Stéphanie Perruchoud
2005-06-25
Philanthropos
La personne humaine dans le Nouvel-Âge
Père Marie-Joseph Verlinde Docteur en philosophie et en théologie Professeur à l’Institut Catholique à Lyon
Depuis un peu plus d’une cinquantaine d’année, nous assistons à un bouleversement des mentalités. En effet jusqu’alors, dans nos sociétés occidentales, la pensée et le langage étaient modelés par la pensée judéo-chrétienne. Aujourd’hui, un nouveau courant imprégné de philosophie et de spiritualité, une sorte de nébuleuse nommée Nouvel-Âge, fait son apparition et s’impose comme étant le nouveau paradigme, celui qui réunit tout ce qui a été cru ou pensé. Une considération de son origine et sa substance seront donc nécessaires pour aborder ce thème et comprendre la portée de son influence. Cette doctrine spirituelle se veut également comme une synthèse permettant à l’homme de trouver son « bien être » et de se réaliser. Mais dans une vision anthropologique, qui considère l’homme dans sa totalité, corps et esprit, nous pouvons nous demander si le Nouvelâge répond à tous les besoins de son être. Dans ce module, le père Verlinde a donc exposé les enjeux et les apories d’une telle philosophie. 1/Origine du Nouvel-Âge -Un nouveau Paradigme Le mot nouvel age n’est pas un mouvement. Il n’a pas de doctrine, pas de hiérarchie, pas de fondateur. C’est un réseau de réseau, un méta réseau, qui rassemble un réseau de mouvements : l’écologie, la médecine, le spiritisme. On peut le nommer « nébuleuse mysticoésotérique ». Il y 3 grandes branches : une théorique (ésotérisme ), une contemplative (mystique) et une performative (alchimie, magie). Ces trois courants peuvent être regroupés par un ensemble de mouvements. Aucune doctrine ne précise est présente, mais le point commun des trois se résume en quelques axiomes: Panthéisme, Naturalisme (toute doctrine qui naturalise Dieu ou qui divinise la nature), Monisme (pas de Dieu transcendant, nous sommes donc tous divins). Tout est dans tout. Dans l’écologie sacrée, si tout est divin, il faut respecter la nature, car tout est Dieu. Avant, il y avait un Paradigme judéo-chrétien : l’homme est responsable devant Dieu, car il est libre. Aujourd’hui certains avancent l’idée d’un nouveau Paradigme de vie. Le Nouvel-Âge se définit donc comme un « syncrétisme d’éléments séculiers et ésotériques » qui annonce le moment de changer radicalement les individus, la société et le monde. Plusieurs expressions de ce besoin de changement existent de manières particulières : -De la physique newtonienne à la physique quantique -De l’exaltation moderne de la raison à la valorisation des sentiments, des émotions -D’une société patriarcale à une société féminine, où les valeurs de la femme sont exaltées La différence entre les deux paradigmes est donc énorme. 1
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-Des origines dans la pensée scientifique Dans le nouvel âge, une approche dite scientifique se rend présente. C’est une pseudo science ésotérique qui ne se base pas sur une réelle science classique. Elle refuse toute Révélation parce que cela est indigne de l’homme, car il serait dépendant d’un autre pour découvrir la vérité. Nous ne serions plus autonomes. Cela fait référence au rationalisme. L’ésotérisme est donc tributaire d’un rationalisme. Lessing (1729-1781), rationaliste, affirmait que la raison émane sans être diminuée de la raison divine. Tout ce que nous connaissons, nous le connaissons aussi bien que Dieu. Nous n’avons donc pas besoin d’une Révélation. Celle-ci est, cependant, nécessaire car tous les hommes ne sont pas philosophes(Spinoza). L’intelligence peut trouver par elle-même la Vérité. La finalité est le Salut et Dieu donne au pauvre la Révélation pour pouvoir sauver tout le monde. Pour les chrétiens, c’est la lumière de la foi qui éclaire la raison. Pour Spinoza la foi est une autre façon de nous donner accès à la raison. La raison est souveraine. L’ésotérisme s’inscrit dans cette pensée. -Des origines dans la pensée romantique Le romantisme rajoute au Nouvel-Âge une dimension de sentiment. Emmanuel Kant dit que Dieu est une condition de possibilité de ma pensée. Tout est condition de possibilité pour Kant. Dieu est une idée qui peut faire l’unité de ma pensée. Il a coupé le chemin vers Dieu réduisant tout au discours en instaurant des impératifs catégoriques : tu ne tueras pas… Aujourd’hui, on se méfie des valeurs : pas de vérités objectives. Ce qui est bien pour nous et mal pour l’autre. Il y une relativisation des valeurs et des concepts de Dieu. Après Kant, on s’épuise. L’ésotérisme, s’attache donc au rationalisme mais également à la filière romantique. Dieu est une idée dont nous pouvons faire une expérience, un sentiment. Quand je regarde la nature j’ai un sentiment de Dieu. Quand j’écoute le clapotis de Dieu j’entends les nymphes. Il y une présence du divin un peu partout. C’est une réaction contre le rationalisme. -Les grandes figures du Nouvel-Âge •
Helena Petrovna Blavatsky (1831-1891) :
Femme mystérieuse qui a lancé véritablement « le milieu ». Elle a été formée auprès d’un spirite à Paris et a fondé la Société Théosophique en 1875 à New-York.. Madame Blawatski, aventurière médium-spirite, a écrit plusieurs ouvrages dont « Isis dévoilée » ou « La Doctrine secrète » qui sont les références du Nouvel-Âge. Phénomènes paranormaux et antichristianisme virulent semblent caractériser les débuts de la Société Théosophique. •
Annie Besant (1847-1933) :
Annie Besant va continuer de diriger la Société après la mort de madame Blawatsky. Elle dirigea également la Ligue Malthusienne en Grande-Bretagne. Elle se montrera moins virulente contre le christianisme et réutilisera quelques notions a d’autres fins. Elle faillit provoquer la perte de l’Ecole en annonçant le nouveau « Christ cosmique » dans la personne de Krischnamurti qui, en 1929, se déroba. •
Rudolf Steiner( 1861-1925) :
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Redoutable et très intelligent ésotérique qui devient le chef de l’Ecole Théosophique d’Allemagne. Rudolf crée sa propre école : l’Anthroposophie. Il s’agit d’une école initiatique. Pour lui, Jésus est une réincarnation de Zarathoustra. Il y a en fait deux récits de la petite enfance. Zarathoustra vécu jusqu’au baptême et son esprit le quitta pour laisser celui du Christ venir. L’anthroposophe créa tout un système qui eut beaucoup de succès. 2/ Les grands thèmes du Nouvel-Âge -Le cosmos est animé par une énergie Depuis Einstein, on sait que la matière contient de l’énergie, plus précisément, « la matière est de l’énergie cristallisée. » Ceci est un fait scientifique, or la philosophie peut l’envisager de deux manières : c’est une énergie crée par Dieu ou bien une énergie qui émane de Dieu. C’est la première idée que retient le Christianisme : Dieu ne nous tire pas de Luimême, il crée ex nihilo, c’est-à-dire à partir de rien. Le Nouvel-Âge, quant à lui, propose une doctrine émanationiste. Dieu se transforme à l’intérieur de lui-même. Tout est à l’intérieur de Dieu, donc tout est Dieu. Il y a quelque chose de divin en la plante, mais elle n’en a pas conscience. Le Nouvel-Âge parle de créer mais il faudrait parler d’émaner. Ce n’est plus Dieu, c’est une Energie. Dieu a crée le monde en émanant un liquide humain qui s’est solidifié. Il n’y a donc pas de différence entre le crée et l’incréé. Dieu est un soleil qui, lorsque les rayons s’éloignent, perd de son énergie et celle-ci se cristallise dans la matière. L’énergie divine constitue un spectre. Nous sommes une étincelle divine à l’intérieur de Dieu, il n’y a pas de Dieu personnel. La plante est une étincelle divine cristallisée. Dieu se perd dans la matière. Parvenu jusqu’à la matière, l’énergie divine doit remonter en ayant fait toute cette expérience. Nous faisons partie de cette étincelle qui veut remonter. Donc nous sommes tous Dieu. Il n’y a donc pas besoin d’un Sauveur ou d’un Créateur auquel j’appartiendrais et dépendrais. -Le Christ cosmique Pour le Nouvel-Âge, la figure historique de Jésus est seulement l’incarnation d’une idée, d’une énergie ou d’un ensemble de vibrations. Pour les personnes adeptes de cette pensée, il faut un grand jour de supplications, au cours duquel tous les croyants créeront une telle concentration d’énergie spirituelle qu’il y aura une nouvelle incarnation qui révèlera aux hommes comment ils peuvent se sauver. C’est pourquoi, il ne faut pas confondre le retour du Christ cosmique et le retour du Christ en gloire. Pour beaucoup, Jésus n’est rien d’autre qu’un maître spirituel qui, comme Bouddha, Moïse, etc. a été habité par le Christ cosmique. Il représente l’état le plus haut du moi. De plus, la notion de péché étant inexistante, nous n’avons pas besoin d’un sauveur. -
Harmonie du corps avec le cosmos
Pour le Nouvel-Âge, la médecine officielle ne traite que des symptômes particuliers, sans regarder l’ensemble de l’individu, ce qui ne satisfait pas totalement. Les thérapies alternatives prétendent considérer l’homme dans sa totalité. La maladie et la souffrance sont considérées comme conséquences d’un comportement contre nature. La bonne santé se conserve dans cette relation d’harmonie avec la nature. Quelles sont les thérapies proposées ? L’acuponcture, la Kinésiologie, l’homéopathie, le magnétisme, la musique, etc. C’est en nousmême que se trouve la source de guérison et nous pouvons l’atteindre en nous mettant en contact avec les énergies. Le problème avec ces médecines parallèles, et spécialement celles
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qui ont le plus de succès, c’est que la base n’est pas toujours scientifique et que la préparation de produits ou la pratique de certaines techniques de guérisons nécessitent des rites ou prières initiatiques touchant au monde occulte. Cela s’oppose à l’esprit de l’Evangile qui reçoit tout de Dieu comme un don, sans s’attacher excessivement aux biens reçus et offrant tout pour la plus grande gloire de Dieu. -Fascination pour les entités Le monde du Nouvel-Âge est fasciné par toutes les manifestations extraordinaires et spécialement pour les entités paranormales. Certaines personnes, des « médiums », appartenant au monde occulte, affirment être sous l’emprise d’une entité pendant un rite ou une danse ou un rite initiatiques au cours duquel ils perdent certaines de leurs facultés. Ces manifestations sont, d’après eux spirituelles mais elles ne proviennent pas de Dieu. Il s’agit en fait d’une nouvelle forme de spiritisme. Ce que nous sommes en droit de nous demander est : - Quelle est la part de réalité ou de vérité dans ces phénomènes ? - Est-ce que ces entités correspondent à ce qu’il en est dit ou s’agit-il d’une action subtile d’un Ange maléfique ? Tout ce que nous pouvons en dire aujourd’hui est que l’invocation de ces esprits ou de ces entités n’est pas à proprement parler pas religieuse ! -La recherche de totalité Les différentes branches incluses au « milieu » témoignent qu’il y a, dans ce mouvement, une recherche de totalité. Toute forme de dualisme est condamnée. C’est pourquoi, selon eux, il faut dépasser les distinctions entre Créateur-crée, homme et nature, forme et matière, etc. Evidemment cette critique du dualisme s’adresse tout particulièrement au judéo-christianisme. En réalité la vision chrétienne est une vision d’unité entre l’âme et du corps, mais sans confusion des parties et l’homme, crée à l’image et à la ressemblance de Dieu est appelé à cette communion avec lui mais tout en restant de nature humaine. Une autre critique que fait le Nouvel-Âge s’adresse aux scientifiques qui réduisent l’esprit à la matière. 3/ Le Nouvel-Âge est un matérialisme Le Nouvel-âge prétend viser une totalité de l’homme en prenant soin du corporel et du spirituel au moyen de diverses techniques. Il accuse le Christianisme d’avoir empêché la pleine manifestation de l’Humanité authentique. La Religion chrétienne, qui a marqué l’ère du Poisson, doit être remplacée par la Religion du Monde Nouveau que l’Instructeur mondial viendra mettre en place en unifiant toutes les religions qui auront préparé sa venue. Cette religion garantira l’institution d’un Nouvel Ordre Mondial. La totalité de l’homme n’est pas considérée. Tout part des énergies et tout tourne autours des énergies. C’est donc un matérialisme (énergie qui s’identifie à la matière). On ne touche pas au spirituel, c’est du sensualisme, qui touche au sens. Pour l’ésotérisme, il n’y a pas de forme et matière. Pour Platon, le monde des Idées est très haut et pas du tout dans la matière. Aristote dit que l’intelligible est dans la matière. L’âme est la forme du corps. Il y a une ouverture sur la transcendance. Il y une unité substantielle, je sui mon corps. Dans le Nouvel-Âge il n’y a plus du tout cela. Nous pouvons respirer Dieu. Sainte Thérèse d’Avila parle de la fine pointe de l’âme. Je suis Capax Dei. J’entends la voix de Dieu qui parle dans mon cœur. Le cœur de l’homme est fait pour l’Esprit saint. L’âme n’existe pas pour les Esotériciens. Ils ne connaissent pas l’âme spirituelle. L’esprit divin est confondu avec les
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énergies occultes. L’Esprit est une vibration, une force dominant l’Univers. Le divin est plus haut que le spirituel. Le Verbe est vibration pure comme l’ultraviolet et c’est cela qui donne tout. La foi est donc totalement inutile. La foi est une maladie mentale selon certaines personnes. Seuls les énergies et le corps comptent. Il n’y a donc pas une prise en compte totale de la personne humaine. Le Nouvel-Âge est un matérialisme. Conclusion Le Nouvel-Âge s’étend dans notre société à une époque où les valeurs sont remises en cause, où le Christianisme s’essouffle, où la science avance. Le mal et la souffrance dépossédés de leur sens sont perçus comme scandaleux. On recherche donc toujours plus le bien-être de l’homme, mais ce dernier étant également un être spirituel, il faut répondre à sa soif d’absolu. Ce mouvement prétend répondre à cette soif en lui proposant un contact avec les énergies. En réalité, il réduit l’homme à sa matérialité lui reniant son âme et sa possibilité d’avoir une relation personnelle avec Dieu. Ce « milieu » s’affirme en s’opposant principalement au Christianisme. Le mystère de l’homme est grand, mais celui qui peut révéler l’homme véritablement à Lui-même est Dieu seul. Les dons de Dieu se reçoivent et ne se prennent pas de manière autoritaire. Il s’agit peut-être de la plus grande tentation de l’homme : « Vous serez comme des dieux ». On désire se faire juge du bien et du mal et prendre la place de Dieu. La démarche de vérité nécessite une humilité et une acceptation que nous sommes pécheurs, mais infiniment aimés de Dieu. Notre fierté, c’est Jésus et Jésus crucifié.
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