Les stratégies cognitives des bons et mauvais lecteurs et la conception de l'acte de lire et d'apprendre à lire des enseignants
professeur Jean-Paul Martinez, responsable du groupe LIRE ,DSÉ., UQAM Sylvie Amgar, chargée de cours, groupe LIRE, DSÉ.,UQAM
On apprend à lire de la maternelle à l’université. L’acte de lire et son apprentissage reposent sur des processus cognitifs en constante évolution et en interaction. Ce savoir lire devrait se réaliser dans une conception compensatoire et intégrée, modulée par l’intention de lecture, les connaissances antérieures (Martinez, 1982, 1986, 1993, 1994; Romainville, 1993, Tardif, 1994) et les différents types de discours. Comment peut-on l’observer et l’évaluer chez des lecteurs de tous les niveaux scolaires? Les premiers travaux que nous avons mené pour identifier, ce qui était requis pour lire et apprendre à lire , nous ont conduits à élaborer un bilan du savoir lire (Martinez, 1986), qui en traduisait la conception intégrée. À l’inverse, des autres conceptions qui considèrent l’acte de lire et son apprentissage comme une série d’habilités évaluées de façon atomisée. Nous étions les seuls à cette époque a tenir compte de l’intention de lecture claire et précise et des différents types de discours en évaluation du savoir lire (Farr, Carey et Tone, 1986; Martinez 1986). Les stratégies de lecture des élèves du premier cycle du primaire et d’adaptation scolaire (Martinez1992 ), ainsi que celles des élèves du secondaire(Groupe LIRE, 1993) se distinguent beaucoup plus par les connaissances antérieures et leur activation que par l’utilisation différentes des stratégies de lecture. Les étudiants de l’université utilisent-ils les mêmes stratégies? La gestion et la conscience des stratégies de lecture s’opérationnalisent-elles comme pour les élèves des niveaux inférieurs. Les chercheurs s’entendent pour reconnaître que la lecture doit reposer sur le texte, le contexte et le lecteur, il devrait en être ainsi pour son apprentissage et pour son évaluation (Martinez, 1986; Tardif, 1994; Schimtt et Hopkins, 1993.
LE SAVOIR LIRE DES LECTEURS DU SECONDAIRE Nos travaux ont pour objet de mettre en relief les différents profils de lecteurs, particulièrement ceux de la maternelle, du primaire, du secondaire, des élèves en difficulté ou des adultes illettrés. L’évaluation du savoir-lire est davantage complexifiée par le fait qu’elle doit être tributaire de la conception de la lecture et des pratiques d’enseignement qui en découlent (Tardif, 1994; Martinez, 1993. Une étude descriptive que nous menons au niveau secondaire I à V (NS = 100) montre que les mauvais lecteurs sont ceux qui ont aussi le plus de difficulté à s’autoquestionner et à expliciter leur démarche cognitive. En ce qui concerne, l’utilisation des stratégies de lecture en fonction de l’intention de lecture et des différents types de discours, ces élèves sont rigides au plan cognitif et ne peuvent compenser. Ils utilisent presque toujours la
même stratégie sans égard à l’intention de lecture ni au traitement des informations que celle-ci requiert. Les rapports affectifs avec la lecture sont de l’ordre du rejet, de l’indifférence ou de la nécessité scolaire. Malgré cela, on ne peut pas dire qu’ils ne savent pas lire. Ils lisent quand cela est requis ou que c’est le seul moyen pour s’informer ou se distraire. Par contre, ils ont de la difficulté à activer leurs connaissances antérieures par manque ou méconnaissance de leur utilité. Ils éprouvent des difficultés d’anticipation, d’inférence, d’interprétation et de compréhension des différentes structures de textes. Ces élèves continuent à poursuivre une scolarité qui les mènera peut-être à l’université. Une des principales caractéristiques du lecteur accompli au secondaire (I à V) est, entre autres, l’utilisation d’une variété de stratégies en fonction de son intention et du type de discours. Il se reconnaît aussi par sa conscience explicite des stratégies, à sa capacité à les verbaliser et à son habileté à activer ses connaissances antérieures. Cela rejoint les travaux entrepris par Tardif (1990, 1991, 1992, 1994), ainsi que ceux de Romainville (1993) qui considèrent, à l’instar de la conception compensatoire du modèle intégré que: «L’apprenant efficace ne serait donc pas nécessairement celui qui dispose de telle ou telle stratégie mais bien celui qui exerce sur ces propres manières d’apprendre une réflexion lui permettant de les adapter» (Romainville, 1993, p. 62. On fait la distinction entre le bon et le mauvais lecteur mais aussi entre le lecteur débutant et accompli. Selon nous, à l’inverse des approches ascendante et interactive, la différence entre ces différents lecteurs serait dans la capacité plus ou moins grande d’activation des connaissances antérieures (Tardif 1994) et de leur adaptation à la situation.
L’ÉVALUATION DU SAVOIR LIRE DES LECTEURS À L’UNIVERSITÉ Les profils de mauvais lecteurs du primaire et du secondaire sont-ils observables aussi à l'université? Apparemment, oui! Un nombre considérable d'étudiants de toutes disciplines aurait des difficultés en langue écrite, assez pour échouer aux épreuves du ministère de l'enseignement supérieur. Cet échec en langage écrit semble assez important pour qu'un programme de rattrapage en français soit offert à ces étudiants. L'épreuve du Ministère est en langue écrite, mais nous présupposons que leurs difficultés sont aussi en lecture. Les résultats de certains travaux de recherche iraient dans ce sens (Brooks, 1977) La présente recherche va s’attacher à montrer quelles sont les stratégies cognitives d’un échantillon de lecteurs en difficulté du langage écrit de niveaux secondaire et universitaire. Il s’agit de plusieurs travaux descriptifs que nous menons au sein du groupe de recherche LIRE du Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal. L’évaluation du lecteur se fait en fonction d’un bilan de lecture (Martinez, 1986) qui comporte la lecture de trois types de textes (narratif, argumentatif et informatif) et des
intentions de lecture correspondantes à chacun d’eux. Un questionnaire dont les réponses établissent si le lecteur peut s’autoquestionner et, pour cela, quelles stratégies cognitives de lecture il utilise. Un questionnaire, “Les indices de lecturisation”, indique les rapports affectifs, intellectuels et physiques qu’entretient le lecteur avec la lecture (Martinez, 1993. Ces indices vont nous donner des informations sur la relation essentielle entre le lecteur, le texte et le contexte (Tardif, 1994) Un profil de lecteur s’établit à partir d’une évaluation du savoir-lire où l’on observe les processus et les stratégies.
Les instruments de mesure pour l’évaluation du savoir lire
Le bilan de lecture Ce bilan de lecture est une opérationnalisation informelle de l'acte de lire et d'apprendre à lire (Martinez, 1986), il est de même facture que ceux administrés au primaire et au secondaire. Il se compose de trois textes de types informatifs, argumentatif et narratif chacun précédé d'une intention de lecture claire et précise (Martinez, 1986, 1993.) À la suite de chacune de ces lectures, l’étudiant fait un rappel libre. Pour le présent article, nous ne ferons pas état de ce bilan de lecture. Le questionnaire: “Indices de lecturisation” Ce questionnaire comprend deux volets: famille et classe. Le volet deux n’est pas appliqué à l’université. La classe ne peut être comprise de la même façon que pour les niveaux précédents. Pour le présent article, nous ne ferons pas état des résultats de ce questionnaire. Le questionnaire: “Vos stratégies de lecture” (LIRE, 1993) Il est divisé en deux parties (voir tableau III): Que faites-vous quand vous lisez? Quand vous lisez, que faites-vous en cas de difficulté? L’utilisation du questionnaire, comme technique de prélèvement des données, nous apparaît être un moyen efficace pour évaluer la conscience explicite que les étudiants ont des stratégies qu’ils utilisent. La composante lecteur, à l’instar des composantes texte et contexte, est capitale: une attention particulière doit donc être accordée aux stratégies cognitives qu’il applique (Tardif, 1994). Les stratégies répertoriées dans le questionnaire, l’ont été à partir de travaux expérimentaux, descriptifs et de recherches-actions (Tardif et David, 1991 Stanovitch, 1980; Gaskins, 1991, 1993; Flood et Lapp, 1990; Lewin, 1992; Knight, 1992; Pressley et al, 1992; Schmitt et Baumann, 1990; Schmitt et Hopkins, 1993; McLain, 1991; Martinez,
1982, 1986, 1993. Ce sont celles identifiées, au cours des dix dernières années, par une majorité de chercheurs, sans distinction de leur conception de l’acte de lire et d’apprendre à lire. Nous considérons ces stratégies comme requises pour lire (voir tableau I) Il y a un consensus pour reconnaître que les verbalisations sont le moyen d’explorer les stratégies cognitives et métacognitives. D’où, l’utilisation par plusieurs chercheurs de questionnaires et de grilles d’observation des stratégies cognitives de lecture (Gaskins, 1988; Lewin, 1992, McLain, 1991; Romainville, 1993; Schmitt et Hopkins, 1993. Bien qu’il faille demeurer prudent face à ces réponses, nous pensons que l’utilisation de techniques statistiques nous permet de contrôler cette difficulté. Plus un apprenant connaît les variables liées à la personne, à la tâche et aux stratégies plus son apprentissage en sera efficace par la régulation de son activité cognitive. Donc, les connaissances de faits cognitifs, mesures par des verbalisations ou des questionnaires, sont censées être les prédicteurs idéaux de l’efficacité cognitive... Rendre un enfant sensible à ses états cognitifs pourrait le rendre capable de se comporter cognitivement comme un adulte, de manière experte” (Fisher et Mandl, 1984, p. 220) Nous avons pu constater, dans une recherche antérieure, la validité de cette affirmation. En effet, avec des enfants allophones de milieu multiethnique et d’âge préscolaire, l’enseignement explicite des stratégies de lecture en faisait des lecteurs plus efficaces. Le groupe témoin d’enfants allophones, malgré un enseignement indirect de la lecture ne pouvait se comporter cognitivement comme le groupe expérimental (Martinez, 1993) L’Échantillon Le présent échantillon est constitué d’étudiants inscrits à différents programmes universitaires et qui ont échoué au test de français écrit du Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur du Québec. Pour des raisons de déontologie, nous ne donnerons pas plus d’informations, sous peine d’enfreindre la procédure de dénominalisation. Le nombre d’étudiants retenu pour cette recherche exploratoire est de deux cent soixante-quatorze (N = 274) Le questionnaire a été administré par les chargées de cours à l’université. Les étudiants devaient y répondre après avoir fait une lecture d’un texte informatif Le contenu du questionnaire Les tableaux qui suivent, illustrent les stratégies que les questions sous-tendent. Nous observons que c’est surtout en cas de difficulté que toutes les stratégies sont proposées. S’agit-il d’une erreur? Où une façon habituelle de faire en enseignement, que les concepteurs du questionnaire ont délibérément reflétée? Nous penchons plutôt pour la seconde hypothèse car les enseignants sollicitent peu de stratégies syntaxiques et morphosyntaxiques durant l’apprentissage de la lecture. Cela traduit donc une pratique de lecture assez généralisée. Les travaux sur les stratégies étudiées s’attachent aussi à les repérer,
par la démarche de questionnement, en évaluation du savoir-lire et ce, après la lecture ou en cas de difficulté (Martinez, 1982, 1984, 1986) Tableau III Les stratégies de lecture identifiées par le questionnaire Stratégies grapho-phonétiques 9 - 10 - 11 - 12 (subvocalisation)
Votre façon de lire Stratégies sémantiques 14 - 16 - 17 (retour pendant la lecture)
13 - 15 (retour pendant la lecture)
18 - 19 - 20 (survol)
21 (survol)
23 - 24 - 25- 27 - 28 - 29 (annotations)
Stratégies syntaxiques
34 26 (anticipations) (annotations) Stratégies morpho-syntaxiques Stratégies extraliguistiques 22 (anticipations via l’image) Stratégies métacognitives 8 (conscience des stratégies) 30 (imagerie mentale) 31 (connaissances antérieures) 32 - 33 (auto-questionnement)
Stratégies grapho-phonétiques 37 - 40 - 54 - 55 - 56
Que faites-vous en cas de difficulté? Stratégies sémantiques 38 - 39 - 41 - 42 - 43 - 44 - 45 - 46
Stratégies syntaxiques 49 - 52- 53
Stratégies morpho-syntaxiques Stratégies extralinguistiques 50 47 - 48 Stratégies métacognitives 51 - 57 - 58 - 59 - 61 - 62 - 63 (conscience des stratégies)
Analyse des résultats et commentaires La première grande constatation à faire à la lecture du tableau IV c’est que les étudiants qui ne se considèrent pas en difficulté (32%) sont ceux qui sont conscients de l’utilisation de techniques (question 8) de lecture (60,3%), comparativement à ceux qui se considèrent en difficulté (67,2%) qui ne sont conscients qu’à 47,7%. La conscience métacognitive semble donc être plus développée chez ceux qui se disent ne pas être en difficulté.
En ce qui concerne les stratégies considérées comme les plus grapho-phonétiques (question 9 à 12), un écart important s’observe entre ceux qui se considèrent en difficulté et qui disent utiliser ces stratégies de bas niveau dans une proportion de 54,35%. Selon Winne (1992), il s’agirait de mauvais lecteurs. À l’inverse, ceux qui ne se perçoivent pas en difficulté n’utilisent ces stratégies qu’à 37,7%. Tableau IV Étudiants se disant en difficulté Questions sur les stratégies grapho-phonétiques
Questions métacognitives et utilisation des stratégies
9
10
11
12
13
15
21
26
37
40
58c
71,6
51,6
39,4
54,8
65,8
58,7
56,1
15,5
90,3
66,2
33,1
M = 57%
33,1%
Étudiants ne se disant pas en difficulté Questions sur les stratégies grapho-phonétiques
Questions métacognitives conscience et utilisation des stratégies
9
10
11
12
13
15
21
26
37
40
58c
56,9
37,1
21,6
35,3
61,1
50
67,2
13,8
89,6
57,4
39,1
M = 49%
39,1%
En ce qui concerne l’utilisation de stratégies sémantiques (voir tableau VI), nous observons que lorsqu’elles sont nommées individuellement, il n’y a pas de différence entre les étudiants se disant en difficulté (52,5%) et ceux ne se disant pas en difficulté (52%) Par contre, on observe une différence quand on questionne les étudiants sur l’utilisation de stratégies sémantiques, sans les préciser. Ici encore, c’est toujours ceux qui ne se pensent pas en difficulté qui en font un plus grand usage (81,7%) En ce qui concerne l’utilisation de stratégies morpho-syntaxiques et syntaxiques, il semble que le lecteur débutant ou accompli, selon des auteurs comme Fayol (1992), ne se distingueraient pas. Contrairement à Chomsky (1965, 1969), il soutient que l’apparition de ces stratégies ne se ferait que tardivement, vers l’âge de douze ans. Nous pensons que si ces stratégies n’apparaissent pas plus tôt, c’est qu’elle ne sont ni enseignées ni explicitées au jeune lecteur, en début d’apprentissage. Nous avons même pu constater lors d’une recherche-action en enseignement stratégique de la lecture au préscolaire, auprès d’enfants allophones, qu’aux sollicitations syntaxiques de l’enseignante, les élèves questionnaient sur les règles de ponctuation, sur la structure des phrases, l’orthographe grammatical et les marqueurs du singulier et du pluriel Bien entendu, cet apprentissage
précoce de la lecture se faisait par la lecture de textes signifiants où l’enseignant explicitait aux élèves comment utiliser les différentes stratégies de lecture et compenser si nécessaire (Martinez, 1993) Tableau V Étudiants se disant en difficulté Questions sur les stratégies syntaxiques et morpho-syntaxiques
49 37,7
50 42,1
5,2 29,7
53 48,1
M = 39,4%
Questions méta. conscience et utilisation des stratégies 58b 36,8 36,8%
Étudiants ne se disant pas en difficulté Questions sur les stratégies syntaxiques et morpho-syntaxiques
49 39,1
50 42,1
52 33,9 M = 41,2%
53 49,6
Questions méta. conscience et utilisation des stratégies 58b 43,5 43,5%
Il faut rappeler que les étudiants évalués sont considérés comme étant en difficulté du langage écrit par l’examen du ministère de l’éducation et que, malgré tout, on observe des différences dans la variété et l’utilisation équilibrée des stratégies de lecture. Même en ce qui concerne les stratégies syntaxiques et morpho-syntaxiques qui, pour l’ensemble de l’échantillon, sont celles qui sont le moins utilisées. Cela pourrait s’expliquer par les différences que l’on observe dans la conscience métacognitive et le fait que l’on se considère en difficulté ou non. Nous soutenons cette hypothèse car, nous avons pu constater, et de façon plus marquée, toutes les différences que nous relevons au niveau secondaire (I à V) L’échantillon du secondaire se composait d’élèves réputés en difficulté de lecture et d’autres reconnus comme bons lecteurs. Ces deux groupes se distinguaient aussi car les premiers se disaient en difficulté et reconnaissaient ne pas avoir conscience de l’utilisation de techniques de lecture. Tandis que les seconds, les bons lecteurs, ne se considéraient pas en difficulté de lecture et se disaient conscients d’utiliser des techniques de lecture. C’est pour cela que nous avons procédé, dans l’analyse des résultats, à cette répartition en deux groupes des étudiants en difficulté du langage écrit. L’examen de français du M.E.Q poserait-il des problèmes de validité? Cette recherche ne permet pas de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse. Mais a tout le moins de se questionner
Profils de lecteur des étudiants L’analyse des différentes questions nous a permis de dégager avec une certaine netteté deux groupes bien distincts d’étudiants. Les premiers considèrent à 67,2% qu’ils ont des difficultés de lecture. Tandis que les seconds considèrent qu’ils n’ont pas de difficulté de lecture et cela à 32,8%. Plus encore, ceux qui se perçoivent en difficulté estiment à seulement 47% qu’ils ne sont pas conscients d’utiliser des techniques de lecture. Tandis que ce qui considèrent ne pas avoir de difficulté disent à une grande majorité (60,3%) qu'eux sont conscients d’utiliser des techniques de lecture.. Des stratégies graphophonétiques nous avons isolé celles qui sont les plus primaires et qui provoquent des phénomènes de focalisation. Nous avons pu alors observer très précisément que ceux qui se perçoivent en difficulté de lecture sont ceux qui utilisent à 54,4% plus de stratégies de bas niveau. Contrairement à ceux qui ne s’estiment pas en difficulté de lecture et qui ne les utilisent qu’à 37,7%. Ainsi, on pourrait dire que ceux qui se considérant en difficulté tendraient plus vers un schéma de lecture orale, chuchotée. Tableau VI Deux profils de lecteurs Étudiants se disant en difficulté Étudiants ne se disant pas en difficulté (67,2%) (32,8%) Conscience métacognitive gestion des stratégies 47% 60,3% Stratégies grapho-phonétiques Focalisation Schéma de lecture orale chuchotée 54,35% 37,7% Stratégies morpho-syntaxiques et syntaxiques 39,4% 41,2% Stratégies sémantiques en isolation 52% 52% Stratégies sémantiques en interaction 68% 81,2% Stratégies apprises et enseignées 35,3% 57,9% Niveau de satisfaction 35,7% 55,3%
En ce qui concerne l’utilisation des stratégies de lecture, il semble que ces étudiants disent utiliser plus de stratégies sémantiques, ensuite viendraient les stratégies graphophonétiques et, dans proportion moindre les stratégies morpho-syntaxiques et syntaxiques. Nous supposons qu’il s’agit de profils de lecteurs qui aurait appris d’abord à déchiffrer puis à comprendre (Zagar, 1992) dans une conception de la lecture linéaire et
ascendante. , Contrairement, au profil des bons lecteurs du secondaire qui présente une utilisation variée et équilibrée des stratégies de lecture. Autre considération non négligeable c’est que, autant au secondaire qu’à l’université, l’activation des connaissances antérieures semble être l’apanage de ceux qui ne se disent pas en difficulté et qui ont une conscience métacognitive des stratégies. Bien qu’à l’université, cette variable s’observe moins qu’au secondaire. Cela s’explique par le fait qu’au secondaire, il s’agit d’une comparaison entre bons et mauvais lecteurs, ; tandis qu’à l’université, il s’agit d’étudiants en difficulté du langage écrit, les un s’estimant en difficulté, les autres pas. Une autre variable qui nous semble importante est qui est aussi discriminante au secondaire qu’à l’université c’est la perception de soi en tant que lecteur. Ainsi, les étudiants se disant en difficulté, considèrent, à 34,4% qu’ils sont satisfaits d’eux-mêmes, alors que ceux qui ne se considèrent pas en difficulté s’estiment satisfait d’eux-mêmes à 77%. Le fait d’utiliser des stratégies grapho-phonétiques, les plus primaires, en isolation semblent être la caractéristique des mauvais lecteurs au secondaire et de ceux qui se disent en difficulté à l’université. La relation entre lecture et écriture s’observe, selon certains chercheurs en comparant la compréhension en lecture et la complexité syntaxique. Ils suggèrent l’existence d’une corrélation significative entre la lecture et l’écriture par la mise en relation de ces deux variables (Hammill et McNutt, 1980) La compréhension en lecture s’appuie sur la complexité syntaxique qui est dépendante des structures de chacun des types de textes. Ainsi, on pourrait supposer que les mauvais lecteurs afficheraient des compétences faibles en syntaxe que ce soit en lecture ou en écriture. Les mauvais lecteurs seraient ceux qui n’utilisent que peu et occasionnellement les stratégies morpho-syntaxiques. Les bons lecteurs les appliqueraient quand elles sont requises et interaction avec les autres stratégies (Brooks, 1977) L’organisation syntaxique est, selon Chomsky (1965, 1969) et d’autres chercheurs (Gagné et Pagé 1981), la structure profonde du langage. Et si elle était commune à la lecture, à l’écriture et au langage ? Nous avons soumis un groupe d’élèves allophones d’âge préscolaire à un programme d’immersion en français en leur apprenant à lire, écrire et parler. Comparés à un groupe contrôle d’élèves allophones qui apprenait en le français dans une approche d’immersion classique à l’oral prioritairement nous relevions des compétences langagières plus développées pour le groupe expérimental. Le fait d’intervenir en lecture-écriture nous obligeait à tenir compte plus particulièrement de l’organisation syntaxique. Cela se reflétait dans les grilles d’observation des sollicitations de l’enseignant et du questionnement des élèves (voir tableau I) Un fait très significatif, à Montréal (Québec), les élèves allophones parlaient en français dans la cour de récréation, quand généralement, c’est l’anglais qui sert à la communication interethniques. Les perceptions des parents du groupe expérimental face à l’obligation scolaire en francais se sont modifiées de façon positive et significativement. Contrairement, aux parents du groupe témoin qui conservaient leurs perceptions négatives vis à vis l’obligation scolaire en français (Martinez, 1993) Il y a là matière à réflexion.
Malgré le caractère exploratoire de cette recherche, on peut conclure que les variables que nous venons de mettre en valeur nous permettent d’apporter une vision plus élargie des différent profils de lecteurs. Il faut souligner aussi, en guise de conclusion, que l’utilisation des connaissances antérieures n’apparaît pas être la seule variable qui distinguerait le bon lecteur du mauvais lecteur, comme les premiers résultats semblaient vouloir nous l’indiquer. Les stratégies syntaxiques et morpho-syntaxiques jouent apparemment aussi un rôle discriminant. Des traitements statistiques plus avancés ainsi que des modifications à apporter aux questions paraissent nécessaires, comme l’administration complète du bilan de lecture. Ces correctifs nous permettraient des analyses de données plus raffinées, pour proposer des conclusions plus généralisables.
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