L'automne En France

  • November 2019
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L’Automne en France Automne A Jules Dupré. La rivière s'écoule avec lenteur. Ses eaux Murmurent, près du bord, aux souches des vieux aulnes Qui se teignent de sang ; de hauts peupliers jaunes Sèment leurs feuilles d'or parmi les blonds roseaux. Le vent léger, qui croise en mobiles réseaux Ses rides d'argent clair, laisse de sombres zones Où les arbres, plongeant leurs dômes et leurs cônes, Tremblent, comme agités par des milliers d'oiseaux. Par instants se répète un cri grêle de grive, Et, lancé brusquement des herbes de la rive, Etincelle un joyau dans l'air limpide et bleu ; Un chant aigu prolonge une note stridente ; C'est le martin-pêcheur qui fuit d'une aile ardente Dans un furtif rayon d'émeraude et de feu. Courrières, 1875 Jules BRETON (1827-1906) (Recueil : Les champs et la mer)

En automne Quand de la divine enfant de Norvège, Tout tremblant d'amour, j'osai m'approcher, Il tombait alors des flocons de neige. Comme un martinet revole au clocher, Quand je la revis, plein d'ardeurs plus fortes, Il tombait alors des fleurs de pêcher. Ah ! je te maudis, exil qui l'emportes Et me veux du coeur l'espoir arracher ! Il ne tombe plus que des feuilles mortes. François COPPEE (1842-1908) (Recueil : L’exilée)

Ah ! l'automne est à moi, Et moi je suis à lui, Comme tout à " pourquoi ? Et ce monde à " et puis ? " Quand reviendra l'automne, Cette saison si triste, Je vais m' la passer bonne Au point de vue artiste. Jules LAFORGUE (1860-1887) (Recueil : Des Fleurs de bonne volonté)

Automne Comme la lande est riche aux heures empourprées, Quand les cadrans du ciel ont sonné les vesprées ! Quels longs effeuillements d'angélus par les chênes ! Quels suaves appels des chapelles prochaines ! Là-bas, groupes meuglants de grands boeufs aux yeux glauques Vont menés par des gars aux bruyants soliloques. La poussière déferle en avalanches grises Pleines du chaud relent des vignes et des brises. Un silence a plu dans les solitudes proches : Des Sylphes ont cueilli le parfum mort des cloches. Quelle mélancolie ! Octobre, octobre en voie ! Watteau ! que je vous aime, Autran, ô Millevoye ! Emile NELLIGAN (1879-1941) canadien (Recueil : Motifs poétiques)

Automne Tu le sais, inimitable fraise des bois Comme un charbon ardent aux doigts de qui te cueille :

Le brave, brave automne ! Quand reviendra l'automne, Cette saison si triste, Je vais m' la passer bonne, Au point de vue artiste. Car le vent, je l' connais, Il est de mes amis ! Depuis que je suis né Il fait que j'en gémis... Et je connais la neige, Autant que ma chair même, Son froment me protège Contre les chairs que j'aime... Et comme je comprends Que l'automnal soleil Ne m'a l'air si souffrant Qu'à titre de conseil !... Puis rien ne saurait faire Que mon spleen ne chemine Sous les spleens insulaires Des petites pluies fines....

Leçons et rires buissonniers Ne se commandent pas. Chez le chasseur qui la met en joue L'automne pense-t-elle susciter l'émoi Que nous mettent au coeur les plus jeunes mois ? Blessée à mort, Nature, Et feignant encor D'une Ève enfantine la joue Que fardent non la pudeur mais les confitures Ta mûre témérité S'efforce de mériter La feuille de vigne vierge. Raymond RADIGUET (1903-1923) (Recueil : Les joues en feu)

Automne A pas lents et suivis du chien de la maison Nous refaisons la route à présent trop connue. Un pâle automne saigne au fond de l'avenue, Et des femmes en deuil passent à l'horizon.

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L’Automne en France

Comme dans un préau d'hospice ou de prison, L'air est calme et d'une tristesse contenue ; Et chaque feuille d'or tombe, l'heure venue, Ainsi qu'un souvenir, lente, sur le gazon. Le Silence entre nous marche... Coeurs de mensonges, Chacun, las du voyage, et mûr pour d'autres songes, Rêve égoïstement de retourner au port. Mais les bois ont, ce soir, tant de mélancolie Que notre coeur s'émeut à son tour et s'oublie A parler du passé, sous le ciel qui s'endort, Doucement, à mi-voix, comme d'un enfant mort... Albert SAMAIN (1858-1900) (Recueil : Au jardin de l’infante)

Automne Le vent tourbillonnant, qui rabat les volets, Là-bas tord la forêt comme une chevelure. Des troncs entrechoqués monte un puissant murmure Pareil au bruit des mers, rouleuses de galets.

La Solitude au seuil étend sa vigilance, Et baise, en se penchant, ton front comme une soeur. C'est le refuge élu, c'est la bonne demeure, La cellule aux murs chauds, l'âtre au subtil loisir, Où s'élabore, ainsi qu'un très rare élixir, L'essence fine de la vie intérieure. Là, tu peux déposer le masque et les fardeaux, Loin de la foule et libre, enfin, des simagrées, Afin que le parfum des choses préférées Flotte, seul, pour ton coeur dans les plis des rideaux. C'est la bonne saison, entre toutes féconde, D'adorer tes vrais dieux, sans honte, à ta façon, Et de descendre en toi jusqu'au divin frisson De te découvrir jeune et vierge comme un monde ! Tout est calme ; le vent pleure au fond du couloir ; Ton esprit a rompu ses chaînes imbéciles, Et, nu, penché sur l'eau des heures immobiles, Se mire au pur cristal de son propre miroir : Et, près du feu qui meurt, ce sont des Grâces nues, Des départs de vaisseaux haut voilés dans l'air vif, L'âpre suc d'un baiser sensuel et pensif, Et des soleils couchants sur des eaux inconnues... Magny-les-Hameaux, octobre 1894.

L'Automne qui descend les collines voilées Fait, sous ses pas profonds, tressaillir notre coeur ; Et voici que s'afflige avec plus de ferveur Le tendre désespoir des roses envolées.

Albert SAMAIN (1858-1900) (Recueil : Le chariot d’or)

Le vol des guêpes d'or qui vibrait sans repos S'est tu ; le pêne grince à la grille rouillée ; La tonnelle grelotte et la terre est mouillée, Et le linge blanc claque, éperdu, dans l'enclos.

Dans le silencieux automne

Le jardin nu sourit comme une face aimée Qui vous dit longuement adieu, quand la mort vient ; Seul, le son d'une enclume ou l'aboiement d'un chien Monte, mélancolique, à la vitre fermée. Suscitant des pensers d'immortelle et de buis, La cloche sonne, grave, au coeur de la paroisse ; Et la lumière, avec un long frisson d'angoisse, Ecoute au fond du ciel venir des longues nuits... Les longues nuits demain remplaceront, lugubres, Les limpides matins, les matins frais et fous, Pleins de papillons blancs chavirant dans les choux Et de voix sonnant clair dans les brises salubres. Qu'importe, la maison, sans se plaindre de toi, T'accueille avec son lierre et ses nids d'hirondelle, Et, fêtant le retour du prodigue près d'elle, Fait sortir la fumée à longs flots bleus du toit. Lorsque la vie éclate et ruisselle et flamboie, Ivre du vin trop fort de la terre, et laissant Pendre ses cheveux lourds sur la coupe du sang, L'âme impure est pareille à la fille de joie. Mais les corbeaux au ciel s'assemblent par milliers, Et déjà, reniant sa folie orageuse, L'âme pousse un soupir joyeux de voyageuse Qui retrouve, en rentrant, ses meubles familiers. L'étendard de l'été pend noirci sur sa hampe. Remonte dans ta chambre, accroche ton manteau ; Et que ton rêve, ainsi qu'une rose dans l'eau, S'entr'ouvre au doux soleil intime de la lampe. Dans l'horloge pensive, au timbre avertisseur, Mystérieusement bat le coeur du Silence.

Dans le silencieux automne D'un jour mol et soyeux, Je t'écoute en fermant les yeux, Voisine monotone. Ces gammes de tes doigts hardis, C'était déjà des gammes Quand n'étaient pas encor des dames Mes cousines, jadis ; Et qu'aux toits noirs de la Rafette, Où grince un fer changeant, Les abeilles d'or et d'argent Mettaient l'aurore en fête. Paul-Jean TOULET (1867-1920) (Recueil : Contrerimes)

Automne Vois ce fruit, chaque jour plus tiède et plus vermeil, Se gonfler doucement aux regards du soleil ! Sa sève, à chaque instant plus riche et plus féconde, L'emplit, on le dirait, de volupté profonde. Sous les feux d'un soleil invisible et puissant, Notre coeur est semblable à ce fruit mûrissant. De sucs plus abondants chaque jour il enivre, Et, maintenant mûri, il est heureux de vivre. L'automne vient : le fruit se vide et va tomber, Mais sa gaine est vivante et demande à germer. L'âge arrive, le coeur se referme en silence, Mais, pour l'été promis, il garde sa semence.

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L’Automne en France Ondine VALMORE (1821-1853) L'Automne

Requiem d'automne

Sois le bienvenu, rouge Automne, Accours dans ton riche appareil, Embrase le coteau vermeil Que la vigne pare et festonne.

Tout ce que le monde m'offre ici-bas pour me consoler me pèse. Imitation de Jésus-Christ.

Père, tu rempliras la tonne Qui nous verse le doux sommeil ; Sois le bienvenu, rouge Automne, Accours dans ton riche appareil.

L'automne fait gronder ses grandes orgues grises Et célèbre le deuil des soleils révolus, L'avare automne entasse aux rebords des talus Les vols de feuilles d'or que flagelle la bise.

Déjà la Nymphe qui s'étonne, Blanche de la nuque à l'orteil, Rit aux chants ivres de soleil Que le gai vendangeur entonne. Sois le bienvenu, rouge Automne.

Stérile et glacial reliquaire où s'effrite Ce qui ne peut pas être avec ce qui n'est plus, L'âme s'entrouvre, et son fragile cristal nu Vibre et s'étoile au bruit des branches qui se brisent.

Théodore de BANVILLE (1823-1891) (Recueil : Les cariatides)

Chant d'automne I Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ; Adieu, vive clarté de nos étés trop courts ! J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Le dôme clair de la forêt tremble sans trêve, Tandis que, prompt et froid et sifflant comme un glaive, Le vent aigu du Doute effeuille tes croyances. Que ce soit donc l'automne enfin de ta jeunesse, Ô toi qui vas, au temps où les roses renaissent, Ramasser d'âcres fruits sous l'arbre de Science. Charles GUERIN (1873-1907) (Recueil : Fleurs de neige)

Saison fidèle aux coeurs qu'importune la joie

Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère, Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé, Et, comme le soleil dans son enfer polaire, Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

Saison fidèle aux coeurs qu'importune la joie, Te voilà, chère Automne, encore de retour. La feuille quitte l'arbre, éclatante, et tournoie Dans les forêts à jour.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ; L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd. Mon esprit est pareil à la tour qui succombe Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

Les aboiements des chiens de chasse au loin déchirent L'air inerte où l'on sent l'odeur des champs mouillés. Gonflés d'humidité, les prés mornes soupirent En cédant sous les pieds.

Il me semble, bercé par ce choc monotone, Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part. Pour qui ? - C'était hier l'été ; voici l'automne ! Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

Les oiseaux voyageurs, par bandes, dans les nues, Emigrent vers le Sud et les soleils plus chauds. Les laboureurs, penchés sur les lentes charrues, Couronnent les coteaux.

II

Le soir, à l'horizon, parfois le ciel est rose ; Des troupes de corbeaux traversent le couchant. Dans le creux des sillons de la plaine repose, Pensive, une eau d'argent.

J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre, Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer, Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre, Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer. Et pourtant aimez-moi, tendre coeur ! soyez mère, Même pour un ingrat, même pour un méchant ; Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant. Courte tâche ! La tombe attend ; elle est avide ! Ah ! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux, Goûter, en regrettant l'été blanc et torride, De l'arrière-saison le rayon jaune et doux ! Charles BAUDELAIRE (1821-1867) (Recueil : Les fleurs du mal)

Charles GUERIN (Recueil : L’homme intérieur)

L'automne ou les satyres Hier j'ai rencontré dans un sentier du bois Où j'aime de ma peine à rêver quelquefois, Trois satyres amis ; l'un une outre portait Et pourtant sautelait, le second secouait Un bâton d'olivier, contrefaisant Hercule. Sur les arbres dénus, car Automne leur chef A terre a répandu, tombait le crépuscule. Le troisième satyre, assis sur un coupeau, De sa bouche approcha son rustique pipeau, Fit tant jouer ses doigts qu'il en sortit un son Et menu et enflé, frénétique et plaisant : Lors ses deux compagnons, délivres se faisant,

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L’Automne en France De l'outre le premier et l'autre du bâton, Dansèrent, et j'ai vu leurs pieds aux jambes tortes, Qui, alternés, faisaient voler les feuilles mortes. Jean MOREAS (1856-1910) (Recueil : Enone au clair visage)

L'automne Ô Saison bienfaisante, aimable et douce Automne, Toi que le Soleil voit d'un regard tempéré ; Toi qui par les présents, que ta faveur nous donne, Fais arriver un bien, qu'on a tant espéré. Ce riche amas de fruits, dont ton front se couronne, Rend par tous nos Hameaux, ton Autel révéré ; L'Abondance te suit ; le Plaisir t'environne ; Mais un plaisir tranquille, aussi bien qu'assuré. Bacchus te suit partout ; et Cérès t'accompagne ; Les Côteaux élevés, et la vaste Campagne, Leurs raisins et leurs blés, te montrent tour à tour : Chacun dans l'Univers, a le fruit de ses peines ; Moi seul, hélas moi seul, abusé par l'Amour, N'ai qu'un espoir trompeur, et des promesses vaines. Georges de SCUDERY (1601-1667)

L'automne Ô vous qu'ont enrichis les trésors de Cérès, Préparez-vous, mortels, à de nouveaux bienfaits. Redoublez vos présents, terre heureuse et féconde ; Récompensez encor la main qui vous seconde. Et toi, riant automne, accorde à nos désirs Ce qu'on attend de toi, du repos, des plaisirs, Une douce chaleur, et des jours sans orages. Il vient environné de paisibles nuages, Il voit du haut du ciel le pourpre des raisins, Et l'ambre et l'incarnat des fruits de nos jardins. De coteaux en coteaux la vendange annoncée Rappelle le tumulte et la joie insensée ; J'entends de loin les cris du peuple fortuné Qui court, le thyrse en main, de pampres couronné. Favoris de Bacchus, ministres de Pomone, Célébrez avec moi les charmes de l'automne : L'année à son déclin recouvre sa beauté. L'automne a des couleurs qui manquaient à l'été. Dans ces champs variés, l'or, le pourpre et l'opale, Sur un fond vert encor brillent par intervalle, Et couvrent la forêt, qui borde ces vallons, D'un vaste amphithéâtre étendu sur les monts. L'arbre de Cérasonte au gazon des prairies Oppose l'incarnat de ses branches flétries. Quelles riches couleurs, quels fruits délicieux Ces champs et ces vergers présentent à vos yeux ! Voyez par les zéphyrs la pomme balancée Échapper mollement à la branche affaissée, Le poirier en buisson, courbé sous son trésor, Sur le gazon jauni rouler les globes d'or, Et de ces lambris verts attachés au treillage La pêche succulente entraîner le branchage. Les voilà donc, ces fruits qu'ont annoncés les fleurs Et que l'été brûlant mûrit par ses chaleurs ! Jouissez, ô mortels, et, par des cris de joie, Rendez grâces au ciel des biens qu'il vous envoie ; Que la danse et les chants, les jeux et les amours, Signalent à la fois les derniers des beaux jours.

Jean-François de SAINT-LAMBERT (1716-1803)

Les quatre saisons - L'automne L'automne fait les bruits froissés De nos tumultueux baisers. Dans l'eau tombent les feuilles sèches Et sur ses yeux, les folles mèches. Voici les pèches, les raisins, J'aime mieux sa joue et ses seins. Que me fait le soir triste et rouge, Quand sa lèvre boudeuse bouge ? Le vin qui coule des pressoirs Est moins traître que ses yeux noirs. Charles CROS (1842-1888) (Recueil : Le coffret de santal)

L'automne suit l'Esté et la belle verdure ... L'automne suit l'Esté et la belle verdure Du printemps rajeuni est ensuvant l'yver, Tousjours sur la marine on ne voit estriver Le North contre la nef errante à l'aventure, Nous ne voyons la Lune estre tousjours obscure ; Ainsi comme un croissant on la voit arriver ; Toute chose se change au gré de la nature, Et seul ce changement je ne puis esprouver : Un an est jà passé, et l'autre recommence, Que je suis poursuyvant la plus belle de France Sans avoir eschangé le courage et le cueur Qui fait qu'oresnavant je ne me veux fier A celuy qui a dict, comme asseuré menteur, Qu'on n'est pas aujourdhuy ce qu'on estoit hier. Jacques GREVIN (1538-1570)

L'automne Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure ! Feuillages jaunissants sur les gazons épars ! Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature Convient à la douleur et plaît à mes regards ! Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire, J'aime à revoir encor, pour la dernière fois, Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois ! Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire, A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits, C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire Des lèvres que la mort va fermer pour jamais ! Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie, Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui, Je me retourne encore, et d'un regard d'envie Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui ! Terre, soleil, vallons, belle et douce nature, Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;

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L’Automne en France L'air est si parfumé ! la lumière est si pure ! Aux regards d'un mourant le soleil est si beau ! Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie Ce calice mêlé de nectar et de fiel ! Au fond de cette coupe où je buvais la vie, Peut-être restait-il une goutte de miel ? Peut-être l'avenir me gardait-il encore Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ? Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu ? ... La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ; A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ; Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu'elle expire, S'exhale comme un son triste et mélodieux. Alphonse de LAMARTINE (1790-1869) (Recueil : Méditations poétiques)

Regarde croître l'ombre avec sérénité, Tandis qu'au ciel, des mains blanches et fraternelles Font dans le crépuscule un geste de clarté. Ephraïm MIKHAËL (1866-1890)

Quand reviendra l'automne avec les feuilles mortes Quand reviendra l'automne avec les feuilles mortes Qui couvriront l'étang du moulin ruiné, Quand le vent remplira le trou béant des portes Et l'inutile espace où la meule a tourné, Je veux aller encor m'asseoir sur cette borne, Contre le mur tissé d'un vieux lierre vermeil, Et regarder longtemps dans l'eau glacée et morne S'éteindre mon image et le pâle soleil. Jean MOREAS (1856-1910) (Recueil : Les Stances)

L'automne Le parc bien clos s'emplit de paix et d'ombre lente : Un vent grave a soufflé sur le naïf orgueil Du lys et la candeur de la rose insolente ; Mais les arbres sont beaux comme des rois en deuil. Encore un soir ! Des voix éparses dans l'automne Parlent de calme espoir et d'oubli ; l'on dirait Qu'un verbe de pardon mystérieux résonne Parmi les rameaux d'or de la riche forêt. Au dehors, par delà mon vespéral domaine, La terre a des parfums puissants et ténébreux ; Dans les vignes, le vent vibrant de joie humaine Disperse des clameurs de vendangeurs heureux : C'est l'altière saison des grappes empourprées Des splendeurs de jeunesse éclatent dans les champs. Si j'allais me mêler aux foules enivrées De clairs raisins et si j'allais chanter leurs chants ? Je suis las à présent de mes rêves stériles Que j'ai gardés comme un miraculeux trésor. Je hais comme l'amour mes fiertés puériles Et la rose de deuil comme la rose d'or.

L'automne L'azur n'est plus égal comme un rideau sans pli. La feuille, à tout moment, tressaille, vole et tombe ; Au bois, dans les sentiers où le taillis surplombe, Les taches de soleil, plus larges, ont pâli. Mais l'oeuvre de la sève est partout accompli : La grappe autour du cep se colore et se bombe, Dans le verger la branche au poids des fruits succombe, Et l'été meurt, content de son devoir rempli. Dans l'été de ta vie enrichis-en l'automne ; Ô mortel, sois docile à l'exemple que donne, Depuis des milliers d'ans, la terre au genre humain ; Vois : le front, lisse hier, n'est déjà plus sans rides, Et les cheveux épais seront rares demain : Fuis la honte et l'horreur de vieillir les mains vides. René-François SULLY PRUDHOMME (1839-1907) (Recueil : Les vaines tendresses)

L'Ennui, rhythme dolent de flûte surannée, L'Orgueil, vulgaire choeur d'inutiles buccins, Ne vont-ils pas mourir avec la vieille année Dans le soir bourdonnant de rires et d'essaims ? D'invisibles clairons dans l'Occident de cuivre M'appellent vers la vigne et les impurs vergers ; Je veux aussi ma part dans le péché de vivre ; Seigneur, conduisez-moi parmi les étrangers ! Pourtant tu sais, ô coeur épris de blond mystère, Qu'au pays triomphal des treilles et des vins Veille le dur regret de la forêt austère : Tu pleurerais de honte en leurs sentiers divins. N'écoute pas le cri lointain qui te réclame, Les conseils exhalés dans la senteur des nuits. Tu sais que nul baiser libérateur, mon âme, Ne rompt l'enchantement de tes subtils ennuis. Laisse les vendangeurs en leurs mauvaises vignes, Tu ne t'enivres pas des vins de leur pressoir : Contemple les lueurs candides des grands cygnes Glissant royalement sur les lacs bleus de soir. Et dans le jardin pur de floraisons charnelles

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