La Pensee Politique De Montesquieu

  • June 2020
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MONTESQUIEU Une carrière parlementaire (1689-1717) Charles de Secondat est né le 18 janvier 1689 au Château de la Brède à Bordeaux. Il est issu d’une famille d’importants parlementaires bordelais. Lorsqu’il a sept ans, sa mère meurt. En 1700, il rentre au collège de Juilly, chez les Oratoriens, qu’il quitte en 1705. Il suit des études de droit à Bordeaux. En 1708, il reçoit sa licence de droit et il est reçu en tant qu’avocat au parlement de Bordeaux. En 1713, son père meut et 1714, il est reçu en tant que conseiller au parlement. En 1715, il se marie et épouse Jeanne de Lartigue, une protestante. En 1716, naît son premier fils, Jean-Baptiste. La même année, il est reçu à l’Académie des sciences de Bordeaux. Et la mort de son oncle, il hérite de sa fortune, de sa charge de président au parlement de Bordeaux et du titre de Baron de Montesquieu. En 1717, naît sa fille Marie.

Des premiers écrits au " Lettres Persanes " (1717-1727) Parallèlement à sa charge au parlement, il se passionne pour les sciences. Il rédige alors de nombreux traité de physique, de médecine, mais aussi de politique et de philosophie, ce qui annonce les " Lettres Persanes " qui seront publiées anonymement à Amsterdam en 1721, pour que sa réputation ne soit pas ternie. Mais cet anonymat fut vite percé à jour. Le succès de ce livre lui ouvrit les portes des salons parisiens. Il fréquente notamment la Marquise de Lambert et le Premier Ministre, le Duc de Bourbon. En 1725, il cède sa charge de Président.

Un académicien voyageur (1728-1755) En 1728, il est élu à l’académie française, malgré de nombreuses oppositions, dont celle du nouveau Premier Ministre, le cardinal Fleury. De 1728 à 1731, faisant preuve d’une grande curiosité, il entama une série de voyages et il se rendit en Hongrie, en Italie, en Allemagne, en Autriche et en Hollande. Il resta deux ans en Angleterre. Tous ses voyages lui permirent d’observer précisément la géographie, l’économie, les mœurs et les coutumes politiques des différents pays européens. Pendant quatorze ans, il va travailler à l’œuvre de sa vie, " L’Esprit des Lois ", qui sera publiée anonymement à Genève en 1748. Ce livre, de philosophie politique, eut un immense retentissement mais fut attaqué par les Jésuites et les Jansénistes qui critiquaient sa vision de la religion. Montesquieu

leur répondit en 1750 avec " La Défense de L’Esprit des Lois ". En 1754, il publie une édition révisée des " Lettres Persanes ". Le 10 février 1755, il meurt à Paris d’une fièvre jaune, à l’âge de 66 ans. A une époque où la réflexion politique est étroitement liée au contractualisme, Montesquieu néglige la question du passage de l’état de nature à la société civile, à la différence de l’Ecole du droit naturel, puis de Hobbes, Locke et Rousseau. Le maigre chapitre consacré à la lex naturalis ne contient qu’une critique rapide de la conception hobbienne, Montesquieu affirmant que, loin de montrer de l’agressivité à l’égard de ses semblables, l’homme naturel avait dû être plutôt faible et timide. Voltaire ne croit ni à la bonté primitive de l'homme ni à la chute originelle. Il considère l'être humain comme "passable", à l'image du monde dans lequel il vit.

Partie 1 : Les lois A. L’objectif de l’Esprit des Lois Embrasser toutes les institutions reçues parmi les hommes ; se pencher sur toutes les lois et coutumes diverses de tous les peuples de la terre, pour en rendre raison, pour en déceler l’esprit. Montesquieu ne voulait pas montrer le corps des lois mais leur " âme ", il ne voulait pas faire un traité de jurisprudence : il voulait élaborer " une espèce de méthode " pour étudier la jurisprudence.

B. Qu’est-ce que la loi ? Les lois sont " les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ". Montesquieu soutient (avec les Stoïciens) qu’il y a une raison primitive et que les lois sont les rapports qui se trouvent entre elle et les différents êtres. Ainsi (et ici Montesquieu contredit Hobbes) avant qu’il y eût des lois faites, il y avait une justice possible. Montesquieu voit dans les lois des rapports nécessaires dérivant de la nature des choses. Il les soumet à une étude scientifique et, par cette analyse, prend place parmi les pères fondateurs de la sociologie et de la philosophie politique. La loi, conçue dans sa signification large, comme un rapport nécessaire dérivant de la nature des choses. La loi devient, chez l'homme, une règle voulue, instituée pour assurer la sécurité et la liberté (" loi positive "). La loi " positive " est donc une spécification de la loi dans sa signification étendue.

C. Les causes physiques et les causes morales Montesquieu pense que les lois doivent être relatives au physique du pays (son climat, son terrain, sa superficie) et à la morale des habitants (leur religion, leurs inclinations, leurs mœurs…). Il est important de noter que la " théorie des climats " n’est qu’une des composantes de l’analyse de Montesquieu.

D. La raison et ses lois S'appuyant sur la méthode expérimentale, Montesquieu définit les lois comme des "rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses"; elles expliquent rationnellement les rapports constants de la création divine, de la physique, de la vie animale, mais aussi des hommes, même si la nature passionnée, l'ignorance et la liberté humaines conduisent à leur violation et à la révision des lois morales, politiques et civiles. À la différence de Hobbes, Montesquieu croit à une sociabilité naturelle et considère qu'avec les sociétés commence la formation de lois positives, distinctes selon leurs objets: le droit des gens, qui règle les rapports des nations, le droit politique, qui établit les rapports entre gouvernants et gouvernés, et le droit civil, qui organise les rapports entre les citoyens. En énonçant des rapports, les lois inscrivent l'infinité des cas particuliers dans un système rationnel général. Elles sont ainsi relatives au physique d'un pays, à son climat, à ses mœurs, à son économie, à la religion qu'il pratique, aux valeurs, et, surtout, à la nature et au principe de son gouvernement. Cet ensemble de rapports forme l'"esprit des lois", qui doit être en harmonie avec la nature et la liberté humaines.

Partie 2 : La théorie des gouvernements A. La théorie de la séparation des pouvoirs Montesquieu distingue trois sortes de gouvernement : le républicain, le monarchique et le despotique. républicain : " celui où le peuple, ou seulement une partie du peuple a la souveraine puissance " (cette catégorie comprend donc aristocratie et démocratie) ; monarchique : " celui où un seul gouverne, mais selon des lois fixes et établies " despotique : celui " sans loi et sans règle " dans où celui qui gouverne " entraîne tout par sa volonté et ses caprices "

Le principe de chaque gouvernement dérive naturellement de cette nature ou structure particulière : a) le principe de la démocratie ou de l’Etat populaire est la vertu (chez chaque citoyen, un esprit de constant renoncement à soi-même au profit du bien public, par amour de la patrie et de ses lois, un esprit d’égalité excluant tout privilège). b) le principe du gouvernement aristocratique est la modération (là où les fortunes sont inégales il est rare qu’il y ait un esprit de vertu, c’est pourquoi il faut que les lois tendent à donner un esprit de modération) c) le principe du gouvernement monarchique c’est l’honneur (chacun pris en particulier, chaque catégorie sociale se préfère aux autres, réclame des privilèges, mais cette mêlée d’ambitions a des conséquences positives : chacun travaille au bien commun en croyant ne travailler que pour soi). d) le principe du gouvernement despotique c’est la crainte (le despote est tenu d’avoir toujours le bras levé pour frapper ou au moins pour menacer ; il ravale ses sujets au rang de bêtes obéissantes, dressées à filer doux par peur des coups). Montesquieu explique ensuite que la corruption des gouvernements commence presque toujours par celle de leurs principes : si ceux-ci sont sains, alors les mauvaises lois ont l’effet de bonnes, mais une fois qu’ils sont corrompus, les meilleures lois deviennent mauvaises : " le principe emporte tout ". Montesquieu reprend la traditionnelle typologie des régimes politiques – république, monarchie, despotisme – afin de définir leur nature, et surtout leur principe d'action, essentiel pour comprendre leurs systèmes de lois respectifs. Au sein du régime républicain, il distingue les formes démocratique et aristocratique selon que la souveraineté appartient à tous ou à quelques-uns. Le pouvoir monarchique est pratiqué en relation avec des lois fondamentales et à travers des corps intermédiaires. Le despotisme, quant à lui, est exercé par un seul pour son seul plaisir. Cette typologie permet d'établir une seconde distinction, nouvelle, entre les gouvernements républicain et monarchique, qui sont susceptibles d'être modérés, tandis que le régime despotique, contre nature, est déréglé. Plus que cette catégorisation, c'est la mise en évidence du "ressort" de chaque gouvernement qui est nouvelle. Le régime républicain a pour principe la vertu, qui rend compatible l'exercice de la souveraineté par le peuple et son obéissance; aussi modère-t-il le pouvoir des aristocrates. L'honneur est le principe de la monarchie parce qu'il forme et maintient distinctions et rangs sociaux. Enfin, limitant les ambitions des aristocrates et contraignant le peuple, la crainte est le principe du despotisme. La combinaison des natures et des principes des gouvernements rend possible la modération de la république et de

la monarchie, et marque l'extrême dérèglement du despotisme, que seule la religion peut brider. Les gouvernements modérés doivent établir les lois nécessaires à la conservation de leurs principes contre le péril de leur corruption en despotisme. Montesquieu établit un rapport entre la dimension territoriale d’un Etat et sa forme politique : selon lui, la propriété naturelle des petits Etats est d’être gouvernée en république, celle des " médiocres " d’être gouvernés en monarchie et celles des grands empires d’être dominés par un despote ; donc " pour conserver les principes du gouvernement établi il faut maintenir l’Etat dans la grandeur qu’il avait déjà ". Il parle de subordination de l'exécutif au législatif : celui-ci contient la volonté générale de l'Etat , celui-là l'éxécution de cette volonté générale. Quant à la signification du législatif, c'est qu'il faut que "le peuple fasse par ses représentants tout ce qu'il ne peut pas faire par lui-même". Locke insistait sur la continuité, pour ainsi dire, entre la masse du peuple et le corps des représentants. Montesquieu, lui, va insister sur ce qui distingue le corps des représentants de la masse du peuple. Car si le peuple est tout à fait capable de bien choisir ses représentants, il n'est pas apte à bien délibérer. Et c'est du corps législatif que vient le danger premier : c'est lui, titulaire de la légitimité représentative, qui est le plus naturellement tenté et en mesure d'accroître abusivement son pouvoir. Pour tout dire, toutes les dispositions constitutionnelles ont pour but de rendre les deux pouvoirs approximativement égaux en force, ou en capacités, alors qu'en vertu du principe de légitimité, l'exécutif devrait être strictement subordonné au législatif. Son génie, c'est qu'à l'objection classique des absolutistes : il faut bien que quelqu'un décide en dernier ressort, et celui-là a nécessairement la souveraineté absolue, Montesquieu répond : il faut bien en effet que les décisions soient prises, mais cela ne signifie nullement que ces décisions doivent être prises par un pouvoir. Une décision peut être prise par deux pouvoirs qui se sont accordés ; et ils s'accorderont --volens nolens-- précisément parce qu'il faut qu'une décision soit prise. Le vrai souverain n'est ni le législatif ni l'exécutif, c'est la nécessité : la plupart des décisions prises n'auront été voulues telles quelles par aucun des deux pouvoirs. Chacun des deux pouvoirs, précisément parce qu'il fait face à un autre pouvoir de force approximativement égale, a besoin de partisans. Et parce qu'il est un pouvoir, il en attirera nécessairement.

Ainsi, parce que la société est représentée par un pouvoir divisé, les citoyens vont être impuissants à se faire beaucoup de mal les uns aux autres. Si un des pouvoirs paraît trop l'emporter, les citoyens se porteront au secours de l'autre. C'est que ces derniers ont en effet en général un double intérêt : que le pouvoir serve leurs intérêts et qu'il ne pèse pas trop lourdement sur la société ; et un double sentiment : que le pouvoir qui les favorise et qu'ils soutiennent les "représente", est "leur" pouvoir, et aussi qu'il est différent d'eux, distant, qu'il ne les comprend pas, va les trahir. Et c'est le jeu inévitable de ces deux intérêts et de ces deux sentiments inséparables qui garantit que les citoyens se porteront spontanément au secours du pouvoir qui sera devenu trop faible.

B. La modération du gouvernement et du législateur 1. Le législateur modéré Montesquieu prône la modération du législateur : " l’esprit de modération doit être celui du législateur ; le bien politique comme le bien moral se trouve toujours entre deux limites ".

2. Le gouvernement modéré Montesquieu s’inscrit dans la droite ligne du libéralisme noble ou aristocratique dont la bête noire n’était pas l’absolutisme en soi, mais son mode d’exercice louis-quatorzien arbitraire et despotique. Monarchie et despotisme. Pour Aristote, la tyrannie n’était qu’une variante de la monarchie. Pour Montesquieu c’est un type distinct de gouvernement, différent à la fois dans sa nature et dans son principe. Mais comment faire en sorte que la monarchie, gouvernement modéré, ne vire pas au despotisme ? Ce sont sa nature et son principe qui lui permettent de rester un gouvernement modéré. Cette nature postule des corps intermédiaires, " subordonnés et dépendants ", " des canaux moyens par où coule la puissance ". Ces corps font office de contrepouvoirs car il est de leur essence même de résister opiniâtrement aux incursions indues du souverain au nom de cet honneur de corps qui a ses règles fixes. Les autres contre forces sont le clergé, les parlements (qui ont le dépôt des lois fondamentales), les villes (avec leurs privilèges) et les justices seigneuriales. Le système monarchique est présenté par Montesquieu comme un frein à tous les excès. Monarchie et corruption. Pourtant la monarchie n’échappe pas plus que les autres gouvernements à la corruption et Montesquieu le reconnaît : " la

monarchie se perd, lorsqu’un prince croit qu’il montre plus sa puissance en changeant l’ordre des choses qu’en le suivant, lorsqu’il ôte les fonctions naturelles des uns pour les donner à d’autres, et lorsqu’il est plus amoureux de ses fantaisies que de ses volontés ". Montesquieu explique également pourquoi les hommes ne se soulèvent pas contre le fléau qu’est le despotisme : un gouvernement modéré est " un chef d’œuvre de législation " dont la constitution est complexe et nécessite des compromis ; " un gouvernement despotique, au contraire […] est uniforme partout : comme il ne faut que des passions pour l’établir, tout le monde est bon pour cela ".

Partie 3 : La liberté et le libéralisme politique B. La liberté de tous La liberté de tous. Dans la conception libérale du magistrat, la liberté signifie le droit non pas de tout faire mais "de faire tout ce que les lois permettent; et si un citoyen pouvait faire ce qu'elles défendent, il n'aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir". Inscrite dans la légalité, la liberté se définit négativement, par l'absence d'empiétement sur les libertés d'autrui. Elle est la conséquence non pas d'un régime politique spécifique mais de la modération des gouvernements qui règle la liberté d'indépendance et les excès du pouvoir. Montesquieu étudie donc avec une attention particulière les lois pénales et fiscales qui portent sur la situation du citoyen dans la vie civile et qui permettent au gouvernement d'assurer la liberté de tous.

B. La liberté politique La liberté politique, relative au rapport entre le citoyen et la Constitution, et la liberté civile, qui concerne le rapport entre le citoyen et les lois, forment l'objet essentiel de De l'esprit des lois. Affirmant que "tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser", Montesquieu tente de trouver les moyens par lesquels "le pouvoir arrête le pouvoir" et de garantir par là la liberté des citoyens. La Constitution de l'Angleterre, établie sur la séparation des pouvoirs, fournit un modèle de gouvernement modéré dont le but est la liberté.

C. Le libéralisme politique Mais l'opposition inaugurée par Montesquieu entre pouvoir et liberté, qui fait de lui l'un des fondateurs du libéralisme politique, ne se réduit pas à la séparation des pouvoirs. Dans la lignée de Locke, il considère que la représentation politique offre "la meilleure espèce de gouvernement que les hommes aient pu imaginer". Exécutif et législatif forment deux partis parmi les citoyens libres et jaloux de leur indépendance. Pour conserver celle-ci, les citoyens équilibrent la puissance des deux partis. Ainsi placés dans une haine réciproque impuissante, les pouvoirs se maintiennent sans jamais nuire à la liberté. Le principe de modération se traduit dans ce modèle, d'une part, par la distribution des pouvoirs de l'État, d'autre part, par la représentation de citoyens libres. En recherchant "la tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté", qui définit la liberté politique, Montesquieu découvre la capacité des lois à garantir la liberté. Montesquieu souligne d’abord qu’au fil de l’histoire " chacun a appelé liberté le gouvernement qui était conforme à ses coutumes ou à ses inclinations ". On a souvent vu la liberté en république où " les lois paraissent y parler plus et les exécuteurs de la loi moins ", en démocratie où " le peuple paraît à peu près faire ce qu’il veut "… mais une telle approche, explique Montesquieu, reviendrait à confondre " le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple ". En effet, " la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce qu’on ne doit pas vouloir ". La liberté c’est le pouvoir de faire tout ce que les lois permettent mais pas plus (sinon il n’y aurait plus de liberté pour tous les citoyens). Cette liberté politique " ne se trouve que dans les gouvernements modérés ", " mais elle n’est pas toujours dans les Etats modérés ; elle n’y est que lorsqu’on n’abuse pas du pouvoir ; mais c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser (cf. Loi de Thucydide) […] la vertu même a besoin de limites. " L’existence de la liberté politique est donc subordonnée à une certaine disposition des choses (" pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir "). Montesquieu distingue trois sortes de pouvoirs présents dans chaque Etat : " la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil ". Et pour que la liberté politique soit garantie il faut que ses trois pouvoirs soient exercés par des personnes différentes : " Tout serait perdu si le même homme, ou le même groupe de principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs ". Pour commenter la répartition des pouvoirs, Montesquieu prend l’exemple de la constitution d’Angleterre. Le peuple en corps devrait légiférer (dans un Etat

libre, tout homme qui est censé avoir une âme libre doit être gouverné par luimême), mais c’est impossible dans les grands Etats et plein d’inconvénients dans les petits : on aura donc recours à des représentants. Les représentants du peuple partagent le législatif avec les représentants des nobles, lesquels sont représentés à part (dans une autre chambre) sinon ils n’auraient aucun intérêt à défendre car la plupart des décisions seraient prises contre eux. Chacune des parties de ce législatif enchaîne l’autre par une faculté réciproque d’empêcher. De même, ces deux chambres sont liées par l’exécutif (le monarque) comme il est lié par elles ; ainsi, " toutes les parties, si opposées qu’elles nous paraissent, concourent au bien général de la société ; comme des dissonances, dans la musique, concourent à l’accord total ". Cependant, comme l’a justement remarqué Jean-Jacques Chevallier, sans doute Montesquieu n’était-il pas un interprète entièrement fidèle du système anglais car " il semble bien que lui avait échappé le rôle, naissant mais capital, du Cabinet et de son leader le ministre principal ; c’est par lui et par son chef, lien personnel entre le roi et la majorité parlementaire, qu’étaient forcées d’aller de concert les parties mutuellement enchaînées à l’attelage gouvernemental ". Conclusion Sans oser croire possible en France un aussi beau système qu’en Angleterre, Montesquieu a souhaité pour sa patrie un minimum de distribution des puissances : une noblesse héréditaire, un monarque par elle balancé et équilibré, à la fois soutenue et contenue par elle, une monarchie réglée par des lois fixes (donc indépendantes de la volonté éventuellement capricieuse du souverain), un gouvernement modéré (qui ne risquerait pas de verser dans une des deux extrémités tant redoutées par Montesquieu : l’Etat despotique et l’Etat populaire). N.B. : le système de séparation des pouvoirs prôné par Montesquieu tient plus des " checks and balances ", de la fusion des pouvoirs que d’une séparation totale : pour preuve l’ébauche de constitution élaborée par Montesquieu dans laquelle le roi dispose d’un droit de veto en matière législative et le législatif dispose d’un droit d’ingérence en matière judiciaire.

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