Alors que la Boudeuse avance à la vitesse de ses voiles déployées dans des manœuvres proches de celles du XVIIIème siècle naviguant ainsi constamment entre tradition et modernité du fait de son équipement à bord, qui lui, relie le navire à des satellites grâce aux techniques les plus progressistes du XXIème siècle, Bordencre est lui parti en rétropédalage. La démarche est de revenir un peu à cette première partie européenne du voyage de la Boudeuse dans son expédition Terre Océan. Partie de Fécamp le 21 octobre 2009, elle s’est arrêtée à Brest pour une escale technique, puis à Viveiro au large de la Galice pour une étape forcée du fait des mauvaises conditions météorologiques. Elle a par la suite longé l’Espagne jusqu’aux Canaries où elle a fait escale au mouillage de l’île de Lazarote avant de rejoindre la base navale de Dakar qu’elle a quittée le 8 décembre pour commencer sa traversée de l’Atlantique. Ainsi a-t-elle, dans sa première étape, longé tous ces territoires à façade atlantique de l’Europe et de l’Afrique, comme un échauffement à goûter l’horizon Océan avant de se lancer enfin. A l’heure de la navette spatiale, c’est un Trois Mâts Goelette inspiré du XVIIIème siècle qui va parcourir une bonne partie de notre planète en s’intéressant à son environnement à l’occasion d’une approche autant scientifique que culturelle, philosophique et humaine. C’est Jules Verne qui semble inspirer les porteurs du projet SeaOrbiter (billet du 5 décembre) ce vaisseau-bouée qui va sonder les Océans… Les temporalités de l’avenir sont donc tressées de notre histoire autant que de nos rêves, voire de nos mythes. En même temps nous vivons une société de l’immédiateté dans la circulation de nos informations, de nos émotions, de nos décisions que ce soit à la taille d’un individu ou d’un Etat. Même la Boudeuse n’y échappe pas, puisque malgré les difficultés techniques qu’une telle perspective engendre, elle essaiera de communiquer en interactivité sur l’avancée de sa mission et sur le travail de ses scientifiques à son bord. Pour notre plus grand plaisir et intérêt. Les flux de communication sont sûrement au cœur de notre siècle, dans le façonnement de nos identités. Ils l’ont toujours été, depuis les migrations des
hommes de la préhistoire à aujourd’hui ; simplement les distances se sont raccourcies du fait des technologies. Les modes de pensée peuvent devenir multiples du fait des supports qui sans arrêt fleurissent et trouvent leur place dans le quotidien des hommes bouleversant les façons de communiquer autant que les langues, le rapport à l’écrit, créant de nouveaux codes. Des salons littéraires qui réunissaient les philosophes du XVIIIème siècle aux gazouillis de Twitter, les mots s’échangent avec des fonctions, des portées différentes, mais il y a de l’échange et des identités qui vivent, se côtoient, se frottent, et se transforment, parfois disparaissent….dans une violence du pétrissage qui sûrement n’appartient qu’à notre présent. La communication est constamment en recherche et fait l’objet de défis technologiques les plus fous, et parfois les plus silencieux tellement on ne réfléchit plus à ce que chaque jour nous apporte en nouvelle possibilité. Alors puisque la Boudeuse fait ce chemin de l’Europe à l’Afrique, il m’a semblé utile de se poser un peu sur les défis technologiques de la communication qui sont dans l’actualité du XXIème siècle dans le lien entre ces deux continents. Lien qui ne pourra que transformer nos identités dans ce qui nous ressemble autant que dans ce que le passé a créé comme blessures sur lesquelles la mémoire n’a pas toujours pu agir dans son rôle de temporalité cicatrisante. Ce sera à chacun de nous d’apprendre à vivre ce lien de territoires à territoires de mémoires et de cultures humaines… Les projets qui sont en cours pour relier les deux continents l’un à l’autre concernent autant le déplacement effectif des Hommes que leur lien numérique. - Relier par un tunnel Deux projets sont à l’étude : Le tunnel de Gibraltar qui relierait l’Espagne et le Maroc Pour le coup notre société de l’immédiateté sait aussi cultiver le long terme. L’idée a été initiée en 1980 soit déjà il y aura 30 ans, et une fois les difficultés technologiques maîtrisées sur le papier (cf la brochure
technique) il faudra peut être au moins une vingtaine d’années pour réaliser concrètement l’ouvrage… Il faut dire que si à vol d’oiseau le détroit de Gibraltar est long de 14 kilomètres, géologiquement il faudrait prévoir une distance multipliée par presque quatre fois ce nombre avec une profondeur de creusement jamais réalisée dans un tel projet de tunnel sous-marin, le tunnel de la Manche passant presque pour une peccadille dans ce nouveau défi technique. Comme tout nouveau projet qui tend à favoriser de nouveaux flux de circulation, chacun y projette ses peurs ou espoirs. Le tunnel qui relierait l’Italie à la Tunisie : Il serait long de 60 kilomètres et relierait la Sicile au Cap Bon. Ces deux projets sont malgré des premières démarches loin d’être conceptualisés et réalisés. Les liaisons numériques sont quant à elles bien plus finalisées mais dans une in-équité de territoires.
- Relier par des câbles sous-marins C’est en 2002 que la fibre optique a pu venir alimenter certains territoires de l’Afrique de l’Ouest, dont Dakar, d’où est partie dernièrement la Boudeuse. Un câble sous-marin partant du Portugal vers la Malaisie a pu ancrer 11 points d’Afrique aux autoroutes virtuelles. Un nouveau câble est en cours de construction entre le Gabon et la France pour alimenter d’autres territoires de l’Afrique de l’Ouest.
Les pays de l’Afrique de l’Est devraient également enfin pouvoir bénéficier d’une ouverture au réseau virtuel par câble sous-marin. Jusqu’à présent seules les communications satellitaires étaient possibles. Trois projets sont en concurrence. Avec pour toile de fond, l’urgence de la future Coupe du Monde de football en Afrique du sud. Pour autant, le câble va-t-il à lui seul réduire la « fracture numérique » vécue par les habitants de l’Afrique alors que le numérique est vécu dans ses outils comme un défi d’éducation, de transmission du savoir et de la mémoire…et sûrement de transformation des identités dans le rapport à l’autre, à son territoire, à son travail compte tenu des conséquences dans le quotidien que l’outil internet peut apporter à chaque individu et à son niveau interpersonnel immédiat.