qu'il faut accompagner et étayer pas à pas le langage de cette petite fille. L'absence du phonème [r] en finale de mot ou devant une voyelle donne à sa parole un aspect " bébé ". Les difficultés qu'elle a avec les termes relatifs à l'espace (dedans pour dans, dessus pour sur), avec certains déterminants, avec les pronoms possessifs, personnels (confusion il/elle qui demeure), relatifs (difficulté notamment avec le qui relatif) empêchent sa syntaxe de se normaliser tout à fait. Malgré la fluidité verbale qu'elle a désormais (presque plus d'inspiration au milieu des phrases), elle a encore des moments de jargon où le discours retrouve un caractère déstructuré.

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Les progrès langagiers et les dessins de Justine sont autant de témoins de sa structuration : à quatre ans et demi, la fillette n'est plus ce gribouillage d'elle-même au sein d'une constellation familiale indéchiffrée ; elle peut maintenant se représenter dans une évocation figurative de sa famille, où chacun prend corps dans son statut d'enfant ou sa fonction parentale, de même qu'elle commence à sexuer ses bonshommes, c'est à dire à entrer dans un registre d'investigation ouvrant sur l'oedipe. Pourtant, à chaque étape, l'orthophoniste pointe une série de comportements et de difficultés persistantes qui s'érigent comme autant de hiatus, d'éléments en discordance avec l'évolution d'ensemble, qui ne laissent pas d'inquiéter quant à l'assise réelle des acquis et quant à leur qualité d'intégration. Le besoin de recourir au transport d'objets pour affronter certains passages (comme l'entrée en contact avec l'orthophoniste, le départ de l'école) subsiste toujours. En écho à cet usage transitionnel et contraphobique de certains objets, l'orthophoniste évoque un investissement du langage toujours problématique : une aisance verbale qui ne va pas de soi, « qu'il faut accompagner et étayer pas à pas », qui peut fonctionner à vide (ou plutôt pour elle même), faisant barrage à la communication ; comme si la parole d'autrui pouvait encore introduire une proximité menaçante, un risque d'engloutissement dans le discours-corps de l'autre... Justine se défend alors en faisant du discours même un rempart, un écran de « bavardage » face à la relation anxiogène. Cette fragilité s'exprime également dans un registre plus instrumental, par ses difficultés à jouer aux devinettes ; Justine est encore démunie lorsque l'ajustement subtil à l'autre, au savoir, à la part respective de l'explicite et de la déduction passent par le dialogue verbal. De même que certaines acquisitions syntaxiques ne trouvent pas à s'intégrer : il s'agit de tous ces petits marqueurs relatifs à l'espace et à la détermination des personnes ; un flou persiste dans l'organisation des représentations psychiques. Lorsque je retrouve Justine après les vacances d'été, elle a encore fait des progrès. Cependant, il lui faudra encore toute la dernière année de maternelle pour achever la construction de son système phonologique (place du [r] dans la parole, substitutions [ch/s, j/z]), tandis qu'un travail visant à améliorer la syntaxe se poursuit (notamment la différenciation il/elle et l'utilisation des pronoms relatifs et possessifs). Je l'accompagne ainsi jusqu'à son entrée au C. P. Elle est alors très fière de me montrer son livre de lecture et est consciente que nous allons cesser de nous voir car elle n'a plus besoin de moi. La rééducation s'arrête fin octobre. Justine a alors 6 ans 3 mois. Entre 5 ans et 5 ans et demi, Justine apporte différents dessins qui témoignent de ses préoccupations concernant la différence des sexes et la transmis-

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sion de la vie. (A cette période la mère est sur le point de concevoir son quatrième enfant). Ces productions ne font pas l'objet de commentaires ou d'échanges particuliers, mais ils constituent autant de paroles muettes qui trouvent un lieu d'adresse en la personne de l'orthophoniste et soutiennent sans doute Justine dans son investigation. Cette curiosité sexuelle infantile est une phase importante du développement psychoaffectif, car elle conduit à l'oedipe, étape cruciale où l'enfant va chercher à se dégager de la relation d'étroite dépendance à la mère et construire son identité sexuée. Cette longue maturation s'initie ordinairement vers l'âge de 3 ans. Justine poursuit donc sa construction psychique avec un décalage temporel important. Ses tentatives d'organisation et d'identification sur le versant oedipien semblent fragiles. En effet, à 6 ans, la figure de la mère phallique, (la mère toute puissante des débuts de la vie) reste prévalante dans les productions figuratives et cohabite avec des représentations beaucoup plus régressives, où la structure anatomique des corps est ramenée au simple squelette. Il se peut, compte tenu de la problématique de l'enfant, que le déroulement du complexe de castration, cheville majeure de l'oedipe qui doit conduire la fillette à modifier sa relation à la mère, se heurte à la survivance d'angoisses archaïques de perte d'objet. On peut être tenté de faire un parallèle entre l'apparition tardive de l'oedipe et les difficultés persistantes à maîtriser l'usage d'éléments syntaxiques très particuliers, à savoir certains pronoms relatifs, les déterminants il/elle et certains pronoms possessifs. Les premiers rendent compte de ce qui se rapporte à chacun ou de « qui fait quoi », les seconds traitent de la distinction masculin/féminin, et les derniers articulent cette identification sexuelle à la question « qui a quoi »... Autant de subtilités qui renvoient aux préoccupations inconscientes contemporaines de l'avènement du conflit oedipien. L'appropriation laborieuse des termes relatifs à l'espace peut également être symptomatique d'une difficulté à se positionner , à trouver sa place. Hormis ces détails, loin d'être anodins mais relativement isolés, Justine fait preuve d'une grande adaptation dans ses conduites sociales et langagières. Cependant, le « sevrage » orthophonique sera long. Jusqu'au bout, l'enfant paraît dépendante du désir de l'orthophoniste ; l'articulation du [r], si longue à s'automatiser, semble venir illustrer cette difficulté latente à s'autonomiser.

◆ Après la rééducation Depuis la fin de son C.P., Justine vit avec sa famille dans le sud de la France. Elle m'a envoyé quelques lettres avec des dessins. Nous nous sommes revues récemment, à l'occasion d'une visite qu'elle a faite à ses grand-parents dans la région.

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Elle a alors 8 ans et demi et termine son C.E.2. Elle est enjouée et souriante, très contente de me revoir. Nous discutons un peu de sa vie, de l'école, de ses loisirs. Elle fait beaucoup de sport et est très bonne en français, sa matière préférée à l'école. Elle évoque aussi sa rééducation avec moi, elle se souvient des petits livres que je lui prêtais. En discutant avec elle de ses projets, je suis surprise par les métiers qu'elle voudrait faire : maître-nageur, reporter comme Tintin, moniteur d'escalade, pêcheur, et plus classiquement pour une fillette institutrice ou cuisinière. Je lui demande alors si elle a envie de se marier et d'avoir des enfants. Elle rit, hésite et me répond qu'elle ne sait pas vraiment si elle en a envie. Sa maman me confie que, tout en étant rassurée par les résultats scolaires de sa fille, elle est un peu préoccupée car Justine a très peu d'amis, joue souvent seule à l'école et ne ramène jamais d'enfants à la maison. Si l'on en juge par les dessins que Justine envoie à son orthophoniste au cours de sa septième année, l'entrée en période de latence s'opère dans le cadre d'un refoulement radical de la sexualité, alors que l'identification sexuelle n'est pas encore très affirmée. Le déclin de l'oedipe signifie non pas l'éradication du désir en soi, mais le renoncement aux objets parentaux et l'attente d'une satisfaction future en dehors des relations familiales ; elle s'accompagne d'une désexualisation de la relation tout en invitant l'enfant à se projeter en tant qu'être sexué dans le monde social et dans la culture. Or il semble que pour Justine, le refoulement des conflits affectifs oedipiens non résolus ait pour conséquence une mise à distance radicale, non pas seulement de tout ce qui touche à la sexualité, mais également de tout ce qui permet au sujet de s'affirmer socialement dans son sexe : ses dessins à 7 ans témoignent d'une activité sublimatoire centrée sur l'organisation de l'espace et les détails technologiques (représentation asexuée des individus, absence de soin, de couleur et de fioritures qui contrastent avec les dessins de la période précédente). Lorsqu'elle revoit son orthophoniste à 9 ans, elle réalise un dessin plus coloré et plus vivant dont le thème, une scène de plage, suggère davantage d'expression pulsionnelle ; cependant nous constatons à nouveau que celle-ci convoque un mouvement d'annulation de toute identification sexuelle : deux personnages jouent au volley, un autre se repose sur le sable, un quatrième se baigne ; ce sont tous « des enfants » indistinctement représentés de façon schématique, sauf l'individu étendu sur le sol, « un monsieur » dont Justine a masqué le corps sous une serviette. Par ailleurs, interrogée sur ses désirs quant à l'avenir, la fillette semble éprouver des difficultés à se projeter dans l'évocation du mariage, tandis que ses velléités professionnelles et ses goûts sportifs trahissent une forte ambivalence à se reconnaître dans son sexe.

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Enfin, en dépit d'une excellente adaptation scolaire, subsistent des difficultés relationnelles : Justine n'a pas d'ami(e) et vit dans un relatif isolement. Il semble qu'une forte inhibition compromette la structuration de l'estime de soi dans les rapports sociaux avec les pairs, si importante à cet âge. Il est clair, compte tenu du tableau de départ et du niveau final de performance oral et écrit, que la rééducation a pu largement remplir son office s'agissant des acquisitions. Nous avons également constaté en quoi elle a pu parallèlement soutenir l'enfant dans sa construction psychique ; cependant à cet égard des inquiétudes persistent, du chemin reste à parcourir qui sera l'enjeu du remaniement identitaire propre à la puberté.

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De l’approche neuropsychologique en général et du langage oral en particulier Docteur J.P. Lasserre

Résumé Un bilan doit être adapté au patient, à sa pathologie. Cette évidence, support d'une conception modulaire du bilan est à l'origine à la fois d'une inflation et d'une hyperspécialisation des batteries. Il en découle une compartimentation bilan-pathologie avec des traits de refend en fonction de l'âge. Mais ce jeu de l'hyperspécialisation dont on ne saurait nier les avantages tend quelque part à faire négliger le fonctionnement global. Nos expériences neuropsychologiques successives, d'abord en secteur neurologique hospitalier (R), puis dans une clinique de rééducation différenciée dans la prise en charge des traumatisés crâniens (V), enfin en cabinet avec l'opportunité de s'intéresser à la pathologie développementale nous ont convaincu de la nécessité d'une approche de l'individu dans son ensemble. Mots-clés : référence aux structures cérébrales, approche verticale fonctionnelle, approche horizontale logique, couple logico-instrumental, particularité du sujet.

A general neuropsychology approach and a specific oral language approach Abstract An evaluation must be specifically tailored to the patient and his pathology. This obvious assertion, anchored in a modular conceptualization of evaluation, is the source of both inflation and hyperspecialization of assessment batteries. This has resulted in a trend towards compartmentalization of the evaluation of specific pathologies as a function of age. Nevertheless, this doubtless useful hyperspecialized approach also creates the risk of neglecting the global functioning of the patient. Our cumulative neuropsychological experience, initially in a neurological hospital setting (R), then in a clinic specialized in the rehabilitation of head injured patients (V), and finally in private practice dealing with developmental pathologies, convinced us of the necessity of a holistic approach to the patient. Key Words : spoken language, cerebral structures, functional vertical approach, logical horizontal approach, logical-instrumental pairing, subject's specific characteristics.

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Docteur J.P. LASSERRE Médecin neurologue La Galaxie 40, boulevard des Minimes 31000 Toulouse

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e cerveau n'est pas aussi spécialisé qu'un ordinateur : un comportement peut résulter de l'activation d'un module distinct mais est également dépendant du fonctionnement d'autres modules jouant synergiquement avec le précédent. L'excès de spécialisation ne correspond donc pas à une réalité cérébrale et prend le risque de passer à côté du retentissement de l'atteinte d'une fonction sur une autre fonction. Les symptômes résultent de facteurs étiologiques divers et sont appréciés en référence à un modèle cérébral postulé normal et commun à l'espèce. Mais l'expression symptomatique peut être remodelée par des facteurs propres à l'individu.

A notre point de vue l'approche du langage oral ne peut donc se limiter à l'exploration du seul langage oral, mais doit s'intégrer dans une approche neuropsychologique plus large. L'interprétation des résultats du bilan devra de plus bénéficier d'une relecture prenant en considération la particularité du sujet car en dernier ressort ce sera moins un langage oral déviant que ce sujet dysfonctionnant par son langage qu'il faudra rééduquer. Cramponnés à ces principes de base, nous inspirant des méthodes déjà existantes nous avons progressivement élaboré au fil des années une approche plurifonctionnelle qualitative et semiquantitative. Cette approche comprend 4 volets (8) : - elle s'appuie sur la neuropsychologie au sens neurologique ; - elle incorpore certaines des avancées des sciences cognitives ; - elle propose une quantification en référence à l'ontogenèse et à Piaget ; - elle essaye d'apprécier la particularité du sujet. La neuropsychologie au sens neurologique se définit comme l'étude des fonctions supérieures en référence aux structures cérébrales. Il est vrai que si le scanner et surtout l'IRM fournissent d'intéressants renseignements chez l'IMOC, nous sommes par contre frustrés pour ce qui concerne l'essentiel de nos dysphasies développementales dites spécifiques. La tomographie à émission de positons aurait théoriquement les moyens de combler cette lacune mais il n'est pas

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certain qu'elle devienne une technique de routine (5). Dans tous les cas, nous restent cependant la clinique... et notre connaissance des cadres pathologiques. Les cognitivistes s'efforcent de décrire les fonctions supérieures comme des programmes informatiques. Ils proposent ainsi des schémas fonctionnels extrêmement précis. Ceci a indiscutablement fait progresser l'analyse qualitative. Ces schémas fonctionnels ont été décrits chez l'adulte. Dans notre expérience, moyennant quelques réserves il sont extrapolables à l'enfant y compris pour ce qui concerne la pathologie développementale. Il y a certes des différences entre l'adulte et l'enfant (l'acquis, le degré de spécialisation, le potentiel de reconstruction... ) mais les ressemblances sont encore plus importantes ne serait-ce que parce qu'il s'agit du même cerveau, programmé génétiquement, cette programmation génétique s'étendant aux processus de reconstruction. Nous avons accordé notre préférence à des schémas simplifiés rapportés au cerveau. Ainsi pour ce qui concerne l'instrument langage oral, notre choix s'est porté sur le modèle de Lichteim (12) enrichi de quelques éléments empruntés à Luria (9) (tableau 1 ci-dessous) :

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Très schématiquement, analyseur moteur et auditif gèrent la parole, les cortex d'association voisins, le langage. Comme les autres instruments le langage s'inscrit dans des comportements régulés par le lobe frontal (analyse du stimulus verbal et de son contexte, planification d'une réponse comprenant une stratégie avec des aspects tactiques et des aspects logistiques, vérification d'adéquation à chaque étape). Un retard maturatif est à l'origine d'un retard de parole, d'un retard de langage. Il apparaît également intéressant d'apposer sur ce modèle les troubles structurels de type dysphasique comme ils sont décrits par Gerard (4) : - la dysphasie phonologicosyntaxique traduit principalement un dysfonctionnement de la programmation motrice ; - le déficit de production phonologique pourrait signifier une claudication de la base kinesthésique, de l'encodage phonologique ou une pathologie de conduction entre encodage et programmation motrice ; - les dysphasies réceptives proprement dites suggèrent un dysfonctionnement de l'encodage et du décodage. Il nous a même été donné d'observer une agnosie verbale qui pourrait traduire un trouble un peu plus en amont, au niveau du décodage auditif ; - le syndrome sémanticopragmatique désigne d'après Van Hout (13) une pathologie pariétale inférieure (zone pour A. R. Lecours indispensable à la com préhension et à l'expression d'un langage sémantiquement cohérent), d'après Rapin un déficit du contrôle frontal ; - le syndrome lexicosyntaxique, dominé par le manque du mot, est plus difficile à « topographier » : le mot se situe en effet à l'interface entre le langage et la mémoire, interface repérée par Ojemann (7) à la périphérie de la zone du langage. La référence au schéma présente ainsi l'avantage de donner une unité à l'ensemble de la pathologie développementale, permet de préciser le maillon défaillant et donc le lieu où devra porter la rééducation, tout au moins les techniques de reconstruction. Surtout, et c'est l'originalité de notre approche, nous proposons à côté de l'analyse fonctionnelle une quantification en référence à l'ontogenèse. Nous pensons en effet que les fonctions instrumentales s'articulent sur une structure mentale logique (concept de couple logico-instrumental). Cette structure logique bénéficie d'une maturation au cours du développement que nous avons choisi de suivre en référence aux travaux de Piaget (1). Ainsi nous couplons à l'analyse verticale fonctionnelle cognitive une analyse horizontale logique. Ce montage permet de bénéficier des avantages des deux méthodes tout en en contournant en partie les inconvénients.

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La perspective cognitive d'abord qualitative gagne d'être enrichie d'une dimension quantitative intra et surtout interfonctionnelle étalonnée sur une règle du jeu commune développementale. Ceci permet de comparer les aspects structurels intrafonctionnels entre eux, les différentes fonctions entre elles et donc de lier les colonnes cognitives. La théorie Piagétienne qui fond les différents instruments dans un bloc logique achoppe notamment sur le problème de l'idiot savant (2) ; l'acceptation du concept de couple logico-instrumental permet de concevoir l'éventuelle hypertrophie de la partie instrumentale d'un couple et donc de rattraper Piaget. Voyons les avantages en matière de pathologie focalisée et notamment de dysphasie. Après avoir écarté un trouble non spécifique, le diagnostic repose sur deux types d'arguments : - quantitatifs : la démonstration d'un handicap qui à l'inverse du retard simple de langage se creuse par rapport à la courbe de développement normal (Tableau 2 ci-dessous) :

- a priori qualitatifs avec la mise en évidence de troubles structurels. Gérard (4) en reconnaît six : troubles de l'évocation lexicale, de l'encodage syntaxique, de la compréhension verbale, hypospontanéité verbale et réduction de la longueur de l'émission vocalique, trouble de l'informativité, dissociation automatico-volontaire. Au moins, les trois premiers font intervenir des critères quantitatifs en référence à l'ontogenèse : ainsi à quatre ans plus de deux réponses manquantes à l'épreuve de dénomination RV équivaut à un manque du mot, un agrammatisme signifie un trouble de l'encodage syntaxique, la non-

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maîtrise des adjectifs spatiaux renvoie à un trouble de la compréhension (Tableau 3 ci-dessous) :

Les avantages sont encore plus nets en matière de pathologie étendue ou diffuse. Au plan qualitatif, il est important de connaître le niveau de maturation de la structure mentale, la capacité opératoire de l'enfant. Au plan quantitatif, l'appréciation de l'atteinte fonctionnelle relative peut aider à repérer une dysphasie relative (10) dans le cadre d'une déficience mentale, de distinguer un trouble de type aphasique dans le cadre de la régression post-traumatique chez le petit enfant (Tableau 4 ci-dessous) :

Nous essayons enfin d'approcher la particularité du sujet. C'est que l'expression symptomatique est certes dépendante des éléments étiologiques mais s'avère remaniée par différents facteurs :

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- facteurs physiques : ainsi les aspects praxiques bucco-linguo-faciaux peuvent être limités par un handicap moteur néonatal et sa répercussion (« onde de choc ») sur la coordination des schèmes sensorimoteurs. Un handicap auditif vient retentir sur les fonctions réceptives avec inflexion possible d'un style cognitif dans le sens de la spatialité. Ceci souligne l'intérêt de définir l'équation physique individuelle de manière à éventuellement pondérer les résultats de l'analyse « psychométrique ». - facteurs neuropsychologiques : nous n'arrivons pas tous nus sur terre mais porteurs d'un certain nombre de traits, de potentialités définis par notre mémoire génétique et qui font notre particularité. Egalement notre fenêtre attentionnelle est trop limitée pour pouvoir recevoir toutes les informations venues du monde extérieur ou intérieur. Il nous faut donc faire un tri et si nous souhaitons compléter une information, orienter notre fenêtre attentionnelle. Ceci chacun le fait à sa manière en fonction de ses gènes, de ses expériences passées, de son affectivité, de son émotivité, de son intelligence, de son style cognitif. Sur les bases de notre mémoire génétique, par le regard qu'il porte sur ce monde et sur son action dans ce mode le sujet construit sa personnalité, personnifie ses instrumentalités, façonne son style. Dans toute cette diversité, il est cependant possible de repérer des types. Ainsi, Gardner (2) développe le concept des intelligences multiples. Il reconnaît différents types d'intelligence : verbale, logicomathématique, musicale, visuo-spatiale, kinesthésique, inter et intrapersonnelle... Chaque individu possède au plan quantitatif une combinaison variée de ces différentes aptitudes. Ainsi notre petit patient déviant sur le versant de son « intelligence » verbale présente-t-il des aptitudes dans d'autres registres ? Il nous semble capital après avoir fait le diagnostic des points faibles de faire le diagnostic des points forts - là se trouve le niveau où l'enfant peut être gratifié, ce peut être la base de stratégies de suppléance et c'est probablement dans ce registre que plus tard il s'épanouira. - facteurs psychologiques : Gazzaniga (3) propose de son observation des callectomisés le concept d'hémisphère gauche interprète : il existerait au niveau de l'hémisphère gauche un système capable d'inférence et qui passerait son temps à élaborer des théories quant aux raisons de nos comportements, ceci afin de maintenir une impression de cohérence entre tous nos comportements conscients et... inconscients. Ceci serait à l'origine de nos préjugés, convictions, croyances et de notre comportement de différenciation. Ce comportement de différenciation représenterait d'après l'auteur « une caractéristique imprescriptible de l'espèce ». Il est important de le reconnaître afin de permettre à l'enfant dans notre face à face interactif de s'épanouir dans le bon sens. - facteurs inhérents au milieu : Monfort (11) a fort bien souligné chez l'enfant dysphasique l'influence du milieu sur les symptômes et l'intérêt d'inté-

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grer les parents dans l'équipe rééducative. Pour Gazzaniga, l'influence du milieu serait surtout sensible par ses carences. En synthèse, l'approche neuropsychologique en général et du langage oral en particulier n'est pas aisée dans la mesure où notre objectif étant la prise en charge, il nous faut passer du cerveau conceptuel au cerveau réel (6). Une fois recueillies les données brutes du bilan, bilan adapté à l'enfant et à ses troubles, il nous faut activer notre hémisphère gauche interprète. C'est une tâche éminemment subjective mais qui est la marque de notre expérience, une démarche essentielle pour aller à l'encontre de la particularité du sujet, définir un projet de prise en charge personnalisé. Dernier point, cette approche pour ne pas rester artificielle doit s'inscrire dans une perspective écologique. C'est mettre l'accent chez l'enfant sur l'interaction nécessaire avec les parents et l'enseignant, la comparaison de nos « bilans spécialisés », ceci afin de lancer les bases d'une prise en charge coordonnée. C'est une démarche que l'on pourrait qualifier de neuropsycho-écologique.

REFERENCES 1 - DOLLE J.M (1977). Pour comprendre Piaget. Privat Toulouse, 219 pp 2 - GARDNER H (1977). Les formes de l'intelligence. Edition Odile Jacob, 476 pp 3 - GAZZANIGA M (1996). Le cerveau social. Edition Odile Jacob, 295 pp 4 - GERARD C.L (1991). L'enfant dysphasique. Edition Universitaire, PARIS, 118 pp 5 - HABIB M., DEMONET J.F, FRACKOWIAK P (1996). Neuroanatomie cognitive du langage: contribution de l'imagerie fonctionnelle cérébrale. Rev. Neurol, Paris, 192, 4, 249-260 6 - KARLI P (1995). Le cerveau et la liberté. Edition Odile Jacob, 362 pp 7 - KERAVEL Y., N'GUYEN J.R., CESARO P. (1985). Vues anatomiques commentées du cortex cérébral. EMC Paris, 17001 JIO 8 - LASSERRE J.P., LACARRERE-NEYBOURGER C (1995). L'approche RV. Bilans. Ortho édition, 278 pp 9 - LURIA A.C (1978). Les fonctions corticales supérieures de l'homme. Presses Universitaires de France, 570 pp 10 - MAZEAU M. (1997). Dysphasies, troubles mnésiques, syndrome frontal chez l'enfant. Masson Editeur, 248 pp 11 - MONFORT M., JUAREZ-SANCHEZ A. (1996). L'intervention dans les troubles graves de l'acquisition du langage et les dysphasies développementales. Ortho Edition, 251 pp 12 - OLLAT H. la pathologie des confins neuropsychiatriques. Collection scientifique Survector, 278 pp 13 - VAN HOUT A. (1986). Aspects du diagnostic des dysphasies. Louvain Med, 105 ; 333-341

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Etiologie des dysphasies : le point de la question Jean-Jacques Deltour

Résumé Outre le flou qui règne encore dans la terminologie des troubles du développement du langage et de leur diagnostic, leur étiologie est restée jusqu'il y a peu extrêmement vague hormis l'aspect héréditaire (C. Chevrie-Muller et J. Narbona, 1996) qui, selon les études, n'explique que de 20 à 30 % des cas. Une des raisons avancées à cette absence apparente d'intérêt est que l'étiologie n'intervient pas dans le plan de rééducation, ce dernier étant axé sur les symptômes directs (voies touchées ou préservées) ou associés (motricité, schéma corporel, rythme...). En ce qui concerne le diagnostic toutefois, la présence dans l'anamnèse d'un élément explicatif s'avère des plus précieux. En outre, sur le plan non plus de la remédiation mais de la prévention, une meilleure connaissance des conditions de développement de la petite enfance devrait permettre de nets progrès dans les modalités de prise en charge précoce, voire une éradication pure et simple par une médication préventive (Diazépam). Mots clés : langage oral, dysphasie, asphyxie et H.I.V., convulsions fébriles.

The etiology of dysphasia: current state of the issue Abstract Some confusion still exists regarding the definition and diagnosis of language development disorders, and until recently our knowledge concerning their etiology has been quite limited, with the exception of genetic factors (Chevrie-Muller C. & Narbona J., 1996) which only account for 20% to 30% of the cases, depending on the studies. One of the reasons suggested for this apparent lack of interest in etiology is that it does not influence the remediation plan which is centered on direct (impaired or intact modalities) or associated symptoms (motor skills, body image, rythm). For diagnostic purposes, however, it is extremely helpful to find elements of explanation in the patient's history. In addition, when we focus on prevention rather than remediation, it appears that a better understanding of the patient's early development will greatly contribute to improved implementation of early intervention strategies, and perhaps to total eradication of the disorder through preventive medication (Diazepam). Key Words : spoken language, dysphasia, anoxia and H.I.V., febrile convulsions.

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Jean Jacques DELTOUR Université de Liège Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education B-33, Sart-Tilman B-4000 Liège e-mail : [email protected]

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armi les pathologies susceptibles d'engendrer des troubles graves et durables du langage, les travaux de recherche menés au service de psychométrie de l'Université de Liège depuis vingt ans en relèvent actuellement deux. Il s'agit d'une part des enfants à très petit poids de naissance (moins de 1.500 grammes) et d'autre part des convulsions fébriles.

◆ Les accidents cérébraux néo-nataux Malgré les progrès incontestables accomplis en obstétrique et le développement d'une nouvelle discipline : la néonatalogie, le pourcentage de nouveaunés avec un Apgar (1) inférieur à 7 (et devant donc être réanimés) est actuellement de 14 % et semble ne pas devoir baisser dans les années à venir. La problématique de l'asphyxie néo-natale, amorcée il y a plus d'un siècle (Little, 1861) a été relancée il y a vingt ans par Towbin suite à l'étude de Thompson (1977) menée sur des prématurés. Il s'agit des facteurs associés aux naissances à risque, soit une hypertension brusque succédant à une hypotension. Parmi ceux-ci, on relève l'acidose (et la tachycardie qu'elle déclenche), la souffrance fœtale (compression prolongée), l'exsanguino-transfusion (ictère) et la déshydratation (post-matures). Les séquelles observées suite à des problèmes à la naissance ne seraient pas une conséquence directe de l'ischémie due au manque d'oxygène mais d'hémorragies de capillaires artériels liées aux changements brusques de la pression sanguine (effet « coup de bélier »). Dans l'état actuel des connaissances, on sait que ce sont les nouveau-nés à terme (plus de 2.500 grammes) qui sont les plus sensibles au manque d'oxygène, les prématurés, eux, étant plus résistants mais présentant par contre une plus grande fragilité capillaire les exposant aux hémorragies péri et intra-ventri(1) Indice de vitalité basé sur 5 paramètres cotés 2, 1 ou 0 et réalisé respectivement à 1minute et 5 minutes de l’expulsion. Les enfants obtenant 3 ou moins sont en état de mort apparente.

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culaires. De même, une hypoxie de longue durée n'affecte pas les mêmes zones cérébrales qu'une asphyxie totale mais brève. La problématique s'avère donc extrêmement complexe, d'autant plus que les deux pathologies peuvent coexister. Les deux études princeps menées à l'Université de Liège (M. Blavier, 1978 ; C. Hamende, 1982) sur des nouveau-nés à terme et sans autre pathologie qu'une asphyxie d'au moins deux minutes aboutissaient aux mêmes conclusions : une dépression nette et significative (20 points) du quotient intellectuel de performance avec des troubles de la structuration spatiale, de la motricité, de la mémoire et de l'attention / concentration associés alors que le quotient intellectuel verbal (W.P.P.S.I.) n'était pas affecté, du moins dans 90% des cas. En outre, l'ampleur de l'écart V/P (allant de 10 à 40 points de Q.I.) était directement proportionnelle à la durée d'asphyxie. Quant aux prématurés, ils constituent 8 à 9 % des naissances (2). Là aussi, on ne peut compter sur une réduction de leur nombre du fait de leur étiologie multifactorielle et de l'essor de l'ultrasonographie en fin de grossesse (les deux tiers des enfants de moins de 1.500 grammes naissent par césarienne). La première étude sur 70 cas de nouveau-nés de moins de 1.500 grammes et d'une durée de gestation inférieure à 32 semaines fut menée dans un des cinq centres de néonatalogie de Wallonie (Clinique Saint-Vincent à Rocourt) en 1987-1988. Au moment de l'examen psychologique, les enfants étaient âgés de 5 à 6 ans et ce dernier comportait le W.P.P.S.I., le T.V.A.P. et l'échelle motrice de MacCarthy. Un groupe-contrôle de 35 sujets lui fut apparié. Les résultats (Deltour, 1989) étaient conformes à ceux de la littérature de l'époque (Calame, 1985 notamment) à savoir que l'échantillon se composait de deux populations distinctes. L'une de gros cas (Q.I. inférieur à .80) constituée de 22 enfants, l'autre, majoritaire (68 %), ressemblant au groupe-contrôle. Même en éliminant le premier groupe des calculs, les moyennes obtenues par les 48 sujets considérés comme indemnes étaient encore significativement inférieures en Q.I.P. (9 points), sur le plan langagier et moteur. Un certain nombre d'enfants (30 % environ) présentaient donc des A.N.D. (Anomalies Neuro-Développementales) relatives soit au langage, soit à la structuration spatiale et à la motricité. En outre, on observait 27 % de strabisme contre 0 % dans le groupecontrôle ; 27 % de gauchers contre 9 % dans le groupe-contrôle et 10 % d'enfants non latéralisés contre 6 %.

(2) Dont 3 % de moins de 1.500 grammes et 1 % de moins de 1.000 grammes.

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L'étude de P. Jacquet (1992) menée quatre ans plus tard au même endroit et avec la même méthodologie sur 55 cas de moins de 1.500 grammes aboutissait aux mêmes constatations (diminution significative du Q.I. - 19 % de strabisme - 22 % d'enfants non latéralisés) mais avec une diminution nette du nombre de gros cas du fait de l'évolution des techniques (les surfactants notamment). La comparaison des enfants de poids inférieur à 1.000 grammes avec l'échantillon révélait des différences de Q.I. de 13 points en verbal et de 11 points en performance au W.P.P.S.I. avec une infériorité toute particulière des enfants de moins de 1.000 grammes au T.V.A.P. (moyenne de 5.9 contre 8.5 en Définition / de 7 contre 10.7 en Désignation) et en motricité, infériorité liée à la fréquence et à l'ampleur des hémorragies cérébrales. Il importait donc, dans des recherches ultérieures, de pouvoir préciser ces dernières dont les dossiers de naissance ne relevaient que 8 cas (sur 55), ce qui était peu, leur fréquence étant généralement estimée aux alentours de 50 % (Denis et Barnes, 1994). Depuis l'avènement de l'échographie transfontanellaire (3) au début des années 1980 fournissant des images plan par plan extrêmement nettes du cerveau (sauf dans les zones temporales, nous y reviendrons ultérieurement), diverses études ont permis d'objectiver deux types de séquelles chez les prématurés : les hémorragies péri ou intraventriculaires d'une part, les nécroses anodiques d'autre part. En ce qui concerne les premières, quatre stades de gravité progressive sont décrits : - les hémorragies sous-épendymaires (dites aussi péri-ventriculaires) stade I ; - les hémorragies intra-ventriculaires (H.I.V.) sans (stade II) ou avec dilatation ventriculaire (stade III) ; - associées avec une ischémie hémorragique cérébrale (stade IV). Une synthèse de la littérature en ce domaine s'avère particulièrement malaisée à la fois du fait de la diversité des âges des sujets au moment de l'examen psychologique (12, 18, 36 ou 60 mois), des outils psychométriques utilisés (tout spécialement pour l'évaluation du langage) et surtout de la classification des lésions. En effet, cette dernière est essentiellement quantitative (4) sans grand

(3) A ne pas confondre avec les ultrasons utilisés par les gynécologues pour évaluer la croissance intra-utérine. Il s’agit ici d’une sonde posée sur la fontanelle (qui est la dernière suture à s’ossifier aux alentours de 12mois) et donnant des coupes frontales, parasagitales et sagittales. Technique non invasive et à très faible prix de revient, elle peut être renouvelée selon les besoins. (4) Dans un but évidemment thérapeutique (dérivation des hydrocéphalies qui accompagnent généralement les stades III et IV) et pour un pronostic de survie.

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souci de localisation. A notre connaissance, une seule étude (Raz et ai., 1995) fait état d'un déclin de l'efficience verbale lorsque les lésions surviennent dans l'hémisphère gauche. L'étude à la fois la plus récente et la plus précise est celle de Frish et Whyte (1994) menée sur 68 cas d'enfants de moins de 1.000 grammes dont 41 présentaient une hémorragie et examinés à l'âge de 6 ans. Elle conclut que l'extrême prématurité, en elle-même, ne conduit pas à une infériorité des performances intellectuelles ou instrumentales. En effet, les 27 cas (sur 68) sans hémorragie ne se différencient en rien du groupe-contrôle apparié. Par contre, des déficits dans la compréhension de phrases et la mémoire de travail sont associés aux hémorragies de la couche germinale (stade I) ou aux H.I.V. légères (stade II), les H.I.V. de stade III ou IV occasionnant des chutes massives et généralisées à tous les domaines du développement. L'étude menée de 1996 à 1998 à Rocourt (Detaille, 1998) devait clarifier cet aspect des choses en comparant entre eux trois groupes de 20 enfants de moins de 1.500 grammes âgés de 4 à 6 ans : le premier avec des nécroses anodiques, le deuxième avec des hémorragies, le troisième constitué de prématurés indemnes à l'échographie transfontanellaire et un quatrième (groupecontrôle) de poids normal et apparié sur le plan socio-économique et culturel. Cette comparaison devait permettre de vérifier que la prématurité, en soi, n'entraînait pas de déficit du développement intellectuel et instrumental et, éventuellement, d'isoler des profils spécifiques. Les outils psychométriques utilisés étaient le W.P.P.S.I.-R. (1991) pour les composantes cognitives et la Batterie d’évaluation du Langage de Liège (S.E.L.L.) pour les aspects phonologique, morpho-syntaxique et sémantique du langage en expression et en compréhension (Deltour, 1997). Il est à noter que pour garantir un maximum d'objectivité, l'étude psychologique a été faite en aveugle, c'est-à-dire en ignorant à quel groupe appartenait tel ou tel enfant. Bien que 56 prématurés (sur 60) aient pu être retrouvés et examinés à domicile (5), les effectifs respectifs à l'issue de l'étude (qui a duré deux ans) étaient de 9 cas avec nécroses anoxiques (sur 20), 8 cas d'hémorragie (dont deux de stade III et IV à exclure... ) et 39 indemnes ! Le groupe-contrôle composé de 25 enfants des deux sexes, de poids de naissance normal, sans pathologie, et appartenant majoritairement aux classes (5) Du fait des refus de certains parents et des déménagements successifs qui caractérisent les jeunes couples, c’est en fait la quasi totalité des naissances « in born » sur deux ans.

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sociales moyennes ou favorisées (comme les trois groupes de prématurés) se caractérisait, du fait de la double sélection opérée, par une efficience intellectuelle non pas de 100 comme en population tout-venant, mais respectivement de 110 de Q.I.V. et de 107 de Q.I.P. et des notes standard supérieures à 10 aux différents tests de la Batterie d'Evaluation du Langage de Liège. L'examen du tableau 1 qui reprend les moyennes des différents sousgroupes permet d'évaluer l'ampleur et la significativité (U de Mann-Whitney) des différences par rapport au groupe-contrôle. Groupe contrôle N = 25

Anoxiques N = 8 (1)

Hémorrag. N = 6 (2)

Indemnes I N = 39

Indemnes Il N = 25

Q.I.V. Q.I.P. Q.I.T.

.110,6 .107,7 .109,2

.106,3 .96,8 * .103,8

.90,8 * .78,0 * .84,3 *

.98,6 * .94,2 * .96,3 *

.103,2 .98,6 * .100,8 *

ASPECT PHONOLOGIQUE E.D.P. 4-8/32

28.8

26

20 *

26.8

27.5

10.2

9

5*

7*

8.2 *

15.8

13.5

10 *

11.4 *

12.7 *

8.9 11.7 9.3 12.6

9.1 11.7 8.3 10.1

5.3 * 6.1 * 5.3 * 8.5 *

7.7 * 10.4 7.9 * 11.4

8.5 11.3 9.1 12.7

ASPECTS MORPHOSYNTAXIOUES En expression -T.C.G. En compréhension -O-52 ASPECTS SEMANTIQUES T.V.A.P. - Déf. - Dés. T.R.T. - Util. - Compr.

Tableau 1 - Synoptique des moyennes obtenues par les différents sous-groupes au W.P.P.S.I. et aux trois volets de la B.E.L.L. Les différences significatives (P.01) par rapport au groupecontrôle sont marquées d'une *

En ce qui concerne les anoxiques, la seule différence significative concerne le Q.I.P. (- 10 points), la sphère verbale et les différents sous-tests de la B.E.L.L. n'étant pas affectés.

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Ces résultats sont congruents avec les données antérieures (Blavier, 1978 ; Hamende, 1982) qui faisaient état d'une différence moyenne de 20 points de Q.I.P. et l'affirmation que les prématurés sont plus résistants à l'asphyxie que les enfants nés à terme. L'examen du tableau I, figurant en annexe, qui reprend le détail sujet par sujet, permet de constater que 8 sujets sur les 9 présentent la discordance V/P attendue (et pouvant aller jusqu'à 21 points de Q.I.P.) tandis que le sujet 6 diffère totalement non seulement sur le plan du niveau intellectuel (.65 alors que tous les autres sont normaux) mais également sur le plan langagier où l'atteinte est manifeste et généralisée. Ce sujet, suspect de présenter à la fois une anoxie et une hémorragie, a été exclu des calculs. En ce qui concerne les hémorragiques, les résultats des 6 cas légers contrastent totalement, tant avec le groupe-contrôle qu'avec les anoxiques. Des différences de 20 points tant en Verbal qu'en Performance sont observées de même qu'un abaissement significatif des résultats à tous les tests de langage. L'examen du tableau II, figurant en annexe et qui reprend les différents résultats sujet par sujet (dans la partie gauche pour les six cas légers et dans la partie droite les deux cas de stades III et IV), permet les constatations suivantes : parmi les six cas légers, deux sont indemnes de problèmes langagiers (sujets 1 et 6, ce dernier présentant le profil anoxique ; discordance V/P de 27 points) ; par contre, les sujets 2 et 5 présentent un retard sévère et les sujets 3 et 4 une dysphasie, soit quatre problèmes de langage sur six cas. Dans les deux cas graves, les déficits sont massifs (.70 de Q.I.V. et .50 de Q.I.P) et généralisés. Les problèmes de langage sont présents dans les deux cas, mais la faiblesse du niveau intellectuel ne permet pas de parler de dysphasie. Pour ces huit cas, en plus de la fréquence exceptionnelle des problèmes de langage (six cas sur huit !), c'est la dépression du Q.I.P. qui étonne le plus et nous amène à suspecter des hémorragies bilatérales (dans trois cas sur six des légers et dans les deux cas graves), affectant le fonctionnement des deux hémisphères. En ce qui concerne les trente-neuf sujets présentés comme indemnes (ou du moins sans signes à l'échographie), les résultats moyens obtenus (Groupe Indemnes I) sont significativement inférieurs (/t/ de Student pour échantillons indépendants) dans tous les domaines à ceux du groupe contrôle. Cette infériorité vient d'un certain nombre d'enfants porteurs d'A.N.D. non repérés par l'échographie. Un examen détaillé des 39 protocoles nous permet d'isoler deux sousgroupes : l'un constitué de dix cas présentant le même profil de déficits que les

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hémorragiques (cf. tableau III en annexe), l'autre composé de quatre cas présentant le profil des anoxiques. Si l'on retire ces quatorze cas de l'échantillon, les résultats (Groupe Indemnes II) deviennent alors nettement plus proches de ceux du groupe-contrôle avec toutefois une infériorité (significative à P.01) du Q.I.P. (9 points), du Q.I.T. (8 points) et de la composante morpho-syntaxique du langage (2 points de notes standard au T.C.G. et 3 points à l'0-52). S'il peut donc être tenu pour acquis que la prématurité, en soi et avec les techniques de soins intensifs actuelles, ne constitue pas une source de handicaps, force est de constater qu'il s'agit de moins de 20 cas sur 56 ainsi qu'en témoigne la proportion étonnante (21 %) d'enfants non-latéralisés dans le groupe Indemnes Il (cf. tableau 2). Groupe-contrôle Droitiers Gauchers Non latéralisés

Anoxiques

Hémorragiques

N=25

%

N=9

%

N=8

22 3 0

88 12 0

5 2 2

55 22 22 *

3 4 1

Indemnes I N=39

38 50 * 12

24 4 11

Indemnes II N=25

61 10 28 *

18 2 5

72 8 20 *

Tableau 2 - répartition des fréquences dans les différents sous-groupes en fonction de la latéralisation (l'astérisque indique que le X2 est significatif).

En ce qui concerne en effet la latéralité, évaluée par la dominance manuelle, il est à noter que les trois échantillons de prématurés se signalent à l'âge de 5-6 ans par des pourcentages de gauchers et de sujets non encore latéralisés qui interpellent. En comparaison avec le groupe-contrôle (N = 25) qui comporte 88 % de droitiers et 12 % de gauchers, proportions que l'on retrouve généralement en population tout-venant, les 56 sujets prématurés ne comptent que 32 enfants (soit 57 %) droitiers, mais par contre 10 enfants gauchers (soit 18 %) et surtout 14 enfants (soit 25 %) non encore latéralisés. Sous réserve de la faiblesse numérique des divers sous-groupes (qui, rappelons-le, devaient compter 20 sujets), l'examen du tableau 2 ci-dessus fait apparaître que la proportion de gauchers culmine dans le groupe des hémorragiques (où elle atteint 50 % contre 38 % de droitiers et 12 % de non-latéralisés). Il convient également de préciser que parmi les 6 cas d'hémorragies de stades I et II, les sous-groupes (indemnes / retard de langage / dysphasie) comptent chacun un gaucher et un droitier, et dans les 2 cas de stades III et IV, un gaucher et un enfant non encore latéralisé. Cette fréquence particulière des gau-

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chers amène à suspecter la présence parmi eux de gauchers « pathologiques » c'est-à-dire de droitiers constitutionnels qui, suite à une hémorragie dans l'hémisphère gauche, ont dû se latéraliser à gauche (l'hémisphère droit, indemne, devenant dominant). En ce qui concerne les 10 cas présentant un problème de langage chez les 39 indemnes, on relève 60 % de droitiers, 30 % de gauchers et 10 % de nonlatéralisés. Pour les 4 cas présentant le même profil que les anoxiques, il y a 80 % de droitiers et 20 % de gauchers. Le retrait de ces 14 cas du groupe Indemnes I fait augmenter la proportion de droitiers (72 % contre 61) mais laisse encore 20 % d'enfants non-latéralisés, ce qui est beaucoup. Pour ce qui est des jumeaux enfin, sur-représentés dans l'effectif (7 paires pour 42 singles), proportion qui se retrouve dans toutes les études sur les prématurés, la comparaison de leurs résultats à ceux des naissances uniques ne révèle aucune différence significative. A ce sujet, un essai de la méthodologie proposée par Dennis et Barnes (1994) comme alternative au schéma Groupe expérimental / Groupe-contrôle apparié a été envisagé. Cette dernière consiste à comparer des paires de monozygotes où l'un est indemne et l'autre présente soit une H.I.V. (stade III), soit une H.I.V. + une hydrocéphalie en postulant que celui qui a développé une H.I.V. aura un Q.I. plus bas que son homologue indemne et que l'hydrocéphalie en plus de l'H.I.V. devrait aussi se solder par une efficience plus basse. C'est ce qui s'avère dans les deux paires étudiées par ces auteurs : Sujet indemne x jumeau avec H.I.V. Q.I.V. Q.I.P.

.120 .105

.75 .69

Jumeau avec H.I.V. x H.I.V. + hydrocéphalie .75 .93

.67 .88

Notre échantillon comportant 6 couples de dizygotes (faux-jumeaux) d'une part et le seul couple de monozygotes ayant fait tous les deux une H.I.V. d'autre part, cette voie d'approche s'est hélas avérée impossible. En conclusion, la présente étude - si elle apporte des éléments neufs et incontestables - pose évidemment plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Parmi ces dernières, nous en relèverons trois : 1. Le petit nombre d'H.I.V. repérées par l'échographie transfontanellaire (8 cas sur 56) d'une part, et la fréquence des problèmes de langage (16 cas soit 29 %) et de latéralisation impliquant une localisation en temporal gauche reposent la problématique des hémorragies de stades I et II. Considérées comme mineures pour le devenir du prématuré (ce qui est vrai par rapport aux dégâts causés par les stades III et IV), elles semblent de plus passer inaperçues du fait

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de l'opacité des zones temporales. En outre, alors qu'en principe, une rupture de capillaires peut avoir lieu n'importe où, il y a manifestement des zones plus fragiles que d'autres (artère de Sylvius). 2. L'Apgar (qui est supérieur à 4 dans les deux tiers des cas de prématurés - respectivement 37 % de 4 à 6 et 26 % à 7 et plus) ne peut être considéré comme un prédicteur d'un développement ultérieur sans problème car à une minute (et même à cinq), il n'est pas révélateur d'un saignement qui va mettre des heures, voire des jours, à s'amplifier. En outre, les hémorragies peuvent survenir chez des enfants de poids normal de naissance, spécialement en cas d'hypertension de la mère. Le cas de Meryem (Deltour et Monseur, 1999) qui, avec 3.085 grammes de poids de naissance, présente une audi-mutité en témoigne. 3. La dépression du Q.I.P. de 20 points en cas d'H.I.V. et la fréquence des problèmes moteurs associés (29 % de strabisme) ne permettent pas de poser le diagnostic de dysphasie (qui est un diagnostic par exclusion, Senton, 1964) dans près de la moitié des cas de problèmes spécifiques de langage parce que ce dernier n'atteint pas les .85 / .90 requis. De ce fait, ces enfants sont classés comme débiles ou pire, comme arriérés mentaux, ce qui nous pose problème.

◆ Les convulsions fébriles Connues depuis longtemps (Hippocrate) et spécialement fréquentes (entre 3 et 5 % de la population tout-venant), il s'agit d'une pathologie qui touche tout spécialement les enfants âgés de 6 à 36 mois, c'est-à-dire en majorité des enfants qui ne parlent pas encore. Si l'on n'en meurt pas (contrairement à une croyance répandue), la crise clonique et la révulsion des yeux s'avèrent spécialement impressionnantes pour les parents qui, affolés, conduisent leur enfant, enveloppé d'une couverture, aux urgences où l'on pratique un diagnostic par exclusion. Il s'agit en effet d'éliminer les risques de méningite, de perturbation électrolytique, de spasme du sanglot ou d'arrêt respiratoire. Après 48 heures de mise en observation, l'enfant, guéri, rentre chez lui. Après une pathologisation dans les années 60, venant d'une crainte des récidives et d'une évolution vers l'épilepsie (d'où les anti-convulsivants comme le Phénobarbital), l'attitude thérapeutique s'est totalement modifiée à la fin des années 70, suite à l'étude du Nelson et Ellenberg (1976, 1978). Cette dernière portait sur 1.700 cas dont 431 avaient fait l'objet d'un examen psychologique à

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l'âge de 7 ans. Elle concluait à une absence de séquelles liées aux crises ellesmêmes mais également à l'absence de différence entre crises simples et crises complexes d'une part, et entre épisode unique et récidive(s) d'autre part. Depuis, l'attitude la plus courante des pédiatres est de déclarer l'enfant guéri à la sortie de son hospitalisation mais néanmoins de surveiller les montées de température lors de pharyngites ou d'otites et de prescrire du Diazépam (Valium) pour couper une éventuelle récidive. Les résultats des études menées à l'Université de Liège depuis quinze ans (Deboutez, 1985) s'inscrivent totalement en faux par rapport à ces conceptions. Comme il s'agit de travaux déjà exposés et publiés (Deltour, 1996 & 1997 ; Ciciani, 1998), nous ne ferons qu'en rappeler les lignes de force et les implications. Sur le plan méthodologique, il importe de signaler que d'une part, nous privilégions une approche psychométrique la plus analytique possible, c'est-àdire avec de nombreux tests administrés à de petits effectifs (N entre 30 et 50) par rapport à une évaluation superficielle (en Q.I.T. par exemple) d'un plus grand nombre de cas. D'autre part, nous partons des dossiers médicaux d'une cohorte d'enfants hospitalisés pour tel ou tel motif (des convulsions fébriles, par exemple) sur deux années (pour disposer de suffisamment de cas : 160 - 170 en moyenne) et éliminons les autres pathologies susceptibles de retentir sur le développement cognitif et instrumental afin de cerner le plus précisément possible l'effet de la variable étudiée. De ce fait, la constitution du groupe-contrôle revêt une importance toute particulière parce que les points de référence ne sont plus ceux d'une population tout-venant (Q.I. : .100) mais bien d'un sous-groupe sélectionné à efficience supérieure à la moyenne, puisque expurgé des autres pathologies et d'origines socioculturelles moyennes ou favorisées. En ce qui concerne les biais, ce type de méthodologie ne s'applique évidemment qu'à des enfants hospitalisés ; or, tous ne le sont pas (6) et seule une partie des cas est retrouvée quatre à cinq ans après l'épisode convulsif du fait des déménagements successifs (d'où la sélection socio-économique) et des refus d'examen par les parents. A ce titre, il importe de reconnaître que si ces derniers sont parfaitement légitimes, lorsqu'ils se multiplient, ils risquent de fausser totalement les résultats. En effet, la plupart du temps, l'enfant est déjà suivi par une orthophoniste et cette dernière estime (ou du moins ce sont les parents qui le disent) qu'on l'ennuie déjà assez comme ça... Ce n'est donc pas n'importe qui que l'on ne peut examiner.

(6) Il n’existe aucune étude épidémiologique permettant d’évaluer leur prévalence. On sait qu’il y en a (surtout lors de la 2e ou 3e récidive) mais on ignore leur nombre.

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Pour ce qui est des résultats, toutes les études (huit) menées à Liège convergent et indiquent que : 1. le groupe des enfants ayant convulsé se caractérise par une discordance V / P de 12 points dans le sens d'une infériorité du verbal ; 2. le fait d'avoir pris du Phénobarbital en continu jusqu'à l'âge de cinq ans aggrave le tableau en induisant une chute du Q.I.P. de 20 points ; 3. la majorité (90 %) des enfants ayant convulsé en conserve des difficultés de discrimination auditive (dysacousie) perceptibles à l'E.D.P. 4-8 (notes standard de 3 ou 4) dont le tiers (30 %) ne disparaîtront pas avec la maturation liée à l'âge. Ces difficultés, toujours présentes à 8 - 9 ans, constituent un handicap manifeste pour l'apprentissage de la lecture. Il est en outre à signaler qu'elles n'ont aucun rapport avec la cause de l'augmentation de température (pharyngite ou otite) comme on serait tenté de le penser. C'est le court-circuit cérébral qui a perturbé l'architecture très complexe des aires associatives (au nombre de 14) responsables de l'intégration auditive. 4. L'étude de F. Ciciani (1997), actuellement dupliquée (Bertrume, 1999) sur un échantillon représentatif des 170 cas d'enfants ayant convulsé et hospitalisés au C.H.U. de Liège en 1991 - 1992, après retrait de vingt-cinq dossiers médicaux incomplets et de septante-six cas présentant une autre pathologie telle que prématurité, méningite, épilepsie, déshydratation, asphyxie néo-natale, traumatisme crânien, ictère important ... donne les résultats suivants. Sur quarante-neuf cas examinés, cinq enfants (soit 10 %) sont inévaluables à l'âge de cinq ans du fait de l'ampleur du retard mental . Le fait n'est pas neuf dans la littérature. Arcadi et Chevrié (1976), sur une population de quatre cent deux sujets font mention de 13,8 % d'enfants ayant un quotient intellectuel inférieur à .70. Wallace et Cull (1979) en trouvent 8 % sur un échantillon de cent et deux ayant convulsé. Il convient toutefois de signaler qu'il s'agit dans les deux cas de populations non triées préalablement et que ces cinq enfants (de même que les quarante-quatre autres) se caractérisent par un premier développement (station assise, marche...) tout à fait normal. Les quarante-quatre autres obtiennent un Q.I.V. moyen de .94 et un Q.I.P. moyen de .107 et se répartissent pour moitié entre enfants indemnes et enfants à problèmes graves de langage dont 25 % de dysphasiques. Réexaminés un an et demi plus tard, ces problèmes de langage persistent. Il ne s'agit donc pas de retards simples de langage, comme nous l'avons d'abord cru, mais de troubles plus profonds et durables qui semblent se distribuer sur un continuum. Ni les récidives, ni le type de convulsions (simples ou complexes) ne permettent d'isoler les sujets indemnes des autres. Par contre, l'âge auquel l'enfant

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convulse semble être la variable-clé, tous les dysphasiques (treize) et les cinq gros cas ont tous fait un épisode convulsif (première crise ou récidive) entre dix-huit et vingt-trois mois alors qu'aucun des trente et un autres (indemnes ou retards graves) ne l'a fait, ce qui défie les probabilités. C'est donc sur cette période d'âge que devrait porter la prévention (Diazépam dès qu'il y a température). En conclusion, les études qui viennent d'être passées en revue permettent de chiffrer la prévalence des troubles sévères du langage d'origine neurologique (hémorragies et convulsions) à minimum deux pour cent de la population toutvenant, chiffre auquel il faut encore ajouter les cas d'origine héréditaire et vraisemblablement d'autres étiologies plus rares comme les méningites et les ictères nucléaires. On est donc loin du un pour cent avancé par C. Gérard (1992). Dans l'état présent des connaissances (Aimard, 1996), les cas de troubles spécifiques du langage d'origine hémorragique se singularisent des sujets qui ont convulsé par la présence conjointe de problèmes de latéralisation et de motricité fine qu'on ne retrouve pas chez les seconds. De même et contrairement à ceux-ci, le quotient intellectuel de performance est également affecté, ne permettant pas de les différencier des débiles harmoniques ou dysharmoniques (Zazzo, 1968). Un essai de diagnostic différentiel sur base de résultats contrastés au Test Des Déterminants (T.D.D.) et à l'échelle d'adaptation pratique des E.D.E.I. est actuellement mené.

◆ Annexes Q.I.V. Q.I.P. Q.I.T. ASPECT PHONOLOGIQUE E.D.P. 4-8/ 32 ASPECTS MORPHOSYNTAXIOUES En expression - T.C.G. En compréhension - O-52 ASPECTS SEMANTIQUES T.V.A.P. - Déf. - Dés. T.R.T. - Util. - Compr.

Sujet 1 Sujet 2 Sujet 3 Sujet 4 Sujet 5 Sujet 6 Sujet 7 Sujet 8 Sujet 9 86 101 103 108 105 65 112 126 112 85 82 94 100 92 65 91 120 110 84 98 105 99 62 126 111 28

29

24

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24

23

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5 7

8 10

8 15

9 10

12 17

2 9

10 16

8 15

12 17

9 11 7 10

11 11 5 7

7 10 5 10

6 10 9 4

12 13 11 19

2 9 2 3

9 12 9 11

9 13 9 10

10 14 12 16

Tableau I - Synoptique des résultats au W.P.P.S.I.-R. et en notes standard (moyenne 10/écart-type 3) à la B.E.L.L. des 9 sujets présentant une nécrose anoxique.

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Q.I.V. Q.I.P. Q.I.T. ASPECT PHONOLOGIQUE E.D.P. 4-8/ 32 ASPECTS MORPHOSYNTAXIOUES En expression - T.C.G. En compréhension - O-52 ASPECTS SEMANTIQUES T.V.A.P. - Déf. - Dés. T.R.T - Util. - Compr.

Sujet 1 Sujet 2 Sujet 3 Sujet 4 Sujet 5 Sujet 6 Sujet 7 Sujet 8 92 96 82 77 89 109 76 67 97 76 83 54 76 82 49 53 93 80 80 57 30

29

-

18

16

26

26

-

8 10

5 17

1 9

1 4

4 5

11 16

4 6

2 4

8 10 11 13

6 11 9 10

1 1 1 6

3 2 1 1

5 2 2 7

9 11 8 14

4 8 6 8

3 3

Tableau II - Synoptique des résultats au W.P.P.S.I.-R et en notes standard (moyenne 10 / écart-type 3) à la B.E.L.L. des 8 cas d'hémorragie (les sujets 7 et 8 sont des stades III et IV).

Q.I.V. Q.I.P. Q.I.T. ASPECT PHONOLOGIQUE E.D.P. 4-8/ 32 ASPECTS MORPHOSYNTAXIOUES En expression - T.C.G. En compréhension - O-52 ASPECTS SEMANTIQUES T.V.A.P. - Déf. - Dés. T.R.T - Util. - Compr.

Sujet 1 Sujet 2 Sujet 3 Sujet 4 Sujet 5 Sujet 6 Sujet 7 Sujet 8 Sujet 9 Sujet 10 98 86 82 79 88 94 65 76 92 91 111 89 76 68 104 84 77 89 94 91 105 86 77 72 87 69 81 92 89

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29

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-

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5

1

3

3

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5

3

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4

11

8

8

1

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10

5

12

9

5

4 9 6 8

2 9 3 10

4 11 6 9

5 4 3 8

3 9 4 5

7 12 6 14

2 6 6 11

4 7 2 1

4 5 6 10

5 6 3 6

Tableau III - Synoptique des résultats au W.P.P.S.I.-R et en notes standard (moyenne 10 / écart-type 3) à la B.E.L.L. des 10 cas considérés comme indemnes à l'échographie et présentant, pour nous, un problème de langage.

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Développement des productions vocales : évaluation et implications cliniques Shirley Vinter

Résumé Ce travail se focalise sur les différents types d'évaluation du développement phonologique de l'enfant. Il souligne : - l'importance du babillage, événement clé de l'acquisition du langage - l'existence d'une interaction entre les diverses composantes langagières, entre : . le répertoire consonantique et les premières formes lexicales . le lexique et la syntaxe . l'intonation et la syntaxe. Mots clés : développement phonologique, babillage, intonation, syntaxe, évaluation.

The development of vocal production : assessment and clinical implications Abstract This study describes different types of assessments of the child's phonological development. It stresses the following points: - the role of babbling, a key event in the acquisition of language - an interaction between the following language components: . consonantal repertoire and the first words produced . vocabulary and syntax . prosody and syntax Key Words : phonological development, babbling, intonation, syntax, assessment.

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Shirley VINTER Maître de Conférences, H.D.R. Université de Franche-Comté Faculté de Médecine 25030 Besançon

◆ Introduction Selon les données de la littérature, des précurseurs de désordres dans le développement du langage pourraient être détectés au cours de la deuxième année. Cette identification précoce, facilitée par la mise en place de nouvelles méthodes d'observation et d'analyse plus rigoureuses du comportement vocal, est fondamentale car elle permet la mise en place immédiate d'une aide auprès de l'entourage familial. L'analyse du prélangage peut fournir des indications précieuses sur le devenir langagier de l'enfant (Van Hout 1986). Deux ans est un « âge clé » dans le développement du langage d'un enfant, même s'il existe des possibilités de récupération qui sont souvent imprévisibles. C'est l'âge idéal pour le dépistage d'un enfant dysphasique (Van Hout 1989). Klees et Szliwowski (1993) notent que les enfants souffrant de dysphasies sévères sont décrits par leurs parents comme des bébés silencieux qui n'ont pas joué avec les sons comme les autres enfants. Les vocalises de l'enfant autiste sont spécifiques d'un individu donné (idiosyncratique), le timbre est atonal, dépourvu de toute variation mélodique (Van Hout 1986). A l'instar de Rondal (1987), nous pensons qu'il n'existe pas de signe pathognomonique du trouble du langage. Le diagnostic précoce ne peut se faire que sur la base d'un faisceau d'indices. Nous possédons déjà certaines données intéressantes concernant le développement du lexique et de la morpho-syntaxe. Pour Rondal (1987), s'agissant des critères productifs, si l'absence de lexème à 24 mois signale une première suspicion sérieuse de retard de langage, l'absence de combinaisons verbales, c'est-à-dire d'énoncés comportant au moins deux lexèmes à 30 mois et au-delà, indique un retard de structuration de l'expression verbale. Pour lui comme pour de nombreux autres auteurs, la longueur moyenne de production verbale (LMPV), qui est un indice très fiable de maturation syntaxique, permet de repé-

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rer toute lenteur anormale dans le développement morpho-syntaxique. Le gain est d'environ 1.25 LMPV par année d'âge. L'acquisition du lexique par l'enfant a fait l'objet de nombreux travaux ; les premiers mots apparaissent entre le 11e et le 14e mois. Boysson-Bardies (1996) a recensé une production de trente à quarante mots différents lors d'une séance d'enregistrement chez des enfants entre 15 et 17 mois. Ces données confirment celles de Nelson et al. (1993) : les enfants âgés de 20 mois possèdent un lexique de 50 mots environ. Selon un rapport de Dale et Thal (1989), l'enfant de deux ans utilise environ trois cents mots formés de substantifs, de verbes et d'adjectifs. A trois ans, il possède un vocabulaire d'environ mille mots et un L.M.E. de 3,1 (Wehrabian 1970). Mais tous les auteurs soulignent l'importante variabilité du développement du lexique dans les productions des enfants observés. Si un vocabulaire riche à 18 mois ne peut être à lui seul l'indice d'un développement particulièrement précoce de la syntaxe, en revanche il est bien difficile d'associer de façon claire un retard du développement lexical d'un enfant à une pathologie. La compréhension des éléments verbaux paraît être un indice particulièrement fiable du développement du langage ultérieur. Aussi, conviendrait-il d'accorder plus d'importance aux troubles de compréhension décelés dans un bilan du très jeune enfant. Parents et professionnels doivent être très vigilants sur cet aspect du langage. Bien que les données soient très réduites, il ressort des rares travaux que nous possédons, que l'enfant de douze mois comprend environ une cinquantaine de mots. Nous manquons de données dans ce domaine, il y a certainement là une voie de recherche tout à fait prometteuse. En même temps, le système phonologique de l'enfant progresse très rapidement entre deux et trois ans : augmentation de la production de sons différents, du type de syllabes, ce qui contribue à une meilleure intelligibilité de sa parole. Si, selon certains auteurs, la moitié de ce qu'un enfant produit à 2 ans est compris par un étranger, 75 % de sa production est comprise à 3 ans. Or, actuellement, les mesures du développement phonologique sont réalisées très tardivement chez des enfants âgés de 3 à 4 ans. On devrait, dit-on, dépister les enfants à 3, 6 ans. Selon Chalumeau (1994), l'âge moyen de la première consultation en 1992, au Centre d'Action Médico-Sociale Précoce où il travaille est de 3, 9 ans. Nous allons centrer ce texte sur l'évaluation du système phonologique de l'enfant et plus particulièrement sur le babillage. L'intérêt de cette évaluation n'est possible que si l'on considère le babillage, c'est-à-dire l'utilisation de structures syllabiques de type consonnevoyelle comprenant de vraies consonnes, comme l'événement le plus important du développement vocal pré-linguistique.

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De nombreux arguments justifient cette option : . il n'y a pas de discontinuité entre les premières productions vocales et le langage articulé ; . il existe des interactions entre le développement phonologique, le lexique et la syntaxe ; . si les modes d'acquisition du langage - au niveau lexical, morphosyntaxique - sont diverses, si les variations inter individuelles sont importantes, en revanche, les étapes successives qui constituent le développement des vocalisations pré linguistiques sont assez stables et ce, quelle que soit la culture ou le milieu environnant. Cette stabilité rend possible une évaluation.

◆ L'évaluation du babillage Parmi les nombreuses méthodes d'évaluation proposées nous évoquerons celles qui nous paraissent pertinentes et susceptibles de guider les travaux des orthophonistes. . Les unes sont basées sur la référence à un système d'étapes pour situer un sujet dans son développement ; . Les autres apprécient les compétences du sujet par la diversité de son répertoire phonologique ; . D'autres enfin portent sur l'évaluation des éléments mélodico-rythmiques de la parole. Ces différents systèmes d'évaluation se partagent le domaine actuel de la recherche sur cette question. Evaluations en référence à un système d'étapes De nombreuses études utilisent des mesures basées sur les étapes développementales. Il est possible de comparer des sujets entre eux et d'apprécier pour une étape particulière, les effets d'une précocité ou d'un retard sur le développement du langage ultérieur. a - Le développement vocal Dans la synthèse des différents modèles proposés par la littérature anglophone (Stark et al. 1988, Oller et Eilers 1988, Oller et Lynch 1993) ainsi que dans nos travaux, cinq étapes sont relevées (1). Chacune d'elle est définie par l'apparition d'un nouveau type de comportement vocal qui n'a pas forcément la (1) Pour plus d’informations sur ces différentes étapes, cf Vinter 1994.

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fréquence d'occurrence la plus importante pendant la période considérée et qui se mêle aux types de vocalisations des étapes précédentes. Les âges donnés tiennent compte des différences individuelles, parfois importantes, qui existent entre les enfants (tableau 1). Vocalisations réflexes cris et sons végétatifs Apparition de non-cris Sons quasi-résonants Sons pleinement résonants Sons contoïdes Enoncés vocoïdes Jeu vocal Premières combinaisons : contoïdes vocoïdes

De la naissance à 2 mois

Etape de phonation

De 1 mois à 4 mois

Etape de roucoulement

De 3 mois à 8 mois

Etape exploratoire Babillage rudimentaire

De 5 mois à 10 mois

Babillage canonique

Syllabes matures, canoniques

De 9 mois à 18 mois

Etape intégrative Structuration mélodique et temporelle

Premiers éléménts articulés Enoncés mixtes

Après 18 mois

Combinaisons d’éléments Entrée dans la phase syntaxique du langage

Les âges donnés tiennent compte des différences individuelles parfois importantes qui existent entre les enfants.

Tableau 1 - Des premiers cris au babillage : les différentes étapes

Les étapes du développement vocal montrent clairement une progression qui aboutit à la production de sons bien formés, c'est-à-dire de sons qui ressemblent aux sons de la langue parlée dans l'environnement de l'enfant.

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. L'étape I : étape de phonation (0-2 mois). . L'étape II : étape du roucoulement (1-4 mois). . L'étape III : étape exploratoire (3-8 mois). Grâce au contrôle de sa phonation acquis autour de 5 mois, l'enfant joue à faire varier les mélodies, les durées, les successions de sons vocaliques [a:ee], [aaï:]... Ces différentes sonorités produites sur différentes mélodies, ces « gazouillis » font l'émerveillement des parents. L'enfant semble être bien conscient des effets de ses gazouillis sur son entourage, il commence à en user pour communiquer non seulement ses émotions mais également ses premières demandes. Vocaliser, produire des sons est un des premiers comportements volontaires et intentionnels de l'enfant. Vocaliser, jouer de sa voix devient en outre un plaisir pour l'enfant, un plaisir partagé avec sa mère, plaisir à la fois de ce qui est produit par lui mais aussi entendu, c'est-à-dire produit par son entourage (2). L'enfant va mettre en place une des fonctions essentielles du langage, l'adaptation : adaptation à l'interlocuteur, adaptation à son expressivité, à ses intentions de communication au moyen des variations de sa voix. Il commence à ajuster sa voix à son interlocuteur, sa voix est plus aiguë quand il est avec sa mère que lorsqu'il communique avec son père, prélude de cette fonction essentielle du langage : l'adaptation à l'interlocuteur. Le répertoire phonique s'élargit avec l'apparition de sons consonantiques longuement tenus. Vers 6 mois, apparaissent les premières combinaisons de sons contoïdes et vocoïdes avec fermeture du tractus vocal que nous avons appelé « babillage rudimentaire » (3). Il s'agit d'assemblages difficilement segmentables en raison d'une articulation assez lâche et de transitions très lentes entre les mouvements de fermeture et d'ouverture du tractus vocal. On voit apparaître des [aw:a], [am:ma], [aßwa], [m:am]... le bébé se familiarise ainsi avec les sons de la langue, leurs transitions, et acquiert une certaine compétence articulatoire. Il se familiarise avec les routines de la langue et peut ainsi produire des effets sonores très variés. L'enfant est prêt pour le babillage ; « il est dans l'antichambre de la parole » (Boysson-Bardies 1996). . L'étape IV : étape des syllabes canoniques (5-10 mois). Les enfants commencent à produire des syllabes bien formées de type CV. Selon Oller, la syllabe canonique est un assemblage articulatoire qui se compose d'un « noyau d'énergie », l'élément vocalique, et d'au moins « une marge », l'élément conso-

(2) Surtout lorsque l’entourage imite les productions de l’enfant. (3) Traduction que nous avons faite à partir de la terminologie de Oller (1980) « marginal babble ».

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nantique qui possède les caractéristiques temporelles de la langue cible (4). Le babillage canonique est redupliqué et diversifié, ex : papipo, tata, ana... Les suites voyelle-consonne-voyelle sont très fréquentes. Les vocalisations de l'enfant possèdent les mêmes caractéristiques phonatoires et temporelles que la langue cible. Des énoncés tels que [mama], [papa], [daedae], [ata],... phonétiquement semblables à des mots de la langue cible apparaissent dans les productions enfantines. Ces productions sont immédiatement repérées par les parents. Les parents de tous les niveaux sociaux ont une capacité extraordinaire à reconnaître le babillage de leur enfant dès son émergence (5) (Oller et al. 1994). Ils ont tendance à interpréter ces productions comme des ébauches des premiers mots, « papa », « maman », « tata », « attends »... Ces séquences rythmiques formées de syllabes dupliquées amènent le jeune enfant à relier les aspects sensoriels et moteurs de ses vocalisations. « Le babillage avec des syllabes répétées, reflèterait la formation de « cadres » dans lesquels les différents segments phonétiques seront insérés au fur et à mesure qu'ils deviendront accessibles à l'enfant » (Boysson-Bardies 1996). Le babillage canonique est le point culminant du développement des vocalisations pré linguistiques. . L'étape V : l'étape intégrative (9-18 mois). Les enfants commencent à produire des éléments significatifs à l'intérieur d'un babillage reconnus par les familiers mais aussi par les étrangers comme faisant partie de la langue cible. De nombreuses études anglophones utilisent ces mesures basées sur les étapes développementales qui permettent de comparer des sujets entre eux et de mesurer les effets d'une précocité ou d'un retard pour une étape particulière, sur le développement du langage ultérieur. Un obstacle dans le déroulement de ces étapes pourrait indiquer un dysfonctionnement. Des marques de déviance peuvent apparaître à chaque moment de ce développement mais sont repérables particulièrement à l'étape IV, l'étape du babillage (Menyuk et al. 1986, Stark et al. 1988). Les problèmes initiaux du développement phonétique, les retards ou déviances précoces du niveau phonologique pourraient expliquer en partie, selon de nombreux auteurs, les problèmes rencontrés par ces enfants lors de leur confrontation avec le langage écrit. Les observations permettraient de mieux comprendre les problèmes d'apprentissage de la lecture que rencontrent un cer-

(4) Pour plus d’informations cf. Vinter 1994. (5) Cette capacité à reconnaître le babillage de leur enfant de façon absolument fiable, devrait être utilisée dans le dépistage de la surdité par les médecins.

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tain nombre d'enfants qui ont eu une prise en charge orthophonique pour des problèmes importants de parole et de langage. Il nous faut donc prendre très au sérieux les retards du développement phonologique des premières années. Les recherches dans ce domaine nous font cruellement défaut en français. b - Les différents types d'énoncés De façon plus succincte et pour les besoins en pathologie Vinter (1994) a distingué trois types d'énoncés correspondant à trois stades du comportement vocal de l'enfant. Nous appelons énoncé, toute suite de sons entre deux pauses (6). Un minimum de 50 énoncés est nécessaire pour réaliser toute évaluation (Rondal 1987, Vinter 1996). Il convient par ailleurs de rappeler la définition du babillage et de différencier le babillage canonique du babillage rudimentaire : . Les « énoncés vocoïdes » ne contiennent que des sons vocaliques (quasi ou pleinement résonants). Ils peuvent être composés d'un élément isolé [a] ou d'une combinaison d'éléments [aea] . Les « énoncés rudimentaires » comportent une ou plusieurs syllabes rudimentaires [awa], [em:a], (ajaja]... . Les « énoncés canoniques » comportent une ou plusieurs syllabes canoniques, ex. [apa], [elana], [tebona] Si un énoncé contient une syllabe rudimentaire et une syllabe canonique [ewapa], nous le considérons comme énoncé canonique. Nos travaux (Vinter 1994) ont montré la pertinence d'une différenciation entre énoncés vocoïdes, énoncés rudimentaires et énoncés canoniques dans l'identification précoce de la surdité, dans l'évaluation du candidat à l'implantation et dans le développement du langage ultérieur d'enfants présentant une pathologie. La figure 1 montre l'émergence du babillage dans une population d'enfants sourds profonds tous appareillés. Nous pouvons constater que la production de structures syllabiques de type consonne - voyelle est intimement liée à l'importance de la surdité. Les enfants du groupe 1 commencent à babiller autour de 15 mois, ceux du groupe 2, autour de 25 mois et les sujets du groupe 3 autour de 30 mois. Les enfants présentant une surdité profonde supérieure à 110 dB. ne produisent pas de babillage canonique même à 32 mois. (6) Cette définition pose le problème de la délimitation des pauses, 250 ms pour le parler adulte, 400 ms pour le parler enfantin. L’étude des pauses dans les productions vocales d’enfants présentant une pathologie en est encore à ses balbutiements même dans les travaux anglophones.

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Figure 1 : Emergence du babillage canonique chez des enfants sourds profonds G.1 : perte auditive moyenne : 90 dB G.2 : perte auditive moyenne : 90 - 100 dB G.3 : perte auditive moyenne : 100 - 110 dB

d - La longueur moyenne de production du babillage L'évaluation du développement vocal par Stoel-Gammon (1989) met en évidence trois étapes pré linguistiques : . Niveau 1 - Le babillage précanonique : Les énoncés sont essentiellement formés de sons vocaliques, de syllabes consonantiques - sons tenus [m :]ou de syllabes CV dans lesquelles le son consonantique n'est pas une « vraie consonne » . Il s'agit d'une glottale ou d'une semi-consonne, comme [a(wa], ... . Niveau 2 - Le babillage canonique redupliqué : Les énoncés sont caractérisés par des séquences de CV dans laquelle la consonne est une « vraie consonne ». Les syllabes CV sont redupliquées ou isolées, ex : [mama], [dae], [tada]... . Niveau 3 - Le babillage canonique diversifié : Les énoncés comprennent une ou plus d'une syllabe dont les consonnes diffèrent par le lieu et/ou le mode articulatoire ex : [min], [pada]... On obtient ainsi le « Mean Babbling Level » (MBL) que nous traduirons par la « Longueur Moyenne de Babillage » (LMB) qui est calculée en additionnant le nombre de productions du niveau 1, le nombre de productions du niveau 2 multiplié par deux et le nombre de productions du niveau 3 multiplié par trois. La somme obtenue est divisée par le nombre d'énoncés.

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Le LMB se situe entre 1.0 quand tous les énoncés sont du niveau 1 et 3.0 quand ils sont tous du niveau 3. De nombreux travaux ont montré : . Que le taux de la longueur moyenne de babillage augmente avec l'âge. . Qu'il existe un lien entre la pauvreté des syllabes CV dans la période pré linguistique et le retard du langage (Stoel-Gammon et al. 1986). Evaluation du répertoire consonantique produit par le sujet Les évaluations, proposées par Menyuk et al. (1986), Stoel-Gammon et al. (1986, 1989), et d'autres auteurs, sont basées sur le type de sons produits par l'enfant et la complexité des structures syllabiques. La revue de trois études américaines différentes réalisée par Locke (1983) indique que douze consonnes [p,t,k,b,d,g,m,n,w,j,h,s] forment 92 à 95% des sons produits par un enfant de 12 mois. Les données suggèrent que, malgré des variations individuelles, l'utilisation de consonnes supraglottales diversifiées paraît être un indicateur fiable du développement pré linguistique et linguistique. Un répertoire consonantique limité semble être associé à un retard du développement du langage. A contrario, les sujets qui possèdent le plus de syllabes canoniques composées d'une grande variété de consonnes ont un développement du langage plus avancé et des habiletés langagières plus importantes que les autres. Vihman et Greenlee (1987) ont étudié l'utilisation des sons consonantiques par les enfants de 12 mois en déterminant le pourcentage des énoncés contenant de vraies consonnes (les glottales et les semi-consonnes ne sont pas comptées) utilisant la formule : le nombre d'énoncés contenant une vraie consonne sur le nombre total d'énoncés. Les enfants qui, à 12 mois, avaient le plus haut score, obtenaient les meilleures performances phonologiques à 3 ans. Pour ces auteurs, un taux élevé de vocalisations comprenant de « vraies consonnes » à 1 an était prédictif du développement phonologique à 3 ans . Par ailleurs, Thal et al. (1997) ont montré une corrélation entre le nombre de consonnes différentes du répertoire phonétique d'un jeune enfant dans son babillage et son inventaire lexical. L'interaction entre diversité du répertoire consonantique, richesse des structures syllabiques et développement du lexique est évidente. De nombreux arguments peuvent étayer cette hypothèse. Il est certain que : . Plus l'enfant produit des consonnes différentes, plus vite il maîtrisera le système phonologique de la langue.

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. Il va également être capable de reconnaître et de reproduire avec plus d'aisance les formes phonétiques (c'est-à-dire les mots et les expressions) qu'il entend autour de lui puisqu'il en possède les schémas articulatoires. . La mère interprète plus facilement des productions enfantines variées composées de consonnes diversifiées que des productions avec un répertoire phonétique stéréotypé, comme c'est souvent le cas des sujets porteurs d'une pathologie. Or, le rôle de l'interprétation maternelle des productions enfantines dans le développement du langage est bien connu. Mais nous manquons fortement de données précises et systématiques concernant le développement phonologique de l'enfant en langue française (7).

◆ Evaluation des éléments mélodico-rythmiques de la parole Ce dernier aspect a déjà fait l'objet de nombreuses publications. Nous avons montré le rôle de la mise en place de la structuration mélodique et temporelle dans l'accès à la phase syntaxique du langage, c'est-à-dire de ces éléments prosodiques comme indices prédictifs d'un développement harmonieux du langage (Konopczynski et Vinter 1994, Vinter et al. 1996). La prosodie, - la mise en place de l'allongement final tout comme l'utilisation de courbes mélodiques -, a une fonction linguistique évidente, aussi bien au niveau du Proto-Langage, en l'absence de lexique, qu'à l'étape où la couche verbale commence à être présente. Les diverses modalités qui ne peuvent pas encore être exprimées à l'aide du matériau lexical ou syntaxique adéquat, le sont grâce à l'utilisation des paramètres prosodiques qui deviennent de ce fait des marqueurs syntaxiques. Une suite de sons même les plus élémentaires, intonée différemment, dans un contexte situationnel bien précis, prend des significations adéquates, interprétables par l'entourage et permet à l'enfant handicapé de s'intégrer dans un schéma conversationnel et de devenir un interlocuteur à part entière. L'enfant peut ainsi accomplir des actes de langage différents, captés et reconnus comme tels par l'entourage, uniquement en produisant des suites de sons (Vinter et al. 1996). Les énoncés où l'enfant combine deux éléments occupent une place privilégiée dans les recherches en psycholinguistique développementale : ils constituent les premières manifestations de la syntaxe. Certains auteurs attachent une importance fondamentale à l'ordre des mots qui serait, selon eux, le premier élément de syntaxe à être utilisé par l'enfant. En fait, l'emplacement des pauses, les durées relatives des différents éléments et la courbe intonative structurent l'énoncé autant que l'ordre des mots et peut-être le précèdent. (7) Cet aspect fait l’objet d’un travail en cours dans notre laboratoire.

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Avant l'apparition d'une syntaxe rudimentaire de base, avant qu'il ne commence à produire ses premiers mots, l'enfant se sert de la prosodie pour exprimer ses intentions à ses interlocuteurs.

◆ Discussion et conclusions Une bonne connaissance des différentes étapes qui mènent l'enfant des premiers sons aux premiers énoncés est essentielle pour l'identification et l'évaluation des futures compétences langagières d'un enfant à risque et peut également servir de base à des programmes d'intervention. Ces données, quoique préliminaires pour la plupart d'entre elles, soulignent l'existence d'une relation entre les structures des syllabes, les types de sons produits par l'enfant et l'habileté subséquente à développer un langage verbal. Une absence de babillage canonique, des difficultés à émettre des sons consonantiques diversifiés paraissent être associées à un retard dans le développement du langage et/ou de la communication. Le babillage canonique est un événement clé dans l'acquisition du langage. . D'une part il est une des premières productions structurées de l'enfant et comporte les « ingrédients » de l'organisation langagière. . D'autre part, il annonce les premiers mots. C'est dans le stock de son babillage que l'enfant puise les sons de son premier langage articulé. L'ensemble des travaux aussi bien anglophones que francophones, quel que soit le cadre théorique dans lequel ils s'insèrent, souligne l'existence d'une interaction entre les diverses composantes langagières : . Interaction entre le répertoire consonantique produit dans le babillage et les premières formes lexicales Il est vrai qu'un répertoire consonantique varié entraîne une interprétation beaucoup plus facile et plus riche de la part de l'entourage et principalement de la mère, donc un lexique précoce plus riche. En poursuivant ce raisonnement, on peut aller vers la formule, « bon babilleur, lexique riche, bon lecteur ». Le pas a été franchi par certains auteurs anglophones et mériterait sans doute qu'on y réfléchisse. . Interaction entre lexique et syntaxe. Eve Clark dans un colloque à Besançon (1995) soulignait que : « sans lexique, il n'y a point de syntaxe. Il faut donc examiner les liens qui existent dans les processus d'acquisition du lexique et de la syntaxe... Les mots ne s'apprennent pas de façon isolée, mais dans leur cadre syntaxique ».

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. Interaction entre intonation et syntaxe : Les travaux menés à Besançon ont montré la mise en place chez le jeune enfant d'un moule prosodique dans lequel émergera la première syntaxe. Nous avons mis l'accent en outre sur l'importance des pauses, aussi bien chez le jeune enfant qui n'a pas encore développé de langage articulé que dans les cas de pathologie (Chalumeau 1994, Vinter et al. 1996). L'intonation est alors une voie privilégiée pour observer la transition entre phase pré-syntaxique et phase syntaxique dans le cas de productions pathologiques. La prosodie, c'est-à-dire des structures mélodiques et des structures rythmiques, comme substituts efficaces d'un lexique et d'une syntaxe défaillants est considérée comme un pivot de l'acquisition du langage, un support primordial de la communication avant le langage articulé. Ces éléments prosodiques repérés dans les productions enfantines sont des indices prédictifs fiables d'un développement harmonieux du langage. Leur absence pourrait être la marque d'une éventuelle déviance. Les travaux anglophones actuels soulignent tous la robustesse de l'émergence du babillage, et sa stabilité, dans les productions enfantines. Il se met en place même dans les conditions les plus défavorables. Il n'est sensible ni à la prématurité, ni à la déficience intellectuelle, ni au manque de stimulations sociales. L'acquisition du babillage peut être légèrement retardée chez l'enfant trisomique. Selon Oller et al.1995, tous les enfants produisent des syllabes canoniques avant 11 mois, qu'ils soient trisomiques, prématurés, issus de milieux particulièrement défavorisés... Seul un problème auditif ou un trouble très sévère du développement langagier pourrait retarder plus ou moins considérablement ou même supprimer l'apparition du babillage canonique. En 1982, dans le but de réaliser un travail de prévention des troubles du langage de l'enfant, Coplan et al. avaient montré que 90 % des sujets de : . 10 mois produisent du babillage monosyllabique . 10 mois 8 jours produisent du babillage polysyllabique . 10 mois 1 jour réalisent « mama » « dada » non signifiants . 14 mois produisent « mama » « dada » signifiants. Cette idée de solidité, de robustesse, de fiabilité du babillage canonique, permet de faire de ce comportement vocal d'une part, . un des éléments du diagnostic de surdité. C'est également un élément fort intéressant au niveau du pronostic : un enfant qui produit des structures syllabées au moment du diagnostic doit nécessairement nous faire penser à une surdité évolutive ou à une surdité acquise.

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C'est donc un enfant qui a déjà bénéficié d'informations acoustiques, le pronostic ne peut être que favorable. . un élément dans l'évaluation du candidat à l'implantation. Un enfant présentant une surdité profonde sans troubles associés qui, après 6, 8 ou 10 mois d'appareillage et d'entraînement auditif ne produit que des énoncés de types vocoïdes devrait être considéré comme un candidat à l'implantation. Attendre ne peut être que préjudiciable au développement de sa communication et de son langage (Holm et al. 1997) et d'autre part, . un critère - parmi d'autres - de dysfonctionnement du comportement langagier précoce. Parmi les indices que Aimard et Abadie (1991) donnent d'un déficit de langage, figure l'absence de [bababa], c'est-à-dire l'absence de syllabes canoniques après un an. L'enfant qui prolonge son babillage rudimentaire au delà de un an sans le transformer en babillage canonique devrait nous inciter à être plus vigilants (8), à observer attentivement l'ensemble de son comportement et éventuellement, comme le proposent Aimard et Abadie, à envisager un accompagnement parental. Sans affirmer qu'un babillage atypique, au niveau segmental ou suprasegmental, constitue la cause d'un développement ralenti du langage, - il existe d'une part des variations individuelles très importantes d'un sujet à l'autre et d'autre part, des possibilités de récupération qui sont souvent imprévisibles -, nous pensons que ce babillage atypique devrait être un des facteurs susceptibles d'alerter les praticiens, médecin, orthophoniste, puéricultrice... et parents.

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Pour une évaluation intégrative du langage oral Jean A. Rondal

Résumé L'article expose quelques-uns des problèmes et limitations majeurs des tests habituels de langage en langue française. On insiste ensuite sur l'intérêt qu'il y aurait en matière d'évaluation à combiner l'utilisation de tests formels avec une approche davantage centrée sur le sujet individuel au moyen de l'analyse d'échantillons de langage spontané en situation fonctionnelle. Enfin, le statut de l'intuition dans l'interprétation des données évaluatives est discuté. Mots clés : évaluation quantitative et qualitative, test, langage spontané, intuition.

Integrated evaluation of oral language Abstract Major problems and limitations of standard language tests in French are first examined in this article. We then stress the importance of combining results from formal testing with a more individually-oriented approach through the analysis of spontaneous speech samples in functional situations. Finally, the role of intuition in the interpretation of the results is discussed. Key Words : quantitative and qualitative evaluation, test, spontaneous speech, intuition.

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Jean A. RONDAL Ph.D., Dr.Ling.2 Chaire de Psycholinguistique Université de Liège B-32, SART TILMAN B-4000 LIEGE

I

l est frappant de constater combien, malgré la multiplication des tests et épreuves de langage et celle des formations dans les disciplines et sciences langagières, l'évaluation de cette fonction, journalière au point d'apparaître parfois comme simple, voire banale, reste le plus souvent rigide et compartimentée. J'ai analysé ailleurs avec beaucoup d'attention l'arsenal des principaux tests de langage disponibles en langue française (Rondal, 1997). Il ressort de cette analyse, à côté d'un certain nombre de considérations techniques, qu'il n'est pas nécessaire de reprendre ici, que de nombreux tests sont peu satisfaisants particulièrement du point de vue de la couverture linguistique assurée. Le problème est à ce point sérieux qu'on est en droit de mettre en doute, dans un grand nombre de cas, la validité interne, c'est-à-dire l'adéquation entre les items et l'organisation du test et la fonction, sous-fonction, ou composante langagière que le test est sensé évaluer; sans même envisager l'hiatus parfois flagrant existant entre l'intitulé des tests et leurs contenus effectifs, laissant à penser à l'utilisateur non ou peu averti qu'il ou qu'elle dispose de mesures plus représentatives que ce n'est le cas en réalité ; sans envisager ici non plus l'absence quasi générale de validation théorique des instruments d'évaluation du langage en langue française (c'est-à-dire, la non-spécification d'un modèle théorique lui-même acceptable se trouvant à la base du test et ayant présidé à son élaboration) ; ce vide n'étant que le pendant théorique du manque de connaissances linguistiques (et psycholinguistiques) évident chez de nombreux constructeurs de tests qui explique également (sans les justifier) les graves imperfections que l'on trouve dans la plupart des épreuves en question. On est souvent en droit également de mettre en doute une autre importante dimension métrique des tests de langage en langue française. Il s'agit de leur sensibilité relative. La sensibilité d'un test concerne son pouvoir discriminatif ou classificatoire. Par pouvoir discriminatif (et non discriminatoire), il faut entendre la capacité d'une épreuve de différencier effectivement et le plus finement possible des sujets qui sont effectivement différents (sinon il s'agit d'une

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discrimination arbitraire) quant à l'aptitude mesurée. Il existe, certes, une relation inverse, et facile à comprendre, entre la sensibilité d'un test (qu'il s'agisse ou non de langage) et l'étendue du champ mesurable et/ou effectivement mesuré. Plus vaste est la gamme des aptitudes que doit mesurer un test et moins ce test est, toutes choses étant égales par ailleurs, sensible à l'intérieur de cette gamme. En principe, plus les items (valides) d'un test sont nombreux et diversifiés, et plus la probabilité est élevée que ce test puisse faire apparaître et préciser des différences objectives entre les sujets, et donc plus il est sensible. A ce point de vue, la fâcheuse tendance de nombreux constructeurs de tests de langage de réduire l'évaluation à quelques dizaines d'items, est désastreuse. Les justifications parfois avancées, en termes de rapidité procédurale, de vendabilité, etc., ne peuvent satisfaire. Il ne se saurait trouver aucune justification acceptable pour une pratique aboutissant à tronquer l'évaluation du langage, la privant de sensibilité intéressante et réduisant sa capacité prédictive. Comme j'y ai insisté ailleurs (Rondal, 1997), mais il n'est sans doute pas inutile d'y revenir de temps à autre car l'incompréhension peut être profonde, un examen suffisamment complet du langage, même en laissant de côté les aspects métalinguistiques, ne peut être correctement mené en quelques dizaines de minutes. Le langage est un objet de grande complexité. Il est multicomponentiel, multifonctionnel, et peut impliquer plusieurs modalités (sensorielles-motrices). La fonction langagière est sans conteste la plus complexe qui soit et celle qui nous distingue largement des autres espèces animales. Sa facilité et sa simplicité sont de trompeuses apparences largement liées au fait que la plupart des mécanismes langagiers sont automatisés (au moins chez l'adulte) et largement inconscients (« encapsulés ») selon l'expression « parlante » du philosophe américain du langage Fodor (1983). Les constructeurs de tests qui prétendent mesurer le langage en quelques minutes soit sont de mauvaise foi et davantage mus par des impératifs commerciaux que scientifiques, soit ignorent ce qu'est réellement la fonction langagière. Il est clair qu'on doit nécessairement consacrer plusieurs heures à un examen formel relativement complet du langage chez une personne. Certes, parfois la demande est suffisamment claire et le problème suffisamment précis d'entrée de jeu (une difficulté articulatoire, un retard lexical, un problème morpho-syntaxique particulier, etc.) pour qu'on puisse légitimement restreindre le champ d'évaluation et procéder à un examen plus rapide.

◆ Au-delà des tests de langage Le propos central du présent article se rapporte plutôt à la suggestion de Pierre Ferrand d'explorer quelque peu les modalités d'une approche évaluative

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du langage qui combinerait les nécessaires quantifications avec une appréciation « plus clinique et plus intuitive, mais aussi nécessaire ». Il est évident, ou au moins cela devrait être le cas, qu'un test de langage ou une batterie d'épreuves langagières (au-delà des limitations et imperfections actuelles, transitoires, il faut l'espérer) peuvent fournir des indications utiles mais nécessairement partielles sur le fonctionnement mesuré. De même, et tout aussi nécessairement, l'application d'une batterie ou d'un test de langage constitue une épreuve artificielle. Une telle application fournit un éclairage utile et valable (si l'épreuve utilisée est valide), mais inévitablement limité et qui doit être correctement interprété. C'est là qu'interviennent la formation, l'expérience professionnelle, les connaissances techniques, et l'intuition de l'évaluateur. L'idée, malheureusement répandue, selon laquelle un test se suffirait à lui-même et pourrait être utilisé dans une sorte d'absolu interprétatif, est fausse et dangereuse. Je reviendrai plus loin sur la notion « d'intuition de l'évaluateur ». Cette notion a sa place dans la démarche interprétative, et une place de choix, indubitablement. Mais il convient qu'elle satisfasse à certaines conditions. Au-delà de l'application d'un test ou d'une batterie de tests et en combinaison avec cette démarche, il y a les ressources interprétatives fournies par l'anamnèse du cas, à condition qu'elle soit suffisamment fournie et systématique. Cependant, l'élargissement le plus intéressant de l'examen du langage audelà de l'utilisation des tests formels, à mon opinion, fait intervenir l'analyse du langage spontané. Il s'agit de démystifier quelque peu cette analyse, car de nombreux professionnels et cliniciens du langage n'ont ni les idées claires, ni toujours les idées justes sur ce sujet.

◆ L'analyse du langage spontané Par langage spontané, j'entends le langage produit par une personne en situation naturelle (ou suffisamment proche). Ce langage peut être recueilli, transcrit, et analysé selon divers dispositifs et mesures que j'ai exposés en détail dans un ouvrage précédent (Rondal, 1997). L'analyse du langage spontané doit être vue comme complémentaire de l'utilisation des tests. Cette complémentarité n'est pas bien comprise, en général. Certains tendent à opposer les deux approches. Bien que l'idée d'utiliser le langage spontané pour évaluer le développement et le fonctionnement langagier soit loin d'être neuve, puisqu'on trouve déjà des recueils sélectifs de mots, expressions, et séries d'énoncés produits par de jeunes enfants dans la littérature spécialisée de la dernière partie du 19e siècle, c'est aux développements de la psycholinguistique au cours des dernières décennies qu'on doit l'essentiel des techniques d'analyse du langage produit en situations naturelles. Cette réalité nourrit peut être l'idée (fausse) selon

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laquelle il s'agit d'un domaine particulier, étranger à l'approche évaluative et rééducative qui a cours en clinique langagière. On notera en passant que l'intérêt pour le langage spontané et les premières études le concernant ont précédé notablement la mise au point des tests de langage. Ceux-ci apparaissent « en force » (si on peut dire) dans les années cinquante et soixante, peut-être sous l'influence des études factorielles du fonctionnement mental, lesquelles mirent en évidence la nécessité de dépasser les tests globaux au profit d'une mesure des fonctions et aptitudes mentales particulières (numérique, verbale, mnésique, etc.). Les techniques psycholinguistiques sont évidemment à la disposition des cliniciens dans les cas où un examen langagier approfondi est souhaité quant à la façon dont un sujet construit ses énoncés et organise sa production langagière. En toute rigueur, le langage spontané ne peut être utilisé pour évaluer la compréhension, faute de confondre dans la même démarche évaluative, capacité réceptive et capacité productive, ce qui n'est certes pas souhaitable. A strictement parler, l'étude du langage spontané est par exigence méthodologique restreinte au volet productif. Cependant, dans une démarche clinique, plus opportuniste par nécessité qu'une recherche strictement contrôlée, il est possible et légitime de se faire une première idée de la capacité réceptive d'un sujet à travers une conversation ou un échange langagier enregistré ; cette première impression pouvant utilement guider un examen subséquent, s'il y a lieu, plus formel de la compréhension. Dans la même ligne, je pense que le clinicien du langage à grand intérêt, de façon à élargir sa démarche et à la rendre écologiquement davantage valide, à recourir, en complément de son analyse formelle ou, mieux encore, antérieurement à celle-ci, à des enregistrements de langage spontané, lesquels peuvent être fournis par le sujet consultant ou sa famille (avec un minimum d'indications quant à la façon de procéder pour obtenir un échantillon d'une dizaine de minutes suffisamment représentatif des comportements verbaux de l'intéressé). Il suffit souvent de réécouter attentivement un enregistrement ainsi réalisé pour se rendre immédiatement compte des principaux problèmes affectant la performance langagière d'un sujet. Au-delà, des analyses plus poussées et diverses quantifications sont possibles, et elles peuvent être très utiles le cas échéant; mais elles exigent souvent un temps supplémentaire et peuvent faire appel à une technicité plus grande et à des connaissances particulières. On doit regretter, à l'heure actuelle, le manque de disponibilité des indications développementales, notamment, en provenance des travaux de psycholinguistique, qui permettraient au clinicien de situer rapidement et facilement les résultats de son analyse individuelle par rapport à des données normatives. De telles données existent

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concernant le langage spontané, son développement chez l'enfant normal, et ses atteintes dans les principales pathologies et retards développementaux. Certaines synthèses empiriques sont disponibles (cf. Rondal, 1997). Mais il faut reconnaître que c'est encore insuffisant pour constituer une base clinique aisément accessible. Il serait indiqué que psycholinguistes et cliniciens du langage puissent collaborer à la mise au point d'étalonnages substantiels de façon à mieux assister le clinicien dans sa démarche interprétative. Un examen même individuel ne peut jamais se passer d'une référenciation « aux autres comparables » que cela se fasse explicitement ou implicitement.

◆ Quid de l'intuition clinique ? J'ai fait allusion dans ce qui précède à l'intuition du clinicien. Quel est le statut technique de cette notion? A en croire nombre d'expérimentateurs, l'intuition clinique a peu de valeur et constitue souvent un biais qu'il conviendrait de contrôler objectivement et même peut-être d'éviter. Il est vrai que certains cliniciens paraissent effectivement donner à l'intuition une sorte de statut absolu et a priori, qui en fait une cible aisée pour la critique (je ne donnerai pas d'exemples sur ce point, ni ne ferai de référence nominale, mais ils sont aisément trouvables particulièrement dans la littérature de vulgarisation). L'intuition clinique, à l'instar des langues d'Esope, peut être la meilleure et la pire des choses. Faut-il pour autant « jeter l'enfant avec l'eau du bain » ? Je ne le pense pas. L'intuition fait partie de la démarche clinique, comme elle est partie intégrante de la démarche expérimentale, à titre d'hypothèse de départ et de guide dans l'interprétation des résultats. Dans les deux démarches (clinique et expérimentale) et dans les deux cas envisagés (hypothèse de départ et interprétation), on doit maintenir une relation étroite entre intuition et données disponibles. L'intuition ou l'hypothèse de départ doit être confrontée avec les données recueillies ensuite et son statut de vérité ou d'erreur ainsi établi empiriquement. A défaut, il s'agit d'une tautologie épistémologique : si l'intuition n'est pas évaluée objectivement d'une manière suffisamment ouverte, elle ne peut que se confirmer elle-même. Similairement, la proposition hypothétique ou intuitive doit être falsifiable, au sens de Popper (1956), c'est-à-dire qu'on doit pouvoir spécifier les conditions sous lesquelles la proposition ou l'ensemble de propositions en question est invalidée par les faits. A défaut, on se trouve de nouveau dans une situation tautologique. En effet, il n'existe alors aucune possibilité d'invalider l'intuition, laquelle peut se présenter alors comme une certitude et même se constituer en dogme. La même situation prévaut en ce qui concerne l'interprétation des données recueillies. Celle-ci n'a

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rien de mécanique. Qu'il s'agisse de recherche expérimentale ou de clinique individuelle, pour continuer avec le parallèle entamé précédemment, l'interprétation fait normalement une part à l'intuition. La tâche consiste à assembler les pièces du puzzle relatives au cas ou au problème étudié, à intégrer en un tout interprétatif cohérent les éléments pertinents et, d'une certaine manière mais qui doit rester rationnelle, informée, et falsifiable, à dépasser les données immédiates au profit d'une tentative d'explication (celle-ci pouvant évidemment se faire à différents niveaux et en plusieurs temps). On le voit l'intuition à sa place, et une place de choix, dans les procédures cliniques (et expérimentales), mais il importe qu'elle soit raisonnée et informée. D'où peut venir ce type de garantie sur la valeur de l'intuition clinique? Des connaissances individuelles, d'une information parfaitement à jour sur l'évolution des connaissances professionnelles, de la formation de base et continue, d'un travail assidu, de l'intelligence des personnes, mais en aucun cas, à mon opinion, d'une sorte de magie individuelle qui serait la propriété constitutionnelle de certains professionnels favorisés par la nature (des mages). A l'aune conceptuelle définie dans ce qui précède, l'opposition souvent entretenue (traditionnellement mais aussi contemporainement) entre approches quantitative et qualitative en orthophonie, comme en psychologie ou en médecine paraît bien artificielle, et elle l'est certainement. L'opposition quantitatifqualitatif est ancienne. On peut rappeler l'assertion de Guillaume (1942) : « La quantité est toujours la quantification d'une certaine qualité » (p. 315). Elle laisse à penser que l'opposition en question ressortit à un faux problème. Les faux problèmes ont parfois une existence plus longue que les vrais. Une approche dite qualitative (à mon avis erronément) en orthophonie (comme en psychologie) est loin d'être aisée à cerner tant les définitions qu'en donnent les protagonistes sont disparates (cf. Potter, 1996, pour la psychologie ; je ne connais pas de texte correspondant en ce qui concerne l'orthophonie). Cette orientation qualitative, parfois qualifiée de « phénoménologique », paraît souvent privilégier une interprétation globalisante des problèmes (« le tout étant supérieur à la somme des parties »), les analyses de contenu, les significations les plus personnelles voire idiosyncratiques se rapportant aux choses, aux personnes, et aux situations, ainsi que des analyses du vécu individuel. En réalité, les objets d'études parfois revendiqués par les orientations qualitatives sont parfaitement passibles de quantifications et d'analyses objectives. Par exemple, les significations linguistiques, celles que nous attachons aux vocables que nous utilisons dans nos langues sont quantifiables comme l'ont montré depuis longtemps les analyses spécialisées. Elles ne se ramènent pas à une série de notions qualitativement distinctes d'une personne à l'autre. Par

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ailleurs, si par « approche qualitative », les qualitativistes entendent faire valoir qu'ils s'attaquent à des problèmes complexes, divers, insuffisamment connus, etc., bref à des problèmes qui en sont encore à un stade initial d'étude et d'explication - ce qui n'a rien de surprenant dans le vaste domaine des disciplines encore jeunes comme la psychologie et l'orthophonie, où de nombreuses questions restent non seulement sans réponse mais même sans étude systématique -, il n'est nul besoin d'entrer en opposition avec l'approche objective et métrique, habituelle et productive en science, pour indiquer qu'on va, par nécessité empirique et logique, se contenter au début - et peut-être pendant longtemps - d'une approche plus descriptive ; l'induction, la généralisation de lois et la recherche d'explications devant bien normalement attendre un stade plus avancé du progrès des connaissances.

REFERENCES FODOR, J. (1983). The modularity of mind. Cambridge, Massachusetts: Massachusetts Institute of Technology Press. GUILLAUME, P. (1942). Introduction à la psychologie. Paris : Vrin. POPPER, K. (1956). Misère de l'historicisme. Paris : Plon. POTTER, T. (1996). An analysis of thinking and research about qualitative methods. Hillsdale, New Jersey : Erlbaum. RONDAL, J. A. (1997). L'évaluation du langage. Hayen (Sprimont, Liège) : Mardaga.

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Etude de cas : Emmanuelle née le 14 novembre 1969 Anne-Marie Robert-Jahier

Résumé En orthophonie, l'étude de cas uniques est fréquente lors de l'élaboration de mémoires de fin d'études mais reste peu exploitée à des fins thérapeutiques. Emmanuelle représente le premier cas de dysphasie de développement que j'ai rencontré dans ma pratique quotidienne et qui a fortement influencé toutes mes approches rééducatives ultérieures. Les bilans successifs d'Emmanuelle ont permis l'élaboration progressive de projets thérapeutiques orthophoniques s'adaptant à la fois aux besoins de l'enfant, aux conditions particulières d'un contexte provincial et aux désirs des parents. Mots clés : langage oral, praxie, compréhension du langage, expression du langage, fonctionnement cognitif, conscience phonologique, évaluation des aptitudes, langage écrit.

A Case study: Emmanuelle, born on November 14, 1969 Abstract The single case study approach is often used when writing theses for the speech and language therapy degree, but it is rarely used for therapeutic purposes. Emmanuelle is the first case of developmental dysphasia I encountered in my daily practice and it strongly influenced the remedial approach I used thereafter. Through successive evaluations of Emmanuelle, I was able to gradually develop a speech and language treatment plan which was well-suited to the needs of the child, to the particular context of a provincial town, and to the wishes of the parents. Key Words : oral language, praxis, receptive language skills, expressive language skills, cognitive functioning, phonological awareness, evaluation of skills, written expression.

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Anne-Marie ROBERT-JAHIER Orthophoniste 5, rue de Mousseaux 36000 Châteauroux

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n orthophonie, l'étude de cas uniques est fréquente lors de l'élaboration de mémoires de fin d'études mais reste peu exploitée à des fins thérapeutiques. Emmanuelle représente le premier cas de dysphasie de développement que j'ai rencontré dans ma pratique quotidienne et qui a fortement influencé toutes mes approches rééducatives ultérieures. C'était en Mai 1975 ; les notions de troubles spécifiques du développement du langage, de dépistage et d'éducation précoce étaient quasiment inconnues. Alors que faire face à une enfant de 5 ans 6 mois sans communication verbale si ce n'est se tourner vers des chercheurs pour étayer avec leur aide une rééducation efficace. Les bilans successifs d'Emmanuelle réalisés par le Docteur Claude Chevrie-Muller au laboratoire de langage de la Salpêtrière à Paris ont permis l'élaboration progressive de projets thérapeutiques orthophoniques s'adaptant à la fois aux besoins de l'enfant, aux conditions particulières d'un contexte provincial et aux désirs des parents.

◆ Eléments d'anamnèse (Mai 1975) - Famille : * Père : vétérinaire (gaucher). * Mère : professeur de mathématiques (droitière). * Fratrie : une sœur née en 1965 et un frère né en 1971. - Antécédents néo-nataux et médicaux : * Grossesse normale * Naissance à terme mais accouchement long et difficile. * Cri non immédiat mais aucune réanimation, ni hospitalisation en pédiatrie. * A 6 mois, crises convulsives hyperthermiques ayant engendré une hémiplégie gauche prédominante au membre supérieur. Traitement anti-comitial par Gardénal jusqu'à 5 ans. Les EEG pratiqués au cours de cette période ont tous été normaux.

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- Développement au cours de l'enfance : * Retard du développement psychomoteur : marche à 17 mois mais chutes fréquentes jusqu'à 2 ans. * Importante parésie bucco-faciale : a mangé « mixé » jusqu'à 3 ans. Bave beaucoup. * N'a jamais babillé. Aucun langage jusqu'à ce jour, mais a un comportement de communication adapté. - Scolarité : Est scolarisée à temps plein en grande section de maternelle dans l'école de son village. Ses parents souhaitent que cette intégration en milieu scolaire normal puisse continuer. Aime aller à l'école, n'y présente aucune difficulté massive de comportement, participe dans la limite de ses moyens tant moteurs que verbaux aux activités proposées. - Prise en charge : Emmanuelle bénéficie depuis l'âge de 4 ans d'une prise en charge en psychomotricité au sein d'un C.M.P.P. pour retard dans l'acquisition de la motricité fine et de la coordination visuo-motrice. Aucune rééducation orthophonique n'a été proposée car il faut attendre que l'enfant ait envie de parler !

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MAI 1975 5 ans 6 mois Grande Section de maternelle Bilan initial

Bilan orthophonique

Plan thérapeutique

Praxies bucco-faciales 1) Travailler les praxies bucco-faciales pour enri* Parésie bucco-faciale avec paralysie quasi-totale chir l'éventail phonémique. de la langue. 2) Travailler le rythme pour aborder la parole. * Bavage constant 3) Travailler prioritairement la compréhension du * Mouvements vélaires très limités (ne sait pas l a n gage pour enrichir le stock lexical et dissocier souffler) acteur/action. Le problème majeur qui se pose est sur quoi baser ou Articulation reposer sa rééducation puisqu'il n'existe quasiment rien * Aucune consonne et que le bain de langage quotidien n'a pas suffi à faire * Quelques sons vocaliques nasalisés (a, on, eu) naître la communication verbale. Des données multisensorielles vont être nécessaires: Parole - La voie auditive n'est guère fiable mais ne sera Néant tant en spontané qu'en répété. pas à négliger. - La voie kinesthésique va permettre de compenser Langage Expression les déficits de la voie auditive. Utilise sa voix en montrant ce qu'elle désire, mais - La voie visuelle va de venir primordiale: dessins, c'est un son guttural sans apparition d'éléments proso- symboles, langage écrit, lecture labiale... diques. - La voie corporelle suppléera, au début, au déficit Quelques discrètes mimiques faciales et corporelles de la compréhension verbale par l'intermédiaire du mime laissent transparaître ses sentiments. Il n'existe aucun et du « faire semblant » et pourra être le support pricomportement de repli ou de refus. maire du rythme nécessaire à la parole. Langage Compréhension * Quelques images de mots simples peuvent être désignées. * Incompréhension de la notion de verbe. * Réagit de façon adaptée aux contours intonatifs du discours de son interlocuteur (compliments, interdits, demandes...)

D'autre part, pour utiliser ces voies de « compensation » que l'enfant n'a pas développées spontanément, il est nécessaire de s'assurer qu'elle peut les « dominer » cognitivement en enrichissant ses procédures de reconnaissance du monde environnant : faire découvrir sur un mode nonverbal la comparaison (similitudes/ différences), manipuler des symboles, aborder les catégorisations par des tris, stimuler l'attention et l'observation, développer le repérage Capacités non-verbales spatial et la visuo-construction,... en bref, hyper-stimuler * Schéma corporel acquis. toutes les fonctions cognitives annexes au langage mais * Dessin du bonhomme correct mais retard grapho- fonctionnelles chez cette enfant pour qu'elles concourent à moteur. l'apparition de la verbalisation.

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13 NOVEMBRE 1975 6 ans maintien en Grande Section de maternelle Premier bilan au Laboratoire de Langage de la Salpêtrière

Bilan orthophonique

Plan thérapeutique

Praxies bucco-faciales * Lèvres : étirement + approchement + mordre la lèvre inférieure + * Langue : protraction + * Souffle : + * Déglutition : tète et bave

1) Travail des praxies bucco-faciales pour enrichir l'éventail phonémique. 2) Abord de la parole sous un angle un peu différent : comme Emmanuelle ne réussit pas à évoquer la 2e syllabe d'un mot, travailler sur des listes de mots bisylla biques où l'on donne la 1 re syllabe et elle devra trouver la seconde. 3) Eveil à la conscience phonémique en effectuant des tris de mots en images après avoir respecté une progression rigoureuse permettant à l'enfant de se construire des repères multisensoriels : * Partir d'oppositions de phonèmes (plutôt que d'opposer « A » à « pas A », opposer A/O par exemple) pour faire découvrir à l'enfant les traits pertinents de chaque phonème. * Travailler l'opposition choisie en « phonèmes isolés » (devant une glace si nécessaire) pour que l'enfant prenne conscience de la lecture labiale, des praxies nécessaires à l'émission de ces sons, trouver un dessin symbolisant chaque phonème pour faciliter l'évocation et s'aider des gestes Borel si besoin. * Constituer un tableau d'opposition phonémique regroupant les moyens mnémotechniques d'évocation. *Faire reconnaître le son isolé, le son dans une syllabe simple en position initiale, finale puis médiane. Faire de même avec des mots proposés par l'orthophoniste et enfin, proposer le tri d'images. 4) Langage : priorité à la compréhension de deux mots consécutifs (sujet + verbe) sous forme de désignations de dessins où des sujets différents effectuent la même action, puis où un même sujet effectue des actions différentes, et enfin en mélangeant sujets et actions. Une fois la compréhension acquise, travailler la même structure syntaxique en expression pour tenter de systématiser l'évocation. Enfin, laisser libre cours à l'imagination de l'enfant en lui proposant un support visuel symbolisant la structure S+V. Plus tard, enrichissement de la phrase en abordant la structure SVO, en sui vant la même progression que précédemment. 5) Lecture : le C.P. débutant en Septembre 1976, multiplier les exercices de pré-apprentissage et débuter un apprentissage précoce de la lecture avec une méthode syllabique qui créera un renforcement des acquis articulatoires.

Articulation répétée * Acquisition des P/T/F/L/M/N B et D sont assourdis * Voyelles : A/EU/IN/AN Parole * Spontanée : mots de une syllabe (roue) ou de deux syllabes répétées (bébé, mémé). * Répétition : « ana » = banane « afon » = avion Langage * Expression : que des mots isolés * Compréhension : stock lexical très réduit (36/100 à l'item «désignation » du test de Madame Chevrie, soit 3 D.S. en dessous de la moyenne de 6 ans) Spatialisation * Copie la croix et le rond * Echec à la copie du carré CONCLUSION Deux composantes dans les difficultés : - une difficulté motrice liée très certainement à un syndrome pseudo-bulbaire. - une difficulté de langage *au niveau de l'expression (parole et structure de la phrase) *au niveau de la compréhension : ne comprend pas l'association de deux mots (sujet + verbe)

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21 DECEMBRE 1976 7 ans 1 mois Cours Préparatoire Deuxième bilan au Laboratoire de Langage de la Salpêtrière

Bilan orthophonique

Plan thérapeutique

Praxies bucco-faciales * peu d'évolution, bave moins.

1) Poursuivre l'enrichissement de l'éventail phonémique et aborder l'articulation des groupes consonantiques liquides. 2) En parole, obtenir l'évocation de mots de 3 syllabes ----> travailler la reproduction de rythmes, la répé tition de chiffres; reconnaître le nombre de syllabes d'un mot et le rythmer tout en l'émettant. Travailler les finales faibles des mots. 3) En langage, obtenir des phrases plus longues mais surtout mieux structurées syntaxiquement. * Travailler l'emploi systématique des déterminants. * Tr availler l'emploi des p r é p o s i t i o n s p o u r introduire l'utilisation des compléments circonstanciels dans la phrase. Les circonstants les plus faciles à intégrer au départ sont ceux de lieu, car ils peuvent se visualiser et apparaissent tôt dans le développement cognitif de l'enfant. Ils peuvent également être mimés par déplacement, être opposés (sur/sous, dans/à côté..) et être symbolisés pour faciliter leur évocation dans la phrase, d'abord S + V + C Circ, puis S + V + O + C Circ. * Ce travail sur les circonstants devra également permettre d'enrichir la compréhension de nouvelles questions : avec qui?/ avec quoi?/ pour quoi faire?/ pourquoi? 4) En langage écrit, * S'en servir comme biais à un meilleur stockage mnésique du vocabulaire. * Travailler systématiquement la compréhension du mot écrit par correspondance à l'image. * Commencer à structurer la phrase écrite. * Continuer les exercices de conscience phonémique pour éviter les confusions de sons en orthographe.

Articulation répétée * Acquisition des K/G/S/L/R * Réussite à la sonorisation en exercices des B/D/G/V * Voyelles : opposition orale/nasale bien meilleure. Acquisition des o/é/è. Début du OU en exercice. Parole * En répétition de mots, tous les phonèmes acquis en articulation sont utilisés. * En spontané : difficultés d'évocation. Apparition de mots simples de deux syllabes (lapin, auto, garçon). Echec aux mots de trois syllabes. Langage * En expression, association de deux ou trois mots sans lien syntaxique (garçon court un chien). Beaucoup de latence entre chaque mot. Apparition de syntagmes figés et d'automatismes verbaux. * En compréhension : progression dans la compréhension du vocabulaire (72/100 au test de désignation de Chevrie). Compréhension des questions où? avec quoi? comment? Qui? Mémoire verbale immédiate Retient 3 chiffres. Echec aux séries de 4 (niveau inférieur à 4 ans et demi). Langage écrit L'acquisition de la lecture se fait au rythme du C.P.. Réussite aux auto-dictées scolaires. Confusions de sons en dictée de syllabes (orale/nasale: p/m, t/n). CONCLUSION * L'articulation s'étant précisée, d'autres progrès peuvent être espérés. * L'acquisition de la lecture semblant se faire normalement, s'en servir de compensation à l'évocation orale des mots. Multiplier, dans la maison, les lieux où l'enfant puisse s'exprimer par écrit ou par dessins. * La mémoire verbale n'est pas bonne.

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22 NOVEMBRE 1977 8 ans Cours Elémentaire 1re année Troisième bilan au Laboratoire de Langage de la Salpêtrière

Bilan orthophonique

Plan thérapeutique

Articulation 1) En plus de toutes les méthodes de visualisation * Acquisition de KR/GR dans lesquels s'interpose de la langue utilisées jusqu'à ce jour, Mme Chevrie sugun E muet. gère de faire un essai d'amplification auditive (basée sur l'hypothèse de Tardieu qui dit que lorsqu'on a des diffiParole cultés d'intégration, on a besoin de plus d'informations) * La dénomination pose toujours autant de difficul- pour les dictées et pour le travail du timbre des voyelles tés d'évocation qui est nettement facilitée par l'ébauche et les mots des paires minimales (pain/bain/main/; labiale. sur/sous...). * Apparition de mots de 3 syllabes qui sont néan2) Favoriser encore davantage des procédés d'acquimoins incorrectes (ex : « baranon » pour « parapluie ») sition d'ordre visuel pour que l'acquisition du lexique se fasse par la forme graphique des mots (multiplier les Expression verbale lieux où l'on peut écrire à la maison et ne pas se limiter * Sur images, on obtient de courtes aux substantifs). Travailler les mots par famille (à boire, phrases (4 à 5 mots) très dysgrammatiques (ex: « le boire, a bu, boisson...). chien tomber garçon » pour « le chien a fait tomber le 3) Tra vailler de façon systématique les difficultés garçon ») de compréhension dévoilées au test de Laura Lee. * En langage spontané, utilise « moi » pour « je », ne 4) Souhait d'évaluer les capacités non-verbales de respecte pas l'ordre des mots, utilise toujours « non » pour l'enfant. la négation (maman café non). Compréhension verbale Première passation du test de Laura Lee. * Réussite à des items « diffi-ciles » : où? qui? pré sent/passé composé; présent/futur immédiat. * Les essais d'amplification au phonoaudioscope * Echec à des items tels que il/elle, le/les, sur/sous n'apportent pas l'aide attendue. L'enfant fait autant d'erqui semblent liés à un trouble auditivo-gnosique. reurs de discrimination avec ou sans amplification. Elle accepte difficilement le casque. En outre, ces exercices CONCLUSION ne se réalisant qu'en rééducation, la transposition dans le Bien meilleure compréhension verbale (qui permet milieu scolaire où elle en aurait le plus besoin est irréalila scolarisation). Enorme trouble d'évocation tant au sable sur le plan pratique. Les exercices d'éveil à la niveau du mot (évocation de la séquence phonémique) conscience phonologique se poursuivent donc sous l'anque de la phrase (évocation de la succession des mots cienne forme, en constatant que les réussites sont essendans la phrase). tiellement favorisées par un ralentissement du débit verbal qui laisse le temps à Emmanuelle d'affiner sa Scolarité discrimination auditivo-perceptive (Lafon). - Difficultés croissantes en langage écrit * Le travail sur les familles de mots est très difficile - Auto-dictées parfaites (respect de la morphosyntaxe et et rebute l'enfant en raison d'un temps de latence trop de l'orthographe) important qui laisse l'enfant et l'orthophoniste insatisfaits. - Dictée : confusions de sons, mots manquants ou indé- C'est là où chacun a pris conscience que sans aucune codables. visualisation, ni support tangible, l'élaboration et l'enri- Expression écrite spontanée où l'ordre SVC est res- chissement du langage sont quasiment impossibles. Cette pecté (mais les articles sont absents, la place des adjec- démarche est sans doute trop prématurée du fait de la tifs incorrecte, les « fautes » multiples) pauvreté du stock lexical mais elle a le mérite de faire - Calcul : bien prendre conscience à l'enfant que chaque nouveau mot peut être comparé à un mot déjà connu, ce qui crée un moyen mnémotechnique supplémentaire. La proposition de faire ce même travail à l'écrit est beaucoup mieux acceptée (la barrière de l'inintelligibilité du discours oral est tombée).

Résultats

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2 JANVIER 1979 9 ans 1 mois Cours Elémentaire 2e année Quatrième bilan au Laboratoire de Langage de la Salpêtrière

Bilan orthophonique

Plan thérapeutique

1) Poursuivre le travail des praxies bucco-faciales, de façon très systématique. 2) Enrichissement du stock lexical en s'aidant de la mémoire visuelle et de l'écrit (auto-dictées, dénomination écrite...) 3) Langage : travail axé sur l'utilisation du verbe et des pronoms personnels * Abord des flexions temporelles simples (passé / présent / futur) * Emploi du pronom personnel sujet : d'abord en les opposant deux à deux (je/tu, il/ elle, il/ils...) pour qu'ils soient bien différenciés cognitivement, ne pas hésiter à utiliser des gestes pour faciliter leur évocation (moi, je.../ toi, tu ... en pointant du doigt), systématiser la redondance entre nom sujet et pronom sujet (la fille, elle Articulation court; les enfants, ils mangent; maman et moi, nous par* Absence des CH/J assimilés à S/Z tons...). Transposer ces concepts à l'écrit tant en compré * Acquisition des groupes consonantiques en L et R hension qu'en expression et les généraliser aux animaux sans interposition d'un E muet. et aux objets. * Voyelles: le I est un peu mieux timbré, les U et * Abord des déterminants possessifs et démonstratifs. OU sont assimilés à ON. La différenciation orale/nasale est acquise.

Motricité bucco-pharyngée * Lèvres : click possible, échec à étirer/ arrondir, arrondissement avec protraction limitée. * Langue : seule la protraction est obtenue * Voile : déperdition nasale sur A, I, CH, T et même au sifflet. * Joues : ne peut les gonfler. * Maxillaires : peut mordre la lèvre inférieure mais pas la lèvre supérieure. * Déglutition se faisant après plusieurs protractions de langue, sans contraction des masseters. Bavage moins important.

Parole * Acquisition de toutes les finales faibles des mots de 2 syllabes (fromage, cravate,...) * La répétition de mots de 3 syllabes est possible mais avec encore des déformations. Langage * Récit spontané sur images sans avoir à poser de questions - phrases de 6 mots - sans conjugaison du verbe mais apparition des articles et des prépositions. Aucun pronom. * Nette amélioration de la compréhension sur images (75/100 au test de Chevrie-Muller). CONCLUSION * Progression régulière dans l'acquisition des phonèmes mais stagnation des praxies buccales. * Meilleures possibilités d'évocation et de groupement des mots * Trouble massif de la communication avec vocabulaire très restreint. La rééducation du langage lui-même reste l'objectif principal. * Faire une évaluation des aptitudes non-verbales. Scolarité Classe de 30 élèves où Emmanuelle est moins bien stimulée. Suit plus difficilement malgré le soutien d'une heure par jour par son ancienne institutrice. Agrammatisme à l'écrit.

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Evaluation des aptitudes non-verbales - Juin 1979 * WISC Performance : 90 (avec une mauvaise note aux assemblages d'objets) * BENDER : inter quantile inférieur dans le groupe de 6 ans. * COLUMBIA : 67 ----> A.M. de 7 ans 8 mois pour âge réel de 9 ans 7 mois. * P.M. 47 : entre les centiles 10 et 30 de son groupe d'âge ----> 80 < Q.I. < 90. Au total, le raisonnement est certainement au niveau de la moyenne pour son âge mais Emmanuelle est pénalisée par des difficultés d'organisation spatiale dans les épreuves graphiques ou de manipulation (à mettre en rapport avec les séquelles de l'hémiparésie gauche ?)

4 DECEMBRE 1979 10 ans redoublement du CE2 + CM1 pour l'éveil Cinquième bilan au Laboratoire de Langage de la Salpêtrière

Bilan orthophonique

Plan thérapeutique

Motricité bucco-faciale Pas d'évolution. La déperdition nasale s'accentue lors des difficultés praxiques articulatoires. Articulation I / U / OU toujours mal timbrés. CH/J toujours assimilés à S/Z. Assourdissement des consonnes sonores. Parole L'évocation articulatoire des mots de 3 syllabes et plus est plus précise. Acquisition de 3 consonnes successives (« arbre » par exemple). Langage * En expression, le récit sur images s'enrichit sémantiquement (augmentation du nombre d'idées évoquées). Les réponses aux questions se structurent (emploi de « parce que », « avec »...). L'agrammatisme persiste dans l'emploi des verbes (suppression de la copule « est », verbe à une forme infinitive ou participe passé sans auxiliaire, ou « nominale » (« promenade » pour « se promène »), ou « adjectivale » (« endormi » pour «dort»). Aucune phrase complexe. Progrès dans le maniement des articles (genre, nombre, défini/indéfini) et des prépositions (avec, pour..). Tout ce qui est exception pose encore problème (l', au, du..) L'épreuve « Expression » du test de Laura Lee met en évidence: - la perte des oppositions flexionnelles en fi n a l e (dort/dorment, gros/grosse). - l'absence d'opposition son / leur - l'absence d'opposition passé / présent. - la bonne reproduction de la forme passive ( mais élision du « est »), du genre et du nombre pour l'article et le pronom, de la forme pronominale. - la distinction des formes interrogatives (où? qui? est-ce que?) même si la suite de la phrase est incorrecte. * En compréhension, au test de Lee, progrès nets par rapport à 1977 : compréhension de toutes les oppositions genre/nombre pour les déterminants, les pronoms et les verbes. Expression écrite Récit sur images par écrit où l'on retrouve quasiment les mêmes difficultés qu'en oral. Comportement en rééducation Toujours 3 séances hebdomadaires. Emmanuelle a envie de raconter. Elle s'exprime par phrases où les verbes ne sont toujours pas conjugués. L'évocation lexicale est meilleure. CONCLUSION - Progrès notables qui doivent pouvoir se poursuivre. - Les difficultés de langage écrit prouvent qu'Emmanuelle passe par l'oralisation avant d'écrire. Il n'y a pas d'accès direct entre les images et l'écrit.

1) Nécessité de continuer à développer la mémoire visuelle, l'évocation visuelle en évitant de passer par la forme auditive : * donner des images et les mots écrits correspondants sans oraliser * cacher les mots et demander d'écrire le nom de l'image Favoriser ce travail sur les mots de 3 syllabes et plus et sur les mots « rares ». 2) Travailler en langage oral et écrit * l'ordre d'énoncé des mots dans la phrase en passant par la schématisation visuelle de structures de plus en plus élaborées. * l'opposition son / leur * l'opposition passé / présent / futur en partant davantage du vécu de l'enfant qui doit recréer ses propres « histoires séquentielles » à partir d'actions qu'elle exécute elle-même. (parcours « moteur » dans le bureau par exemple, puis successions d'actions de sa vie quotidienne). Ensuite, proposer la même tâche en prenant des sujets de son entourage proche, et enfin généraliser à l'imaginaire, plutôt le sien que celui imposé par les histoires toutes faites. * les questions : est-ce-que? qui-est-ce? qu'est-ce que c'est? * les constructions infinitives avec faire, laisser, pouvoir, falloir, vouloir...

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16 DECEMBRE 1980 11 ans 1 mois Cours Moyen 1ère année Sixième bilan au Laboratoire de Langage de la Salpêtrière

Bilan orthophonique

Plan thérapeutique

Motricité bucco-pharyngée * La motricité labiale est meilleure : ébauche de l'arrondi, étirement possible dans le sourire. * Langue / joues : pas de changement. * Voile : déperdition nasale persistante. La stagnation des acquis confirme le diagnostic de syn1) Maintenir les acquis praxiques et articulatoires drome pseudo-bulbaire probablement cortical. et essayer d'améliorer l'opposition sourde / sonore en couplant un vibrateur à la visualisation au phonoaudioscope. Attention à la lassitude de l'enfant compte tenu de son Bilan phonétique âge. Aucun changement depuis décembre 79. 2) Continuer l'évocation verbale à travers l'écrit pour multiplier les canaux mnésiques. Parole 3) Favoriser l'expression écrite sous toutes ses * En spontané, de nombreux mots restent inintelli- formes (courrier, cahier de vie, liste de courses, lieux où s'exprimer par écrit à la maison...) gibles pour l'examinateur. 4) Enrichir l'expression orale : maintenant que la * Toutes les finales des mots de 3 syllabes et plus structure simple du langage est dominée, il faut passer sont évoquées correctement. aux structures complexes: conjonctives, relatives, interrogatives, pronoms compléments... en travaillant parallèLangage lement l'oral et l'écrit. * En expression sur images, la syntaxe est maintenant correcte, mais reste simple et limitée. Il existe une Ce plan thérapeutique n'a rien d'innovant dans son gêne importante à l'évocation des mots qui ralentit le contenu rééducatif. En revanche, Emmanuelle est à un récit (phrases tronquées). stade où elle doit commencer à pouvoir quitter progresLe versant « Expression » du test de Lee met en évi- sivement la symbolisation visuelle des structures syndence l'usage constant de la copule « est », la maîtrise taxiques proposée en rééducation pour passer à une du verbe, l'acquisition de l'opposition présent / passé, représentation mentale de ces structures. Cette évolution l'opposition son / leur. Il persiste toujours des difficul- va requérir de sa part l'acceptation d'un travail plus régutés pour les flexions de genre et de nombres, pour lier et systématique d'automatisations de structures linl'ordre des mots et pour la formulation de certaines guistiques sur la base d'exercices structuraux transformainterrogations. tionnels visant à lui faire découvrir implicitement la * En compréhension, au test de Lee, un seul échec morpho-syntaxe complexe. persiste sur la valeur fonctionnelle de l'ordre des mots ( la maman montre le bébé au chat / la maman montre le chat au bébé). Langage écrit Des possibilités d'expression écrite apparaissent (production de petits récits sous forme de successions de phrases simples mais correctes).Des difficultés d'évocation de la chaîne des graphèmes persistent. Evolution de la rééducation Toujours 3 séances hebdomadaires mais fatigue liée aux trajets car Emmanuelle a déménagé à 35 km du cabinet. L'intelligibilité de la parole reste insuffisante. CONCLUSION Des progrès notables dans la construction des phrases, le langage « télégraphique » disparaissant. L'évocation lexicale reste un problème majeur où l'écrit ne semble pas apporter l'aide souhaitée.

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1er DECEMBRE 1982 13 ans 1 mois redoublement du Cours Moyen 2e année Septième bilan au Laboratoire de Langage de la Salpêtrière

Bilan orthophonique

Plan thérapeutique

Praxies et Articulation Stagnation des acquis, ce qui est déjà positif car il n'y a pas de détérioration. L'intelligibilité est médiocre. Langage Les épreuves de l'E.E.L. de Madame Chevrie étant saturées, on propose les items « r é f é r e n t s » et « flexions » du test de langage de Caracosta. A l'emploi des référents, la note situe Emmanuelle dans la zone des enfants de 8 ans. Pour les flexions, on se trouve à la limite inférieure de 8 ans. L'analyse qualitative est importante : la manipulation des pronoms sujets et compléments semble aisée. Bonne utilisation des adjectifs possessifs mais échec aux pronoms possessifs. Au niveau flexionnel, aucun problème pour les articles élidés. Grande difficulté dans la conjugaison des verbes irréguliers et la concordance temporelle. Des réussites sont obtenues en explicitant le temps employé et quand on demande l'automatisme de la conjugaison. Echec au conditionnel et au subjonctif.

1) maintenir les acquis praxiques et articulatoires. 2) Entreprendre un travail de réflexion sur la langue en utilisant les apprentissages grammaticaux scolaires bien automatisés et en faisant une analyse sous forme de « grammaire de la langue » puisqu'il n'y a pas possibilité d'apprentissage intuitif ou implicite. 3) Au ni veau des verbes, apprendre les formes irrégulières et expliquer en les visualisant les situations temporelles auxquelles répondent les formes des verbes (point dans le temps, aspect répétitif ou non, événement certain/ incertain...). Différencier simultanéité / successi vité. Aborder la concordance des temps.

Ce plan thérapeutique repose essentiellement sur l'analyse des erreurs et des échecs de l'enfant qu'il faut reprendre un à un pour obtenir une amélioration progressive de son expression. Pour ce type de travail, les épreuves du test de Langage de Madame Sadek sont d'une aide précieuse. D'autre part, l'introduction de l'inScolarité formatique en rééducation (à l'époque, c'étaient les balRedouble le CM2. Dans les cahiers, on constate en butiements !!) a ouvert de nouveaux horizons grâce au rédaction des phrases de réalisation assez élaborée mais traitement de textes. avec des échecs pour l'évocation de la séquence phonétique des verbes (irréguliers en particulier). La rééducation s'est poursuivie ainsi jusqu'en Juin 1985. Pour l'entrée en 6ème, les parents commencent à « se battre » pour la création d'une 6ème d'adaptation au collège de leur ville. Evolution de la rééducation Toujours 3 séances hebdomadaires. La rééducation se calque de plus en plus sur les exigences scolaires et sur les échecs constatés à l'école.

CONCLUSION Certaines acquisitions morpho- syntaxiques (les plus simples et les plus fréquentes) sont bien intériorisées. On peut obtenir une auto-correction en utilisant une réflexion sur la langue.

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◆ De 1985 à 1993 Juin 1985 Arrêt de la prise en charge orthophonique à mon cabinet. Depuis 84, le rythme hebdomadaire des séances était passé à deux (parfois une), essentiellement à cause du travail scolaire où Emmanuelle s'investissait énormément avec l'aide de ses parents et à cause de l'éloignement (elle était lasse des trajets). Septembre 1985 Poursuite de la rééducation orthophonique chez un collègue sur le lieu d'habitation d'Emmanuelle au rythme d'une séance hebdomadaire pendant deux ans environ. Juin 1988 - 18 ans 7 mois Obtention du Brevet des collèges dans le cycle scolaire normal avec un tiers temps supplémentaire pour la passation des épreuves. Juin 1989 Termine sa 1 re année de C.A.P. Employé des services Administratifs et Commerciaux. Bilan en Neuropédiatrie à Tours (Docteur Billard) soulignant la nécessité de reprendre la rééducation orthophonique à cause d'une dysorthographie à dominante phonétique et phonologique. Juillet 1989 Bilan orthophonique à mon cabinet * Maintien des acquis articulatoires * Dysorthographie phonétique * Test de Caracosta : mêmes résultats qu'en 82 à l'item des flexions. Aucune acquisition nouvelle sur le plan syntaxique, mais utilise la recherche grammaticale comme aide à l'évocation. * Nombreux échecs au test de sensibilité à la pragmatique. Reprise de la rééducation en 12 séances « intensives » (pendant les grandes vacances) * Emmanuelle ne veut pas faire d'orthographe..... * Travail du langage en oral et en écrit : automatisation de l'emploi du subjonctif à partir d'exercices structuraux ; abord de la différenciation but / conséquence ; emploi des conjonctions. Il aurait été souhaitable de poursuivre cette rééducation mais Emmanuelle s'y est fermement opposée.

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Juillet 1990 - 20 ans 7 mois Obtention du C.A.P. Employé des services Administratifs et Commerciaux. Les conditions de passation sont aménagées : tiers temps supplémentaire pour les épreuves écrites et présence de l'orthophoniste pour les épreuves orales (anglais). Juillet 1991 Termine sa 1 re année de B.E.P. Administration Commerciale et Comptabilité. Juillet 1992 - 22 ans 7 mois Obtention du B.E.P. Administration Commerciale et Comptabilité. Parallèlement, préparation au BAC professionnel bureautique, comptabilité et gestion administrative qu'elle poursuivra sur l'année scolaire 92/93. Juillet 1993 Echec au BAC professionnel. Octobre 1993 Contrat C.E.S. à la bibliothèque municipale, à mi-temps. Situation qui perdure jusqu'à ce jour, Emmanuelle bénéficiant également d'une aide financière de la COTOREP. Octobre 1993 - Bilan orthophonique à ma demande - Maintien des acquis articulatoires et praxiques ; CH/J restent assimilés à S/Z. Les consonnes voisées ont tendance à être désonorisées. Les I/U/OU sont toujours mal timbrés en raison d'une déperdition nasale importante. - Test de Caracosta : mêmes résultats globaux qu'en 1982 à l'item des flexions, mais Emmanuelle n'utilise plus l'aide de la recherche grammaticale. Le subjonctif est automatisé alors que le conditionnel n'est pas maîtrisé. Bonne maîtrise de tous les référents. - Langage sur images : phrases correctes de 10 à 15 mots contenant des expansions circonstancielles, relatives et conjonctives. Toujours une gêne dans l'évocation lexicale qui tronque la phrase ébauchée et oblige Emmanuelle à restructurer une autre proposition en utilisant des circonlocutions sémantiques. - Test d'évocation lexicale (2 minutes par épreuve) Fluidité orale libre : 22 mots Fluidité orale sémantique : * Animaux : 12 noms * Vêtements : 13 noms Fluidité orale formelle : * « P » : 7 mots * « L » : 4 mots Fluidité par imagerie mentale : * Supermarché : 16 mots * Fête de Noël : 7 mots

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Ces résultats sont à peu près équivalents à ceux d'enfants du C.P. - Orthographe : toujours autant de difficultés au niveau phonétique (pour les syllabes sans signification particulièrement). Sous dictée, Emmanuelle transforme le texte dans son propre langage (ce qui prouve que l'écrit passe toujours par l'oralisation). Globalement, depuis 1982, c'est à dire depuis l'âge de 13 ans, il n'y a pratiquement pas de progression dans l'aspect flexionnel du langage alors que les concepts référentiels sont automatisés. Le stock lexical s'est enrichi d'un vocabulaire technique mais les difficultés d'accès au lexique perdurent. Des conduites de compensation à ce déficit sont apparues spontanément (circonlocutions).

◆ Conclusion Quels sont les enseignements théoriques mais surtout cliniques, thérapeutiques et pragmatiques à tirer d'une telle étude de cas? Sur le plan théorique, tout concourait à laisser penser qu'il existait bien une atteinte neurologique centrale acquise de l'hémisphère droit et pourtant cette enfant ne parlait pas. On pourrait donc se poser la question du rôle de l'hémisphère droit dans l'apparition du langage. Sur le plan clinique et thérapeutique, cette étude permet de mettre en lumière des principes de base que les orthophonistes se doivent de faire comprendre, admettre et/ou reconnaître par le milieu médical, scolaire et familial. Les orthophonistes prodiguent des SOINS. La rééducation d'un enfant dysphasique est une thérapeutique de longue haleine échelonnée sur de nombreuses années (environ de 6 à 15 ans suivant les cas) nécessitant : * Une prise en charge orthophonique - précoce : à l'aube de l'an 2000, il n'est plus tolérable de voir arriver dans nos consultations des enfants de 4 ou 5 ans sans langage ou presque, sous prétexte que le médecin ou l'institutrice ont dit que « ça allait venir tout seul ». Les orthophonistes sont habilités au dépistage et à l'éducation précoce des troubles du langage et doivent pouvoir pleinement jouer ce rôle préventif et épidémiologique. - intensive : deux à trois séances hebdomadaires minimum, des soins sporadiques étant totalement inefficaces. - régulière : la continuation de la rééducation étant indispensable pendant la majeure partie des vacances scolaires. - structurée : c'est à dire pré-définie par des objectifs précis. Nous ne pouvons pas nous contenter d'un contenu rééducatif psychorelationnel informel pour faire progresser ce type de troubles linguistiques structurels dont les

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retentissements influent inévitablement sur l'évolution cognitive globale de l'enfant. Nous nous devons d'imaginer des procédures spécifiques d'apprentissage en stimulant les fonctionnalités efficientes pour atteindre par « d'autres chemins » un développement neuro-linguistique forcément différent de l'enfant normal. - évaluée : les résultats de notre thérapeutique doivent être périodiquement évalués (de préférence par un autre thérapeute) pour objectiver l'efficacité du traitement, en redéfinir les axes prioritaires, voire remettre en cause notre mode d'approche rééducative. Nous devons nous méfier du « ron-ron » thérapeutique dans lequel nous risquons de nous installer. Il y va de notre responsabilité professionnelle et de l'avenir psycho-social de l'enfant. * L'adhésion des parents aux projets thérapeutiques de leur enfant et leur participation au traitement : la présence d'un des parents en rééducation est souhaitable pour qu'ils puissent apprendre à adapter leur comportement de communication avec leur enfant et reprendre quotidiennement à la maison en intégrant de façon plus informelle et plus naturelle les notions travaillées lors des séances. Cette démarche me paraît indispensable pour que les parents se sentent impliqués, « utiles », rassurés et puissent se déculpabiliser de l'échec communicationnel antérieur dont ils se croient parfois responsables. Même si leur enfant ne peut apprendre à parler sans l'aide de spécialistes, nous avons l'obligation de restaurer ou plutôt de faire naître leur rôle d'interlocuteurs privilégiés auprès de leur enfant en les guidant et les soutenant. * La collaboration avec le milieu scolaire : dans le cas d'Emmanuelle, ses parents avaient souhaité une scolarisation en milieu scolaire normal puisque leur enfant avait des potentialités intellectuelles normales. Cela nous a forcément amenés à participer activement à son intégration scolaire, en veillant prioritairement à ce que l'enseignant soit « volontaire » pour l'accueillir. Nous n'avons jamais « imposé » Emmanuelle et avons toujours cherché à dialoguer avec les personnels de l'Education Nationale (enseignants, psychologues scolaires, réseaux d'aide, inspecteur..) pour trouver les meilleurs aménagements possibles (quitte à changer l'enfant d'école si cela s'avérait nécessaire). La province, qui se trouve éloignée de toute structure spécialisée, permet souvent des intégrations très réussies, dans de petites classes à plusieurs niveaux où l'enfant peut suivre un enseignement « à la carte » en fonction de ses connaissances et performances dans chaque matière. Cela implique de la part du milieu scolaire: - une grande souplesse dans l'enseignement - une adaptation de la pédagogie

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- une tolérance du retard scolaire (l'âge de l'enfant ne doit pas entrer en ligne de compte ; la preuve en est : Emmanuelle a eu son brevet des collèges à 18 ans 1/2!) - une compréhension de l'esprit de complémentarité qui doit s'instaurer entre la pédagogie traditionnelle et les techniques spécialisées que nous utilisons. - une importante disponibilité vis à vis de l'enfant, des parents et des thérapeutes. - une acceptation de la « différence ». Si l'ensemble de ces conditions requises est mis en place, nous pouvons avoir la certitude que ce contexte sera favorable à l'élaboration progressive d'une communication verbale la meilleure possible. Mais ce n'est qu'à ce prix que notre intervention thérapeutique peut être efficace. Sur le plan pragmatique enfin, « l'aventure » de la rééducation des enfants dysphasiques nous apprend à nous, orthophonistes, à nous remettre en cause, à ne jamais « baisser les bras », à avoir conscience des limites de nos connaissances, à ne pas restreindre notre rôle à celui de « thérapeute du langage enfermé dans son secret professionnel » mais au contraire à devenir un interprète temporaire et un médiateur privilégié de notre patient vis à vis de sa famille, de l'école, de la société en général, tant qu'il n'a pas encore les capacités de le faire lui-même.

REFERENCES CARACOSTA H., PITERMAN-SCOATARIN S., VAN WAEYENBERGHE M., ZIVY J. (1975) - Test de Langage, E.A.P. - Issy -les -Moulineaux CHEVRIE-MULLER C., SIMON A-M., DECANTE P. (1981) Epreuves d'Evaluation du Langage, E.C.P.A. - Paris SADEK-KHALIL D. (1972) - Un test de Langage, Delachaux et Niestlé - Neuchâtel. WEIL-MALPERN F., CHEVRIE-MULLER C., SIMON A-M., GUIDET C. (1983) - Evaluation des aptitudes syntaxiques chez l'enfant (N.S.S.T. de L. LEE), E.A.P. - Issy-les-Moulineaux.

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Qui dit quoi ? Le rôle de la reformulation dans la rééducation du langage oral chez l’enfant de 4 ans C. Fouassier, A. Gadois, C. Hénault, D. Morcrette, L. Bihour, N. Guéret

Résumé L'étude de la comparaison interindividuelle des comportements langagiers présente l'intérêt de mettre l'accent sur la pratique rééducative d'une part et l'évaluation rapide du stade d'évolution de l'enfant pendant sa rééducation d'autre part. La collaboration psychologues/orthophonistes a permis une étude qualitative et quantitative des corpus recueillis par les orthophonistes en situation de rééducation et par une étudiante en maîtrise de psychologie du développement cognitif auprès d'enfants âgés de 4 ans à 5 ans 6 mois, au cours d'un jeu formalisé, induisant des attitudes de reformulations paraphrastiques. Mots clés : langage oral, reformulation, paraphrase, échanges dialogiques.

Who says that? The role of rephrasing in the remediation of four yearold children’s oral language Abstract It is valuable to compare the language behaviors of different children since it highlights the practice of remediation and provides a brief evaluation of the child's progress during therapy as well. The collaborative work of psychologists and speech and language therapists permitted the quantitative and qualitative study of narratives produced by 4 to 5 1/2 year-old children during therapy with a speech and language specialist and with a master's level psychology student specialized in cognitive development, in a standardized play situation which induced paraphrastic reformulations. Key Words : spoken language, reformulation, paraphrase, dialogical exchange.

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C. FOUASSIER, A. GADOIS, C. HÉNAULT, D. MORCRETTE, L. BIHOUR, orthophonistes N. GUÉRET, psychologue Modesco M. R. S. H. - Université de CAEN Esplanade de la Paix - 14032 CAEN

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ette étude a pu être réalisée à l'université de Caen, dans le groupe psychoneurologique de recherche sous la direction du Professeur Jean Vivier (1), à l’aide de la grille d’analyse des discours qu’il a élaborée et qu’il a mise à la disposition du groupe.

◆ Cadre de travail L’interaction langagière est une composante primordiale de la rééducation, comme elle l’est dans le développement du langage de l’enfant. Si nous connaissons, par expérience clinique, l’efficacité de la reformulation en rééducation, nous savons peu comment la diade enfant/orthophoniste l’utilise en rééducation ou comment l'enfant s'appuie sur ce procédé pour progresser, et comment il s'approprie les structures langagières proposées par l'orthophoniste. L'incitation à la reformulation est-elle une stratégie rééducative ? La capacité de l'enfant à utiliser la reformulation peut-elle être considérée comme un pronostic d'évolution ? Le dialogue, la reformulation, la paraphrase. L'importance du dialogue dans le développement du langage est soulignée par de nombreux auteurs ; « apprendre à parler et à comprendre, c'est apprendre bien autre chose que du lexique et des structures grammaticales : en gros, c'est apprendre les différents types d'enchaînement des énoncés sur le discours de l'autre ou sur mon propre discours (...), c'est savoir alternativement

(1) VIVIER J. 1992 Explanations strategies for a construction task among 8-year-old subjects. Cahiers de Psychologie Cognitive 12,4, 389-414 VIVIER J. 1998 pour une psychologie du dialogue homme-machine. In G. Sabah, J. Vivier, A. Vilnat, J.M. Pierrel, L. Romry, A. Nicolle (Eds.) Machine, langage et dialogue. Paris : L'Harmattan.

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répondre, raconter, argumenter, comparer... (2) ». Bruner (3) note la précocité de l’apparition de cette interaction. François définit plusieurs types de discours dépendant de la relation qui unit les partenaires dans le dialogue : - les discours de dominance : l'un des partenaires de l'interaction impose les thèmes de discussion, ces discours sont le plus souvent des discours adulteenfant ; - les discours de coopération homogène : les sujets introduisent tour à tour un thème de discussion que chacun modifie ; - les discours conflictuels : les sujets confrontent leurs points de vue. Parmi les situations dialogiques, nous nous sommes donc plus particulièrement intéressés à la seule reformulation au cours du jeu. Toutefois, il faut distinguer les répétitions complètes qui consistent en une reprise exacte d'un énoncé précédemment émis et les reformulations paraphrastiques qui impliquent des modifications de la formulation initiale. Plus précisément l'essence des reformulations paraphrastiques n'est pas constituée par la pure identité de contenu mais par des glissements de sens et des changements de thématisation qui accompagnent les paraphrases. Grille d'analyse La grille d'analyse des discours a été élaborée par Jean Vivier en 1990. Elle avait pour premier objectif d'étudier d'un point de vue psycholinguistique les productions langagières des interlocuteurs et la manière dont ils parviennent à s'entendre pour effectuer une tâche. Cette grille est construite pour répondre à deux types de questions : « quel type d'acte est repris ? » et « de qui est l'acte repris ? ». Elle est organisée avec trois niveaux de profondeur : les fonctions, les descriptions, les indices. Les paraphrases se situent au niveau des descriptions et elles sont décrites sous quatre formes : l'ajout spécifié, la substitution, l'omission et la permutation (4). Pour l’observation des corpus au cours du jeu, cette grille a été simplifiée mais garde son objectif d’origine.

(2) FRANCOIS F. (1984). Conduites linguistiques chez le jeune enfant. PUF. (3) BRUNER J. (1987). Comment les enfants apprennent à parler. RETZ. (4) CLARK H.H. (1996) Using Langage Cambridge : Cambridge University Press.

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Présentation du jeu Nous avons choisi un jeu de parcours pour placer l’enfant et l’orthophoniste en situation de dialogue les incitant à produire des énoncés adéquats, à compléter les dires de l’autre et ceci avec l’emploi de reformulations. Ce jeu de parcours est réalisé à partir d’un jeu Nathan « Parlons avec Ploum », d'où sont extraites 17 images. Ces images ont été sélectionnées pour la clarté de la situation, leur familiarité et leur contenu émotionnel. Elles représentent des situations simples vécues par tous les enfants, souvent source de plaisir ou de déplaisir et n'offrant pas d'ambiguïté quant au contenu. De plus, le graphisme est convivial et les couleurs attrayantes. Ces images sont disposées sur le sol ou sur une table en forme de « parcours » (soit en cercle soit en « route ») . Les deux interlocuteurs (l'adulte et l'enfant) sont munis d'un dé à 6 faces où le un et le deux sont inscrits en lieu et place du cinq et du six, c'est-à-dire en double. Chacun leur tour les joueurs lancent le dé et avancent d'autant de cases qu'il est indiqué sur le dé. Lorsque le pion est positionné sur l'image, il faut la décrire, raconter ou commenter ce que l'on y voit. Le départ se donne au gré de l'enfant. La passation dure une dizaine de minutes (on s'arrête quand l'enfant se lasse). On enregistre l'ensemble du jeu (dialogues et manipulation du dé et des pions).

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◆ Description de la reformulation paraphrastique Le point de départ de notre travail se situe au niveau de la pratique rééducative. Trois exemples vont permettre d'illustrer les différentes reformulations et les attitudes des enfants : Aurélien, 5 ans, en rééducation depuis un an pour une dysphasie phonologique-syntaxique. L'analyse des corpus enregistrés au cours du jeu permettent de souligner quatre caractéristiques des reformulations : a) Les reformulations de l'orthophoniste accompagnent chaque formulation de l'enfant : E 31 (5) : i sou pâque c’est son nivèsai, les boujies O 32 : il souffle les bougies, c’est son anniversaire b) Aurélien, lui, reprend les formulations de l’orthophoniste lorsqu’il doit décrire une image déjà rencontrée au cours du jeu : il comprend la façon de faire et commence à l’utiliser, soit immédiatement après : O23 : Ploum lit un livre avec son papa E 25 : Papa i fait un liz avè... i lit avè son papa ; soit plus tard : O 5 : Qu'est-ce que tu vois ? ... Ploum... E 5 : lit... (5) E : enfant O : orthophoniste Les tours de parole, qui sont les productions ayant un impact sur les productions suivantes, sont numérotés dans leur ordre d’apparition. Ainsi « E 31 » signifie que c’est la trente et unième fois que l'enfant prend la parole au cours du jeu et « O 32 » que c'est le trente deuxième tour de parole de l'orthophoniste

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O 6 : Ploum lit un livre avec son papa. E 25 : papa i fait un liz avè... i lit avè son papa. Cette reprise des termes choisis par l'orthophoniste objective le maintien en mémoire des structures lexico-syntaxiques proposées. c) On observe enfin que la reformulation permet à l'enfant d'expliciter sa pensée : O 32 : il fait du vélo avec son lapin, il a un beau vélo vert E 32 : moi, je vas dire une mibylette O 33 : toi tu vas dire une mibylette, eh bien moi je vais dire un vélo E 33 : une mibylette, ya des mumières là-dssus ! d) Ces différentes reformulations apparaissent notamment lorsque le jeu tombe sur l'image suivante : E 11 : il va à l'école paque son papa i l'emmène O 12 : Il va à l'école et son papa l'emmène E 12 : en voiture (Aurélien explicite sa pensée) O 13 : dans sa belle voiture rouge. Ploum va à l'école avec son papa qui l'emmène dans sa belle voiture rouge. O 28 : Ploum va à l'école avec son papa qui conduit la belle voiture rouge. (l'orthophoniste cherche à complexifier la phrase) : E 28 : (Aurélien tombe sur cette image tout de suite après) : i va à l'école, i prend la voiture pour aller à l'école avec son papa. Et il ajoute : Ya bien russi ! (j'ai bien réussi !) Sébastien, 5 ans, est en rééducation pour un retard de parole et de langage. a) L'orthophoniste a la même attitude de reformulation, mais doit souvent relancer cet enfant peu bavard par des questions, des exclamations . O 19 : Qu'est-ce qu'il fait ? E 19 : i conduit la voitu O 20 : Il conduit la voiture avec son papa E 20 : ouais. b) Toutefois cela n'empêche pas Sébastien d'intégrer la forme lexico-syntaxique utilisée par l'orthophoniste : O 23 : Oh ! Qu'est-ce qu'il fait ? E 23 : i zoue au ballon O24 : avec qui, il joue au ballon ? E 24 : avè... avè... tous les deux O 25 : avec sa petite sœur ; il joue au ballon avec sa petite sœur.

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E 25 : ouais O 68 : Qu'est-ce qu'il fait ? E 68 : i zoue au ballon avè sa petite sœu O 69 : il joue au ballon E 69 (qui ne retient que l'expansion) : avè sa petite soeu François, 4 ans 8 mois, débute une rééducation pour un retard important de parole et de langage. L'attitude de l'orthophoniste reste la même, et François qui est spontanément sensible à ce type d'échanges verbaux, s'en empare comme un moyen d'expression privilégié et l'utilise aussi aisément que l'adulte. L'abondance des processus de reformulation permet une analyse qualitative plus détaillée : E 09 : il fait du vélo avè son petit lapin O 10 : oui, il fait du vélo avec son petit lapin (reformulation par répétition pour accord) ; où est-ce qu'il est, son petit lapin ? E 10 : il est ici, pi...et pi le lapin, i va redaler (reformulation par une paraphrase implicite, à visée explicative) O 11 : c'est Ploum qui pédale et le petit lapin est... (paraphrase par ajout à visée explicative et corrective) E 11 : il est assis, pi, i va le teni, i va pas tomber (paraphrase implicite par ajout, à visée explicative) O 12 : d'accord, il est assis derrière (paraphrase par ajout à visée corrective, explicative et d'accord) E 12 : oui, il va le teni, pi, pu qui va tomber (paraphrase par ajout à visée explicative) O 13 : c'est ça, il tient Ploum. (paraphrase par substitution à visée corrective, explicative et récapitulative) ou encore : E 38 : Ploum i fait des gateaux, Ploum. O 40 : et il fait ça (geste) il va tourner E 39 : oui, il va touner (paraphrase par omission) O 41 : il va mélanger (paraphrase par substitution) E 40 : oui, i va mélanzé pi, des œufs, des socolats, et pi, pi...pi... (soupirs, tensions) et pi da pa (paraphrase par ajout) O 42 : ça fait de la pâte (paraphrase par omission, à visée corrective et récapitulative) E 41 : oui, da pâte et pi i met dans l'eau... (paraphrase par ajout et omission)

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◆ Synthèse des premiers résultats Tous les enfants de notre population (6) utilisent essentiellement la reformulation paraphrastique de préférence à la répétition. Cette reformulation fait suite à une production de l’adulte. La différence entre les enfants présentant une pathologie du langage et ceux n'en présentant aucune, se manifeste par le fait que les enfants sans pathologie reformulent après toute production de l'adulte (question d'incitation ou paraphrase) alors que les enfants présentant une pathologie ne reformulent qu'après une paraphrase de l'adulte. Ce constat permettrait de supposer que ces derniers s'approprient ce mode dialogique qui leur convient, dans la mesure où il leur permet de créer leur propre énoncé, tout en surmontant les difficultés qu'ils éprouvent à formuler une production initiale et tout en ayant la possibilité de développer leur pensée. On observe ainsi : - que les paraphrases par ajout sont massivement employées par tous les enfants quelles que soient leurs capacités à communiquer. Ces ajouts peuvent traduire un désir d'individualisation, un souci d'expliciter une pensée en s'appuyant sur la production de l'adulte. - que les paraphrases par omissions ont une fréquence comparable aux paraphrases par substitutions chez les enfants avec troubles du langage - alors qu'elles sont nettement moins utilisées chez les enfants sans trouble du langage au profit des paraphrases par substitution. Si la répétition est très peu employée par les 2 groupes, elle l'est davantage par les enfants avec trouble du langage.

Enfants avec troubles du langage Enfants sans troubles du langage

paraphrases répétition par. par. par par. par par ajout omission substitution 70 % 14 % 16 % 6,4 % 76 % 6% 18 % 1 %

◆ Réflexion sur la pratique rééducative Les échanges dialogiques et narratifs sont pour l'enfant une base solide pour s'approprier le langage de l'adulte.

(6) Tous ces chiffres restent à relativiser, car ils ne concernent que 5 enfants (et trois passations par enfant) avec des troubles du langage et 5 enfants sans troubles du langage. La poursuite actuelle de cette étude se fait sur une population beaucoup plus importante.

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Pour cela, l'utilisation de la reformulation par l'adulte est un modèle qui convient bien à l'enfant qui souffre de troubles du langage. Celui-ci s'en empare d'autant plus volontiers qu'il est conscient de son trouble et désireux de devenir plus autonome dans son besoin de s'exprimer. C'est le cas d'Aurélien. François, incapable de s'exprimer en situation naturelle, s'est emparé de cet outil dès les premières phases du jeu. Quant à Sébastien, bien qu'apparemment peu engagé dans ce jeu, il finit par utiliser l'expansion proposée par l'orthophoniste plusieurs tours de parole plus tard.

◆ Conclusion La reformulation semble être une stratégie adaptée à la rééducation : - elle est volontiers adoptée par les enfants avec un trouble du langage, - elle leur permet de s'approprier des formulations qu'ils n'utilisaient pas, - elle fonctionne en situation immédiate ou différée. L'utilisation de la reformulation suscite de nombreuses questions : - la capacité de l'enfant à utiliser la reformulation de l'adulte pour une reformulation personnelle varie-t-elle en fonction du type de trouble ? - les possibilités d'utiliser la reformulation se situent-elle hors de sa situation rééducative ? - peut-elle être un facteur de pronostic de l'évolution du langage ? Ce premier travail a permis de créer un cadre d'étude de la reformulation en rééducation. La poursuite de ce travail (mémoire d'orthophonie en cours, poursuite du travail du groupe de recherche des orthophonistes, éventualité d'un DESS de psychologie...) devrait permettre de confirmer la validité de ce procédé rééducatif et peut-être d'en faire un outil de l'évaluation de l'évolution de certaines rééducations.

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Quand le nombre est parlé avant d’être écrit : acquisition et élaboration de la chaîne numérique verbale Alain Ménissier

Résumé Avant de dresser l'inventaire des erreurs rencontrées dans la maîtrise de la chaîne numérique verbale, celle-ci est différenciée du comptage et du dénombrement. L'acquisition et les niveaux d'élaboration de la suite numérique permettent d'autre part de proposer un protocole d'évaluation sous le double aspect production verbale et détection d'erreurs. Mots clés : langage oral, chaîne numérique verbale, comptage, dénombrement.

When numbers are spoken before they are written : learning and production of the verbal sequencing of numbers Abstract Before reviewing errors in the process of mastering the verbal sequence of numbers, it is important to distinguish this process from counting and numbering. In addition, the acquisition and production of number sequences can contribute to the development of an evaluation protocol which assesses both dimensions of verbal production and error detection. Key Words : spoken language, verbal sequencing of numbers, counting, numbering.

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Alain MÉNISSIER Orthophoniste 1, place Aragon 70100 Arc-les-Gray

L

ongtemps ignorés par les chercheurs en psychologie, le comptage, le dénombrement et l'acquisition de la chaîne numérique verbale apparaissent aujourd'hui comme des précurseurs cognitifs et linguistiques des futures capacités arithmétiques de l'enfant. Ainsi, lorsqu'on examine les pratiques spontanées de comptage, on s'est aperçu que dès deux ans et demi, trois ans, l'enfant disposait progressivement des composantes nécessaires à l'acquisition des premiers concepts numériques. Les enfants ne semblent construire ni une pratique du nombre, ni une notion définie du nombre. Bien au contraire, l'enfant élabore des notions et des pratiques multiples et aucune activité en soi ne saurait réduire et synthétiser cette diversité. L'enfant reste donc activement impliqué dans la construction de ses connaissances numériques et il semble bien qu'un aspect essentiel de l'apprentissage des mathématiques se constitue avant l'entrée au cours préparatoire. Le développement du comptage en est un bon exemple. Son apprentissage est graduel et suggère une lente progression entre deux et huit ans. Si nous abordons l'étude du comptage sous l'angle des savoir-faire et de la connaissance de ses principes, nous nous trouvons en présence de trois points de vue. Certains auteurs (Briars et Siegler 1984, Siegler et Shrager 1984) postulent que les enfants apprennent de façon mécanique divers comportements de comptage, par imitation et renforcement. A l'opposé, Gelman (Gelman et Meck 1986) pense que la compréhension de certains principes de comptage précède le savoir-faire. La connaissance des principes guiderait le développement des habiletés et serait donc première. Une approche intermédiaire, de type « interactionniste » (Baroody et Ginsburg 1986) considère le développement du comptage comme une activité mentale plus complexe que ne le proposent les deux premiers points de vue : le développement des habiletés et celui de la connaissance des principes évolueraient en interaction. Les enfants peuvent commencer par construire certaines habiletés (ou certaines de ces composantes) par imitation ou par renforcement : ils savent très

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précocement qu'il existe des « mots pour compter » (mots-nombres) et il est rare qu'ils emploient d'autres termes que les formes canoniques du lexique numérique. Un-deux, un-deux-trois peuvent être appris par cœur (et les parents jouent un rôle non négligeable dans le plaisir à entendre leur enfant compter!) mais un apprentissage routinier ne mènera jamais bien loin sans développement parallèle et progressif des structures mentales sous-jacentes au comptage : on admettra cependant que des structures incomplètes suffisent à diriger l'acquisition de certaines habiletés (Baroody 1991).

◆ La chaîne numérique verbale Les mots représentant les nombres vont constituer la chaîne numérique verbale. Peu à peu, l'enfant élabore un domaine lexical numérique relativement autonome ; ses diverses activités lui permettront d'autre part d'utiliser ce lexique spécifique aussi bien en compréhension qu'en production. Mais comment l'enfant parvient-il à maîtriser et à utiliser correctement cette chaîne numérique verbale ? Les mots-nombres ne sont pas toujours liés à une activité de dénombrement et sont souvent énumérés comme une litanie, un comptage à vide. C'est l'époque où les parents disent : « mon enfant sait compter » car ils lui ont appris à réciter le début de la chaîne. Les jeunes enfants utilisent les mots-nombres dans différents contextes (Fuson, 1988). Lorsque le mot-nombre fait référence à la totalité d'un ensemble d'éléments discrets, le contexte est cardinal : le mot indique de combien d'éléments l'ensemble se compose. Si le mot-nombre donne la position relative d'un élément au sein d'une collection, le contexte est ordinal : avant quatre ans, quatre ans et demi, l'enfant compte par numérotage, sans pouvoir extraire le dernier mot-nombre prononcé. Aucun mot ne représente une quantité à lui tout seul, le dernier mot n'ayant pas plus de valeur que les autres ; même en demandant plusieurs fois à l'enfant de compter, nous obtenons toujours la même réponse : - un-deux-trois-quatre. - Oui, mais dis-moi combien il y a de cailloux? - Un-deux-trois-quatre. - Alors, ça fait combien en tout? - Un-deux-trois-quatre. L'enfant nous montre seulement qu'il « sait compter », mais cette suite numérique n'est pas une représentation numérique. Par contre, lorsque le motnombre réfère à une quantité continue, nous sommes dans un contexte de mesure : quel âge as-tu? J'ai 4 ans. Et l'enfant montre 4 doigts pour sur-indiquer le contexte de mesure de cette situation. Ces trois premiers contextes déter-

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minent une base pour accéder aux futurs faits arithmétiques et mathématiques. Deux autres contextes permettent de garantir l'emploi du mot juste dans l'utilisation des trois premiers contextes : le contexte de dénombrement où les motsnombres sont mis en correspondance terme à terme avec les éléments d'une collection. Pour dénombrer correctement, l'enfant doit faire face à une triple tâche : - il doit connaître la suite numérique verbale dans son ordre défini et conventionnel, - il doit considérer un à un les objets, en les pointant (du doigt ou du regard) sans en oublier ni en n'en recomptant aucun. Enfin, il doit coordonner ces deux habiletés pour effectuer un bon tracé mental de cette activité. Ainsi pour dénombrer, il faut pouvoir égrener une suite de dénominations verbales. Ce contexte de séquence ordonnée nécessite l'apprentissage de la chaîne numérique verbale, à travers une pratique culturelle dont l'enjeu dépasse souvent la simple représentation des quantités : ne dit-on pas que plus l'enfant sait compter loin, et plus il devient grand !

◆ Acquisition de la chaîne numérique verbale Si nous demandons à l'enfant de nous « montrer jusqu'où il sait compter » et si nous réitérons plusieurs fois cette demande, nous obtiendrons un ensemble de productions qui se décomposera approximativement en trois parties (suivant la classification de Fuson, 1982). Voici, en illustration, les suites numériques produites par Julien (5 ans,10 mois). partie stable et conventionnelle 1,2,3,4,5,6,7,8,9,10,11,12, 1,2,3,4,5,6,7,8,9,10,11,12, 1,2,3,4,5,6,7,8,9,10,11,12,

partie stable non conventionnelle 14, 17, 18, 21, 14, 17, 18, 21, 14, 17, 18, 21,

partie non stable non conventionnelle 23, 25, 27, 21, 23 25, 22, 27, 28, 18 25, 28, 21, 25, 17,

1°) Une partie stable et conventionnelle - conventionnelle car l'enfant énumère correctement le début de la suite des nombres, - stable, car cette suite se retrouve à chaque essai de l'enfant. Julien réitère à chaque fois les mots-nombres de un à douze. 2°) Une partie stable et non conventionnelle L'enfant énonce à chaque essai la même suite de mots-nombres mais soit l'ordre de quelques nombres n'est pas respecté, soit il manque des éléments : dans les séries de Julien, il manque treize, quinze, seize, dix-neuf. La séquence

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est partiellement mémorisée, puisque dix-sept est omis lors du troisième essai. Il faudra encore beaucoup de pratique à Julien pour augmenter son stock lexical numérique et pour mémoriser la suite correcte que sont les mots-nombres en « ze », dits nombres particuliers (de onze à seize). 3°) Une partie ni stable ni conventionnelle Julien sait que la suite des nombres ne s'arrête pas à ce qu'il maîtrise. Il connaît d'autres mots-nombres mais leur production reste instable et sans toujours respecter l'ordre conventionnel. D'autre part, Julien n'a pas encore saisi les règles linguistiques qui sous-tendent la production des dénominations verbales. Une fois assimilées, ces règles lui permettront de diminuer son effort de mémoire et de lui alléger la tâche ; Julien reste loin de cette maîtrise, car pour compter, il lui faut à chaque fois partir du début : un-deux-trois-quatre... et s'il est arrêté en chemin, il ne sait pas repartir de cet endroit : Julien recommence systématiquement à partir de un.

◆ Niveaux d'élaboration de la chaîne numérique verbale A partir de nombreuses observations, Fuson et ses collaborateurs (1988) distinguent quatre niveaux d'élaboration de la chaîne numérique : 1°) le niveau du chapelet A ce niveau, l'enfant apprend la suite numérique comme une enfilade de sons, une totalité unique du type un-deux-trois-quatre-cinq. Il ne semble pas comprendre qu'un son isolé, par exemple quatre, possède une signification arithmétique. Même si cette récitation se fait en présence d'objets à dénombrer, l'enfant produit deux actes juxtaposés mais non encore coordonnés. Les petites quantités sont d'ailleurs appréhendées comme des configurations perceptives (par subitizing qui est une perception immédiate de la numérosité). 2°) le niveau de la chaîne insécable Les mots sont maintenant individualisés (du type un / deux / trois / quatre) mais la caractéristique de cette étape est l'incapacité à compter à partir d'un nombre quelconque. L'enfant doit repartir de un comme le fait Julien. Néanmoins, il développe l'habileté de « compter jusqu'à un nombre donné » (vers quatre ans) ; il peut résoudre une tâche comme « donner le nombre qui vient juste après », parfois même « le mot qui vient juste avant ». Cette phase dépend surtout des pratiques de l'enfant et de sa maîtrise plus ou moins grande et elle peut se développer jusqu'à cinq-six ans selon les enfants. En résumé, le mot-nombre signifie maintenant le comptage par opposition au niveau chapelet où le mot-nombre signifiait la configuration.

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3°) Le niveau de la chaîne sécable L'enfant peut compter à partir de n'importe quel nombre, quel que soit le point arbitraire de départ. Deux nouvelles habiletés se mettent en place : « compter à partir de » et « compter d'un nombre à un autre ». Le comptage à rebours devient possible, si, bien sûr, celui-ci est pratiqué ; on remarque cependant peu d'automatisation surtout lorsqu'on dépasse dix. Ce niveau se caractérise par le développement de la flexibilité dans l'emploi de la suite numérique : le nombre prend le statut de symbole dans une série progressivement arithmétisée car il détermine de plus en plus finement les relations ordinales entre les éléments de cette série. 4°) Le niveau de la chaîne terminale Les mots-nombres sont totalement individualisés ; ils ne sont plus seulement énumérés mais il devient possible de les dénombrer. L'enfant peut désormais « compter n à partir d'un nombre donné » et « compter de x à y pour trouver n » (dire combien il y a entre x et y). Cela implique de coordonner l'habileté d'énumérer la suite numérique tout en conservant en mémoire à court terme les nombres déjà émis. L'enfant peut à ce moment résoudre des tâches nécessitant des procédures d'addition ou de soustraction (sur des petites quantités). Le nombre acquiert un sens mathématique et la chaîne prend un caractère bidirectionnel, avec une très forte automatisation de l'accès et de la récupération, notamment dans le comptage vers l'avant. La chaîne numérique verbale est totalement mobilisable, par ses propriétés d'emboîtement, de sériation, de cardinalité et d'unicité ; l'enfant a maintenant acquis un sous-système linguistique bien délimité.

◆ Quelques obstacles et imprévus dans le comptage Apprendre trop précocement la seule chaîne numérique verbale comporte plus de risques que d'avantages. Sa seule maîtrise conduit à un comptage-numérotage qui gêne la transition vers le dénombrement de quantités. Un enfant sait compter lorsqu'il sait mettre en correspondance terme à terme la série des motsnombres avec les objets à dénombrer. Les erreurs faites par les enfants restent liées à la façon dont ils se représentent mentalement la suite des nombres et leurs relations. Une autre source d'erreurs provient de la difficulté de mémorisation des mots-nombres. Si l'enfant apprend par cœur les premiers nombres, il ne peut le faire pour l'ensemble de la série. Malgré un lexique limité et une absence d'ambiguïté sémantique, l'enfant devra découvrir les règles syntaxiques qui régissent la formation des nombres. Dans notre langue, la mémorisation est nécessaire pour les nombres jusqu'à seize car il n'y a pas de régularités permettant d'inférer une règle quel-

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conque. La suite des unités et des nombres particuliers (les nombres en ze) apparaissent comme une lexicalisation directe sans montrer clairement une structure morphosyntaxique (ze étant la trace de zehn, système à base 10 qui s'est morphologisé, survivance d'un bricolage entre langue saxonne et langue latine). Il n'est pas étonnant de constater que les nombres particuliers occasionnent les erreurs les plus fréquentes. Au delà de 17, l'enfant découvre la structure récurrente des mots-nombres et devra s'approprier les lois de composition syntaxique, soit selon une somme (comme vingt-cinq (20+5), cent quarante trois (100+40+3), mille cent sept (1000+100+7)...), soit selon un produit (quatrevingts (4x20), deux cents (2x100)...). Ces deux formes pourront se combiner dans de nombreux cas tels trois cent vingt ou quatre vingt trois. Une difficulté apparaîtra dans le maintien de cette unité phonologique et dans la segmentation à effectuer pour appréhender la structure de ces nombres : 83, est-ce quatrevingt / trois? ou quatre / vingt trois? Dans la période de trois à six ans, on observe un certain nombre d'erreurs lors de comptages. Liées à une maîtrise insuffisante de la suite numérique, elles engendrent en cascade des erreurs sur le dénombrement ou dans la comparaison de quantités proches. 1°) Les omissions Celles-ci portent sur l'oubli d'un mot ou sur quelques mots. Dans le cas des plus grands nombres, elles peuvent affecter une dizaine complète lorsque l'enfant a incorrectement installé la série des décades (...28,29,40,41...). Au début de la séquence numérique, les omissions se rencontrent dans le passage entre la partie stable conventionnelle et les parties non conventionnelles. Il suffit que l'enfant ait établi une relation entre deux nombres non consécutifs pour qu'un ou plusieurs mots-nombres soient oubliés : Julien semble avoir concaténé 12 et 14 en oubliant 13, de même pour 18 et 21. Une omission fréquente porte sur le dernier mot d'une décade (mot se terminant par 9) lorsque l'enfant focalise son attention sur la dizaine à venir (...27,28,30,31...). 2°) Les répétitions Elles sont surtout présentes dans la partie non stable et non conventionnelle. L'enfant arrive à la fin de ce qu'il connaît, tout en sachant que la suite des nombres se continue. Malgré sa connaissance de quelques nombres supérieurs, il reprendra à un endroit antérieur de la séquence, voire chez le jeune enfant au début de la chaîne. De même, lorsqu'une relation incorrecte s'est installée entre deux nombres, l'enfant répétera plus facilement le premier nombre (Julien répète ainsi les nombres 18 et 21).

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3°) Les inversions Celles-ci sont moins fréquentes et affectent surtout les passages « délicats » : la série des particuliers (treize et seize) ou la fin d'une décade avec la récupération en mémoire des dizaines suivantes (…28, 29, 40, 41, …, 49, 30, 31, …). Il peut s'agir d'une plus ou moins grande focalisation de l'attention sur l'aspect rituel de la chaîne : soit l'enfant veut montrer qu'il connaît bien la comptine numérique et il se précipite, soit cette récitation est laborieuse et l'enfant ne peut gérer les différentes relations unissant les mots-nombres entre eux.. 4°) Les erreurs de dénombrement Comme nous l'avons vu précédemment, l'enfant doit coordonner deux habiletés pour dénombrer correctement : incrémenter la série des nombres tout en pointant simultanément (en correspondance terme à terme) les objets à dénombrer. Le dénombrement sera incorrect en cas de moindre maîtrise de la chaîne numérique (du fait des oublis, des répétitions et des inversions) ou en cas de mauvaise coordination des principes : - de correspondance terme à terme. Soit l'enfant pointe correctement les objets mais juxtapose mal les mots-nombres et c'est bien souvent une trop rapide récitation des mots-nombres qui est à la base de l'erreur (niveau chapelet), soit des éléments à dénombrer sont oubliés ou recomptés deux fois. - de cardinalité. L'enfant doit pouvoir extraire le dernier mot-nombre pour désigner le cardinal de la collection quantifiée.

◆ Evaluation de la maîtrise de la chaîne numérique verbale Pour conclure, nous proposons un protocole permettant d'évaluer les niveaux d'acquisition et d'élaboration de la chaîne numérique verbale et du dénombrement. Suivant les méthodes expérimentales développées par la psychologie cognitive, nous différencierons ce que l'enfant peut produire de ce qu'il peut comprendre (détection d'erreurs) : le clinicien, par le biais d'une figurine (ou d'une marionnette), effectuera des tâches d'énumération et de dénombrement en commettant des erreurs. L'enfant devra accepter ou rejeter ce que dit ou fait la figurine. 1 - La chaîne numérique verbale a) production Pour évaluer l'acquisition et déterminer les différentes parties de la suite, demander à l'enfant de compter le plus loin possible (« jusqu'où il sait compter »).

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Reformuler la même question afin d'obtenir au moins deux énoncés de la séquence. Les niveaux d'élaboration seront déterminés à partir des tâches suivantes. - compter jusqu'à 9 : l'enfant devra garder en mémoire le but à atteindre et ne pas le dépasser. - compter à partir de 3. - compter de 4 à 9. - compter à rebours à partir de 9. b) détection Lorsque l'enfant échoue en production, les épreuves de détection permettent d'évaluer s'il parvient à différencier les traits essentiels à un comptage exact. - demander d'accepter ou de rejeter ce qu'énonce la figurine (le clinicien comptera en commettant des erreurs et des pseudo-erreurs) : - des omissions : un, deux, quatre, cinq, six... - des répétitions : un, deux, trois, trois, quatre, cinq... - des inversions : un, deux, trois, cinq, quatre, six... - des ajouts : un, deux, trois, pez, quatre, cinq... 2) La correspondance terme à terme Il s'agit de vérifier le principe de bijection entre les mots-nombres et les objets à dénombrer. a) production - L'enfant doit compter une douzaine d'éléments hétérogènes (par la forme, la taille et la couleur). Si cette tâche est réussie, on peut penser que l'enfant applique le principe d'abstraction puisque l'hétérogénéité des objets n'a aucune incidence sur le dénombrement. En cas d'échec, proposer à l'enfant un ensemble homogène ( des cailloux, des jetons...). - Cette épreuve est proposée une seconde fois en changeant la disposition des éléments (inversion, espacement et rapprochement). On vérifie l'application du principe de non-pertinence de l'ordre : l'ordre choisi n'affecte pas le résultat du comptage. On demandera avant toute réalisation si l'on obtiendra le même résultat qu'auparavant. b) détection - le comptage des objets est effectué par la figurine. Celle-ci ne respecte pas la correspondance terme à terme (prendre 6 objets). - elle oublie un mot : en pointant correctement 6 éléments, la figurine n'en compte que cinq.

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- elle omet de pointer un objet (elle n'en compte que cinq). - elle ajoute un mot-nombre au démarrage (à vide) : elle est déjà à deux quand elle pointe le premier objet. - elle effectue un double comptage : au troisième objet correspondent les mots trois/quatre. - elle effectue une direction inverse au sens précédemment utilisé ou elle commence par le milieu. - elle effectue un double pointage et compte deux fois le même objet. (Ne pas oublier d'intercaler un comptage standard correct). 3) La cardinalité a) production Après avoir compté la collection d'objets, on pose la question : - « combien y en a-t-il en tout ? » L'enfant doit donner le dernier motnombre individualisé. b) détection La figurine compte une fois correctement mais donne un autre mot que le dernier mot-nombre (« un, deux, trois, quatre, cinq, six. Il y a cinq cailloux en tout »). REFERENCES BAROODY A.J. (1991). Procédures et principes de comptage : leur développement avant l'école in Les chemins du nombre, Bideaud J, Meljac C, Fischer J-P, Lille, Presses Universitaires de Lille. BAROODY A.J. et GINSBURG H.P. (1986). The relationship between initial meaningful and mechanical knowledge of arithmetic. In Conceptal and procedural knowledge: The case of mathematic, Hiebert J, Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum Associates. BIDEAUD J. (1996). Niveaux préalables et apprentissages numériques élémentaires. In Evaluer les apprentissages: les apports de la psychologie cognitive, Grégoire J, Bruxelles, De Boeck. BRIARS D-J. et SIEGLER R-S.(1984). A featural analysis of presschoolers counting knowledge. Developpemental Psychology,20, 607-618. FAYOL M. (1990) L'enfant et le nombre, Neuchâtel,Paris, Delachaux et Niestlé. FUSON K.C. (1982) An analysis of counting-on solution procedure in addition. In T.P Carpenter, Moser J.M et Romberg T.A, Addition and substraction: a cognitive perspective, 67-81, Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum Associates. FUSON K.C. (1988) Children's counting and concepts of number. New-York, Springer-Verlag. GELMAN R et MECK E. (1986) The notion of principle: the case of counting. In Conceptual and procedural knowledge: the case of mathematics, 29-57, Hiebert J, Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum Associates. GREGOIRE J (1996) Evaluer les apprentissages: les apports de la psychologie cognitive, Bruxelles, De Boeck. PESENTI M. (1995) La chaîne numérique verbale : acquisition et erreurs d'utilisation, ANAE, hors-série, 24-29. SIEGLER R.S et SHRAGER J. (1984) Strategy choices in addition and substraction : how do children know what to do? In Origins of cognitive skills, 229-293, Sophian C, Hillsdale : Lawrence Erlbaum Associates.

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Apports de la pragmatique et de la psychologie du langage à la compréhension des troubles du développement du langage Geneviève de Weck

Résumé Après un rappel des définitions courantes des troubles du développement du langage, l'article est centré sur les travaux récents issus de la pragmatique et de la psychologie du langage qui permettent d'élargir le champ de compréhension de ces troubles et d'en montrer l'hétérogénéité. D'autres aspects des capacités langagières des enfants sont ainsi mis en évidence et de nouvelles distinctions sont proposées. D'une part, les troubles pragmatiques sont distingués des troubles linguistiques, et leurs relations discutées. D'autre part, en référence aux différents niveaux de production du discours, la question de la variabilité des capacités et des troubles des enfants, en fonction de la diversité des situations d'interaction, est posée. Mots clés : troubles du développement du langage, pragmatique, discours, interaction.

Abstract After a summary of the definitions of the developmental language disorders, this paper focuses on the recent studies based on pragmatics and psychology of language. These studies broaden the description and the understanding of these disorders and show their heterogeneity. Other aspects of children's language capacities are discussed and new distinctions are proposed. First, the pragmatic disorders and the linguistic ones are distinguished from each others; their relationships are reviewed. Second, in reference to the different levels of discourse production, the question of the variations of children's capacities and disorders according to the diversity of interactions is discussed. Key Words : developmental language disorders, pragmatics, discourse, interaction.

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Geneviève de WECK Psychologue - Logopédiste Professeur associé d'orthophonie UER d'orthophonie - Université de Neuchâtel et chargée de cours en logopédie à l'Université de Genève 1, esp. Louis Agassiz, CH - 2000 Neuchâtel tel: (032) 720.82.35/36 e-mail: [email protected]

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es troubles du développement du langage (TDL par la suite) englobent un ensemble de perturbations langagières qui se manifestent chez des enfants d'âge préscolaire et qui peuvent persister bien au-delà du début de la scolarité primaire. Ils se caractérisent par un décalage temporel et/ou par des déviances par rapport au développement normal des capacités langagières. Ils ont reçu diverses dénominations, les plus courantes en français étant « retard (simple) de langage » et « dysphasie ». Ces termes sont utilisés tour à tour comme expression générique ou particulière. Dans le premier cas, ils désignent l'ensemble des troubles développementaux du langage oral considérés comme spécifiques chez les enfants (à l'exclusion parfois des troubles de parole). Dans le second cas, chaque terme se rapporte à un des sous-ensembles (ou syndromes) de ces troubles, l'accent étant alors mis plutôt sur la dimension de retard ou de déviance. Mais quelle que soit l'étendue donnée à ces termes, la définition la plus courante qui est donnée de ces troubles est une définition dite par exclusion. Il s'agit « d'un déficit durable des performances verbales, significatif en regard des normes établies pour l'âge. Cette condition n'est pas liée à un déficit auditif, à une malformation des organes phonatoires, à une insuffisance intellectuelle, à une lésion cérébrale acquise au cours de l'enfance, à un trouble envahissant du développement, à une carence affective ou éducative » (Gérard, 1991, p.11). Dans cette définition, on tente de circonscrire des troubles du langage spécifiques, c'est-à-dire qui ne sont pas secondaires à un trouble majeur qui en serait alors la cause. Par ailleurs, leur caractère durable atteste leur gravité et laisse entrevoir les conséquences possibles de ces troubles sur les apprentissages scolaires et grapho-lexiques en particulier (Aram & Nation, 1980; Aram, Ekelman & Nation, 1984). Il reste alors à définir, aspect central pour l'orthophonie / logopédie, ce que l'on entend par « déficit des performances verbales ». C'est ce que nous nous proposons de discuter dans la suite de cet article, en adoptant différents points de vue issus de la linguistique et de la psychologie du langage qui permettront de montrer l'hétérogénéité de ces troubles. Nous partirons des descriptions structurales clas-

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siques, et encore actuelles, pour aborder ensuite et plus longuement la façon dont d'une part la pragmatique et d'autre part la psychologie du langage interactioniste contribuent à renouveler la compréhension des TDL. Pour chaque perspective, une définition (1) sera donnée avec ses implications au niveau de la caractérisation du développement des capacités langagières, étant entendu que les TDL ne peuvent être décrits qu'en fonction des connaissances relatives au développement.

◆ Descriptions structurales Dans une perspective structurale, la langue est conçue comme un système indépendant des conditions de production (2) ; de ce fait elle ne prend en considération que la dimension représentative du langage, c'est-à-dire la relation signifiant - signifié. Par ailleurs, trois niveaux sont distingués, celui du phonème, du mot et de la phrase, cette dernière constituant l'unité maximale. Ces niveaux permettent de définir trois systèmes (au sens Saussurien du terme). Sur le plan du développement du langage, il s'agit pour les enfants d'acquérir le système phonologique de leur langue, ainsi que les systèmes lexical et syntaxique. La détermination d'éventuels TDL s'effectue pour l'essentiel au moyen de tests de langage, comprenant différentes sous-épreuves qui reprennent ces trois niveaux, du point de vue de la compréhension et de la production. On teste alors les connaissances des enfants relatives à la langue (ou maîtrise du code), et non son utilisation. Celle-ci est parfois prise en considération dans ce que beaucoup de cliniciens appellent le « langage spontané ». Nous ne reviendrons pas ici sur les limites, que nous avons discutées ailleurs (de Weck, 1989 et 1996), d'une évaluation des capacités langagières centrée sur un usage quasi exclusif des tests de langage opposés à ce langage dit spontané. Du point de vue de la symptomatologie des TDL, plusieurs syndromes ont été distingués, qui mettent en évidence les graves déficits des enfants sur les plans lexical, syntaxique et parfois phonologique. Les premières descriptions, bien connues dans les pays francophones, sont dues à l'équipe d'Ajuriaguerra et de ses collaborateurs (1958, 1963 et 1965 ; pour une synthèse, voir de Weck, 1996). Ces travaux ont permis d'opposer trois syndromes du point de vue de leur degré de gravité : le retard (simple) de langage, la dysphasie et l'audi-mutité. Actuellement, cette classification est encore largement utilisée par les orthophonistes-logopédistes. (1) Faute de place, les définitions proposées sont inévitablement rapides, au risque d’être parfois un peu schématiques. Pour les lecteurs qui souhaiteraient prolonger cette réflexion, des références sont données pour chaque perspective. (2) Rappelons que Saussure (1916/19-76) rejetait dans la parole toutes les variations du système liées aux conditions de production.

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Par ailleurs, plus récemment, l'hétérogénéité des TDL a été mise en évidence par plusieurs auteurs issus de la neuropsychologie (3). Les classifications les plus connues sont celles de Rapin et Allen (Allen, 1989; Rapin & Allen, 1983 - 1996 pour la traduction française - et 1988) d'une part et celle de Gérard (1991) d'autre part. Elles ont en commun de distinguer plusieurs syndromes (5 à 7 selon les cas) non plus en fonction de leur degré de gravité, mais selon le(s) niveau(x) perturbé(s). Ces classifications relèvent pour l'essentiel d'une analyse structurale, comme en témoignent par exemple la dénomination de « syndrome phonologique-syntaxique », ainsi que les propositions d'évaluation. Toutefois, ces auteurs, surtout Rapin et Allen, ne limitent pas leur investigation à cette dimension. Ils entrent aussi en matière sur l'utilisation du langage en proposant des syndromes (sémantique-pragmatique, syntaxique-pragmatique) qui rendent compte des difficultés de certains enfants à participer de façon adéquate à des interactions verbales. C'est cette dimension que nous allons développer maintenant.

◆ Perspective pragmatique La pragmatique, domaine relativement récent de la linguistique, est née des insuffisances de l'analyse formelle de la compréhension et de la production du langage constatées par de nombreux linguistes et psycholinguistes. La grande absente des études structuralistes était la situation de communication, dont on sait à l'heure actuelle combien elle conditionne les modes de compréhension et de production langagières des locuteurs. Il s'agit donc d'étudier les modes d'utilisation du langage pour communiquer dans le cadre d'interactions et de prendre comme unité d'analyse non plus des mots ou des phrases isolés, mais des énoncés réellement produits organisés en dialogues ou en discours. Plus précisément, « l'aspect pragmatique du langage concerne les caractéristiques de son utilisation (motivations psychologiques des locuteurs, réactions des interlocuteurs, types socialisés de discours, objets de discours, etc.) par opposition à l'aspect syntaxique (propriétés formelles des constructions linguistiques) et sémantique (relation entre les entités linguistiques et le monde) » (Dubois & al., 1973, p.388). Du point de vue du locuteur, il s'agit de la capacité « à effectuer des choix contextuellement appropriés de contenu, de forme et de fonction » (Hupet, 1996, p.62). Les études concernant l'utilisation du langage ont ainsi permis de montrer qu'elle est régie par un certain nombre de régularités qui permettent à la communication entre individus de généralement bien fonctionner et d'être l'objet de réparations lorsqu'il y a un défaut dans l'interaction. (3) Nous n’entrons pas en matière sur la dimension neuropsychologique qui sert de cadre explicatif des troubles, dans la mesure où c’est la caractérisation linguistique qui nous intéresse ici.

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Cette capacité doit s'acquérir au même titre que la dimension purement linguistique. Les enfants doivent en effet apprendre notamment à communiquer leurs intentions, à gérer une conversation, à traiter l'implicite, à se construire des représentations des situations de communication afin d'utiliser les unités linguistiques à leur disposition de façon appropriée, etc. Tous ces aspects sont actuellement reconnus comme fondamentaux - voire prioritaires - dans le développement des capacités langagières (4). En ce qui concerne les troubles, il s'agit de savoir si des enfants peuvent présenter des difficultés dans ce domaine, qui seraient également qualifiables en termes de retard et/ou de déviance par rapport au développement normal. Les études consacrées à cette dimension de la pathologie langagière chez les enfants sont assez récentes (les premières études datent du début des années 80) et commencent à pouvoir faire l'objet de synthèses (McTear et Conti-Ramsden, 1992 ; Hupet, 1996). Elles ont permis de mettre en évidence les difficultés que certains peuvent avoir lors de l'utilisation de la langue dans le cadre de conversations. Ainsi, on a montré que des enfants ne parviennent pas bien à gérer une conversation, et notamment à prendre et à céder leur tour de parole, à produire des énoncés adaptés à leur interlocuteur, à établir, prolonger un thème partagé ou à en négocier un changement. Par ailleurs, répondre de façon appropriée à divers types de questions peut aussi poser problème ; dans le cas notamment des demandes de clarification / confirmation, qui reflètent une panne conversationnelle momentanée, des réponses sans lien avec la question posée peuvent être fournies. C'est ainsi que certains enfants sont considérés comme des partenaires conversationnels peu actifs et habiles. Du point de vue méthodologique, mis à part quelques études de cas (Blank, Gessner & Esposito, 1979 ; McTear, 1996), dans la plupart des travaux des enfants dysphasiques ont été comparés à des enfants sans troubles ; des difficultés du type de celles qui viennent d'être citées ont été mises en évidence chez les premiers. « Cette approche suppose généralement, voire postule explicitement (...) que la relative incompétence communicative de ces enfants découle de leurs difficultés de langage » (Hupet, 1996, p.65). Ce mode de comparaison a été critiqué par McTear et Conti-Ramsden (op.cit.), car il introduit un biais important dans l'étude de ce domaine, dans la mesure où il exclut, sur le plan théorique comme sur les plans expérimentaux et cliniques, que des troubles pragmatiques puissent s'observer indépendamment d'autres troubles du langage. Or il n'est pas prouvé que cette hypothèse soit à exclure. (4) Faute de place, nous ne pouvons détailler ces aspects développementaux. Pour des synthèses, nous renvoyons le lecteur à Bernicot (1992), Costermans & Hupet (1987), François (1993), McTear (1985).

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De manière générale, le débat est encore largement ouvert sur les relations entre les capacités linguistiques et les capacités pragmatiques. Ces deux types de capacités sont-elles indépendantes les unes des autres, ou au contraire interdépendantes? Dans le deuxième cas, dans quel sens va cette interdépendance? Actuellement, plusieurs hypothèses concurrentes (Hupet, 1996) ont été formulées, rendant compte chacune d'un certain nombre de résultats. L'hypothèse la plus étudiée, qui découle de l'aspect méthodologique précédemment évoqué, postule que les capacités vs troubles pragmatiques sont dépendants des capacités vs troubles linguistiques. Illustrons cette première hypothèse par un exemple très représentatif. Brinton et Fujiki (1982) ont étudié la capacité d'enfants de 5-6 ans à réparer des pannes conversationnelles, c'est-à-dire à dépasser une difficulté locale dans la gestion de la conversation, lorsqu'ils interagissent avec un autre enfant du même âge. Les enfants sont placés par dyade dans une situation de jeu libre où ils sont filmés et enregistrés. Des dyades d'enfants dysphasiques (ayant un retard de développement d'au moins un an) sont comparées à des dyades contrôle de même âge chronologique. Les auteurs analysent les réponses des enfants à trois actes de langage (questions fermées, questions ouvertes, demandes de clarification / confirmation). Les réponses sont considérées comme adaptées lorsqu'elles fournissent l'information demandée, quelle que soit leur forme syntaxique ; elles sont inadaptées si la réponse est sans lien avec la question posée ; l'absence de réponse (question ignorée) est également qualifiée d'inappropriée, en vertu de la contrainte conversationnelle qui oblige l'interlocuteur à manifester qu'il a compris qu'on lui pose une question, même s'il ne souhaite pas y répondre. Les résultats ont montré d'une part que les enfants dysphasiques se posent moins de questions que les enfants sans troubles, ce qui laisse supposer que ces derniers sont davantage en interaction avec leur partenaire que les enfants dysphasiques. D'autre part, les enfants dysphasiques donnent beaucoup plus de réponses inappropriées (61 % du total des réponses), consistant surtout en réponses sans lien avec la question (37 % du total des réponses), que les enfants contrôle (17 % du total des réponses) qui ont alors plutôt tendance à ignorer la question (15 % du total des réponses). Dans la mesure où les enfants dysphasiques obtiennent souvent des résultats inférieurs aux enfants sans troubles de même âge, on en déduit que les difficultés linguistiques ont un effet négatif sur le développement des capacités pragmatiques. Mais comme le suggèrent McTear et Conti-Ramsden (1992), on ne peut exclure que les enfants dysphasiques soient peu actifs sur le plan pragmatique pour éviter de faire état de leurs difficultés de compréhension et de production langagières et non à cause d'une réelle incapacité communicationnelle.

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Leur attitude serait alors plutôt une conséquence d'échecs conversationnels antérieurs, ceux-ci les poussant à adopter une stratégie particulière. Plusieurs auteurs ont parlé à ce propos d'hypothèse métapragmatique (Donahue, 1987). De fait, si les capacités linguistiques déterminent les capacités pragmatiques, les enfants dysphasiques doivent être comparables à des enfants, forcément plus jeunes, qui présentent un niveau de langage (du point de vue de la structure) semblable au leur (même âge linguistique). Des comparaisons intéressantes ont été effectuées dans ce sens, dont les résultats, bien que pouvant paraître contradictoires au premier abord, montrent que les capacités linguistiques et les capacités pragmatiques constituent vraisemblablement deux domaines distincts du développement linguistique. Cette seconde hypothèse postule donc une indépendance entre les deux types de capacités. Trois ordres de faits vont dans ce sens. D'une part, des travaux montrent que des enfants dysphasiques présentent des capacités pragmatiques inférieures à celles d'enfants normaux de même âge linguistique (plus jeunes) d'une part et à celles d'enfants normaux de même âge chronologique d'autre part. Dans une autre étude, Brinton, Fujiki et Sonnenberg (1988) ont procédé à ce type de comparaisons dans une situation où les enfants avaient à répondre à une succession de trois demandes de clarification. Ils ont constaté que les deux groupes d'enfants normaux produisent très peu de réponses inappropriées, et beaucoup moins que les enfants dysphasiques. Ils en concluent que les difficultés langagières ne peuvent expliquer à elles seules les difficultés pragmatiques, puisqu'ils observent une nette différence entre des enfants qui ont un niveau de développement linguistique comparable (les dysphasiques et leurs pairs de même niveau linguistique). Ils en viennent alors à postuler que chez certains dysphasiques un trouble pragmatique s'ajoute au trouble linguistique. Cette interprétation « est particulièrement soutenue par des études ayant montré que certains enfants sont pragmatiquement déficients dans des tâches que leur compétence syntaxique et sémantique aurait normalement dû leur permettre d'accomplir sans problème » (Hupet, 1996, p.78). D'autre part, des troubles linguistiques n'entraînent pas automatiquement des troubles pragmatiques. En effet, certains enfants dysphasiques manifestent des capacités pragmatiques supérieures à celles d'enfants sans troubles de même âge linguistique. On peut alors penser que leurs capacités pragmatiques sont en avance par rapport à leurs capacités linguistiques. Ceci a été mis en évidence par différents auteurs, dans des situations de communication référentielle notamment, où les enfants dysphasiques se représentent avec plus de précision que leurs pairs de même niveau linguistique les besoins de leur interlocuteur (Fey & Leonard, 1983 ; Meline, 1986). Ils arrivent aussi mieux à

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comprendre la nécessité de clarifier leur propos (Donahue, 1987). L'interprétation qui est faite de tels résultats, qui contredisent parfois les données citées plus haut, tient compte du fait que les enfants dysphasiques sont généralement plus âgés que leurs pairs sans troubles de même niveau linguistique. Ainsi, ils auraient une expérience plus grande des interactions verbales qui les rendraient plus performants malgré des difficultés sur les plans lexical et morphosyntaxique. Enfin, le troisième ensemble d'observations fait état d'enfants qui présentent des troubles pragmatiques en l'absence de troubles linguistiques. L'étude de cas de Blank, Gessner et Esposito (1979) ou celle de McTear (1996) sont à cet égard illustratives. Elles décrivent chacune le comportement verbal d'un enfant qui utilise le langage de façon étrange, inadaptée. Chez Blank et al., il s'agit d'une analyse de conversations entre un garçon de 3 ans et ses parents pendant des sessions de jeu où l'enfant répond souvent de manière inadaptée aux commentaires et aux demandes de ses parents. S'il prend son tour de parole, ses énoncés correctement formés ne sont souvent pas en relation de dépendance sémantique avec les énoncés précédents de ses parents. McTear, pour sa part, donne l'exemple d'un garçon de 10 ans qui aime bien converser avec des adultes mais qui a des difficultés à le faire. En effet, ses interventions sont souvent inappropriées. Par exemple, il a tendance à répondre à la signification littérale d'une question plutôt qu'à son intention sous-jacente (exemple : il répond « oui » à une question du type « Peux-tu me parler de tes programmes TV préférés ? »). D'autre part, il utilise peu l'ellipse, de sorte que dans ses réponses il répète une grande partie de l'énoncé précédent de son interlocuteur (exemple : à une question du type « Est-ce que tu joues avec X après l'école ? », il répond « oui, je joue avec lui après l'école »). Ce type d'exemples, qui se multiplient au cours d'une conversation, se combinent avec des répétitions de ses propres énoncés ; l'apport d'informations nouvelles, nécessaire à l'avancement du dialogue, est alors faible. En conséquence, dans ce type d'interactions, la gestion de la conversation est surtout assumée par l'interlocuteur (dans les deux exemples, les parents et l'examinateur) qui tente de maintenir une certaine cohérence entre les tours de parole et de faire avancer le dialogue. En conclusion à cette partie sur la perspective pragmatique, on constate que les recherches dans ce domaine confirment la possibilité de troubles pragmatiques chez des enfants d'âge préscolaire et scolaire. La question des relations entre les aspects linguistiques et pragmatiques, comme nous avons tenté de l'illustrer, reste encore ouverte. Bien des données toutefois vont dans le sens d'une certaine indépendance dans le développement de ces deux ordres de capacités.

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◆ Perspective discursive interactioniste Une approche discursive présente à la fois des caractéristiques communes et des spécificités par rapport à une approche pragmatique, de sorte qu'il est parfois difficile de distinguer ces deux perspectives, et ce d'autant plus que tous les auteurs ne sont pas unanimes dans leurs définitions de la pragmatique et du discours (voir Mentis & Thompson, 1991, pour une telle discussion). Les aspects communs résident dans la prise en compte des conditions de production verbale et de leurs répercussions au niveau de l'utilisation du langage. Par contre, dans une perspective discursive, l'unité d'analyse est le discours ou texte (5), c'est-àdire un ensemble organisé d'énoncés adapté à la situation de communication. Dans toute société, il existe des variations attestées dans les discours produits, de sorte que différents genres de textes sont distingués qui font l'objet d'analyses dans le cadre de la linguistique textuelle (Adam, 1992, par exemple) ou de la psychologie du langage interactioniste (Bronckart et coll., 1985 ; Bronckart, 1996). Les plus fréquemment étudiés sont la narration et le récit d'expériences personnelles ; la description, le discours informatif et l'argumentation le sont beaucoup moins. Par ailleurs, tout discours peut être produit par plusieurs locuteurs dans un dialogue (polygestion) ou par un seul locuteur (monogestion). Cela a comme conséquence que le dialogue n'est pas considéré comme une entité homogène, et que différents genres de dialogues sont distingués selon le genre de discours dont ils relèvent, contrairement à la perspective pragmatique qui traite des aspects généraux et communs à la gestion de tout dialogue quel qu'il soit, comme on l'a vu précédemment. Dans une telle perspective, on considère que les enfants ont à acquérir les différents genres de discours en vigueur dans la société dans leurs modalités orale comme écrite, de sorte que l'acquisition des capacités langagières s'effectue encore pendant toute la période scolaire. La majorité des travaux a concerné la production de textes monogérés oraux et surtout écrits (pour une synthèse voir Fayol, 1997 ; Coirier, Gaonac'h & Passerault, 1996). En ce qui concerne les troubles discursifs chez les enfants, les travaux sont encore relativement rares en comparaison des autres perspectives. Comme dans le domaine de l'acquisition, ils ont essentiellement porté sur la narration (Craig, 1991 ; Merritt & Liles, 1987) et la description d'événements quotidiens (Duchan, 1991). Ils mettent en évidence les difficultés d'enfants dysphasiques, comparés à des enfants sans troubles, à produire un discours cohérent pour l'interlocuteur. Dans le domaine de la narration, par exemple, cela se manifeste par un plus (5) Dans une perspective discursive, le texte « texte » n’est pas réservé à des productions écrites ; il renvoie à toutes productions orales et écrites. Pour une distinction entre texte et discours, nous renvoyons à Bronckart (1996).

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grand degré d'incomplétude du discours, composé de peu d'énoncés, et présentant des ruptures. Par ailleurs, les relations de cohésion sont souvent incomplètes, voire erronées (Liles, 1996). Ces études permettent aussi d'objectiver le caractère durable des troubles du développement du langage, puisque dans plusieurs recherches ce sont des enfants jusqu'à 10 ans qui présentent ces difficultés. Dans une perspective interactioniste, inspirée des travaux de Vygotski (1934/1985), l'appropriation des genres de discours se réalise dans le cadre d'interactions avec des locuteurs plus habiles, c'est-à-dire d'abord dans le dialogue. Or encore plus rares sont les travaux qui abordent le développement des capacités langagières comme les troubles du point de vue de la polygestion. C'est ce que nous avons réalisé avec des collègues dans une étude (6) portant sur plusieurs genres de discours. Elle s'inscrit dans le cadre de la psychologie du langage interactioniste qui tente de formuler des hypothèses d'une part sur le divers niveaux de capacités langagières impliquées dans la production des genres de discours actualisés dans de multiples interactions sociales (Bronckart et coll., 1985 ; Bronckart, 1996), et d'autre part sur le développement de ces capacités (de Weck, 1991 ; Dolz, Pasquier & Bronckart, 1993 ; Schneuwly, 1988). Des enfants de 4 à 6 ans, avec et sans TDL, ont produit quatre genres de dialogues dans quatre situations d'interaction différentes : une narration (raconter le conte de Blanche-Neige), un récit d'expériences personnelles dialogué, un dialogue injonctif (donner des indications pour construire un bricolage) et un dialogue de jeu symbolique (avec un matériel relatif à la ferme). Ces productions ont été analysées en fonction des niveaux de fonctionnement définis par la psychologie du langage; il s'agit des niveaux suivants, du plus global au plus local respectivement : la gestion générale du discours comprenant la relation du texte au contexte (ou ancrage) ainsi que le caractère poly- ou monogéré (cf. supra), la planification ou organisation des diverses parties d'un discours, la textualisation ou mise en mot dont les aspects les plus importants sont la cohésion et la connexion. Les comparaisons de ces genres et des deux types d'enfants devaient permettre d'aborder deux hypothèses générales : d'une part celle de la variation des capacités vs des difficultés en fonction des genres, et d'autre part celle des troubles discursifs chez les enfants dysphasiques. De manière générale, les résultats suivants ont été observés (pour plus d'informations, voir de Weck, 1997a et b ; von Ins & de Weck, 1997). Les enfants avec TDL présentent certaines capacités langagières malgré leurs difficultés évidentes. Ces capacités se manifestent notamment dans l'emploi local de certaines unités linguistiques, comme par exemple les connecteurs qui, lorsqu'ils sont utilisés par les dysphasiques, le sont de la même façon que par les enfants contrôle. Par ailleurs, il est important de relever leur capacité à participer à des dialogues,

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même s'ils n'en assurent qu'une faible part. Dans ce sens, la narration et le récit d'expériences personnelles se sont révélés les situations les plus difficiles pour les dysphasiques, dans la mesure où ils nécessitent l'évocation de référents absents et la création d'une origine temporelle. Par contre, leur participation aux dialogues injonctifs et de jeu symbolique est apparue plus aisée ; cela est à mettre en relation avec le fait que ces genres de dialogues sont fortement ancrés dans la situation matérielle de production, de sorte que les unités linguistiques peuvent être davantage utilisées de façon deictique. Ces différences montrent que ces enfants sont malgré tout sensibles, comme les enfants contrôle, aux variations des conditions de production. Cet aspect a toute son importance sur le plan clinique. Quant aux difficultés, les résultats obtenus permettent de préciser certains aspects décrits par d'autres perspectives, comme la passivité des enfants dysphasiques. D'une certaine façon, nous l'avons retrouvée dans leur difficulté à participer à certains genres de dialogue. Mais les données concernant la planification ont permis de mieux comprendre cette passivité ; leur faible participation semble en partie liée à leurs difficultés à planifier un discours, et ce d'autant plus quand il s'agit d'une organisation conventionnelle à propos d'événements absents, fortement structurée comme dans la narration. Par contre, dans le dialogue injonctif, ils sont parvenus à adopter une organisation des topics relativement semblable à celle des enfants témoins. Cela s'explique d'une part parce que les sujets peuvent se référer à des éléments présents dans la situation de production, et d'autre part par le fait que les topics sont non hiérarchisés (les indications sur le bricolage n'ont pas besoin d'être données dans un ordre particulier). Au niveau de la textualisation, enfin, des difficultés ont été observées notamment dans la cohésion des narrations (de Weck, 1998) ; elles peuvent également être mises en relation avec les difficultés de planification, mais également avec les troubles généralement décrits au niveau de la construction locale des énoncés. Le fait que dans la narration les éléments à évoquer sont absents, et sont donc d'autant plus difficiles à introduire et à réévoquer de manière non ambiguë, explique vraisemblablement que les difficultés de cohésion aient été plus importantes dans ces dialogues que dans d'autres.

◆ Conclusion Dans cet article, nous avons tenté de montrer que les perspectives pragmatique et discursive permettent d'avancer dans la compréhension des troubles du développement du langage, en en montrant davantage encore son hétérogénéité. Elles permettent en effet de décrire d'autres aspects fondamentaux des capacités langagières qui sont à prendre en considération si l'on souhaite amener

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les enfants présentant des TDL à développer un meilleur fonctionnement langagier. Plusieurs implications cliniques sont à évoquer rapidement pour terminer (voir aussi Craig, 1991). D'une part, la prise en considération de la dimension pragmatique - et de ses éventuels troubles - doit faire prendre conscience aux cliniciens des relations étroites qui existent entre la structure et l'utilisation de la langue. En d'autres termes, la structure n'est rien sans l'utilisation. Comme le montrent certains auteurs (Hupet, 1996 ; Montfort & Júarez Sánchez, 1997, par exemple), la dimension fonctionnelle doit être privilégiée, dans la mesure où l'acquisition d'une structure formelle (les formes interrogatives par exemple) n'est pas suffisante ; encore faut-il que l'enfant sache s'en servir. Il est donc souvent nécessaire d'expliciter les conditions d'emploi des formes dans différents dialogues. D'autre part, la mise en évidence de troubles pragmatiques remet en cause la distinction entre troubles du langage et troubles de la communication, les premiers étant généralement conçus dans leur dimension structurale uniquement, et les seconds étant souvent mis en relation avec des troubles de la personnalité, et plus généralement des troubles affectifs plus ou moins graves. L'élargissement de la définition des TDL proposé montre bien qu'une partie des troubles dits de communication consistent en fait en des troubles pragmatiques. Il reste alors à les distinguer des troubles graves de la personnalité (psychose, autisme) qui comprennent effectivement une grave perturbation de la communication. Sans résoudre à ce stade cette question complexe, nous aimerions mentionner la proposition de Bishop (1989) qui suggère, en s'appuyant sur des données cliniques, un continuum entre différentes formes de troubles qui concernent l'utilisation du langage. Enfin, la perspective discursive met en évidence que tous les dialogues ne présentent pas le même degré de facilité vs difficulté pour les enfants, de sorte que l'analyse doit tenir compte de cette donnée en analysant la participation d'un enfant à différents genres de dialogues et non pas seulement dans un échantillon de langage dit « spontané » (de Weck, 1996). Dans cette perspective, différents niveaux de fonctionnement sont définis qui constituent autant d'aspects des capacités langagières à évaluer et à développer chez les enfants afin qu'ils parviennent à des productions discursives adaptées.

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Premiers pas dans l’acquisition du lexique Dominique Bassano

Résumé Cet article présente une synthèse de travaux internationaux portant sur le développement du lexique (ou vocabulaire) chez l'enfant avant trois ans. Après avoir indiqué les principales méthodes d'investigation utilisées dans l'étude du « développement lexical précoce », nous examinons quelques-unes des questions centrales qui y sont traitées : caractérisation de l'accroissement quantitatif du lexique et décalage entre compréhension et production, caractérisation des changements qualitatifs et structuration du lexique, évaluation de la variabilité interindividuelle affectant ces processus. Ces analyses devraient apporter des éléments de réflexion sur la normalité/anormalité dans le développement lexical précoce et sur les facteurs de ce développement. Mots clés : langage oral, lexique précoce, développement, variabilité.

First steps in lexicon development Abstract This article provides an overview of the international literature on lexical development (i.e. vocabulary) in children before the age of three. After presenting the major assessment methods used in the study of early lexical development, we examined some of the central issues which they address: quantitative lexical expansion and the discrepancy between word comprehension and word production; qualitative developmental changes in lexical structure and an evaluation of the impact of between-subject variability on these processes. These analyses should contribute to a better understanding of normality/abnormality and the factors involved in early lexical development. Key Words : spoken language, early lexicon, development, variability

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Dominique BASSANO Directeur de Recherche au CNRS Laboratoire Cognition et Développement CNRS - Université Paris V Institut de Psychologie, Laboratoire Cognition et Développement 28, rue Serpente, 75006, Paris e-mail: [email protected]

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ers l'âge de 4 ou 5 ans, un enfant qui se trouve dans des conditions normales de développement a acquis l'essentiel du système linguistique de sa langue maternelle, sans que cela signifie, bien entendu, que le développement du langage soit achevé : il maîtrise les principaux aspects de la phonologie, connaît le sens et les conditions d'emploi de très nombreux mots et utilise correctement la plupart des règles morphologiques et syntaxiques de base de sa langue. Parmi les processus qui participent à l'élaboration du système linguistique, l'acquisition du stock des mots de la langue - le lexique - est l'un des plus fondamentaux et originaires. Bien que l'acquisition du lexique s'étende sur de nombreuses années, les trois premières années de vie de l'enfant représentent la période cruciale de sa constitution. Nous présentons dans cet article quelques phénomènes qui caractérisent le développement lexical à ses premières étapes ce qu'on appelle souvent « le développement lexical précoce » -, domaine qui a fait l'objet d'un assez grand nombre de recherches outre-Atlantique mais auquel on commence tout juste à s'intéresser en France.

◆ Les méthodes d'investigation du développement lexical précoce Les recherches récentes mettent en œuvre deux principaux types de méthodes, à nos yeux complémentaires. L'une est une méthode de recueil des rapports des parents, dont une forme aboutie est, pour l'anglais, le document mis au point par des chercheurs américains, le MacArthur Communicative Development Inventories, dit CDI (Fenson, Dale, Reznick, Thal, Bates, Hartung, Pethick, & Reilly 1993). Le CDI se présente comme un questionnaire standard, comportant par exemple des listes pré-établies de mots dans lesquelles les parents cochent ceux qu'ils jugent compris et/ou produits par leur enfant. Cette méthode a les avantages et les inconvénients d'un questionnaire : elle permet de tester de très larges échantillons de sujets et constitue donc un bon instrument normatif, mais a des limites évidentes au plan de la fiabilité (elle tend globale-

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ment à surestimer les capacités langagières des enfants), de la complétude et de la finesse des données. L'indice quantitatif global auquel elle donne accès pour mesurer le développement lexical est celui de la taille du « lexique théorique » de l'enfant, soit le nombre de mots jugés possédés à un âge donné. Elle donne aussi accès à des informations quantitatives sur les différents types de mots possédés, ceux du moins qui ont été mentionnés dans la liste. Le CDI - dans sa version anglaise ou dans des versions adaptées à d'autres langues - a été utilisé notamment par Bates et ses collègues pour étudier le développement du vocabulaire chez des enfants anglophones, mais aussi italophones et hispanophones. L'autre méthode - à la base de nombreuses recherches et qui est celle que nous avons nous-mêmes utilisée jusqu'à présent - est l'étude de la production naturelle, qui repose sur l'enregistrement en vidéo et la transcription intégrale et informatisée de sessions durant lesquelles l'enfant est en interaction avec son entourage et donc en situation « naturelle » de production (cf. MacWhinney, 1995 pour une standardisation de ces procédures). Cette méthode consiste donc à constituer des corpus, soit longitudinaux - on suit un même enfant au cours d'une longue période de temps -, soit transversaux - on étudie un certain nombre d'enfants à certains moments privilégiés du développement. Elle a évidemment l'inconvénient d'être coûteuse et limitée à la production, mais présente de grands avantages quant à la richesse des informations recueillies. Les indices quantitatifs globaux de mesure du développement lexical auxquels elle donne accès sont des indices de productivité lexicale, de diversité lexicale, de longueur des énoncés produits par l'enfant à un âge donné. Les informations qualitatives sont multiples, puisqu'on peut voir, non seulement de quelle nature sont les mots réellement produits, mais aussi sous quelle forme et dans quel contexte ils sont produits.

◆ Le développement quantitatif du lexique : accroissement et décalage entre compréhension et production Le vocabulaire de l'enfant à la fin de la troisième année est, certes, d'une étendue encore fort modeste par rapport aux dix mille mots de l'enfant de six ans et aux cinquante mille mots ou plus de l'adulte moyen. Mais il est le résultat d'un processus d'accroissement remarquable, que nous décrirons brièvement en mettant l'accent sur un phénomène connu et bien étayé, le décalage entre compréhension et production. Ce décalage entre les deux modalités, qui traverse divers secteurs du développement langagier, est particulièrement manifeste dans le lexique : la production de mots, versant le plus visible de la capacité langagière, est en retard sur la compréhension. En effet, on admet généralement que

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l'enfant donne des signes de compréhension des mots - avec ce que cela implique de capacité de représentation - vers 8-10 mois, lorsque il commence à répondre à des demandes, alors que la production ne débute généralement pas avant 11-13 mois, avec l'émission des premiers mots conventionnels. Le décalage entre les capacités de compréhension et de production de mots se maintient assez longtemps, si l'on en croit les travaux qui ont étudié conjointement les deux modalités (Barrett 1995 ; Bates, Dale, & Thal 1995 ; Benedict 1979 ; Fenson, Dale, Reznick, Bates, Thal, & Pethick 1994). Ainsi, l'étude normative qui évalue la taille du vocabulaire d'un échantillon de plus de 1800 enfants anglophones américains échelonnés en âge entre huit et trente mois et testés au moyen du CDI (Fenson et al. 1994 ; Bates et al. 1995) indique que, à 16 mois, les petits américains comprennent en moyenne près de deux cents mots, et en produisent en moyenne une soixantaine. Au-delà de cet âge, il devient difficile d'évaluer l'ampleur du vocabulaire de compréhension. Pour le vocabulaire de production, la même étude fait état d'une maîtrise de plus de 300 mots en moyenne à 24 mois, et de plus de 500 à 30 mois. Généralement, l'accroissement du lexique de production ne s'effectue pas de façon régulière. Des études longitudinales ont montré que le stock du vocabulaire de production augmente d'abord très lentement, pour connaître souvent aux environs de 18-20 mois une brusque accélération de son rythme d'augmentation. Ce phénomène, désigné sous le nom « d'explosion du vocabulaire » semble être la manifestation d'un saut qualitatif où l'enfant découvre que toute chose a un nom (Clark, 1993 ; Goldfield & Reznick, 1990), et montre que le développement ne se fait pas toujours de façon linéaire. Si le décalage - parfois considéré comme une « dissociation » - entre compréhension et production dans le lexique précoce est bien attesté, le phénomène reste cependant difficile à expliquer. Sans aller jusqu'à supposer l'existence de deux lexiques constitués de représentations séparées, l'un de compréhension et l'autre de production, on peut faire l'hypothèse que les voies d'accès à ces deux registres sont distinctes. La compréhension lexicale, qui reflète ce que l'enfant sait sur le langage, et la production lexicale, qui reflète ce qu'il fait du langage, seraient ainsi des processus de nature différente, impliquant des mécanismes cognitifs en partie distincts et sans doute médiatisés par des systèmes neuronaux eux-mêmes en partie distincts. La compréhension lexicale précoce semble d'ailleurs plus étroitement corrélée à d'autres activités cognitives et symboliques générales et à la production gestuelle qu'elle ne l'est à la production des mots (Bates et al. 1995). En somme, la compréhension lexicale précoce assistée par les indices contextuels et pragmatiques habituels, relèverait d'une activité mentale globale impliquant probablement les deux hémisphères cérébraux, alors

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que la production lexicale précoce serait une activité plus analytique et linguistique, impliquant plus strictement l'hémisphère gauche, celui du langage.

◆ Le développement qualitatif du lexique : structuration autour des classes de mots La question s'est évidemment posée de déterminer la nature des mots que les jeunes enfants produisent et de définir s'il existe des tendances fondamentales caractérisant le développement qualitatif du lexique. Un résultat à notre avis central se dégageant des recherches sur la production lexicale est que c'est fondamentalement au cours de la 3e année que s'opère la structuration du lexique. Ce phénomène de structuration est manifeste si l'on examine les changements opérés dans la composition du vocabulaire produit par les enfants durant les premières années. Ainsi, l'étude à grande échelle réalisée par Bates et ses collègues sur la base des données du CDI (Bates, Marchman, Thal, Fenson, Dale, Reznick, Reilly, & Hartung 1994) montre que le lexique des enfants anglophones américains, quand ceux-ci possèdent une centaine de mots (autour de18-20 mois), est principalement constitué de noms (près de 60 %), en particulier de noms d'objets, et que la proportion de noms diminue ensuite. La production de verbes et d'adjectifs (les prédicats) est minime au même âge, mais augmente progressivement, tandis que la production de mots grammaticaux, presque inexistante pendant longtemps, ne devient notable (15 %) qu'après 2 ans, lorsque le vocabulaire a atteint le seuil de 400 mots. Cette évolution a été décrite comme un processus de recomposition du vocabulaire en trois vagues successives, reflétant un déplacement de l'émergence des éléments référentiels les noms - vers celle des éléments prédicatifs - les verbes -, et enfin vers celle des éléments grammaticaux. Des études menées, en parallèle avec celle sur l'anglais et avec des versions adaptées du CDI, sur le développement lexical précoce des enfants hispanophones mexicains d'une part (Jackson-Maldonado, Thal, Marchman, Bates & Gutierrez-Clellen, 1993) et italophones d'autre part (Caselli, Bates, Casadio, Fenson, Fenson, Sanderl, & Weir, 1995), ont fait apparaître des tendances générales de développement analogues, avec en particulier une prédominance initiale des noms sur les verbes et la confirmation d'une évolution du lexique allant de la référence vers la prédication, puis vers la grammaire. Les recherches que nous menons sur le développement du lexique des enfants français et qui sont fondées, quant à elles, sur l'étude de la production naturelle (Bassano, 1998; 1999 ; Bassano, Maillochon, & Eme 1998) font aussi apparaître des évolutions allant globalement dans ce sens. Les mots qui consti-

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tuent le lexique des productions des enfants français à 20 mois sont en majorité des noms (pour près d'un tiers) et des éléments linguistiques élémentaires, comme les interjections ou les formules routinières (pour un tiers), bien qu'on trouve déjà des mots grammaticaux et des verbes et adjectifs en quantité non négligeable. En revanche, à 30 mois, ce sont les mots grammaticaux - tels que pronoms, articles, adjectifs possessifs, etc.- qui prédominent dans le lexique (pour plus de 35 %), suivis par les prédicats. Ces changements font ainsi apparaître que, vers 2 ans 1/2, la structuration du lexique s'est effectuée, et qu'elle s'est effectuée autour du développement de deux catégories d'éléments, les éléments prédicatifs - les verbes essentiellement - d'une part, et les éléments grammaticaux d'autre part. On ne saurait donc trop insister sur le contraste considérable qui oppose le langage entre 20 et 30 mois, et sur le fait que cette période d'âge est la période clef qui voit se réaliser la structuration du potentiel lexical, et, de ce fait, la structuration de la langue elle-même. Cependant, si de nettes régularités de développement semblent se dégager de l'ensemble de ces recherches portant sur plusieurs langues indo-européennes, certaines différences notables apparaissent aussi, qui suggèrent que les propriétés structurelles de la langue que l'enfant apprend, et sans doute les habitudes culturelles des locuteurs, peuvent avoir des incidences sur le développement du lexique. En effet, la comparaison de nos résultats avec ceux de l'anglais indique par exemple qu'au début du langage la proportion de noms est moins élevée et la proportion de verbes plus élevée chez les enfants français que chez les enfants anglophones américains (Bassano 1998 ; cf. aussi Boysson-Bardies 1996). De façon plus frappante encore, le développement des mots grammaticaux chez les enfants français connaît un essor remarquable, sans commune mesure avec celui établi pour l'acquisition de l'anglais, reflétant la richesse et la fréquence d'usage de l'éventail des mots grammaticaux en français. Par ailleurs, le débat sur le rôle de l'input linguistique dans le développement des classes de mots s'est dernièrement beaucoup enrichi grâce à des études de production naturelle portant sur l'acquisition de langues comme le coréen, le japonais ou le chinois, structurellement très différentes de l'anglais, et qui remettent en question l'idée d'une universelle prédominance initiale des noms sur les verbes (cf. Gopnick & Choi 1995).

◆ Les différences individuelles dans le développement du lexique Le constat de ce qu'on appelle la « variabilité interindividuelle » conduit aussi à nuancer la vision par trop universaliste du développement lexical. On désigne sous ce terme le fait que, de façon normale, il existe entre un enfant et un autre, apprenant la même langue, de manifestes différences dans le processus

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d'acquisition. La variabilité interindividuelle est observable dans dive r s domaines du développement langagier, mais c'est dans le lexique qu'elle a été le plus anciennement et le plus précisément mise en évidence. Elle concerne d'abord le rythme d'acquisition, se manifestant dans l'ampleur des variations qui affectent le nombre de mots compris ou produits par différents enfants à un même âge. Les résultats de l'étude normative du CDI (Bates et al. 1995 ; Fenson et al. 1994) font apparaître qu'il existe de considérables variations dans la période d'âge considérée. Ils indiquent par exemple que, à 16 mois, les 10 % les plus avancés des enfants comprendraient près de 300 mots, et les 10 % les moins avancés nettement moins de 100 mots. La variabilité dans le vocabulaire de production devient importante à partir de 13 mois, de sorte qu'à 24 mois les 10 % les plus avancés de l'échantillon produisent plus de 500 mots et les 10 % les moins avancés moins de 100 mots. Des différences apparaissent aussi dans ce qu'on a appelé le style de l'acquisition, la variabilité « stylistique » se manifestant dans la manière dont les enfants entrent dans le langage et dont s'effectue le développement de leur lexique. Il y a longtemps que des études anglo-saxonnes (Bates, Bretherton, & Snyder 1988 ; Bloom, Lightbown, & Hood 1975 ; Nelson, 1973 ; 1981) ont souligné qu'à côté des enfants de type « référentiel », dont le vocabulaire initial est constitué par une très grande majorité de noms, il existe aussi des enfants dits « expressifs », dont le lexique, plus varié, comporte une moindre part de noms et plus de prédicats, de formules ou de déictiques. Plus récemment, on a tenté de mesurer la variabilité précoce et d'analyser son évolution (Bates et al., 1994 ; Bassano et al., 1998). Il se dégage que les différences entre enfants dans la composition du lexique sont importantes au début du développement lexical, avant 2 ans, mais qu'entre 2 et 3 ans ces différences « stylistiques » s'atténuent, en même temps que s'opère la nécessaire structuration du lexique. Cela ne signifie pas pour autant que les différences de style disparaissent chez les enfants de 3 ans, mais plutôt qu'elles vont se manifester dans un autre domaine du développement langagier. L'analyse des différences individuelles, tout particulièrement telle qu'elle a pu être menée dans l'étude à grande échelle du CDI (Bates et al. 1995 ; Fenson et al. 1994), présente de multiples intérêts. Au plan de la recherche, elle se trouve au cœur de l'investigation des facteurs du développement. Ainsi, l'ampleur considérable de la variation observée dans le rythme d'acquisition du lexique précoce défie l'idée d'un bioprogramme universel, mais en même temps les facteurs environnementaux classiques, de leur côté, ne se révèlent responsables que d'une modeste part de la variance. Les variables démographiques traditionnelles telles que le sexe, la classe sociale et l'ordre de naissance n'ont que

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de relativement faibles effets. Parmi ces variables, le sexe (combinaison de facteurs biologiques et culturels) est celle qui produit les effets les plus consistants, à l'avantage des filles, plus précoces dans les habiletés langagières. En revanche, l'effet de la classe sociale se révèle extrêmement faible et même souvent non significatif dans cette tranche d'âge, ce qui n'exclut pas qu'il soit plus important dans la suite du développement. Au plan clinique, d'autre part, l'analyse des différences individuelles permet de définir les frontières entre développement normal et anormal et fournit ainsi des instruments pour une détection précoce des troubles du langage. L'ampleur de la variation constatée dans le développement normal invite à relativiser certaines des inquiétudes des parents qui trouvent peut-être que leur enfant ne parle pas assez ou assez tôt.

◆ Remarques sur les retards de production et compréhension lexicales Dans le prolongement de ce qui précède, nous ferons quelques remarques sur les retards de langage observés chez les très jeunes enfants dans le cadre de ces études. Ce n'est que récemment que certains chercheurs ont fait porter leur attention sur les enfants appelés « parleurs tardifs » (« late talkers »), qui présentent des retards dans l'émergence et le développement du langage expressif. Malgré quelques divergences, la majorité des études fait état d'une persistance du retard qui se maintient un à deux ans au moins après sa détection pour une bonne partie de ces enfants (autour de la moitié), tandis que pour l'autre partie, les performances langagières rejoignent le niveau moyen (Rescorla & Schwartz 1990 ; Thal, Tobias & Morrison 1991). Dans l'étude de Bates et al. (1995) fondée sur le CDI, les « late talkers » sont définis comme les enfants situés dans les 10% inférieurs de l'échantillon au regard du nombre de mots produits. Parmi ces enfants, ceux qui avaient aussi un retard de compréhension lors de l'évaluation initiale ont continué à présenter un an plus tard des retards de production (vocabulaire et MLU), tandis que ceux qui avaient un niveau de compréhension normal ont présenté un niveau de production normal un an plus tard. Les enfants en retard pour la production et dans la norme pour la compréhension représenteraient ainsi simplement des cas extrêmes de dissociation entre compréhension et production. L'enseignement à tirer de ces observations est que le développement du vocabulaire au plan de la production, versant le plus visible et le plus aisément accessible, n'est pas forcément l'indicateur le plus pertinent pour juger et prédire le développement d'un enfant, et qu'il faut être encore plus attentif aux difficultés de compréhension des très jeunes enfants qu'à leurs difficultés de production.

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◆ Conclusion Pour conclure, nous évoquerons une question centrale mais sur laquelle on manque encore de réponses, celle des facteurs du développement lexical précoce. La plupart des chercheurs travaillent avec l'idée que le développement langagier est le résultat des interactions entre facteurs maturationnels, sous contrôle génétique, et facteurs environnementaux, où l'apprentissage, l'expérience, la stimulation par l'entourage jouent un grand rôle. Les progrès récents des neurosciences commencent à apporter des éléments sur les facteurs biologiques, suggérant par exemple, comme on l'a vu, que des systèmes neuronaux partiellement distincts pourraient être à la base de la compréhension et de la production lexicales, ou du traitement des noms et de celui des verbes, mais beaucoup de recherches restent encore à mener. Il reste beaucoup à faire aussi pour préciser les mécanismes cognitifs sous-jacents au développement lexical, déterminer le rôle de certains facteurs environnementaux, comme l'input parental, et déterminer les implications que les performances lexicales précoces pourraient avoir sur le développement langagier ultérieur.

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Et si l’humour c’était sérieux ? Marion Fossard

Résumé L'étude rapportée ici montre que la compréhension d'incongruité humoristique à partir d'un matériel imagé n'est pas chose facile pour des enfants ayant un retard de langage. Au travers de leurs verbalisations, ces enfants nous livrent quelques clés sur les raisons de leur incompréhension, sur les difficultés qu'ils ont à se situer sur le plan de la fantaisie d'humour. Finalement, utiliser « l'outil-humour » dans une perspective d'évaluation des troubles - voire de rééducation - pourrait s'avérer riche de promesses. Mots clés : enfant, retard de langage, compréhension, dessin humoristique.

What if humor were serious business? Abstract The present study shows that the understanding of humor incongruity arising from a pictorial document does not come easily for children with delayed language skills. These children's verbalizations give us clues as to the reasons for their lack of understanding and their difficulty grasping concepts of imaginary humor. In conclusion, the use of humor as a « tool » to assess language deficiencies, or even for remediation purposes, could be quite promising. Key Words : children, language delay, comprehension, humorous picture.

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Marion FOSSARD Orthophoniste Maison de la recherche Université Toulouse- le Mirail Laboratoire Jacques Lordat 5, allées Antonio Machado 31058 Toulouse Cedex. e-mail : [email protected]

L

'intérêt porté au phénomène humoristique dans une discipline comme l'orthophonie semble - au volume des travaux qui y sont consacrés - assez peu important. Pourtant, on a peine à croire qu'il s'agisse d'un réel désintérêt. Disons plutôt que l'humour est frappé d'une certaine réserve. A cela, rien d'étonnant, car à parcourir les auteurs qui s'y sont intéressés, l'exercice s'avère ardu tant le concept d'humour est difficile à saisir... et à définir : S'agit-il de « gaieté qui se dissimule sous un air sérieux, et qui est pleine d'ironie, d'imprévu » comme le suggère le Larousse ? Ou plutôt de « sérieux qui se dissimulerait sous un air de gaieté, d'ironie, d'imprévu » comme le souligne Jean Bergeret (1973) ? Pas si évident, en effet ! Et cette simple permutation de termes montre toute l'ambiguïté à circonscrire le concept d'humour, toute sa complexité aussi, qui fait que si on apprécie le phénomène, on se trouve vite confronté à des difficultés dès qu'on veut l'analyser.

Mais, s'il est vrai que pour étudier l'humour, point ne faut s'arrêter au plaisir immédiat qu'il dispense, ce petit renoncement pourrait trouver sa récompense dans les horizons qu'une telle étude pourrait offrir sur les ressorts et les subtilités du fonctionnement cognitif, langagier, voire affectif de l'enfant, et notamment de l'enfant ayant un retard de langage.

◆ Vers une définition de l'humour Si l'objet a bien un nom - celui d'humour -, définir précisément le concept qui s'y rattache n'est pas chose aisée. Aussi, faute de pouvoir embrasser la globalité du phénomène, il faut se résoudre à l'attaquer selon un point de vue, forcément décisoire. L'angle d'attaque ici retenu, est celui de l'incongruité.

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La notion d'incongruité renvoie à l'idée de désaccord, de contradiction. L'incongruité signifie donc la présence quasi-simultanée d'éléments jugés incompatibles ou contradictoires. Jugés, en effet, car l'incongruité n'est pas une notion objective (l'incongru en soi n'existe pas) et en désignant « le non- respect des rapports habituels entre les choses » (Bariaud, 1983), elle renvoie à un mode de pensée, à un fonctionnement cognitif du sujet qui soudain va être piégé. Déroutante par définition, l'incongruité ne peut toutefois se définir que par rapport à une norme, un « attendu par tous » ; et c'est en s'opposant à ce fa m i l i e r, à cet « a t t e n d u », qu'elle dévoile un nouveau champ de « possibles », lequel n'a d'existence qu'au plan de la fantaisie, de l'imaginaire. Combinant effet de surprise et conflit de cognition, brouillant les processus inférentiels que le sujet vient à peine de mettre en œuvre, l'humour se logerait là : dans l'interstice laissé par des attentes suscitées qui non seulement ne sont pas confirmées, mais qui de plus, se trouvent contrariées... avec au bout du chemin, la délivrance d'un sens. Car, cette « coïncidence » fait sens, elle n'est pas due au hasard, elle signifie autre chose. L'humour supposerait donc la conscience d'une incongruité, c'est-à-dire d'une discordance par rapport aux normes - admises par tous - du réel. Il faut donc que l'enfant organise progressivement le réel dans ses schémas mentaux, et c'est seulement lorsqu'il dispose de schémas bien établis qu'il peut percevoir la divergence, l'incompatibilité, c'est-à-dire apprécier les événements incongrus (et non pas seulement nouveaux ou inattendus). La perception des incongruités est ainsi tributaire des acquisitions cognitives, elle est à concevoir du point de vue du sujet, mais elle prend aussi valeur en fonction du contexte et de la situation.

◆ Comprendre l'humour : une affaire de maîtrise La maîtrise cognitive L'humour - et la compréhension de l'humour - est une expérience cognitive, en ce sens qu'il nécessite des connaissances, des concepts, une certaine maîtrise du réel. En effet, l'incongru n'existe pas en soi. Il n'existe que par rapport à un attendu qui s'est constitué lors des expériences antérieures : ce qui un jour était nouveau (on n'avait pas d'attentes particulières), peut plus tard paraître incongru lorsque se sont constituées les représentations de l'événement dans son allure habituelle, normale. Les progrès du développement cognitif, s'ils font décroître

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au fur et à mesure de l'intégration les occasions de rencontre du nouveau, augmentent en revanche celles de reconnaissance de l'incongru car les référentiels sont de plus en plus nombreux par rapport auxquels peut s'exprimer la divergence. Ces acquis, qui se stratifieront tout au long de l'enfance et de l'adolescence, constituent la base indispensable de l'humour. Parmi ces acquis, ces schémas cognitifs (sur lesquels porteront les distorsions qui les définissent), il y a ceux qui sont de l'ordre des connaissances spécifiques : représentation de l'environnement dans ses apparences concrètes et ses fonctionnements, normes sociales... ; et ceux qui sont structuration même de la pensée : représentations symboliques, formation de concepts, opérations logiques, règles linguistiques (Bariaud, 1983). Mais ces acquis, s'ils sont certes indispensables pour percevoir l'incongruité, ne suffisent pas pour en rire. Il faut non seulement la percevoir, mais la dominer, la comprendre, l'intégrer... lui donner sens. Et l'enfant saisissant l'incongruité mais aussi ce qui la justifie, pourrait ne pas toujours s'en amuser. Car, si comprendre est au fondement de tout, il faut aussi adhérer affectivement au sens que l'on saisit. C'est pourquoi si le « processus de résolution » paraît fondamental dans la réaction d'humour, il ne l'est pas tant comme réussite (découverte d'un sens), que comme délivrance d'un certain sens qui pour induire l'amusement doit s'accorder aux valeurs du sujet (ni neutres, ni chargées d'angoisse). La maîtrise affective Parmi les représentations intégrées par l'enfant, certaines sont fortement investies de valeur affective : par exemple, le concept de sa propre identité sexuelle. Ainsi, apprécier l'humour - ou le pratiquer soi-même - sur pareilles thématiques, exige de l'enfant qu'il ait constitué un concept stable et solide de sa propre identité sexuelle ; que la maîtrise donc, soit à la fois cognitive (concept établi) et émotionnelle (trouble surmonté) sinon, l'enfant n'aura pas ce degré d'autonomie que nécessite l'humour. Ce dernier point semble important à prendre en compte : « le rire n'a pas de plus grand ennemi que l'émotion » disait Bergson (1900), et le degré d'implication de soi doit être réduit. Ainsi, selon la maîtrise affective que possède l'enfant, telle situation incongrue - dont l'intention est bien de faire rire, comme c'est le cas des dessins humoristiques - pourrait être ressentie très négativement (l'enfant se met à la place du personnage, s'identifie à lui) ou au contraire comme comique (l'enfant prend d'emblée ses distances, il rit même de ne pas ressembler au personnage).

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La maîtrise langagière Dire ce qui est drôle dans un dessin humoristique, expliquer ce que l'on a retenu d'amusant, n'est pas toujours chose facile pour un enfant, qui plus est avec un retard de langage. Un des enjeux du dessin humoristique, est que, donnés frontalement sur l'image, les signes sont reçus dans le « désordre », sans véritable continuum discursif. Il incombe donc à chacun de réordonner, de « narrativiser » tous ces signes pour retrouver l'intention de l'auteur et rendre le comique effectif. Or, en demandant à l'enfant de verbaliser ce qu'il a saisi du dessin, en instaurant un échange, une situation de dialogue, il nous est permis de dégager, dans sa dynamique, la démarche de l'enfant : en quelque sorte, les stratégies qu'il met en œuvre. Et sous l'apparence (maîtrisée ou non) du discours de l'enfant, peut être mise en évidence la démarche cognitive (tâtonnante ou non) utilisée. En somme, portée par le langage, apparaît une certaine logique du discours. Ainsi, au travers de ses verbalisations, l'enfant dévoile un peu de sa démarche, nous permettant de mieux appréhender d'une part, les ressorts nécessaires pour comprendre une incongruité humoristique, mais aussi quelles sont les entraves - dont on verra qu'elles peuvent être de nature différente - à la compréhension. Présentation de l'étude entreprise L'objectif de cette étude est d'évaluer comment l'enfant ayant un retard de langage appréhende l'incongruité d'humour. Plus spécifiquement : est-ce qu'un enfant qui a un retard de langage, éprouve davantage de difficultés à saisir, ou du moins à exprimer une incongruité d'humour sur un dessin humoristique qu'un enfant sans trouble du langage ? Deux groupes d'enfants, âgés de 9 à 10 ans, ont participé à l'expérience : - un groupe « témoin » composé d'enfants scolarisés en CM1, sans problème de langage ; - et un groupe « test », composé d'enfants suivis en rééducation orthophonique pour retard de langage. Le matériel est composé de dessins humoristiques présentant des événements, objets ou situations incongrues à déceler. Ces dessins, tous choisis dans le dispositif d'expérience mis en œuvre par F. Bariaud (1983), sont sans légende et ont l'avantage de ne pas faire intervenir de décodage verbal dans la compréhension de l'incongruité. Il y a 11 dessins en tout, dont un qui ne présente pas d'incongruité humoristique (dessin « neutre »). Exemple de dessins retenus : (voir annexe : dessin du « taureau », dessin du « ski », dessin du « cheval »).

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Dessin du “Taureau”

Dessin du “Ski”

Dessin du “Cheval”

Le dessin du « Ski » : Chas ADDAMS, The New Yorker Magazine, Inc., 1940, 1968. Le dessin du « Taureau » : ALDEBERT, The New Yorker Magazine, Inc., 1940, 1968. Le dessin du « Cheval » : BARBE, Les chefs-d'œuvre du dessin d'humour. Anthologie Planète, 1968.

- Les résultats Dans le cadre de cet article, nous ne présentons que quelques résultats parmi les principaux obtenus. Compréhension et appréciation de l'incongruité humoristique - > Compréhension de l'incongruité (réussie ou échouée) pour les deux populations (% calculés sur l'ensemble des réactions obtenues)

Groupe témoin Groupe test

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compréhension réussie 73,3 % 48,7 %

compréhension échouée 28,7 % 51,3 %

Au vu de ce tableau, on s'aperçoit que le groupe témoin (sans trouble du langage) saisit très largement l'incongruité humoristique contenue dans les dessins (73,3 %) ; alors qu'au sein du groupe test (avec trouble du langage), la majorité des enfants a échoué à la saisie de l'incongruité (51,3 % de compréhension échouée). Pourtant, pour les enfants du groupe test, une compréhension échouée n'indique pas forcément une appréciation négative du dessin, au contraire : * Rapport compréhension / appréciation pour les deux populations (% calculés sur l'ensemble des réactions obtenues) COMPRÉHENSION + COMPRÉHENSION – appréciation + appréciation – appréciation + appréciation – Groupe témoin 61,3 % 12,6 % 10,6 % 16,6 % Groupe test 38,6 % 10,6 % 26,6 % 24,6 % D'après ce tableau, on observe d'une part, que si la réaction dite d'humour (compréhension réussie associée à une appréciation de drôlerie) est la réaction la plus souvent produite par les deux groupes, elle l'est toutefois dans des rapports différents ; et d'autre part, que la modalité correspondant à une compréhension échouée associée à une appréciation positive (de drôlerie) est produite presque trois fois plus souvent par le groupe test que par le groupe témoin. Le test statistique de Mantel et Haenszel, qui a été effectué pour comparer les réactions des deux groupes d'enfants concernant la saisie de l'incongruité humoristique, a donné un odds ratio ajusté (qui peut être compris comme le rapport des chances de reconnaître les traits d'humour entre les deux groupes d'enfants) égal à 3,6 - pour un intervalle de confiance à 95%- . Ceci signifie qu'il existe presque quatre fois plus de chances de saisir l'incongruité humoristique d'un dessin lorsqu'on est un enfant du groupe témoin que quand on est un enfant issu du groupe test. Les résultats obtenus montrent donc que les enfants présentant des difficultés langagières ont plus de mal que les autres à saisir l'humour du dessin, ou du moins à l'exprimer. Ne rit pas qui veut, donc... et notamment les enfants en difficultés avec le langage. Pour autant, il ne faudrait pas en conclure qu'ils ont moins d'humour que les autres, loin de là. Mais dans la tâche qui leur était proposée : saisir une incongruité humoristique sur un dessin, et lui donner sens, ils ont plus souvent échoué que les autres, et ce pour des raisons que nous allons analyser maintenant.

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◆ Analyse et commentaires C'est tout un art, l'art de penser autrement que d'habitude ! De partir en quête de l'incongru, de rompre avec les normes. C'est pourquoi, avant d'analyser les difficultés rencontrées par les enfants du groupe test, il paraît utile de préciser les facteurs intervenant dans la réaction d'humour, tels qu'ils sont ressortis d'une analyse de contenus des réponses associant une compréhension réussie et une appréciation positive. La réaction d'humour Définie par les deux composantes : compréhension réussie / appréciation positive, la réaction d'humour implique plus précisément : - de saisir l'incongruité humoristique sur un plan de fantaisie, - d'adhérer au sens sous-jacent qu'on lui attribue. Et comme on a pu le constater à la lecture des tableaux ci-dessus, dès lors que la compréhension est réussie, elle est très fortement corrélée à une appréciation positive pour les deux groupes. Autrement dit, quand ils ont compris, les enfants du groupe test apprécient l'incongruité humoristique dans des proportions quasi équivalentes à celles du groupe témoin, ce qui semble indiquer que la différence d'apparition des réactions d'humour entre les deux groupes est, en grande part, liée à un défaut de compréhension de l'incongruité. Comprendre est au fondement de tout et, dans la compréhension de l'incongruité, la question de l'appréciation de celle-ci sur le plan particulier du ludique, de la fantaisie, est fondamentale. La réaction d'humour demanderait ainsi une acceptation de l'humour sur un plan de fantaisie, ce qui se traduit par le maintien du percept incongru et par l'amusement qu'il provoque. Voici quelques exemples de réaction d'humour relevées : Pour le dessin du taureau : - Hélène (9 ans 10 mois) - groupe témoin - : « Ce qui est drôle, c'est qu'il monte à l'arbre, et il est en train de dire : va voir celle-là, c'est plus intéressant ! » - Nazih (9 ans 2 mois) - groupe test - : « C'est rigolo. C'est que le taureau, il veut combattre celui-là. Celui-là, il dit : va chez elle ! » Pour le dessin du ski : - Bertrand (9ans 4 mois) - groupe témoin - : « Ben, ce qu'il y a de bien, c'est que... euh, y'a un monsieur qui passe, euh... en ski, et y'a les traces du ski qui passent sur les bords de l'arbre, et il se l'ait pas pris ».

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Difficultés à exprimer l'incongruité d'humour Les résultats obtenus ont montré que les échecs de compréhension étaient bien plus importants dans le groupe des enfants ayant un retard de langage, que dans le groupe des enfants témoins. L'analyse qui va suivre sera donc centrée sur les productions des enfants du groupe test. En effet, plus de la moitié des enfants de ce groupe n'a pas compris l'incongruité humoristique (51,3 %). Pour autant, cette incompréhension n'a pas fait suite de façon tranchée, à une appréciation négative ; au contraire, elle est même un peu plus souvent associée à une appréciation positive (26,6 %). Ce décalage, surprenant au premier abord, trouve une explication dans les réponses apportées par les enfants. Ainsi, l'explication de Héloïse (9 ans 11 mois), pour le dessin du taureau : « C'est drôle, parce que ... c'est une vache, et puis lui, il est monté à l'arbre, et puis la dame, elle est en train de ramasser des fleurs ». Ou celle de Nathalie (10 ans), dont l'appréciation positive au dessin du cheval ne tient qu'à un indice : « sa drôle de tête ». Suggérée par leurs verbalisations, l'appréciation positive semble ne tenir qu'à la perception des indices graphiques contenus dans les dessins. Ces indices, sortes d'éléments graphiques, entrent dans la composition de l'incongruité, mais ne la constituent pas en elle-même. Ils ne sont présents que pour diriger l'attention du sujet sur l'incongruité dite « centrale ». Or, pour ces enfants, seule la détection de ces indices a suffi pour provoquer l'amusement. Pourtant, comprendre l'incongruité exigeait de la part de l'enfant qu'il se détache des indices concrets, élémentaires, directement perceptibles et de leur signification isolée, pour les mettre en relation afin de concevoir la situation qui était suggérée. Manifestement, cette démarche n'était pas évidente, surtout pour les enfants du groupe test, qui souvent, sont restés à un niveau descriptif, se contentant de décrire les différents éléments composant la scène, sans les organiser en une situation d'ensemble. Cependant, aidés par les sollicitations de l'adulte dont le but est d'amener l'enfant sur la voie de l'incongruité, ils ont pu retrouver « l'élément manquant ». A l'éparpillement initial des données, s'est ensuite instauré un lien unificateur leur permettant d'accéder au sens humoristique du dessin. Ainsi, Héloïse (suite de la verbalisation énoncée plus haut) : - sollicitation : « Et qu'est-ce qu'il fait le monsieur ? » - réponse : « ... Ah, il montre d'aller vers elle ! qu'il aille voir elle. Après, il pourra descendre ! ».

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Difficultés à voir l'incongruité humoristique Les difficultés que nous allons maintenant considérer apparaissent d'un autre ordre, car en effet, l'enfant ne parait pas en mesure de les dépasser. Dans la plupart des dessins présentés, l'humour réside dans le fait que l'incongruité puisse exister - aux yeux de l'enfant - sur un autre plan que celui de la réalité. Ainsi, dans le dessin du ski ou dans celui du cheval, les faits ne peuvent se produire réellement, et l'incongruité pour être comprise (et appréciée) doit exister sur un autre plan que celui du réel. C'est-à-dire qu'elle doit exister sur le plan de la fantaisie, de l'imaginaire. Or, certains échecs semblent dus au fait que l'enfant ne peut se situer pardelà de ce qu'il connaît du réel, et en adoptant une conduite réaliste, l'enfant non seulement supprime tout effet humoristique, mais en plus, en se figeant dans cette attitude, il bloque par là-même tout processus de compréhension. -> L'attitude réaliste comme réponse à une instabilité des schémas de référence Les incongruités, par nature, nécessitent d'avoir intégré les représentations sur lesquelles porte l'humour du dessin. Or, dans certaines réponses, l'enfant semble ne pas avoir intégré les données du réel sur lesquelles portent la « disjonction ». L'incompréhension réside alors banalement dans la non possession -ou dans l'instabilité- des prérequis cognitifs sollicités par le stimulus. Ainsi, devant le dessin du cheval, Nazih (9 ans 2 mois) reste circonspect : « Je vois pas ce qu'il y a de drôle » ; et lorsqu'on en vient à lui demander si les traces qu'il voit sont celles d'un cheval, il nous répond : « ... ben, non... je pense pas », et finalement il « rectifie » la divergence ressentie par la réinjection des lois du réel, en concluant que : « C'est pas drôle, parce qu'il sort de l'eau, et il fait des traces de pieds ». On voit bien là, dans la juxtaposition des deux images : 1) je sors de l'eau ; 2) ça fait des marques sur le sable, que les schémas de référence (représentation des pas humains et chevalins), mal établis et flous, empêchent l'enfant d'accéder à la compréhension de l'incongruité. Son système référentiel n'étant pas assez organisé et stable, l'enfant ne peut pas voir le trait d'humour qui finalement... se perd entre les dunes ! -> L'attitude réaliste comme réponse à une réduction de l'incompatibilité Dans ce type de comportement, apparaît le besoin de congruence comme déterminant de l'attitude réaliste. Ce besoin semble avoir deux facettes : l'une qui correspondrait à une difficulté cognitive à concevoir « l'impossible », l'autre, plus colorée émotionnellement, correspondrait à une attitude défensive que l'enfant adopte pour se protéger d'une évocation pénible. Constatant l'impossibilité de fait, l'enfant, au lieu de la saisir en tant que fantaisie d'humour, se met à

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rechercher une explication dont le but est de réinsérer l'événement dans l'ordre du possible. Ainsi, dans un dessin comme celui du ski, la représentation de l'impossible s'appuie sur un autre ordre de la réalité, plus psychologique, d'un certain mode de rapport au monde et à soi-même. C'est-à-dire qu'en détruisant l'impossible (un homme qui traverse un arbre), l'enfant du même coup, détruit ce qui lui est suggéré à travers lui, et notamment l'impact négatif de ce sens (parmi lequel on trouve entre autres significations, l'idée de mort, l'angoisse de morcellement...). Par exemple, Blandine (9ans 2mois), qui ne trouve pas drôle le dessin du ski : (d'abord, ne s'intéresse pas aux traces) : « Ils sont au ski, c'est tout » (on l'aide : « et qu'est-ce que c'est, ça ? ») : « C'est des traces » (« et elles sont pas un peu bizarres ? ») : « Oui, ils font ça... il se cogne contre l'arbre. Il se cogne...et après, il tombe » (« et pourtant, il continue là ?! ») : « Eh ben... peut-être que l'arbre, il s'est cassé... peut-être, il a fait un trou ». Au travers cet exemple, on voit qu'en ramenant l'événement à quelque chose de plausible, l'enfant ôte, du même coup, toute qualité humoristique au dessin. La démarche qu'il adopte apparaît non seulement comme une réduction de distance - l'enfant recherche la congruence au lieu de maintenir la divergence - mais comme une réduction de plans : en effet, la situation humoristique implique un changement de registre - passer du réel à l'imaginaire - et dans le comportement réaliste, ce changement ne se fait pas. Dès lors, les sollicitations, dont le but est d'amener l'enfant à quitter le mode réaliste pour celui de l'imaginaire, ne remplissent plus leur fonction : au contraire, devant l'incongru qu'on lui suggère, l'enfant objecte sa démarche réaliste, allant même jusqu'à une reconstruction de vraisemblance, conformément à ce qu'il connait du réel. Difficultés à se désolidariser mentalement des normes de la réalité ; difficultés donc, à avoir ce petit pas distancié, si nécessaire à l'humour.

◆ Conclusion Essayer d'entrevoir, au-delà de la réaction d'humour, les processus et les facteurs qui sous-tendent la compréhension d'incongruités humoristiques a révélé toute l'importance, dans une telle tâche, du fonctionnement cognitif. Et si les enfants ayant des difficultés langagières ont échoué plus massivement que les autres, c'est peut-être parce que les troubles du langage ne leur ont pas permis - ou du moins, leur ont moins facilité - les déplacements et les idéalisations que nécessite la compréhension d'une incongruité humoristique. Bloqués dans

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l'élargissement du champ symbolique, ils n'ont pas pu envisager « tous les possibles » leur permettant de maîtriser les conflits, de passer d'un plan à un autre. Ces résultats nous invitent donc à réfléchir d'une part, sur la démarche à adopter quand l'orthophoniste prend en charge un enfant ; démarche qui, nous semble-t-il, doit tendre vers la remédiation d'un fonctionnement cognitif et langagier, et d'autre part, sur l'intérêt qu'il y aurait à intégrer une épreuve type « compréhension d'incongruités humoristiques » au sein d'un examen d'aptitudes à l'acquisition du langage oral ou écrit. Car, en dévoilant la face cachée des choses, c'est nous-mêmes que l'humour dévoile. Il a donc valeur d'indice, et peut donner des directions, des orientations pour construire un projet rééducatif, et cela parce qu'il donne à voir : sur l'expression de la pensée et sur les stratégies utilisées, sur la perception du réel et sur le raisonnement logique (réversibilité - reconstruction - anticipation), sur la compréhension et au-delà sur l'accueil d'idées et de faits nouveaux, sur l'acceptation de la rupture entre prévision et échéance... La « pensée » humoristique, en effet, ne s'oppose pas aux autres formes de pensée. L'humour s'appuie sur le réel, il y puise son art ; mais c'est pour mieux s'en évader, ou pour mieux en saisir la logique ! Ainsi, à travers l'étonnement qu'il provoque, l'humour est l'occasion d'une investigation cognitive, d'une ouverture sur un nouveau champ d'action, une possibilité offerte à l'enfant de ne pas s'enfermer dans des structures de pensée trop rigides. Il favorise une certaine souplesse mentale, invite l'enfant à se « décentrer », à prendre du recul, à juger plutôt que subir. Certes, l'humour dans un bilan ou dans une rééducation orthophonique n'est pas une fin en soi et l'objectif d'une rééducation a pour nom Langage, en aucun cas humour ! Peut-être plus simplement, s'agit-il de considérer l'humour comme un support intéressant, qui au-delà de son aspect ludique, engage l'enfant dans sa personnalité entière. Source de plaisir, de créativité, de convivialité, l'humour possède ces vertus nobles et rares. Souvent léger mais jamais futile... Et si l'humour, c'était sérieux ?

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L’oral : une tâche moins discriminante que l’écrit ? Karine Duvignau

Résumé Lorsque l'on observe des performances écrites et des performances orales obtenues dans une tâche similaire on pourrait s'attendre à ce que l'oral, du fait de sa plus fréquente pratique, soit une épreuve moins discriminante que l'écrit, c'est à dire une épreuve où les difficultés des sujets sont moindres. Dans cet article, nous dégageons des éléments qui justifient ce point de vue. Pour cela, nous nous appuyons sur les résultats issus d'une étude du discours narratif sur images produit par des enfants de 9-10 ans à l'écrit et à l'oral. Il s'agit, à partir d'une analyse et d'une confrontation des résultats écrits et oraux de faire apparaître que l'oral constitue une épreuve pour laquelle les sujets éprouvent moins de difficultés qu'à l'écrit. Néanmoins, nous relativisons cette conclusion en mettant à jour le fait que les difficultés éprouvées par certains sujets, non seulement à l'écrit, mais aussi à l'oral, permettent de confirmer la valeur prédictive d'un test de dépistage précoce (TDP 81) des difficultés langagières chez l'enfant. Mots clés : discours narratif, écrit, oral, prévention des troubles du langage, enfant.

Oral performance : a task which has less discriminative power than written performance? Abstract When examining written and oral performance obtained from children on the same type of tasks, one may expect better scores in oral production than written production, as the former is more frequently used than the latter; in other words, oral performance may have less discriminative power than written production. In this article, we tried to verify this notion by studying the oral and written narrative discourse produced by 9 and 10 year-old children in response to pictures. Through a comparative analysis of written and oral results, we attempted to demonstrate that oral tests reveal less language problems than written tests. However, we tempered this conclusion by showing that the written as well as oral difficulties evidenced by some children confirm the predictive power of the TDP 81 test, an early screening test of language problems in children. Key Words : narrative discourse, written performance, oral performance, prevention of language disorders, children.

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Karine DUVIGNAU Doctorante deuxième année Sciences du Langage Laboratoire Jacques Lordat Université Toulouse Le-Mirail Equipe : Acquisition du langage chez l'enfant Direction : Jean-Luc Nespoulous / Claudine Garcia-Debanc

C

e travail se situe à l'intersection de deux domaines : la linguistique et l'orthophonie. En effet, il met en oeuvre la terminologie et les outils d'analyse de la linguistique au sein d'une recherche orthophonique lancée en 1981 ; recherche qui a abouti sur la mise au point d'un Test de Dépistage Précoce des difficultés langagières de l'enfant (TDP 81). Cet outil, conçu par un orthophoniste (Pierre Ferrand) en collaboration avec un neuropsycholinguiste (Jean-Luc Nespoulous), a été élaboré pour permettre l'évaluation des compétences linguistiques de l'enfant mais aussi le repérage précoce de ses difficultés afin d'y pallier le plus tôt possible. De 1982 à 1984, ce test est mis en application auprès de 1349 enfants dont l'âge est compris entre 4 et 5 ans. Il comportait plusieurs épreuves qui étaient soumises aux enfants afin de tester leurs aptitudes dans quatre domaines (Instrumental / Articulation / Parole / Langage). Les résultats obtenus ont permis d'opérer un classement de ces enfants en 4 groupes de niveaux : Groupe I = enfant sans difficultés Groupe II = enfant nécessitant une surveillance éducative Groupe III = enfant nécessitant une surveillance éducative orthophonique Groupe IV = enfant en échec et relevant d'une prise en charge thérapeutique immédiate. Au terme de cette application du TDP 81, il s'avérait indispensable de vérifier sa crédibilité en cherchant à vérifier sa valeur prédictive. Pour cela, il était donc nécessaire de retester les mêmes enfants, plusieurs années après afin de vérifier si, globalement, ceux d'entre eux qui éprouvaient des difficultés langagières très marquées à l'âge de 4/5 ans (sujets du groupe IV), seraient encore en très grande difficulté à un âge plus élevé (1). C'est dans cette perspective qu'en 1989, 150 de ces enfants, alors âgés de 9/10 ans, ont subi un test de contrôle et passé une épreuve écrite et orale de discours narratif sur images.

1) L'étude du devenu des enfants testés par le TDP 81 a fait l'objet de nombreux mémoires d'orthophonie (à Toulouse et à Lille).

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◆ Présentation et objectif de l'étude Dans cet article, nous présentons les résultats des 150 enfants à l'épreuve écrite et orale de discours narratif sur images, résultats que nous avons obtenus en analysant leurs productions, au moyen d'une grille d'analyse quantitative (2). Celle-ci se limite à considérer des critères quantitatifs qui, observables à l'oral et à l'écrit, permettent de comparer avec pertinence ces deux épreuves. Néanmoins, le souci de procéder, ultérieurement, à une étude des paramètres relevant spécifiquement de la tâche orale nous a conduit à élaborer une grille qualitative de l'oral que nous proposons au terme de cet article. La grille d'analyse quantitative a permis de prendre en compte, à l'écrit comme à l'oral, les paramètres suivants : - nombre d'énoncés - nombre d'unités lexicales - nombre de phrases - nombre d'Expansions Sans Prédicatoïde (3) - nombre d'Expansions Avec Prédicatoïde (4) - nombre de connecteurs de phrases - nombre de morphèmes - nombre de léxèmes Notre objectif est de montrer, à partir de résultats issus de l'analyse de l'écrit et de l'oral, que si la tâche orale se révèle être, globalement, une épreuve plus facile pour les 150 enfants, elle n'en reste pas moins discriminante pour les enfants qui appartenaient au groupe IV à l'âge de 4-5 ans. Pour atteindre cet objectif : 1- nous procèdons à une confrontation des performances des 150 enfants à l'écrit et à l'oral ; 2- nous examinons les performances des enfants qui appartenaient au groupe de niveau I et IV et montrons que les résultats des enfants du groupe IV à l'épreuve orale valident la pertinence du TDP 81 qui est également mise à jour par les résultats de l'écrit.

(2) Cette grille d'analyse (GNF 90) a été conçue et mise au point par Pierre Ferrand (cf bibliographie Ferrand 1990). (3) Ce sont des expansions du verbe noyau qui ne comportent pas de prédicat verbal. On en rencontre deux types : - Sans morphème fonctionnel --> « Ils mangent des gâteaux » - Avec morphème fonctionnel --> « Ils mangent des gâteaux dans la cuisine ». (4) Ce sont des expansions du verbe noyau qui comportent un prédicat verbal --> « Ils partent acheter des gâteaux ».

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1. L'oral : une tâche moins discriminante que l'écrit 1.1 Confrontation des résultats écrits et oraux par enfant

Schéma 1 : Courbe des performances des 150 enfants à l’écrit

Schéma 2 : Courbe des performances des 150 enfants à l’oral

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Ces deux schémas permettent de visualiser les performances des 150 enfants à l'écrit et à l'oral. Les courbes vont, de gauche à droite, de la plus « mauvaise » performance à la « meilleure ». Les sujets qui sont dans la partie grisée sont les sujets dont la note est comprise dans l'écart type (moyenne de l'écart par rapport à la moyenne générale). 1.2 Analyse globale : l'oral est moins discriminant que l'écrit La confrontation des deux courbes des performances des 150 enfants permet d'observer que la tâche orale constitue une épreuve où les sujets ont globalement plus de facilité qu'à l'écrit. En effet, tous les enfants améliorent leurs performances à l'oral et surtout ceux qui sont le plus en difficulté à l'écrit (enfants qui appartenaient au groupe III et IV lors de la passation du TDP 81). Ce phénomène s'explique par le fait que les enfants pratiquent beaucoup plus le discours oral que le discours écrit. En effet, les enfants de 9/10 ans parlent tous en dehors de l'école alors que la majorité d'entre eux ne pratique la langue écrite qu'au sein de l'école. On peut donc considérer que l'épreuve de discours narratif écrit constitue une épreuve plus sélective et plus discriminante que l'épreuve de discours narratif oral : a) nous sommes en présence de très mauvais scores dans l'épreuve écrite (15 performances sont nettement en-dessous de l'écart type), alors qu'à l'oral, on ne rencontre pas de scores nettement au-dessous de l'écart type : seulement 8 enfants ont des résultats juste en-dessous de l'écart type. b) 28 enfants obtiennent, à l'oral, des résultats au-dessus de l'écart type (soit deux fois plus qu'à l'écrit - 13 enfants-) Ces différentes observations nous permettent d'avancer la conclusion suivante : la tâche écrite creuserait les différences de niveaux entre les enfants alors que la tâche orale les atténuerait. Néanmoins, nous voudrions dégager un point de réflexion qui relativise ce constat. Les enfants qui présentent de très graves difficultés à l'oral sont des sujets immédiatement repérés que l'on ne rencontre pas dans l'enceinte de l'école (enfants autistes, enfants dont l'état physiologique entraîne des troubles du langage importants ...) alors que le fait de détenir de très graves difficultés à l'écrit semble ne pas faire autant obstacle à la scolarisation d'un enfant. Aussi, lorsque l'on travaille à partir de sujets scolarisés, il faut s'attendre à ne pas constater à l'oral le degré de difficultés que l'on peut rencontrer à l'écrit (5) : les sujets qui détiennent de très graves difficultés à l'oral sont peut-être non-scolarisés. (5) La plus basse performance de nos sujets à l'oral se positionne au point - 5 (schéma 2) alors qu'à l'écrit elle descend jusqu'au point - 20 (schéma 1).

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2. L'oral, une épreuve aussi discriminante que l'écrit : double validation du TDP 81 Cependant, certains sujets présentent des difficultés importantes non seulement à l'écrit mais aussi à l'oral : 2.1 Confrontation des résultats écrits et oraux des groupes I et IV

Schéma 3 : Confrontation des groupes I et IV à l’écrit

Schéma 4 : Confrontation des groupes I et IV à l’oral

Ces deux graphiques permettent de visualiser et de confronter, d'un seul tenant, les résultats obtenus, à l'écrit et à l'oral, par les enfants qui avaient été classés dans les groupes de niveaux I (peu de difficultés) et IV (beaucoup de difficultés) au terme du TDP 81.

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2.2 Validation de la valeur prédictive du TDP 81 à partir des résultats de l'écrit mais aussi de l'oral L'hypothèse théorique qui constitue les fondements du TDP 81 consiste à considérer qu'un enfant qui éprouve des difficultés vers 4/5 ans sera encore en difficulté à un âge plus avancé, d'où l'intérêt de repérer le plus tôt possible ses problèmes langagiers. Or, les analyses des résultats écrits et oraux (schémas 3 et 4) des enfants du groupe I et du groupe IV permettent de confirmer doublement la valeur prédictive du TDP 81. En effet : a) en ce qui concerne la tâche écrite de discours narratif sur images, - les enfants dont le TDP 81 avait relevé le bon niveau de performance à l'âge de 4/5 ans (enfants du groupe I), obtiennent globalement, 5 ans plus tard, de bons résultats à l'épreuve de discours narratif écrit (schéma 3), - les enfants dont le TDP 81 avait souligné les grandes difficultés lorsqu'ils avaient 4/5 ans (enfants du groupe IV) présentent globalement, à l'âge de 9/10 ans, soit 5 ans plus tard, des déficiences langagières très importantes à l'écrit (schéma 3). b) en ce qui concerne la tâche orale de discours narratif sur images, - le groupe I reste, à l'oral, un groupe qui ne présente pas de difficultés majeures (schéma 4), - par contre, même si le groupe IV obtient des résultats meilleurs qu'à l'écrit, il reste néanmoins un groupe qui présente des difficultés importantes à l'oral (schéma 4) Ainsi, la tâche orale de discours narratif sur images constitue une épreuve discriminante qui permet de re-marquer globalement les difficultés des enfants qui présentaient déjà des résultats insatisfaisants à l'âge de 4/5 ans. De ce fait, on peut considérer que le TDP 81 constitue un outil de dépistage précoce des difficultés langagières de l'enfant : les enfants dont il repère les difficultés à l'âge de 4/5 ans, éprouvent encore des difficultés à l'âge de 9/10 ans à l'écrit mais aussi à l'oral.

◆ Conclusion Bilan général Au terme de ce travail, nous nous retrouvons alarmés : si l'on considère que le langage est un facteur important d'insertion sociale, nous pouvons être alertés par les résultats obtenus lors des analyses des corpus écrits et des corpus oraux de 150 enfants. En effet, confirmant la valeur prédictive d'un test de dépistage précoce des difficultés langagières de l'enfant (TDP 81), ces résultats révè-

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lent que parmi les enfants qui éprouvent de grandes difficultés à l'âge de 4/5 ans, une grande majorité d'entre eux pourront présenter, à l'âge de 9/10 ans, des difficultés importantes dans le domaine du langage écrit mais aussi dans le domaine du langage oral. Or, l'apprentissage de l'écrit ne s'effectuant, en général, qu'au sein de l'école alors que la pratique du langage oral se fait le plus souvent au foyer ; le fait que ces enfants éprouvent des difficultés dans ces deux domaines signifierait que l'apprentissage du langage écrit dont ces enfants disposent à l'école n'est pas suffisant et que d'autre part ils ne bénéficient pas de conditions optimales à l'extérieur de l'école pour pallier leurs difficultés à l'oral et à l'écrit. C'est pourquoi le recours à l'orthophonie pour aider ces enfants semble approprié. Perspective : l'analyse qualitative des corpus oraux L'outil que nous avons utilisé pour analyser les productions écrites et orales des enfants faisait uniquement ressortir des données quantitatives. En effet, il ne pouvait rendre compte à la fois de données quantitatives et de données qualitatives sans complexifier, du même coup, son utilisation. Pourtant, il serait intéressant de procéder à l'analyse de ces mêmes productions en tenant compte de paramètres d'ordre qualitatif. En effet, cela permettrait d'observer s'il existe des corrélations entre les performances quantitatives et qualitatives des enfants à l'écrit et à l'oral. Dans cette perspective de travail, nous avons participé (6) à la mise au point d'une grille d'analyse qualitative de l'oral (7) qui, outre des paramètres observables également à l'écrit, prend en compte des critères spécifiques à l'épreuve orale (aspects prosodiques). Cette grille comporte les 4 niveaux d'analyses suivants : - analyse des aspects discursifs (énoncé inaugural et/ou de synthèse, discours direct, type d'approche des images...) - analyse des outils métalinguistiques (autocorrection, humour, modalisation) - analyse des outils linguistiques (temps utilisés, nombre d'arguments du verbe, pertinence sémantique...) - analyse des aspects prosodiques (répétitions, processus préparatoires, articulation, ponctuation orale)

(6) En collaboration avec Pierre Ferrand, Jean-Luc Nespoulous, Thierry Barnabé, Marie-Pierre Munoz et Valérie Sanchou. (7) Cette grille, dont l'utilisation a été proposée par Pierre Ferrand à un nombre conséquent d'orthophonistes, est en cours d'expérimentation.

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De plus, elle est dotée d'une colonne « observations » qui permet d'affiner l'analyse des productions par l'ajout de remarques. Nous avons également essayé d'assurer une lecture facile des valeurs : une majorité de croix à droite indique de bonnes performances (Valeur = 2) tandis que la présence d'une majorité de croix à gauche témoigne des nombreuses difficultés de l'enfant et révèle la pauvreté de ses productions (V = 0). Lorsque la performance de l'enfant prend une valeur intermédiaire (V = 1), la croix se place dans la colonne du milieu. Ce système de notation permet d'avoir une idée du niveau de l'enfant à la seule vue de la grille puisqu'il suffit de regarder l'emplacement de la majorité des croix issues de l'analyse. Présentation de la grille d'analyse qualitative de l'oral

corpus : groupe : aspects discursifs

outils métalinguistiques

outils linguistiques

aspects prosodiques

Grille d’analyse qualitative de l’oral valeurs paramètres observations 0 1 2 discours direct énoncé inaugural et/ou de synthèse approche des images autocorrection humour et/ou modalisation la construction « en train de » redoublement de l’actualisateur sujet temps de la narration valence du verbe sémantique répétitions processus préparatoires articulation ponctuation orale

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Signification des valeurs de la grille d’analyse qualitative

corpus : groupe : aspects discursifs

outils métalinguistiques

outils linguistiques

Grille d’analyse qualitative de l’oral signification des valeurs paramètres 0 1 2 discours direct absence présence énoncé inaugural et/ou absence présence de synthèse approche des images ostensive successive narrative autocorrection absence présence humour et/ou absence présence modalisation la construction absence présence « en train de » redoublement de absence présence l’actualisateur sujet un seul plusieurs temps de la narration temps temps valence du verbe sémantique répétitions processus préparatoires

aspects prosodiques

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pas toujours respectée souvent incorrecte présence

respectée parfois incorrecte

correcte absence

absence

présence

articulation

beaucoup de difficultés

peu de difficultés

pas de difficultés

ponctuation orale

pauses non respectées

pas toujours respectées

pauses respectées

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KONOPCZYNSKI G. (1991) : Le langage émergent : aspects vocaux et mélodiques. Hambourg : Buske Verlag. KONOPCZYNSKI G. & VINTER S. (eds) (1995) : Le développement langagier : une prédiction précoce est-elle possible ? L'Ortho-Édition. LENTIN L. (1998) : Apprendre à penser, parler, lire, écrire. Paris : E.S.F. Editeur. LESTAGE A. (1990) : Apprendre à parler, c'est apprendre à communiquer. Paris : Nathan, Education Enfantine. MARCOS H. (1998) : De la communication prélinguistique au langage : Formes et fonctions. L'Harmattan . MEHLER J., DUPOUX E. (1990) : Naître humain, Paris : Odile Jacob. MORO C., SCHNEUWLY B. & BROSSARD M. (1997) : Outils et signes : perspectives actuelles de la théorie de Vygotski. Bern : Peter Lang. MOSCATO M. & PIERAUT-LE BONNIEC G. (éds.) (1993) : Le langage: construction et réalisation. Publications de l'Université de Rouen N°98. PERREGAUX C. (1994) : Les Enfants à deux voix. Berlin : Peter Lang. RONDAL J. (1986 2e édit.) : Langage et éducation. Bruxelles : Mardaga. RONDAL J. (1997) : L'évaluation du langage. Bruxelles: Mardaga. SADEK-KHALIL D. (1982-1991) : Quatre libres cours sur le langage. Editions du Papyrus. SADEK-KHALIL D. (1997) : Apport de la linguistique à la pédagogie et apport de la pédagogie à la linguistique. Éditions du Papyrus. STERN D. (1977) : Mère-enfant. Les premières relations, Liège : Pierre Mardaga. STRATEN A. Van Der (1991) : Premiers gestes, premiers mots, Paris : PaïdosLe Centurion. VINTER S. (1995) : L'émergence du langage. In M. GLAUMAUD-CARRÉ et M. MANUELIAN-RAVET : Le Bébé et les apprentissages. SYROS, 117-130. VINTER S. (1997) : Du son au signe linguistique. Les Cahiers de l'audition. 10, 3, 6-14. VYGOSTKI L. (1997, Trad. française F. Sève) : Pensée et langage. La Dispute.

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◆ PÉRIODIQUES : NUMEROS SPECIAUX Les orthophonistes ayant facilement accès à Rééducation Orthophonique et à Glossa, nous n'avons pas indiqué les nombreuses références des textes concernant l'acquisition du langage publiées dans ces deux revues. Il est intéressant de consulter également le Bulletin d'Audiophonologie, Enfance et le Bulletin de Psychologie. - Les Cahiers du Creslef (1995) : Développement du langage : Acquisition, Détérioration. G. Konopczynski (éd.) N° 39-40, 1/2. Besançon. - CALAP (1994) : Les Faits Intonatifs dans l'Acquisition et la Pathologie du Langage, N° 11. Paris : Université René Descartes. - Annales Littéraires de Franche-Comté N° 631. (1995) Actes du Colloque International sur l'Acquisition de la Syntaxe en Langue Maternelle et en langue Etrangère (éd.C. Martinot). - TRANEL (1996) : Discours Oraux - Discours Ecrits : Quelles relations ? 1996 N° 25. - Langue Française (1998) N° 118 Mai : Acquisition du français. (éd. C. Martinot). Larousse. - Confrontations Orthophoniques de Franche-Comté N°2 : Influence du système théorique de Gustave Guillaume sur la rééducation du langage : Autour des travaux de Denise Sadek-Khalil (éds. S. Vinter & P. Chalumeau) (à paraître 1998).

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APPEL A COMMUNICATION La prochaine journée des

Entretiens d’Orthophonie de Bichat se déroulera le

25 septembre 1999 Elle aura pour thème central :

ATTENTION - PERCEPTION La journée comportera des communications, des films vidéo et des tables rondes. Les propositions de communication doivent être envoyées en un exemplaire, avant le 15 janvier 1999 impérativement, au secrétariat général des Journées d’Orthophonie, à : Marie-Pierre Thibault 1, Parc de la Londe 76130 Mont Saint Aignan Elles consisteront en un résumé explicite de la communication envisagée. Il est demandé aux auteurs de joindre leurs coordonnées postales et électroniques complètes ainsi que les éléments d’information utiles relatifs à leur curriculum vitæ. Le comité de lecture se réunira fin janvier pour retenir le programme définitif parmi les sujets proposés. Les auteurs retenus devront faire parvenir leur texte définitif dans les délais impartis. Des consignes de présentation seront précisées ultérieurement.

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NOTES

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Aucun article ou résumé publié dans cette revue ne peut être reproduit sous forme d’imprimé, photocopie, microfilm ou par tout autre procédé sans l’autorisation expresse des auteurs et de l’éditeur.

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DERNIERS NUMÉROS PARUS N °1 91 : Aspects pragmatiques de la modification des rôles discursifs dans une psychothérapie d’enfant (retard de parole et de langage (M.C.POUDER). — Evaluation du langage spontané de l’enfant (M.MONFORT). — A propos du niveau de langage de 16 élèves de SEGPA (A. GIROLAMI-BOULINIER, L. GINESY). — Du préfixe RE comme paradigme du changement (A. MÉNISSIER). — Evolutions du bilan de langage de l’adulte âgé (Ch. REMOND-BESUCHET) — Evaluation des troubles du langage en phase initiale de l’aphasie (TRAN THI MAI) — Evaluation et validation de la rééducation en aphasiologie (C. VAILLANDET). — La main droite de l’hémiplégique âgé et l’écriture (G.ENOS). N °1 92 : LANGAGE ÉCRIT - Rencontre avec Rémi et Romain (M. TOUZIN). — Données Actuelles : Le cerveau du dyslexique (M. HABIB) - Apport de la neuropsychologie cognitive à la pratique orthophonique (S. VALDOIS) - Reconnaissance visuelle de mots et dyslexies de l’enfant (S. CASALIS) - Acquisition de la lecture (et de l’écriture) dans les systèmes d’écriture alphabétique (L. SPRENGER-CHAROLLES) Métaphonologie, acquisition du langage écrit et problèmes connexes (J. ALEGRIA) - Impuissance apprise et dyslexie (F. NOUGARO, L. VERA) — Examens & Interventions : Influences croisées de la stratégie « phénicienne » induite et des défaillances de la mémoire de travail chez un enfant dyslexique-dysorthographique (M. PLAZA).- Etude de cas : Yann (S. LARGER) — Perspectives : (E. LEDERLÉ). N °1 93 : I.M.O.C. - Rencontre ( B .W A H L ) — Données Actuelles : Infirmités Motrices d’Origine Cérébrale Généralités ( F .R E V O L ) - Paroles d’enfants IMC (F. DE BARBOT) - L’enfant porteur d’un handicap sévère et sa famille (M. MARTINET, J.M. BLANC) - Déficits visuo-spatiaux et dyspraxies : une entrave aux apprentissages (M. MAZEAU) - Etude du développement intellectuel et du langage chez 34 enfants présentant une hémiplégie cérébrale congénitale (S. GONZALEZ, F. COMBE, A. RITZ, A.S. EYRAUD, C. EBERHARDT, C. BERARD) - Evaluation médicale des IMC lourdement handicapés par leur dysarthrie ou leur absence d’expression orale (pour raison mécanique) (D. TRUSCELLI) - Bilan de langage et diagnostics chez les enfants infirmes moteurs cérébraux (M.H.MARCHAND) - Les conditions neuromotrices de l’apprentissage de la parole chez l’IMOC (A. LESPARGOT) - Des moyens différents pour communiquer et développer le langage (M.H.MARCHAND) — Examens & Interventions : L’évolution des conduites de communication chez un enfant polyhandicapé (A.TOSCANELLI-ROUAULT) - Les troubles de la motricité bucco-faciale de l’enfant IMC (D. CRUNELLE) - La rééducation des troubles de la déglutition des enfants et adolescents I.M.O.C. (C. SENEZ) - Les systèmes de communication alternative chez l’enfant IMC (M. MONFORT, A. JUAREZ-SÀNCHEZ) — Perspectives : Facilitation à la mise en place de tableaux ou d’aides techniques de communication (E. CATAIX-NÈGRE) - Etude de cas : Romain - Quel cheminement pour une synthèse vocale ? (J.CHAILLEY) - O.E.A./A.T.C. (Outil d’Evaluation Adapté) (Téléthèses) - Evaluation préalable à la mise en place d’une aide technique à la communication (A. D’ALBOY, V. CHATAING). N °1 94 : LES PATHOLOGIES VOCALES CHEZ L’ENFANT - L’enfant, sa demande et sa motivation Rencontre (C.KLEIN-DALLANT) — Données Actuelles : Les dysphonies de l’enfant : aspects cliniques et thérapeutiques (G. CORNUT, A. TROLLIET-CORNUT) - L’évolution de l’appareil phonatoire et la voix et l’enfant (V. WOIZARD, J. PERCODANI, E. SERRANO, J.J. PESSEY) - Particularités du travail vocal en rééducation (B. AMY DE LA BRETÈQUE) - Qualité de voix chez l’enfant et facteurs sociaux / environnementaux (P.H. DEJONCKERE) - Pour une logique dans la démarche rééducative de la dysphonie de l’enfant (M.C. PFAUWADEL) - Le chant chez l’enfant et ses difficultés (J. SARFATI) - Dysphonie de l’enfant : relations entre professeur de formation musicale et phoniatre (M. LECOQ) — Examens et interventions : Expérience clinique de la rééducation vocale de l’enfant (F. MARQUIS) - Le profil vocal et son adaptation chez l’enfant (F. DEJONG-ESTIENNE) - L’enfant et sa voix. Comment les réconcilier. Le but, les étapes et les moyens qui font la trame d’une rééducation (F. DEJONG-ESTIENNE) - Relaxer l’enfant ou détendre sa voix ? (C.KLEIN-DALLANT) - Voix et oralité chez l’enfant dysphonique (C.THIBAULT) - Rééducation vocale de l’enfant : écoute ce qui est (P. LUPU) - Bertrand, l’histoire d’une mue faussée. Utilisation de la méthode des mouvements minimaux associée à cette rééducaation ( M .H A B I F ) - Apports de la sophrologie en rééducation vocale de la dysphonie de l’enfant hypertonique (E. DE MONTAUZAN) — Perspectives : Que deviennent les dysphonies de l’enfant à l’âge adulte ? (D. HEUILLET-MARTIN, C. SEYOT) - Questionnaire ( C .K L E I N DALLANT) - Questions et réponses (J. ABITBOL). N °1 95 : LES MALADIES NEURO-DÉGÉNÉRATIVES - La prise en charge orthophonique des maladies neurologiques - Rencontre (F. MARTIN) — Données Actuelles : Plasticité du système nerveux : chances de réhabilitation (N. ANNUNCIATO) - Importance des facteurs neurotrophiques dans la régénération du système nerveux (N. ANNUNCIATO) - Les maladies neurologiques chroniques dégénératives et la réadaptation (C. HAMONET) - Les troubles de la déglutition dans la maladie de Parkinson (B. ROUBEAU) - Fonctions cognitives et sclérose latérale amyotrophique (S.L.A.) (J. MÉTELLUS) — Examens et interventions : La maladie de Steele-Richardson-Olszewski : diagnostics différentiels et rééducation orthophonique (I. EYOUM, S. DEFIVES-MASSON) - Un cas particulier de chorée : l’hémiballisme (N. COHEN, I. EYOUM) - Sclérose en plaques : examen de la dysarthrie (G. COUTURE, A. VERMES) - L’orthophonie dans la SLA : un accompagnement ? (S. BRIHAYE) — Perspectives : La communication après l’aphémie (S. BRIHAYE) - Aides techniques (A. VETRO, M. VETRO)

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