Immunopathologie Pour Le Praticien.pdf

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ourquoi parler "d’immunologie" au praticien ?... Parce que la médecine a changé… Aujourd’hui, dans toutes les disciplines médicales… et même parfois chirurgicales, l’immunopathologie a pris une part prépondérante. Cependant, l’immunologie est toujours considérée comme une science complexe "réservée à une élite". Ce sentiment est souvent lié à une information insuffisante des praticiens de "terrain". Nous vous proposons, avec le CRI, de démystifier la complexité de l’immunologie et, à l’instar du DIU Maladies Systémiques sur Internet, nous souhaitons vous donner le goût pour l’immunopathologie. S’il reste parmi vous quelques réfractaires, sachez que nous allons vous aider à décoder un véritable jeu de piste qui aura pour vous des implications pratiques inattendues.

À

quoi sert de mieux comprendre l’immunopathologie ? • L’immunopathologie permet de décoder le mécanisme de nos maladies inflammatoires. Mieux comprendre, c’est faciliter le diagnostic d'affections cliniques complexes dans lesquelles le raisonnement physiopathologique est fondamental. • L’immunopathologie doit aussi permettre de mieux définir une bonne stratégie thérapeutique. C’est un des objectifs majeurs dans les maladies auto-immunes. A l’époque des sels d’or et des corticoïdes, les alternatives étaient réduites. Aujourd’hui, la "palette" des immunomodulateurs rend indispensable la connaissance de leurs modes d’action. • Une bonne maîtrise des immunomodulateurs, c’est aussi anticiper les complications. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une nouvelle ère de l’information médicale demandée, voire exigée par le patient. Il est indispensable que le praticien puisse apporter des explications claires et justifier l’utilisation des immunomodulateurs. • Comprendre ces maladies et leurs traitements, c’est aussi la meilleure façon d’innover, d’essayer de dépasser les recettes diagnostiques et thérapeutiques que l’on nous a enseignées.

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n bref, vous l’avez compris, vous avez besoin de connaître l’immunologie pour être un praticien "moderne". Pour cela, nous proposons de revisiter les bases de l’immunologie, mises à la portée de chacun et d’essayer d’en tirer quelques applications concrètes en particulier dans le domaine des explorations biologiques, du diagnostic clinique et du mécanisme d’action des molécules immunomodulatrices. Grâce à une équipe de passionnés, nous allons essayer de vous ouvrir les portes d’un domaine qui vous fait peut-être "peur". N’ayez aucune crainte car vos réticences disparaîtront grâce aux connaissances que vous allez acquérir et qui vont peut-être vous transformer en inconditionnels immunopathologistes. Chaque chapitre vous décrira des données fondamentales, des applications cliniques, des aspects pratiques ("comment j’explore") et les applications thérapeutiques des concepts décrits. En conclusion de chaque partie, vous découvrirez en synthèse les "points forts", les grandes questions en suspens et un lexique simplifié pour vous permettre de revoir les grandes définitions et les abréviations (parfois un peu ésotériques)… Tout sera fait pour vous faire apprécier l’immunorhumatologie.

■ Xavier Mariette

Jean Sibilia

L’immunopathologie pour le praticien

Éditorial

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1. Le système immunitaire – quel est son rôle ?

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2. Quelles sont les pièces élémentaires dans notre système immunitaire ?

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3. Quels sont les principes fondamentaux du fonctionnement du système immunitaire ?

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• Les cellules de l'immunité ont un ancêtre cellulaire commun. ! • L'éducation des cellules de l'immunité dans les organes lymphoïdes centraux est une étape indispensable. ! • L’interaction entre les cellules de l'immunité innée et adaptative est indispensable pour permettre une réponse immunitaire efficace. ! • L'activation des lymphocytes T et B se fait dans les organes lymphoïdes périphériques lors de la rencontre avec les antigènes qui leurs sont présentés par des cellules présentatrices "professionnelles". ! • L’activation et la coopération lymphocytaires s’effectuent dans les ganglions et la rate et certains sites périphériques. ! • Les lymphocytes activés dans les organes lymphoïdes vont exercer différentes fonctions de défense. !

4. Un exemple permettant d’illustrer l’organisation du système immunitaire : la défense contre les infections. • Que se passe-t-il quand un agent infectieux nous "contamine" ? Le rôle fondamental de l’immunité innée qui est une réponse simple et immédiate • Comment l’immunité innée facilite-t-elle l’apparition d’une réponse immunitaire adaptée ? • Comment s'organise la défense lymphocytaire B ? • Comment s’organise la défense lymphocytaire T ? • Quel est le rôle des populations cellulaires cytotoxiques appelées cellules NK (natural killer) ? • Que se passe-t-il après l'activation des lymphocytes T et B ?

5. Les différentes formes de réponse immunitaire.

2e partie

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Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

1ère partie Les données fondamentales

Chapitre 1

LE SYSTÈME IMMUNITAIRE : QUEL EST SON RÔLE ? QUELLE EST SON ORGANISATION ?

SOMMAIRE

Chapitre 1

Comment j’explore en pratique

le système immunitaire ?

1. En pratique, comment explorer l’immunité humorale ? ! 21 2. En pratique, comment explorer l’immunité cellulaire ? ! 21 3. En pratique, comment expliquer l’immunité innée ?

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1

L’immunopathologie pour le praticien 2

3e partie

Quelles sont les conséquences cliniques

d’une dérégulation du système immunitaire ? 1. Les "défauts" de fonctionnement • Les déficits immunitaires • Les anomalies génétiques de l'apoptose (syndrome ALPS, syndromes d'hémophagocytose) • Les anomalies génétiques de contrôle de l'immunité (syndrome APECEP et syndrome IPEX)

2. Les "excès" de fonctionnement • Les maladies auto-inflammatoires • Les maladies auto-immunes • Les lymphoproliférations • Les allergies

4e partie

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Quels sont les principes généraux

des traitements immunomodulateurs ?

5e partie

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Synthèse

1. Les points forts 2. Les grandes questions

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6e partie

Lexique

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7e partie

Pour en savoir plus

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LE SYSTÈME IMMUNITAIRE : QUEL EST SON RÔLE ? QUELLE EST SON ORGANISATION ? Jean Sibilia - CHU Strasbourg

1ère partie

Chapitre 1

1ère partie Les données fondamentales 1. Le système immunitaire – quel est son rôle ? C’est assez simple… Notre système immunitaire doit nous défendre contre les agressions de notre environnement… et les agresseurs sont nombreux !… Tout être vivant, de la plante la plus élémentaire à l’homme, possède un système capable de lui permettre de survivre. Au cours de l’évolution, le système s’est donc progressivement sophistiqué. Ainsi, si les mouches de votre jardin ne possèdent qu’une immunité archaïque (immunité innée), certains poissons ont comme vous une immunité innée doublée d’une immunité plus évoluée (immunité adaptative). Selon les espèces, le système s’est diversifié pour permettre l’adaptation de l’être vivant dans son environnement. Ainsi, pour les plus curieux d’entre vous, vous pourrez par exemple vous intéresser aux immunoglobulines (IgA) de chameau qui comportent des spécificités originales FIGURE 1 .

Chapitre 1

L’immunologie est la science moderne qui s’intéresse au fonctionnement du système immunitaire. On attribue sa paternité à Edward JENNER qui a démontré qu’il était possible de se protéger contre la variole (1796). Depuis, grâce à ses précurseurs, l’immunologie s’est développée au point de devenir une science majeure du vivant. L’immunologie s’est intéressée pendant longtemps presque exclusivement aux mécanismes de défense anti-infectieuse mais, progressivement, on s’est rendu compte de l’importance de la réponse immunitaire dans la plupart des grandes maladies humaines, comme l’allergie, les maladies néoplasiques et surtout les maladies inflammatoires et auto-immunes. Reste à comprendre comment ce système fonctionne. L’objectif de ce premier chapitre n’est pas de détailler toute l’architecture et les mécanismes de notre système immunitaire, mais plutôt d’essayer de comprendre son fonctionnement pour donner au lecteur une idée "globale" du système. Dans les chapitres suivants, vous découvrirez de façon plus précise les aspects fondamentaux et pratiques des principaux domaines.

Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

Le système immunitaire est un grand puzzle ! Les pièces sont nombreuses et l’on en découvre encore toutes les semaines. Certaines sont bien connues, d’autres moins. L’objectif est de comprendre comment elles s’agencent. Le système immunitaire est le résultat d’une longue évolution qui a abouti à une construction à la fois simple et sophistiquée dont l’objectif est de donner à un organisme vivant un système de défense efficace indispensable à la survie.

Schématiquement, l’homme a donc deux systèmes de défense interdépendants : ■ L’immunité innée est une succession de réponses simples et immédiates qui permettent d’éliminer rapidement des agresseurs extérieurs. Cette réponse "immédiate" repose sur la digestion (phagocytose) instantanée des "intrus" dans le cadre d’une intense réponse inflammatoire de défense. Cette immunité innée est déclenchée par divers constituants microbiens (sucre, lipides, acide nucléique) très "conservés" c’est-à-dire présents dans de nombreuses espèces d’organismes pluricellulaires "primitives" (procaryotes), mais absent dans les cellules eucaryotes. C’est une façon très simple de discriminer la réponse qui doit se faire contre un "agresseur" microbien (procaryotes) et non pas contre nos propres cellules (eucaryotes) FIGURE 2 . ■ L’immunité adaptative est indispensable pour s’adapter à des variations "rapides" des agresseurs (comme la variation génétique des virus) qui sont capables, par des "leurres" ou des "mimétismes", d’échapper au système immunitaire. Un des exemples est l’encapsulage de certaines bactéries, comme les pneumocoques qui empêchent la phagocytose. Dans ce cas, c’est le développement d’anticorps anti-pneumocoque qui permet de neutraliser la bactérie. Cette immunité repose donc sur la capacité des lymphocytes T et B à répondre de façon adaptée à toute agression, même subtile. 3

L’immunopathologie pour le praticien

FIGURE 1 - La phytogénie de la réponse immunitaire

FIGURE 2 - Cellules de l'immunité innée (cellules dendritiques, macrophages) activées par des "agresseurs" microbiens qu'elles phagocytent.

L'environnement microbien peut activer les cellules de l'immunité innée (cellules dendritiques, macrophages, polynucléaires, mastocytes…) par différentes voies. Cette activation est utile à leur fonction phagocytaire mais surtout elle est indispensable pour leur permettre d'exercer leur action de "présentation de l'antigène". ■ Les microbes libèrent des petites "parties" appelées PAMPs qui vont activer les voies des TLR et des intégrines. ■ Ces microbes peuvent aussi activer le système du complément et des lectines (manose) dont les composés vont interagir avec des récepteurs spécifiques à la surface de ces cellules. Cette activation entraîne : 1) une activation de la cellule phagocytaire qui libère différentes substances de la réaction inflammatoire aiguë (enzyme, NO, PG), permettant la vasodilatation et le chimiotactisme local, 2) la production de molécules de l'immunité, permettant l'activation des cellules (LT et LB) de l'immunité adaptative (HLA, molécule de co-stimulation, cytokines), 3) la présentation d'antigènes bactériens ("préparés" par la phagocytose) par les molécules HLA.

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1ère partie

Ce système, à l’image de tous les systèmes vivants, est un subtil équilibre qui a ses forces et ses faiblesses. L’analyse du système immunitaire étonne souvent par son anthropomorphisme qui résulte autant d’une conceptualisation pédagogique que d’un mode de fonctionnement très "humain". Ainsi, toute rupture d’équilibre induit des modifications qui peuvent devenir pathologiques. A titre d’exemple, un déficit de l’immunité favorise l’apparition d’infections graves et parfois d’affections néoplasiques. Inversement, un "excès d’immunité" ou une réaction immunitaire "mal adaptée" provoque des maladies inflammatoires allergiques et auto-immunes. Le yin et le yang de l’immunité sont deux facettes d’un système complexe qui doit rester en équilibre FIGURE 3 .

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C'est l'immunité innée qui est mise en jeu en première ligne, induisant une réponse inflammatoire aiguë. Cette inflammation aiguë induit, grâce à une action coordonnée de l'immunité innée, une activation de l'immunité adaptative (lymphocytes) qui se traduit par une inflammation chronique. ■ Dans une situation physiologique, l'inflammation est contrôlée, menant à une réparation tissulaire et à la guérison. ■ Dans une situation pathologique caractérisée par une infection persistante et/ou une inflammation chronique excessive et mal contrôlée, peut apparaître une maladie inflammatoire chronique.

Chapitre 1

Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

FIGURE 3 - Une agression induit une réponse de défense de l'organisme

2. Quelles sont les pièces élémentaires de notre système immunitaire ? Avant d’aborder la "mise en musique" de la partition, il convient d’évoquer simplement les partenaires nécessaires à cette "symphonie immunitaire". ■ Le ou les "chefs d’orchestre" sont ceux qui mettent en musique en donnant une note personnelle à ce système. Ces sont les organes lymphoïdes centraux (thymus, moelle osseuse) dans lesquels s’effectue l’éducation élémentaire des cellules de l’immunité (lymphocytes T et B) et les organes lymphoïdes secondaires (rate, ganglions, moelle osseuse, muqueuses) dans lesquels s’effectueront les "cours de rattrapage". ■ Les "musiciens" sont les cellules de l’immunité innée (polynucléaires, macrophages, monocytes, cellules dendritiques, mastocytes…) et celles de l'immunité adaptative (lymphocytes T et B). Seules les cellules de l’immunité adaptative ont besoin d’une éducation, alors que celles de l’immunité innée ont leurs fonctions préprogrammées FIGURE 4 . ■ Les "instruments" sont toutes les substances produites qui permettent la communication entre les cellules. Ce sont des récepteurs (capables d'interagir avec un ligand) et des molécules solubles (cytokines et chemokines) exerçant différentes fonctions. 5

L’immunopathologie pour le praticien

Cette symphonie se joue dans une grande salle… le corps humain… qui comporte des allées principales (la circulation sanguine et lymphatique) et des "loges privilégiées" (organes lymphoïdes) et même des zones "sanctuaires" (comme l’œil, le testicule) et des "organes cibles" un peu particuliers (comme la peau, l’articulation et le rein). FIGURE 4 - Les principales cellules de l'immunité innée et adaptative

3. Quels sont les principes fondamentaux du fonctionnement du système immunitaire ? Avant d’aborder la "mise en musique" de la partition, il convient d’évoquer simplement les partenaires nécessaires à cette "symphonie immunitaire". 3.1. Les cellules de l'immunité ont un ancêtre cellulaire commun. La moelle osseuse est le "centre géniteur" de notre système immunitaire car la plupart des cellules de l'immunité y naissent avant de migrer en périphérie dans le sang et les organes lymphoïdes. La cellule souche originelle n'est pas connue mais son existence est fortement suggérée FIGURE 5 . À partir de cette cellule vont naître : ■ la cellule souche myéloïde à l'origine de la plupart des cellules de l'immunité innée : polynucléaires, macrophages, monocytes et cellules dendritiques, ■ la cellule souche lymphoïde à l'origine des lymphocytes T et B et d'une population cellulaire particulière appelée cellules NK (natural killer) qui font partie de l'immunité innée. 3.2. L'éducation des cellules de l'immunité dans les organes lymphoïdes centraux est une étape indispensable. La maturation des lymphocytes T et B se fait respectivement dans le thymus et la moelle osseuse d'où leur appellation de lymphocytes T (Thymus) et lymphocytes B (Bone marrow qui signifie moelle osseuse). Cette maturation comporte des étapes dites de sélection de ces lymphocytes destinées à ne conserver que les plus aptes à répondre aux "agresseurs" de l'environnement sans agresser les constituants de notre propre organisme. Ce dernier point est fondamental. En effet, ce phénomène appelé la tolérance (c'est-à-dire le respect de ses propres constituants) est indispensable pour éviter une "auto-agression" à l'origine des maladies auto-immunes. La suppression des lym-

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Chapitre 1

FIGURE 5 - L'origine des différentes cellules hématopoïétiques et des cellules de l'immunité

1ère partie

3.3. L’interaction entre les cellules de l'immunité innée et adaptative est indispensable pour permettre une réponse immunitaire efficace. Cette interaction repose sur les cellules présentatrices "professionnelles" et plus particulièrement la cellule dendritique qui a une double fonction : régulation de la tolérance et activation de l'immunité adaptative lymphocytaire. La première étape de la réponse immunitaire est toujours la mise en jeu presque instantanée, dès l’agression, de l'immunité innée. Cette étape va permettre, dans la plupart des cas, d'éliminer rapidement des "agresseurs" mais également d'informer très vite les acteurs cellulaires (lymphocytes) de l'immunité adaptative. Cette coordination est assurée par des "professionnels" appelés cellules dendritiques (CD) qui sont des cellules fondamentales présentes dans les tissus sous forme immature.

Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

phocytes "indésirables" se fait essentiellement par l’induction de la mort cellulaire appelée "apoptose". Les lymphocytes "matures" vont alors quitter les organes lymphoïdes centraux par voie sanguine "à la recherche" de leur antigène dans les organes lymphoïdes périphériques FIGURES 6 ET 7 .

■ Les CD immatures ont comme fonction de "surveiller" le système immunitaire pour empêcher l’apparition d’une auto-immunisation (surveillance de la tolérance). Ces CD immatures migrent du sang vers les différents tissus dans lesquels elles ont comme fonction essentielle de "prendre en charge" des auto-antigènes tissulaires, puis de migrer vers les organes lymphoïdes centraux et périphériques pour y éduquer les lymphocytes en leur "enseignant" la tolérance vis-à-vis de ces auto-antigènes. ■ Les CD peuvent "maturer" au contact d’un agresseur pour devenir des cellules capables d'activer les lymphocytes. Si les CD tissulaires rencontrent un microbe au cours de leur "voyage", elles vont phagocyter "l’agresseur" tout en recevant de sa part des "signaux" qui induisent leur maturation. Ces signaux sont transmis par des "petits bouts" de microbes, appelés PAMPs (pathogen-associated molecular patterns), qui se fixent sur des récepteurs spécifiques, appelés PRR (pattern recognition receptor) dont les "célèbres" récepteurs de type TLR (Toll-like receptor). Ces CD maintenant matures vont alors migrer vers les organes lymphoïdes secondaires pour y activer les lymphocytes T en leur présentant les antigènes microbiens. Le "drainage" de ces CD se fait par de petits vaisseaux lymphatiques vers un ganglion de proximité (ce qui explique par exemple qu’une plaie du membre inférieur donne une hypertrophie des ganglions inguinaux) FIGURE 6 .

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L’immunopathologie pour le praticien

Chez l’homme, schématiquement, il existe 2 grands types de CD : ■ Les CD myéloïdes (CD11c + CD14-) comprenant les cellules de Langerhans présentes dans l’épiderme et les épithéliums stratifiés et les CD interstitielles du derme et des autres tissus. ■ Les CD lymphoïdes ou plasmacytoïdes (CD11c – CD123+) présentes dans les ganglions, la rate, la moelle osseuse et le thymus. Certaines CD (plasmacytoïdes) sont plus à même de produire de l'IFN! (après stimulation de TLR 3, 7 et 9 par des acides nucléiques microbiens) et de l'IFN" (après stimulation de TLR 4 par d'autres PAMPs (LPS)). Cette production d'IFN a différentes actions sur les lymphocytes T (cytotoxiques et mémoires) et sur les lymphocytes B. La CD est donc la cellule clef d’interface entre l’immunité innée et adaptative. C'est "l'engagement" de ces TLR qui induit différentes fonctions de ces CD : ■ elles vont migrer vers les organes lymphoïdes car elles vont exprimer des récepteurs qui les y attirent, ■ elles expriment des molécules HLA et des molécules de co-stimulation pour pouvoir dialoguer avec les lymphocytes T, ■ elles produisent des cytokines qui activent les lymphocytes T (IL-12, IL-23) et les protègent contre les lymphocytes T régulateurs (IL-6). FIGURE 6 - Architecture d'un ganglion lymphatique

Les cellules "résidentes" tissulaires sont aussi des cellules fondamentales de l'immunité innée. Dans les tissus, l'immunité innée repose sur des cellules "résidentes", c'est-à-dire faisant partie de ces tissus. Ainsi, les cellules épithéliales, les fibroblastes et les cellules endothéliales sont des cellules de l'immunité innée qui ont différentes fonctions : ■ elles peuvent reconnaître les PAMPs microbiens par des récepteurs spécifiques, notamment de type TLR, ■ elles produisent, comme les cellules myéloïdes, des cytokines, des chémokines, des molécules anti-microbiennes, ■ elles peuvent servir de cellules présentatrices "accessoires" permettant le lien avec l'immunité adaptative. Ces cellules "résidentes" jouent certainement un rôle dans le déclenchement de maladies inflammatoires. Ce point est important car il permet d'expliquer le tropisme tissulaire de certaines maladies auto-immunes. Par exemple, il 8

FIGURE 7 - Architecture d'un ganglion lymphatique

1ère partie Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

3.4. L'activation des lymphocytes T et B se fait dans les organes lymphoïdes périphériques lors de la rencontre avec les antigènes qui leurs sont présentés par des cellules présentatrices "professionnelles" (cellules dendritiques, macrophages…). Les lymphocytes matures issus de la moelle osseuse (LB) et du thymus (LT) vont coloniser les organes lymphoïdes périphériques (rate, ganglions et muqueuses) en arrivant par voie sanguine en passant par des veinules postcapillaires spécifiques appelées HEV (high endothelial veinules) FIGURE 6 . C’est dans ces organes lymphoïdes périphériques que se fait la rencontre avec l’antigène qui est présenté aux LT par des professionnels de la présentation (cellules dendritiques, macrophages ou lymphocytes B). C’est cette "rencontre antigénique" qui va induire la survie et donc la prolifération et la différenciation de ces lymphocytes. Cette "rencontre" antigénique, pour être efficace, doit être accompagnée d’une stimulation par des molécules (dites de co-stimulation) issues de l’immunité innée, comme cela a été observé pour les LB FIGURES 6, 7 ET 12 .

Chapitre 1

est possible que les synoviocytes fibroblastiques de la polyarthrite rhumatoïde et les cellules épithéliales glandulaires dans le syndrome de Gougerot-Sjögren soient des cellules clés dans le déclenchement et l'entretien de la maladie.

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L’immunopathologie pour le praticien

3.5. L’activation et la coopération lymphocytaire s’effectuent dans les ganglions, la rate et certains sites périphériques (le plus souvent muqueux). Comme nous venons de le voir, les organes lymphoïdes périphériques ont donc comme triple rôle FIGURES 6 ET 7 : ■ d’accueillir les cellules présentatrices "professionnelles" (CD et macrophages) qui ont capté dans les tissus des antigènes exogènes, ■ de faciliter l’activation (prolifération – différenciation) des LT et LB, ■ de permettre à ces lymphocytes activés de "repartir" vers les zones (lymphoïdes ou non) où la "défense" adaptative a besoin d’agir. Ces fonctions expliquent l’organisation originale de ces organes lymphoïdes périphériques. ■ Quel est le rôle des ganglions FIGURE 6 ? Quelles sont les cellules qui arrivent dans le ganglion ? ■ Les cellules (surtout les CD et les macrophages) qui ont capté les antigènes en périphérie arrivent au ganglion par les vaisseaux lymphatiques afférents. ■ Les lymphocytes naïfs arrivent au ganglion par la circulation sanguine. Que se passe-t-il dans le ganglion ? C’est dans le ganglion que s’organise l’activation et la coopération lymphocytaire. Ces fonctions expliquent bien la structure du ganglion. Ce ganglion comprend : ■ une zone corticale contenant des follicules lymphoïdes primaires formés de lymphocytes B dont la maturation finale va se faire au contact des cellules dendritiques et des lymphocytes T de la zone paracorticale. Ce contact activateur entraîne la formation d'un centre germinatif. C'est dans ce centre que va se faire la différenciation et la prolifération des lymphocytes B qui ont reconnu leur antigène. Ces lymphocytes B vont devenir plasmocytes ou LB mémoires. Les mécanismes d’induction de ces LB mémoires sont encore mal connus, ■ une zone marginale dans laquelle les lymphocytes B peuvent s'activer au contact d'antigènes B spécifiques indépendamment des lymphocytes T, ■ une zone médullaire comportant des macrophages et des lymphocytes B matures devenus plasmocytes qui vont circuler. Que deviennent les lymphocytes après leur activation (prolifération-différenciation) dans le ganglion ? Les cellules lymphocytaires activées vont migrer par le système lymphatique efférent vers la circulation sanguine en passant par un canal principal (canal thoracique) qui rejoint la circulation sanguine dans la veine sous-clavière gauche. Ces lymphocytes activés vont pouvoir alors rejoindre les zones lymphoïdes ou tissulaires où la défense immunitaire est nécessaire. Que deviennent les lymphocytes qui n’ont pas été activés dans les ganglions ? Ces lymphocytes restés "naïfs" vont "mourir" ou recirculer par les lymphatiques efférents pour recoloniser les organes lymphoïdes périphériques et y subir éventuellement une activation. ■ Quel est le rôle de la rate ? La rate est un organe lymphoïde comparable aux ganglions avec une organisation faite de follicules lymphoïdes. Contrairement aux ganglions, les antigènes ("portés" par des CD) et les lymphocytes activés quittent la rate par voie sanguine (et non par voie lymphatique). ■ Quel est le rôle du tissu lymphoïde associé aux muqueuses (MALT) ? Les muqueuses sont un système particulièrement original et important car les sites muqueux sont une formidable zone d’échange avec l’environnement. L’infiltrat lymphocytaire de ces muqueuses constitue ce que l’on appelle le MALT (mucosa associated lymphoid tissue). Ce MALT existe dans de nombreux sites en particulier l’arbre respiratoire (BALT : bronchial-associated lymphoid tissue) et le tube digestif (GALT : gut-associated lymphoid tissue) surtout dans les amygdales, l’intestin et l’appendice. Il est admis que l’infiltrat lymphoïde du MALT contient autant de lymphocytes que tout le reste du système immunitaire. Ce système fonctionne comme les ganglions et la rate sur le principe d'une interaction entre les cellules présentatrices "professionnelles" (CD) et les lymphocytes. Dans l’intestin, la collecte des antigènes se fait par un système particulier formé de cellules épithéliales "multifenêtres" appelées cellules M qui captent les antigènes dans la lumière intestinale pour les présenter à des lymphocytes de la muqueuse regroupés dans des zones spéciales (appelées plaque de Peyer). La particularité de ce tissu MALT est aussi d’apparaître et de disparaître au gré des infections ou des stimulations antigéniques contrairement aux ganglions et à la rate qui sont des organes lymphoïdes "persistants". Parfois, une organisation lymphoïde comparable est aussi observée dans d’autres tissus (glandes salivaires, synoviale), mais

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3.6. Les lymphocytes activés dans les organes lymphoïdes vont exercer différentes fonctions de défense (cytotoxicité, production d’anticorps), mais il se met en place aussi un contrôle régulateur qui doit éviter l'émergence de lymphocytes T et B auto-agressifs. Cette régulation périphérique repose essentiellement sur différentes populations lymphocytaires régulatrices (LT régulateurs). Ces populations agissent par une inhibition de contact ou à la synthèse de certaines cytokines (IL-10, TGF"). Il existe d’autres mécanismes de régulation, notamment de la production d’anticorps qui s’effectue par des systèmes d’homéostasie encore mal compris.

1ère partie

dans ces conditions, cela traduit un phénomène immunitaire pathologique original à l’origine de maladies autoimmunes.

PG : prostaglandine NO : monoxyde d'azote

4. Un exemple permettant d’illustrer l’organisation du système immunitaire : la défense contre les infections.

Chapitre 1

La phase aiguë de l'inflammation se caractérise par différents phénomènes : 1) Les micro-organismes activent les macrophages tissulaires à l'occasion d'une infection par différents mécanismes FIGURE 2 . Ces macrophages relarguent différentes substances vasoactives et pro-inflammatoires (cytokines) et des substances (chemokines) qui vont attirer d'autres cellules phagocytaires (PNN…). 2) Une vasodilatation et une augmentation de la perméabilité vasculaire font passer dans les tissus infectés des protéines (complément, kininogène…) et des cellules spécialisées dans la phagocytose (CD, monocyte, PNN…). 3) Cette phagocytose est destinée à éliminer les bactéries mais aussi à "récupérer" des antigènes (CD, macrophage) puis les transférer par des vaisseaux lymphatiques afférents vers un ganglion de proximité. Dans ces ganglions, ces cellules présentatrices vont éduquer les lymphocytes en leur présentant des antigènes microbiens.

Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

FIGURE 8 - La phase aiguë de l'inflammation liée à une mise en jeu immédiate de l'immunité innée

Pour essayer de comprendre le fonctionnement de notre système immunitaire, la meilleure façon est d’essayer d’analyser comment s’effectue une des réponses la plus fondamentale qui est la "neutralisation" d’un microbe. La fonction fondamentale et prioritaire de notre système immunitaire est d'éliminer les "intrus". Notre environnement comprend environ 108 constituants qui nous sont étrangers. Ces "intrus" sont des antigènes "exogènes" microbiens, toxiques ou autres. Ce nombre très important explique que notre système a dû faire preuve d’une grande ingéniosité pour trouver un mode de fonctionnement créant suffisamment de diversité pour répondre à tous ces antigènes "exogènes" sans être trop compliqué. 4.1. Que se passe-t-il quand un agent infectieux nous "contamine" ? Le rôle fondamental de l’immunité innée qui est une réponse simple et immédiate. La première barrière de défense est celle de l'immunité innée. Il s’agit d’abord d’une défense mécanique représentée par la barrière épithéliale (peau, muqueuse). Quand le microbe passe cette barrière, il induit une réaction inflammatoire non spécifique qui est liée à différents médiateurs et à différentes cellules :

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L’immunopathologie pour le praticien

ENCADRÉ 1

Les médiateurs de l’inflammation Tous ces médiateurs sont sécrétés pour "défendre" l'organisme en éliminant "l'agresseur". Cependant, quand ils sont produits en trop grande quantité ou mal éliminés, ils peuvent devenir "toxiques" pour l'organisme. ■ Les amines vaso-actives L’histamine, la sérotonine et les kinines (bradykinines) sont vasodilatatrices, augmentent la perméabilité capillaire et facilitent la contraction des muscles lisses. ■ Les protéines du complément Les voies classiques et alternes du complément sont activées permettant la synthèse de fragments opsonisants (C3bi) ou des anaphylatoxines (C3a, C5a) induisant la libération d’histamines FIGURE 9 . ■ Les protéines de la coagulation Le facteur XII (facteur Hageman) active la kalicréine qui transforme le kininogène en bradykinine (amine vaso-active). ■ Les médiateurs lipidiques Différentes substances sont libérées par le métabolisme des phospholipides (PL) membranaires

FIGURE 10

.

■ Les radicaux libres dérivés de l’oxygène Anions superoxydes (O2-) FIGURE 11 . ■ Le monoxyde d’azote (NO) La production de monoxyde d’azote (NO) par une NO-synthétase constitutive permet la régulation de certains phénomènes physiologiques cellulaires. En cas d’agression, de plus grandes quantités de NO sont synthétisées grâce à une NO-synthétase inductible (iNos). Le monoxyde d’azote va alors augmenter les phénomènes de vasodilatation et de perméabilité capillaire et exercer des effets toxiques cellulaires importants dont l’objectif principal est d’éliminer les agents exogènes agresseurs. ■ Les enzymes cellulaires Les polynucléaires activés et d’autres cellules macrophages (synoviocytes, chondrocytes…) libèrent de nombreuses enzymes (collagénase, élastase, phosphatase, hydrolase, cathepsine, myéloperoxydase) qui ont un rôle physiologique dans la phagocytose lysosomiale. Ces enzymes qui sont produites en excès et/ou qui sont mal contrôlées par les inhibiteurs enzymatiques physiologiques peuvent avoir une action toxique sur les cellules et la matrice extracellulaire. ■ Les protéines de l’inflammation d’origine hépatique (protéine C réactive, sérum amyloïde A, alpha1-antitrypsine, haptoglobine, fibrinogène, céruloplasmines…) Ces protéines produites à la phase aiguë de l’inflammation sont essentiellement anti-inflammatoires car elles ont un rôle anti-protéase et peuvent faciliter l’épuration des débris cellulaires. ■ Les protéines du choc thermique (heat shock proteins) Ces protéines sont des chaperons induits par différents stress pro-inflammatoires. Elles exercent surtout un rôle inhibiteur sur l’inflammation, mais participent aussi à d’autres phénomènes immunologiques notamment dans la présentation des antigènes aux lymphocytes et la synthèse d’immunoglobulines. ■ Les peptides anti-bactériens naturels (defensine) Ce nouveau groupe de médiateurs très conservés (de l'insecte à l'homme) est un groupe original, participant à l'immunité innée. Leur rôle dans les défenses et leur éventuelle implication dans les maladies inflammatoires est en cours d'étude. ■ Les corticoïdes endogènes Ces molécules sont de puissants anti-inflammatoires qui exercent leur action par différents mécanismes, notamment l’inhibition des cytokines pro-inflammatoires.

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■ La réaction inflammatoire s’amplifie par un afflux de cellules immunitaires. Les cellules de l'inflammation vont migrer dans les tissus provoquant l'élimination des agents microbiens mais entraînent l'apparition aussi des signes locaux qui expliquent les manifestations cliniques que l'on connaît comme la douleur, la rougeur, le gonflement et à l'extrême des phénomènes de nécrose "purulente". C’est l’afflux rapide de cellules "professionnelles" de la présentation antigénique (cellules dendritiques, macrophages) qui va déterminer la suite des événements. 4.2. Comment l’immunité innée facilite-t-elle l’apparition d’une réponse immunitaire adaptée ? L’inflammation initiale crée des conditions idéales pour activer l'immunité adaptative FIGURES 2, 6 ET 8 . ■ L'afflux dans le site infecté de cellules phagocytaires (macrophages, cellules dendritiques) capables de digérer les antigènes va permettre de prendre en charge des "morceaux" (antigéniques) de "l'intrus" capables d'activer les lymphocytes. ■ Les cellules "présentatrices" professionnelles, qui ont "pris en charge" les antigènes, vont migrer vers les tissus lymphoïdes (ganglions, rate, muqueuses) de la zone infectée. Dans ces tissus lymphoïdes de drainage, ces cellules vont "préparer" les antigènes microbiens afin de les présenter aux lymphocytes T qu'ils vont rencontrer dans ces organes lymphoïdes. Ce contact antigénique va permettre d’activer ces lymphocytes T. ■ C’est dans les organes lymphoïdes (surtout les ganglions) que la coopération entre LT et LB va permettre une maturation de ces LB en plasmocytes sécréteurs d’anticorps. 4.3. Comment s'organise la défense lymphocytaire B ? ■ L'activation des lymphocytes B nécessite différents "signaux" FIGURE 12 ■ Le premier signal s'effectue par reconnaissance d’un antigène par un récepteur membranaire spécifique du lymphocyte B qui est une immunoglobuline transmembranaire appelée BCR (B cell receptor). Le signal n'est transmis que si l'antigène active aussi le CD19. Contrairement aux antigènes reconnus par les lymphocytes T, ces antigènes appelés "B dépendants" peuvent être reconnus sans être "découpés" en épitopes. L'activation du couple BCR/CD19 va induire la production de facteurs de transcription qui modulent l'expression des gènes du LB. ■ L'activation des lymphocytes B dépend aussi d'une coopération avec le lymphocyte T qui s’effectue dans les follicules des organes lymphoïdes périphériques. Cette coopération repose sur différents phénomènes : - Il faut un contact essentiellement par deux voies de co-stimulation appelées CD40/CD40 ligand et CD28 ou CTLA-4/B7.1 et 2 (appelée aussi CD80-86). Ces voies de co-stimulation sont très importantes dans les phénomènes d’activation cellulaire et peuvent être utilisées comme cible thérapeutique. - Il faut aussi différentes cytokines produites par les lymphocytes T (CD4) de type Th2 dont le type va déterminer le "choix" de l’anticorps produit (commutation isotypique). ■ Cette activation nécessite aussi une cytokine appelée BAFF (B-cell activator factor of the TNF family) ou BLyS (B lymphocyte stimulator) qui va agir en se fixant sur des récepteurs spécifiques appelés TACI, BCMA

1ère partie Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

■ Ces phénomènes initiaux activent et attirent les cellules phagocytaires. Les cellules phagocytaires (cellules dendritiques, monocytes, macrophages, polynucléaires) ainsi activées vont "manger" les micro-organismes et libérer des médiateurs (prostaglandines, monoxyde d’azote, enzymes, radicaux libres) et de nombreuses cytokines pro-inflammatoires (TNF!, interleukine-6), des chémokines (IL-8, MCP-1…) qui vont attirer d'autres cellules de l'inflammation.

Chapitre 1

■ Dans un tissu "agressé", l’activation des cellules "résidentes" de l’immunité (macrophages) est l’étape la plus précoce. L’agression locale, qu’elle soit mécanique, chimique ou immunitaire, induit une activation des cellules phagocytaires présentes "naturellement" (résidentes) dans les tissus qui sont surtout des macrophages. Cette activation se fait selon une procédure dont les mécanismes sont de mieux en mieux connus PARAGRAPHE 3.3 FIGURES 2 ET 8 . Ces macrophages activés vont libérer de nombreuses substances. Cette activation induit ainsi une vasodilatation avec une augmentation de la perméabilité capillaire qui permet l'afflux de cellules sanguines phagocytaires (cellules dendritiques, monocytes et polynucléaires) et aussi le passage de protéines circulantes, comme des fragments du complément (C3a, C4a, C5a) ou d’autres protéines dites "de l’inflammation" ENCADRÉ 2 FIGURES 9 ET 10 . Ces protéines amplifient la réponse inflammatoire, exercent un effet antimicrobien, modulent la phagocytose (opsonisation) et permettent de contrôler cette inflammation (comme la C réactive protéine). C'est aussi le mastocyte, présent dans les tissus, qui participe beaucoup à cette modification de la perméabilité vasculaire. La vasodilatation dépend également d’autres substances produites à partir de molécules sanguines ou des tissus comme les kinines FIGURES 2 ET 8 .

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L’immunopathologie pour le praticien

et surtout BAFF-R. Cette cytokine BAFF, produite essentiellement par des cellules dendritiques et les monocytes, peut jouer un rôle majeur dans l'activation et la survie des lymphocytes B normaux mais aussi autoréactifs, ce qui a donc des conséquences pathologiques. Ce signal cytokinique peut activer les lymphocytes B indépendamment du signal antigénique produit par la stimulation du BCR. Cette activation peut s’effectuer hors des follicules lymphoïdes, en particulier dans la zone marginale FIGURES 6 ET 7 . FIGURE 9 - Le système du complément

FIGURE 10 - Les médiateurs de l'inflammation d'origine membranaire

■ La

PA2 dégrade les PL membranaires en acide arachidonique et en en lyso-PAF : - le lyso-PAF est dégradé en PAF par les macrophages et les PN basophiles. Le PAF favorise l'agrégation plaquettaire et la vasodilatation ; - l'acide arachidonique est métabolisé par les cyclo-oxygénase (Cox) et la lipo-oxygénase (Lox). ■ Les Cox sont de 3 types : - la Cox-1 est constitutive, c’est-à-dire présente et active dans presque toutes les cellules. Elle induit la synthèse des prostaglandines physiologiques régulant l'agrégation plaquettaire (par le thromboxane A2), la protection de la muqueuse digestive et la vascularisation rénale ; - la Cox-2 est surtout synthétisée lors d'une agression tissulaire. Elle favorise la synthèse de prostaglandines de l'inflammation dans les sites lésés. Cette Cox-2 peut aussi être constitutive dans le rein, le cerveau, les organes génitaux; - la Cox-3 a un rôle mal connu. ■ La Lox produit des leucotriènes (LTB4, LTC4, LTD4, LTE) qui augmentent la perméabilité vasculaire, la bronchoconstriction et le chimiotactisme des PNNeutrophiles.

14

Les LB matures se transforment en plasmocytes sécréteurs d’anticorps. Ce sont ces anticorps qui sont les effecteurs principaux de l’immunité dite humorale. Schématiquement, les anticorps peuvent avoir trois actions en reconnaissant un antigène "exogène" : ■ L'anticorps peut neutraliser, par exemple une toxine bactérienne, formant un complexe anticorps-toxine qui ne peut plus accéder aux récepteurs de la toxine. Ce complexe sera phagocyté par les macrophages et les polynucléaires. ■ L'anticorps peut neutraliser une bactérie ou un virus en formant un complexe anticorps-microbe qui sera aussi phagocyté. Ce phénomène s'appelle l'opsonisation, c'est-à-dire que l'anticorps exerce un effet faciliteur de la phagocytose. ■ L'anticorps peut également se fixer sur un micro-organisme et activer le système de complément qui va entraîner la lyse du microbe dont les débris seront phagocytés. Ces différents mécanismes dépendent de différents facteurs et notamment de l'isotype de l'anticorps. Par exemple, seules les IgG1 et IgG3 peuvent activer le complément. Cette production d’anticorps se fait en deux temps : ■ Lors d’un premier contact avec l’antigène, il y a une réponse anticorps dite "primaire" qui se caractérise par une réponse faite d’IgM de faible affinité pour cet antigène, suivie après 15 à 20 jours de l’apparition d’IgG de plus forte affinité. ■ Lors d’un deuxième contact avec un antigène, il y a une réponse "secondaire" plus rapide et plus intense (IgG de forte affinité), liée à la persistance de lymphocytes B mémoires.

FIGURE 11 - Les radicaux libres dérivés de l'oxygène Dans différentes cellules phagocytaires, la NADPH-oxydase membranaire produit à partir de l'oxygène des anions superoxydés (O2-) capables de dégrader par oxydation les acides gras insaturés, les protéines et les acides nucléiques. Ces anions O2- sont transformés en peroxyde d'hydrogène (H2O2) par la superoxyde dismutase. Cet H2O2 peut être transformé en eau par une catalase.

1ère partie

■ Quelle est la fonction des LB activés ? Le lymphocyte B activé (appelé plasmocyte) est avant tout la cellule qui va produire des anticorps. Cependant, le lymphocyte B a d’autres fonctions dans la réaction immunitaire. En effet, il participe à l’éducation thymique et à l’activation périphérique des LT car le LB peut se comporter comme une cellule présentatrice d’antigène et sécréter différentes cytokines (dont le TNF).

Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

(famille des TLR) capables d'être activés par des signaux microbiens (PAMPS). L'activation de ces récepteurs joue un rôle physiologique mais peut aussi participer à l'activation de LB auto-réactifs dans les maladies auto-immunes.

Chapitre 1

■ Récemment, il a été démontré que, comme les cellules de l’immunité innée, le lymphocyte B porte des récepteurs

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L’immunopathologie pour le praticien 16

FIGURE 12 - Comment les lymphocytes sont-ils stimulés ?

4.4. Comment s’organise la défense lymphocytaire T ? ■ L'activation des lymphocytes T nécessite successivement deux signaux FIGURE 12 : ■ Le premier signal est la reconnaissance par le récepteur membranaire spécifique du LT appelé TCR (T cell receptor) d'un antigène présenté sous forme d'un peptide par les molécules HLA d’une cellule présentatrice. Ce système HLA, découvert lors des greffes de peaux de blessés pendant de la 2e guerre mondiale, est fait de gènes de classe 1 et 2 particulièrement polymorphes. Ces molécules HLA ont différentes fonctions, en particulier de présenter les peptides antigéniques dans les "poches" spécifiques par une machinerie cellulaire très originale. Le système HLA est le "verrou" de l'activation des lymphocytes T car ces lymphocytes T ne survivent que s'ils reconnaissent leurs antigènes spécifiques présentés par un HLA à son propre organisme (du soi). Ainsi, un peptide "étranger" présenté par une molécule HLA qui ne nous appartiendrait pas n’induirait aucune réaction immunitaire. Cette présentation antigénique est donc dite "restreinte" par les molécules HLA. La différence majeure entre les types de molécules HLA n'est pas leur structure mais leur capacité à présenter des peptides d'origine différente. - Les molécules HLA de classe 1, reconnues surtout par les lymphocytes T CD8, présentent des peptides de protéines synthétisées dans le cytosol comme les peptides viraux. - Les molécules HLA de classe 2, reconnues par les LT CD4, présentent surtout des protéines présentes dans les vésicules intracellulaires issues de la phagocytose d'antigènes exogènes. La reconnaissance de l'antigène présenté par la molécule HLA du "soi" provoque la transduction du signal par un complexe formé par le TCR et différentes autres molécules transmembranaires (CD3 et CD4 ou CD8) grâce à une phosphatase membranaire (CD45). Ce signal permet l'activation des facteurs de transcription des gènes du lymphocyte T. ■ Cette activation n'est possible que s'il existe un 2e signal qui est une succession de contacts cellulaires liés à des molécules de co-stimulation comme celles des voies CD40/CD40 ligand et CD28 (CTLA4) / B7. L'expression de ces molécules est induite par le 1er signal (reconnaissance de l'antigène par le TCR) et la sécrétion de cytokines (IL-2) FIGURE 14 .

1ère partie Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

■ Quelles sont les fonctions des LT activés ? Les lymphocytes T, responsables de l'immunité cellulaire, peuvent exercer plusieurs actions : ■ Les lymphocytes CD8 cytotoxiques sont une population importante dans les phénomènes de défense. Ces lymphocytes T cytotoxiques sont dans 90% des cas des lymphocytes T CD8 restreints par les molécules HLA de classe 1 mais aussi dans 5 à 10% des lymphocytes T CD4 restreints par les molécules HLA de classe 2 et dans 5% des lymphocytes T appelés gamma delta (récepteurs d'antigènes particuliers) non restreints par HLA. Il existe aussi des lymphocytes tueurs ou LAK (lymphokine-activated killer) qui sont des lymphocytes T CD8. Ces lymphocytes T peuvent détecter des antigènes présents ou produits dans les cellules infectées (en particulier par les virus), alors que ces structures ne peuvent pas être détectées par les anticorps. C'est le travail des lymphocytes T cytotoxiques qui sont capables de détruire ces cellules infectées. Cette action se fait par des contacts intercellulaires, ce qui suggère que ces lymphocytes reconnaissent à la surface des cellules infectées des antigènes étrangers (par exemple viraux). Ces lymphocytes T cytotoxiques assurent la défense par différents mécanismes : 1 La cytotoxicité dépendante des anticorps (ADCC) est un des mécanismes majeurs, mais qui peut également s'effectuer par d'autres cellules (macrophages, monocytes, éosinophiles…). Dans ce cas, la cellule "antigénique" recouverte d'anticorps est reconnue par les récepteurs au fragment Fc des immunoglobulines (Fc récepteur) des cellules cytotoxiques. Ce récepteur peut être spécifique des IgG (Fc#R) ou des IgE (Fc$R). Il en existe différentes isoformes chez l’homme qui ont des affinités différentes pour les fragments Fc. 2 La cytotoxicité peut aussi être indépendante des anticorps. Cette cytotoxicité s'effectue par trois mécanismes : - l'exocytose de molécules cytotoxiques (enzymes) et des radicaux libres induisant la mort cellulaire par nécrose ; - la libération de perforine et de granzyme (substance cytotoxique présente dans des granules. Ces substances entraînent la perforation de la membrane cellulaire, induisant la mort ; - l'activation de récepteur membranaire comme Fas et les récepteurs TNF! (TNF R1) induisant l'apoptose de la cellule cible.

Chapitre 1

FIGURE 13 - Les conséquences d'une organisation du système immunitaire chez l'homme

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L’immunopathologie pour le praticien

FIGURE 14 - Les conséquences d'une organisation du système immunitaire chez l'homme

Schématiquement, ces différentes maladies sont liées à deux types de mécanisme : ■ Certaines sont d'origine génétique (à transmission mendélienne), c’est-à-dire qu'elles sont liées à l'anomalie bien précise d'un gène (déficits immunitaires congénitaux, déficits d'apoptose d'origine génomique, maladies auto-inflammatoires...) ■ Certaines sont multifactorielles et acquises (sans transmission génétique), c’est-à-dire qu'elles sont liées à de multiples facteurs dont certains sont favorisés par un terrain génétique souvent complexe (maladies auto-immunes, allergies…)

■ Les lymphocytes T CD4 auxiliaires ont de multiples fonctions. Ces lymphocytes T dits auxiliaires (Helper) sont caractérisés par un phénotype CD4. Schématiquement, il existe deux types de LT CD4 : 1 Les LT CD4 Th1 ont comme fonction essentielle le contrôle des infections intracellulaires comme les mycobactéries qui ne sont pas éliminées par la défense immunitaire innée qui est insuffisante. En effet, les macrophages phagocytent les mycobactéries dans des vésicules qui ne peuvent pas fusionner avec les lysosomes macrophagiques dans lesquels ils devraient être détruits par les enzymes et protéines antibactériennes lysosomiales. Les LT CD4 Th1 vont alors induire une fusion des vésicules macrophagiques avec les lysosomes en activant les macrophages par la synthèse de cytokines comme l'interféron gamma FIGURE 13 . Ces LT CD4 Th1 libèrent aussi des chémokines, qui attirent d'autres macrophages, et des cytokines (TNF!, lymphotoxine) qui participent à la réaction immunitaire. 2 Les LT CD4 Th2 sont surtout programmés pour stimuler les lymphocytes B à produire différents anticorps dont l'isotype dépendra de la cytokine produite par ces LT Th2. Par exemple, l'IL-4 induit plutôt la synthèse d'IgG1 et d'IgE. Il faut observer qu'il y a très peu d'antigènes qui peuvent stimuler directement les lymphocytes B naïfs. Généralement, l'antigène stimule d'abord les LT CD4 Th2 qui vont alors stimuler les lymphocytes B dans les follicules ganglionnaires. 3 Une population particulière de LT CD4 est appelée régulatrice. Cette population est indispensable à maintenir une certaine homéostasie du système immunitaire, en particulier en évitant l'apparition de populations lymphoïdes auto-réactives. Il existe différentes populations régulatrices appelées Th3, T R1 et T Reg ENCADRÉ 2 TABLEAU 1 .

ENCADRÉ 2

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Classe

Phénotype

Origine

Mécanisme d'action de la régulation immunitaire

T régulatrices naturelles

T CD4+, CD25+ Fox p3

Thymus

Contact cellule/cellule Sécrétion de l'IL-10 et du TGF" (mécanisme accessoire)

TR1

T CD4+ Sécrétion de l'IL-10 et des cytokines Th1 et Th2 (IL-5)

Périphérie

Sécrétion de l'IL-10

T régulatrices sécrétrices d'IL-10

T CD4+ Sécrétion de l'IL-10

Périphérie

Sécrétion de l'IL-10 Contact cellule/cellule ?

Th3

T CD4+ Sécrétion du TGF"

Périphérie

Sécrétion du TGF"

Th1

T CD4+ Sécrétion de l'IFN#

Périphérie

• Sécrétion de l'IFN# qui inhibe la réponse Th2 • Sécrétion dans certains cas de l'IL-10 qui régule l'activation des LT Th1 en inhibant la synthèse d'IL-12 par les CD et macrophages*

Th2

T CD4+ Sécrétion de l'IL-4, 5 et 13

Périphérie

• Sécrétion de l'IL-4 qui inhibe la réponse Th1 • Sécrétion de l'IL-10 qui régule Th1 en inhibant la synthèse d'IL-12 par les CD et macrophages*

1ère partie Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

TABLEAU 1

Chapitre 1

Les lymphocytes régulateurs Les lymphocytes régulateurs naturels, caractérisés par un phénotype CD4+ CD25+ sont présents spontanément sans induction. Ils agissent essentiellement par contact cellulaire, notamment par la voie de co-stimulation inhibitrice B7/CTLA-4. Bien qu'elles puissent produire de faibles quantités d'IL-10 et de TGF"‚ ces cytokines n'ont probablement pas d'efficacité inhibitrice majeure. Contrairement aux autres populations lymphocytaires régulatrices, cette population est d'origine thymique. En effet, ces lymphocytes ont été sélectionnés dans le thymus selon leur affinité pour des auto-antigènes, dont l’expression est régulée par des mécanismes très originaux en particulier par un facteur appelé AIRE. C’est ce facteur AIRE qui explique qu’apparaissent dans le thymus des îlots de tissus "inattendus" (pancréas, thyroïde, glande salivaire) qui permettent d’éduquer les lymphocytes afin que ces structures soient préservées d’une réaction immunitaire "auto-agressive". Après leur éducation thymique, ces cellules vont alors migrer en périphérie où elles représentent à peu près 5% des lymphocytes circulants. La fonction de ces lymphocytes T Reg CD4 CD25+ dépend d’un facteur de transcription spécifique appelé Fox-P3. Aujourd'hui, il existe de nombreux exemples impliquant ces populations lymphocytaires T Reg dans la survenue de maladies inflammatoires et auto-immunes.

* l'IL-12 macrophagique est un puissant inducteur de la différenciation des LT CD4 en LT CD4 Th1

4.5. Quel est le rôle des populations cellulaires cytotoxiques appelées cellules NK (natural killer) ? Ces cellules (NK) ne sont pas des lymphocytes T car elles n'expriment pas le TCR et le CD3. Elles sont caractérisées par la présence de récepteurs aux fragments Fc des immunoglobulines (FcR) et de récepteurs spécifiques activateurs et inhibiteurs et KAR (K cell activating receptor). Leur phénotype est souvent marqué par la présence du CD 56. Ces cellules, qui ont parfois une morphologie assez proche des lymphocytes T cytotoxiques (aspect LGL ou large granular lymphocyte (c’est-à-dire grand lymphocyte à grain), sont cytotoxiques contre les cellules infectées et les cellules tumorales en reconnaissant des antigènes indépendamment de leur présentation par des molécules HLA (non restreinte par HLA). Elles ont la capacité d'être activées par des cellules exprimant peu ou pas de molécule HLA de classe 1. C'est essentiellement par les KIR qu'elles reconnaissent les molécules HLA de classe 1. 4.6. Que se passe-t-il après l'activation des lymphocytes T et B ? 19

L’immunopathologie pour le praticien 20

■ Comment naissent les familles de lymphocytes ? L'objectif de notre système immunitaire est d'avoir un panel de lymphocytes T et B suffisamment large (principe de la diversité du répertoire) pour avoir au moins un lymphocyte T ou B (avec chacun un récepteur T (TCR) ou B (BCR) spécifique) capable de reconnaître un des 108 antigènes "étrangers". Ainsi, après l'activation spécifique d’un lymphocyte T ou B, il faut que ces lymphocytes se multiplient sous la forme de multiples petites cellules filles pour être suffisamment nombreux pour exercer leurs fonctions. Ce phénomène s'appelle l'expansion clonale qui a généralement lieu dans les ganglions, après la rencontre d'un lymphocyte immature et d'un antigène. Lors de cette rencontre, les lymphocytes vont stopper leur migration et se développer en prenant une grande taille, expliquant qu'on les appelle lymphoblastes. A partir d'un lymphocyte mère, vont apparaître des milliers de petits lymphocytes et cela souvent en 4-5 jours. ■ Que deviennent les lymphocytes activés ? Les lymphocytes activés "effecteurs" ont une demi-vie limitée mais ils peuvent persister sous la forme d'une population lymphocytaire mémoire. Ce phénomène de mémoire immunologique est fondamental pour les espèces mais ces mécanismes cellulaires ou moléculaires ne sont pas complètement compris. Cette mémoire permet une réponse immunitaire secondaire beaucoup plus rapide et plus puissante à la réapparition de l'antigène. C’est ce phénomène qui est utilisé pour la vaccination anti-infectieuse.

5. Les différentes formes de réponse immunitaire. Pour répondre à sa fonction de défense (contre un microbe ou contre une cellule tumorale), le système immunitaire utilise différentes formes de réponses que l’on a, pour des raisons didactiques, schématisées en quatre réponses stéréotypées de l'ancienne mais célèbre classification de Gell et Coombs. En fait, cette classification est aujourd'hui désuète. Seule la réaction de type 1 correspond à une réponse assez bien codifiée qui est la réaction "allergique immédiate". Les autres réactions sont des modélisations théoriques car dans la réalité, en particulier dans les maladies auto-immunes mais aussi dans l'asthme, les différents mécanismes se combinent. TABLEAU 2 Type

Délai

Mécanisme

2-30 min

Pontage des IgE par l'allergène entraînant une activation des mastocytes

• Réactions transfusionnelles • Anémies hémolytiques auto-immunes

• Maladie sérique…

Type I

Hypersensibilité médiée par les IgE

Type II

Hypersensibilité médiée par les IgG

5-8 h

Ac cytotoxique (C, ADCC) ou Ac anti-récepteurs cellulaires

Type III

Hypersensibilité due aux IC

2-8 h

Dépôt d'immuns complexes

Type IV

Hypersensibilité retardée

24-72 h

Clinique • Anaphylaxie systémique • Réaction clinique immédiate locale

Immunité cellulaire liée • Dermatite de contact à des LT CD4 (Th1, • Rejet de greffe Th2) et des LT CD8 (cytotoxiques)

Comment explorer le système immunitaire ?

1. En pratique, comment explorer l’immunité humorale ?

2e partie

2e partie

■ Recherche de complications infectieuses (surtout bactériennes), auto-immunes et néoplasiques et d’antécédents familiaux de déficit immunitaire.

Lymphocytes B (CD19/CD20) : 200-1250/mm3 polytypiques (2/3 kappa et 1/3 lambda). ■ Analyse globale fonctionnelle : Étude des anticorps vaccinaux (ex : anti-pneumococcique, antitétanique).

2. En pratique, comment explorer l’immunité cellulaire ? ■ Interroger le patient pour rechercher des antécédents familiaux de déficit immunitaire. ■ Recherche de complications infectieuses (surtout virales) et/ou néoplasiques. ■ Analyse globale fonctionnelle : Étude d’une réaction cellulaire à l’injection d’un antigène. Ex : intradermoréaction à la tuberculine ou à la candidine. ■ Analyse globale quantitative - Étude (phénotypage) des lymphocytes périphériques en cytométrie de flux : ■ Lymphocytes totaux : 1500 – 5000/ml ■ Lymphocytes T CD3 : 1400-4000/ml T CD4 : 600-2500/ml T CD8 : 350-1500/ml T CD4/T CD8 : 0.98-3.20 ■ Cellules NK (CD56 – CD16) : 150-1000/ml ■ Analyse spécifique : Étude in vitro de lymphoprolifération contre des antigènes (candidine, tuberculine) ou des mitogènes (phytohémagglutine, concanavaline A, pokeweed mitogen, anti-CD3).

Chapitre 1

■ Étude (phénotypage) des lymphocytes B périphériques :

Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

■ Analyse globale quantitative : ■ Dosage des immunoglobulines (valeurs chez l’adulte) : IgG : 7-15 g/l IgD : 0-150 mg/l IgA : 0,6-4 g/l IgE : 3-190 U/ml IgM : 0,6-3 g/l

3. En pratique, comment explorer l’immunité innée ? ■ Il n’existe pas de stratégie d’exploration globale, mais différents aspects de cette immunité peuvent être évalués : ■ Dosage du complément total (CH50) et de ses fractions. ■ Evaluation quantitative des cellules de l’immunité innée : - Monocytes sériques - PNN, PNE, PNB ■ Etude de la phagocytose. ■ Pour beaucoup d’autres aspects, les explorations faites ne sont que du ressort de la recherche.

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L’immunopathologie pour le praticien

Quelles sont les conséquences cliniques d’une dérégulation du système immunitaire ? 3e partie

Une dérégulation du système immunitaire est un des éléments-clefs de la pathogénie de nombreuses affections FIGURES 3 ET 14 . Schématiquement, il existe deux situations différentes.

1. La première situation est celle qui est caractérisée par un défaut de fonctionnement du système immunitaire, ce qui se traduit par "un déficit immunitaire". 1.1 Les déficits immunitaires les plus caractéristiques sont les formes congénitales dont il existe chez l'homme plus d'une centaine de formes. Chacune de ces formes est caractérisée par une maladie précise. Selon l’anomalie génétique : ■ Il peut s'agir d'un déficit de l'immunité adaptative, en particulier une absence totale de lymphocytes T et B (déficit immunitaire combiné sévère) ou l'absence plus spécifique d'une catégorie de lymphocytes comme les déficits humoraux (agammaglobulinémie de Bruton) marqués par l’absence de lymphocytes B. ■ Il existe également des déficits de l'immunité innée, en particulier des anomalies de la phagocytose et des déficits en complément qui sont connus depuis longtemps. Il a aussi été décrit récemment des déficits plus spécifiques de certaines molécules de l'immunité innée comme des déficits en interféron gamma et de ses récepteurs ou même de certains éléments très précis des voies de signalisation (Ex : anomalie d'IRAK 4 qui est la molécule des voies de signalisation des TCR et de l’IL1 responsables d’infections pneumococciques).

Ces déficits sont surtout responsables d'infections répétées dont le type est déterminé par l'anomalie du système immunitaire (Ex : infections répétées à mycobactérie en cas de déficit de la voie de l'interféron gamma). Ces déficits se compliquent également de manifestations auto-immunes et de complications lymphoprolifératives ou néoplasiques. Cette observation confirme bien le rôle-clé du système immunitaire dans ces différentes affections, confirmant les relations entre auto-immunité et néoplasie. 1.2 Il existe aussi des déficits immunitaires acquis dont l'exemple le plus célèbre est le SIDA, lié à un virus qui détruit les lymphocytes T, les cellules dendritiques et les macrophages qui portent le co-récepteur CD4. Il existe d’autres déficits surtout au cours des traitements immunosuppresseurs (corticoïdes, biothérapie) qui expliquent l’augmentation du risque infectieux et dans certaines situations très particulières du risque néoplasique. 1.3 Des affections génétiquement déterminées (à transmission mendélienne) peuvent entraîner un déséquilibre de l’homéostasie du système immun. Ces affections sont souvent classées parmi les déficits immunitaires, mais elles se traduisent par des manifestations essentiellement lymphoprolifératives et autoimmunes ■ Les affections caractérisées par une dérégulation constitutionnelle de l’apoptose entraînant un déficit d’homéostasie du système immunitaire. ■ L'un des meilleurs exemples est le syndrome lymphoprolifératif avec auto-immunité (aussi appelé ALPS pour auto-immune lymphoproliferative syndrom). Ce syndrome se caractérise par des anomalies génétiques (mutation du système Fas-Fas ligand) qui régule l'apoptose des cellules de l'immunité. En cas de mutation de Fas ou Fas ligand, il apparaît un défaut d'apoptose qui va entraîner une dérégulation de l'homéostasie lymphocytaire. Les patients vont alors développer des manifestations autoimmunes puis une lymphoprolifération originale faite de lymphocytes T alpha/bêta matures mais n'exprimant ni CD4, ni CD8 (lymphocytes T double négatifs). L'étude des différentes variétés de ce syndrome a permis de mieux comprendre le rôle de l'apoptose dans la régulation du système immunitaire. ■ L’autre exemple sont les différents syndromes d’hémophagocytose qui sont la conséquence aussi d’anomalies génomiques notamment des caspases, enzymes impliquées dans les voies d’apoptose. ■ Il a été découvert récemment deux syndromes auto-immuns très rares mais très originaux liés aussi à

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3e partie

des anomalies génomiques précises. A l’image du syndrome ALPS (autoimmune lymphoproliferative syndrom), ce sont aussi des exemples de maladies auto-immunes à transmission mendélienne : ■ Le syndrome APECED (autoimmune polyendocrinopathy-candidiasis-ectodermal dystrophy syndrom) est une atteinte auto-immune polyendocrinienne (parathyroïde, thyroïde, surrénale, pancréas…) T dépendante. Ce syndrome est la conséquence d’un déficit génétique de AIRE, facteur de transcription de l’éducation thymique des LT régulateurs. ■ Le syndrome IPEX (immune dysregulation polyendocrinopathy-enteropathy X-linked) est une atteinte auto-immune (endocrinienne et intestinale) T dépendante. Ce syndrome est lié à un défaut génétique de Foxp-3 qui est le facteur de transcription spécifique des LT régulateurs CD4+ CD25+.

■ les fièvres récurrentes héréditaires qui comprennent la fièvre méditerranéenne familiale (ou maladie périodique), le syndrome hyperIgD et d'autres affections comme les syndromes périodiques associés à la cryopyrine (appelée CAPS pour cryopyrine-associated periodic syndrom) qui sont le syndrome de MuckleWells, l’urticaire au froid et le CINCA) ou le TRAPS syndrome (syndrome lié à des mutations du récepteur du TNF) ; ■ l'autre groupe de maladies inflammatoires comprend certaines formes de maladie de Crohn, le syndrome de Blau (appelé aussi sarcoïdose familiale) et probablement d'autres affections proches de ces maladies granulomateuses. Dans ces affections, il existe des anomalies génomiques (mutation du gène NOD2/CARD15) qui se traduisent par une dérégulation de la réponse cellulaire aux composés bactériens. Ces affections peuvent être considérées comme des perturbations de la réponse immunitaire innée, d’origine génétique. D'autres maladies inflammatoires comme la maladie de Still de l'adulte ou le syndrome PFAPA (qui associe fièvre périodique, aphte, pharyngite et adénopathie cervicale) restent de mécanisme inconnu. Il est vraisemblable que dans les années à venir, nous découvrirons de nombreuses autres maladies auto-inflammatoires, ce qui permettra de démembrer des groupes d’affections connus, comme par exemple celui des arthrites juvéniles idiopathiques. 2.2 Les maladies auto-immunes sont un groupe particulièrement original et important. Ces maladies peuvent être induites par des mécanismes différents. En d'autres termes, il n'existe pas un mécanisme inducteur et lésionnel unique pour l'ensemble des maladies auto-immunes, mais des mécanismes différents qui reposent schématiquement sur deux grands types d’anomalies : ■ la diminution de la tolérance expliquant l’immunisation contre un antigène du "soi" (auto-antigène). Cette auto-immunité peut être liée à différentes modifications comme par exemple : ■ des modifications des conditions locales liées à un agent infectieux qui rend un auto-antigène "immunisant" ou l'exposition d'auto-antigènes présents théoriquement dans des sanctuaires du système immunitaire (ex : auto-immunité anti-cristallin après un traumatisme de l'œil), ■ des modifications plus générales comme un déficit des fonctions de tolérance lié à des anomalies génomiques ou un déficit quantitatif fonctionnel des lymphocytes T régulateurs.

Chapitre 1

2.1 Les maladies auto-inflammatoires qui sont un groupe d’affections identifiées récemment. Elles sont caractérisées par une dérégulation de l'inflammation d'origine génétique. C'est l'anomalie d'un seul gène qui va produire une réaction inflammatoire qui peut avoir de nombreuses conséquences systémiques. Il existe schématiquement deux groupes de maladies auto-inflammatoires :

Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

2. La deuxième situation est celle caractérisée par un fonctionnement du système immunitaire le plus souvent par excès. Dans ce contexte, il existe schématiquement trois grands groupes d'affections de fréquence très différente :

■ l'augmentation de la réponse immunitaire contre un ou des antigènes de soi expliquant une autoimmunisation par : ■ une réactivité croisée ou une modification d'un auto-antigène par un antigène exogène ou d'une expression anormale d'une molécule de co-stimulation (CD40/CD40 ligand, CD28 (CTLA4)/B7, 1 et 2) qui va entraîner une rupture de tolérance, ■ une augmentation générale de la réponse immunitaire aux antigènes du fait d'une anomalie génomique constitutionnelle ou acquise, par exemple de la co-stimulation et de la production de cytokines pro-inflammatoires (TNF!) ou de cytokines activant les populations auto-réactives (BAFF) ou de cytokines régulant l'équilibre Th1/Th2 (interféron). 23

L’immunopathologie pour le praticien 24

Cette présentation simpliste des mécanismes d’auto-immunité est un peu réductrice, car en réalité l’autoimmunité s’explique par différents mécanismes "en cascade" qui s’additionnent pour induire la maladie auto-immune. 2.3 Les lymphoproliférations sont aussi la conséquence d'un fonctionnement par "excès" du système immunitaire. Cet excès peut être lié à la dérégulation d'un mécanisme élémentaire, comme l'apoptose, mais aussi à des phénomènes de stimulation chronique. ■ Dans la plupart des maladies auto-immunes (PR, Sjögren), il y a un excès de lymphomes B que l'on considère comme la conséquence d'une stimulation immunitaire chronique liée à des auto-antigènes. Cette stimulation pourrait être initialement induite par un agent de l'environnement comme l'illustre l'exemple des lymphomes qui compliquent les cryoglobulinémies liées au virus de l'hépatite C. ■ Le syndrome APLS est un exemple rare mais caricatural du rôle des anomalies d'apoptose génétiquement déterminée. Il existe d'autres exceptions comme les lymphomes folliculaires dont la translocation chromosomique (t14-18) entraîne une dérégulation de l'expression de Bcl-2 qui est un gène régulant l'apoptose. Ainsi, dans ces deux situations, les lymphocytes "malins" prolifèrent car le système immunitaire ne les élimine plus. 2.4 Le dernier groupe d’affections "dysimmunitaire" par "excès" sont les maladies allergiques. Ces affections sortent du cadre de cette revue mais elles sont un domaine particulièrement important et fréquent. En conclusion, la classification "mécanistique" des maladies inflammatoires préfigure peut-être une nouvelle approche diagnostique. Dans un avenir proche, une maladie sera détectée par des signes cliniques et biologiques mais elle devra aussi être caractérisée par son mécanisme immunologique. Cette approche pourrait permettre un diagnostic "moléculaire" de certaines maladies inflammatoires ! Ainsi, il est possible que l'on identifie plusieurs formes de PR, de lupus et de sclérodermies. Il sera aussi possible d'envisager une stratégie thérapeutique "à la carte", choisie selon l'anomalie immunologique dominante… c'est un peu provocateur mais c'est peut-être pour bientôt !

L’immunothérapie a fait des progrès considérables, mais elle n’a pu se concevoir de façon moderne qu’avec le développement d’outils biologiques nouveaux. Deux pré-requis sont donc nécessaires : • Avoir la capacité de créer des outils "biologiques" efficaces, en particulier des anticorps monoclonaux et des protéines de fusion comme des récepteurs solubles. • Savoir identifier une cible thérapeutique très spécifique pour agir "au cœur" de la maladie et si possible éviter les dégâts collatéraux.

4e partie

Quels sont les principes généraux des traitements immunomodulateurs ? 4e partie

Les inhibiteurs du TNF! sont des anticorps monoclonaux (adalimumab ou infliximab) ou des récepteurs solubles (étanercept) qui ont démontré leur efficacité dans la polyarthrite rhumatoïde, les spondylarthropathies, la maladie de Crohn, mais qui laissent présager aussi une efficacité intéressante dans d’autres indications, comme les vascularites, les myosites, et même des maladies comme les uvéites, la sarcoïdose ou l’amylose. Il y a d’autres cibles potentielles en particulier BAFF qui est une cytokine majeure pour les LB autoréactifs et l’IL-6.

2. Utiliser un inhibiteur capable de neutraliser une cellule. Le rituximab est un anticorps monoclonal dirigé contre l’antigène CD20 présent à la surface de certains lymphocytes B. Cet anticorps qui a été déjà très largement utilisé dans les lymphomes B semble également très intéressant dans les différentes maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde, mais peut-être aussi le lupus, le syndrome de Gougerot-Sjögren, les cytopénies auto-immunes et même d’autres affections, comme les vascularites à ANCA et les cryoglobulinémies.

3. Neutraliser l’activité d’une cellule en inhibant ses capacités de prolifération. L’abatacept est une protéine de fusion (CTLA4 Ig) capable de bloquer les lymphocytes T, en particulier dans les maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, lupus), mais aussi dans d’autres situations comme le rejet de greffe d’organe.

4. Utiliser une protéine recombinante ayant des pouvoirs anti-inflammatoires ou immunomodulateurs. L’interleukine 10 recombinante a été utilisée dans la polyarthrite rhumatoïde sans démontrer toutefois une efficacité clinique suffisante.

Chapitre 1

1. Bloquer une cytokine pro-inflammatoire (comme le TNF! ou l’IL-1) en utilisant un anticorps monoclonal ou un récepteur soluble.

Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

Aujourd’hui, différents outils biologiques ont été développés dans les maladies inflammatoires avec conceptuellement différents objectifs :

5. Bloquer un mécanisme important de l’inflammation comme le recrutement des cellules pro-inflammatoires. A titre d’exemple, il est possible de développer des inhibiteurs des chémokines ou des intégrines ou un inhibiteur de l’angiogenèse. Cette stratégie est en cours de développement dans différentes affections comme l’illustre le natalizumab (anticorps monoclonal anti-intégrine) dans la sclérose en plaques et la maladie de Crohn dont le développement vient d’être arrêté en raison de l’apparition de leucoencéphalopathies.

6. Favoriser un mécanisme régulateur comme l’apoptose, ce qui peut permettre d’éliminer des cellules auto-réactives anormalement activées. Pour l’instant, cette option thérapeutique appelée "apomodulation" n’est qu’en cours d’évaluation.

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L’immunopathologie pour le praticien

7. Induire une réaction immunitaire régulatrice par l’injection d’un peptide à la manière d’une vaccination. Cette technique très élégante n’en est qu’à ses balbutiements, mais elle aurait l’avantage d’agir avec une certaine spécificité avec peu d’effets indésirables "collatéraux". Une des cibles les plus intéressantes de cette approche est la régulation des populations LT régulatrices dans les maladies auto-immunes.

Au total, le concept d’immunothérapie n’en est probablement qu’à ses débuts. L’ avenir va se faire schématiquement dans cinq directions : ■

Le développement de nouveaux outils biotechnologiques devra tenir compte des caractéristiques individuelles. En effet, la réponse thérapeutique à un anticorps monoclonal ou à un récepteur soluble peut être déterminé génétiquement comme cela a été démontré pour le rituximab dans les lymphomes (rôle des gènes codant pour les récepteurs des fragments Fc des immunoglobulines). La biotechnologie pourrait aussi permettre de nouvelles modalités d’administration notamment en prolongeant la demi-vie par l’utilisation du polyéthylène glycol ou d’autres molécules. L’avenir permettra également d’envisager des vectorisations originales mimant des mécanismes de défense physiologiques comme l’ARN interférant.



La recherche de nouvelles cibles thérapeutiques sera une étape importante car il faudra dans chaque maladie connaître la cible la plus pertinente. Il sera même envisageable d’agir sur plusieurs cibles thérapeutiques simultanément ou successivement afin d’enrayer le plus profondément possible la maladie. La pertinence de cette stratégie reste à démontrer.



La recherche de nouvelles indications sera une évolution nécessaire et utile. Cependant, chaque nouvelle indication nécessiterait une validation rigoureuse car les spéculations expérimentales ne résistent pas toujours à l’épreuve clinique. Ainsi, malgré des arguments théoriques séduisants, il a été démontré récemment dans le syndrome de Gougerot-Sjögren primaire que les anti-TNF n’avaient pas véritablement d’intérêt clinique.



L’évaluation de la tolérance en cas de traitement prolongé ou répété sera également un enjeu majeur car il est indispensable de définir le rapport bénéfice/risque de ces nouveaux médicaments. Ces modulateurs du système immunitaire font craindre par définition des infections inattendues, mais aussi l’apparition de cancers solides et de lymphomes. Il est indispensable dans ces affections inflammatoires chroniques d’être attentifs à ce risque.



L’évaluation des stratégies thérapeutiques est aussi une question essentielle. L’enjeu des prochaines années sera d’optimiser la stratégie d’utilisation des biothérapies en déterminant notamment s’il y a intérêt à "frapper fort d’emblée" pour rechercher le plus vite possible une rémission complète ou plutôt d’agir de façon progressive. Dans les maladies les plus chroniques, il sera indispensable de savoir quel est l’intérêt d’un traitement continu par rapport à un traitement séquentiel.

Les progrès de l’immunothérapie sont fantastiques, mais le chantier de l’évaluation est gigantesque car il va falloir déterminer maintenant "le bon traitement" pour "le bon malade" et "au bon moment" de sa maladie. Le nombre de paramètres susceptibles de varier selon les individus rend l’équation complexe à résoudre.

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Synthèse

Les points forts :

5e partie

5e partie

1. Le système immunitaire est une machine sophistiquée qui est composée d’une défense de première ligne appelée immunité archaïque ou "innée" et d’une immunité capable de s’adapter à des variations rapides des agresseurs appelées immunité "adaptative".

3. L’activation des cellules de l’immunité innée s’effectue essentiellement par des débris microbiens appelés PAMPs qui viennent se fixer sur des récepteurs appelés PRR dont l’une des familles la plus importante est appelée TLR (Toll-like receptor). Ces PAMPs induisent une activation de la cellule qui va produire différentes molécules de l’immunité innée (enzymes, prostaglandines, NO…) et de molécules permettant l’activation de l’immunité adaptative (HLA, molécules de co-stimulation…). 4. Les cellules de l’immunité innée sont programmées pour induire une réponse immédiate contre l’intrus, alors que les cellules de l’immunité adaptative (lymphocytes) ont besoin d’une éducation qui se fait dans les organes lymphoïdes centraux (thymus et moelle osseuse), puis d’une activation qui se fait dans les organes lymphoïdes périphériques (rate, ganglions, moelle osseuse, muqueuses).

5. L’éducation primaire des lymphocytes T (dans le thymus) et des lymphocytes B (dans la moelle osseuse) est une étape fondamentale qui permet la sélection des bons lymphocytes suffisamment efficaces pour détruire "l’intrus", mais incapables de réagir contre nos propres constituants (le "soi"). Ces lymphocytes doivent donc être tolérants car, dans le cas contraire, il y a apparition d'une maladie auto-immune.

6. L’activation des lymphocytes T et B dans les organes lymphoïdes périphériques se fait au contact de cellules de l’immunité innée (macrophages, cellules dendritiques) dont la "profession" est de capter les "intrus" en périphérie (c’est-à-dire dans les zones agressées) pour les présenter à ces lymphocytes. La cellule-clé est la cellule dendritique, intermédiaire indispensable entre l’immunité innée et l’immunité adaptative. Cette activation antigénique s’effectue dans les ganglions, la rate, mais aussi les muqueuses qui sont une zone d’échange très originale qui comporte un tissu lymphoïde particulier, appelé MALT (mucosa associated lymphoid tissue).

Chapitre 1

ont la capacité de phagocyter "l’intrus" et de produire des médiateurs de la phase inflammatoire aiguë qui comprennent des médiateurs anti-inflammatoires (enzymes, peptides anti-microbiens, radicaux libres) et des facteurs vaso-actifs et chimiotactiques qui doivent faciliter l'afflux de cellules de l'immunité.

Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

2. L’immunité innée repose sur des cellules (macrophages, cellules dendritiques, polynucléaires, mastocytes) qui

7. La régulation de la réponse immunitaire s’effectue également par des systèmes de contrôle périphérique, notamment des populations lymphocytaires T régulatrices qui semblent très importantes. 8. L’exploration du système immunitaire peut s’effectuer en pratique par une interrogation, des tests et des dosages simples.

9. Une anomalie du système immunitaire peut se traduire par un "défaut de fonctionnement" (déficits immunitaires et anomalie de l'homéostasie) ou par un "excès de fonctionnement" (maladies auto-immunes, maladies auto-inflammatoires et allergies).

10. Parmi les déficits immunitaires, on distingue ceux qui sont d’origine congénitale (transmis de façon mendélienne) et ceux qui peuvent être acquis (liés à un virus (VIH) ou un traitement). 27

L’immunopathologie pour le praticien

11. Des déséquilibres de l’homéostasie du système immunitaire liés à des anomalies génomiques (à transmission mendélienne) se traduisent par des complications lymphoprolifératives et auto-immunes comme le syndrome ALPS (auto-immune lymphoproferative syndrom) lié à des mutations du système Fas-Fas ligand. 12. Les maladies auto-inflammatoires se caractérisent par une dérégulation de l’inflammation d’origine génétique (à transmission mendélienne). Parmi elles, on distingue les fièvres récurrentes héréditaires comprenant la fièvre méditerranéenne familiale, le syndrome hyper-IgD et d’autres affections apparentées liées à des anomalies des gènes NOD2/CARD15 comme certaines formes de maladie de Crohn et le syndrome de Blau. 13. Une meilleure connaissance du système immunitaire a permis le développement de nouveaux immunomodulateurs grâce à des outils thérapeutiques "biologiques" en particulier des anticorps monoclonaux et des protéines de fusion. Cette nouvelle approche a déjà été mise en application avec la commercialisation de plusieurs molécules qui permettent de : ■ bloquer une cytokine pro-inflammatoire comme le TNF! et l’IL-1 par un anticorps monoclonal ou

un récepteur soluble (infliximab, adalimumab, étanercept, anakinra), ■ utiliser un inhibiteur (anticorps monoclonal) capable de neutraliser une cellule, comme le rituximab

qui est un anticorps monoclonal anti-lymphocyte B (anti-CD20), ■ neutraliser l’activité d’une cellule en réduisant ses capacités de prolifération par une protéine de fusion

comme l'abatacept (CTLA4-Ig), ■ utiliser une protéine recombinante ayant des pouvoirs anti-inflammatoires immunomodulateurs,

comme l’IL-10, ■ bloquer un mécanisme important de l’inflammation comme le recrutement de cellules pro-inflam-

matoires en utilisant par exemple un anticorps monoclonal anti-intégrine (natalizumab ou efalizumab), ■ favoriser un mécanisme régulateur comme l’apoptose et surtout la régulation périphérique assumée

par les lymphocytes T régulateurs.

Les grandes questions : 1. Le poids de l’immunité innée dans la pathogénie des maladies inflammatoires et auto-immunes a été longuement négligé. Quel est respectivement le poids de ces deux types d’immunité dans ces maladies ?

2. L’immunité innée est une immunité archaïque dont l’activation repose sur des familles de récepteurs dont les TLR. Quel est le polymorphisme de ce système ? Quelles en sont ses implications physiologiques dans le fonctionnement du système immunitaire ?

3. De façon caricaturale, il est admis que c’est l’immunité innée qui induit l’activation de l’immunité adaptative. En fait, des cellules de l’immunité adaptative (lymphocytes B) portent des récepteurs communs aux cellules de l’immunité innée (par exemple les récepteurs TLR). Quelle est l’importance de l’activation des TLR dans le fonctionnement de l’immunité adaptative lymphocytaire ?

4. L’activation des lymphocytes nécessite une succession de signaux les uns activateurs et les autres inhibiteurs. Comment s’enchaînent et se hiérarchisent ces signaux ?

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nent de façon hiérarchisée ces signaux ?

6. Les messagers intercellulaires (cytokines, chémokines) ont des fonctions multiples et parfois redondantes. Plusieurs cytokines peuvent avoir la même fonction mais aussi des effets biphasiques (effet inhibiteur ou activateur selon concentration sur le site de production). Pourquoi ce degré de complexité ? Comment s’organise-t-il ?

5e partie

5. L’activation de l'immunité met en jeu de nombreux circuits de signalisation cellulaire. Comment se coordon-

7. La cellule dendritique est une cellule-clé d'interface entre l’immunité innée et adaptative. Comment arrive-telle à gérer à la fois les phénomènes de tolérance et l’activation du système immunitaire ?

9. Les progrès de l’immunopathologie permettent de préciser de mieux en mieux le mécanisme des maladies. Ne va-t-on pas faire une nouvelle classification fondée sur les mécanismes pathogéniques des maladies ? Cette approche ne va-t-elle pas permettre de démembrer les entités cliniques comme la polyarthrite rhumatoïde et le lupus qui regroupent probablement des affections de mécanisme moléculaire différent ?

10. Le développement des nouvelles immunothérapies "biologiques" ouvre des perspectives fantastiques, mais pose aussi de nombreuses questions. Quelles sont les stratégies d’utilisation de ces molécules ? Faut-il et peut-on les combiner ? Faut-il déterminer a priori (c’est-à-dire avant le début du traitement) les patients les plus aptes à supporter ce traitement ? Quelle est la tolérance au long cours ? Conclusion : Ce "petit" voyage au cœur de la réaction immunitaire vous a permis de découvrir la subtile organisation de notre système immunitaire qui n’est pas si compliquée que cela. Il est important d’avoir une idée générale et de "connaître la musique"… la partition, le chef d’orchestre et les musiciens. Reste maintenant à découvrir dans les prochains chapitres des mécanismes et des applications cliniques plus détaillées. Prenez du plaisir !

Chapitre 1

système régulateur, en particulier les LT reg, arrive-t-il à empêcher l’apparition de phénomènes d’auto-immunisation tout en permettant le maintien d’une réponse anti-tumorale et anti-infectieuse efficace ?

Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

8. Le système immunitaire est un subtil équilibre entre "suffisamment" et "pas trop" d’activation. Comment le

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L’immunopathologie pour le praticien

6e partie

Lexique

A

DCC (antibody dependant cellular cytotoxicity) : c'est une cytotoxicité dépendante des anticorps qui s’exerce par différentes cellules notamment les lymphocytes T cytotoxiques, les macrophages, les éosinophiles qui reconnaissent la cellule antigénique recouverte d’anticorps par un récepteur appelé FcR (récepteur au fragment C des immunoglobulines).

A B

poptose : c'est la mort programmée de la cellule appelée aussi "suicide" cellulaire qui s’effectue de façon programmée par les mécanismes spécifiques différents de ceux de la nécrose.

C C C

anal thoracique : c'est la voie lymphatique efférente finale se drainant dans la veine sous-clavière (voir circulation lymphatique).

C C C

ellule souche lymphoïde : c'est une cellule issue d’une cellule souche primitive à l'origine des différentes populations lymphoïdes T, B et NK.

CR (B cell receptor) : c'est un récepteur spécifique des lymphocytes B dont la structure, comme le TCR, est formée de chaînes variables et constantes codées par les familles de gènes différentes. La recombinaison de ces familles de gènes permet d’obtenir une diversité capable de créer une quantité innombrable de BCR susceptibles de répondre à la multitude des antigènes de l’environnement.

D (cluster de différenciation) : ce sont des molécules de natures diverses bien identifiées par une nomenclature internationale qui permet de caractériser le phénotype de différentes cellules de l’immunité ou non.

ellule dendritique : c'est une cellule "professionnelle" de la présentation antigénique à l'interface entre l’immunité innée et adaptative. Les cellules dendritiques ont une double fonction : ■ des CDI matures surveillent le système immunitaire en empêchant l’apparition d’une autoimmunisation. ■ les CD qui maturent au contact d’un agresseur ont comme fonction l’activité de l’immunité innée ou adaptative. Il existe deux grands types de CD : ■ les CD myéloïdes comprenant les cellules de Langerhans des épithéliums et les CD interstitielles du derme et des autres tissus. ■ les CD lymphoïdes ou plasmocytoïdes présentes dans les ganglions, la rate, la moelle osseuse et le thymus.

ellule souche myéloïde : c'est une cellule issue d’une cellule souche primitive qui est à l’origine de différents "globules blancs" dont les polynucléaires, les macrophages et les monocytes et les cellules dendritiques.

entre germinatif : c'est une zone au sein d’un follicule lymphoïde dans lequel s’effectue la maturation finale (prolifération et différenciation) des lymphocytes B qui ont reconnu leur antigène au contact des cellules dendritiques et des lymphocytes T.

C

hémokine : c'est une substance produite par les cellules de l’immunité innée et adaptative dont l’objectif essentiel est d’exercer un effet chimiotactique, c’est-à-dire d’attirer d’autres cellules de l’immunité. Les chémokines font partie de la famille des cytokines. A titre d’exemple, l’interleukine 8 est une chémokine ubiquitaire qui attire les polynucléaires.

C

irculation lymphatique : c'est le système qui comprend de petits canaux afférents qui drainent les cellules phagocytaires (cellules dendritiques et macrophages) qui ont capté des "agresseurs" dans les tissus vers les organes lymphoïdes périphériques (rate, ganglions, muqueuses). Ce système comprend des lymphatiques efférents qui partent des organes lymphoïdes périphériques (rate, ganglions, muqueuses). Ces lymphatiques transportent vers la circulation sanguine, par le canal thoracique, les lymphocytes T et B activés, ainsi que les lymphocytes T et B naïfs (n’ayant pas rencontré d’antigène exogène dans les organes lymphoïdes périphériques).

C

ostimulation : c'est un phénomène produit par un médiateur soluble (cytokine) ou par un contact ligand/récepteur qui entraîne soit une activation, soit une inhibition d’une cellule. Ces phénomènes de costimulation sont importants pour l’activation des lymphocytes T et B.

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ytokine : c'est un médiateur produit par des cellules de l'immunité pour transmettre un message qui peut être activateur ou inhibiteur. Les cytokines comprennent les interleukines, les chémokines, les facteurs de croissance.

É F

ducation lymphocytaire : c'est un phénomène d’apprentissage lymphocytaire qui s’effectue dans les organes lymphoïdes primaires (thymus, moelle osseuse) et qui permet la maturation des lymphocytes T et B.

6e partie

C

ollicule lymphoïde : c'est une zone organisée au sein des tissus lymphoïdes périphériques (rate, ganglions, muqueuses) formés essentiellement de lymphocytes B dont la maturation se fait au contact des lymphocytes T et des cellules dendritiques (au sein d’un centre germinatif).

H

mmun-complexe : ce sont des complexes formés par l’association d’antigènes et d’anticorps qui peuvent former des structures circulantes ou se déposant dans les tissus. mmunité adaptative : c’est l’immunité capable de s’adapter aux variations rapides d’un "agresseur". Cette immunité repose sur les lymphocytes T et les lymphocytes B.

mmunité innée : c’est l’immunité archaïque, présente de la mouche à l’homme, capable de façon programmée d’éliminer un agresseur sous la forme de réactions inflammatoires. Cette défense comprend une phagocytose ("digestion" de l’agresseur et libération de différents médiateurs anti-microbiens (enzymes, radicaux libres…) et des substances vaso-actives et chimiotactiques qui amplifient la réponse inflammatoire. Ce système repose sur des cellules phagocytaires (cellules dendritiques, macrophages, polynucléaires, mastocytes).

I

mmunologie : c'est la science qui s’intéresse au fonctionnement du système immunitaire, en particulier des phénomènes de défense anti-infectieuse, anti-tumorale et des mécanismes qui expliquent l'apparition de maladies dysimmunitaires (maladies auto-immunes, allergies, maladies auto-inflammatoires, déficits immunitaires).

I

nterleukine : ce sont des petites substances (protéines) produites par les cellules (globules blancs) de l'immunité pouvant transmettre un message immunitaire important, ce qui est sa signification étymologique (message inter-leucocytes, c'est-à-dire entre les globules blancs). Il existe aujourd'hui une trentaine d'interleukines, portant chacune un numéro qui lui est propre. Les interleukines font partie de la famille des cytokines (messagers cellulaires) dont il existe une centaine de membres. Une même interleukine peut avoir des appellations différentes car elle peut avoir été découverte par différentes équipes de chercheurs mais actuellement des comités internationaux ont pour mission d'homogénéiser la nomenclature en ne retenant qu'une appellation. Pour les interleukines, on peut citer deux d'entre elles qui sont d'importance dans les maladies inflammatoires : ■ l'interleukine 1 est un médiateur de l'inflammation qui est aussi capable d'induire la destruction du cartilage et de l'os dans certaines maladies comme la polyarthrite rhumatoïde. ■ l'interleukine 6 est aussi une puissante cytokine de l'inflammation mais qui a de nombreuses autres actions.

K K L

Chapitre 1

I I I

Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

LA (human leucocyte antigen) : c'est une molécule d’histocompatibilité humaine très polymorphe dont la fonction essentielle est de présenter des antigènes aux lymphocytes T. Il existe des molécules HLA de classe I (essentiellement A, B, C, E, F, G), des molécules de classe II (essentiellement DP, DQ, DR) qui ont des structures et surtout, des fonctions différentes.

AR (K cell activating receptor) : c'est un récepteur activateur propre aux cellules NK.

IR (K cell inhibitor receptor) : c'est un récepteur inhibiteur propre aux cellules NK.

ymphocyte B : c'est la cellule de l'immunité adaptative dont la fonction essentielle est de produire des anticorps mais elle exerce aussi d'autres fonctions immunitaires, notamment de présentation de l'antigène. Cette cellule lymphoïde se caractérise par un récepteur à l'antigène appelé BCR (B cell receptor) et par différentes autres structures membranaires (CD20, CD21, CD38, IgD…) dont l'expression varie selon leur stade de maturation.

L

ymphocytes B auto-réactifs ou auto-agressifs : les lymphocytes B peuvent être auto-réactifs ou autoagressifs, c'est-à-dire produire des auto-anticorps d'affinité variable. ■ Les lymphocytes B auto-réactifs produisant des auto-anticorps de faible affinité sont "physiologiques", présents chez tout le monde. Les auto-Ac produits sont généralement des IgM polyspécifiques de faible affinité qui doivent exercer des rôles physiologiques. 31

L’immunopathologie pour le praticien

■ Les

lymphocytes B peuvent devenir auto-agressifs, c'est-à-dire produire des auto-Ac de forte affinité qui sont généralement des IgG monospécifiques. Ce sont ces auto-Ac qui sont décrits dans les maladies autoimmunes et qui parfois exercent des effets pathogènes directs. L'apparition de ces auto-Ac s'explique par différents phénomènes de maturation mais aussi par un défaut de sélection qui permet aux lymphocytes B auto-agressifs de survivre et proliférer. Outre la production d'auto-Ac, ces lymphocytes B auto-agressifs ont d'autres particularités (présentation d'autoantigènes, production de cytokines…) qui participent à la pathogénie des maladies auto-immunes.

L

ymphocyte NK (natural killer) : c'est une cellule d’origine lymphoïde qui n’exprime pas de caractéristique des lymphocytes T (pas de TCR, pas de CD3) dont la fonction est de détruire par cytotoxicité les cellules infectées et tumorales.

L

ymphocyte T : c'est la cellule de l’immunité adaptative dont la fonction est de gérer et de contrôler l’immunité cellulaire. Ces fonctions comprennent les réponses cytotoxiques contre des cellules infectées et tumorales, les actions de coopération notamment avec un lymphocyte B et les actions de régulation qui permettent d'éviter que le système lymphoïde ne devienne auto-agressif. Cette cellule lymphoïde se caractérise par un récepteur à l'antigène appelé TCR (T cell receptor) et par différentes structures dont le CD3. L'expression de ces antigènes varie selon leur stade de maturation.

L

ymphocytes T auxiliaires (appelés aussi "helper") : ce sont les lymphocytes T, le plus souvent de phénotype CD4, aux fonctions effectrices destinés à stimuler les macrophages par la production de cytokines (LT CD4 Th1) ou à coopérer avec les lymphocytes B (LT CD4 Th2). Une population particulière de LT CD4 est appelée régulatrice. Elle est indispensable pour maintenir une homéostasie du système immunitaire et pour éviter l’apparition de lymphocytes autoréactifs.

L

ymphocytes T cytotoxiques : ce sont les lymphocytes T capables de détecter des cellules infectées ou tumorales exprimant des antigènes particuliers. Ces lymphocytes T de phénotype le plus souvent CD8 exercent leur cytotoxicité par différents mécanismes dépendants des anticorps (ou ADCC) : cytotoxicité dépendante des anticorps ou indépendante des anticorps.

L

ymphocytes T régulateurs : ce sont différentes populations de lymphocytes T, le plus souvent CD4 qui ont comme fonction de réguler le système immunitaire. Il existe des LT régulateurs "naturels" appelés LT reg CD4+CD25+ high qui agissent surtout par contact cellulaire. Il existe aussi des LT régulateurs (LTR1, LTH3 …) "inductibles" par différentes stimulations antigéniques qui agissent surtout par la production de cytokines antiinflammatoires (TGF", IL-10).

M

aladie auto-inflammatoire : c'est un groupe d’affections identifiées récemment et caractérisées par une dérégulation de l’inflammation d’origine génétique (à transmission mendélienne). C’est l’anomalie d’un seul gène qui va produire une réaction inflammatoire avec souvent des conséquences systémiques. Ces affections regroupent : ■ les fièvres récurrentes héréditaires comprenant la fièvre méditerranéenne familiale, les maladies périodiques, le syndrome hyper-IgD, le TRAP-syndrome et les syndromes périodiques associés aux anomalies de la cryopyrine (Muckle –Wells, urticaire au froid et SINCA), ■ les maladies auto-inflammatoires liées aux anomalies génomiques de NOD2/CARD15 comprenant des formes de maladie de Crohn et des formes de Blau.

M

aladie auto-immune : c'est un groupe de maladies caractérisées par une réaction immunitaire "excessive" dont tout ou une partie est dirigé contre les structures de notre propre organisme (appelées constituant du "soi"). Les dérèglements qui induisent cette réaction auto-immune sont multiples, associant des facteurs génétiques "intrinsèques" (caractéristiques immunogénétiques des individus) et des événements "extrinsèques" (infection virale ou toxique, médicamenteux). La nécessité d'associer plusieurs facteurs pour déclencher la maladie explique qu'elle peut débuter de 5 à 85 ans. Ces maladies auto-immunes sont caractérisées, dans la plupart des cas, par la présence d'auto-anticorps, c'est-àdire des anticorps dirigés contre les constituants du "soi". Ces auto-anticorps ne sont pas présents chez tous les patients et n'ont pas forcément de rôle "direct" dans la maladie. Néanmoins, dans certains cas, l'auto-anticorps peut induire directement une lésion. Par exemple, les anticorps anti-plaquettes sont capables de détruire ces cellules sanguines et d’entraîner une thrombopénie (baisse du taux de plaquettes). Il existe différentes formes de maladies auto-immunes : ■ les maladies auto-immunes systémiques qui touchent plusieurs organes (cf. Lupus). Le meilleur exemple est le lupus mais il existe d'autres maladies comme les sclérodermies et les polymyosites…

32

exemple les thyroïdites auto-immunes (responsables d'hypo ou d’hyperthyroïdie) et le diabète qui est la conséquence d'une destruction auto-immune du pancréas.

M

ALT : (mucosa associated lymphoid tissue) : c'est le tissu lymphoïde associé aux muqueuses se comportant comme un tissu lymphoïde périphérique dans lequel s’effectuent les phénomènes d’activation lymphocy-

M P

astocyte : c'est une cellule de l’immunité innée d’origine myéloïde qui a la capacité de libérer les substances vasoactives des cytokines (comme le TNF) et d'exercer différentes autres fonctions.

taire.

6e partie

■ les maladies auto-immunes d'organe qui ont la particularité de ne toucher qu'un seul organe comme par

lasmocyte : c'est un lymphocyte B mature activé par son antigène dont la fonction est de produire des anticorps. RR (pattern recognition receptors) : ce sont des récepteurs portés par les cellules de l’immunité innée et certaines cellules de l’immunité adaptative (lymphocytes B). Ils sont activés par des PAMPS.

ystème lymphoïde central : c'est un système comportant les organes lymphoïdes centraux c’est-à-dire le thymus (dans lequel s’effectue l’éducation des lymphocytes T immatures) et la moelle osseuse (dans laquelle s’effectue l’éducation des lymphocytes B immatures).

S

ystème lymphoïde périphérique (ou secondaire) : ce système comprend la rate, les ganglions et le tissu lymphoïde associant muqueuses (appelées MALT ou mucose associated lymphoid tissue) dans lequel s’effectue l’activation des lymphocytes T et B qui sont venus les coloniser après leur éducation dans les organes lymphoïdes centraux (thymus et moelle osseuse).

T

CR (T cell receptor) : c'est un récepteur spécifique à l’antigène porté exclusivement par les lymphocytes T. Ce récepteur, comme les immunoglobulines, est formé d’une structure variable et d’une structure constante qui sont codées par des familles de gènes dont la recombinaison permet d’obtenir une diversité telle que ces structures peuvent reconnaître une quantité innombrable d’antigènes.

T

oll-like receptors (TLR) : ce sont des récepteurs portés essentiellement par les cellules de l’immunité innée, mais aussi par certains lymphocytes (lymphocytes B). Ces récepteurs sont activés par différents constituants microbiens (sucre, lipides, acide nucléique) (appelés PAMPs (pathogen associated microb pattern)) habituellement absents dans les cellules eucaryotes. Cette famille de récepteurs qui fait partie des PRR (pattern recognition receptors) utilise les voies de signalisation au profit de celles de l’interleukine-1.

Chapitre 1

P P S

Le système immunitaire : Quel est son rôle ? Quelle est son organisattion ?

AMPS (pathogen-associated molecular pattern) : ce sont des constituants microbiens (sucre, lipides, acide nucléique) présents dans de nombreuses espèces d’organismes pluricellulaires primitifs (procaryotes) mais absents dans les cellules eucaryotes. Ces PAMPS activent les cellules de l’immunité innée et parfois certaines cellules phagocytées (lymphocytes B) via des récepteurs (PRR) comme ceux de la famille des TLR.

33

L’immunopathologie pour le praticien 34

7e partie

Pour en savoir plus



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Posnett DN, Yarilin D. Amplification of autoimmune disease by infection. Arthritis Res Ther 2005;7:74-84.



03

1. Qu’est-ce qu’un lymphocyte T ?



03

2. Comment est éduqué un lymphocyte T ?

   

05 06 07 07



08



08



08

 

08 08



08

  

12 12 13

 

13 13

Comment étudier les lymphocytes T ?



17

1. L’hémogramme



17

2. Le phénotypage lymphocytaire

  

17 17 17



18

• Les étapes de sélection thymique • La migration des lymphocytes T matures naïfs hors du thymus • La reconnaissance antigénique par un récepteur spécifique (TCR)

3. Comment est activé un lymphocyte T dans les organes lymphoïdes secondaires ? • Les antigènes sont présentés aux lymphocytes T par des cellules présentatrices de l’antigène (CPA) • Les signaux d’activation induisant des phénomènes enzymatiques de phosphorylation et de déphosphorylation intracellulaire qui activent la “machinerie” lymphocytaire • L’activation cellulaire se traduit aussi par des flux calciques qui ont des conséquences cellulaires importantes • Certaines molécules caractérisent l’activation des lymphocytes T • Certaines molécules ont un rôle particulier dans l’activation des lymphocytes T

4. Quelles sont les principales fonctions lymphocytes (T auxiliaires, T régulateurs, T cytotoxiques) ? • Les lymphocytes effecteurs • Les lymphocytes mémoires • La régulation des lymphocytes effecteurs et mémoires dépend de molécules appelées “chemokines” • Les lymphocytes T régulateurs

2e partie

Comment j’explore ?

• L’exemple de l’infection par le VIH • L’exemple des lymphoproliférations

3. Les tests lymphocytaires fonctionnels

Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

1ère partie Les données fondamentales

Chapitre 2

LE LYMPHOCYTE T : DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE

SOMMAIRE

Chapitre 2

3e partie Le rôle du lymphocyte T en pathologie  19 1. L’exemple d’une maladie infectieuse : le SIDA • L’évolution naturelle de l’infection • L’effet cytopathogénique du VIH

  

19 19 19 1

L’immunopathologie pour le praticien

• Les mécanismes de la déplétion lymphocytaire CD4+ à la phase aiguë • Les mécanismes de la déplétion lymphocytaire CD4+ à la phase chronique

19



19

2. L’exemple des maladies auto-immunes : démonstration du rôle des lymphocytes T régulateurs  20 • Quelle définition ?  20 • Quelle origine ?  20 • Rôle du lymphocyte T régulateur dans les maladies auto-immunes (polyarthrite thumatoïde)  20 • Quel est le mécanisme de la dérégulation de l’immunité régulatrice dans les maladies auto-immunes ?  20    

21 21 21 21

pour neutraliser les lymphocytes T ?



22

1. Quel est l’effet des traitements classiques ?



22 22

3. L’exemple des maladies lymphoprolifératives • Quelle définition ? • Quand faut-il évoquer un pseudo-Felty ? • Comment faire le diagnostic de pseudo-Felty ?

4e partie

Quel traitement

• Les corticoïdes  • Méthotrexate, léflunomide, azathioprine et mycophénolate mofetil : des antimétabolites  • Les inhibiteurs de la calcineurine : la ciclosporine  • Quel est l’effet des anti-TNF sur les lymphocytes T ?  • Quelles sont les nouvelles molécules capables de “réguler” les lymphocytes T ?  • Les anti-molécules d’adhésion et chemokines  • La tolérance par voie orale 

5e partie

Synthèse

1. Les points forts 2. Les grandes questions

2



22 22 23 23 24 24



25

 

25 25

6e partie

Lexique



26

7e partie

Pour en savoir plus



28

LE LYMPHOCYTE T : DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE Jacques Morel - CHU Lapeyronie, Montpellier Jean-Marie Berthelot - CHU Nantes

1ère partie

Chapitre 2

1. Qu’est-ce qu’un lymphocyte T ? Le lymphocyte T est une cellule essentielle du système immunitaire, chargée d’amplifier ou de freiner la réponse immune. Dans le sang périphérique, les lymphocytes T se caractérisent par l’expression d’un marqueur membranaire appelé CD3 et un récepteur spécifique le TCR (T cell receptor) qui est directement impliqué dans la reconnaissance antigénique FIGURE 1 . Les lymphocytes T comme les autres cellules hématopoïétiques sont issus d’une cellule souche totipotente présente dans la moelle osseuse. Les progéniteurs des lymphocytes T migrent au sein d’un organe spécialisé, le thymus, afin d’y terminer leur différenciation en cellules T matures. Schématiquement, il existe différents types de lymphocytes T TABLEAU 1 ET FIGURE 2 : ■ lymphocytes T effecteurs ■ lymphocytes T régulateurs ■ Lymphocytes NK

FIGURE 1 - Le rôle des lymphocytes T est surtout d’amplifier la réponse immune (par la production de cytokines ++) et/ou stimuler les cellules ‘tueuses’ (macrophages, PN, NK, sécrétion d’anticorps par les B) après avoir reconnu par leur unique TCR des complexes HLA+peptide présentés par une cellule professionnelle (dendritique surtout). Le TCR est composé d'une chaîne ␣ et d'une chaîne ␤ qui flottent sur des radeaux lipidiques

Chapitre 2

1ère partie Les données fondamentales

Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

L’Homme est continuellement agressé par des agents extérieurs vivants comme les virus, bactéries ou inertes tels que les allergènes. Nous devons notre survie grâce à notre système immunitaire qui établit des barrières de défenses avec en première ligne une immunité innée qui permet une réaction rapide et ensuite une immunité plus élaborée et spécifique dirigée contre l’agresseur. Le lymphocyte T ou plutôt les différents lymphocytes T sont les acteurs principaux de cette réponse immunitaire spécifique appelée aussi adaptative. Mais qu’est-ce qu’un lymphocyte T ? Quels sont les moyens de les analyser ? Quel est leur rôle en pathologie ? Comment les neutraliser ? Autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre dans ce chapitre dédié à cette cellule.

3

L’immunopathologie pour le praticien

TABLEAU 1 - CD et lymphocyte T

Molécules associées aux récepteurs TCR (T Cell Receptor)

Récepteurs de cytokines

CD

Fonction

Commentaires

CD3

Chaîne associée au TCR

Commun à tous les lymphocytes T (rôle dans la transduction du signal)

CD4

Chaîne associée au TCR

Lymphocytes T dit « helper » ou auxilliaires ; rôle dans la reconnaissance de l'antigène présenté par le complexe majeur d’histocompatibilité (HLA) de type II.

CD8

Chaîne associée au TCR

Lymphocytes CD57s T dit cytotoxiques ; rôle dans la reconnaissance de l'antigène présenté par le complexe majeur d’histocompatibilité (HLA) de type I.

CD45RA

Tyrosine kinase (module la transduction du signal TCR)

Lymphocytes T naïfs qui n’ont pas encore été activés par un antigène.

CD45RO

Tyrosine kinase (module la transduction du signal TCR)

Lymphocytes T mémoires qui ont déjà rencontré un antigène.

CD25

Chaîne alpha du récepteur pour l'interleukine 2

Les lymphocytes T activés expriment CD25 et aussi d’autres marqueurs : CD69. Les lymphocytes T régulateurs sont des lymphocytes T CD4+ qui expriment fortement CD25

CD28 ou CD40L

Fixation au CD40

Molécules de costimulations nécessaires à l’activation du lymphocyte T. Il existe d’autres molécules de costimulation : CD2, CD134.

CD56, CD57

Fixation à la molécule d’adhésion N-CAM

Lymphocytes « Natural Killer » capables de détruire une cellule en utilisant des molécules pouvant perforer la membrane cellulaire tels que perforines et granzymes.

Co-stimulation entre cellules adjacentes

4

2. Comment est éduqué un lymphocyte T ? Une fois dans le thymus, les cellules souches se différencient en lymphocytes T thymiques appelés thymocytes sous l’effet du micro-environnement épithélial thymique. Au cours de ce processus de différenciation, les thymocytes migrent de la périphérie (cortex) vers le centre (medulla) du thymus FIGURE 3 . FIGURE 3 - L’éducation/sélection des lymphocytes T dans l’école thymique se fait en deux temps : Le “primaire” : dans la corticale thymique (Cx) où l’expression des TCR a lieu; Le “secondaire” dans la médullaire thymique (M, avec ses corpuscules de Hassal: H).

Chapitre 2

Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

tions lymphocytaires T se distinguent par leur CD : les CD4+ sont les lymphocytes T auxiliaires et les CD8+ les lymphocytes T cytotoxiques. D’autres marqueurs sont indispensables à l’activation du lymphocyte T : CD2 et CD28. Aprés une stimulation antigènique, les lymphocytes T expriment des marqueurs d’activation (CD25, CD69...). Certains de ces lymphocytes activés deviennent des lymphocytes mémoires caractérisés par l’expression de CD45RO alors que les lymphocytes non stimulés par un antigène sont dit naïfs et expriment CD45RA. Une sous-population régule l’activation des lymphocytes T, ce sont les T régulateurs qui expriment fortement CD25. Les lymphocytes cytotoxiques Natural Killer expriment CD56 et CD57.

1ère partie

FIGURE 2 - Les marqueurs de différenciation ou « clusters of differentiation ». Le CD3 caractérise les lymphocytes T. Deux sous-popula-

5

L’immunopathologie pour le praticien 6

Les cellules épithéliales et mésenchymateuses qui composent l’espace interlobulaire de la capsule thymique expriment des molécules de surface telles que le complexe majeur d’histocompatibilité (HLA I ou II) et produisent des cytokines qui favorisent la maturation des thymocytes. Les thymocytes passent ainsi d’un stade immature caractérisé par l’absence d’expression des marqueurs CD3, CD4 et CD8 à un stade de transition double positif pour CD4 et CD8. ■ Les étapes de sélection thymique Un processus de maturation des thymocytes s’effectue qui implique une double sélection. La sélection positive encore appelée éducation thymique est un processus qui veille à ce que seules les cellules T dont les TCR possèdent une affinité modérée pour les molécules HLA puissent continuer leur maturation FIGURE 4 . A l’inverse les cellules qui possèdent une très forte ou très faible affinité pour les molécules HLA mourront par apoptose d’où le nom de sélection négative FIGURE 5 . Les thymocytes se différencient en lymphocytes T matures CD4+ ou CD8+ qui sortent du thymus pour circuler dans le système périphérique (sang, organes lymphoïdes). FIGURE 4 - Pendant la sélection positive, seuls les 10% de thymocytes (CD4+CD8+) (lymphocytes T thymiques) capables de reconnaître une molécule HLA auront le droit de survivre. Selon le type de molécule HLA utilisé pour présenter l'antigène, ils deviendront lymphocytes T CD4 ou TCD8

FIGURE 5 - La sélection négative. Seuls les 3% de thymocytes CD4 ou CD8 (lymphocytes T thymiques) ne reconnaissant que "faiblement" les complexes HLA+peptides, survivront.

■ La reconnaissance antigénique par un récepteur spécifique (TCR) Cette reconnaissance d’un antigène spécifique par le lymphocyte T est assurée par le TCR qui est composé de deux chaînes peptidiques hétérogènes soit ␣␤ soit ␥␦. La diversité des cellules T apportée par leur TCR est essentielle pour assurer une protection contre un large panel d’antigènes. C’est au moment du réarrangement des chaînes ␣␤ du TCR dans le thymus, que cette diversité est générée FIGURE 7 . Le réarrangement pourrait être comparé à la combinaison d’un code à plusieurs chiffres. Le nombre de combinaison possible est très important mais seul le code exact permet une correspondance parfaite des composants du verrou qui en permet l’ouverture. FIGURE 7 - Le récepteur T (= TCR) est synthétisé “au hasard” dans le thymus par recombinaison de gènes VDJ (chaîne ␤)

ou VJ (chaîne ␣)

.

Chapitre 2

Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

FIGURE 6 - Les T naïfs produits en permanence dans le thymus ont quelques jours pour rencontrer un peptide présenté efficacement dans un ganglion sinon, ils meurent.

1ère partie

■ La migration des lymphocytes T matures naïfs hors du thymus Ces lymphocytes T sortant du thymus sont dans un état dit "naïf" car ils n’ont pas encore rencontré leur antigène spécifique et ils se caractérisent par l’expression du marqueur CD45RA FIGURE 6 . C’est à l’extérieur du thymus que les lymphocytes T sont capables de reconnaître plus d’un milliard d’antigènes différents.

■ Chaque lymphocyte T ␣␤ a donc la capacité de reconnaître certains peptides, de manière très spécifique,

qui lui seront présentés par une cellule professionnelle de la présentation antigénique (CPA). Toutefois, un même TCR ␣␤ peut lier, bien qu’avec une affinité plus faible, des dizaines de milliers d’autres "couples" 7

L’immunopathologie pour le praticien

HLA. Cette inévitable poly-spécificité des TCR est souhaitable, car la probabilité qu’un T naïf arrivant dans un ganglion trouve par "hasard" et d’emblée le couple peptide + HLA pour lequel il a le plus d’affinité est presque nulle, alors qu’il faut une stimulation par le TCR à ce T naïf pour survivre. ■ Les lymphocytes T ␥␦ qui sont le plus souvent CD4-CD8-, sont en général spécifiques d’antigènes non

présentés par des HLA, par exemple la protéine du stress Hsp65 des mycobactéries. Il s’agit d’une variété de lymphocytes T encore ancestrale, surtout exprimés dans les épithéliums, qui ne reconnaissent qu’un nombre restreint d’antigènes. La rencontre entre lymphocyte T et CPA s’effectue dans les organes lymphoïdes secondaires.

3. Comment est activé un lymphocyte T dans les organes lymphoïdes secondaires ? Les lymphocytes T sortis du thymus entrent dans un circuit empruntant en alternance les vaisseaux sanguins et lymphatiques, qui leur permettent de passer régulièrement dans les organes lymphoïdes secondaires (ganglions, rate) (cf. chapitre 1). Dans un organe lymphoïde, les antigènes pathogènes sont présentés par les CPA aux lymphocytes T. ■ Les antigènes sont présentés aux lymphocytes T par des cellules présentatrices de l'antigène (CPA). Les CPA expriment à leur surface des molécules HLA de classe I et II qui lient les peptides antigéniques. La reconnaissance de l’antigène par les cellules T CD8+ est restreinte aux molécules HLA-I tandis que les lymphocytes T CD4+ sont activés par les peptides couplés aux molécules HLA-II. La co-localisation entre le TCR, le HLA, les molécules d’adhésion et les molécules de co-stimulation forment une zone de contact étroite entre les cellules appelée la synapse immunologique FIGURE 8 . ■ Le 1er signal d'activation

La liaison HLA et TCR induit un premier signal mais qui n’est cependant pas suffisant pour activer le lymphocyte T FIGURE 9 . ■ Les 2 signaux dits de "co-stimulation"

Des facteurs de co-stimulation tels que les molécules CD2 et CD28 FIGURE 10 induisent un deuxième signal qui est indispensable à la transmission du signal intracellulaire aboutissant à l’activation du lymphocyte T. D’autres molécules co-stimulatrices (ICOS pour inducible co-stimulator, OX40 = CD134, 4-1BB = CD137, et CD40L) ont un rôle plus accessoire FIGURE 10 . ■ Les signaux d'activation induisent des phénomènes enzymatiques de phosphorylation (kinase) et de déphosphorylation (phosphatase) intracellulaire qui activent la "machinerie" lymphocytaire. Les mouvements de ces molécules embarquées sur des radeaux lipidiques à la surface de la membrane cellulaire vont en quelques secondes mettre en contact des enzymes sous-membranaires (les tyrosines kinases) avec des motifs ITAM (immuno-receptor-based-activation-motif) qui contiennent des résidus tyrosines FIGURE 11 . Les motifs ITAMs sont peu à peu phosphorylés par ZAP-70, puis d’autres tyrosines-kinases qui vont activer encore d’autres enzymes créant ainsi une réaction en chaîne correspondant à la transmission du signal intracellulaire vers le noyau et à l’activation de certains gènes. ■ L'activation cellulaire se traduit aussi par des flux calciques qui ont des conséquences cellulaires importantes. Le rapprochement des TCR à la surface de la cellule induit également des mouvements de calcium libre intra- cellulaire qui entraînent une réaction en chaîne enzymatique qui va accroître la mobilisation de calcium dans la cellule, laquelle va alors pouvoir activer la calcineurine. Cette phosphatase va, sous l'effet des signaux calciques et de la calmoduline, provoquer la déphosphorylation d’un facteur de transcription (NF-Atp). Sous cette forme active NF-ATp traverse la membrane nucléaire et induit l’activation des gènes contrôlant la synthèse de l’IL-2 et la prolifération du T donnant ainsi naissance à un clone T. ■ Certaines molécules caractérisent l'activation des lymphocytes T. Les lymphocytes T activés se distinguent par l’expression de nouvelles molécules de membrane, dites d’activation telles que CD69 et CD25 ou encore les molécules HLA-II. ■ Certaines molécules ont un rôle particulier dans l'activation des lymphocytes T. L’activation du lymphocyte T est régulée par des phosphatases et des molécules de co-stimulation négative. ■ PTPN22 : une phosphatase importante

Parmi les nombreuses phosphatases décrites, la plus intéressante est la protéine tyrosine phosphatase PTPN22, une phosphatase spécifique du lymphocyte T, dont l’activation régule à la baisse l’activation du T avec une moindre sécrétion d’IL-2 FIGURE 12 . 8

FIGURE 9 - Le 1er signal est donné par le contact TCR/HLA + peptide. Un "2e signal" pour informer le T sur la réponse à donner. La principale source de ce 2ème signal est la molécule CD28 qui lie une molécule B7.1 ou 2 des cellules présentatrices (CD80 ou CD86).

1ère partie Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

• Le 1er signal est induit par le contact TCR/peptide + HLA. • Le contact entre le LT et la CPA est stabilisé par des molécules d'adhésion.

Chapitre 2

FIGURE 8 - Le “baiser” TCR / peptide + MHC doit être stabilisé. Expression de molécules d’adhésion complémentaires :

9

L’immunopathologie pour le praticien 10

FIGURE 10 - Le 1er signal est donné par le contact TCR/HLA + peptide. Un "2e signal" pour informer le T sur la réponse à donner. Il existe en fait de nombreuses autres voies de co-stimulation (moins fortes) : CD40-CD40L (CD154), ICOS-ICOSL, OX40 = CD134, 4-1BB = CD137.

FIGURE 11 - La "gâchette" du lymphocyte T est plus ou moins "tendue" selon le degré de phosphorylation. • Cette phosphorylation est assurée par des tyrosines-kinases : Zap-70, puis Src (p56 lck et p59 fyn). • Cette phosphorylation est majorée par l’expression d’une tyrosine-kinase "de surface" appelée CD45, qui est + ou – active selon sa conformation : CD45RA = peu active (T naïfs); CD45RO = plus active (T mémoires).

■ CTLA-4 : une molécule inhibitrice essentielle

CTLA-4 est une molécule de co-stimulation capable de lier les mêmes ligands que CD28 mais induit plutôt un signal négatif FIGURE 13 . CTLA-4 altère en effet les capacités de prolifération et de synthèse de cytokines des lymphocytes T de deux manières : d’une part en entrant en compétition avec CD28 pour lier les molécules de co-stimulation B7.1 et B7.2 ; d’autre part en favorisant la dégradation du tryptophane qui est un acide aminé indispensable à la prolifération lymphocytaire.

1ère partie

la PTPN22 freinent cette activation. Une mutation du gène PTPN22 rend la protéine phosphatase PTPN22 non fonctionnelle, ce qui induit une activation persistante du lymphocyte T. La mutation PTPN22 est associée à plusieurs maladies auto-immunes : PR, diabète, myasthénie, etc.).

Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

FIGURE 12 - La "gâchette" du lymphocyte T est aussi modulée par une déphosphorylation assurée par des phosphatases. Des phosphatases dont

L’intensité du signal d’activation du lymphocyte T transmis par le TCR peut être également modulée par certaines molécules. Les CD44 et CD69 amplifient le signal tandis que la molécule CD5 semble au contraire le réduire FIGURE 14 . FIGURE 13 - La régulation de l'activation des lymphocytes T dépend de molécules de co-stimulation. CD28 a un analogue antagoniste qui reste dans le cytoplasme au début de l’activation des T = CTLA4. Le signal s’inverse quand la molécule CTLA-4 vient “remplacer” CD28 en liant aussi CD80 ou CD86 (à la “fin” de la réponse T, pour la freiner).

Chapitre 2

■ D'autres molécules participent à la régulation de l'activation des lymphocytes T

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L’immunopathologie pour le praticien

FIGURE 14 - L'activation du lymphocyte T dépend d'autres molécules de surface.

4. Quelles sont les principales fonctions lymphocytes (T auxiliaires, T régulateurs, T cytotoxiques) ? La reconnaissance d’un antigène par le lymphocyte T naïf induit une réponse immunitaire primaire. Au décours de cette rencontre, le phénotype et les fonctions du lymphocyte T vont être modifiés et deux différents types de populations lymphocytaires T vont se développer : les cellules "effectrices" qui vont s’opposer à l’expansion de l’antigène et les cellules "mémoires" qui seront capables d’induire une réponse immunitaire rapide et efficace en cas de nouvelle rencontre avec cet antigène. ■ Les lymphocytes effecteurs Les cellules effectrices assurent des fonctions spécialisées, telles que la sécrétion de cytokines ou encore l’aide aux lymphocytes B dans la fonction humorale (lymphocytes T CD4+ encore appelés lymphocytes T auxiliaires) ainsi qu’une activité cytotoxique (lymphocytes T CD8+). ■ Les lymphocytes T effecteurs "auxiliaires" de phénotype CD4

Les lymphocytes T auxiliaires ou "helper" en anglais (TH) se divisent en deux sous-populations caractérisées par des profils de sécrétion cytokinique différents FIGURE 15 . - La sous-population TH1 qui sécrète les cytokines IL-2 et l’IFN␥, intervient dans des fonctions à médiation cellulaire telles que l’hypersensibilité retardée ou l’activation des lymphocytes cytotoxiques. - L’autre sous-population TH2 qui sécrète les interleukines IL-4, IL-5 et IL-10, intervient surtout dans la réponse humorale en activant les lymphocytes B. - Une autre sous-population TH17 a été décrite, caractérisée par la production d'IL-17 qui est une cytokine aux actions diverses. Elle est notamment impliquée dans la destruction ostéo-articulaire rhumatoïde. FIGURE 15 - Les lymphocytes T CD4+ lorsqu’ils sont activés par un antigène se différencient soit en lymphocytes TH1 qui sécrètent les cytokines IL-2 et IFN gamma soit en lymphocytes TH2 qui sécrètent les cytokines IL-10 et IL-4. Les lymphocytes TH1 ont un effet contrôle négatif sur le développement des lymphocytes TH2 et réciproquement. Les LT CD4+ peuvent aussi être activés, sous l'effet de l'IL-23, en LTH17 sécréteur d'interleukine 17.

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Les lymphocytes TCD8+ ont quant à eux une action cytotoxique. Ces lymphocytes T cytotoxiques sont capables d’induire la mort d’une cellule par l'excrétion de perforine et de sérines protéases comme les granzymes qui sont contenus dans des granules intracellulaires. ■ Les lymphocytes mémoires Les cellules mémoires issues d’une première réponse immunitaire vont se comporter comme des sentinelles capables d’induire une nouvelle réponse immune spécifique d’un antigène mais dans un délai plus court. Cette mémoire immunologique est le principe même de la vaccination. Ces lymphocytes T mémoires ont une durée de vie très allongée et se distinguent par l’expression de la molécule CD45RO.

1ère partie

■ Les LT effecteurs "cytotoxiques" de phénotype CD8

■ La régulation des lymphocytes effecteurs et mémoires dépend de molécules appelées "chemokines". Les lymphocytes T effecteurs ou mémoires recirculent chaque 12 à 24 heures, du sang vers la lymphe puis les ganglions, puis à nouveau vers le sang. Cette circulation est possible grâce à l’implication de molécules d’adhésion et des chemokines.

■ Les chemokines "inductibles" lors d'une agression inflammatoire

D’autres chemokines dites inflammatoires sont produites en cas d’agression d’un tissu périphérique, et servent à permettre à un lymphocyte T mémoire ayant rencontré un antigène spécifique de retourner dans ce tissu après avoir reçu un signal de confirmation (d’amplification) dans un ganglion et l’instruction d’exprimer durablement à sa surface le récepteur à cette chemokine. Le lymphocyte T mémoire va ensuite ainsi patrouiller en permanence des organes lymphoïdes secondaires vers ce tissu sans s’égarer dans d’autres tissus : les lymphocytes T des plaques de Peyer activés par leurs antigènes font la navette entre l’épithélium et les plaques de Peyer tandis que les lymphocytes T des ganglions périphériques ne gagnent jamais la muqueuse intestinale. Chaque micro-environnement tissulaire exprime un "parfum" différent, somme de parfums élémentaires, induisant la migration très préférentielle de certains lymphocyte T mémoires ou effecteurs, liée à la possession par ces lymphocytes T des récepteurs aux chemokines correspondantes. Il s’agit par exemple de l’expression sur les lymphocytes T du récepteur à la chemokine CCR4 (pour la peau), CCR5 et ␣4␤7 (intestin), etc. ■ Les lymphocytes T régulateurs ■ Les lymphocytes T régulateurs "naturels"

Un très faible contingent de lymphocytes T CD4 reconnaissant mieux le Soi que les autres échappent aux filtres thymiques et médullaires. Ces lymphocytes T ont la particularité de freiner la réponse immune après avoir reconnu par leurs TCR divers auto-antigènes lors de leur migration dans les ganglions et les tissus périphériques. Cette fonction de lymphocyte T régulateur (T reg) concerne 1 à 2% des lymphocytes T CD4 du sang. Ces lymphocytes T régulateurs expriment en grandes quantités la molécule CD25 (TCD4+CD25+high) et le facteur de transcription FOX-P3 FIGURES 16 ET 17 . La fonction régulatrice des lymphocytes T régulateurs s’exerce surtout par l’envoi aux cellules présentatrices de voisinage de signaux d’apaisement, comme l’expression de CTLA-4, ou la libération de cytokines comme le TGF-␤ et l’IL-10. Ces TCD4+CD25+high "constitutionnels" n’auraient pas un répertoire différent des lymphocytes T effecteurs, mais la gâchette de leur TCR paraît plus "sensible". De ce fait, ces cellules en étant plus facilement activées que les lymphocytes T effecteurs exerceraient sur l’ensemble de la réponse immune un frein permanent pour éviter des dérapages tels que ceux que pourrait occasionner la stimulation dans un ganglion par un épitope étranger d’un lymphocyte T ayant la capacité à ensuite trop bien reconnaître dans certains tissus par le même TCR un épitope du Soi.

Chapitre 2

Certaines de ces chémokines sont dites homéostatiques, car exprimées de manière constitutive comme CCL21 produite par les cellules endothéliales des ganglions. Les lymphocytes T qui expriment le récepteur de CCL21 (CCR7) vont être attirés comme des aimants vers les organes lymphoïdes secondaires.

Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

■ Les chemokines "constitutives"

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L’immunopathologie pour le praticien 14

FIGURE 16 - L'activation des lymphocytes T se caractérise par l'expression du récepteur à l’IL2 = CD25 qui amplifie la prolifération du T (boucle autocrine). Toutefois, si le taux de CD25 (TCD4+CD25+high) est très élevé , le T n’est plus effecteur mais “régulateur” (freine la réponse immune).

■ Les lymphocytes T régulateurs inductibles

Certaines populations appelées Th3, Tr1 sont des populations régulatrices inductibles par des antigènes (surtout digestifs). Ces cellules agissent par sécrétion de cytokines (TGF␤, IL-10). FIGURE 17 - Une population "naturelle" de TCD4+CD25+high acquérant le phénotype T reg est produite dans le thymus. Ces lymphocytes T regulateurs freinent la réponse immune lorsqu’ils lient par leurs TCR certains peptides du "Soi". Ces T reg TCD4+CD25+high freinent la réponse immune : - via l’expression de CTLA4 à leur surface et de GITR - Glucocorticoid Induced TNF Receptor - (mécanisme dominant) - via la libération de cytokines inhibitrices (IL-10, TGF-␤).

L’émergence des lymphocytes T dans la phylogénie tient aux limites de l’immunité innée dite archaïque (macrophages, polynucléaires, mastocytes, complément). Cette immunité n'est capable de reconnaître que des motifs antigéniques rares ou absents dans le corps humain. Ce système a 4 limites essentielles :

1ère partie

Raisons de l’émergence des lymphocytes T dans la phylogénie

1) la difficulté à limiter la réponse immune à une cible très précise (sans induire de dégâts collatéraux) ; 2) l'incapacité à distinguer précisément le Soi et le Non-soi ; 3) l’impossibilité à repérer la présence d’intrus (virus) au sein des cellules ; 4) l’absence de mémoire.

L'acquisition d'un système HLA plus sophistiqué a permis l'émergence d'une immunité adaptative plus subtile que l'immunité innée archaïque. L’évolution a ensuite utilisé les molécules HLA de manière plus subtile en en faisant les présentoirs de fragments d’antigènes (séquences de peptides provenant du débobinage des protéines) ce qui n'était pas possible par le système immunitaire "archaïque". En effet, celui-ci (comme également les anticorps) ne "voit" les molécules (dont les protéines) que dans leur conformation finale. Comme des protéines humaines et microbiennes peuvent avoir des formes très proches, l’étirement puis le découpage des protéines (par le protéasome au sein du cytoplasme des cellules présentatrices) peut permettre de mieux discriminer entre Soi et non-Soi. Cependant, compte-tenu du nombre énorme de peptides à surveiller cette solution n’a pu être adoptée par les organismes vivants que grâce à l’astuce du système HLA qui a 3 intérêts essentiels : ■ La nécessaire liaison au système HLA permet de "restreindre" la réponse immunitaire aux seuls (mais déjà très nombreux) peptides ayant la capacité de se lier dans le cytoplasme de la cellule présentatrice aux "présentoirs" HLA. Ceci permet de limiter de manière assez considérable le nombre de lymphocytes T nécessaires chez un sujet donné à "couvrir" l’ensemble des possibilités de conformation offerte par les combinaisons HLA (A,B,C, DP,DQ,DR) associées aux peptides. ■ Les molécules HLA permettent de concentrer à un endroit très précis de la cellule présentatrice la zone où le lymphocyte T va être invité (par cette cellule présentatrice) à répondre ou non à la question posée au système immunitaire dit adaptatif (Soi ou non-Soi), complétant ainsi la question plus primitive (Danger ou non-Danger) posée initialement par le système immunitaire archaïque.

Chapitre 2

Le système HLA a été sélectionné par l’évolution pour répondre à la plupart de ces limites. Les premières molécules HLA ont servi aux premiers lymphocytes (de type NK) à mieux distinguer entre le Soi et le nonSoi par un système encore assez simple. Cette catégorie de lymphocytes à fonction "tueuse" ("natural killer") ne respectent en effet que les cellules exprimant les HLA du sujet, et tuent à l’inverse, soit les cellules qui n’expriment pas de HLA (cellules animales ou cellules cancéreuses), soit les cellules n’expriment pas les mêmes HLA que ceux du sujet (greffes allogéniques).

Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

Comment le système immunitaire a évolué : l'acquisition des molécules HLA "ancestrales".

■ Le système HLA permet aussi de différencier assez bien les peptides issues d’antigènes provenant de l’intérieur de la cellule (présentés par les HLA de classe I) de ceux en provenance de la membrane ou de l’extérieur de la cellule (présentés par les HLA de classe II). Le développement d'un système d'éducation des lymphocytes Restait toutefois à trouver un moyen d’éduquer les lymphocytes T d’un sujet à répondre de manière énergique à des peptides du non-Soi, tout en ne répondant pas à des peptides provenant du Soi. ■ Un premier moyen, sélectionné par l’évolution, a été que les gènes codant pour les récepteurs T

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L’immunopathologie pour le praticien 16

permettent la production des récepteurs ayant une meilleure affinité pour les peptides exogènes qu’endogènes. Néanmoins, cela n'est pas suffisant car les séquences primaires des protéines microbiennes et humaines peuvent être très similaires (homologies de séquences peptidiques), ce qui est mis à profit par de nombreux virus pour pouvoir persister au sein des cellules). ■ L’ autre moyen a été d’utiliser la période fœtale, durant laquelle le fœtus est protégé de la plupart des infections par le système immunitaire maternel et la barrière placentaire, pour apprendre aux futurs lymphocytes T à reconnaître d’abord le "Soi", pour ne pas y répondre. Les lymphocytes T régulateurs de type TCD4+CD25+ sont probablement éduqués à cette période de la vie. Ces lymphocytes régulateurs naturels, lorsqu’ils ont rencontré leurs cibles (des peptides du Soi présentés par des molécules HLA du même sujet), envoient aux cellules du système immunitaire de voisinage (cellules présentatrices comme cellules effectrices) des signaux d’apaisement (dont des cytokines de "cicatrisation" comme le TGFbéta). Le rôle fondamental du thymus dans l'éducation lymphocytaire Durant la période fœtale, puis durant le reste de la vie, le thymus est un sanctuaire qui permet (dès la 9e semaine de gestation) de sélectionner des lymphocytes T utiles à la défense contre les agents infectieux. Ces lymphocytes effecteurs sont capables de reconnaître des peptides présentés par les molécules HLA, mais incapables de se lier avec une forte affinité aux peptides du Soi présentés dans la médullaire thymique. Cette absence de "dangerosité", leur confère le droit d’aller migrer ensuite dans l’organisme avec un statut de lymphocyte "effecteur", avec pour mission d’encourager la réponse effectrice des cellules du système immunitaire archaïque et les lymphocytes B. L'importance de la mémoire immunitaire L’invention par l’évolution des lymphocytes T a induit aussi celle de la mémoire immunitaire, c'est-à-dire la possibilité pour un individu préalablement confronté à une menace de répondre de manière plus puissante et plus rapide lorsque cette menace se représente. Ceci était bienvenu, car la réponse T a certains inconvénients, en particulier un délai de réponse long. Ce délai correspond au temps nécessaire à l'enchaînement de 2 étapes : ■ Les peptides provenant des antigènes étrangers captés et apprêtés doivent être reconnus par un nombre suffisant de lymphocytes T spécifiques, lesquels sont forcément en faible nombre relatif, eu égard aux milliards de combinaisons possibles de combinaison peptides + HLA). ■ Ces lymphocytes "activés" doivent avoir le temps de se multiplier dans les organes lymphoïdes avant d’aller se rendre sur les lieux de l’intrusion.

Comment j’explore ? Comment étudier les lymphocytes T ?

2e partie

2e partie

1. L’hémogramme En pratique clinique, certains examens permettent une analyse quantitative des différentes populations lymphocytaires T tandis que d’autres permettent d’étudier les propriétés fonctionnelles du lymphocyte T. L’examen le plus simple permettant de quantifier les lymphocytes est la numération formule sanguine. Par définition, en dessous de 1000/mm3, on parle de lymphopénie (dans le lupus, la lymphopénie est < 1500 lymphocytes/ml) et au-delà de 4000/mm3 d’hyperlymphocytose. Les différentes étiologies de lymphopénie et de lymphocytose sont précisées dans le TABLEAU 2 .

■ Lymphocytoses monomorphes : - leucémie lymphoïde chronique (adulte) - coqueluche (enfant)

Lymphopénie ■ SIDA ■ Lymphomes hodgkiniens

■ Lymphocytoses polymorphes* : ■ Poliomyélite - virales : mononucléose infectieuse, cytomégalovirus, hépatite, rubéole, primo-infection VIH, etc. ■ Certaines tumeurs - parasitaires : toxoplasmose - bactérienne ■ Maladies autoimmunes (lupus) - réactions immunitaires post-infectieuses non spécifiques ■ Médicaments (cytotoxique). *Le terme polymorphe désigne un syndrome mononucléosique. Les lymphocytes sont supérieurs à 8 000/mm3 chez l'enfant et supérieurs à 4 000/mm3 chez l'adulte. On observe tous les stades du lymphocyte : du petit lymphocyte au grand lymphocyte à cytoplasme basophile en passant par le plasmocyte ou l'immunoblaste

2. Le phénotypage lymphocytaire La NFS ne précise pas quelles populations lymphocytaires sont sur ou sous représentées. Cette analyse est rendue possible par le phénotypage lymphocytaire. Les différents lymphocytes T peuvent être analysés de manière qualitative et quantitative par cytométrie de flux. Cette technique utilise des anticorps couplés à des fluorochromes qui reconnaissent des marqueurs (les « Clusters of Differentiation » ou CD) exprimés à la membrane des lymphocytes. Le fluorochrome excité par un laser émet une fluorescence. Différents fluorochromes émettant des couleurs fluorescentes différentes sont utilisés pour analyser 3 à 4 marqueurs membranaires. Dans le sang périphérique, les lymphocytes T CD4+ et les lymphocytes T CD8+ peuvent être "comptés" par cytométrie de flux.

Chapitre 2

Lymphocytose

Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

TABLEAU 2

■ L’exemple de l’infection par le VIH Cette technique est largement utilisée chez les patients atteints du virus d’immunodéficience acquise (VIH). Dans cette maladie, il existe une hyperlymphocytose portant sur les CD8 et une déplétion en CD4 avec un rapport CD4 / CD8 inférieur à 1. Le taux de CD4 est bas chez 67% des patients présentant une primo infection clinique (médiane 458/mm3). Dans cette maladie, le suivi du taux de TCD4+ est important car il conditionne l’introduction des traitements prophylactiques des infections opportunistes, de la mise en route des traitements spécifiques des hépatites (B ou C) et également l’initiation d’un traitement anti-rétroviral. En dessous de 200 à 250 T CD4+/ mm3, le traitement anti-VIH est conseillé. Si le taux de TCD4+ reste >250/mm3, les traitements prophylactiques des infections opportunistes peuvent être arrêtés. ■ L'exemple des lymphoproliférations Le phénotypage lymphocytaire est également employé dans les maladies lymphoprolifératives. Les syndromes lymphoprolifératifs chroniques de nature T sont plus rares que ceux de nature B. Dans les leucémies lymphoïdes chroniques (LLC), l’aspect morphologique des lymphocytes ne permet pas de distinguer une LLC-B d’une LLC-T. L’immunophénotypage des lymphocytes du sang périphérique permettra simplement 17

L’immunopathologie pour le praticien 18

de préciser le diagnostic. Dans la LLC-T, les marqueurs B sont absents tandis que les marqueurs des lymphocytes T sont positifs avec en particulier la présence de CD2, CD3, CD4 ou CD8. Les lymphocytoses à grands lymphocytes granuleux (LGL) sont également diagnostiquées grâce à cette technique. Dans le LGL de type T, un taux anormal de lymphocytes T CD3+, CD8+, CD57+, CD56- est observé.

3. Les tests lymphocytaires fonctionnels Des tests fonctionnels sont actuellement disponibles pour évaluer dans le sang périphérique des patients la présence de lymphocytes T spécifiques d’un antigène. ■ L'exemple de l'ELISPOT antituberculeux Par exemple des nouveaux tests sanguins mesurent soit par ELISA soit par ELISPOT la production d‘interféron gamma par les lymphocytes T extraits du sang périphérique d’une personne précédemment exposée à la tuberculose, lorsqu’ils sont mis en contact avec des antigènes de Mycobacterium tuberculosis. Les antigènes utilisés (CFP-10 et ESAT-6) sont plus spécifiques de M. tuberculosis que la tuberculine. Les résultats de ces analyses ne sont donc pas rendus faussement positifs par la vaccination par le BCG ou par l’exposition à une mycobactérie non tuberculeuse, à l’exception toutefois de M. kansasii, M. marinum et M. szulgai qui sont cependant rarement responsables d’infections humaines. Les antigènes n’étant pas administrés au patient, l’analyse peut être répétée sans crainte d’un effet booster comme cela peut se voir avec l’intradermoréaction à la tuberculine. Selon les études, la sensibilité et la spécificité de ces analyses varient respectivement entre 80 et 100% et entre 92 et 100%. Elles sont nettement supérieures à l’IDR pour prédire une tuberculose (OR=63 versus OR=7), mais ne permettent cependant pas à elles seules de distinguer entre une tuberculose latente et une maladie tuberculeuse active. L’ELISPOT pourrait remplacer l’IDR en particulier dans le bilan préthérapeutique d’un traitement anti-TNF. ■ L'exemple de l'étude du répertoire lymphocytaire dans les infections et les maladies auto-immunes En recherche, un des axes consiste à étudier si certains clones T ont beaucoup plus proliféré que d’autres, du fait, par exemple d’une infection chronique ou encore d’une maladie auto-immune. Des méthodes réservées à la recherche fondamentale consistent à amplifier par PCR des ARN codant pour les chaînes VDJ du récepteur T␣␤ ce qui permet d’avoir une vision tridimensionnelle de la réponse lymphocytaire pour une sous-population donnée, et de suivre au fil du temps la prolifération de tels ou tels clones. En effet, les clones peuvent être séparés (plan de base xy) par le type de chaîne V␤ utilisée (axe des x), et la longueur de la combinaison VDJ (axe des y). Ce type de technique permet de repérer des phénomènes dits de "contraction" du répertoire immunitaire qui concernent les lymphocytes T mémoires et les systèmes immunitaires âgés (ou prématurément âgés comme dans la PR) (raréfaction des "pics").

L’une des particularités de l’infection au VIH est une déplétion lente et progressive des lymphocytes T CD4+. ■ L'évolution naturelle de l'infection L’évolution naturelle de l’infection VIH comporte différentes phases avec un nombre de lymphocytes qui varie au cours de la maladie. L’infection VIH commence par une phase aiguë de quelques semaines qui se manifeste par des signes cliniques avec dans le sang de ces patients nouvellement infectés une charge virale élevée et une déplétion en lymphocytes T CD4+. Au décours de cette infection aiguë, la charge virale diminue, tandis que le taux de lymphocytes T CD4+ remonte. Cette phase est suivie d’une période asymptomatique qui dure en moyenne 10 ans pendant laquelle le taux de lymphocytes T CD4+ diminue progressivement tandis que la charge virale réaugmente. Lorsque le taux de CD4+ passe en dessous des 200/mm3, des infections ou tumeurs opportunistes peuvent alors apparaître. Les mécanismes de la déplétion lymphocytaire T font encore l’objet de controverses. Cependant, les données actuelles suggèrent une immunodéplétion biphasique correspondant respectivement à la phase aiguë, puis à la phase chronique de l’infection. ■ L'effet cytopathogénique du VIH L’effet pathogène du VIH est lié à sa capacité à pénétrer dans le lymphocyte TCD4+. Cette entrée du virus dans ces cellules est facilitée par des récepteurs aux chémokines. Certains de ces récepteurs servent de co-récepteur in vitro, mais CCR5 (récepteur pour les chemokines MIP1 et RANTES) et CXCR4 sont les co-récepteurs principalement utilisés par le virus VIH, in vivo, pour entrer dans le lymphocyte T. Le récepteur CCR5 est presque constamment utilisé au début de l’infection pour la transmission du virus. Cette implication de CCR5 dans l’infection VIH est démontrée par le fait qu’une délétion du gène de CCR5 entraîne la production d'un récepteur inactif et les sujets homozygotes pour ce gène sont pratiquement totalement résistants à l'infection par le VIH1, alors que les hétérozygotes sont partiellement résistants et développent lentement la maladie. À la phase aiguë de l’infection VIH, le virus pénètre le plus souvent dans l’organisme via les muqueuses génitales ou digestives. L’expression préférentielle de CCR5 par les lymphocytes T CD4+ présents dans ces muqueuses expliquerait la rapidité de la propagation locale de l’infection et l’importance de la déplétion des lymphocytes T CD4+ présents dans ces muqueuses, observée dans les trois premières semaines qui suivent le contage avec le virus VIH. La propagation de l’infection est également favorisée par l’état d’activation des lymphocytes caractérisé par l’expression des marqueurs CD69 et HLA-DR. En effet, cet état d’activation du lymphocyte T CD4+ qui dépend plus de l’environnement riche en cytokines pro-inflammatoires et en protéines virales que du TCR, est propice à la réplication du VIH. Dans le sang périphérique, CCR5 n’est exprimé que par une petite fraction de lymphocytes T CD4+ mémoires. Cependant, un comptage lymphocytaire précis montre une réduction profonde du nombre de cette population de lymphocytes T mémoires. ■ Les mécanismes de la déplétion lymphocytaire CD4+ à la phase aiguë La mort cellulaire de ces lymphocytes T CD4+CCR5+ serait secondaire à un effet cytotoxique directe ou indirecte du virus VIH et aussi à un effet cytotoxique des lymphocytes CD8+ sur les lymphocytes T CD4+ infectés par le virus. L’ensemble de ces phénomènes expliquerait la déplétion en lymphocytes T CD4+ et la charge virale élevée observée dans la phase aiguë de l’infection VIH. Pour compenser cette déplétion en lymphocytes T, le système immunitaire humain va réagir en activant la prolifération des lymphocytes T CD4+ et surtout des lymphocytes T naïfs mais aussi et surtout des lymphocytes T CD8+. Cette expansion préférentielle des lymphocytes T CD8+ par rapport aux lymphocytes T CD4+ explique en partie l’inversion du taux CD4/CD8+.

2e partie

1. L’exemple d’une maladie infectieuse : le SIDA

Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

Le rôle du lymphocyte T en pathologie

Chapitre 2

3e partie

■ Les mécanismes de la lymphopénie CD4+ à la phase chronique À la phase chronique de l’infection VIH, le nombre de lymphocytes T CD4+ décroît progressivement. Les mécanismes de la profonde lymphopénie T faisant toute la gravité du SIDA restent encore débattus. Une apoptose accrue des lymphocytes T affectant d’abord les lymphocytes T mémoires, a été incriminée, d’autant que cette apoptose affecte aussi les neurones et les myocytes. Elle résulterait surtout de la perméabilisation des mitochondries par des protéines du VIH. Toutefois, il n’y a que peu ou pas de corrélation entre la charge virale et le degré de lymphopénie. De ce fait, d’autres mécanismes sont sans doute à l’œuvre, dont une auto-immunité dirigée contre la molécule T CD4, facilitée par une activation générale de la réponse immune. Il existe aussi une perte de l’homéostasie lymphocytaire T par épuisement des lymphocytes T mémoires, aggravée par un défaut relatif de fonctionnement du thymus. Dès le début de l’infection, un déséquilibre s’installe au détriment des lymphocytes T CD4+. Pour compenser cette perte et rééquilibrer la balance CD4/CD8, l’organisme a recours à une pro19

L’immunopathologie pour le praticien

duction plus importante de lymphocytes T via la moelle osseuse et le thymus, mais aussi par une prolifération clonale des lymphocytes T mémoires. Cet équilibre est maintenu jusqu’à épuisement des capacités de production, et la balance se déséquilibre définitivement en l’absence de traitement, au détriment des lymphocytes T CD4+. Cette lymphopénie n’est pas complètement liée au virus VIH lui-même, car certains traitements ciblant directement le virus lui-même comme les inhibiteurs de protéases peuvent aussi faciliter ces lymphopénies malgré un très bon contrôle de la virémie. Par ailleurs, l’administration d’IL-2 ou d’IL-7 (qui ont la propriété de stimuler la production de lymphocytes T naïfs dans le thymus), permet de corriger la lymphopénie, ce qui démontre le caractère réversible du processus d’immunodéplétion des lymphocytes T.

2. L’exemple des maladies auto-immunes : démonstration du rôle des lymphocytes T régulateurs ■ Quelle définition ? Il existe des maladies spécifiques des lymphocytes T régulateurs. Le syndrome IPEX (Immune dysregulation, Polyendocrinopathy, Entheropathy, X linked) correspond à une maladie auto-immune touchant surtout les organes endocrines. Les manifestations cliniques les plus fréquentes de ce syndrome sont une diarrhée hydrique sévère, un retard de croissance, un diabète insulinodépendant précoce et un eczéma. Ces patients développent des anticorps dirigés contre des organes endocriniens comme la thyroïde et le pancréas endocrine, ou encore la muqueuse du grêle, les hématies, les plaquettes, les polynucléaires neutrophiles. Le syndrome IPEX affecte essentiellement les garçons, les symptômes apparaissant rapidement et induisant un décès prématuré dans les deux premières années de la vie. On y note une élévation du taux d’IgE, une éosinophilie et une réponse immune de type TH2. ■ Quelle origine ? Une majorité des patients qui développent cette maladie ont une mutation inactivatrice du gène codant pour le facteur de transcription FOXP3, responsable du phénotype de lymphocyte T régulateur. Dans les modèles animaux, l’absence de FOXP3 se traduit par la formation de lymphocyte T régulateur non fonctionnels incapables de freiner une réponse immune. Dans le syndrome IPEX, la carence en FOXP3 pourrait de même favoriser une réponse auto-immune par un défaut de régulation par les lymphocytes T régulateurs. ■ Rôle du lymphocyte T régulateur dans les maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde…) Cette propriété des lymphocytes T régulateurs a bien sûr suscité un intérêt pour ces cellules dans les maladies auto-immunes. Les lymphocytes T régulateurs comme tous les lymphocytes T sont capables de reconnaître des peptides du Soi. Dans le thymus, il n’existe pas un seul mais de nombreux clones de lymphocytes T régulateurs. En corollaire, la carence d’un seul clone T régulateur ne peut pas suffire à l’éclosion d’une maladie auto-immune et il faut sans doute une défaillance de nombreux clones T régulateurs défaillants ou manquants pour qu’une maladie auto-immune apparaisse. Dans la PR, les lymphocytes T régulateurs des patients atteints de la maladie n’ont pas de déficit quantitatif en Treg mais plutôt des lymphocytes T régulateurs défaillants. Les lymphocytes T régulateurs extraits du sang des patients atteints de PR ont un phénotype différent avec moins d’expression de FOXP3 et ont surtout une activité suppressive sur les lymphocytes T CD4+ effecteurs diminuée. L’administration des anti-TNF aux patients atteints de PR permettrait de rendre la sensibilité des lymphocytes T régulateurs aux signaux provenant de leur TCR. En présence des anti-TNF, les lymphocytes T régulateurs récupèreraient leur propriété régulatrice lorsqu’ils rencontrent leurs auto-antigènes. ■ Quel est le mécanisme de la dérégulation de l'immunité régulatrice dans les maladies auto-immunes ? Il apparaît de plus en plus vraisemblable que les maladies auto-immunes, comme la PR, soient favorisées par des modifications de la transmission du signal au sein de la cellule à partir du TCR. ■ Le rôle de certains gènes : l'exemple de PTPN22

En effet, des polymorphismes de PTPN22 concernant soit le gène (comme le variant 1858T), soit le promoteur de ce gène, se sont avérés nettement corrélés à la survenue de certaines maladies auto-immunes : PR (corrélation entre le polymorphisme 1858T), diabète de type 1 (polymorphisme du promoteur), lupus, certaines thyroïdites, et certaines myasthénies. Cette association reste certes souvent modeste, la prévalence de l’allèle à risque (PTPN22 1858T) n’étant en moyenne que de 15% dans la PR versus 10% des contrôles, et sans lien avec la possession des HLA à risque. Toutefois elle suggère à nouveau qu’un défaut relatif de sensibilité de la "gâchette" T pourrait paradoxalement contribuer à l’éclosion de diverses maladies auto-immunes, ce qui pourrait mieux s’expliquer si cette "dureté" de la gâchette TCR valait surtout pour les lymphocytes T régulateurs (qui bloquent de manière physiologique la réponse autoimmune).

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L’importance des voies de signalisation du TCR a été démontrée chez l’animal. Des mutations de ZAP70 entraînent chez la souris SKG un tableau très proche d’une polyarthrite rhumatoïde (PR). Ces mutations affectant le lien entre Zap-70 et les molécules ITAMs qui transmettent via le complexe du TCR un signal négatif. Il est donc possible qu’un des facteurs favorisant la survenue des PR (voire d’autres maladies autoimmunes) soit une modification de la sensibilité de la "gâchette" TCR, entraînant soit un défaut d’élimination dans le thymus de certains lymphocytes T auto-réactifs, soit l’absence de sélection positive dans le thymus, ou la réponse insuffisante (en périphérie) de certains lymphocytes T régulateurs. Certains polymorphismes de la voie inhibitrice (CTLA4-CD28), qu'utilisent les lymphocytes T régulateurs pour neutraliser les lymphocytes T autoréactifs, pourraient aussi favoriser la survenue de maladies auto-immunes, dont la sclérose en plaque et la polyarthrite rhumatoïde.

3e partie

■ La signalisation via TCR peut être défectueuse : l'exemple des souris ZAP70

■ Quand faut-il évoquer un pseudo-Felty ? Sa découverte peut être fortuite lors d’un bilan biologique en particulier devant une neutropénie associée à une lymphocytose. Un tableau de polyarthrite peut être inaugural de la leucémie à LGL. Cette leucémie à LGL est associée à une splénomégalie dans la moitié des cas. ■ Comment faire le diagnostic de pseudo-Felty ? N'oubliez pas d'analyser l'hémogramme de façon détaillée en ne prenant compte que les valeurs absolues. Soyez attentif à une lymphocytose même discrète. Le diagnostic est fait par un phénotypage lymphocytaire qui montre un excès de lymphocytes T CD3+CD8+CD57+. Il s’agit en effet de proliférations de lymphocytes T CD8 à activité cytotoxique (TCD8+CD57+) pour les neutrophiles, expliquant ainsi la neutropénie caractéristique. Cette prolifération lymphocytaire est facilitée par une moindre sensibilité (acquise) de ces cellules aux messages de "mort" induits par la liaison de leur récepteur Fas-L (CD95) à la molécule Fas. Le phénotype de ces lymphocytes peut être également CD3+CD56+ qui constituerait un facteur de mauvais pronostic.

Chapitre 2

■ Quelle définition ? La prolifération excessive des lymphocytes T peut être exclusivement tissulaire (moelle osseuse, ganglion, rate, foie …), ce qui définit un lymphome, ou associée à un passage sanguin des cellules malignes, définissant une leucémie. Ces maladies lymphoprolifératives des lymphocytes T sont bien moins fréquentes que celles des lymphocytes B. La leucémie à LGL (large granular lymphocyte ou grand lymphocyte à granule) a la particularité d’être souvent associée à une maladie auto-immune et tout particulièrement la polyarthrite rhumatoïde. Les LGL sont des lymphocytes T qui ont un phénotype proche de celui des lymphocytes natural killer (NK) avec présence au sein du cytoplasme de granules contenant perforine et granzyme dont le nombre augmente progressivement avec le vieillissement. La leucémie à LGL encore appelée pseudosyndrome de Felty est asymptomatique dans un tiers des cas.

Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

3. L’exemple des maladies lymphoprolifératives

21

L’immunopathologie pour le praticien

4e partie

Quel traitement pour neutraliser les lymphocytes T ?

1. Quel est l’effet des traitements " classiques " ? ■ Les corticoïdes ■ Le mécanisme d'action des corticoïdes

Les corticoïdes appartiennent à la famille hormonale des stéroïdes. Leur récepteur GRE (glucocorticoidresponsive elements) est exprimé de manière quasi ubiquitaire dans le cytoplasme des cellules. Les corticoïdes contrôlent l’expression de multiples gènes de l’inflammation comme ceux de nombreuses cytokines. ■ L'inhibition des cytokines lymphocytaires (IL-2) par l'interaction avec des facteurs de transcription

Cette action n’est pas liée à l’interaction directe avec un GRE mais passe par une interaction du complexe corticoïdes/GRE avec certaines protéines de régulation transcriptionnelle, appelées facteurs de transcription. L’interaction entre le complexe corticoides-récepteur et ces facteurs de transcription constitue le principal mécanisme responsable des effets anti-inflammatoire et immunosuppresseur des glucocorticoïdes. Le complexe corticoïdes/ GRE va empêcher les facteurs de transcription pro-inflammatoires (NFkB, AP1, NF-IL6) de se fixer sur une région spécifique du promoteur des gènes codant pour les protéines de l’inflammation. Les corticoïdes diminuent ainsi la production d’IL-2 lymphocytaire et bloquent ainsi la prolifération et les fonctions des lymphocytes T. ■ L'activation de cytokine lymphocytaire (IL-10) ou d'autres facteurs est aussi possible.

Le complexe corticoïdes/GRE peut interagir directement avec l’ADN au niveau de sites accepteurs appelés GRE et exercer ainsi une activation de la transcription de protéines anti-inflammatoires : IL-10 et I␬B qui est un inhibiteur de NF␬B. Cette inhibition de NF␬B bloque la production de cytokines par les lymphocytes T activés comme l’interféron gamma et favorise également la lyse cellulaire par apoptose. Les corticoides modifient aussi directement ou indirectement l’expression des molécules d’adhésion et donc la migration des lymphocytes T dans les tissus pouvant expliquer la diminution du nombre des lymphocytes circulants. ■ Méthotrexate, léflunomide, azathioprine et mycophénolate mofetil : des antimétabolites Ces médicaments bloquent des enzymes indispensables à la synthèse de nucléotides puriques ou pyrimidiques. Ces nucléotides sont essentiels à la formation de l’ARNm lors de la transcription qui est une étape nécessaire à la synthèse des protéines. Lors de l'activation des lymphocytes T, l'expansion clonale est précédée d'une augmentation du pool intracellulaire des pyrimidines d’un facteur 8 et des purines d’un facteur 2 par une synthèse de novo. Une inhibition de la synthèse des nucléotides puriques et pyrimidiques va donc bloquer l’activation de l'expansion clonale des lymphocytes T et plus particulièrement des lymphocytes T CD4+ au cours de l'induction d'une réponse immunitaire. Les antimétabolites sont des médicaments capables d’inhiber la synthèse de ces nucléotides avec un effet cytostatique ou cytotoxique vis-à-vis des seules cellules en division. Ils n'ont pas d'effet sur la synthèse de cytokines et sur l'activité cytotoxique des lymphocytes T et NK. Leur toxicité vis-à-vis des cellules en division peut entraîner une myélotoxicité (neutropénie) et des troubles digestifs à type de diarrhée. Le léflunomide et le méthotrexate inhibent une enzyme, la thymidylate synthase, indispensable à la production de pyrimidine. La 6-mercaptopurine (6-MP, métabolite de l'azathioprine ou Imurel®) et l'acide mycophénolique (métabolite du MMF : mycophénolate mofétil ou Cell-Cept®) sont des inhibiteurs de synthèse des purines. ■ Les inhibiteurs de la calcineurine : la ciclosporine La ciclosporine A agit de manière sélective et réversible sur les lymphocytes T activés, en particulier les lymphocytes T CD4 positifs. La ciclosporine A se lie à des récepteurs intracytoplasmiques, les cyclophilines, de la famille des immunophilines. La ciclosporine A est un inhibiteur de la calcineurine qui est une phosphatase dont l’activité dépend de l’afflux calcique intracellulaire. Normalement, la calcineurine déphosphoryle le facteur de transcription NFAT et permet ainsi la translocation de NFAT dans le noyau où il participe à l’activation de gène comme l’IL-2. L’inhibition de la calcineurine par la ciclosporine entraîne donc une diminution de la production d’IL-2. L’expansion clonale des lymphocytes T CD4+ est ainsi réduite diminuant ainsi la réponse immunitaire médiée par ces cellules. Les différents immunosuppresseurs capables de bloquer la synthèse d’IL-2 par inhibition de la calcineurine sont la ciclosporine (Neoral®), le tacrolimus (Prograf®) et la rapamycine ou sirolimus (Rapamune®) FIGURE 18 .

22

■ Quelles sont les nouvelles molécules capables de "réguler" les lymphocytes T ? Une connaissance de plus en plus précise de la régulation de l’activation des lymphocytes T a permis d'envisager de nouveaux biomédicaments immunorégulateurs. ■ Les inhibiteurs de la co-stimulation : l'abatacept et les autres

• L’abatacept est une protéine de fusion entre la molécule de CTLA-4 et la fraction Fc d’une immunoglobuline. L’abatacept va activer la voie de co-stimulation inhibitrice CTLA4-CD80/CD86 et bloquer l’activation du lymphocyte T. L’abatacept est actuellement utilisé dans le traitement de la PR. Des molécules analogues à l’abatacept mais avec une capacité inhibitrice supérieure comme le belatacept est utilisé en transplantation. Il existe également des anticorps bloquant tel que l’ipilimumab qui assure un blocage de l’effet du CTLA-4 et qui est en cours de développement dans les cancers. • Dans le même ordre d’idée, un blocage de voies de co-stimulation activatrices peut être envisagé. Ce principe d’inhibition a déjà été testé avec succès en transplantation avec la production d’anticorps antiCD137, en auto-immunité dans le pemphigus, le lupus, ou la thrombocytopénie, avec l’utilisation d’anticorps anti-OX40 (anti-CD134), ou encore d’anti-CD40L (anti-CD154), hélas pas toujours bien tolérés.

Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

■ Quel est l’effet des anti-TNF sur les lymphocytes T ? L’effet des anti-TNF s’exerce surtout par la neutralisation du TNF soluble et membranaire exprimé en excès dans les maladies inflammatoires. Toutefois, le TNF intervient également dans l’homéostasie des lymphocytes T. Cette homéostasie "physiologique", qui dépend du renouvellement des générations de lymphocytes, est régulée pour maintenir l’homéostasie des lymphocytes T favorisée par le TNF␣ membranaire. En revanche, les lymphocytes T régulateurs exposés au TNF soluble ont une activité suppressive diminuée. De ce fait, un des modes d’action des anti-TNF␣ (et des corticoïdes) pourrait être de "réveiller" les lymphocytes T régulateurs. Deux équipes viennent de confirmer cette hypothèse en démontrant que les anti-TNF avaient la capacité de restaurer la fonction suppressive des lymphocytes T régulateurs sur les lymphocytes T CD4+ en inhibant la prolifération et la production des cytokines interféron gamma et TNF.

Chapitre 2

de la calcineurine. La calcineurine activée entraine la déphosphorylation du facteur de transcription NFAT qui se transloque dans le noyau. NFAT se fixe sur les promoteurs de gène contrôlant la synthèse d’IL-2 qui est une cytokine impliquée dans la prolifération du T. La ciclosporine (Néoral®) et le tacrolimus (Prograf®) agissent en inhibant la calcineurine.

4e partie

FIGURE 18 - Le rapprochement des TCR au sein de la synapse immunologique induit aussi une entrée de Ca2+ dans la cellule qui induit l’activation

■ Les anticorps monoclonaux anti-CD3 et anti-CD25

• Une autre stratégie consiste à cibler directement un marqueur spécifique exprimé sur les lymphocytes. Les anticorps spécifiques de la molécule anti-CD3 en sont un exemple parfait car le CD3 est commun à tous les lymphocytes T. Le mode d’action supposé de ces molécules est d’empêcher une liaison avec une trop forte affinité du TCR aux peptides, ce qui induit la transduction au sein du lymphocyte T de signaux d’apaisement, voire d’apoptose. L’OKT3 est le premier anticorps dirigé contre le CD3 a avoir été développé et utilisé chez l’Homme. L’OKT3 a une activité cytotoxique prolongée sur les lymphocytes T qui explique son utilisa23

L’immunopathologie pour le praticien

tion privilégiée chez les patients greffés pour prévenir une réaction du greffon contre l’hôte. Les nouveaux anticorps anti-CD3 qui ont une affinité différente pour CD3 et une fraction Fc modifiée pour diminuer leur cytotoxicité, ont plus une action régulatrice que cytotoxique sur les lymphocytes T. Ces anticorps favorisent en effet l’émergence de TCD4+ ou TCD8+CD25+ à la fonction régulatrice, dont l’effet thérapeutique dans certaines maladies auto-immunes comme le diabète paraît très prometteur. • D’autres anticorps ciblent maintenant des marqueurs observés plutôt sur certaines populations lymphocytaires T. Le basixilimab (Simulect®) et le daclizumab (Zénapax®) sont des anti-CD25 capables d’assurer une déplétion complète des lymphocytes T activés sans réguler à la hausse les lymphocytes T régulateurs. Ces anti-CD25 sont actuellement utilisés en transplantation avant la greffe pour éviter un rejet du greffon. ■ Les anti-molécules d’adhésion et chemokines ■ Un inhibiteur des intégrines : le natalizumab

Un autre principe thérapeutique consiste à empêcher les lymphocytes T de retourner vers un site inflammatoire où ils favorisent la persistance ou la réactivation d’une réponse immune. Par exemple, dans la maladie de Crohn, les lymphocytes T présents dans la muqueuse inflammée expriment préférentiellement une molécule d’adhésion : l’intégrine ␣4␤1. Le natalizumab (Tyzabri®) est un anticorps monoclonal bloquant la migration des lymphocytes T porteurs de cette intégrine. Son effet dans les maladies de Crohn s’est avéré décevant, mais il a pu réduire de 40% la fréquence des récidives ou le passage à des formes chroniques dans la SEP. Toutefois son usage a été pour l’instant suspendu du fait de la survenue dans environ un cas sur mille d’une leucoencéphalite grave au polyomavirus JC. ■ Des inhibiteurs des récepteurs aux chemokines lymphocytaires

Dans le même ordre d’idée, les récepteurs aux chemokines sont un sujet d’étude passionnant car il pourrait s’agir de cibles assez idéales pour freiner de manière plus sélective de tissu la migration des T. Plusieurs antagonistes des récepteurs aux chemokines (anticorps anti-CCR1 et CCR-2 essentiellement) sont en cours d’études (phases I et II) dans la SEP et la PR (dont la synoviale secrète beaucoup de CCL2, CCL3, CCL5). ■ La tolérance par voie orale Une stimulation de certains clones de lymphocytes T régulateurs des peptides (appropriés au répertoire immunitaire du sujet à traiter) pourrait être une méthode assez idéale d’enrayer assez rapidement la chronicisation d’une maladie auto-immune. Ces peptides pourraient stimuler sélectivement certains lymphocytes T régulateurs spécifiques du tissu touché et/ou en induisant une anergie ou une apoptose des lymphocytes T effecteurs autoréactifs. Cette immunorégulation peut être obtenue par des peptides (fragment (CDR1) d'un anti-ADN natif, histone, RNP) injectés par voie sous-cutanée comme cela est en cours d'évaluation dans le lupus. Il est aussi possible d'utiliser des peptides par voie orale. Dans les deux cas, l'objectif est d'induire une tolérance évitant l'apparition ou l'aggravation d'une maladie auto-immune.

Conclusion La vie d’un lymphocyte T est peu différente de celle de l’Homme qui l’héberge. Après sa naissance dans la moelle osseuse, le lymphocyte T reçoit une éducation dans l’école du thymus. Le lymphocyte T apprend ainsi à reconnaître les antigènes "amis et ennemis". A sa sortie de l’école, il rejoint différents lieux de rencontres (les ganglions) dans lesquels il a des chances de retrouver des antigènes ennemis. La reconnaissance d’un antigène ennemi va entraîner une réaction du lymphocyte T destinée à éliminer cet ennemi. Des brigades d’intervention rapide (les T mémoires) sont capables de déclencher une réaction accélérée en cas de nouvelle rencontre de cet ennemi. Dans certains cas, un lymphocyte T peut trahir son hôte par une réaction anormale contre un antigène "ami" mais heureusement des surveillants (les T reg) viennent alors le neutraliser. En cas de défaillance de ces surveillants, une maladie auto-immune ou tumorale peut alors se développer. Lorsque les lymphocytes T sont en sous nombre (lymphopénie), les antigènes ennemis prennent alors le dessus et détruisent l’hôte. Les traitements sont destinés soit à éviter la destruction des T, soit à réduire une activation anormale. ■ Remerciements. Nous remercions le Dr Naomi Taylor (MD-PhD) pour son aide à la relecture et pour ses commentaires.

24

Synthèse

Les points forts :

5e partie

5e partie

1. L’éducation thymique est destinée à éliminer "les mauvais élèves lymphocytaires T» : ceux qui ne reconnaissent pas assez les antigènes présentés par les molécules HLA et ceux qui reconnaissent trop bien les peptides du Soi. Les lymphocytes mal éduqués sont à l’origine de maladies auto-immunes.

2. Les molécules de co-stimulation positives (CD28) et négatives (CTLA4) régulent l’activation du lymphocyte

3. La survenue de maladies auto-immunes est favorisée par certains polymorphismes des molécules intervenant dans la transmission de ces signaux. Ces polymorphismes modulent la sensibilité de la "gâchette" qu’est le TCR, ou des voies de co-stimulation (B7/CD28, CD40/CD40 L …).

4. La plupart des décisions concernant la réponse T (encouragement ou au contraire apoptose des T naïfs, entretien du pool des T mémoires) sont prises dans les ganglions (dont l’étude n’est aisée que dans les modèles animaux).

5. L’activation des lymphocytes T effecteurs est régulée par d’autres lymphocytes appelés T régulateurs qui sont CD4+ CD25+ fort. Une anomalie quantitative ou qualitative de ces T régulateurs est observée dans les maladies auto-immunes.

Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

T induite par l’interaction TCR/ HLA. Les traitements ciblant ces molécules sont en cours de développement.

1. Le vieillissement immunitaire, appelé immunosénescence, est caractérisé par un défaut d’expression de CD28 sur les TCD4 et l'expansion de clones TCD8+. Ces anomalies associées à une "contraction" du répertoire lymphocytaire T sont observées précocement lors des PR. Sont-elles aussi liées à une trop grande sensibilité de leurs "gâchettes" TCR ?

2. Comment les anomalies de la "gâchette" TCR notées dans diverses maladies auto-immunes facilitent-elles la survenue de celles-ci : défaut d’élimination de certains agents infectieux, défaut de fonctionnement des T régulateurs, perturbation de l’homéostasie du répertoire ?

Chapitre 2

Les grandes questions :

3. Peut-on espérer une immunosuppression T plus spécifique par des traitements combinés ciblant les souspopulations T exprimant les récepteurs aux chemokines spécifiques des tissus touchés ?

4. Existe-t-il des "trous" dans le répertoire des T effecteurs, et surtout des T régulateurs, qui puissent être corrigés par des équivalents de "vaccination" ?

5. Une molécule HLA "à risque" est-elle pathogène du fait d’une meilleure présentation de peptides du Soi en périphérie, ou d’une moins bonne éducation des T dans le thymus (non délétion des T auto-réactifs, ou non sélection des T régulateurs) ?

25

L’immunopathologie pour le praticien

6e partie

Lexique

ymphocyte T : c'est la cellule de l’immunité adaptative dont la fonction est de gérer et de contrôler l’immunité cellulaire. Ces fonctions comprennent les réponses cytotoxiques contre des cellules infectées et tumorales, les actions de coopération notamment avec un lymphocyte B et les actions de régulation qui permettent d'éviter que le système lymphoïde devienne auto-agressif.

L

ymphocytes T CD4+ ou T auxiliaires (appelés aussi "helper") : ce sont les lymphocytes T, le plus souvent de phénotype CD4, aux fonctions effectrices destinés à stimuler les macrophages par la production de cytokines (LT CD4 Th1) ou à coopérer avec les lymphocytes B (LT CD4 Th2). Une population particulière de LT CD4 est appelée régulatrice. Elle est indispensable pour maintenir une homéostasie du système immunitaire et éviter l’apparition de lymphocytes autoréactifs.

L

ymphocytes T CD8+ ou cytotoxiques : ce sont les lymphocytes T capables de détecter des cellules infectées ou tumorales exprimant des antigènes particuliers. Ces lymphocytes T de phénotype le plus souvent CD8 exercent leur cytotoxicité par différents mécanismes dépendants des anticorps (ou ADCC) : cytotoxicité dépendante des anticorps ou indépendante des anticorps.

L

ymphocyte NK (natural killer) : c'est une cellule d’origine lymphoïde qui n’exprime pas de caractéristique des lymphocytes T (pas de TCR, pas de CD3), et dont la fonction est de détruire par cytotoxicité les cellules infectées et tumorales au moyen notamment du produit de ses granules (perforine, granzyme).

L

ymphocytes T régulateurs : Ensemble composite de lymphocytes T ayant pour fonction d’inhiber les réponses immunitaires, et particulièrement les réponses des lymphocytes TCD4+ . Certains sont présents dès la naissance, et sortent du thymus avec cette fonction et un phénotype TCD4+CD25+high. D’autres T ne deviennent régulateurs qu’en périphérie et/ou transitoirement, avec un phénotype également TCD4+CD25+high, ou bien d’autres phénotypes : TCD8+CD25+high, TCD4+ de type Th3, TCD4+ de type Tr1, TCD4+ à activité antiidiopeptides. Ces différentes variétés de T régulateurs diffèrent par les mécanismes concourrant à leur genèse, et aussi par la manière dont ils inhibent les autres lymphocytes T, laquelle passe souvent aussi par une inhibition de la présentation efficace des peptides par la cellule présentatrice (CPA).

L

hymus : Organe lympho-épithélial situé à la base du cou et où migrent toute la vie durant les précurseurs des lymphocytes T afin d’y devenir dans 3% des cas T matures ayant le "droit" d’être "exportés" hors du thymus, les 97 % "mourant" par apoptose. Cette "mort" est liée à différents phénomènes : ■ soit ces lymphocytes T ne sont pas capables de reconnaître avec assez d’affinité un complexe HLA du sujet + peptide présenté par une cellule épithéliale de la corticale thymique (90% de ces 97%) ; ■ soit ces lymphocytes T (7% de ces 97%) reconnaissent avec trop d’affinité certains complexes HLA du sujet + peptide du sujet présentés dans la médullaire thymique. Comme le thymus involue avec l’âge, le répertoire immunitaire est entretenu par les T mémoires, et peut-être aussi par des T éduqués dans d’autres sites que le thymus lorsque celui-ci devient trop atrophique.

T

CR (T cell receptor) : c'est un récepteur spécifique à l’antigène porté exclusivement par les lymphocytes T. Ce récepteur, comme les immunoglobulines du lymphocyte B, est formé d’une structure variable et d’une structure constante qui sont codées par des familles de gènes dont la recombinaison permet d’obtenir une diversité telle que ces structures peuvent reconnaître un nombre innombrable d’antigènes.

T

LA (human leucocyte antigen) : c'est une molécule d’histocompatibilité humaine très polymorphe dont la fonction essentielle est de présenter des antigènes aux lymphocytes T. Il existe des molécules HLA de classe I (essentiellement A, B, C, E, F, G), des molécules de classe II (essentiellement DP, DQ, DR) qui ont des structures et surtout des fonctions différentes. L’ensemble donne le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH).

H S

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ynapse immune : complexe constitué d’un TCR reconnaissant une molécule HLA présentant un peptide, et de molécules venant stabiliser ce "pont" entre cellule présentatrice d’antigène (CPA) et T.

ducation : l’éducation correspond à l’ensemble des étapes qui aboutissent à la maturation du lymphocyte T qui passe par différentes étapes et tout particulièrement la sélection positive.

É S

6e partie

o-stimulation : c'est un phénomène produit par un médiateur soluble (cytokine) ou par un contact ligand/récepteur qui entraîne soit une activation, soit une inhibition d’une cellule. Ces phénomènes de costimulation sont importants pour l’activation des lymphocytes T, et particulièrement la co-stimulation par la molécule CD28 (obtenue quand celle-ci se lie avec les molécules B.7-1 (CD80) et B.7-2 (CD86) exprimées par des cellules présentatrices d’antigènes).

C

élection : les thymocytes vont être triés en fonction de leur capacité à reconnaître les complexes majeurs d’histocomptabilité présentés par les cellules présentatrices d’antigène (CPA). En cas de reconnaissance exagérée ou insuffisante des CMH qui reconnaissent les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (HLAI ou HLA-II), les thymocytes (lymphocytes T en formation) seront autorisés à poursuivre leur maturation jusqu’à la sortie du thymus.

Le lymphocyte T : de la théorie à la pratique

olérance : la tolérance immunologique est définie par l’absence d’élimination d’un antigène du Soi ou d’un antigène étranger.

Chapitre 2

T

27

L’immunopathologie pour le praticien 28

7e partie

Pour en savoir plus



Guidos C. Thymus and T-lymphocyte development : what is new in the 21st century ? Immunol Rev 2006; 209: 5-9.



Sigal LH. Basic science for the clinician 30 : The immunologic synapse. J Clin Rheumatol. 2005 Aug;11(4): 234-9.



Charo IF, Ransohoff RM. The many roles of chemokines and chemokine receptors in inflammation. N Eng J Med 2006; 354: 610-21



Bisikirska B, Colgan J, Luban J, Bluestone JA, Herold KC. TCR stimulation with modified anti-CD3 mAB expands CD8+ T cell population and induces CD8+CD25+ Tregs. J Clin Invest 2005; 115: 2904-2913.



Lee E, Sinha AA. T cell targeted immunotherapy for autoimmune disease. Autoimmunity. 2005 Dec; 38(8): 577-96.



03

1. Qu’est-ce qu’un lymphocyte B ?



03

2. Comment le lymphocyte B est-il éduqué dans la moelle osseuse ? (tolérance centrale)



04

3. Éducation splénique (tolérance périphérique)



04

  

05 05 06



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08

  

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10 11 11

Comment étudier les lymphocytes B ?



12

1. En pratique

    

12 12 12 13 13

   

13 13 13 14

4. Comment le lymphocyte B est activé dans les organes lymphoïdes périphériques ? • Réponse « extra-folliculaire » • Formation du centre germinatif • Mécanismes moléculaires de reconnaissance de l’antigène, d’activation lymphocytaire B et de coopération lymphocytaire B et T

5. Fonctions des lymphocytes B • Les auto-anticorps : une pathogénie renouvelée dans les maladies auto-immunes • Le lymphocyte B : une excellente cellule présentatrice • Sécrétion de cytokines et phénotypes des lymphocytes B • Rôle des lymphocytes B dans la diversification du répertoire lymphocytaire T et activation lymphocytaire T • Rôle dans le maintien de l’organisation lymphoïde • Participation à la cascade inflammatoire et aux lésions tissulaires

2e partie

Comment j’explore ?

• Étude des immunoglobulines sériques • Réponse vaccinale • Quantification du nombre de lymphocytes B • Étude des réarrangements géniques du BCR

2. En recherche • Marqueurs d’activation lymphocytaire B sériques • Étude des stades de maturation des lymphocytes B • Différenciation et prolifération in vitro

Le lymphocyte B : de la théorie à la pratique

1ère partie Les données fondamentales

Chapitre 3

LE LYMPHOCYTE B : DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE

SOMMAIRE

Chapitre 3

1

L’immunopathologie pour le praticien

3e partie Rôle des lymphocytes B en pathologie  15 1. Déficits immunitaires humoraux

15

2. Les maladies auto-immunes : l’exemple du lupus érythémateux disséminé et du syndrome de Sjögren  15 3. Lymphome et myélome : le « côté obscur » de la différenciation lymphocytaire B

   

16 16 16 17



17

pour neutraliser les lymphocytes B ?



18

1. Quel est l’effet des traitements classiques ?

    

18 18 18 18 18

2. Quel est l’effet des anti-TNF ?



18

3. Quelles sont les nouvelles molécules ? • Rituximab • Anti-CD22 (epratuzumab) • Anti-BAFF • Anti-CD40L • Le LJP 394 : une tentative pour dépléter les B pathogènes • Modulation des récepteurs Fc

      

18 19 20 20 21 21 21

5e partie



22

 

22 23

• Anomalies du réarrangement chromosomique • Stimulation persistante par l’(auto)-antigène • Rôle de BAFF • Auto-immunité et immunité anti-cancer font parfois « bon » ménage !

4e partie

Quel traitement

• Corticoïdes • Hydroxychloroquine • Leflunomide • Méthotrexate

Synthèse

1. Les points forts 2. Les grandes questions

2



6e partie

Lexique



24

7e partie

Pour en savoir plus



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LE LYMPHOCYTE B : DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE Jacques-Eric Gottenberg - Hôpital Bicêtre, Université Paris-Sud 11 Xavier Mariette - Hôpital Bicêtre, Université Paris-Sud 11

1ère partie

Chapitre 3

1. Qu’est-ce qu’un lymphocyte B ? Le lymphocyte B dérive d’un précurseur hématopoïétique commun aux lymphocytes B et aux lymphocytes T. La lymphopoïèse B a lieu dans le foie au cours de la vie fœtale, et dans la moelle osseuse tout au long de la vie. Les caractéristiques essentielles du lymphocyte B sont la présence d’un récepteur membranaire, le BCR, qui est une immunogobuline (Ig) de surface, qui reconnaît un antigène différent dans chaque cellule, et la capacité de sécréter cette même immunoglobuline (anticorps) par le plasmocyte (réponse immunitaire humorale), stade ultime de la différenciation lymphocytaire B. La complexité des différentes étapes menant au développement de nouveaux lymphocytes B vise à répondre au défi représenté par la diversité des antigènes du non soi (infections, tumeurs) rencontrés tout au long de l’existence, grâce à l’élaboration d’un répertoire lymphocytaire B aussi diversifié que possible. Les mécanismes cellulaires (succession de phases de prolifération et de mort cellulaire) et moléculaires (réarrangement de segments de gènes et mutations) utilisés dans la diversification du répertoire B peuvent se compliquer de l’émergence d’un clone B tumoral (lymphomes B, myélome) ou d’un clone B auto-réactif, ayant échappé aux mécanismes de tolérance lymphocytaire B. Le lymphocyte B vit donc en permanence sous la double menace de l’auto-immunité et du lymphome ! Pour éviter cette double menace, le lymphocyte B va être éduqué et contrôlé à plusieurs stades. Il suit, au maximum, 4 étapes successives de maturation : 1 - éducation dans la moelle osseuse (tolérance centrale) 2 - éducation dans la rate (tolérance périphérique) 3 - réponse «extra-folliculaire» 4 - formation du centre germinatif Au cours de sa maturation FIGURE 1 , il passe du statut de lymphocyte B immature, à celui de B mature naïf, de B activé, pour se différencier de manière ultime soit en lymphocyte B mémoire, soit en plasmocyte, cellule sécrétrice d’auto-anticorps FIGURE 2 .

Chapitre 3

1ère partie Les données fondamentales

Le lymphocyte B : de la théorie à la pratique

Après la fiche pratique dédiée au lymphocyte T, la redécouverte du rôle du lymphocyte B s’impose ! Longtemps, le lymphocyte B a été cantonné à un rôle unique dans les mécanismes des maladies auto-immunes, celui de sécréter les auto-anticorps. L’efficacité de la déplétion lymphocytaire B chez les patients ayant une polyarthrite rhumatoïde a renouvelé l’intérêt pour cette cellule. Parallèlement, la diversité des rôles du lymphocyte B récemment mis en évidence a considérablement étendu le champ d’action de cette cellule dans la physiopathologie des maladies auto-immunes. Ce chapitre vous propose donc de revisiter le destin passionnant et tourmenté du lymphocyte B, cette cellule au cœur de la pathogénie des maladies auto-immunes !

FIGURE 1 - Les principales étapes de différenciation du lymphocyte B

3

L’immunopathologie pour le praticien

FIGURE 2 - Principaux marqueurs membranaires au cours de la différenciation lymphocytaire B

2. Comment le lymphocyte B est-il éduqué dans la moelle osseuse ? (tolérance centrale) Cette étape conduit au développement de lymphocytes B matures naïfs, ayant chacun un récepteur de membrane fonctionnel dont la spécificité est unique, ne reconnaissant pas d’antigènes du soi. Cette étape de maturation est indépendante de la rencontre d’un antigène. Elle répond à un programme séquentiel faisant intervenir les enzymes RAG-1 et RAG-2, de nombreux facteurs de transcription spécifiques, comme Pax-5 et E2F, et le micro-environnement médullaire. La réussite de chaque étape de ce programme complexe conditionne la survie lymphocytaire B. Des mécanismes proches de ceux utilisés pour la formation du récepteur lymphocytaire T (cf chapitre 2), mènent à la formation d’un pré-récepteur (stade pré-B) puis d’un récepteur mature. Seuls les lymphocytes B qui ont un récepteur fonctionnel reçoivent des signaux de survie (sélection positive). Les mécanismes de tolérance centrale visent à éliminer l’essentiel des lymphocytes B ayant une réactivité contre les antigènes du soi par sélection négative. La moelle osseuse est donc à la fois le lieu de naissance et le cimetière de nombreux lymphocytes B, non fonctionnels ou auto-réactifs ! La maturation lymphocytaire B dans la moelle osseuse mène également à l’expression de marqueurs membranaires spécifiques du lymphocyte B, comme CD79 (Ig), CD79 (Ig), CD19, CD21 (récepteur CR2 du complément) et CD81, participant à la signalisation du récepteur lymphocytaire B, et CD20 (à partir du stade pré-B).

3. Éducation splénique (tolérance périphérique) Chez la souris, il semble exister à ce stade 2 programmes distincts de différenciation menant aux lymphocytes B folliculaires, population lymphocytaire B principale, d’une part, et aux lymphocytes B de la zone marginale (B-MZ), d’autre part. Le rôle des B-MZ est, comme les lymphocytes B1 chez la souris, de reconnaître rapidement les pathogènes infectieux. Les B-MZ, intégrés aux acteurs de l’immunité innée, pourraient jouer un rôle crucial dans le développement des maladies auto-immunes et des lymphomes compliquant certaines maladies auto-immunes. Le répertoire de ces lymphocytes est souvent auto-réactif. L’étape d’éducation splénique a surtout été étudiée chez la souris. Dans la rate, les lymphocytes B passent du stade transitionnel de type 1 (T-1) au stade transitionnel de type 2, en fonction de l’affinité du BCR pour les antigènes du soi (sélection négative) et de l’importance des signaux de survie, comme le taux de BAFF (B cell activating factor of the TNF family, ENCADRÉ 1 ). Une population de cellules B transitionnelles a récemment été mise en évidence chez l’homme.

4

4. Comment le lymphocyte B est activé dans les organes lymphoïdes périphériques ? ■ Réponse « extra-folliculaire » La survie du lymphocyte B naïf mature, rescapé des étapes de sélection négative précédentes, passe maintenant nécessairement par la rencontre de l’antigène reconnu spécifiquement par son BCR. Le lymphocyte B circule donc à travers les vaisseaux lymphatiques et sanguins, dans la rate, les ganglions, les tissus lymphoïdes des muqueuses, à la recherche de son « élu » antigénique. L’avenir du lymphocyte B à court terme (48-72 heures) est le suivant : mort cellulaire en l’absence de rencontre de l’antigène, activation lymphocytaire B «T-indépendante», ou réponse «T-dépendante» FIGURE 3 . FIGURE 3 - Réponse lymphocytaire B T dépendante et T indépendante

1ère partie

En même temps que le rôle des auto-anticorps était remis en lumière dans les maladies auto-immunes, il a été mis en évidence en 1999 une nouvelle cytokine de la famille du TNF appelé « B cell Activator of the TNF Family » (BAFF) ou « B Lymphocyte Stimulator » (BLyS) jouant un rôle fondamental dans l’activation des lymphocytes B. Ce médiateur est présent à la membrane des monocytes et des cellules dendritiques et peut être sécrété. Il se fixe sur des récepteurs présents sur le lymphocyte B : BAFF-R et TACI et va entraîner une activation des lymphocytes B FIGURE 5 . Cette activation concerne essentiellement les lymphocytes B auto-réactifs car les souris transgéniques (Figure. pour BAFF (BLyS) ont des signes évoquant à la fois une PR, un lupus et un Sjögren. Elles présentent d’abord des arthrites et une glomérulonéphrite, puis une infiltration lymphoïde des glandes salivaires et une diminution du flux salivaire, et enfin, de façon intéressante un doublement du risque de voir apparaître un lymphome. Une augmentation de BAFF (BLyS) dans le sérum a été observée dans le sérum de patients atteints de diverses maladies auto-immunes (lupus, syndrome de Sjögren, PR, maladie de Wegener). Le taux de BAFF peut être corrélé au taux des auto-anticorps (facteur rhumatoïde, anticorps anti-ADN ou anticorps anti-SS-A) ; la quantité d’ARN messager de BAFF a été retrouvée corrélée à l’activité de la maladie dans une étude sur le lupus. Cette cytokine BAFF, qui joue un rôle dans l’activation des lymphocytes B peut également être exprimée par les cellules résidentes des organes cibles de l’auto-immunité sous l’influence de diverses cytokines : synoviocytes de la PR sous l’influence du TNF alpha ou de l’IFN gamma, cellules épithéliales salivaires du Sjögren sous l’influence de l’IFN alpha ou de l’IFN gamma.

Le lymphocyte B : de la théorie à la pratique

Le rôle de BAFF dans les maladies auto-immunes

Chapitre 3

ENCADRÉ 1

5

L’immunopathologie pour le praticien

Si l’antigène a certaines caractéristiques structurales (motifs polyosidiques répétés par exemple), s’il existe une stimulation des récepteurs de l’immunité innée (Toll-like récepteurs), ou d’un récepteur de BAFF (TACI), ou s’il s’agit d’un B-MZ, le lymphocyte B peut être activé sans l’aide d’un lymphocyte T. Cette réponse T-indépendante peut mener à l’apparition de lymphocytes B mémoires à IgM de membrane, qui ne sont pas passés par le centre germinatif et qui peuvent se différencier en plasmocytes sécrétant des IgM de faible affinité pour l’antigène. Ces lymphocytes B-MZ mémoires pouvant se différencier en plasmocytes habituellement de courte durée de vie pourraient jouer un rôle important dans les maladies autoimmunes. ■ Formation du centre germinatif Dans les organes lymphoïdes secondaires, en présence d’une co-stimulation lymphocytaire TCD4 (réponse T-dépendante), le lymphocyte B va avoir une autre destinée : il va former des follicules lymphoïdes appelés aussi centres germinatifs. Dans le centre germinatif, l’architecture ganglionnaire permet un contact privilégié et prolongé entre lymphocytes B et T ayant la même spécificité antigénique et cellules dendritiques folliculaires, cellules qui favorisent la rétention prolongée de nombreux antigènes liés à des complexes immuns et qui activent les lymphocytes B et T en sécrétant la cytokine BAFF. Le centre germinatif est le siège d’une prolifération lymphocytaire B majeure (centroblastes, zone « sombre », FIGURE 4 ), d’hypermutations somatiques permettant l’augmentation d’affinité des anticorps sécrétés avec parfois le risque d’acquérir par ces mutations une auto-réactivité, et de réarrangements géniques permettant de sécréter des anticorps de même spécificité mais d’isotype différent (phénomène de commutation isotypique). De nombreux mécanismes de tolérance périphérique visent à limiter l’apparition de B auto-réactifs dans les centres germinatifs : exclusion de nombreux lymphocytes B auto-réactifs des follicules lymphoïdes entraînant leur mort, délétion clonale, anergie, ignorance, révision du BCR (réactivation des recombinases RAG 1/2 permettant de nouveaux réarrangements géniques et l’appariement de nouvelles chaînes légères aux chaînes lourdes d’Ig, ce qui modifie la spécificité du BCR). Plus de 95% des lymphocytes B pénétrant dans un centre germinatif vont mourir. Seuls les lymphocytes B ayant la meilleure affinité avec l’ (ou les) antigène(s) présenté(s) seront sélectionnés. FIGURE 4 - Représentation schématique d’un centre germinatif Zone lymphocytaire T

DC

Follicule lymphoïde

LT CD4 activé LB naïf LB activé

LT CD4 naïf Zone claire

Zone sombre LT CD4

(Centrocytes) LB

FDC

LT CD4

LB

(Centroblastes)

LT CD4 activé

Centre germinatif Plasmocytes LB mémoire DC : cellule dendritique

6

FDC : cellule dendritique folliculaire

Sites extrafolliculaires

1ère partie

Enfin, le centre germinatif est le siège de la différenciation terminale en lymphocytes B mémoires ou en plasmocytes de longue durée de vie (6 à 12 mois chez la souris), qui regagnent la moelle osseuse. La formation d’un centre germinatif est donc une étape cruciale qui conduit à la sécrétion d’anticorps de haute affinité, la commutation isotypique et la constitution d’une mémoire lymphocytaire B. Dans les maladies auto-immunes, des structures de type centre germinatif sont observées dans certains organes cibles comme la thyroïde (thyroïdites auto-immunes), la synoviale (polyarthrite rhumatoïde), le cerveau (sclérose en plaques), ou les glandes salivaires (syndrome de Sjögren). Une des théories séduisantes pour expliquer l’émergence de B auto-réactifs en périphérie est que les lymphocytes B au répertoire auto-réactif, notamment ceux de la zone marginale, normalement exclus du centre germinatif, soient sauvés de la mort par une sécrétion augmentée de BAFF ENCADRÉ 1 FIGURE 5 , et parviennent à entrer dans le centre germinatif, ce qui permet l’augmentation d’affinité des auto-anticorps sécrétés et l’apparition d’une mémoire immunologique auto-immune prolongée.

■ Mécanismes moléculaires de reconnaissance de l’antigène, d’activation lymphocytaire B, et de coopération lymphocytaire B et T ■ Présentation de l’antigène au lymphocyte B

Le lymphocyte B a la possibilité de reconnaître et capter directement l’antigène sans autre cellule présentatrice, ou de se faire présenter l’antigène par une cellule présentatrice (cellule dendritique myéloïde, cellule dendritique folliculaire). L’activation du récepteur membranaire du lymphocyte B est différente selon l’antigène (concentration, antigène soluble/membranaire, durée de la stimulation du BCR par l’antigène), certains cosignaux (activation du récepteur du complément CD21, activation des récepteurs de BAFF, inhibition par CD5, CD22, par exemple) et surtout le stade de maturation du lymphocyte B. Le récepteur du lymphocyte B agit donc comme un véritable rhéostat qui intègre ces différents signaux. L’activation du BCR suit des mécanismes moléculaires très proches de ceux du TCR (cf chapitre 2) : agrégation des récepteurs et association au sein de radeaux lipidiques pour former des microdomaines. Ces domaines riches en glycosphingolipides et en cholestérol facilitent la transduction des signaux grâce à la co-localisation du BCR, des molécules CD19, CD20 au voisinage des kinases Syk (qui jouent dans le lymphocyte B le rôle de Zap-70 dans le lymphocyte T) et la famille des kinases de la famille Src (Lck, Lyn, Fyn), de la kinase Vav et de la kinase Btk (Bruton-tyrosine kinase). L’activation des kinases cytoplasmiques conduit à une cascade de phosphorylation sur la tyrosine de motifs activateurs ITAM (immunoreceptor tyrosine-based activation motif, cf chapitre 2), notamment dans les domaines cytoplasmiques de Ig et Ig, et à l’exclusion de régulateurs négatifs de l’activation lymphocytaire B (comme CD22) de ces microdomaines. La signalisation intra-cellulaire du BCR se poursuit par l’apparition d’un flux calcique par l’hydrolyse des phospholipides par la phospholipase PLC-2, l’activation de la voie des MAP kinases et de facteurs de transcription NF-B et AP-1. L’engagement du BCR par son antigène conduit aussi à l’entrée du lymphocyte B dans le cycle cellulaire (prolifération) et à l’expression de certaines molécules de surface comme les molécules HLA de classe II, les molécules CD80 (B7-1) et CD86 (B7-2) et des récepteurs de cytokines, qui vont permettre au lymphocyte B d’engager le « dialogue » avec les lymphocytes T FIGURE 6 .

Chapitre 3

HSPG : héparane sulfate protéoglycanes

Le lymphocyte B : de la théorie à la pratique

FIGURE 5 - Le système BAFF-BAFF récepteurs

7

L’immunopathologie pour le praticien

FIGURE 6 - Le lymphocyte B : une cellule présentatrice

sBAFF : forme soluble de BAFF mBAFF : forme membranaire de BAFF DC : cellule dendritique M : macrophage ■ Apprêtement de l’antigène

Le complexe BCR-antigène est internalisé, orienté vers les endosomes tardifs (compartiment MIIC), qui comportent les molécules HLA de classe II, et les molécules de chargement (HLA-DM et DO). L’acidification de ces compartiments favorise la génération de peptides antigéniques par des enzymes protéolytiques sensibles au pH, la dégradation de la chaîne invariante Ii, et le chargement des peptides sur les molécules du CMH. ■ Synapse lymphocytaire B-T

La présentation de l’antigène, associé aux molécules HLA de classe II, par le lymphocyte B au TCR spécifique de cet antigène du lymphocyte T conduit à un véritable dialogue entre ces 2 cellules et à l’activation bi-directionnelle du lymphocyte T et du lymphocyte B. Le premier couple de ligands impliqué dans la coopération B-T met en jeu les molécules HLA de classe II, l’antigène et le TCR. Certaines molécules d’adhérence, comme ICAM-1 et LFA-1, favorisent l’adhérence entre T et B. Le lymphocyte B activé délivre des signaux, notamment via l’expression des molécules CD80 et CD86, conduisant à l’activation du lymphocyte T. Une étape clé est celle de l’expression par le lymphocyte T du ligand (CD40L) de CD40, molécule exprimée par le lymphocyte B. Le couple CD40L / CD40 est l’un des couples les plus importants dans l’interaction entre lymphocytes T et B au cours de la réponse humorale puisque l’activation de la voie CD40 sur le lymphocyte B conduit à la prolifération B, la sécrétion d’anticorps, la commutation isotypique, et la synthèse de cytokines comme l’IL-6 (voir déficit immunitaire avec syndrome hyper-IgM de type 1, section III-1). De nombreux autres couples de molécules de co-stimulation B/T, comme CD27(B)/CD70(T), CD30(B)/CD153(T), ICOSL(B)/ICOS(T) et d’autres, participent à la coopération lymphocytaire entre lymphocytes B et T FIGURE 6 .

5. Fonctions des lymphocytes B Dire qu’encore récemment, on pensait que la fonction unique des lymphocytes B était de sécréter des anticorps ! Grâce aux nombreux apports de modèles animaux très élégants, qui ont notamment permis d’étudier le rôle des 8

■ Le lymphocyte B : une excellente cellule présentatrice La souris MRL/lpr, qui est un modèle à la fois de lupus, de Sjögren et de PR, développe une maladie autoimmune liée à une infiltration de lymphocytes T, les lymphocytes T pouvant transférer la maladie. Si cette souris est totalement déplétée en lymphocytes B (souris MT MRL/lpr), alors il n’y a plus d’infiltration T et plus de maladie auto-immune. Par contre, si les lymphocytes B expriment uniquement la forme membranaire de leur immunoglobuline (souris mIgM MRL/lpr) sans possibilité de sécréter d’anticorps, alors l’infiltrat T et la maladie auto-immune se développent. L’immunoglobuline de membrane des lymphocytes B est donc indispensable au développement de cette maladie auto-immune. L’immunoglobuline de membrane des lymphocytes B a pour rôle de fixer un antigène qui peut ensuite être apprêté, puis présenté par ce même lymphocyte B au lymphocyte T. Cette fonction de présentation peut donc être très importante pour le déclenchement et la persistance de l’auto-immunité. D’autres études similaires ont montré l’importance du lymphocyte B comme cellule présentatrice d’antigène dans des modèles expérimentaux de diabète ou d’arthrite. De manière intéressante, ce rôle est particulièrement important pour le lymphocyte B « facteur rhumatoïde » qui, grâce à son immunoglobuline de membrane anti-IgG, peut capter des antigènes complexés aux IgG et les présenter ensuite aux lymphocytes T. ■ Sécrétion de cytokines et phénotypes des lymphocytes B Le lymphocyte B peut sécréter de nombreuses cytokines : IL-2, IL-4, IL-6, IL-10, IL-12, IL-16, MIP-1 et MIP-1, IFN-, lymphotoxines, TGF-béta. Depuis peu, on commence à définir les populations de lymphocytes B sur la base de leur profil de sécrétion de cytokines. Les Be1, différenciés à partir de B naïfs dans un environnement riche en IFN- et en IL-12, sécrètent IL-2, IFN- et dans certaines conditions de l’IL-12. Les Be2 sécrètent de l’IL-4, IL-10 et IL-12. Ces profils Be1 et Be2 sont en accord avec le concept plus large de réponse de type 1 ou de type 2, qui s’appliquent aux lymphocytes T (Th1/Th2), aux cellules dendritiques, ou aux cellules NK. Chez la souris, des lymphocytes B régulateurs ont été mis récemment en évidence, sécrétant pour certains de l’IL-10, pour d’autres du TGF- ENCADRÉ 2 FIGURE 7 . FIGURE 7 - Mode d’action supposé des lymphocytes B régulateurs chez la souris

1ère partie Le lymphocyte B : de la théorie à la pratique

■ Les auto-anticorps : une pathogénie renouvelée dans les maladies auto-immunes Les auto-anticorps sont très rarement directement pathogènes comme cela a pu être démontré au cours de la myasthénie, de la maladie de Basedow, ou du bloc atrio-ventriculaire congénital. Le rôle effecteur des anticorps inclut l’opsonisation des pathogènes infectieux, l’activation du complément, le recrutement et l’activation des monocytes, macrophages par leur récepteur Fc. Un nouveau rôle des anticorps a été mis récemment en évidence : l’activation par les complexes immuns des récepteurs de l’immunité innée (Tolllike récepteurs) conduisant à l’activation des B auto-réactifs et secondairement à la sécrétion d’autres autoanticorps, et à l’activation des cellules dendritiques (boucle d’amplification de la réponse interféron).

Chapitre 3

lymphocytes B rendus incapables de sécréter des anticorps, le lymphocyte B a gagné d’autres titres de noblesse et élargi sa palette d’action ! Il s’agit en effet d’une excellente cellule présentatrice, sécrétrice de cytokines, modulant répertoire et activation des lymphocytes T, participant à l’architecture des ganglions et à la cascade inflammatoire menant à la destruction des organes cibles des maladies auto-immunes.

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L’immunopathologie pour le praticien

ENCADRÉ 2

Les lymphocytes B régulateurs : une réalité chez la souris ! Après l’époque peu lointaine du lymphocyte B simple producteur d’anticorps et l’époque actuelle du lymphocyte B, ennemi public n°1 dans les maladies auto-immunes, une nouvelle ère, plus contrastée, est peut-être en train de s’ouvrir avec la mise en évidence de lymphocytes B régulateurs. Nous avons vu dans le chapitre 2 les difficultés pour caractériser leur équivalent lymphocytaire T (lymphocytes T régulateurs) chez l’homme. La caractérisation des lymphocytes B est à un stade encore plus embryonnaire, puisqu’elle n’a concerné que les modèles murins. ■ Mise en évidence de l’existence de B régulateurs chez la souris Le rôle protecteur des lymphocytes B a été mis en évidence par l’aggravation des lésions inflammatoires dans des modèles de maladie de Crohn et de rectocolite ulcéro-hémorragique après déplétion lymphocytaire B. Dans un modèle murin de sclérose en plaques (encéphalomyélite allergique expérimentale), des lymphocytes B régulateurs, sécrétant de l’IL-10, peuvent diminuer la progression de la maladie. Ces lymphocytes B régulateurs sécrétant de l’IL-10 ont également un effet suppresseur dans des modèles de colite, de lupus, et d’arthrite. ■ Mécanismes d’action FIGURE 7 ■ Sécrétion de cytokines : la sécrétion constitutive d’IL-10 (voir ci-dessus) ou la sécrétion de TGFbéta par les lymphocytes B après stimulation in vitro, a un effet protecteur (absence de diabète chez la souris NOD) ■ Inhibition des lymphocytes T effecteurs (inhibition de l’expression du TCR, modulation du signal de costimulation CD40-CD40L), modulation de la balance Th1/Th2 ■ Inhibition des cellules dendritiques : expression d’IL-10, de CXCL13, sécrétion d’anticorps qui activent le récepteur inhibiteur FCRIIB et favorisent la clairance des corps apoptotiques ■ Activation de cellules régulatrices CD8+ ou NKT ■ Chez l’homme ? Les seules données actuelles sont l’existence de lymphocytes B sécrétant de l’IL-10. ■ Conclusion Nous sommes peut-être à l’aube de découvrir un équivalent lymphocytaire B aux lymphocytes T régulateurs chez l’homme. Des questions passionnantes, similaires à celles qui agitent les spécialistes des T régulateurs vont se poser : quelle est l’ontogénie de cette population ? Un même signal peut-il induire à la fois des B conventionnels et des B régulateurs ? Ces interrogations concernant l’existence d’une population B régulatrice incitent également à considérer la perspective thérapeutique de dépléter les B pathogènes et non les B régulateurs...

Les cytokines sécrétées modulent l’activation des autres acteurs de l’immunité, essentiellement les lymphocytes T et les cellules dendritiques. Ainsi la sécrétion d’IL-16, de MIP-1 et MIP-‚ par le lymphocyte B participe-t-elle à la différenciation, la migration et la fonction des cellules dendritiques myéloïdes. ■ Rôle des B dans la diversification du répertoire lymphocytaire T et activation lymphocytaire T Les lymphocytes B jouent un rôle important dans la sélection positive thymique en présentant des antigènes peptidiques aux thymocytes. Les modèles animaux sans lymphocytes B ou ayant des lymphocytes B sans immunoglobulines de surface ont un répertoire T restreint. Nous avons insisté (paragraphe 4) sur l’importante coopération entre lymphocyte B et lymphocyte T. Cette collaboration concerne à la fois les lymphocytes T CD4 et les lymphocytes T CD8. Les souris prédisposées au lupus sans lymphocytes B ou ayant des lymphocytes B sans immunoglobulines de surface développent peu ou pas d’infiltrat lymphocytaire T CD8 dans les organes cibles de la maladie. 10

1ère partie

■ Rôle dans le maintien de l’organisation lymphoïde Les lymphocytes B sont indispensables à la formation d’une architecture de type centre germinatif dans les organes lymphoïdes et dans certains organes cibles des maladies auto-immunes. Nous avons rappelé l’importance du centre germinatif pour la sécrétion d’anticorps de haute affinité et l’acquisition d’une mémoire immunologique (paragraphe 4). Ce rôle crucial passe notamment par l’expression par le lymphocyte B des lymphotoxines LT- et , qui assurent la survie des cellules dendritiques folliculaires, elles-mêmes indispensables au recrutement (gradient d’expression de la chémokine CXCL13) des lymphocytes B et à leur survie au sein des centres germinatifs FIGURE 8 .

FDC : cellule dendritique folliculaire GC B : lymphocyte B de type centre germinatif

■ Participation à la cascade inflammatoire et aux lésions tissulaires Les complexes immuns activent les mécanismes effecteurs cytotoxiques médiés par les T, les macrophages, les PNN, les mastocytes, ou le système du complément. Le lymphocyte B est également une cellule nécessaire à la fibrose, qui complique fréquemment les lésions tissulaires rencontrées au cours des maladies autoimmunes, comme le syndrome de Sjögren primitif ou la sclérodermie. Ainsi la déplétion lymphocytaire B prévient–elle l’apparition d’une fibrose hépatique dans un modèle expérimental murin. Par ailleurs, au cours de la polyarthrite rhumatoïde, on a récemment (re)découvert la présence de follicules lymphoïdes B dans l’os sous-chondral. Certaines études suggèrent la sécrétion par le lymphocyte B de cytokines activant la résorption osseuse par les ostéoclastes, comme RANKL… Ces deux exemples (fibrose, ostéolyse) illustrent donc la participation du lymphocyte B à des processus tissulaires via des mécanismes non directement liés à leur immunoglobuline de membrane.

Chapitre 3

Le lymphocyte B : de la théorie à la pratique

FIGURE 8 - Le lymphocyte B : une cellule indispensable à la formation des centres germinatifs

11

L’immunopathologie pour le praticien

2e partie

Comment j’explore ? Comment étudier les lymphocytes B ?

1. En pratique ■ Étude des immunoglobulines sériques ■ Techniques qualitatives

• L’électrophorèse des protéines sériques ou urinaires (EPP) est une technique courante de laboratoire qui utilise un champ électrique appliqué aux protéines plasmatiques, placées dans un tampon adéquat, qui migrent soit vers la cathode soit vers l’anode en fonction de leur charge et à une vitesse dépendant de leur mobilité électrophorétique sur un support d’agarose ou d’acétate de cellulose. Après révélation des protéines à l’aide de colorants et décoloration du support, les protéines apparaissent séparées sous la forme de bandes. Les résultats sont à la fois qualitatifs (courbe d’intégration) et semi-quantitatifs (% de chaque bande par rapport à l’ensemble des protéines de l’échantillon). L’EPP est un examen facile à réaliser, très informatif et peu coûteux (10,80 euros). Il représente le premier stade du dépistage d’une gammapathie monoclonale, d’un déficit immunitaire humoral. L’EPP peut montrer également un profil compatible avec un syndrome inflammatoire biologique (hyper-2 + hypergammaglobulinémie), ou une hypergammaglobulinémie polyclonale isolée dans certaines maladies inflammatoires ou autoimmunes (Sjögren, lupus, sarcoidose). • L’immunofixation (IFIX) des protéines sériques ou urinaires permet de caractériser de manière rapide la nature d’une immunoglobuline monoclonale détectée par EPP (2 heures au lieu de 2-3 jours pour la technique plus ancienne d’immunoélectrophorèse, à laquelle l’IFIX s’est substituée). L’IFIX comporte 2 temps : électrophorèse sur agarose, suivi d’un temps de diffusion d’un anti-sérum appliqué à l’aide d’un buvard à la surface du gel d’agarose. Son coût actuel est de 48,60 euros. • La recherche d’auto-anticorps utilise différentes techniques de mesure pour détecter facteur rhumatoïde, cryoglobulinémie, anticorps anti-CCP, anticorps anti-nucléaires, anticorps anti-antigènes solubles, ... ■ Techniques quantitatives

• La protidémie totale peut être mesurée. Les immunoglobulines sériques représentent une fraction importante des protéines sériques (6 à 14 g/L, soit 10 à 20 % des protides totaux).

• Le dosage des immunoglobulines sériques peut être réalisée par de très nombreuses techniques, plus ou moins rapides, sensibles, coûteuses et automatisées (électro-immunodiffusion de Laurell, immunodiffusion radiale de Mancini, immunoprécipitation en veine liquide, radio-immunodosages). Les mesures automatisées utilisent les techniques d’immunoprécipitation (turbidimètres ou néphélémètres laser). Le coût actuel du dosage des Ig est de 27 euros. De la naissance à l’âge de 6 mois, les Ig de l’enfant sont essentiellement les IgG maternelles transférées par voie placentaire. Un déficit de production des anticorps ne peut pas être diagnostiqué avant l’âge de 6 mois. Le taux des Ig sériques de l’enfant n’atteint les valeurs de l’adulte que vers l’âge de 10 ans. Les IgG représentent 75 % des Ig totales, avec une concentration sérique de 8 à 16 g/L. Il en existe 4 sousclasses (IgG1, IgG2, IgG3, IgG4), différant entre elles par des propriétés physico-chimiques et électriques. Les IgA représentent après les IgG le second groupe d’immunoglobulines sériques (2-4 g/L). La teneur moyenne en IgM est de 0,5 à 2 g/L. Enfin, les IgD constituent moins de 1 % des Ig totales (0,05 à 0,4 g/L). L’intérêt clinique du dosage des immunoglobulines sériques est par exemple de rechercher le déficit immunitaire humoral le plus fréquent, le déficit en IgA (1 personne / 700). Il permet également de rechercher un déficit en sous-classes d’IgG, isolé ou associé au déficit en IgA, auquel il faut penser devant des infections à pyogènes sévères et répétées alors que la concentration des IgG totales est normale ou même augmentée. ■ Réponse vaccinale La fonction des lymphocytes B peut être évaluée en déterminant l’apparition des anticorps spécifiques résultant d’une immunisation vaccinale, comme les anticorps contre le poliovirus, le pneumocoque, l’Haemophilus, les toxines tétaniques et diphtériques, ou des micro-organismes ubiquitaires comme Candida.

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2. En recherche ■ Marqueurs d’activation lymphocytaire B sériques Il est de plus en plus facile, du fait de la généralisation et de l’automatisation des techniques, de doser différents marqueurs sériques d’activation lymphocytaire B. Certains de ces marqueurs sont anciens, comme la béta-2 microglobuline, qui est un marqueur global d’activation immunitaire, puisque la béta2-microglobuline est associée à l’ensemble des molécules HLA de classe I. D’autres marqueurs anciens, comme le taux des chaînes légères libres d’immunoglobulines, ont vu leur intérêt renouvelé par l’apparition d’un dosage sensible, reproductible et automatisé. Le dosage des chaînes légères libres d’immunoglobulines permet le suivi des patients ayant un myélome non sécrétant ou un myélome à chaînes légères, ou une amylose. Dans les maladies auto-immunes, le dosage des chaînes légères libres d’immunoglobulines pourrait avoir un intérêt double : l’augmentation des taux des chaînes  et  avec un rapport  sur  conservé semble être un bon marqueur biologique d’activité, alors que des anomalies du rapport  sur  pourraient prédire un risque augmenté de lymphome au cours des maladies auto-immunes. Enfin, le dosage du taux sérique de BAFF, cytokine responsable de l’activation lymphocytaire B au cours des maladies auto-immunes, peut maintenant être réalisé par technique ELISA. ■ Étude des stades de maturation des lymphocytes B La meilleure connaissance des marqueurs membranaires associés à la différenciation B et l’automatisation des cytomètres de flux permettant l’analyse simultanée de 4 à 8 marqueurs ont permis de mieux connaître l’homéostasie B au cours des maladies auto-immunes. Le niveau d’expression membranaire de 2 marqueurs permet de différencier 6 stades de différenciation B entre B naïf (Bm1) et B mémoire (Bm5), comme le résume la TABLE 1 et le montre la FIGURE 9 .

2e partie

FIGURE 9 - Marquage CD38 et IgD des lymphocytes B sanguins par cytométrie de flux

TABLE 1 - Populations Bm1-Bm5 Ig D

CD38

B naïf (Bm1)

+

-

B activé (Bm2)

+

+

+

++

-

++

Centrocyte (Bm4)

-

++

B mémoire (Bm5)

-

+

B fondateur centre germinatif (Bm2’) Centroblaste (Bm3)

Le lymphocyte B : de la théorie à la pratique

■ Étude des réarrangements géniques du BCR L’étude du réarrangement génique (V-D-J) et (V-J) de l’ADN des chaînes lourdes et légères d’immunoglobulines permet de déterminer l’existence d’une population monoclonale, qui peut prédire un risque augmenté de lymphome à court terme. En recherche, l’étude du réarrangement permet parfois de retracer l’histoire naturelle des lymphomes qui apparaissent dans les organes cibles des maladies auto-immunes : lymphocytes B poly- puis oligo-, puis monoclonaux et diversification intra-clonale.

Chapitre 3

■ Quantification du nombre de lymphocytes B Les lymphocytes B représentent environ 10 à 20 % des lymphocytes sanguins. La quantification précise du nombre de lymphocytes B repose sur la mise en évidence de marqueurs de surface spécifiques à l’aide d’anticorps spécifiques et en immunofluorescence par la technique de cytométrie de flux (phénotypage lymphocytaire), décrite dans le chapitre 2. La quantification des lymphocytes B peut être réalisée en routine en analysant le nombre de cellules CD19+/mm3. Le phénotypage lymphocytaire est un examen utile lorsqu’on manie les stratégies d’inhibition lymphocytaire B pour objectiver la disparition des lymphocytes B après traitement et leur réapparition, qui précède parfois la rechute des maladies auto-immunes. Le phénotypage lymphocytaire permet également le diagnostic aisé de la leucémie lymphocytaire chronique, hémopathie maligne la plus fréquente, en mettant en évidence un excès de lymphocytes B exprimant le marqueur CD5 habituellement présent sur le lymphocyte T (cellules CD5+ CD19+). Le phénotypage lymphocytaire simple comprenant la mesure du nombre de lymphocytes T par le marqueur CD3, des sous-types de lymphocytes T CD4 et CD8 et du nombre de lymphocytes B par le marqueur CD19, est un examen usuel que tout clinicien s’intéressant aux maladies auto-immunes doit savoir interpréter.

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L’immunopathologie pour le praticien 14

L’étude des marqueurs B a également permis la détection de B pré-centre germinatif (Bm2’) et de lymphocytes B de phénotype de la zone marginale de la rate dans les glandes salivaires de patients ayant un syndrome de Sjögren. On vient de mettre aussi en évidence l’existence chez l’homme de lymphocytes B transitionnels T1 dans le sang périphérique (IgD+, CD38high, CD10+, CD44low, CD23low, CD27-), présents uniquement dans la rate chez la souris. ■ Différenciation et prolifération in vitro Les lymphocytes B peuvent être cultivés en présence de stimulants de la prolifération (mitogènes comme le PWM, ou stimulation du BCR par des anti-IgM) et de la production des Ig. La réponse des lymphocytes B est analysée par le dosage des Ig dans le surnageant de culture ou par la mesure de la prolifération lymphocytaire. Pour analyser la coopération lymphocytaire T-B, on peut effectuer des co-cultures T/B et analyser le dosage des Ig dans les surnageants, selon que les lymphocytes B ont été cultivés avec des T autologues (du même sujet) ou avec des lymphocytes d’un sujet témoin.

Rôle des lymphocytes B en pathologie

Les anomalies du lymphocytes B peuvent aboutir aux 4 grands types de maladies observés en immunopathologie : les déficits immunitaires, les allergies, les proliférations lymphoïdes et les maladies auto-immunes.

3e partie

3e partie

1. Déficits immunitaires humoraux

■ Le syndrome hyper-IgM de type 1, lié à l’X, est associé à des mutations ou délétions concernant le gène codant pour le ligand de CD40. Ce déficit immunitaire a permis de démontrer l’importance de la voie CD40L-CD40 pour la collaboration lymphocytaire B/T (voir page 8) puisqu’il existe chez les patients atteints une diminution des lymphocytes B mémoires, une absence de commutation isotypique, de centres germinatifs, et un déficit de l’immunité cellulaire. ■ Le syndrome hyper-IgM de type 2 a permis la mise en évidence du rôle d’AID (activation-induced cytidine deaminase) dans la commutation isotypique et les hypermutations somatiques. Les sujets atteints ont une hyperplasie des centres germinatifs des organes lymphoïdes secondaires, liés à une prolifération des cellules fondatrices des centres germinatifs (IgM+, IgD+, CD38++), avec un défaut de mutation somatique mais un nombre de lymphocytes B mémoires normal. ■ Le déficit immunitaire symptomatique le plus fréquent est le déficit immunitaire commun variable (DICV), commun car il concerne les lymphocytes B mais aussi un peu les lymphocytes T, variable car son expression est très variable si bien qu’il peut être révélé chez l’adulte tard dans la vie. 5 à 10 % des formes familiales de DICV sont liées à des mutations homozygotes de TACI, un des récepteurs de BAFF et d’APRIL qui inhibent la fixation d’APRIL sur TACI FIGURE 5 , nécessaire à la commutation isotypique. 2 % des formes familiales de DICV sont liées à une mutation homozygote d’ICOS entraînant l’absence d’ICOS, une molécule de costimulation lymphocytaire T-B présente sur le lymphocyte T ayant un rôle proche de CD28, impliquée dans le « help » T pour la différenciation terminale B (commutation isotypique et mémoire B).

Chapitre 3

■ L’agammaglobulinémie de Bruton a démontré l’importance du facteur de transcription Btk (Bruton tyrosine kinase) dans la signalisation du pré-BCR et du BCR. Les mutations de Btk (plus de 120 mutations décrites) inhibent sa liaison aux petites protéines G et à d’autres enzymes (notamment les kinases de la famille sarc) et provoquent un bloc de différenciation lymphocytaire B au stade pré-B. Les lymphocytes B sont rares ou absents en périphérie et l’absence d’immunoglobuline sérique prédispose les patients aux risques d’infections bactériennes (pneumocoques, streptocoque, haemophilus), virales (entérovirus et échovirus), et parasitaires (lambliase). Des injections répétées d’immunoglobulines intraveineuses tout au long de la vie permettent de réduire les risques infectieux.

Le lymphocyte B : de la théorie à la pratique

■ L’étude de ces déficits permet de réaliser l’importance du lymphocyte B en physiologie. En effet, au cours des déficits immunitaires, le dérèglement de son homéostasie conduit à un risque augmenté d’infections, de maladies auto-immunes et de lymphomes. Par ailleurs, les déficits immunitaires humoraux ont considérablement amélioré la compréhension des mécanismes de différenciation des lymphocytes B, en mettant en évidence le rôle clé de certains facteurs de transcription ou de certaines molécules de co-stimulation.

2. Les maladies auto-immunes : l’exemple du lupus érythémateux disséminé et du syndrome de Sjögren Ces deux maladies qui partagent de nombreuses caractéristiques physiopathologiques (identité des gènes HLA associés aux anti-SSA/SSB , présence de cellules productrices d’interféron dans les organes cibles, signature interféron) illustrent la place centrale du lymphocyte B entre immunité innée et immunité adaptative. L’axe interféron-BAFF, dont l’activation initiale pourrait être la conséquence d’une infection, contribue à l’activation des lymphocytes B auto-réactifs ayant échappé aux différents mécanismes de tolérance centrale et périphérique. Ces lymphocytes, stimulés par leurs récepteurs de type TOLL (TLR-7 et TLR-9) et par leur BCR sécrètent chez les patients ayant certains facteurs de prédisposition génétique, des auto-anticorps qui se complexent aux débris apoptotiques, dont la clairance est insuffisante (déficit en complément, anomalies du système MBP, rôle des anti-SSA/SSB eux-mêmes récemment suggéré au cours du bloc atrio-ventriculaire congénital). Ces complexes immuns activent à leur tour les cellules productrices d’interféron, les cellules dendritiques plasmacytoïdes, ce qui entretient le cercle vicieux de l’activation de l’axe interféron-BAFF-lymphocyte B FIGURE 10 . 15

L’immunopathologie pour le praticien

FIGURE 10 - Contribution de l’immunité innée et adaptative, des facteurs génétiques et d’environnement dans la physiopathologie du syndrome de Sjögren primitif

mDC : cellule dendritique myéloïde pDC : cellule dendritique plasmacytoïde

3. Lymphome et myélome : le « côté obscur » de la différenciation lymphocytaire B À chaque étape de la différenciation, les mécanismes moléculaires impliqués (mutations somatiques, réarrangements, …) ou la stimulation persistante par un antigène, ou peut-être l’excès de signaux de stimulation lymphocytaire font courir au lymphocyte B le risque de transformation lymphomateuse. ■ Anomalies du réarrangement chromosomique Des anomalies du réarrangement peuvent conduire à des translocations chromosomiques qui favorisent l’oncogenèse. Ainsi, la translocation t(14 ;18) des lymphomes folliculaires provoque l’hyperexpression de la molécule BCL-2, molécule anti-apoptotique, sous le contrôle du promoteur du locus des chaînes lourdes d’immunoglobulines (IgH), la translocation (11,14) observée dans les lymphomes du manteau conduit à l’hyperexpression de la cycline D1, molécule importante du cycle cellulaire. Dans les lymphomes de Burkitt, une translocation chromosomique mène à une hyperexpression de l’oncogène c-myc. Outre l’aide au diagnostic, l’étude de ces translocations peut avoir un rôle pronostique : la translocation (4 ;14) est associée à un très mauvais pronostic au cours du myélome. ■ Stimulation persistante par l’(auto)-antigène Le rôle d’une stimulation persistante par un antigène infectieux est illustré par la physiopathologie des lymphomes compliquant l’infection par le virus de l’hépatite C, impliquant les lymphocytes B ayant une activité facteur rhumatoïde. Certains de ces lymphomes peuvent être guéris par le traitement de l’infection virale sans chimiothérapie associée. La stimulation persistante par un auto-antigène des lymphocytes B ayant une activité auto-anticorps contribue très certainement à l’apparition des lymphomes de la zone marginale compliquant le syndrome de Sjögren primitif FIGURE 11 . De manière intéressante, le même type histologique de lymphome, lorsqu’il survient en dehors de toute affection auto-immune, est lié à des translocations chromosomiques très rarement détectées au cours du syndrome de Sjögren, au cours duquel la stimulation par l’auto-antigène semble jouer un rôle prépondérant dans la transformation lymphomateuse.

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mc : monoclonal pc : polyclonal

■ Rôle de BAFF ENCADRÉ 1 BAFF pourrait représenter l’un des maillons manquants entre autoimmunité et lymphome. L’excès de sécrétion de BAFF, qui favorise la survie des lymphocytes B auto-réactifs, pourrait également favoriser la croissance tumorale. La sécrétion de BAFF est augmentée dans de nombreux lymphomes. De plus, l’augmentation du taux sérique de BAFF est un facteur de mauvais pronostic dans les lymphomes non hodgkiniens. ■ Auto-immunité et immunité anti-cancer font parfois «bon» ménage ! Si l’auto-immunité peut favoriser les lymphomes, l’immunité anti-tumorale peut également entraîner des signes d’auto-immunité. Le mélanome en est l’un des exemples les plus marquants : les rares guérisons peuvent être accompagnées d’un vitiligo. Plus récemment, une équipe grecque a montré que l’apparition de signes d’auto-immunité sous interféron-alpha prédit, chez les patients ayant un mélanome, un allongement de la survie. Ceci suggère que la réponse anti-tumorale et l’auto-immunité peuvent être étroitement associées.

3e partie Le lymphocyte B : de la théorie à la pratique

.

Chapitre 3

FIGURE 11 - Rôle de la stimulation antigénique dans la survenue des lymphomes au cours de l’hépatite C et du syndrome de Sjögren

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L’immunopathologie pour le praticien

4e partie

Quel traitement pour neutraliser les lymphocytes B ?

1. Quel est l’effet des traitements « classiques » ? L’effet des traitements conventionnels sur le lymphocyte B n’a été que peu étudié puisque cette cellule a longtemps été considérée comme une cellule « mineure ». Il est probable que tous les immunomodulateurs aient une action sur le lymphocyte B, au moins en raison de leur action sur le lymphocyte T ! ■ Corticoïdes De manière très surprenante, l’effet des corticoïdes sur le lymphocyte B n’a fait l’objet que de peu d’études. Les corticoïdes modifient l’homéostasie des flux intracellulaires de calcium, diminuent les phases précoces d’activation et de prolifération B. En revanche, ils n’inhibent pas les étapes de différenciation tardive, notamment la sécrétion d’immunoglobuline, qui est plutôt augmentée par les corticoïdes. Comme les autres traitements, l’effet des corticostéroïdes sur le lymphocyte B passe également par son action sur les cellules présentatrices d’antigène et sur les lymphocytes T (voir chapitre 2). ■ Hydroxychloroquine L’hydroxychloroquine inhibe l’acidification des compartiments endosomaux tardifs, ce qui inhibe l’interaction entre les récepteurs de l’immunité innée du lymphocyte B, les TLR-7 et TLR-9, et leur ligand respectif, l’ARN simple-brin et l’ADN double-brins. ■ Leflunomide Le leflunomide a une action directe sur le lymphocyte B, diminuant la prolifération B et la synthèse d’anticorps, en bloquant le cycle cellulaire aux étapes G1/S et G2/mitose (diminution d’expression de la molécule cdk2). ■ Méthotrexate Le méthotrexate diminue la prolifération des lymphocytes B in vitro et la synthèse d’anticorps. Le mode d’action principal du méthotrexate, c’est-à-dire l’augmentation de l’adénosine extra-cellulaire, puissant anti-inflammatoire, doit conduire à étudier si l’action du méthotrexate sur le lymphocyte B est médiée par les récepteurs à l’adénosine.

2. Quel est l’effet des anti-TNF ? Des études maintenant anciennes ont formellement démontré que le TNF-alpha est un facteur de croissance du lymphocyte B. Le TNF-alpha est synthétisé par le lymphocyte B et favorise la prolifération et la synthèse d’anticorps. Le TNF membranaire des lymphocytes T CD4 participe à la co-stimulation lymphocytaire T-B. Les anti-TNF inhibent l’activation lymphocytaire B par les anticorps anti-BCR et l’IL-4. Chez les patients ayant une polyarthrite rhumatoïde, l’étanercept diminue le nombre de lymphocytes B mémoires sanguins et les lymphocytes B ayant un phénotype centre germinatif dans les amygdales palatines; cette action pourrait être liée à l’inhibition de la lymphotoxine-alpha car ces résultats ne sont pas retrouvés avec l’adalimumab, qui n’inhibe pas la lymphotoxine-alpha (Anolik JH, abstract 1829, ACR 2005).

3. Quelles sont les nouvelles molécules ? Différentes stratégies anti-B peuvent être utilisées

FIGURE 12

:

• anticorps dirigés contre des antigènes membranaires du lymphocyte B (anti-CD20, anti-CD22) • anticorps dirigés contre des molécules de co-stimulation présentes sur le lymphocyte T (anti-CD40L, CTLA4 Ig)

• inhibition de cytokines favorisant la survie et l’activation B (anti-IL-6, anti-BAFF) • tolérogènes (LJP394) • modulation des récepteurs de l’immunité innée (oligonucléotides inhibiteurs des TLR) • modulation des récepteurs Fc des Ig (immunoglobulines intraveineuses) Nous développerons les résultats concernant les anti-CD20, les anti-BAFF, les anti-CD22, les anti-CD40L, les tolérogènes, et la modulation des récepteurs Fc.

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■ Le rituximab dans la PR

Les résultats du premier essai randomisé comparant l’effet du rituximab à un placebo chez 161 patients ayant une PR résistante au méthotrexate (MTX) ont été publiés en 2004. Le rituximab était administré en deux perfusions IV de 1000 mg, l’une à J1, l’autre à J15, et l’évaluation était faite à six mois. Des corticoïdes étaient administrés pendant les deux premières semaines (une semaine à 1 mg/kg, l’autre semaine à 0,5 mg/kg). Les malades étaient randomisés en 4 groupes : MTX plus placebo, rituximab seul, rituximab plus cyclophosphamide et rituximab plus MTX. A six mois, 65 % des patients traités par rituximab seul avaient une réponse ACR20, 33 % une réponse ACR50. Les résultats étaient encore meilleurs chez les patients chez qui le rituximab était associé au méthotrexate : 73 % de réponse ACR20, 43 % de réponse ACR50. Cet effet clinique spectaculaire après seulement deux perfusions de rituximab se maintenait à 48 semaines dans le groupe qui continuait à recevoir du MTX puisque dans ce groupe les taux de réponse ACR20 et ACR50 à 48 semaines était respectivement de 65 % et 35 %. Le traitement par rituximab entraîne une déplétion B sanguine totale prolongée (environ 6 à 9 mois). Cependant, dans cet essai d’un an, il n’y a pas eu plus de complications infectieuses dans les groupes rituximab que dans le groupe placebo. Les seuls effets indésirables plus fréquents dans le groupe rituximab étaient des réactions à la première perfusion. Deux autres études randomisées de grande taille (autour de 500 patients chacune) évaluant le rituximab versus placebo ont confirmé clairement l’efficacité du concept de déplétion lymphocytaire B dans la PR. L’étude DANCER qui démontre qu’une dose plus faible de rituximab de 500 mg à J1 et J15 pourrait être suffisante et que la corticothérapie associée n’est pas utile pour l’efficacité et l’étude REFLEX qui démontre que le rituximab est efficace dans la moitié des cas dans les situations d’échec aux anti-TNF. À ce jour, le rituximab en association au méthotrexate est autorisé à la dose de 1000 mg à J1 et J15 dans le traitement de la PR active, sévère, en cas d’échec aux anti-TNF.

4e partie Le lymphocyte B : de la théorie à la pratique

■ Rituximab Le rituximab est un anticorps monoclonal chimérique anti-CD20. Le CD20 est une molécule présente sur tous les lymphocytes B matures mais qui n’est exprimée ni sur le lymphocyte pré-B, ni sur le plasmocyte. La fixation du rituximab sur le CD20 entraîne la lyse du lymphocyte B par un mécanisme de cytotoxicité liée au fragment Fc des immunoglobulines (ADCC), par activation du complément (CDC) ou par apopotose directe. Ce médicament est autorisé dans le traitement des lymphomes B depuis 1997.

Chapitre 3

FIGURE 12 - Différentes stratégies thérapeutiques anti-B

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L’immunopathologie pour le praticien

■ Le rituximab dans les autres maladies systémiques auto-immunes

Le rituximab a également montré son efficacité dans d’autres maladies auto-immunes. Dans le lupus, deux études ouvertes incluant respectivement 6 et 18 malades, ont montré une efficacité et une bonne tolérance du médicament. Une étude ayant inclus 10 malades montre également une efficacité dans la glomérulonéphrite lupique. Dans le syndrome de Sjögren, 3 études ouvertes ayant inclus une quinzaine de malades chacune suggèrent que le rituximab peut être efficace sur les signes systémiques et que, dans les formes les plus récentes de la maladie, il pourrait exister une amélioration du syndrome sec. Une étude ouverte dans la dermatopolymyosite chez 7 malades est en faveur d’une efficacité. Une autre étude ouverte chez 10 patients atteints de vascularite à ANCA montre aussi une efficacité. Dans une étude rétrospective du CRI (Club Rhumatismes et Inflammation), le rituximab a été efficace chez 30/43 patients (70 %) avec diverses maladies auto-immunes systémiques (14 PR, 13 lupus, 6 syndromes de Sjögren, 5 vascularites et 5 autres maladies auto-immunes). Dans les cryoglobulinémies mixtes associées à l’hépatite C, deux études chez, respectivement 20 et 15 patients résistant au traitement par l’Interféron, ont démontré une efficacité sur les signes cliniques de cryoglobulinémie dans plus de 80 % des cas. Il existait une diminution du titre des anticorps anti-HCV dans le cryoprécipité chez les répondeurs, mais on observait également une augmentation de la virémie plasmatique chez ces mêmes répondeurs. Il faut donc être vigilant quant à une possible aggravation des lésions hépatiques directement liées au virus. Ces constatations sont passionnantes car elles sont un argument de plus pour penser que le lymphocyte B joue un rôle majeur dans de nombreuses maladies auto-immunes. Etant donnée la rareté de certaines de ces maladies, les essais contrôlés risquent d’être peu nombreux. Dans l’attente de ces essais contrôlés éventuels, la surveillance de l’efficacité et de la tolérance du rituximab dans les maladies auto-immunes réfractaires doit donc avoir lieu dans le cadre d’un registre prospectif, comme le registre AIR (AutoImmunité et Rituximab), proposé sous l’égide du CRI (www.air-cri.org). ■ Les conséquences immunologiques du traitement par rituximab

La déplétion lymphocytaire B dans le sang périphérique est prolongée (6 à 9 mois) mais nous ne disposons actuellement que de peu d’éléments pour savoir ce qui se passe dans les tissus. Cependant, les rechutes articulaires surviennent le plus souvent après la repopulation lymphocytaire B dans le sang périphérique. Mais certains malades ne rechutent pas après la réapparition des lymphocytes B dans le sang. Ceci pourrait être lié au fait que les lymphocytes B qui réapparaissent dans le sang après la déplétion, pourraient être différents de ceux qui étaient présents auparavant : des lymphocytes B moins activés, et ayant peut-être un répertoire différent non orienté vers l’auto-immunité. A partir de là, il est peut-être possible d’espérer un « rétablissement de la tolérance » grâce à ces traitements anti-lymphocytes B. Le rituximab pourrait aussi diminuer l’activation des lymphocytes T entretenue par la coopération B-T en entraînant par exemple une diminution de l’expression de CD40 ligand à la surface des lymphocytes T. Enfin, même si la tolérance du rituximab semble pour l’instant bonne, il faudra rester très vigilant sur une possible augmentation du risque infectieux surtout en cas d’utilisation répétée du médicament sur plusieurs années. ■ Anti-CD22 (epratuzumab) L’epratuzumab, un autre inhibiteur du lymphocyte B est un anticorps monoclonal anti-CD22, une molécule spécifique du lymphocyte B. Après fixation au CD22, l’anticorps pourrait moduler le seuil d’excitation du récepteur B sans entraîner une lyse de l’ensemble des lymphocytes B comme le rituximab. Deux études ouvertes encourageantes ont été réalisées dans le lupus et dans le syndrome de Sjögren. ■ Anti-BAFF Compte tenu de l’importance de BAFF (BLyS) dans l’activation lymphocytaire B des maladies auto-immunes FIGURE 5 ENCADRÉ 1 , l’inhibition de cette molécule représente un espoir thérapeutique. Dans deux modèles murins de maladies auto-immunes, les souris NZB/W et l’arthrite au collagène, il existe une diminution importante des signes cliniques avec un traitement par un inhibiteur de BAFF (BLyS) : le récepteur soluble combiné à un fragment Fc d’immunoglobuline. Les résultats de la première étude contrôlée versus placebo d’un anticorps monoclonal anti-BLyS entièrement humanisé, le LymphoStat-B* dans la PR, ont été récemment présentés. Les patients traités par LymphoStat-B* à 1 mg/kg ont une réponse ACR20 dans 35 % des cas versus 16 % avec le placebo. Cette différence est significative et cela démontre que l’inhibition de BAFF peut être efficace dans le traitement de la PR même si ces résultats sont un peu décevants par rapport aux pourcentages d’ACR20 obtenus avec le rituximab ou les anti-TNF. La PR n’est peut-être pas la maladie auto-immune la plus sensible aux effets de l’inhibition de BAFF. Une première étude randomisée versus placebo montre des résultats très intéressants dans le lupus chez les patients ayant des anticorps anti-ADN. D’autres inhibiteurs de BAFF, comme les récepteurs solubles BAFF-R-Fc ou TACI-Fc, sont en cours d’évaluation dans le lupus. BAFF pourrait augmenter le seuil de sensibilité à l’apoptose des lymphocytes B et antagoniser partiellement

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■ Anti-CD40L Même si des effets secondaires thrombotiques ont conduit à arrêter le développement des anti-CD40L, l’inhibition de l’axe CD40-CD40L reste une approche très intéressante étant donné l’implication de ces molécules de co-stimulation dans la survie B, la formation des centres germinatifs, la différenciation plasmocytaire, et la sécrétion d’auto-anticorps. Un essai clinique utilisant des anticorps monoclonaux antiCD40L avait montré une amélioration du score d’activité clinique des patients lupiques, une diminution des anticorps anti-ADN, et de la protéinurie.

4e partie

la déplétion lymphocytaire induite par le rituximab. De plus, le taux de BAFF sérique augmente après rituximab. Sous réserve d’une bonne tolérance clinique, une approche combinant un traitement anti-CD20 et un traitement anti-BAFF pourrait se révéler synergique.

Chapitre 3

■ Modulation des récepteurs Fc Les récepteurs Fc sont présents à la surface de l’ensemble des cellules effectrices. Certains de ces récepteurs ont un rôle activateur (FcRIIA, FcRIII), d’autres ont un rôle inhibiteur comme FcRIIB. L’efficacité des immunoglobulines intraveineuses dans certaines maladies à complexes immuns semble résulter de l’augmentation de l’expression de FcRIIB, récepteur inhibiteur.

Le lymphocyte B : de la théorie à la pratique

■ Le LJP 394 : une tentative pour dépléter les B pathogènes Le LJP 394 est un construit tétramérique qui se fixe aux lymphocytes B à activité anti-ADN dans le but de les tolériser. Même si une diminution du titre des anti-ADN chez les patients traités par LJP394 a pu être observée, l’efficacité clinique de ce produit est peu convaincante.

21

L’immunopathologie pour le praticien

5e partie

Synthèse

Les points forts : 1. Le lymphocyte B est une cellule au cœur de la physiopathologie des maladies auto-immunes. 2. Le rôle pathogène des lymphocytes B n’est pas seulement de sécréter des auto-anticorps mais aussi de sécréter des cytokines, présenter les auto-antigènes, participer à l’architecture lymphoïde, co-stimuler les lymphocytes T et les cellules présentatrices.

3. Le lymphocyte B est une cellule au confluent de l’immunité innée et de l’immunité adaptative. Les lymphocytes B ont la capacité de recevoir un 2e signal de stimulation par l’activation de leurs récepteurs de type Toll. La synthèse d’auto-anticorps et la formation de complexes immuns contribuent à pérenniser l’activation de l’axe interféron-BAFF-lymphocyte B.

4. Certains lymphocytes B ont un phénotype de lymphocytes B de l’immunité innée (lymphocytes de la zone marginale, et chez la souris lymphocytes B-1), qui leur permet de reconnaître de nombreux pathogènes, et d’être activables rapidement. Le répertoire de ces lymphocytes est souvent auto-réactif.

5. BAFF est une cytokine cruciale pour la survie des lymphocytes B auto-réactifs et la sécrétion des auto-anticorps. D’autres marqueurs d’activation lymphocytaire B sont faciles à doser en pratique clinique quotidienne (béta2-microglobuline sérique, taux des gammaglobulines, dosage pondéral des immunoglobulines, dosage des chaînes légères libres d’immunoglobulines).

6. La formation de structure lymphoïde de type centre germinatif dans les organes cibles des maladies autoimmunes pourrait jouer un rôle dans la maturation d’affinité des auto-anticorps et l’acquisition d’une mémoire immunologique.

7. Un des mécanismes importants de tolérance périphérique est la limitation de l’accès des lymphocytes B autoréactifs au centre germinatif. Un excès de BAFF pourrait sauver les lymphocytes B d’une mort programmée et leur permettre de rejoindre le centre germinatif. Une des théories séduisantes pour expliquer l’émergence de B auto-réactifs en périphérie est que les lymphocytes B de l’immunité innée, au répertoire auto-réactif, normalement exclus du centre germinatif, y parviennent, ce qui permet l’augmentation d’affinité des auto-anticorps sécrétés et l’apparition d’une mémoire immunologique auto-immune.

8. Les mécanismes cellulaires et moléculaires (réarrangement de segments de gènes et mutations) utilisés dans la diversification du répertoire B peuvent se compliquer de l’émergence d’un clone B tumoral (lymphomes B, myélome) ou d’un clone B auto-réactif. Le lymphocyte B vit donc en permanence sous une double menace, entre auto-immunité et lymphome !

9. Différentes stratégies anti-B peuvent être utilisées : anticorps dirigés contre des antigènes membranaires du lymphocyte B (anti-CD20, anti-CD22), anticorps dirigés contre des molécules de co-stimulation présentes sur le lymphocyte T (anti-CD40L, CTLA-4 Ig), inhibition de cytokines favorisant la survie et l’activation B (anti-IL-6, anti-BAFF), tolérogènes (LJP 394), modulation des récepteurs de l’immunité innée (oligonucléotides inhibiteurs des TLR), modulation des récepteurs Fc des Ig (immunoglobulines intraveineuses).

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rhumatoïde. Le rituximab a des résultats encourageants, dans des études ouvertes ou rétrospectives, au cours d’autres maladies systémiques auto-immunes réfractaires.

11. Il existe une population médullaire de plasmocytes à longue durée de vie, négatifs pour le CD20, qui n’est

5e partie

10. La déplétion lymphocytaire B par anticorps anti-CD20 a fait la preuve de son efficacité dans la polyarthrite

actuellement ciblée par aucune thérapeutique.

Les grandes questions : 1. Où se situe le primum movens des maladies auto-immunes ? S’agit-il d’une activation initiale de l’immunité

trale ? de la tolérance périphérique ? Quels sont les rôles des pathogènes environnementaux et des facteurs de prédisposition génétique ?

3. La persistance des auto-anticorps est-elle liée à une persistance des auto-antigènes et/ou à l’existence de plasmocytes à longue durée de vie ?

4. La production excessive de BAFF est-elle la cause ou la conséquence de l’auto-immunité ? Favorise-t-elle la survenue de lymphomes ?

5. La formation de centres germinatifs dans les organes cibles des maladies auto-immunes est-elle le simple reflet d’une organisation architecturale liée à la séquestration de l’auto-antigène dans l’organe cible des maladies auto-immunes ou est-elle à l’origine de la spécificité d’organe de certaines maladies auto-immunes ?

6. L’acquisition d’une mémoire immunologique et la possibilité d’une maturation d’affinité des anticorps peuvent-elles avoir lieu en dehors du centre germinatif ?

7. Existe-t-il un équivalent des lymphocytes B1 de la souris chez l’homme ? 8. Quelles sont les caractéristiques fonctionnelles des lymphocytes transitionnels, récemment décrits chez l’homme ?

Chapitre 3

2. Quel événement est à l’origine des lymphocytes B auto-réactifs ? S’agit-il d’une rupture de la tolérance cen-

Le lymphocyte B : de la théorie à la pratique

innée ? du lymphocyte T ? ou du lymphocyte B ?

9. Quel est le rôle des lymphocytes de la zone marginale chez l’homme ? Quelle est leur fonction dans les organes cibles des maladies auto-immunes ?

10. La différenciation terminale du lymphocyte B en plasmocytes et en cellules mémoires est-elle véritablement un phénomène irréversible ?

23

L’immunopathologie pour le praticien

6e partie

Lexique

ffinité : la force de l’interaction d’un anticorps avec un antigène dépend de l’affinité de l’anticorps pour le déterminant antigénique et se mesure par la constante d’affinité Ka = (concentration à l’équilibre du complexe antigène-anticorps) / [(concentration à l’équilibre de l’antigène libre) * (concentration à l’équilibre de l’anticorps libre)]. Les mécanismes d’hypermutation somatique favorisent la maturation d’affinité des anticorps.

A

llotype : au sein d’une même espèce, les allotypes sont des caractéristiques que l’on peut observer chez certains individus et pas chez d’autres. Les variants allotypiques sont liés à l’existence de différents allèles pour un même gène (polymorphisme génétique). Pour les immunoglobulines humaines, tous les allotypes connus sont situés sur les domaines constants des chaînes lourdes (locus Gm et Am) et légères (locus Km).

A A

nticorps ou immunoglobuline : un monomère d’immunoglobuline comporte 4 chaînes polypeptidiques : 2 chaînes lourdes et 2 chaînes légères identiques. La papaïne clive l’anticorps en : ■ 2 fragments Fab (ab pour antigen-binding), qui correspondent à la moitié N-terminale d’une chaîne lourde reliée par un pont disulfure à une chaîne légère et ne comportent qu’un seul site de fixation antigénique (également appelé paratope). ■ 1 fragment Fc correspondant à 2 moitiés C-terminales de chaînes lourdes, reliées entre elles par au moins un pont disulfure ; ce fragment est responsable des fonctions biologiques effectrices des immunoglobulines.

vidité : le nombre de sites de reconnaissance antigénique d’une immunoglobuline est appelé valence ; la valence des IgG est de 2, celles des IgM (pentamériques) est de 10. Pour les antigènes multivalents, plusieurs déterminants antigéniques existent sur la même molécule et sont capables de se lier à plusieurs sites de combinaison antigénique sur la même molécule d’anticorps. On appelle avidité d’un anticorps la somme de toutes les forces de liaisons engagées par les différents sites de reconnaissance antigénique de l’anticorps avec un antigène multivalent.

A B B

AFF : cytokine de la famille du TNF-alpha, favorisant la survie des lymphocytes B, notamment celle des lymphocytes B auto-réactifs, et la sécrétion d’auto-anticorps.

CR : le récepteur de l’antigène du lymphocyte B (B cell receptor) a une structure commune aux anticorps en ce qui concerne le domaine extra-cellulaire du BCR, formé de 2 chaînes lourdes et de 2 chaînes légères, associées par des ponts disulfures en 2 hétéro-dimères, qui sont également reliés entre eux par des ponts disulfures. Le BCR est inséré dans la membrane cellulaire grâce à un domaine transmembranaire et un court domaine intracytoplasmique. L’activation de la cellule par liaison d’un antigène au récepteur B membranaire est nécessaire à la survie, à la différenciation lymphocytaire B, et à la sécrétion d’anticorps.

C C C

D19 : marqueur membranaire du lymphocyte B, permettant notamment de quantifier les lymphocytes B dans le sang. CD19 forme un corécepteur avec CD21 et CD81 pour délivrer un signal d’activation aux lymphocytes B. D20 : le CD20 est une molécule présente sur tous les lymphocytes B matures mais qui n’est exprimée ni sur le lymphocyte pré-B, ni sur le plasmocyte. La fixation du rituximab sur le CD20 entraîne la lyse du lymphocyte B.

D22 : marqueur membranaire du lymphocyte B, son domaine intracytoplasmique participe à la régulation (négative) de la transduction du signal du BCR, ses domaines extracellulaires se fixent à des ligands sialilés. L’activation du domaine extra-cellulaire de CD22 est nécessaire à la survie des lymphocytes B, notamment ceux de la zone marginale (Haas K, et coll, J Imumunol 2006). entre germinatif : environnement lymphoïde présent dans les ganglions et certains organes cibles des maladies auto-immunes, lieu d’une prolifération majeure des lymphocytes B (zone sombre), favorisant les phénomènes de maturation d’affinité, de commutation isotypique, et l’acquisition d’une mémoire immunologique.

C

haîne légère : les chaînes légères d’immunoglobuline sont de type kappa ou lambda et sont composées d’environ 220 acides aminés (25 kDa). Chaque chaîne légère est reliée à une chaîne lourde par un pont disulfure intercaténaire qui s’établit entre l’extrémité C-terminale de la chaîne légère et une région flexible de la chaîne lourde (zone charnière). Les chaînes légères sont organisées en 2 domaines : 1 région constante et 1 région variable.

C

24

haîne lourde : les chaînes lourdes d’immunoglobuline varient selon la classe et la sous-classe d’immunoglobuline. Leur séquence est d’environ 450 acides aminés (50 kDa). Les chaînes lourdes sont reliées entre elles par un ou plusieurs pont(s) disulfure(s) et par des liaisons non covalentes. Les ponts disulfures intracaténaires créent des boucles peptidiques de 60 à 70 acides aminés, organisées, à leur partie centrale globulaire, en domaines. Chaque chaîne lourde présente ainsi, selon la classe d’immunoglobuline, 4 à 5 domaines : 3 à 4 domaines appelés « régions constantes », 1 domaine participant à la reconnaissance antigénique, appelé « région variable ». ommutation isotypique (ou commutation de classe) : mécanisme de recombinaison permettant l’association d’un même groupe de gènes V-D-J avec un autre gène codant pour la région constante des chaînes lourdes, permettant de remplacer les premiers anticorps sécrétés lors de la réponse humorale, les IgM, par d’autres classes d’anticorps (IgA, D, G) ayant une même spécificité antigénique.

C

6e partie

C

diotype : chez un même individu, particularité d’une molécule donnée, différente de ses homologies présentes chez le même individu. Pour le récepteur T et les immunoglobulines, l’idiotypie est définie par les séquences d’acides aminés des régions variables de la molécule conditionnant la structure tridimensionnelle de la molécule au niveau du site de reconnaissance de l’antigène.

sotype : caractéristique d’une molécule trouvée dans une même espèce, qui la distingue de son équivalent dans une autre espèce. Les anticorps utilisés dans les laboratoires de biologie sont souvent des isotypes de souris, rat, chèvre, résultant de l’immunisation d’une protéine humaine à l’animal correspondant.

I

ymphocyte B : les caractéristiques essentielles du lymphocyte B sont la présence d’un récepteur membranaire, le BCR, qui est une immunogobuline (Ig) de surface, qui reconnaît un antigène différent dans chaque cellule, et la capacité de sécréter cette même immunoglobuline par le plasmocyte (réponse immunitaire humorale), stade ultime de la différenciation lymphocytaire B.

L

O S

psonisation : fixation de C3b à la surface des micro-organismes favorisant leur phagocytose par les macrophages et les polynucléaires neutrophiles ayant un récepteur pour la fraction C3b du complément (CR1).

élection : mécanisme de tolérance centrale et périphérique permettant l’élimination des lymphocytes autoréactifs (sélection négative) et la survie des lymphocytes ayant un récepteur fonctionnel possédant une spécificité dirigée contre un antigène du non soi (sélection positive).

Chapitre 3

mmunité innée : première ligne de défense contre les infections, implique la reconnaissance de motifs conservés (les « PAMPs »), reconnus grâce à des récepteurs de type TOLL (TLR), dont la stimulation entraîne la sécrétion d’interféron de type I, de cytokines pro-inflammatoires, l’activation de NFB, et l’activation de l’immunité adaptative.

I

Le lymphocyte B : de la théorie à la pratique

I

25

L’immunopathologie pour le praticien 26

7e partie

Pour en savoir plus



Browning JL. B cells move to centre stage : novel opportunities for autoimmune disease treatment. Nature Rev Drug Discov 2006;5:564-576



Martin F, Chan AC. B cell immunobiology in disease : evolving concepts from the clinic. Ann Rev Immunol 2006;24:467-96



Edwards JC, Cambridge G. B-cell targeting in rheumatoid arthritis and other autoimmune diseases. Nat Rev Immunol. 2006;6:394-40



Martinez-Gamboa L, Brezinschek HP, Burmester GR, Dorner T. Immunopathologic role of B lymphocytes in rheumatoid arthritis: Rationale of B cell-directed therapy. Autoimmun Rev. 2006;5:437-42



Tangye SG, Bryant VL, Cuss AK, Good KL. BAFF, APRIL and human B cell disorders. Semin Immunol. 2006;18(5):305-17



03

1. Comment se définit l’immunité innée ?



03

2. Comment s’organise l’immunité innée ?

   

05 05 06 10

 

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19 19 20

• Des mécanismes de défense élémentaires • Le signal danger • La réponse inflammatoire aiguë • Un autre mécanisme de destruction : les cellules NK ou la reconnaissance du soi modifié • Des cellules à la frontière de l’immunité innée et de l’immunité spécifique

3. La coordination entre immunité innée et immunité adaptative

2e partie

Comment j’explore ?

1. En pratique • L’exploration de la réponse inflammatoire • L’exploration du complément • La quantification des cellules de l’immunité innée • Les explorations cellulaires spécifiques • Le dosage des cytokines

2. En recherche • Susceptibilité génétique aux mycobactéries : défaut des voies de l’IFN/IL-12

3e partie L’immunité innée en pathologie :

quelques exemples 1. Les maladies infectieuses • Polymorphisme des TLR • Autres : la voie MBL et le FcR • Polymorphismes des cytokines de l’immunité innée

2. Les maladies auto-inflammatoires • Exemple de la Fièvre Méditerranéenne Familiale (FMF) et de la marenostrine (ou pyrine) • Autre exemple d’immunité innée : le TRAPS • Excès ou défaut d’immunité innée : le rôle de Nod-2 dans la maladie de Crohn

3. Rôle pour l’immunité innée dans les maladies auto-immunes • Exemple du lupus • Exemple de polyarthrite rhumatoïde

L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

1ère partie Les données fondamentales

Chapitre 4

L’IMMUNITÉ INNÉE : DES MÉCANISMES DE DÉFENSE ANCESTRAUX AUX MALADIES INFLAMMATOIRES

SOMMAIRE

Chapitre 4

4. Le défaut d’immunité innée : les déficits congénitaux avec défaut de phagocytose  21 1

L’immunopathologie pour le praticien 2

4e partie

Les traitements agissant sur l’immunité innée



22

1. Les anti-inflammatoires



22

2. L’immunomodulation “endosomale” des antipaludéens de synthèse



22

3. Le blocage du TNF ou de l’IL-1



22

4. Les perspectives • Agir sur les TLR ou les NOD-LRR • Agir sur les autres acteurs de l’immunité innée

  

22 22 23

5e partie



24

 

24 24

Synthèse

1. Les points forts 2. Les grandes questions

6e partie

Lexique



26

7e partie

Pour en savoir plus



28

L’IMMUNITÉ INNÉE : DES MÉCANISMES DE DÉFENSE ANCESTRAUX AUX MALADIES INFLAMMATOIRES Géraldine Falgarone - ERI 18 INSERM, hôpital Avicenne, Bobigny, université Paris 13

1ère partie

Chapitre 4

1ère partie Les données fondamentales

1. Comment se définit l’immunité innée ? L’immunité innée constitue la première ligne de défense vis-à-vis des agents microbiens. Elle est caractérisée par sa mise en jeu immédiate et fait intervenir des mécanismes « non spécifiques » qui peuvent être constitutifs, la barrière épithéliale, ou très rapidement inductibles, la réaction inflammatoire. En réalité, le caractère non spécifique de la réponse immunitaire innée doit être reprécisé actuellement. La réponse innée met en jeu des récepteurs certes peu polymorphiques mais ils reconnaissent spécifiquement un nombre limité de composants étrangers qui sont partagés cependant par un grand nombre de micro-organismes : lipopolysaccharide, mannose...

Chapitre 4

L’immunité innée constitue la première ligne de défense vis-à-vis des agents pathogènes. Elle met en jeu de nombreux mécanismes, constitutifs et inductibles mais ne permet pas le développement d’une mémoire immunitaire. La reconnaissance du non-soi est réalisée par des récepteurs peu polymorphiques, les PRR, codés au niveau germinal et qui ne sont pas répartis de façon clonale. Ils reconnaissent cependant spécifiquement, un nombre limité de composants étrangers communs à un grand nombre de microorganismes, les PAMP. Ces interactions PAMP/PRR vont conduire d’une part à l’internalisation et à la destruction et d’autre part au déclenchement d’un signal danger qui aboutira à l’induction d’une réponse inflammatoire protectrice. Dans d’autres cas, c’est une reconnaissance du soi modifiée qui permettra d’assurer la défense de l’organisme (cellules NK). Cette réponse innée constitue un système de défense essentiel de part sa mise en jeu immédiate et d’autre part par sa propriété à déclencher la réponse immunitaire spécifique. Cette réponse nécessite cependant la mise en place de systèmes de régulation qui, déficients, peuvent favoriser le développement de pathologies inflammatoires aiguës ou chroniques ainsi que des phénomènes de tolérance ou de rupture de tolérance. Ce dernier concept est admis dans les maladies à auto-immunité innée (l’ischémie et les phénomènes de reperfusion, le syndrome de perte fœtale) et discuté dans certaines maladies auto-immunes.

L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

Dominique Wachsmann – EA3432, faculté de pharmacie, Strasbourg / Illkirch

Compte tenu de sa mise en jeu immédiate, cette réponse va mobiliser un grand nombre de cellules, des cellules qui appartiennent classiquement au système immunitaire, macrophages, cellules dendritiques, mastocytes, polynucléaires, cellules NK, mais aussi des cellules résidentes, cellules épithéliales, fibroblastes, cellules endothéliales dont le rôle a été jusqu’à présent sous-estimé. De nombreuses molécules participent également à la défense innée, récepteurs membranaires impliqués dans la détection et l’élimination (récepteurs Toll-like, récepteurs du C, intégrines) ou molécules solubles (cytokines, protéines de la cascade du complément, protéines de la phase aiguë de l’inflammation) plus particulièrement impliquées dans la réponse inflammatoire. FIGURE 1

3

L’immunopathologie pour le praticien

FIGURE 1 - Les différents acteurs cellulaires et moléculaires de l’immunité innée

L’immunité innée constitue la première ligne de défense vis-à-vis des agents pathogènes. Elle met en jeu des mécanismes constitutifs : la barrière cutanéomuqueuse, la phagocytose, et inductibles : la réponse inflammatoire qui est déclenchée par des interactions entre composants infectieux et récepteurs cellulaires (TLR) ou solubles (complément). Les cytokines proinflammatoires libérées et l’activation du complément vont permettre le recrutement de cellules immunitaires (monocytes, lymphocytes, polynucléaires neutrophiles) au site inflammatoire et la production de molécules qui vont assurer une phagocytose plus efficace (opsonines). D’autres cellules à la frontière de l’immunité spécifique participent également à la réponse innée : les cellules NK, NKT et les LT /.

4

Le premier opposant à l’infection est la barrière cutanéomuqueuse. Elle est en contact permanent avec le monde des agents infectieux. Elle présente différents systèmes qui préviennent la colonisation qui est la première étape de la plupart des infections, systèmes qui sont de nature mécanique, chimique ou biologique. Leur déficit entraîne des manifestations pathologiques locales et/ou systémiques. • La peau est constituée d’un épithélium kératinisé à plusieurs couches, c’est une formidable barrière naturelle si bien que la colonisation ou l’entrée de la plupart des agents pathogènes s’effectue essentiellement au niveau des epithelia qui tapissent les muqueuses respiratoires, digestives ou urogénitales. • Un rôle mécanique important est joué par le mucus, c’est un piège très efficace pour les agents pathogènes dont il inhibe l’adhésion, ce qui favorise leur élimination par les mouvements ciliés ou le péristaltisme intestinal. • De très nombreuses molécules constitutives ou induites participent à la défense anti-infectieuse : les acides gras de la peau, le lysozyme et la phospholipase A2 des larmes et de la salive, le pH acide de l’estomac, les enzymes digestives et sels biliaires du tractus gastro-intestinal. Les peptides anti-microbiens jouent également un rôle crucial dans cette défense passive : les  défensines HD-5 et HD-6 sont produites par les cellules de Paneth présentes dans les cryptes de l’intestin grêle (HPN1-4 sont exprimées de façon constitutive dans les polynuclaires neutrophiles). Les  défensines (HBD 1-4) sont exprimées dans l’épiderme et les epithelia, leur synthèse est induite par des cytokines, des agents infectieux. Elles exercent à la fois une activité anti-infectieuse microbicide (dépolarisation et perméabilisation membranaire) mais surtout, elles amplifient la réponse inflammatoire et stimulent la réponse immunitaire adaptative. Il est également important de mentionner le rôle protecteur joué par la flore commensale. Cette flore n’est pas inerte car elle entre en compétition pour les sites de fixation et pour les nutriments. Elle peut également libérer des substances anti-bactériennes (colicines : Escherichia coli). ■ La phagocytose

Les agents infectieux qui ont échappé aux mécanismes mis en jeu au niveau cutanéomuqueux et qui ont pénétré dans le milieu interne passivement (blessure) ou activement vont être très rapidement reconnus par les cellules phagocytaires, macrophages et cellules dendritiques qui vont phagocyter, détruire les micro-organismes mais aussi déclencher la réaction inflammatoire et la réponse immunitaire spécifique adaptative. Les cellules dendritiques ont aussi la propriété d’ouvrir les jonctions serrées entre les cellules épithéliales, d’envoyer des dendrites vers la lumière et de capturer des bactéries à ce niveau. Le maintien de l’intégrité de la barrière épithéliale pendant le passage des cellules dendritiques est assuré par la présence sur les cellules dendritiques, des molécules qui assurent normalement la jonction entre les cellules épithéliales : occludine, claudine1, Junctional Adhesion Molecule (JAM). ENCADRÉ 1 La reconnaissance et l’internalisation des agents infectieux ou de leurs constituants, les PAMP (Pathogen Associated Molecular Patterns) font intervenir des récepteurs ou PRR (Pattern Recognition Receptors) exprimés constitutivement par les phagocytes : récepteur du mannose, de -glycanes, récepteurs reconnus par des lectines bactériennes, récepteurs scavengers, ou récepteurs éboueurs, et les intégrines à chaîne 1 et 3. La phagocytose est un processus dynamique au cours duquel les pathogènes sont internalisés dans un phagosome qui s’acidifie. Les cellules dendritiques et les macrophages contiennent des granules ou lysosomes qui fusionnent avec les phagosomes. La libération du contenu des lysosomes, enzymes, lysozymes, peptides anti-microbiens va permettre la destruction intracellulaire. Parallèlement il y a production de dérivés toxiques de l’azote (NO) et de l’oxygène (anion superoxyde, H2O2...) qui vont participer à cette destruction. L’internalisation est réalisée par de nombreuses cellules mais seules les cellules dendritiques et les macrophages (et les polynucléaires neutrophiles qui seront ensuite recrutés) sont capables de tuer les agents infectieux. Cette barrière peut cependant être dépassée par des pathogènes ayant développé des mécanismes d’échappement : ainsi de nombreuses bactéries à développement intracellulaire envahissent les macrophages. Ces cellules pourraient être considérées comme de mauvais hôtes du fait de la présence de systèmes de destruction très efficaces ; cependant certaines y échappent. Ainsi Listeria monocytogenes produit une toxine, la listériolysine O et des phospholipases qui lui permettent de s’échapper du phagolysosome. Dans le cytoplasme, ces bactéries interagissent avec le cytosquelette d’actine et se propulsent dans les cellules avoisinantes qu’elles infectent, échappant ainsi aux mécanismes de destruction intra et extracellulaire.

1ère partie

■ La barrière cutanéomuqueuse

L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

■ Des mécanismes de défense élémentaires

Chapitre 4

2. Comment s’organise l’immunité innée ?

5

L’immunopathologie pour le praticien

ENCADRÉ 1

Les cellules phagocytaires de première ligne ■ Les macrophages : ils sont issus de la cellule souche hématopoïétique, monocytes dans le sang. Ils deviennent des macrophages dans les tissus et les cavités corporelles. ■ Les cellules dendritiques* : on distingue des cellules dendritiques d’origine myéloïde (mDC) ou d’origine lymphoïde (ou plasmacytoïde ou pDC). FIGURE 2 ■

Les cellules dendritiques des tissus non lymphoïdes (cellules de Langerhans, cellules dendritiques interstitielles) sont dans un état immature : • elles expriment des molécules de classe I du CMH, peu ou pas de molécules de classe II du CMH, des molécules de co-stimulation (les molécules de classe II du CMH ainsi que les CD40, CD80 et CD86 s’accumulent dans des compartiments d’endocytose) ; • elles présentent une forte activité d’endocytose, de macropinocytose et de phagocytose grâce à différentes protéines de surface, des lectines pour la plupart (ICAM-1, LFA-3, LFA-1, DC-SIGN, DEC-205, CR4) ; • elles ont essentiellement un rôle de sentinelle en capturant les antigènes dans les tissus périphériques, puis migrent vers les organes lymphoïdes. Ou ayant maturé, elles ont des capacités antigéniques très fortes et particulièrement efficaces. Elles sont à ce titre un lien puissant entre l’immunité innée et l’immunité adaptative ; • elles participent également au maintien de la tolérance périphérique, principalement lorsqu’elles conservent leur état immature.



Les cellules dendritiques des tissus lymphoïdes, thymus, zone T des organes lymphoïdes secondaires sont le plus souvent matures.

FIGURE 2 - Les cellules dendritiques

Ces deux types cellulaires diffèrent par leurs marqueurs de surface, les cytokines sécrétées, et par leurs fonctions. Les cellules dendritiques *plasmacytoïdes (pDC) expriment uniquement les récepteurs de l’immunité innée TLR7 et TLR9, permettant la reconnaissance d’acides nucléiques d’agents infectieux ou d’origine endogène. L’activation de ces TLR conduit à la sécrétion très rapide et très importante d’interférons de type I, caractéristique principale de ces pDC, et à l’activation de l’immunité adaptative. Après activation et maturation, les pDC peuvent également agir comme des cellules présentatrices d’antigène. Les cellules dendritiques myéloïdes (mDC) sont avant tout d’excellentes cellules présentatrices d’antigène. Elles disposent d’un profil d’expression différent et plus vaste de récepteurs de l’immunité innée (TLR2, 3, 4, 5, 6, 8), et sécrètent de nombreuses cytokines, dont les interférons de type I.

■ Le signal danger ■ Le signal danger : des récepteurs cellulaires

Un second effet résultant de l’interaction entre les agents infectieux ou des PAMP et les cellules, est le déclenchement du signal danger. De nombreux récepteurs participent à cette alerte mais les plus remarquables font partie de la famille des récepteurs TOLL décrits pour la première fois chez la drosophile. 6

1ère partie

Chapitre 4

FIGURE 3 - Les récepteurs impliqués dans le signal danger

L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

Les TLR sont des récepteurs transmembranaires localisés au niveau de la membrane plasmique (TLR1, 2, 4, 5, 6) ou dans les endosomes (TLR 3, 7, 8, 9) et qui reconnaissent par les domaines LRR (Leucin-Rich Repeats) des structures appartenant aux bactéries à Gram positif et négatif, aux mycobactéries, aux virus à ADN et à ARN, aux champignons et aux protozoaires. Les structures reconnues par TLR1, 2, 4, 5 et 6 sont spécifiques des agents microbiens alors que les acides nucléiques détectés par TLR3, 7, 8, et 9 ne sont pas propres au monde microbien et font également partie du soi. La discrimination entre soi et non soi est liée au fait que ces TLR sont localisés dans des compartiments non accessibles au soi. L’activation des TLR conduit à la synthèse de cytokines pro-inflammatoires par l’intermédiaire des protéines adaptatrices MyD88 (interaction entre les domaines TIR) et Mal et à la synthèse d’interférons de type 1 qui participent à la défense anti-virale, par la voie dépendante de TRIF et TRAM. Deux autres familles de molécules intracellulaires participent au développement du signal danger : les Récepteurs NOD-Like (NLR) qui reconnaissent des composants bactériens (flagelline, constituants dérivés du peptidoglycane) et sont plus particulièrement impliqués dans l’activation de la caspase 1 qui permet la maturation de l’IL-1 et de l’IL-18 et les Récepteurs RIG-Like (RLR), impliqués dans la reconnaissance de composants viraux (ARN double brin) dans les cellules autres que les cellules dendritiques et dont l’activation conduit à la synthèse de protéines anti-virales (IFN type I). Plus récemment, d’autres récepteurs susceptibles de stimuler la réponse immunitaire innée ont été identifiés : les TREM (Triggering Receptors Expressed on Myeloid cells) et les lectines de type C exprimées par les cellules myéloïdes : dectine-1. FIGURE 3 De nombreuses cellules sont susceptibles de déclencher ce signal danger : les macrophages, les cellules dendritiques mais aussi les cellules résidentes et également les mastocytes. Les mastocytes sont des cellules qui ont été plus particulièrement étudiées pour leur rôle dans l’allergie. En réalité, les mastocytes sont des acteurs incontournables de la défense anti-infectieuse. ENCADRÉ 2

La détection des composants infectieux (bactériens, viraux, parasitaires, fungiques) est assurée par les TLR (1 , 2, 4, 5, 6) au niveau extracellulaire et endosomal (TLR3, 7, 8, 9) et par les RLR et NLR (NOD1, 2) au niveau cytoplasmique. Ces interactions conduisent à la synthèse de cytokines pro-inflammatoires et d’interférons (protéines anti-virales) par activation des MAPkinases, de la voie de NF-B et des facteurs IRF (synthèse d’interférons).

7

L’immunopathologie pour le praticien ENCADRÉ 2

8

Le complément peut être activé par différentes voies :

• La voie classique qui est déclenchée par la fixation directe du C1q (première protéine de la cascade) sur l’agent pathogène, bactéries Gram –, LPS ou sur l’anticorps (fragment Fc des IgG1, 2, 3, IgM) complexé à l’antigène (agent pathogène). Le C1q est une lectine dépendante du Ca++, de la famille des collectines. Il est constitué de 6 sous-unités comportant chacune une tête globulaire et une queue collagen-like, qui s’associent à deux molécules de C1r et de C1s. Cette association active le C1r qui clive le C1s générant une sérine protéase active. Le C1s va ensuite cliver le C4 avec production de C4b (molécule très instable) qui se lie de façon covalente et très rapidement à des molécules très proches situées à la surface de l’agent infectieux. Le C4b fixe ensuite en présence de Mg++ le C2, l’exposant à l’activité enzymatique du C1s. Il y a production de C2b qui est une sérine protéase qui reste fixée au C4b à la surface de l’agent infectieux. Le complexe C4b2b constitue la C3 convertase classique qui clivera ensuite le C3 en C3b et C3a.

• La voie alterne peut être activée par des surfaces microbiennes (Gram – et Gram +) en l’absence d’anticorps et conduit à la production d’une C3 convertase alterne distincte : C3bBb. Il y a physiologiquement production constante de C3b qui va se fixer sur des surfaces cellulaires et réagir avec B qui sera alors clivé par D (sérine estérase). Il y a alors formation de la C3 convertase alterne C3bBb fixée en surface. La C3 convertase alterne va être stabilisée par la properdine. Il y a également libération d’un fragment Ba de fonction inconnue. La C3 convertase alterne hydrolyse le C3 circulant avec formation à nouveau de C3b qui peut réactiver la voie alterne : boucle d’amplification…

1ère partie

FIGURE 4 - Le complément

L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

Le signal danger peut également conduire à l’activation d’un ensemble de protéines qui constituent le système du complément. FIGURE 4

Chapitre 4

■ Le signal danger : des récepteurs solubles, les protéines du complément

• La voie de la Mannan Binding Protein (MBP) est déclenchée par la fixation de la MBP au mannose ou mannane présents sur l’agent pathogène. La MBP est une collectine constituée de 6 sous-unités qui forment un complexe avec 2 enzymes : MASP-1 et 2, homologues du C1r et C1s, qui vont cliver le C4 et le C2. Ces 3 cascades vont aboutir à la formation de la C3 convertase et à partir de là et de façon identique vont permettre : • la destruction des agents pathogènes : le clivage du C5 par la C5 convertase classique (C4b2b3b) ou alterne (C3bBb3b) permet la production de C5b et C5a. Le C5b forme avec le C6 et le C7 un complexe qui s’insère dans la membrane. Ce complexe fixe ensuite le C8, qui induit la polymérisation de 10 à 16 molécules de C9. Le pore formé entraîne la lyse. En réalité, cet effet serait limité dans son efficacité ; • le recrutement de cellules inflammatoires par l’intermédiaire de petits fragments peptidiques, libérés au cours de l’activation : le C3a, C5a, et C4a qui sont des anaphylatoxines (injectés, ils induisent un choc anaphylactique). Ils augmentent la contraction des muscles lisses, la perméabilité vasculaire, activent les mastocytes et permettent l’attraction et l’activation des cellules phagocytaires et autres : réaction inflammatoire ; 9

L’immunopathologie pour le praticien

• l’opsonisation des agents pathogènes : le rôle majeur du C est de favoriser la phagocytose par l’intermédiaire des récepteurs du C (CR1, CR3, CR4) qui vont reconnaître le C3b, le C3bi, le C4b (rôle plus mineur). L’activation du complément est fortement régulée par des protéines : C1INH CR1, C4Bp, DAF, facteur H, MCP, CD59 qui vont également éviter l’activation du C par les cellules de l’hôte. FIGURE 5 FIGURE 5 - La phagocytose directe ou indirecte : rôle des opsonines

La phagocytose des agents infectieux peut être réalisée après contact direct entre l’agent infectieux et des récepteurs cellulaires : récepteur du mannose, récepteurs scavengers, ou indirectement par l’intermédiaire d’opsonines produites après activation du complément (C3b, C3bi, C4b) ou de la réponse inflammatoire : CRP, MBP qui vont interagir avec leurs récepteurs : CR1,3,4, RFc I/II, RC1q.

■ La réponse inflammatoire aiguë Elle est déclenchée par la libération de nombreux médiateurs issus de l’activation cellulaire et de l’activation du complément : cytokines, NO, radicaux oxygénés, prostanoïdes, anaphylatoxines (C3a, C5a), leucotriènes, et va avoir trois conséquences : • attraction des cellules compétentes au niveau du site inflammatoire (cellules phagocytaires : polynucléaires neutrophiles et autres), • augmentation de la destruction : opsonines, • prise en charge de l’antigène et présentation aux LT (cellules dendritiques). Les cytokines sont des protéines de faible poids moléculaire, qui agissent de façon autocrine, paracrine et endocrine par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques. Les cytokines qui sont produites au cours de la réponse inflammatoire aiguë appartiennent à différentes familles : familles du TNF (TNF), des hématopoïétines (IL-6, IL-12), de l’IL-1 (IL-1, IL-18), des interférons (IFN type I, IL-10), des chémokines. On dénombre actuellement une quarantaine de chémokines (CXC : IL-8, CC : MIP-1, 1, RANTES…) qui agissent par l’intermédiaire de récepteurs couplés à des protéines G (CXCR1-6, CCR1-9) présents sur de très nombreux types cellulaires. La libération de ces médiateurs va avoir plusieurs conséquences : • vasodilatation et augmentation de la perméabilité vasculaire, • induction et augmentation sur l’endothélium de l’expression de molécules d’adhésion, sélectine E, P, VCAM-1, ICAM-1 et 2 avec pour conséquence le passage accéléré des cellules du sang dans les tissus : monocytes, polynucléaires neutrophiles, lymphocytes et la migration vers le site inflammatoire. Le passage dans les tissus des polynucléaires neutrophiles et leur activation est un événement précoce et essentiel. • coagulation dans les petits vaisseaux qui limite la propagation sanguine des micro-organismes, • déclenchement de l’"acute phase response". ENCADRÉ 3

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■ Induction d’une leucocytose par action sur la moelle osseuse et mobilisation des compartiments de réserve IL-1, TNF-, IL-6, LIF... ■ Production par le foie des protéines de la phase aiguë de l’inflammation (environ une centaine) dont la Protéine C Réactive ou CRP de la famille des pentraxines, qui reconnaît sur les surfaces bactériennes, la phosphorylcholine, la Mannan Binding Protein ou MBP de la famille des collectines et les protéines surfactantes A et D. MBP (R C1q) et CRP (RFcI/II), SP-A et SP-D (macrophages alvéolaires) sont des opsonines dont l’activité peut être comparée à celle des anticorps : ante antibody. Elles peuvent aussi activer directement le complément.

■ Un autre mécanisme de destruction : les cellules NK ou la reconnaissance du soi modifié La destruction de l’agent infectieux par la phagocytose ou le complément peut être également réalisée par les cellules Natural Killers qui constituent un mécanisme important de défense au cours de la réponse innée. Ce sont des lymphocytes granuleux, de grande taille, qui peuvent lyser spontanément des cellules cibles infectées (virus) ou tumorales tout en respectant les cellules saines et ceci en l’absence de récepteur spécifique de l’antigène. Comment les cellules NK font-elles la différence ? Les cellules NK expriment des récepteurs activateurs de la lyse dont l’activité est dans les conditions normales, réprimée par des récepteurs inhibiteurs qui reconnaissent des molécules de classe I du CMH. Toute modification de l’expression de ces molécules (cellule infectée, cellule transformée) bloque le signal inhibiteur et induit ainsi un signal de lyse. En réalité, la régulation de l’activité des cellules NK est complexe car les récepteurs inhibiteurs et activateurs appartiennent à deux familles : lectines de type C et KIR (Killer cells Immunoglobulin-like Receptors) qui comprennent à la fois des récepteurs activateurs et inhibiteurs. L’activité des cellules NK va donc dépendre d’un effet « balance » entre ces différents récepteurs. ■ Des cellules à la frontière de l’immunité innée et de l’immunité spécifique . Cette catégorie de lymphocytes T   à localisation intra-épithéliale exprime des TCR de diversité très faible en particulier dans la peau, ne recircule pas et reconnaît des ligands d’origine épithéliale exprimés lorsque ces cellules sont infectées : protéines de stress. ■ Les cellules NKT sont des cellules « T » présentes dans le sang et les organes lymphoïdes qui expriment également des récepteurs de la lignée NK. Leur TCR‚ semi-invariant reconnaît des glycosphingolipides endogènes (iGb3) ou exogènes (constituants de paroi de bactéries à gram négatif n’exprimant pas de LPS : Sphingomonas, Ehrlichia), présentés par le CD1d. Les cellules NKT ont une activité antimicrobienne liée à production massive de cytokines de type Th1 et Th2 et de chimiokines. ■ Les Innate-Like Lymphocytes (ILL) : les lymphocytes T

1ère partie

■ Induction de fièvre (IL-1, TNF-, IL-6)

L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

“L’acute phase response” ou la réponse inflammatoire aiguë

Chapitre 4

ENCADRÉ 3

3. La coordination entre immunité innée et immunité adaptative Les cellules dendritiques immatures sont attirées par des chémokines produites par les macrophages et les cellules résidentes : MIP-1, 1, IP-10 qui interagissent avec leurs récepteurs CCR1, CCR5, CCR6. Elles sont stimulées par les interactions PAMP/PRR au niveau extra-cellulaire (TLR2, 4, 5, intégrines, récepteurs du C, du mannose) ou intra-celullaire (TLR3, 7, 8, 9, NLR) et vont migrer par voie lymphatique vers les ganglions régionaux où elles vont présenter des peptides antigèniques aux LTCD4 et LTCD8 et les activer. En effet, au cours de cette migration, 11

L’immunopathologie pour le praticien 12

les cellules dendritiques subissent un processus de maturation qui va leur permettre d’exprimer de fortes quantités de molécules de classe II du CMH, de molécules de co-stimulation, CD80, CD86, CD40 et des molécules d’adhésion (ICAM 1, 2, LFA-1, CD58). Elles sécrètent également des chémokines qui vont leur permettre d’attirer les LT (CCL18). Elles perdent toutefois leur activité d’endocytose et de phagocytose par répression de l’expression de CdC42. La capacité d’une protéine à déclencher une réponse immunitaire spécifique est donc essentiellement liée à sa capacité à initier le programme de maturation des cellules dendritiques. Les cellules dendritiques constituent donc un chaînon indispensable dans le développement d’une réponse immunitaire spécifique. FIGURE 6 FIGURE 6 - La réponse immunitaire innée : conséquences

Les interactions PAMP/PRR vont conduire d'une part à la phagocytose et à la destruction de l'agent infectieux ainsi qu'au déclenchement de la réponse inflammatoire qui permet d'amplifier le processus de destruction. Ces interactions PAMP/PRR vont permettre également la maturation des cellules dendritiques qui ayant pris en charge l'antigène vont migrer vers les organes lymphoïdes secondaires où elles pourront présenter l'antigène aux LT et les activer, déclenchant ainsi la réponse immunitaire adaptative spécifique.

Comment j’explore ?

L’exploration de l’immunité innée repose principalement sur l’étude du complément et des cytokines de l’immunité naturelle, dont les interférons, mais aussi les protéines de la phase aiguë de l’inflammation. L’étude de la phagocytose et de la dégranulation des mastocytes complète le champ d’application.

2e partie

2e partie

1. En pratique

■ L’EPP : électrophorèse des protides sériques

L’étude des protéines de l’inflammation se fait dans le sérum. L’électrophorèse sérique permet d’étudier le profil des protéines sériques. Les protéines sont séparées en 5 fractions en fonction de leur poids moléculaire, du plus faible au plus élevé : • l’albumine (33 à 50 g/L), • les alpha 1 globulines (1,5 à 4 g/L) comprenant l’alpha 1 anti-trypsine, l’orosomucoïde, l’alpha 1 antichymotrypsine, • les alpha 2 globulines (6 à 10 g/L) comprenant l’alpha 2 macroglobuline, haptoglobine, la céruléoplasmine, • les bétaglobulines (6 à 13 g/L) comprenant la transferrine, les lipoprotéines et le C3 du complément, • et les gamma globulines (7,5 à 16 g/L) comprenant les immunoglobulines. L’avantage essentiel de l’EPP est d’apprécier le contingent d’immunoglobulines ; chaque type pourra être dosé en cas d’anomalie. Il faut noter que les fractions alpha 1 et 2 augmentent lors de l’inflammation mais qu’elles peuvent rester normales même en cas d’inflammation persistante et élevée. Il faut également noter que l’albumine ainsi que la transferrine et la pré-albumine sont des protéines à variations négatives au cours d’un syndrome inflammatoire : une hypoalbuminémie < 30 g/L n’est pas forcément le témoin d’un syndrome néphrotique ou d’une entérocolopathie.

L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

■ L’exploration de la réponse inflammatoire

Les protéines de l’inflammation sont synthétisées par les hépatocytes et régulées par l’IL-1, IL-6, le TNF mais aussi directement par le LPS. La CRP (C-Reactive Protein) appartient à la famille des pentraxines, protéines ancestrales de l’inflammation. Initialement décrite dans la pneumonie à pneumocoque, la CRP tient son nom du fait qu’elle réagit avec le C-polysaccharide de la paroi du pneumocoque. Les pentraxines ont des interactions avec les constituants nucléaires et se lient aux cellules stressées ou abîmées. Elles ont également un rôle d’opsonine et activent le complément. La CRP s’élève très rapidement surtout au cours des infections bactériennes. Sa spécificité, initialement décrite, au cours des infections bactériennes est largement dépassée par celle de la procalcitonine (cf infra). Son dosage se fait par néphélémétrie (N < 5 mg/L). Il s’agit d’une protéine à variation élevée (jusqu’à 1000 fois la norme), ayant une demi-vie courte (un jour) et dont le délai de réponse est court (6 à 12h). Le fibrinogène est une protéine à variation modérée (de 200 à 400 fois la norme), ayant un délai de réponse plus long (12-14h) et une demi-vie allongée (2 à 6 jours). La procalcitonine a également une variation élevée et rapide et est une aide au diagnostic dans les infections bactériennes sévères et notamment septicémiques. Elle s’élève également dans le syndrome d’activation macrophagique ou dans la maladie de Still.

Chapitre 4

■ Le dosage de la CRP, du fibrinogène et autres protéines

■ L’exploration du complément L'étude du complément se fait en routine dans le sérum et repose sur deux types de tests : • les dosages immunochimiques qui permettent de quantifier les différents composants du complément, • les tests fonctionnels, reposant sur l'étude de la réaction d'hémolyse, qui permettent de mesurer l'activité hémolytique globale ou d'un seul composant du complément.

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L’immunopathologie pour le praticien

■ Les dosages des composants du complément

La néphélémétrie permet de doser de manière reproductible les composants fortement représentés dans le sérum (C3, C4, B, C1-inhibiteur). Les concentrations sériques moyennes de ces composants sont : - C3 = 50 - 105 mg/dL - C4 = 15 - 45 mg/dL - facteur B = 15 - 35 mg/dL - C1-inhibiteur = 15 - 35 mg/dL En routine on demandera le C3 et le C4, en rappelant qu’ils sont fréquemment élevés lors de la réponse inflammatoire. ■ L’activité fonctionnelle

Ces dosages hémolytiques mesurent l'activité fonctionnelle du système du complément. Les dosages du CH50 et de la VAH50 apprécient l'activité fonctionnelle globale de la voie classique (CH50) et de la voie alterne (VAH50 ou AP50, pour alternative pathway) en mesurant la lyse de globules rouges hétérologues en présence du sérum à tester, dans des conditions expérimentales définies où soit seule la voie classique, soit seule la voie alterne est susceptible d'être activée. Pour étudier la voie classique, les globules rouges sont sensibilisés par des anticorps et incubés à 37°C en présence du sérum à tester. Pour étudier la voie alterne, on utilise un tampon EGTA (ethylene glycol bis 2-aminoethylether tetraacetic acid) pour neutraliser le calcium (indispensable à la voie classique) avec du magnésium (indispensable aux deux voies) et on utilise des globules rouges de lapin qui activent directement la voie classique. ■ L’intérêt diagnostique

On peut ainsi définir des profils caractéristiques des protéines de complément : • Le CH50, le C3, et le C4 sont abaissés, mais l'AP50 et le facteur B sont normaux. Il s’agit d’une activation par la voie classique comme celle que l’on observe dans les maladies à complexes immuns. • Le C3, le facteur B, et l’AP50 sont abaissés, mais le C4 et CH50 normaux ; il s’agit d'une activation de la voie alterne. Cette activation est observée dans les glomérulonéphrites membrano-prolifératives de type II, les lipodystrophies partielles, les chocs septiques. Tous les dosages sont abaissés. Il s’agit d’une activation des deux voies fréquentes dans le lupus. • Le dernier profil est celui de l’activation de la voie classique en phase fluide au cours d'un déficit en C1 Inh : C4 abaissé, CH50 indosable, C3 et AP50 normaux. ■ La quantification des cellules de l’immunité innée Le contingent cellulaire de l’immunité innée contient tous les phagocytes et les Killers FIGURE 7 . On retrouve ces cellules parmi les polynucléaires, les mastocytes et les lymphocytes (cellules dendritiques, moins de 1 lymphocyte sur 100, et les Natural Killers). Un phénotypage lymphocytaire peut permettre de préciser la formule sanguine sur les sous-populations lymphocytaires comme les NK (CD56 et CD16 positifs, CD3 négatifs) ainsi qu’une analyse de moelle s’il existe une lignée déficiente. FIGURE 7 - Les cellules de l’immunité innée : intersection avec l’immunité adaptative Certaines cellules de l’immunité innée (cercle rose) ont des fonctions dans l’immunité adaptative (cercle vert) : les LT ou les NKT ont un rôle majeur dans l’immunité innée. Les macrophages, mastocytes et cellules dendritiques (ensemble jaune) sont phagocytaires et présentatrices ; elles sont à l’interface entre immunité innée et adaptative.

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■ Les mastocytes

Le dosage de l'histamine plasmatique a été supplanté par celui de la tryptase sérique (dosage radioimmunologique), dont la demi-vie est de 2 heures, alors que celle de l'histamine (dégranulation mastocytaire et basophile) est de 2 minutes. Les taux de tryptase sont élevés dans le sang pendant 3 h après une réaction mastocytaire et se normalisent en 12 à 24 heures. La libération de tryptase est spécifique de la dégranulation mastocytaire tissulaire, donc spécifique de la mastocytose et du choc anaphylactoïde.

2e partie

■ Les explorations cellulaires spécifiques

■ Le dosage des cytokines L’utilisation de techniques de dosage sensibles et précises dans de bonnes conditions de prélèvement est un prérequis indispensable à la bonne utilisation des cytokines en pratique clinique. Ces dosages sont réservés à des équipes spécialisées qui les réalisent dans certaines procédures expérimentales par exemple dans les déficits immunitaires (IFN et IL-12).

2. En recherche Dans chaque domaine de l’immunité innée, des techniques de recherche permettent d’affiner l’exploration de telle ou telle anomalie (exemple : étude du génotype des fractions C2 et C4 du complément). De nombreux exemples pourraient être cités, démontrant l’intérêt de ces recherches et nous en proposons un qui est particulièrement original. ■ Susceptibilité génétique aux mycobactéries : défaut des voies de l’IFN/IL-12 Une infection sévère peut survenir après une vaccination par le BCG ou lors d’infections par mycobactéries atypiques. Ces infections sévères ou locales mais récidivantes sont intégrées dans le syndrome de susceptibilité génétique ou mendélienne aux mycobactéries. Il concerne 1 à 10 enfants par million de naissance mais la réelle prévalence est difficile à estimer car il s’agit d’un spectre homogène allant de la BCGite létale aux infections par mycobactéries atypiques non environnementales récidivantes. Ce syndrome est associé à une numération sanguine normale (lymphocytes T et CD4 notamment) et dû à des mutations sur 4 gènes individualisés des récepteurs de l’interféron gamma ou de l’IL-12 : - IFNGR1 - IFNGR2 - IL12B - IL12RB1 Il existe alors un dysfonctionnement de l’immunité médiée par l’interféron gamma lié à des défauts partiels ou complets, récessifs ou dominants d’un de ces gènes. Les patients nécessitent une antibiothérapie appropriée mais dans certains cas une splénectomie ou une résection de sites infectieux réfractaires, tels que les ganglions lymphatiques, peut être nécessaire. La vaccination par le BCG est alors contre-indiquée et il est préférable d’éviter d’autres vaccins vivants. Il est capital de mettre en évidence les mutations des récepteurs à l’IFN car les patients porteurs de ces mutations sont réfractaires aux antibiotiques. La véritable thérapeutique à discuter est alors la greffe de moelle. La recherche explore les possibilités thérapeutiques reposant sur la thérapie génique. Un conseil génétique sera proposé selon le type de maladie diagnostiquée. En effet, il existe des formes récessives et dominantes, complètes ou partielles, autosomiques et liées à l’X. Un diagnostic prénatal précoce peut alors être proposé. La moitié des infections sévères au BCG ou aux mycobactéries atypiques demeure incomprise au plan génétique.

Chapitre 4

Les défauts de fonction des polynucléaires induisent une granulomatose septique chronique explorée dans les équipes spécialisées par des tests spécifiques : • capacité de chimiotactisme des polynucléaires, • explosion oxydative au NBT (Nitro Bleu de Tétrazolium) ou DHR (Di-Hydro-Rhodamine), • l’expression des intégrines à la surface des cellules phagocytaires CD18 (et aussi CD11a, CD11b et CD11c).

L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

■ Les cellules phagocytaires

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L’immunopathologie pour le praticien

3e partie

L’immunité innée en pathologie : quelques exemples

1. Les maladies infectieuses ■ Polymorphisme des TLR L’ensemble des récepteurs TLR clonés a des polymorphismes fonctionnels, mais trois de ces récepteurs variants ont été associés à des sepsis sévères. Il s'agit du TLR4 qui reconnaît le LPS et les bactéries à Gram négatif, du TLR2 qui permet la détection des bactéries Gram positif, des mycobactéries et des levures, et du TLR5 qui reconnaît la flagelline, protéine du flagelle bactérien. Un polymorphisme du TLR4 serait responsable d'un phénotype de non-réponse au LPS in vivo, avec semble-il, un risque accru de développer un choc septique à Gram négatif ou des infections postopératoires à BGN après chirurgie viscérale. Dans le même registre, le polymorphisme du gène du CD14, molécule se liant au TLR4 pour la liaison au LPS, entraîne des variations de concentration plasmatique qui induiraient une surmortalité lors de choc septique et une surmortalité chez les patients porteurs de ce variant (risque relatif de décès 5 fois supérieur). Différents polymorphismes du TLR2 sont décrits : l’un a été associé à la survenue de choc septique à staphylocoque et autres bactéries à Gram positif, l’autre à la survenue de formes graves de lèpre en Inde. Un polymorphisme de TLR5 a été associé à un risque important de développer une légionellose chez les non-fumeurs. Les polymorphismes des TLR 6 et 1 entraînent un risque d’aspergillose invasive et seraient protecteurs pour l’asthme. Le TLR9 a été impliqué dans l’asthme et la maladie de Crohn. ■ Autres récepteurs : la voie MBL et le FcR Les variants de MBL prédisposent à des infections respiratoires chez l’enfant. Ils sont un facteur de risque et de sévérité (en termes de mortalité et de durée de séjour en réanimation) pour les méningococcies graves. Par ailleurs, les patients homozygotes pour un des polymorphismes de la MBL ont un risque supérieur de développer une infection grave à pneumocoques, équivalent à celui des patients splénectomisés. Les polymorphismes de la MBL sont associés à un pronostic fonctionnel pulmonaire sévère et une espérance de vie réduite chez des patients atteints de mucoviscidose. Un polymorphisme du FcRIIa est responsable de la synthèse de deux isoformes du FcRIIa (R131 et H131) qui modifient la réponse contre les germes encapsulés. Les patients de plus de 5 ans porteurs de l'allotype IIa-H/H131 seraient protégés vis-à-vis des infections méningococciques sévères ; à l'inverse, les patients porteurs du polymorphisme R/R131 sont à risque de développer des pneumonies septicémiques mortelles à pneumocoques. La susceptibilité aux infections candidosiques est associée au polymorphisme des gènes des  défensines. Les récepteurs aux immunoglobulines des Natural Killers sont également associés à une sensibilité élevée vis-à-vis de nombreux pathogènes : le plasmodium, le VIH et le virus de l’hépatite C. ■ Polymorphismes des cytokines de l’immunité innée Ces polymorphismes modulent la sécrétion cytokinique et ainsi la réponse antimicrobienne. L'allèle TNF2 est associé à une augmentation de morbidité et de mortalité de plusieurs pathologies infectieuses graves (paludisme cérébral, purpura fulminans, lèpre, leishmaniose cutanéo-muqueuse) ; l’hypothèse est qu’il serait associé à une production supérieure de TNF par les macrophages. Certains des polymorphismes de l’IL-1 provoqueraient une susceptibilité pour le sepsis ainsi qu'une surmortalité lors d'infections à méningocoques.

2. Les maladies auto-inflammatoires Les maladies auto-inflammatoires sont dues à un défaut de l’immunité innée (absence d’auto-anticorps, élevé ou pathogénique, et de lymphocytes T activés) par opposition aux maladies auto-immunes. Leur prévalence est difficile à estimer du fait de leur faible reconnaissance dans le monde médical et parce que la pénétrance de ces maladies est incomplète. Certains experts estiment que leur prévalence est de l’ordre de celle de la mucoviscidose. Le cadre nosologique est celui des fièvres récurrentes inexpliquées qui sont associées à un cortège de symptômes comportant des sérites et des signes abdominaux, articulaires et cutanés. FIGURE 8

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FIGURE 8

ou sont polyfac-

Chapitre 4

L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

FIGURE 8 - Les différentes formes de syndromes auto-inflammatoires héréditaires

3e partie

Les maladies auto-inflammatoires sont monogéniques avec des effecteurs connus torielles comme la maladie de Behçet ou la maladie de Crohn.

Les maladies monogéniques sont la FMF (Fièvre Méditerranéenne Familiale), le TRAPS (TNF Receptor Associated Periodic Syndrome), le MKD (Mevalonate Kinase Deficiency) ou déficit en IgD encore connu sous le nom de fièvre périodique, le CPAS (Cryopyrin Associated Periodic Syndrome) ou encore FCAS (Familial Cold Autoinflammatory Syndrome) qui regroupe le Muckle-Wells, le CINCA (Chronic Infantile Neurologic Cutanaous Articular syndrome) ou NOMID (Neonatal-Onset Multi-System Inflammatory Disease), et l’urticaire familial au froid, le PAPA (Pyogenic sterile Arthritis Pyoderma) et le syndrome de Blau. D’autres maladies ou syndromes ont des composantes génétiques probables mais mal identifiées comme le PFAPA (Periodic Fever Aphtous stomatis Pharyngitis Adenitis), le CRMO (Chronic Recurrent Multifocal Osteomyelitis) ou neutropénie cyclique. ■ Exemple de la Fièvre Méditerranéenne Familiale (FMF) et de la marenostrine (ou pyrine) Dans la FMF, il s’agit d’un excès d’immunité innée, et plus précisément d’une absence de régulation des cytokines de l’immunité naturelle, telle que l’IL-1 et le TNF. 17

L’immunopathologie pour le praticien

Initialement décrite dans le pourtour méditerranéen, cette maladie autosomique récessive s’exprime en général avant 20 ans. L’analyse des sérites (plèvre, péritoine) ou du liquide articulaire permet de constater une prédominance des polynucléaires neutrophiles. En effet, c’est dans ce type cellulaire que s’exprime la pyrine ou marenostrine. Cette protéine intervient dans l’apoptose, le réarrangement du cytosquelette et la production cytokinique. Lorsqu’elle est mutée, elle induit une activation permanente de la caspase 1 (par l’intermédiaire ou non de son CARD domaine, cf. infra) ce qui aboutit par différents mécanismes à une production d’IL1. Cette cytokine est responsable des phases aiguës inflammatoires qui sont brutales, fugaces mais peuvent entraîner une inflammation chronique voire une amylose. ■ Autre exemple d’excès d’immunité innée : le TRAPS Le TRAPS ou fièvre périodique ou encore hibernienne est un groupe de maladies dues à la mutation du récepteur de type 1 du TNF. Le mécanisme moléculaire de cette maladie est encore mal connu mais reposerait sur le fait que ce récepteur déficient ne jouerait plus son rôle d’inhibiteur naturel quand il se détache de la membrane (clivage physiologique aboutissant à la production de récepteur soluble au TNF qui agit comme inhibiteur naturel). La régulation des épisodes inflammatoires serait ainsi allongée et aboutirait aux phases inflammatoires cliniques de 1 à 3 semaines observées dans cette maladie. ■ Excès ou défaut d’immunité innée : le rôle de Nod-2 dans la maladie de Crohn Un cas complexe est celui du rôle de la mutation de Nod-2 dans la maladie de Crohn. Les maladies granulomateuses (maladie de Crohn, sarcoïdose à début juvénile et syndrome de Blau) sont considérées comme des maladies multifactorielles. Cependant la transmission familiale de la maladie de Crohn permet de supposer que cette maladie est génétique. Il existe 8 loci de susceptibilité (répartis sur les chromosomes 16, 12, 7 et 3) mais la seule mutation véritablement incriminée est celle de CARD 15 (CAspase Recruitment Domaine) encore appelée Nod-2 (Nucleotid Oligomerisation Domain 2). Dans les populations de l’Ouest 50 % des patients souffrant de maladie de Crohn possèdent une mutation des mutations du gène Nod-2 et 5 à 20 % sont homo ou hétérozygotes pour ces mutations. Les conséquences exactes de ces mutations sont connues ENCADRÉ 4 FIGURE 9 mais leurs implications dans la régulation de l’immunité innée et ses conséquences sur l’immunité adaptative demeurent obscures. Les mutations de Nod-2 favorisent la maladie de Crohn qui est considérée comme une maladie avec excès de lymphocytes de type Th1, et où il est observé un défaut de lymphocytes régulateurs. Cette protéine déficiente, qui ne recrute plus NF-B, facteur de transcription clé pour les cytokines de l’inflammation, pourrait empêcher une bonne synergie avec les TLR mais aussi favoriser une dérégulation de lymphocytes intestinaux. Véritable Yin et Yang au cœur de l’interaction entre immunité innée et adaptative, ses mécanismes d’action encore discutés seraient tantôt insuffisance tantôt excès d’immunité. ENCADRÉ 4

Le mécanisme de la maladie de Crohn La mutation véritablement incriminée dans la maladie de Crohn est celle de CARD 15 (CAspase Recruitment Domaine) encore appelée Nod-2 (Nucleotid Oligomerisation Domain 2). Cette protéine appartient à la famille des NOD-LRR (Leucine-Rich Repeat) protéines qui comportent, comme les TLR (cf. supra) un domaine riche en leucine mais aussi un NOD domaine, et un domaine CARD FIGURE 9 ou pour un domaine pyrine. Nod-2 est exclusivement intra-cytoplasmique et exprimé par les cellules présentatrices d’antigènes ainsi que par des cellules épithéliales cryptiques (les cellules de Paneth). Elle reconnaît des structures de pathogènes comme les peptidoglycanes, en l’occurrence le muramyl di-peptide. La liaison de Nod-2 à son ligand par le domaine LRR induit une permissivité conformationnelle grâce au domaine NOD, qui permet le recrutement d’une kinase par le domaine CARD. Il s’ensuit une activation de NF-B. FIGURE 9 Les mutations de Nod-2 induisent une perte de régulation des signaux délivrés par les TLR, directement ou indirectement. FIGURE 9 Le rôle de Nod-2 sur l’homéostasie intestinale reste à élucider, mais pourrait notamment passer par un défaut de synergie avec les TLR 2 et 9 (baisse de l’immunité innée) et une baisse de la sécrétion maximale des  défensines. Par ailleurs, les mutations de NOD induisent une augmentation de la sécrétion d’IL-12 (excès d’immunité innée), mais aussi une diminution de l’IL-10, cytokine anti-inflammatoire nécessaire à la production et l’expansion de certains T régulateurs.

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3. Les maladies auto-immunes ■ Exemple du lupus ■ Rôle du complément

L’immunité innée a un rôle pathogénique dans le lupus connu depuis longtemps. Le complément participe directement aux dégâts cellulaires : il est présent dans les glomérulonéphrites, et est même retenu, au même titre que la présence importante d’immunoglobulines, comme un facteur d’activité. Cependant, il a également un rôle protecteur et les déficits en protéines du complément sont d’autant plus associés au lupus que la protéine en question se situe haut dans la cascade du complément. Ainsi, les souris déficientes en C1q développent-elles spontanément un lupus, de même que les individus ayant des taux bas de C1q ou des anticorps anti-complément. Le complément protégerait l’organisme en favorisant la clairance des cellules abîmées (apoptotiques) mais aussi en facilitant la tolérance centrale grâce à la présentation d’auto-antigènes. L’association de la maladie humaine avec le déficit en C3 est beaucoup plus faible ; quant au déficit en C2, il favoriserait les formes avec atteinte centrale sévère. Les souris déficitaires en C4 font des lupus plus sévères.

Chapitre 4

Les récepteurs de la famille NOD sont exprimés dans le cytoplasme des macrophages (A), et reconnaissent les PAMP par leur domaine LRR (B). Le domaine de souplesse NOD permet alors le recrutement par le domaine CARD de kinases qui aboutiront à l’activation de NFkB avec les actions détallées sur le schéma.

L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

3e partie

FIGURE 9 - Schéma fonctionnel du Nod-2

■ Rôle des polymorphismes des récepteurs au Fc des IgG (FcR)

Les polymorphismes des récepteurs Fc ont un rôle déterminant dans les lésions. Le polymorphisme du FcRIIA régule la captation des complexes immuns et conditionne donc les capacités de phagocytose. Par ailleurs, un polymorphisme du FcRIIB (récepteur inhibiteur) a été décrit ; il induirait des dysfonctionnements des lymphocytes B qui l’expriment. ■ Rôle du TLR9 et action sur les lymphocytes B

Comme on l’a vu, les TLR favorisent l’antigénicité des cellules dendritiques (expression accrue des molécules 19

L’immunopathologie pour le praticien

de co-stimulation) et à ce titre peuvent favoriser l’émergence de maladies auto-immunes en induisant une rupture de tolérance vis-à-vis d’auto-antigènes. Ce serait le cas pour le TLR9 (expression cytoplasmique) qui reconnaîtrait des fragments de chromatine (de l’ADN) dans les vésicules cytoplasmiques des lymphocytes B et participerait ainsi à la production des auto-anticorps par les lymphocytes B. Ces données observées en expérimentation animale sont à rapprocher de celles où le TLR9 est indispensable, non pas à la production des anticorps anti-ADN, mais des anticorps anti-nucléosome. De plus, l’absence de TLR9 induit chez la souris des destructions mésangiales sévères. Comme on le voit, le rôle propre de l’immunité innée dans les maladies auto-immunes est complexe, puisque, dans le lupus, le TLR9 semble à la fois délétère et protecteur. ■ Rôles des cellules dendritiques plasmacytoïdes (pDC)

La production de cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-6 est mise en cause dans le déclenchement du lupus et la stimulation des lymphocytes B auto-réactifs. Des travaux récents laissent à penser que le TLR9, stimulé lors d’infections virales ou par des immuns complexes, serait un facteur d’amplification de la production d’interféron  par les pDC. L’interféron  est probablement au centre de la rupture de tolérance qui favorise le lupus en raison de son action sur les cellules dendritiques, les lymphocytes B et T. ■ Exemple de polyarthrite rhumatoïde (PR) ■ Le rôle du complément et des polynucléaires

Le complément, les polynucléaires sont des acteurs de l’inflammation articulaire rhumatoïde et participent directement aux dégâts synoviaux. Une démonstration évidente de leur rôle a été apportée grâce au modèle de la souris K/BxN, modèle dépendant de la formation d’anticorps anti-GPI (Gluco-6-phosphate isomérase) : elle montre que le complément et les récepteurs au Fc des immunoglobulines sont activés et indispensables aux lésions d’arthrites. Toujours dans ce modèle, l’implication des polynucléaires neutrophiles a également été confirmée : ils sont précocement présents dans les arthrites, indispensables aux lésions qui disparaissent en leur absence, et jouent probablement un rôle d’amplificateur de l’inflammation. Ces données sont conformes à leur rôle dans la réaction inflammatoire en général. ■ Le rôle des mastocytes

Acteur clé de la réponse inflammatoire, le mastocyte est également impliqué dans les arthrites. Si les études sont peu nombreuses, peut-être à cause de l’extrême sensibilité des mastocytes aux conditions de culture, il n’en est pas moins évident, grâce au modèle de la souris K/BxN notamment, que ces cellules participent directement aux arthrites. Les mastocytes sont indispensables aux arthrites qui ne peuvent apparaître chez les animaux déficitaires en mastocytes. Ils sont très précocement activés (dans l’heure) après l’injection des anticorps déclencheurs des arthrites, et uniquement activés dans la synoviale. Ils produisent en grande quantité du TNF- et de l’IL-1, qui sont des cytokines clés des arthrites. Par ailleurs, ils ont un rôle pivot dans les interactions entre l’immunité innée et l’immunité spécifique. ■ Le rôle des macrophages

Les macrophages sont une des cellules clés de la synovite rhumatoïde. Ils y sont abondamment présents et leur nombre est directement corrélé à la sévérité des arthrites chez l’homme. Leur activation n’est pas restreinte à la synovite, mais ils sont les plus gros producteurs de TNF- et d’IL-1 ainsi que de radicaux libres et d’oxyde nitrique, dont le rôle pathogénique est bien connu. Ils produisent en outre différents médiateurs qui vont appeler les cellules sur le site de l’inflammation. Ils sont producteurs d’IL-6 , mais leur production d’IL-4 et d’IL-10 participe à la réaction anti-inflammatoire. Récemment, leur rôle dans l’élimination de l’ADN des cellules apoptotiques a été souligné dans un nouveau modèle d’arthrite : dépourvus de DNAse, l’enzyme permettant la dégradation de l’ADN des cellules apoptotiques ou des noyaux expulsés des précurseurs érythroïdes, les macrophages s’activent et produisent alors des taux importants de TNF, les souris développant une polyarthrite spontanée proche de la PR. ■ Le rôle des TLR et des intégrines sur les synoviocytes

Les synoviocytes portent certains TLR (TLR4, 2, et 9) qui peuvent induire une stimulation des synoviocytes et la production de cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-6 et l’IL-8. Les TLR stimulent les fibroblastes synoviocytaires en interaction avec les intégrines et induisent un phénotype dit agressif : ils expriment alors une métalloprotéinase (la MMP-3) et d’autres protéines conditionnant leur prolifération et leur capacité d’invasion (vimentine, FGF-5, Fibroblast Growth Factor) ; ce phénotype et l’expression de métalloprotéinase pourraient favoriser la dégradation ostéocartilagineuse.

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3e partie L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

Parmi les déficits immunitaires, certains sont liés à un défaut de phagocytose. Le déficit en alpha 1 anti-trypsine entraîne un déficit en élastase responsable d’anomalies pulmonaires et de susceptibilité aux infections (Neutropénie cyclique) mais l’absence du proto-oncogène GFI1 entraîne un déficit complet en élastase entraînant des neutropénies sévères (agranulocytose de Kostman). D’autres anomalies des fonctions phagocytaires sont décrites comme le syndrome de Shwachmann (défaut du métabolisme des ARN avec anomalies sévères de la lignées granuleuse et syndrome dysmorphique). Il peut également s’agir d’une anomalie génétique rare, liée à l’X, due à une mutation du gène de la gp91phox , qui code pour une protéine formant une sous-unité du cytochrome. Le cytochrome déficient entraîne une anomalie d’une des sous-unités de la NADPH (NicotinAmide Dinucleotide PHosphate oxidase complex), enzyme clé des granulations participant à la bactéricidie.

Chapitre 4

4. Les déficits congénitaux avec défaut de phagocytose

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L’immunopathologie pour le praticien

4e partie

Les traitements agissant sur l’immunité innée

1. Les anti-inflammatoires Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ont une action sur l’immunité innée car ils bloquent la synthèse des médiateurs de l’inflammation (prostaglandines et leucotriènes) et ils limitent le recrutement des polynucléaires ainsi que l’afflux de macrophages sur le site inflammatoire. Les glucocorticoïdes vont en outre directement bloquer la production macrophagique des cytokines de l’inflammation comme le TNF, l’IL-1 et l’IL-6 et le GM-CSF (Granulocyte/Monocyte Colony-Stimulating Factors) et favoriser la synthèse de eNOS (endothelial Nitric Oxide Synthetase) qui régule directement l’inflammation.

2. L’immunomodulation « endosomale » des antipaludéens de synthèse Certains immunomodulateurs pourraient avoir un effet direct sur l’immunité innée comme les dérivés chloroquiniques. Ils sont utilisés in vitro pour leur capacité à stabiliser les membranes microsomales et empêcher la maturation endosomale : ils bloquent la formation de certaines vésicules lysosomiales (blocage au stade endosome tardif). C’est dans ces vésicules que le TLR9 rencontre l’ADN le stimulant, comme le démontrent les données sur l’action du TLR9 dans un modèle de production d’auto-anticorps par les lymphocytes B. Or dans le lupus, l’action in vivo de l’hydroxychloroquine se fait à des seuils thérapeutiques proches des concentrations utilisées in vitro. L’ensemble de ces résultats incite à penser que le mécanisme d’action de l’hydroxychloroquine passe par le blocage des vésicules endosomales et donc l’inhibition du TLR9.

3. Le blocage du TNF ou de l’IL-1 Les inhibiteurs directs du TNF et de l’IL-1 sont efficaces dans les maladies où la production de ces cytokines est en excès. Dans les maladies auto-inflammatoires, ils ont fait la preuve de leur efficacité avec une prédilection pour les anti-TNF dans le TRAPS, alors que l’IL1-RA est particulièrement efficace dans la maladie de Still, les arthrites chroniques juvéniles par exemple. Les anti-TNF alpha vont bien sur contrecarrer l’effet amplificateur du TNF sur l’immunité innée. Ils vont en tout premier lieu bloquer le recrutement de cellules macrophagiques et leur activation locale, dans la synovite rhumatoïde par exemple. Ils vont ainsi diminuer la production de cytokines et de chimiokines pro-inflammatoires et visant à augmenter le recrutement des polynucléaires neutrophiles. Les anti-TNF ont également un rôle direct sur les macrophages résidents, car ils favoriseraient leur apoptose en se liant au TNF membranaire (ce qui n’a pas été observé sur les synoviocytes fibroblastiques). Les inhibiteurs du TNF induisent une diminution des molécules d’adhésion à la surface des cellules endothéliales (E selectine, ICAM-1, VCAM-1) : cette désactivation des cellules endothéliales va provoquer une réduction de l’infiltration tissulaire par les neutrophiles, les macrophages, mais aussi les lymphocytes. Il faut noter qu’il n’a pas été observé de variations stables des VCAM-1 (forme soluble). Les inhibiteurs du TNF ont également un effet sur l’expression du TLR2 et TLR4 macrographiques qu’ils diminuent dans la synoviale inflammatoire.

4. Les perspectives ■ Agir sur les TLR ou les NOD-LRR Des thérapeutiques plus spécifiques des récepteurs de l’immunité innée sont proposées pour stimuler ou inhiber les TLR ou les récepteurs NOD. ■ Exemple du TLR9

L’asthme est connu pour être une maladie Th2, et des propositions thérapeutiques reposant sur des cytokines TH1 pour favoriser l’émergence de T helper de type 1, ont été faites mais se sont révélées dangereuses. Récemment, un essai clinique a été réalisé aux Etats-Unis avec l’antigène immunodominant d’un allergène fréquent, le ragweed appartenant à la famille des ambroisies, responsable de rhinite et d’asthme. Cet antigène a été couplé à une séquence stimulatrice d’ADN pour stimuler le TLR9. Ainsi couplé, l’allergène stimule les pDC et diminue la production d’IL-4 et IL-5. Cette étude réalisée contre placebo en double aveugle a consisté en une injection hebdomadaire de l’allergène couplé aux PAMP. L’effet clinique obtenu sur le long terme (prévention de la rhinite la deuxième année) est la démonstration qu’agir grâce aux composants de l’immunité innée, peut avoir un bénéfice prolongé.

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Des modulateurs des TLR peuvent efficacement traiter la polyarthrite rhumatoïde. Récemment, une chaperonne (la chaperonne 10) a été utilisée dans un essai clinique en double aveugle randomisé pour traiter des polyarthrites sévères actives. L’injection intraveineuse deux fois par semaine de cette protéine qui inhibe le signal transduit après l’activation des TLR (inhibition de NFB), permet d’obtenir une efficacité clinique au bout d’un mois, significative et d’observer des rémissions. La tolérance de ce traitement administré dans tous les groupes semblait satisfaisante. Cette première démonstration d’un effet clinique nette sur la polyarthrite rhumatoïde, bien que contestée dans ses mécanismes exacts, ouvre de multiples perspectives. La tolérance et l’innocuité de ce produit, compte tenu des effets observés in vitro dans certaines tumeurs ovariennes et coliques et l’inhibition de la réponse T anti-tumorale, sont cependant à démontrer. À l’inverse, la découverte de nouveaux ligands des TLR permettra peut-être de les cibler plus efficacement : la protéine Tamm-Horsfall (protéine urinaire de l’anse de Henlé) pour le TLR4, les siRNA pour les TLR3 or 7 ligand, l’hémozoïne du Plasmodium falciparum pour le TLR9, et la profiline-like protéine de Toxoplasma gondii pour le TLR11. Une autre stratégie consiste à inhiber l’inhibiteur des effets adjuvants des TLR : des auteurs étudient l’effet de l’inhibition de SOCS (Suppressor Of Cytokine Signaling) pour augmenter l’immunogénicité. De plus les PAMP sont, dans certaines conditions, au contraire utilisés pour leur capacité à favoriser la production de cellules T régulatrices (diabète humain, encéphalomyélite, myélite expérimentale ou la polyarthrite rhumatoïde chez la souris). Des études sont en cours pour développer des inhibiteurs des TLR qui agiraient en bloquant le domaine TIR ou la molécule adaptatrice MyD88 ; ces traitements auraient des perspectives plutôt dans les maladies auto-immunes ou le myélome.

L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

■ Autres perspectives

Chapitre 4

Des ligands naturels ou synthétiques de tous les TLR, et plus particulièrement des TLR4, 7 et 9, sont proposés dans les vaccinations anti-infectieuses ou anti-tumorales. Des vaccins anti-infectieux utilisent déjà les PAMP : il s’agit du BCG (Bacille de Calmette et Guérin) et Hib-OMPC (vaccin contre l’Haemophilus influenza de type b couplé au nesserial outer-membrane complex). Les recherches actuelles sont concentrées sur les effets adjuvants des TLR dans la mise au point d’un vaccin contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ; les TLR4, 2, 6, 7/8 ou 9 peuvent être stimulés respectivement par le lipide A, la bêta defensine 2, le macrophage activating lipopeptide 2, l’imiquimod ou le resiquimod, des oligonucléotides (petite portion d’ADN) contenant des CpG. Actuellement, leurs effets adjuvants sont démontrés in vitro ; cependant, la démonstration d’une prévention de l’infection n’est pas encore faite. Chez l’homme, des essais thérapeutiques en ouvert ont été réalisés avec des oligonucléotides (pour stimuler le TLR9) : la réponse cytotoxique contre les antigènes de mélanome semblerait être augmentée. L’imiquimod, qui stimule le TLR7, a également été proposé pour augmenter l’immunogénicité de peptides de mélanome associés à du FLT3 (ayant pour but de favoriser l’immunogénicité des DC). Le BCG et d’autres stimulants du TLR4 ont été essayés avec des résultats probants in vitro, mais encore décevants in vivo (pour traiter le mélanome ou le lymphome). Des essais sont en cours dans les leucémies lymphoïdes chroniques. Par ailleurs, le BCG est bien connu pour son action immunomodulatrice dans le cancer de la vessie.

4e partie

■ Utilisation des effets adjuvants en vaccination anti-infectieuse et anti-tumorale

■ Agir sur les autres acteurs de l’immunité innée Des inhibiteurs des élastases sont proposés pour leur pouvoir microbicide dans les poumons. Ils pourraient également réguler l’immunité innée puis l’immunité adaptative. Dans la maladie de Crohn, certains tentent d’agir sur les gènes de la mucine pour augmenter son expression et renforcer la barrière intestinale.

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L’immunopathologie pour le praticien

5e partie

Synthèse

Les points forts : 1. L’immunité innée est une réponse forte et immédiate du système immunitaire pour empêcher l’infection. 2. L’immunité innée ou naturelle n’induit pas de mémoire immunitaire. 3. Les effecteurs cellulaires de l’immunité innée sont les cellules phagocytaires (macrophages, polynucléaires, cellules dendritiques), les mastocytes et les cellules Natural Killers.

4. Les récepteurs de l’immunité innée sont appelés PRR, ils peuvent être membranaires (TLR) ou solubles (complément, CRP) et induire l’internalisation et/ou la transduction d’un signal d’activation cellulaire.

5. La stimulation de l’immunité innée entraîne une réponse inflammatoire et la présentation de l’antigène. 6. L’immunité innée participe à la régulation de l’immunité adaptative. 7. L’étude et l’utilisation de l’immunité innée devraient permettre de traiter les maladies à interactions avec l’environnement (infections, allergies et asthme, maladies auto-immunes) et d’améliorer la vaccination anti-infectieuse et anti-tumorale.

8. Les maladies auto-inflammatoires sont dues à un excès d’immunité innée et sont en cours de caractérisation nosologique et moléculaire.

Les grandes questions : 1. L’immunité innée est-elle la source d’une auto-immunité ? 2. L’immunité innée est-elle en excès ou insuffisante dans les maladies allergiques ? 3. Peut-on inhiber les composants de l’immunité innée de manière spécifique sans abolir la défense anti-microbienne ?

4. Comment vaincre les mécanismes de régulation induits lors de l’utilisation de l’immunité innée comme adjuvant pour favoriser l’immunité anti-tumorale ?

5. Peut-on utiliser les composants de l’immunité innée pour induire des cellules régulatrices et traiter les maladies auto-immunes ?

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Les interactions hôte-environnement sont à l’origine de certains maladies immunes comme la maladie de Crohn où le rôle des récepteurs NOD a été récemment démontré. Les maladies auto-inflammatoires comme la fièvre méditerranéenne, la fièvre récurrente et le TRAPS ont bénéficié des avancées technologiques récentes et ont pu être caractérisées d’un point de vue génétique et moléculaire ; elles sont dûes à un excès d’immunité innée. Un défaut d’immunité innée est responsable d’une susceptibilité accrue à certains germes (carence en IFN et IL-12 favorisant les mycobactéries ; défaut de phagocytose responsable de septicémie précoce). Les mastocytes et les cellules dendritiques sont particulièrement importants pour l’interaction entre immunité innée et adaptative. Agir sur l’immunité innée peut être indispensable aux traitements des maladies auto-inflammatoires, et nécessaires pour traiter d’autres maladies inflammatoires comme la maladie de Crohn. Des voies de recherche développent la stimulation de l’immunité innée pour augmenter l’antigénicité des vaccins anti-microbiens ou dans l’immunothérapie anti-tumorale. Moduler l’immunité innée pourrait permettre d’intervenir dans les maladies auto-immunes.

5e partie L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

L’immunité innée constitue la première ligne de défense vis-à-vis des agents pathogènes. Elle met en jeu de nombreux mécanismes qui interviennent immédiatement tels la barrière cutanéo-muqueuse et la phagocytose. Elle fait également appel à des systèmes inductibles tels l’activation du complément et la réponse inflammatoire. Au cours de la réponse innée, la reconnaissance du non-soi fait intervenir des récepteurs peu polymorphiques, les PRR qui reconnaissent cependant spécifiquement, un nombre limité de composants étrangers communs à un grand nombre de microorganismes, les PAMP. Ces interactions PAMP/PRR vont conduire d’une part à l’internalisation et à la destruction et d’autre part au déclenchement d’un signal danger qui aboutira à l’induction d’une réponse inflammatoire protectrice. De très nombreuses cellules participent à l’immunité innée : macrophages, cellules dendritiques, polynucléaires, mastocytes, cellules résidentes. Parmi celles-ci, les cellules dendritiques vont jouer en outre, un rôle essentiel en assurant la présentation de l’antigène aux lymphocytes, permettant ainsi le développement d’une immunité adaptative spécifique.

Chapitre 4

Conclusion

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L’immunopathologie pour le praticien

6e partie

Lexique

ellule dendritique : cellule présentatrice d’antigène, professionnelle, grâce à l’expression de molécules de classe II du CMH et de molécules de co-stimulation. Immatures, les cellules dendritiques sont des sentinelles, matures elles sont douées d’une antigénicité puissante. Les cellules dendritiques sont également des effecteurs clés de la tolérance périphérique. Elles constituent un lien essentiel entre l’immunité innée et naturelle.

C

ellule de Paneth : cellule des cryptes intestinales, produisant les défensines.

C C

ellule NK : une cellule Natural Killer est une cellule appartenant au contingent lymphocytaire (ni B ni T). Elle lyse les cellules infectées ou tumorales indépendamment du récepteur T. À ce titre c’est un effecteur cellulaire clé de l’immunité naturelle. ellule résidente : cellule incluse dans la substance fondamentale du tissu conjonctif ; les cellules résidentes de la membrane synoviale sont des fibroblastes ou synoviocytes fibroblastiques et les macrophages. Les mastocytes sont aussi des cellules résidentes, très présentes dans le tissu pulmonaire.

C

omplément : complexe de protéines sériques, appartenant aux PRR solubles dont l’activation permet la libération d’opsonines, d’anaphylatoxines et la formation du complexe d’attaque membranaire.

C I I

mmunité innée : ou immunité naturelle. Réponse immunitaire qui empêche l’infection. Sa mise en jeu est immédiate. Très efficace, elle n’induit cependant pas de mémoire immunitaire.

ntégrine : molécule, très conservée, présente à la surface de très nombreuses cellules dont les cellules phagocytaires et présentatrices d’antigène, qui jouent un rôle dans l’adhésion cellulaire et la transmission de signaux intracellulaires. Les intégrines sont indispensables au passage de la barrière endothéliale par les polynucléaires neutrophiles et à la constitution de la synapse immunologique entre les cellules dendritiques et les lymphocytes T. ectine : molécule conservée dont les ligands sont des sucres. Elle favorise les contacts cellulaires membranaires et la phagocytose.

L M M M

aladie auto-inflammatoire : maladie chronique évoluant par poussées et due à un excès d’inflammation en dehors de la production d’auto-anticorps pathogéniques ou de lymphocytes T auto-immuns.

annose : sucre présent dans les membranes bactériennes, capable d’activer le complément (voie de la MBP pour Mannan Binding Protein).

astocyte : cellule caractérisée par la présence de granulations contenant des médiateurs de l’inflammation, libérés lors de leur activation (anaphylaxie ou réaction inflammatoire). En permettant le recrutement des cellules de l’inflammation, elle participe également au lien entre immunité innée et adaptative. DC : cellule dendritique d’origine myéloïde (mDC).

M M P P P

onocyte/macrophage : cellule appartenant au système immunitaire, ayant la capacité de phagocyter et de présenter l’antigène. Cellule clé de la réponse inflammatoire.

AMP (Pathogen Associated Molecular Pattern) : ligand microbien des PRR, appartenant aux bactéries, virus et champignons. Les motifs reconnus peuvent être lipidiques, sucrés ou nucléosidiques. DC : cellule dendritique d’origine lymphoïde ou plasmacytoïde (pDC).

eptide antimicrobien : protéine au pouvoir bactéricide ou anti-fungique direct participant à l’immunité innée. Exemple : les défensines.

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olynucléaire : cellule phagocytaire recrutée secondairement lors de la réponse inflammatoire. Les polynucléaires portent leur nom en raison de leur noyau polylobé. RR (Pathogen Recognition Receptor) : récepteur cellulaire ou soluble de ligands microbiens, de localisation ubiquiste, surtout exprimé par les cellules phagocytaires ou les cellules présentatrices de l’antigène.

6e partie

hagocytose : mécanisme d’internalisation d’agents microbiens permettant ensuite leur destruction (microbicidie) ainsi que l’apprêtement des antigènes.

P P P R

écepteur scavenger : ou récepteur éboueur reconnaissant des lipoprotéines de faible densité présentes sur les cellules phagocytaires notamment macrophagiques. Il permet la phagocytose.

LR (Toll-Like Receptor) : récepteur ancestral décrit chez la drosophile, ayant une structure commune avec le récepteur de l’IL-1. Ce récepteur se lie à des ligands d’origine microbienne (PAMP) et induit un signal d’activation cellulaire.

Chapitre 4

R T

L’immunité innée : des mécanismes de défense ancestraux aux maladies inflammatoires

écepteur du fragment Fc des Ig : récepteur de la partie constante des immunoglobulines, appartenant aux PRR membranaires. Sa liaison aux immunoglobulines permet l’activation du complément. C’est un récepteur clé permettant l’opsonisation et la phagocytose des pathogènes.

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L’immunopathologie pour le praticien 28

7e partie

Pour en savoir plus



Akira S, Uematsu S, Takeuchi O. Pathogen recognition and innate immunity. Cell 2006;124:783-801.



Carroll MC, Holers VM. Innate autoimmunity. Adv Immunol 2005;86:137-57.



Catherinot E, Fieschi C, Feinberg J, Casanova JL, Couderc LJ. [Genetic susceptibility to mycobacterial disease: Mendelian disorders of the interleukin-12 -interferon-gamma axis]. Rev Mal Respir 2005;22:767-76.



Falgarone G, Jaen O, Boissier MC. Role for innate immunity in rheumatoid arthritis. Joint Bone Spine 2005;72:17-25.



Galli SJ, Nakae S, Tsai M. Mast cells in the development of adaptive immune responses. Nat Immunol 2005;6:135-42.



Garlanda C, Bottazzi B, Bastone A, Mantovani A. Pentraxins at the crossroads between innate immunity, inflammation, matrix deposition, and female fertility. Annu Rev Immunol 2005;23:337-66.



Orphanet. http://www.orpha.net/Pat/FRF.html. Et cliquer sur le nom de la maladie auto-inflammatoire.

CHAPITRE V 070607

3/07/07

16:20

Page 1



03

1. Qu’est-ce que la co-stimulation ?



03

2. Quels sont les mécanismes élémentaires de la co-stimulation ?



03

3. Quelles sont les principales voies de co-stimulation ?  04 • Les molécules appartenant à la superfamille des immunoglobulines  05 • La voie CD40 / CD40L  07 • Les voies de co-stimulation appartenant à la famille des récepteurs des cytokines



07



09

1. En pratique



09

2. En recherche

   

09 09 09 10

2e partie

Comment explorer les voies de co-stimulation ?

• In vitro • In vivo • Évaluation à visée thérapeutique

3e partie Le rôle des voies de co-stimulation

en pathologie 1. L’exemple de la pathologie tumorale • Cellules tumorales et ligands de molécules de co-stimulation • Blocage de CTLA-4 : combinaison anticorps / agents thérapeutiques • Évaluation du blocage de CTLA-4 • Autres blocages à l’étude

2. L’exemple des maladies auto-immunes • Phénomène de tolérance immunologique • Rôle du polymorphisme de CTLA-4 • Co-stimulation et pathologies auto-immunes

3. L’exemple de déficits immunitaires congénitaux



11

    

11 11 11 12 13

   

13 13 14 14



14

Les communications intercellulaires : les voies de co-stimulation

1ère partie Les données fondamentales

Chapitre 5

LES COMMUNICATIONS INTERCELLULAIRES : LES VOIES DE CO-STIMULATION

SOMMAIRE

Chapitre 5

1

L’immunopathologie pour le praticien

CHAPITRE V 070607

2

3/07/07

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4e partie

Page 2

Quels traitements pour moduler les voies de co-stimulation ? 

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15 15 15

  

16 16 17



17

1. Quels sont les effets des traitements classiques ? • Glucocorticoïdes • Méthotrexate, sulfasalazine et léflunomide

2. Quels sont les effets des anti-TNF␣ ? • Modulation de l’immunité adaptative • En thérapeutique

3. Une nouvelle molécule dans la greffe d'organe : le belatacept

4. Des immunomodulateurs des voies de co-stimulation dans les maladies auto-immunes : abatacept, anticorps anti-CD40L  17 • Abatacept  17 • Anticorps anti-CD40L  18 • Autres voies de co-stimulation  18

5e partie

Synthèse

1. Les points forts 2. Les grandes questions



19

 

19 19

6e partie

Lexique



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7e partie

Pour en savoir plus



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CHAPITRE V 070607

3/07/07

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Les cellules du système immunitaire doivent communiquer entre elles pour assurer un dialogue interactif et coordonner ainsi la réponse immunologique. Ces communications intercellulaires s’effectuent grâce à des médiateurs solubles, produits par diverses cellules jouant un rôle dans l’immunité aussi bien innée qu’adaptative : il s’agit des cytokines, mais aussi des facteurs de croissance ou des chimiokines. Il existe également des interactions cellulaires par contact direct mettant en jeu des molécules exprimées à la surface cellulaire et participant à la réponse cellulaire. Il s’agit des voies de la co-stimulation cellulaire. Ce chapitre présente les principales voies de co-stimulation cellulaire impliquées dans le système immunitaire, leur expression cellulaire, leur effet sur la réponse immunologique, leur implication dans les processus pathologiques et notamment les maladies auto-immunes, ainsi que les implications thérapeutiques.

1ère partie Les données fondamentales 1. Qu’est-ce que la co-stimulation ? L’activation des lymphocytes est un évènement important lors de la réponse immunitaire. Celle-ci nécessite plusieurs signaux d’activation. Le premier est dépendant de l’antigène et met en jeu l’antigène lui-même, présenté dans le contexte d’une molécule HLA sous forme d’un peptide à la surface d’une cellule présentatrice d’antigènes (CPA). Ce couple antigène-molécule HLA est reconnu par le récepteur T spécifique (TCR) du lymphocyte T, cette reconnaissance antigénique étant à l’origine du premier signal d’activation. La CPA ne joue pas uniquement un rôle passif de présentoir d’antigènes, mais contribue également à la stimulation du lymphocyte par la mise en jeu des voies de costimulation. Celles-ci délivrent un second signal d’activation qui est indépendant de l’antigène, mais qui est nécessaire pour compléter l’activation lymphocytaire T. Sans ce second signal, l’activation cellulaire T est incomplète, avec une prolifération cellulaire insuffisante, un défaut de production de cytokines, aboutissant le plus souvent à une réponse de type apoptose ou à une anergie cellulaire. Ces molécules de la co-stimulation interviennent d’autre part lors de la phase d’amplification de la réponse immune, lors du contact entre le lymphocyte T et le lymphocyte B.

2. Quels sont les mécanismes élémentaires de la co-stimulation ? Les voies de co-stimulation fonctionnent par contact cellulaire direct, par l’intermédiaire de molécules exprimées à la surface des cellules, et de cette interaction naît le second signal d’activation. Ces molécules forment un couple ligand- récepteur, exprimé par le lymphocyte et la CPA. La co-stimulation a donc plusieurs fonctions : stabiliser l’interaction entre le lymphocyte T et la CPA, assurer une activation lymphocytaire complète, prévenir un état d’anergie ou un phénomène d’apoptose des lymphocytes T, induire la différenciation des lymphocytes T en cellules effectrices ou mémoires, contribuer à une réponse lymphocytaire lors de la phase d’amplification de la réponse immune avec la coopération entre les lymphocytes T et B et permettre une coopération cellulaire bidirectionnelle. Toutefois, le signal délivré par ces voies de co-stimulation peut être de 2 types : • il peut correspondre à un signal activateur, contribuant ainsi à l’activation cellulaire complète, • ou inversement, il s’agit d’un signal de type inhibiteur, qui correspond à un phénomène de régulation de l’activation cellulaire tout à fait physiologique. L’exemple type est l’activation induite par la molécule CD28 (signal positif) exprimée à la surface du lymphocyte T et le signal d’inhibition délivré par la molécule CTLA-4 (signal négatif), également exprimée par le lymphocyte T (cf. infra). Ces signaux inhibiteurs mettent en jeu des voies de co-stimulation particulières, mais une même voie peut délivrer un signal activateur ou inhibiteur selon les circonstances ou l’environnement. Les molécules des voies de co-stimulation sont exprimées par les cellules du système immunitaire (lymphocytes T et B, CPA, monocytes), soit de façon constitutive, soit après activation, mais également à l’échelon tissulaire

Les communications intercellulaires : les voies de co-stimulation

Arnaud Constantin, CHU hôpital Rangueil, Toulouse Éric Toussirot, CHU hôpital Jean Minjoz, Besançon

Chapitre 5

LES COMMUNICATIONS INTERCELLULAIRES : LES VOIES DE CO-STIMULATION

1ère partie

Chapitre 5

3

L’immunopathologie pour le praticien

CHAPITRE V 070607

4

3/07/07

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Page 4

(foie, cœur, poumons par exemple) et donc, en dehors des organes lymphoïdes. Cette expression tissulaire rend ainsi compte de la mise en jeu de ces voies d’activation dans les tissus sièges d’une réaction inflammatoire et de leur contribution à la phase effectrice de cette réaction.

3. Quelles sont les principales voies de co-stimulation ? Il existe différentes voies d’activation des cellules du système immunitaire décrites sous forme d’un couple ligandrécepteur. Ces voies se distinguent selon leur expression cellulaire. Elles sont également regroupées par famille selon leur homologie vis-à-vis de certaines grandes familles moléculaires. Ainsi, les molécules des voies de co-stimulation sont regroupées en 3 familles principales : • les molécules appartenant à la superfamille des immunoglobulines • celles appartenant à la famille des récepteurs du TNF␣ • et une troisième famille des récepteurs aux cytokines. TABLEAU 1 TABLEAU 1 - Les différentes familles de voies de co-stimulation lymphocytaire

Superfamille des immunoglobulines

CD28 / B7-1 (CD80), B7-2 (CD86) ICOS / ICOSL PD-1 / PD-L1, PD-L2 B7H3 B7H4 BTLA

Superfamille des récepteurs du TNF␣

OX40 (CD134) / OX40L 4-1BB (CD137) / 4-1BBL CD27 / CD70

Récepteurs des cytokines

IL-2R IL-7R IL-15R IL-1R IL-6R

ICOS : inducible costimulator ICOSL : ICOS ligand PD-1 : programmed cell death-1

PD-L1 et PD-L2 : ligands de PD-1 BTLA: B and T lymphocyte attenuator

Sur le plan de l’expression cellulaire, les molécules des voies de co-stimulation sont exprimées par les cellules du système immunitaire, lymphocytes T et B, CPA, cellules dendritiques, monocytes, mais aussi par des cellules n’appartenant pas au système lymphoïde. TABLEAU 2 TABLEAU 2 - Expression des principales molécules des voies de co-stimulation selon le type cellulaire [en bleu est (sont) indiquée (s) la ou les protéines interagissant avec la molécule de co-stimulation]

Lymphocyte T

CD28 [B7-1, B7-2] CTLA-4 (ou CD152) [B7-1, B7-2] ICOS [ICOSL] PD-1 [PD-L1, PD-L2] BTLA [B7H4] CD40L [CD40] OX40 (ou CD134) [OX40L] 4-1BB (CD137) [4-1BBL] CD27 [CD27L]

Lymphocyte B

B7-2 [CD28] PD-1 [PD-L1, PD-L2] PD-L1 [PD-1] ICOSL [ICOS] CD40L [CD40] (OX40) OX40L [OX40] 4-1BB (CD137) [4-1BB]

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CPA

B7-1 (CD80) [CD28, CTLA-4] B7-2 (CD86) [CD28, CTLA-4] ICOSL [ICOS] CD40 [CD40L] OX40L [OX40] 4-1BB (CD137) [4-1BBL]

Monocyte/Macrophage

B7-2 [CD28, CTLA-4] PD-L1, PD-L2 [PD-1] B7H3 [?] ICOSL CD40L 4-1BB

Cellule dendritique

B7-2 PD-L1, PD-L2 B7-H3 CD40L (OX40) OX40L

Cellules en dehors du système lymphoïde

PD-L1 ICOSL OX40L

■ Les molécules appartenant à la superfamille des immunoglobulines Il s’agit des molécules de la famille B7. Cette famille comprend les voies CD28/ B7-1 (ou CD80), B7-2 (ou CD86), PD-1 / PD-L1, PD-L2, ICOS / ICOSL, B7H3, B7H4 et BTLA. La voie de co-stimulation la mieux connue et dont le rôle dans l’activation lymphocytaire est bien établi est la voie CD28 / B7-1, B7-2. TABLEAU 3 ■ La voie CD28, B7-1, B7-2

CD28 est exprimé par le lymphocyte T. Son interaction avec les molécules B7-1 (ou CD80) et B7-2 (ou CD86) après le premier signal d’activation sera responsable de la délivrance du second signal (signal positif), à l’origine de la réponse immunologique complète et soutenue, avec accumulation intracellulaire de facteurs de transcription (AP-1, Nuclear Factor of Activated T cells ou NFAT), production d’interleukine 2 (IL-2) et d’autres cytokines (IFN␥), division cellulaire et prolifération lymphocytaire. FIGURE 1 FIGURE 1 - Conséquences fonctionnelles de l’activité des molécules CD28, CTLA-4 (CD152) et B7-1 (CD80), B7-2 (CD86)

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CTLA4-Ig : protéine de fusion entre CTLA4 humaine et le fragment Fc d’une immunoglobuline G1 ou abatacept TCR : récepteur de l’antigène des cellules T

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CTLA-4 est exprimée également sur le lymphocyte T et interagit avec les mêmes ligands que CD28, avec une affinité plus importante. Cette interaction CTLA-4 / B7-1, B7-2 est à l’origine d’un signal inhibiteur de l’activation cellulaire (signal négatif). CTLA-4 est exprimée faiblement par les cellules T non activées, et de façon plus importante après le premier signal d’activation. L’interaction de CTLA-4 avec ses ligands est responsable d’une inhibition de la transcription de l’IL-2 en inhibant la translocation de NFAT dans le noyau cellulaire. L’importance de cette voie de co-stimulation est illustrée par les modèles animaux : les souris génétiquement invalidées pour le gène de CTLA-4 meurent rapidement d’une prolifération lymphocytaire massive infiltrant divers organes. Inversement, dans le modèle de l’arthrite au collagène, les souris déficientes en CD28 sont protégées et ne développent pas d’arthrite. ■

La voie PD-1, PD-L1, PD-L2 Le récepteur PD-1 a été initialement décrit à partir des lignées cellulaires destinées à la mort cellulaire d’où cette appellation (Programmed Death-1). La molécule PD-1 est exprimée après l’activation cellulaire T et B. Elle est exprimée sous forme de monomères à la surface des cellules T CD4+, T CD8+, des cellules B, des cellules myéloïdes. Les ligands de PD-1 sont PD-L1 (ou B7H1) et PD-L2 (B7DC). PD-L1 est exprimé de façon constitutive sur les cellules T, B, les macrophages et les cellules dendritiques, mais cette expression est régulée par l’activation de ces différentes cellules. PD-L1 est également exprimé en dehors des cellules lymphoïdes au niveau du cœur, du placenta, du poumon et du pancréas. Inversement, PD-L2 est exprimé après stimulation par les cytokines à la surface des macrophages et cellules dendritiques. De plus, PD-L1 est exprimé sur les cellules T régulatrices. L’interaction entre PD-1 et ses récepteurs PD-L1 ou PD-L2 est à l’origine d’un signal inhibiteur de l’activation médiée par le TCR, de la production de cytokines (IL 2), et touche aussi bien les cellules T que B. PD-1 joue un rôle dans la différenciation des lymphocytes B et est exprimée à la surface des lymphocytes B activés. L’interaction PD-1 / PD-L1 est à l’origine d’une régulation négative de la prolifération et de la différenciation cellulaire B. Les souris déficientes (knock-out) en PD-1 présentent un état de prolifération lymphocytaire T et B ainsi qu’une prédisposition à l’auto-immunité. Les souris PD-1 développent un tableau de lupus avec des arthrites et une glomérulonéphrite. D’autres souches de souris déficientes en PD-1 développent une cardiomyopathie.

■ La voie ICOS / ICOSL

ICOS (Inducible COStimulatory receptor) est une molécule induite à la surface des cellules T CD4+ et T CD8+ lors de l’activation lymphocytaire. Le ligand d’ICOS (ICOSL ou B7h) est exprimé de façon constitutive sur les cellules B, les macrophages, mais aussi lors de la réaction inflammatoire sur des tissus n’appartenant pas au système lymphoïde : cellules endothéliales, fibroblastes, cellules épithéliales. La stimulation par l’intermédiaire de CD28 ou d’ICOS présente certaines similitudes, bien que l’activation par la seule voie ICOS n’apparaisse pas optimale. En fait, ces 2 voies sont considérées comme agissant en synergie, la voie CD28 étant importante à la phase initiale de la co-stimulation, la voie ICOS jouant un rôle plus tardif pour le maintien de l’activation lymphocytaire. ICOS est exprimé sur les cellules T effectrices et notamment sur les cellules de phénotype Th2. La voie ICOS joue un rôle important dans la production d’IL-10 et un rôle régulateur en auto-immunité et dans l’allergie. ■ B7H3, B7H4, BTLA

B7H3 est exprimée après activation par les cytokines inflammatoires sur les cellules dendritiques et les monocytes. Le ligand de B7H3 est pour le moment inconnu. L’interaction entre ces 2 molécules est source d’une activation cellulaire bien que certains travaux considèrent plutôt l’inverse. La mise en jeu de B7H4 est à l’origine d’un signal inhibiteur sur les cellules T CD4+, CD8+ et des cellules B. B7H4 est exprimée par certaines cellules tumorales suggérant son implication dans l’immunité anti-tumorale. BTLA (B and T Lymphocyte Attenuator) est considéré pour l’instant comme le récepteur de B7H4 FIGURE 2 . BTLA est exprimé par les cellules T de phénotype Th1 et non Th2. Les animaux déficients en BTLA développent une lymphoprolifération, une augmentation des réponses anticorps spécifiques et ont une susceptibilité augmentée pour le développement de l’encéphalomyélite allergique expérimentale.

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FIGURE 2 - Molécules de la famille CD28 / B7 avec nature du signal induit

ICOS : inducible costimulator PD-L1 et PD-L2 : ligands de PD-1 ICOSL : ICOS ligand BTLA : B and T lymphocyte attenuator PD-1 : programmed cell death-1 Flèche verte : signal amplificateur de la réponse immune • Flèche rouge : signal inhibiteur

■ La voie CD40 / CD40L CD40 ligand (CD40L ou CD154) est un membre de la famille du TNF. Cette glycoprotéine membranaire est principalement exprimée sur les cellules T CD4+ et ce rapidement après l’activation via le récepteur T. Il s’agit d’un marqueur précoce d’activation lymphocytaire. CD40 est exprimé de façon constitutive sur les lymphocytes B, les macrophages et les cellules dendritiques. L’interaction de CD40L avec CD40 est à l’origine d’un signal d’activation : cette interaction induit des fonctions effectrices (régulation de l’expression des molécules d’adhésion sur les cellules endothéliales, production de cytokines pro-inflammatoires par les cellules présentatrices d’antigènes, différenciation cellulaire B et switch des immunoglobulines, formation des cellules B mémoires). L’expression de CD40L est régulée par la liaison du TCR à l’antigène et par d’autres molécules de co-stimulation, notamment CD28 et ICOS. ■ Les voies de co-stimulation appartenant à la famille des récepteurs des cytokines Il s’agit principalement de OX40, 4-1BB, et CD27.

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■ OX40 (ou CD134) est exprimée principalement sur les lymphocytes T CD4+, et à un moindre degré sur

les cellules T CD8+, les lymphocytes B et les cellules dendritiques. Cette molécule est induite lors de l’activation cellulaire via le TCR. Les cellules T activées et présentes aux sites inflammatoires (exemple de la synoviale de PR) expriment OX40. Le ligand d’OX40 ou OX40L est observé à la surface des CPA, cellules dendritiques, les lymphocytes B et macrophages. OX40L est également exprimé par les cellules endothéliales, favorisant ainsi la migration des lymphocytes T aux sites inflammatoires. ■ 4-1BB (ou CD137) : il est exprimé par les lymphocytes T CD4+ et CD8+ activés, mais aussi par les lym-

phocytes B, macrophages, cellules dendritiques et cellules NK. Son ligand ou 4-1BBL est retrouvé à la surface des CPA, après activation cellulaire. ■ CD27

: à l’inverse des 2 molécules précédentes, il est exprimé par les lymphocytes T non activés. Son ligand, CD27L (ou CD70) est inductible sur les CPA professionnelles. Ces différentes molécules présentent de nombreuses similitudes, notamment les types cellulaires sur 7

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lesquels elles sont exprimées. Elles sont responsables d’un signal de type activateur (signal positif), que ce soit isolément ou en association avec CD28. Toutefois, elles ne sont pas mises en jeu simultanément et, probablement successivement, assurant ainsi des fonctions différentes dans la phase d’expansion ou de maintenance de la réponse cellulaire après la reconnaissance antigénique par le TCR et l’activation de la voie CD28. Ainsi, ces différentes molécules coopèrent de façon séquentielle. Ces différentes voies de co-stimulation présentent ainsi des niveaux d’expression variés et ont des effets différents sur l’activation lymphocytaire. Certaines molécules sont exprimées par les lymphocytes T régulateurs, notamment CTLA-4 qui est observé de façon constitutive sur ces cellules et qui joue un rôle dans la différenciation et le développement des lymphocytes T conventionnels vers les lymphocytes T régulateurs. TABLEAU 3 - Expression cellulaire et fonction des membres de la famille CD28 / B7 des voies de co-stimulation Membre de la famille B7 Expression cellulaire du ligand (ligand) B7-1 (CD80) B7-2 (CD86)

monocytes, cellules dendritiques, et lymphocytes B (i)

CD28 CTLA-4 (CD152)

PD-L1 (B7H1)

Effet principal sur la réponse immune

lymphocytes T naïfs ou activés lymphocytes T activés

co-stimulation production d’IL-2 inhibition

monocytes (i) cellules dendritiques (i) kératinocytes (i) lymphocytes T CD3+ (i) lymphocytes B (i) tissus non lymphoïdes (i)

PD-1

lymphocytes T (i) lymphocytes B (i)

inhibition de l’activation cellulaire T et de la production de cytokines

PD-L2 (B7DC) cellules dendritiques (c) macrophages (i)

PD-1

lymphocytes T (i) lymphocytes B (i)

inhibition de l’activation lymphocytaire et de la production de cytokines

ICOSL (B7h)

lymphocytes B (c) macrophages spléniques et péritonéaux (c) cellules dendritiques (i) tissus non lymphoïdes variés (i)

ICOS

lymphocytes T (i)

co-stimulation production d’IL-4, IL-10, IL-13 et IFN␥

B7H3

cellules dendritiques (i) monocytes (i) lymphocytes T (i)

Non identifié

lymphocytes T (i)

co-stimulation production d’IFN␥

B7H4

lymphocytes T (i) lymphocytes B (i) monocytes (i) cellules dendritiques (i)

BTLA (?)

lymphocytes T (i)

inhibition

PD-L1 : programmed death-1 ICOS : inducible costimulator CTLA-4 : cytotoxic T lymphocyte antigen-4

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Récepteur Expression cellulaire sur les cellules T du récepteur

BTLA : B and T lymphocyte attenuator (i) : inductible (c) : constitutif

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Comment explorer les voies de co-stimulation ?

1. En pratique À ce jour, aucune des méthodes d’exploration des voies de co-stimulation utilisées en recherche n’est accessible à la pratique clinique quotidienne en immunopathologie humaine. Les dysfonctionnements des voies de co-stimulation pouvant favoriser la survenue de pathologies auto-immunes, infectieuses et/ou tumorales, il faut interroger le patient à la recherche d’antécédents personnels et/ou familiaux de telles affections. Les voies de co-stimulation jouant un rôle essentiel à la phase d’induction de l’activité des cellules T, les différentes méthodes d’analyse de l’immunité cellulaire peuvent indirectement fournir des informations sur leur fonctionnement : • analyse globale fonctionnelle : étude in vivo d’une réaction cellulaire à l’injection d’un antigène (test à la tuberculine par exemple) ; • analyse globale quantitative : étude ex vivo par phénotypage des lymphocytes périphériques (cellules T CD3+ ou cellules B CD19+ CD20+) et des monocytes circulants (CD14+) en cytométrie de flux avec quantification de l’expression membranaire de CD28, CD152 [CTLA-4], CD154 [CD40L] sur les cellules T et/ou quantification de l’expression membranaire de CD80, CD86, CD40 sur les monocytes ou les cellules B par exemple.

2. En recherche Schématiquement, on peut illustrer l’exploration des voies de co-stimulation en recherche par les techniques de biologie cellulaire et de biologie moléculaire in vitro, l’étude des souris génétiquement invalidées in vivo, ainsi que l’évaluation des protéines de fusion et des anticorps monoclonaux activant ou bloquant les différentes molécules de co-stimulation ou leurs récepteurs en recherche clinique. ■ In vitro L’analyse fonctionnelle in vitro des voies de co-stimulation repose sur l’étude de l’activation, de la prolifération ou de la différenciation de lymphocytes (cellules T, B ou NK) et de CPA (cellules dendritiques, monocytes/macrophages, cellules B) en culture. Les lymphocytes et les CPA peuvent être préparés à partir du sang périphérique, d’organes lymphoïdes centraux ou périphériques ou d’autres tissus, d’origine animale ou humaine. Les lymphocytes peuvent être étudiés en conditions basales ou après stimulation des lymphocytes par des mitogènes polyclonaux (phytohémagglutinine [PHA] et concavaline A [ConA] pour les cellules T, pokeweed mitogen [PWM] pour les cellules T et B), différentes cytokines (interleukine-2 par exemple) ou différents anticorps monoclonaux (anticorps anti-CD3 et anti-CD28 par exemple). Les CPA peuvent elles aussi être étudiées en conditions basales ou après stimulation par du LPS, des cytokines (TNF␣ par exemple) ou du CD40L. L’activation des lymphocytes peut être évaluée sur le phénotype cellulaire analysé en cytométrie de flux (expression de CD69, de CD25, de molécules de classe II du CMH, ainsi que des différentes molécules de co-stimulation inductibles), mais aussi sur leur production de cytokines (interleukine-2, interféron-␥ ou interleukine 4 par exemple) analysée par des tests fonctionnels ou des tests quantitatifs (ELISA, ELISA sandwich ou ELISPOT). L’activation des CPA peut elle aussi être évaluée sur le phénotype cellulaire analysé en cytométrie de flux (expression de CD86, de CD80, de CD40), ainsi que sur la production de cytokines (TNF␣, interleukine-10 ou interleukine-12 par exemple). Ces différentes techniques de biologie cellulaire, combinées aux outils issus de la biologie moléculaire, ont contribué à l’analyse fonctionnelle des voies de co-stimulation, en évaluant in vitro l’impact des protéines de fusion et des anticorps monoclonaux activant ou bloquant les différentes molécules de co-stimulation ou leurs récepteurs.

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■ In vivo L’analyse fonctionnelle in vivo des voies de co-stimulation a bénéficié de l’étude des souris génétiquement invalidées pour les différentes molécules de co-stimulation. A titre d’exemple, les souris déficientes en CD40 ou en CD40L sont caractérisées par un défaut de formation des centres germinatifs, ainsi que par un défaut de switch de classe des immunoglobulines, avec une élévation anormale des IgM et un déficit en IgG et en IgA, autant d’anomalies observées en pathologie humaine dans le syndrome d’hyper-IgM résultant d’un déficit en CD40L.

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■ Évaluation à visée thérapeutique Enfin, l’analyse fonctionnelle des voies de co-stimulation a largement bénéficié de l’évaluation à visée thérapeutique, chez l’animal, puis chez l’homme, des protéines de fusion et des anticorps monoclonaux activant ou bloquant les différentes molécules de co-stimulation ou leurs récepteurs, dans les domaines de l’auto-immunité, de la cancérologie et de la transplantation, qui sera abordée plus avant dans ce chapitre.

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Le rôle des voies de co-stimulation en pathologie

1. L’exemple de la pathologie tumorale La prise de conscience progressive de l’importance des voies de co-stimulation dans la régulation des réponses cellulaires T anti-tumorales a naturellement conduit au développement de nouvelles stratégies d’immunothérapie, visant à renforcer l’immunité anti-tumorale en bloquant les voies inhibitrices, telle CTLA-4 – B7 ou PD-1 – PD-L1, ou en stimulant les voies activatrices, telle CD40L – CD40, 4-1BB – 4-1BBL ou OX40 – OX40L. ■ Cellules tumorales et ligands de molécules de co-stimulation Une des raisons pour lesquelles les cellules tumorales n’induisent pas de réponse immunitaire antitumorale tient au fait qu’elles n’expriment pas de ligands des molécules de co-stimulation, ce qui les rend invisibles aux yeux du système immunitaire. La démonstration de ce concept a été faite par des études montrant que l’induction de l’expression de B7 par transfection de cellules tumorales était suffisante pour induire un rejet de ces cellules tumorales, médié par les cellules T. Ainsi, il apparaît que l’initiation de réponses cellulaires T anti-tumorales nécessite au préalable la présentation d’antigènes dérivés des cellules tumorales par des CPA de l’hôte, exprimant des ligands des molécules de co-stimulation, selon une procédure de “cross-priming”. Ces CPA phagocytent le matériel issu de cellules tumorales, apprêtent les antigènes tumoraux, puis présentent les peptides issus de ces antigènes dans le contexte des molécules de classe II du CMH de l’hôte, permettant ainsi une réponse immunitaire médiée par les cellules T CD4+ de l’hôte, spécifique des épitopes antigéniques tumoraux. L’expression de CTLA-4 par les CPA de l’hôte pouvant inhiber de telles réponses cellulaires T antitumorales, le blocage des signaux inhibiteurs médiés par CTLA-4, lors des interactions entre les CPA et les cellules T, a été testé comme une approche visant à augmenter la réponse immunitaire antitumorale dans des modèles animaux, puis en pathologie humaine. ■ Blocage de CTLA-4 : combinaison anticorps / agents thérapeutiques Dans des modèles murins de transplantations tumorales, l’administration d’anticorps bloquant les interactions de CTLA-4 avec B7 a permis le rejet de différentes tumeurs, tels que carcinomes colique, rénal et prostatique, fibrosarcome et lymphome, même plusieurs jours après l’implantation tumorale. FIGURE 3 FIGURE 3 - Rationnel du blocage de CTLA-4 dans le domaine de l’immunothérapie anti-tumorale L’initiation de réponses cellulaires T antitumorales nécessite au préalable la présentation d’antigènes dérivés des cellules tumorales par des cellules dendritiques (DC) de l’hôte, exprimant des ligands des molécules de co-stimulation, selon une procédure de “cross-priming”. Ces cellules dendritiques phagocytent le matériel issu de cellules tumorales (étape 1), apprêtent les antigènes tumoraux, puis présentent les peptides issus de ces antigènes dans le contexte des molécules de classe II du CMH de l’hôte (peptide-MHC), permettant ainsi une réponse immunitaire médiée par les cellules T CD4+ de l’hôte (T␭), spécifique des épitopes antigéniques tumoraux (étape 2). La mise en jeu de la voie inhibitrice CTLA-4 – B7, par les cellules de l’hôte, pouvant inhiber de telles réponses cellulaires T anti-tumorales (étape 3), le blocage des signaux inhibiteurs médiés par CTLA-4, lors des interactions entre les cellules dendritiques et les cellules T, a été testé comme une approche visant à augmenter la réponse immunitaire anti-tumorale dans des modèles animaux, puis en pathologie humaine (étape 4) (d’après Egen J et al. Nature Immunol 2002).

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Cependant, le seul blocage de CTLA-4 par un anticorps anti-CTLA-4 s’est avéré inefficace pour stopper la croissance d’autres tumeurs, de plus faible immunogénicité, tels que mélanomes et carcinomes mammaires. L’efficacité anti-tumorale du seul blocage de CTLA-4 étant inconstante, les recherches ultérieures ont évalué l’efficacité anti-tumorale des anticorps anti-CTLA-4, en combinaison à d’autres agents thérapeutiques potentiels, tel que le vaccin GM-B16. Ce vaccin, constitué de cellules tumorales irradiées capables de produire du GM-CSF “Granulocyte-Macrophage Colony Stimulating Factor”, avait au préalable fait la preuve de son efficacité dans l’induction d’une immunité anti-tumorale utile dans le traitement prophylactique, mais pas dans le traitement curatif, du mélanome B16. Toujours dans des modèles animaux de transplantation tumorale, la combinaison d’anticorps anti-CTLA-4 et de vaccin cellulaire tumoral GM-B16 s’est avérée synergique, dans sa capacité à favoriser le rejet de différentes modèles tumoraux, tels que le mélanome B16, le carcinome mammaire SM1 et l’adénocarcinome prostatique, au prix d’une dépigmentation cutanée progressive des souris du modèle de mélanome B16, évoquant le vitiligo parfois observé chez l’homme en rémission d’un mélanome. L’efficacité anti-tumorale de la combinaison d’anticorps anti-CTLA-4 et d’autres agents thérapeutiques, incluant la déplétion en cellules T régulatrices CD25+, la radiothérapie, la chimiothérapie et l’administration de désoxynucléotides contenant des motifs CpG, a par la suite été confirmée dans d’autres modèles animaux de tumeurs. ■ Evaluation du blocage de CTLA-4 Au vu de ces résultats encourageants chez l’animal, l’efficacité du blocage de CTLA-4 a été évaluée dans le domaine de l’immunothérapie anti-tumorale chez l’homme. Deux anticorps anti-CTLA4 (MDX-010 et CP-675,206 [ticilimumab]) ont à ce jour été évalués dans plusieurs essais cliniques de phase I et de phase II précoce, ayant inclus des patients atteints de mélanomes métastatiques, de carcinomes rénaux, mais aussi de carcinomes prostatique, ovarien, mammaire et colique. TABLEAU 4 TABLEAU 4 - Synthèse des résultats des principales études cliniques ayant évalué le blocage de CTLA-4 dans le domaine de l’immunothérapie anti-tumorale Anti-CTLA-4 ± adjuvant

Schéma thérapeutique

Pathologie tumorale

Répondeurs (n) / sujets traités (n)

Ipilimumab monothérapie

3 mg/kg x1

Mélanome Ovarienne

0/7 0/2

Hodi F et al. PNAS 2003.

Ipilimumab monothérapie

3 mg/kg x1

Prostatique

2/14

Davis T et al. Am Soc Clin Oncol 2002 (Abstract).

Ipilimumab monothérapie

3 mg/kg / 3 sem 1 mg/kg / 3 sem

Rénale Rénale

1/21 5/40

Yang J et al. Am Soc Clin Oncol 2005 (Abstract).

Ticilimumab monothérapie

3-10 mg/kg / 4 sem

Mélanome

1/14

Ribas A et al. Am Soc Clin Oncol 2005 (Abstract).

Ticilimumab monothérapie

0,01-15 mg/kg x1

Mélanome Rénale Colique

4/34 0/4 0/1

Ribas A et al. J Clin Oncol 2005.

Ticilimumab monothérapie

10 mg/kg / 4 sem 15 mg/kg / 12 sem

Mélanome

3/16 2/10

Reuben J et al. Am Soc Clin Oncol 2005 (Abstract).

Ipilimumab + vaccin peptidique

3 mg/kg / 3 sem 1 mg/kg / 3 sem

Mélanome

4/29 3/27

Attia P et al. J Clin Oncol 2005.

Ipilimumab + vaccin peptidique

0,3-3 mg/kg / 3 sem

Mélanome

7/19

Sanderson K et al. J Clin Oncol 2005.

Ipilimumab • monothérapie • + dacarbazine

3 mg/kg / 4 sem

Mélanome

2/37 6/35

Fischkoff S et al. Am Soc Clin Oncol 2005 (Abstract).

Référence

Ce tableau fait la synthèse des résultats des principales études cliniques ayant évalué le blocage de CTLA-4 dans le domaine de l’immunothérapie anti-tumorale. Ces études ont fait appel à 2 anticorps monoclonaux recombinants humains anti-CTLA-4 : le MDX-010 (Ipilimumab) utilisé en monothérapie ou en association avec des vaccins peptidiques ou le CP-675,205 (Ticilimumab) utilisé en monothérapie (d’après Peggs K et al. Curr Opin Immunol 2006).

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Les taux de réponse thérapeutique objective varient de 7 à 17 % chez des patients qui sont le plus souvent en échec de plusieurs lignes thérapeutiques antérieures, avec des réponses de durée parfois significative, pouvant concerner différents sites métastatiques. Le schéma thérapeutique optimal de l’administration des anticorps anti-CTLA-4 reste à définir : dose et rythme optimaux, monothérapie ou association à un vaccin peptidique ou à d’autres agents thérapeutiques, tel l’interleukine-2. Il faut cependant souligner que dans le cadre de l’immunothérapie anti-tumorale, l’administration d’anticorps anti-CTLA-4 s’accompagne fréquemment d’effets indésirables de nature auto-immune, concernant principalement la peau (dermatites parfois graves, vitiligo) et le tube digestif (colites parfois graves), mais aussi les yeux (uvéites), le foie (hépatites) et le système endocrinien (hypophysites, thyroïdites), caractérisés sur le plan anatomopathologique par des infiltrats inflammatoires riches en cellules T. ■ Autres blocages à l’étude Le renforcement potentiel de l’immunité anti-tumorale par le blocage de la voie inhibitrice PD-1 – PD-L1 ou la stimulation des voies activatrices CD40L – CD40, 4-1BB – 4-1BBL ou OX40 – OX40L étant à ce jour moins avancé sur le plan expérimental et en termes d’applications cliniques, il ne sera pas abordé dans ce chapitre.

2. L’exemple des maladies auto-immunes ■ Phénomène de tolérance immunologique Les voies de co-stimulation jouent donc un rôle dans le contrôle de l’activation cellulaire et sont donc impliquées dans les phénomènes de tolérance. Certaines molécules caractérisent par ailleurs les cellules T régulatrices, effecteur important de la tolérance immunologique. Il existe au cours des pathologies auto-immunes des réponses immunitaires aberrantes ou exagérées vis-à-vis d’un ou de plusieurs auto-antigènes, la plupart étant non ou mal identifiés. Cette réponse immunitaire aberrante peut relever de mécanisme de régulation défectueux impliquant les voies de co-stimulation. On considère en effet qu’il existe dans les maladies autoimmunes, un déséquilibre entre les signaux d’activation lymphocytaire et les signaux inhibiteurs. Certaines molécules de la co-stimulation sont par ailleurs exprimées au niveau tissulaire (y compris la synoviale), contribuant ainsi aux lésions et réactions inflammatoires locales. FIGURE 4

Chapitre 5

FIGURE 4 - Déséquilibre des voies de co-stimulation au cours des maladies auto-immunes

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Ce déséquilibre peut résulter de différents mécanismes : • soit par augmentation de l’expression des molécules amplifiant ou favorisant la réponse immunitaire (exemple de CD40L dans la PR), ou par l’intermédiaire d’un polymorphisme génétique (exemple de CTLA-4 et du diabète de type I et des thyroïdites autoimmunes), ou par l’expression aberrante des molécules de co-stimulation sur des types cellulaires qui ne les expriment pas de façon constitutive, ou non expression des molécules de co-stimulation ayant une fonction inhibitrice ; • soit par une diminution de l’activité des molécules à l’origine d’une inhibition de l’activation lymphocytaire, par baisse des lymphocytes T régulateurs, aboutissant à un défaut de tolérance.

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L’implication des voies de co-stimulation dans les pathologies auto-immunes est illustrée par les modèles animaux qui présentent une déficience sur une voie (cf. infra) par exemple : • un déficit en CTLA-4 (signal inhibiteur de l’activation cellulaire) est responsable d’un tableau lymphoprolifératif non compatible avec la vie ; • certaines lignées de souris déficientes en PD-1 (voie inhibitrice) développent un lupus. ■ Rôle du polymorphisme de CTLA-4 D’autre part, les maladies auto-immunes sont caractérisées par une susceptibilité génétique. Il existe des polymorphismes sur les gènes codant pour ces différentes molécules qui peuvent potentiellement influencer sur la survenue et/ou la sévérité de ces pathologies. Les gènes codant pour CD28 et CTLA-4 sont situés chez l’homme sur le chromosome 2 en position 2q33. Quatre polymorphismes du gène de CTLA-4 (situés sur le promoteur, l’exon 1, l’exon 3 et sur une région non transcrite) ont particulièrement été étudiés en pathologie humaine. Certains de ces polymorphismes exercent une influence sur le niveau de prolifération lymphocytaire : ainsi, l’allèle G en position 49 de l’exon 1 est associé à un niveau élevé de prolifération alors que l’allèle A est lié à une capacité de prolifération réduite. L’allèle G pourrait donc être associé à une rupture de tolérance et à certaines maladies autoimmunes comme le diabète de type I. En revanche, la sclérose en plaques n’a pas été associée à un polymorphisme de CTLA-4. Un polymorphisme particulier en région distale du gène a été relié à la maladie de Basedow, au diabète de type I et aux thyroïdites auto-immunes. Ce polymorphisme aboutit à une moindre production d’une forme circulante de CTLA-4 ou CTLA-4 soluble, qui a une fonction immunologique non précisée pour l’instant. Dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), l’étude du polymorphisme de CTLA-4 donne des résultats contradictoires : certains polymorphismes ont été associés au risque de développer une PR dans des populations espagnoles ou chinoises, mais pas dans d’autres populations (Corée, Royaume-Uni). D’autres études ne mettent en évidence une association entre CTLA-4 et la PR qu’après stratification des patients sur les gènes HLA classiquement associés à la PR, HLA-DRB1 notamment. Ainsi, si certains polymorphismes de CTLA-4 semblent jouer un rôle dans la susceptibilité ou l’expression de certaines maladies auto-immunes endocriniennes, leur influence dans la PR semble minime. ■ Co-stimulation et pathologies auto-immunes D’autres voies de co-stimulation semblent particulièrement impliquées dans les pathologies auto-immunes : ■ dans la PR :

• il existe une augmentation de l’expression de CD40L au niveau des cellules T CD4+ par rapport à des sujets sains, notamment chez les patients ayant une maladie active. L’interaction entre CD40L exprimé sur les cellules T activées et les lymphocytes B producteurs de facteurs rhumatoïdes et exprimant CD40 est importante, illustrant le rôle joué par cette voie de co-stimulation dans la production de facteurs rhumatoïdes. Enfin, l’interaction CD40-CD40L joue également un rôle dans la production du VEGF, médiateur important de l’angiogenèse ; • il existe une augmentation de l’expression de PD-1 au niveau des cellules T CD4+ du liquide synovial. ■ dans le lupus, il existe une augmentation de l’expression de CD40L au niveau des cellules mononucléées

du sang circulant, des lymphocytes T CD4+ et lymphocytes B. Les monocytes de patients atteints de lupus expriment CD40L de façon aberrante. Il existe une forme soluble de CD40L (CD40Ls), résultant du clivage de CD40L à la surface des lymphocytes T activés ; CD40Ls a des fonctions immunologiques et son taux plasmatique est élevé chez les lupiques par rapport aux témoins sains. De plus, il existe une corrélation entre CD40Ls et l’activité de la maladie. Tenant compte de ces données, cette voie a fait l’objet d’un ciblage thérapeutique par des anticorps dirigés contre CD40L.

3. L’exemple des déficits immunitaires congénitaux Les modèles animaux de souris génétiquement invalidées pour les gènes codant pour les voies de co-stimulation montrent l’importance de ces molécules dans l’activation cellulaire et la réponse immunitaire. En pathologie humaine, il existe certains déficits constitutionnels des voies de co-stimulation : • une mutation portant sur le gène de CD40L est associée au syndrome hyper-IgM lié à l’X, touchant la voie CD40 des lymphocytes B, ce qui a comme conséquences un défaut du switch des immunoglobulines, un déficit en IgG et IgA, une concentration normale ou élevée en IgM et des infections récidivantes ; • le déficit immunitaire commun variable est caractérisé par des infections récurrentes et une hypogammaglobulinémie. Il résulte d’un défaut de coopération B-T et un déficit des voies de co-stimulation est associé à certaines formes de ce déficit, notamment par mutation sur ICOS. 14

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Quels traitements pour moduler les voies de co-stimulation ?

1. Quels traitements pour moduler les voies de co-stimulation ? ■ Glucocorticoïdes Les actions anti-inflammatoires et immunomodulatrices des glucocorticoïdes mettent en jeu leurs multiples effets génomiques et non génomiques sur les différentes cellules impliquées dans les réactions inflammatoire et immunitaire. ■ La dexaméthasone agit sur les CPA, en inhibant d’une part, l’expression des molécules de co-stimulation

par les monocytes et d’autre part, la différentiation des monocytes en cellules dendritiques puis la maturation de ces cellules. Elle inhibe ainsi l’expression de CD80 et de CD86 par des monocytes humains issus du sang périphérique de volontaires sains. Elle inhibe par ailleurs la maturation des cellules dendritiques, préalablement stimulées par des ligands des TLR ou du CD40, ce qui se traduit pour ces cellules par la conservation d’un phénotype de cellules dendritiques immatures, caractérisées par une faible expression membranaire des molécules de classe II du CMH et des molécules de co-stimulation CD80, CD86 et CD40, une faible production d’interleukine-12 et une production élevée d’interleukine-10, ainsi qu’une incapacité à assurer une présentation efficace des antigènes aux cellules T. Cette inhibition de la maturation des cellules dendritiques implique l’induction par la dexaméthasone de l’expression intracellulaire de GILZ “GC-Induced Leucine Zipper”, se traduisant par un déficit fonctionnel des cellules dendritiques, contribuant ainsi aux faibles réponses lymphocytaires observées chez les patients traités par glucocorticoïdes. La dexaméthasone agit aussi sur les lymphocytes, en inhibant l’expression de CD40 et de CD86 sur les cellules B et en modulant l’expression des molécules de co-stimulation sur les cellules T, avec des résultats parfois contradictoires, traduisant la variabilité de l’effet de ce glucocorticoïde en fonction de l’état d’activation et de différenciation des cellules T qui diffère selon les conditions expérimentales. Ainsi, la dexaméthasone augmente-t-elle l’expression membranaire de CTLA-4 et de CD28 sur des cellules T spléniques murines stimulées par des anticorps anti-CD3 et anti-CD28, alors qu’elle inhibe l’expression membranaire de CTLA-4 et de CD28 sur des cellules T périphériques humaines stimulées par de la PHA. Elle diminue par ailleurs l’expression membranaire de CD40L sur des cellules T humaines issues du sang périphérique de volontaires sains. ■ La

méthylprednisolone et la prednisolone modulent elles aussi les voies de co-stimulation des CPA et des lymphocytes. La méthylprednisolone diminue l’expression membranaire de CD80 et CD86 sur des monocytes, des cellules dendritiques ou des lymphocytes B périphériques humains, ainsi que l’expression membranaire de CD154 induite par un anticorps anti-CD3 sur des cellules T spléniques murines. La prednisolone diminue quant à elle l’expression membranaire de CD80 sur des monocytes humains préalablement activés par de l’interféron-␥, ainsi que la maturation de cellules dendritiques humaines, ainsi que les taux sériques des CD86 solubles chez des patients atteints d’un asthme allergique.

■ Méthotrexate, sulfasalazine et léflunomide Les données dont nous disposons sur la modulation des voies de co-stimulation par les principaux traitements de fond classiques sont très parcellaires.

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■ In

vitro, une exposition de longue durée à une forte concentration de méthotrexate induit une diminution de l’expression de CD28 sur des cultures de cellules T de Jurkat résistantes au méthotrexate, alors qu’une exposition de courte durée à de plus faibles concentrations de méthotrexate n’induit pas de modification significative de l’expression de CD80, de CD86 ou de CD40 sur des monocytes humains issus de patients atteints de PR.

■ In

vitro, la sulfasalazine inhibe la maturation de cellules dendritiques humaines qui conservent un phénotype de cellules dendritiques immatures, notamment caractérisé par une faible expression membranaire des molécules de co-stimulation CD80 et CD40.

■ In

vitro, le métabolite actif du léflunomide interrompt les interactions entre les CPA et les cellules T au niveau de la synapse immunologique, bloquant ainsi une des étapes essentielles de la réponse immunitaire adaptative. Il inhibe lui aussi la maturation de cellules dendritiques humaines, se traduisant par une 15

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faible expression membranaire des molécules de co-stimulation CD80 et CD40. Il inhibe par ailleurs l’activation et la prolifération de cellules T d’origine murine, ce qui se traduit par une diminution de l’expression de CD134. TABLEAU 5 TABLEAU 5 - Synthèse des effets des traitements classiques de la polyarthrite rhumatoïde sur les voies de co-stimulation Cellule cible

Effet biologique

Monocytes

expression CD80, CD86

Cellules dendritiques

expression CMH classe II expression CD80, CD86 et CD40

Lymphocytes B

expression CD86 et CD40

Lymphocytes T spléniques murins stimulés par anti-CD3 et anti-CD28

expression CD28 et CTLA-4

Lymphocytes T périphériques humains stimulés par PHA

expression CD28 et CTLA-4 expression CD40L

Monocytes Cellules dendritiques Lymphocytes B

expression CD80 et CD86

Lymphocytes T

expression CD40L

Prednisolone

Monocytes Cellules dendritiques

expression CD80 maturation

Méthotrexate

Lymphocytes T

expression CD28

Sulfasalazine

Cellules dendritiques

expression CD80 et CD40

Léflunomide

Cellules dendritiques

expression CD80 et CD40

Lymphocytes T

expression OX40

Dexaméthasone

Méthylprednisolone

Ce tableau fait la synthèse des effets des traitements classiques de la polyarthrite rhumatoïde sur les voies de co-stimulation, qu’il s’agisse des glucocorticoïdes (dexaméthasone, méthylprednisolone ou prednisolone) ou des traitements de fond classiques (méthotrexate, sulfasalazine ou métabolite actif du léflunomide).

Ainsi, au vu des données de la littérature, il apparaît qu’une partie des actions anti-inflammatoires et immunomodulatrices des glucocorticoïdes et des traitements de fond conventionnels fait intervenir la modulation des voies de co-stimulation.

2. Quels sont les effets des anti-TNF␣ ? ■ Modulation de l’immunité adaptative De nombreuses données, issues d’études in vitro et in vivo, démontrent que l’exposition prolongée à un excès de TNF␣, telle qu’on l’observe dans les affections inflammatoires chroniques, module de façon significative l’immunité adaptative. Dans ces conditions, le TNF␣ induit un état d’hyporéponse des cellules T aux stimulations antigéniques. Cet état d’hyporéponse des cellules T semble d’origine multifactorielle : diminution de l’expression membranaire et de la signalisation intracellulaire issue du complexe TCR / CD3, secondaire notamment à une diminution de l’expression d’une protéine adaptatrice transmembranaire appelée TRIM et de l’expression de la chaîne ␨ du TCR ; diminution de la production d’interleukine-2 au niveau transcriptionnel ; diminution de l’expression membranaire du CD28 au niveau transcriptionnel, imputable à l’inactivation d’un élément d’initiation transcriptionnelle du gène codant CD28 appelé CD28-Inr. La voie de co-stimulation CD28 – B7-1 / B7-2 n’est pas la seule a être influencée par le TNF␣ qui régule par ailleurs la voie CD40L – CD40 en augmentant l’expression membranaire et la signalisation intracellulaire du CD40 sur des cellules endothéliales. Cependant, malgré cet état d’hyporéponse aux stimulations antigéniques induit par l’exposition prolongée au TNF␣, les cellules T restent capables, au cours des affections inflammatoires chroniques, d’activer les macrophages et les fibroblastes synoviaux, ainsi que les ostéoclastes de l’os sous-chondral, via les cytokines et le contact direct avec ces cellules. 16

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■ En thérapeutique ■ Différentes études in vitro et in vivo ont démontré que les anti-TNF␣ utilisés en thérapeutique modulent eux

aussi de façon significative l’immunité adaptative. Ainsi, l’infliximab et l’étanercept semblent-ils rapidement rétablir les capacités de réponse des cellules T aux stimulations antigéniques, ainsi que la proportion de cellules T régulatrices CD4+ CD25+ dans le sang périphérique des patients atteints de PR. L’infliximab influence notamment la voie de co-stimulation CD28 – B7-1 / B7-2 en rétablissant l’expression membranaire du CD28 sur les cellules T, ce qui se traduit par une diminution de la proportion de cellules T CD4+ CD28- dans le sang périphérique des patients atteints de PR. Cette diminution de la proportion des cellules T CD4+ CD28- induite par l’infliximab pourrait avoir des implications thérapeutiques à long terme, quand on sait que leur proportion est anormalement élevée dans les états inflammatoires chroniques au cours desquels elles ont démontré des propriétés pro-inflammatoires et pro-athérogènes. L’infliximab semble par ailleurs influencer la voie de costimulation CD40L – CD40, en prévenant d’une part l’augmentation de l’expression membranaire du CD40 induite par le TNF␣ sur des cellules endothéliales et en diminuant d’autre part l’expression membranaire du CD40L sur les cellules T, ainsi que les taux sériques de CD40L, chez des patients atteints de maladie de Crohn. ■ Ainsi,

bien que nous ne disposions encore que de données parcellaires, les anti-TNF␣ semblent moduler certaines des voies de co-stimulation, au premier rang desquelles les voies CD28 – B7-1 / B7-2 et CD40L – CD40. Des travaux complémentaires sont nécessaires pour savoir si les anti-TNF␣ modulent les autres voies de co-stimulation et quelles sont les conséquences à long terme de ces modulations.

Bien que les fonctions précises des différentes voies de co-stimulation nécessitent encore des précisions, des tentatives de régulation de ces voies (soit blocage d’une voie à l’origine d’un signal positif ou inversement stimulation d’une voie responsable d’un signal négatif) voient le jour dans des domaines variés : pathologies auto-immunes, transplantation et oncologie (cf supra). Les voies de co-stimulation qui ont fait l’objet d’un ciblage thérapeutique sont les voies CD28 / B7-1, B7-2 et CD40 / CD40L, avec certains outils biologiques, notamment l’abatacept qui cible la voie C28 / B7-1, B7-2.

3. Une nouvelle molécule dans la greffe d'organe : le belatacept Le succès de la transplantation d’organes doit beaucoup aux progrès qui ont été réalisés dans les protocoles d’immunosuppression visant à prévenir le rejet de l’allogreffe. Cependant, les principaux agents immunosuppresseurs utilisés à l’heure actuelle, tels les glucocorticoïdes, les antimétabolites (azathioprine) ou les immunosuppresseurs sélectifs (ciclosporine, tacrolimus, mycophénolate mofétil et sirolimus), ne sont pas dénués d’effets indésirables à court, moyen ou long terme : susceptibilité aux infections, aux affections cardiovasculaires, au développement de tumeurs et toxicité rénale notamment. Le développement de nouveaux agents immunosuppresseurs, plus sélectifs et moins toxiques, a naturellement conduit à l’évaluation des agents modulant les voies de co-stimulation des cellules T, dans le domaine de la transplantation rénale notamment. Le belatacept (LEA29Y) est une protéine de fusion humaine, combinant la partie extra-cellulaire du CTLA-4 au Fc d’une IgG1, qui ne diffère de l’abatacept que par la substitution de deux acides aminés, lui conférant une meilleure capacité de fixation au CD80 et au CD86, ainsi qu’une meilleure capacité d’inhibition de l’activation des cellules T. Contrairement à l’abatacept, le belatacept s’est avéré efficace dans la prévention du rejet de greffe dans des modèles de transplantation chez les primates, ce qui a conduit à l’évaluation de son efficacité et de sa tolérance, dans la prévention des rejets aigus en transplantation rénale humaine, dans le cadre d’un essai contrôlé de phase II visant à démonter sa non infériorité à la ciclosporine. En terme d’efficacité à 6 mois, l’incidence des rejets aigus était comparable dans les groupes belatacept (7 % dans le groupe belatacept intensif et 6 % dans le groupe belatacept moins intensif) et dans le groupe ciclosporine (8 %). A 12 mois, le débit de filtration glomérulaire était significativement plus élevé et l’incidence des néphropathies chroniques sur greffon était moins importante dans les groupes belatacept que dans le groupe ciclosporine. En terme de tolérance, l’incidence des infections et des tumeurs était comparable dans les groupes belatacept et dans le groupe ciclosporine. Il faut cependant noter trois cas de syndromes lymphoprolifératifs post-transplantation chez les patients des groupes belatacept, dont deux sont survenus après le remplacement du belatacept par des agents immunosuppresseurs conventionnels.

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4. Des immunomodulateurs des voies de co-stimulation dans les maladies auto-immunes : abatacept, anticorps anti-CD40L ■ Abatacept CTLA4-Ig ou abatacept (Orencia®) est une protéine de fusion comportant le domaine extracellulaire de la molécule CTLA-4 humaine et le fragment Fc d’une immunoglobuline IgG1. Il s’administre par voie intraveineuse. Dans l’arthrite au collagène, l’administration de CTLA4-Ig prévient le développement des arthrites s’il est donné avant le déclenchement de la pathologie. S’il est administré après l’initiation de la maladie, le traitement améliore 17

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le score arthritique. CTLA4-Ig ou abatacept a été testé dans la PR au cours de 2 études contrôlées versus placebo, isolément ou en association avec le méthotrexate, sur une durée de 3 à 6 mois. Ces 2 études montrent l’efficacité de l’abatacept à la dose de 10 mg/kg par rapport au placebo, avec une amélioration selon les critères de l’American College of Rheumatology. Une troisième étude montre le maintien de l’efficacité à 1 an. Il a également été observé une amélioration des indices de qualité de vie (SF-36) et fonctionnels (HAQ) sous abatacept. Les effets secondaires rapportés consistaient en des réactions lors des perfusions à type de nausées, céphalées et des infections respiratoires hautes, sans augmentation significative par rapport au groupe placebo. Des résultats préliminaires suggèrent également une efficacité de l’abatacept dans les PR résistantes aux anti-TNF␣, une efficacité sur l’évolution structurale ainsi qu’une possibilité de co-prescription avec des traitements de fond traditionnels autres que le méthotrexate. Dans des modèles murins de lupus, l’abatacept améliore les atteintes rénales et permet d’obtenir une diminution de la production des auto-anticorps. Il n’a cependant pour l’instant pas été essayé chez l’homme. ■ Anticorps anti-CD40L ■ Dans

les modèles animaux de lupus, l’administration d’un anticorps dirigé contre CD40L retarde l’apparition de la maladie et diminue le titre des anticorps anti-ADN. L’utilisation combinée de l’abatacept et d’un anticorps anti-CD40L retarde l’apparition de l’atteinte rénale dans ce modèle. Il y a eu quelques essais de blocage de CD40L chez des patients atteints de lupus (IDEC-1), donnant des résultats favorables dans quelques cas, notamment sur la protéinurie, le taux d’anticorps anti-ADN et le score d’activité SLEDAI. Ces résultats restent toutefois préliminaires. Un autre anticorps anti-CD40L (BG9588) a été testé dans des cas de lupus avec atteinte rénale, améliorant de façon significative la protéinurie ; toutefois, cet essai a été interrompu en raison de complications thromboemboliques et d’accidents coronariens.

■ Dans le modèle de l’arthrite au collagène, le traitement par anti-CD40L prévient l’apparition des arthrites. Il n’y

a pas eu d’essai de traitement de la PR chez l’homme par anti-CD40L pour l’instant. ■ Autres voies de co-stimulation Pour les autres voies de co-stimulation, les connaissances sur leur implication dans les pathologies inflammatoires sont plus limitées et il n’y a eu que quelques essais de ciblage thérapeutique : ainsi, l’expression d’ICOS au niveau des lymphocytes du sang circulant est plus importante dans la PR comparée à des témoins sains et ICOSL a été mis en évidence au niveau de la synoviale de PR. Le blocage d’ICOSL dans l’arthrite au collagène améliore le score clinique et les atteintes articulaires histologiques des animaux. ICOS et ICOSL sont d’ailleurs exprimés au niveau synovial et le pourcentage de lymphocytes T des organes lymphoïdes positifs pour ICOS diminue au cours du traitement. Le blocage d’ICOSL diminue aussi la production synoviale des cytokines pro-inflammatoires.

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Synthèse

Les points forts :

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1. Les voies de co-stimulation correspondent à un effecteur de la réponse immunologique arrivant en seconde

2. L’expression des molécules des voies de co-stimulation n’est pas restreinte aux cellules immunitaires, mais est élargie à d’autres types cellulaires en dehors du système lymphoïde. Les voies de co-stimulation peuvent délivrer un signal positif, amplifiant l’activation, ou inversement un signal négatif, régulant l’activation lymphocytaire.

3. Les voies de co-stimulation sont impliquées dans différents processus pathologiques, déficits immunitaires, maladies auto-immunes, néoplasies et jouent également un rôle dans la transplantation.

4. Ces molécules peuvent faire l’objet d’un ciblage thérapeutique : c’est l’exemple de la voie CD28 / B7-1, B7-2 dans la PR, CD40 / CD40L dans le lupus, mais aussi dans d’autres domaines comme la transplantation ou l’oncologie.

5. L’abatacept est une biothérapie sélective qui a démontré son intérêt et son efficacité dans la PR. Son développement repose sur la compréhension du rôle de la voie CD28 / B7-1, B7-2 lors de l’activation lymphocytaire.

Les communications intercellulaires : les voies de co-stimulation

place après la reconnaissance de l’antigène par le TCR.

1. La hiérarchie de mise en jeu et la place respective des différentes voies de co-stimulation les unes par rapport aux autres nécessitent des précisions. En effet, si la voie CD28 / B7-1, B7-2 semble mise en jeu précocement après la reconnaissance antigénique (tout comme la voie CD40 / CD40L), elle n’est cependant pas indispensable. D’autre part, selon les modèles d’exploration in vitro, une même voie de co-stimulation peut être activatrice ou inhibitrice (exemple des voies BH-3, PD-1).

2. Le blocage de CD40 / CD40L semble intéressant dans le lupus, au prix de certains effets secondaires justifiant des études supplémentaires.

Chapitre 5

Les grandes questions :

3. L’abatacept semble très prometteur dans la PR. Toutefois, son innocuité, notamment sur le plan infectieux nécessite du recul. Sa place par rapport aux autres traitements biologiques de la PR devra également être précisée.

4. L’avenir portera peut être sur le blocage des autres voies de co-stimulation, ICOS, OX40, 4-1BB, voire la découverte d’autres voies. D’autre part, l’implication de ces voies de co-stimulation dans d’autres maladies autoimmunes que la PR et le lupus est pour l’instant à démontrer.

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Lexique

-1BB : molécule de la même famille présentant des similitudes fonctionnelles.

4 B B B C

7 : membres de la famille B7, comportant B7-1, B7-2, et correspondant aux récepteurs de CD28 et CTLA-4. Ils sont exprimés sur la cellule présentatrice d’antigènes. 7H3 : membre de la famille B7 exprimé par les cellules dendritiques et monocytes jouant certainement un rôle amplificateur de la réponse immune. 7H4 : ligand de BTLA (B and T Lymphocyte Attenuator) dont l’interaction aboutit à une inhibition du signal d’activation cellulaire des lymphocytes T CD4+, T CD8+ et des lymphocytes B.

D28 : cette molécule est exprimée par le lymphocyte T. Ses récepteurs sont B7-1 (CD80) et B7-2 (CD86), portés par la cellule présentatrice d’antigènes. L’interaction de CD28 avec B7-1, B7-2 a lieu après le premier signal d’activation ou reconnaissance de l’antigène dans le contexte d’une molécule HLA par le récepteur T. Cette interaction constitue le second signal d’activation, qui a pour conséquence de maintenir et amplifier l’activation lymphocytaire.

oopération cellulaire : phase de la réponse immunologique avec interaction entre cellules T et B. Cette interaction se fait par l’intermédiaire des molécules de co-stimulation (exemple de CD40 / CD40L) et est à l’origine de l’amplification de la réponse immune.

C

o-stimulation : il s’agit d’un processus qui vient appuyer ou réguler le premier signal d’activation lymphocytaire ou reconnaissance antigénique par le récepteur T. Il met en jeu différentes molécules qui interagissent par contact direct, à l’origine d’un second signal cellulaire qui va compléter ou amplifier l’activation cellulaire, ou inversement inhiber cette activation. Ce second signal est indépendant de l’antigène. Les molécules des voies de costimulation sont exprimées sur les cellules immunitaires et en dehors du système lymphoïde. Elles sont regroupées par famille.

C

TLA-4 (Cytotoxic T Lymphocyte Antigen-4)(CD152) : il s’agit d’une molécule exprimée précocement après l’activation lymphocytaire T. Ses récepteurs sont B7-1 (CD80) et B7-2 (CD86), qui interagissent également avec CD28. CTLA-4 est plus affin pour ces récepteurs que CD28. L’interaction CTLA-4 / B7-1, B7-2 a pour conséquence d’inhiber l’activation lymphocytaire, constituant ainsi un mécanisme de régulation.

C

COS (Inducible COStimulator) : molécule induite à la surface des lymphocytes T CD4+ et T CD8+ après leur activation. Agit en complément de la voie CD28 / B7-1, B7-2 pour maintenir l’activation lymphocytaire.

I O

X40 : molécule de co-stimulation appartenant à la famille des récepteurs aux cytokines, exprimée principalement par le lymphocyte T CD4+ et induite après la reconnaissance de l’antigène par le récepteur T. L’interaction avec son ligand (OX40L) induit une amplification de la réponse cellulaire T CD4+ (favorisant la prolifération cellulaire, la production de cytokines et la survie cellulaire ainsi que la formation de cellules mémoires). D-1 (Programmed cell Death -1) : membre de la famille B7, exprimée par les lymphocytes T, B et cellules myéloïdes. L’interaction avec ses ligands PD-L1, PD-L2 délivre un signal inhibiteur de l’activation cellulaire.

P S

yndrome hyper-IgM : déficit immunitaire lié à l’X résultant d’une mutation sur le gène codant pour une molécule des voies de co-stimulation ou CD40, d’où des conséquences sur le fonctionnement lymphocytaire B. Il est caractérisé par des infections récurrentes, un déficit en IgA et IgG, un taux normal ou élevé en IgM.

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Pour en savoir plus



Toussirot E, Wendling D. Les voies de co-stimulation lymphocytaire : rôles dans la réponse immunitaire et les pathologies auto-immunes. Réflexions Rhumatologiques, 2005, N°84; 18-23.



Keir ME, Sharpe AH. The B7 / CD28 costimulatory family in autoimmunity. Immunol Rev, 2005; 204: 128-43.



Watts TH. TNF/TNFR family members in costimulation of T cell responses. Annu Rev Immunol 2005; 23: 23-68.



Riley JL, June CH. The CD28 family : a T-cell rheostat for therapeutic control of T-cell activation. Blood 2005; 105: 13-21.



Liossis SNC, Sfikakis PP. Costimulation blockade in the treatment of rheumatic diseases. Biodrugs 2004; 18: 95-102.



Kremer J, Dougados M, Emery P et al. Treatment of rheumatoid arthritis with the selective costimulation modulator abatacept: twelve-month results of a phase IIb, double-blind, randomized, placebo-controlled trial. Arthritis Rheum 2005; 52: 2263-71.

6e et 7e parties

7e partie

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6 Chapitre 5

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LES COMMUNICATIONS INTERCELLULAIRES : LES CYTOKINES ET LEUR RESEAU

SOMMAIRE

Chapitre 6

8 03

• La production des cytokines • Les actions des cytokines • Redondance, synergie, antagonisme • Les différentes familles de cytokines • Les récepteurs des cytokines • La régulation de la synthèse et de l’action des cytokines

8 03 8 03 8 04 8 04 8 05

Comment j’explore ? Comment peut-on étudier les cytokines ?

8 09

8 10

1. En pratique

8 10

2. En recherche

8 11

3e partie

Le rôle des cytokines en pathologie

1. L’exemple des maladies auto-immunes • La signature IFN dans certaines maladies auto-immunes • Le rôle des cytokines dans la destruction ostéo-articulaire dans la polyarthrite rhumatoïde

2. L’exemple des maladies néoplasiques • Le rôle de l’IL-6 dans les cancers • Le rôle controversé du TNF-α dans le cancer

4e partie

8 11 8 12 8 12 8 13 8 15 8 15 8 16

Chapitre 6

2e partie

et leurs récepteurs

Les communications intercellulaires : les cytokines et leur réseau

1ère partie Quelques données fondamentales : les cytokines

Comment neutraliser les cytokines ou les utiliser comme outils thérapeuthiques ? 8 18

1. Quels sont les effets des traitements classiques ? • Les corticoïdes • Le méthotrexate • Les inhibiteurs de la calcineurine

2. Les inhibiteurs de cytokines • La stratégie la plus habituelle est de produire un anticorps monoclonal dirigé contre la cytokine (TNF-α, IL-1) ou son récepteur (IL-6R)

8 18 8 18 8 19 8 19 8 20

8 20

1

L’immunopathologie pour le praticien 2

• Les récepteurs solubles, antagonistes naturels des cytokines, 8 20 peuvent être utilisées sous forme de protéine de fusion • Des cytokines recombinantes à activité anti-inflammatoire 8 20 • Récemment il a été développé des petites molécules (inhibiteurs) 8 21 capables de bloquer des kinases • Dénosumab (anti-RANK/RANK ligand) • Inhibiteur de l’IL-23/IL-12 • Anti IL-17 • Anti IL-18 • Thérapie génique IL-1Ra • Autres

8 21 8 21 8 21 8 21 8 21 8 21 8 22

5e partie

8 22

3. Quelles sont les nouvelles molécules ?

Synthèse

1. Les points forts

8 22

2. Les grandes questions

8 23

6e partie

Lexique

8 23

7e partie

Abréviations

8 24

8e partie

Pour en savoir plus

8 24

LES COMMUNICATIONS INTERCELLULAIRES : LES CYTOKINES ET LEUR RESEAU Dominique Wachsmann - EA4438 - Faculté de Pharmacie - Strasbourg/Illkirch Pauline Soulas-Sprauel - CNRS - UPR9021, IBMC - Strasbourg Pierre Miossec - Hôpital Edouard Herriot - Lyon

1ère partie

Chapitre 6

La communication cellulaire peut-être assurée par des contacts cellule/cellule (molécules d’adhésion…) et par des molécules. Parmi celles-ci, les cytokines représentent un langage universel dans le dialogue mené entre les différentes cellules de l’organisme. Ce sont des glycoprotéines de faible masse moléculaire (25 kDa) qui existent toutes aujourd’hui sous forme recombinante. La première cytokine découverte fut l’interféron en 1957 par Isaacs et Lindenmann et depuis, leur nombre ne cesse d’augmenter (>100) (encadré les dernières cytokines). L’activité d’une cytokine est liée à la présence à la surface de la cellule cible de récepteurs spécifiques qui transmettront le message. Certaines cytokines peuvent également exercer leur action en restant fixées à la membrane (IL-1α, TNF-α, IL-10, IL-15, BAFF…) de même que certains récepteurs peuvent exister sous forme soluble.

1ère partie Quelques données fondamentales :

les cytokines et leurs récepteurs

■ La production des Cytokines

Les communications intercellulaires : les cytokines et leur réseau

Daniel Wendling - CHU Jean Minjoz - Besancon

1- une cytokine peut être produite par différentes cellules: ainsi l’IL-6 est synthétisée par des cellules hématopoïétiques : lymphocytes, monocytes/macrophages, cellules dendritiques et aussi par des fibroblastes, des cellules endothéliales, des cellules épithéliales… Figure 1. 2- une cellule peut synthétiser de nombreuses cytokines différentes : LTh1: IFN-γ, IL-2, IL-3, IL-20, IL-21, TNF-α, FasL, LT-α, CD40L, CXCL2, GM-CSF. Ces médiateurs sont produits lors d’une activation cellulaire d’origine endogène ou exogène : - stimulus infectieux : agents infectieux ou leurs composants, les PAMPs (ex : LPS, acides nucléiques bactériens ou viraux). - composants du soi libérés au cours de l’inflammation ou DAMPs : alarmines relarguées par les cellules nécrotiques. - autres cytokines.

Chapitre 6

A l’inverse des hormones :

Cependant certaines cellules expriment les ARN messagers d’une ou plusieurs cytokines ce qui permet de les synthétiser "spontanément " (ex. cellules épithéliales thymiques, cellules stromales, mastocytes...). Ainsi, à l'homéostasie, il est possible de détecter la présence de certaines cytokines dans les tissus et dans certains liquides biologiques (sueur, colostrum...).

■ Les actions des cytokines Les cytokines dont la demi-vie biologique est brève (30 minutes), exercent des effets pléiotropiques et cette capacité à induire des effets parfois différents sur des cibles variées, a rendu leur usage en clinique souvent difficile : une même cytokine peut ainsi agir sur différentes cellules cibles. L’IL-6 active les cellules de l’immunité innée (activité pro- et anti-inflammatoire), les cellules de l’im3

L’immunopathologie pour le praticien

munité spécifique tels les LT (induction des LTh17, des LTh folliculaires) et les LB et également des cellules non hématopoïétiques telles les cellules hépatiques, induisant le déclenchement de la réponse inflammatoire aigue. Elle permet également la différenciation des cellules nerveuses et des ostéoclastes, la prolifération des kératinocytes et des cellules mésengiales et a une activité pyrogène et inductrice d’ACTH en agissant au niveau de l’axe hypothalamo-hypophysaire Figure 2 .

FIBROBLASTES OSTÉOBLASTES

PRODUCTION HÉPATHIQUE DES PROTÉINES DE L'INFLAMMATION

CELLULES ENDOTHÉLIALES CELLULES ÉPITHÉLIALES

MONOCYTES/ MACROPHAGES

IL-6 LYMPHOCYTES T ET B

MYOCYTES

ADIPOCYTES

CELLULES MÉSANGIALES

CELLULES PANCRÉATIQUES

FIGURE 1 - De nombreuses cellules produisent de l’IL-6

THO : TREG TH17

ACTIVATION ET DIFFÉRENCIATION DES LB DIFFÉRENCIATION DES OSTÉOCLASTES

FIÈVRE SÉCRÉTION ACTH

ACTIVATION ET RECRUTEMENT DES MACROPHAGES

ACTIVATION DES CELLULES ÉPITHÉLIALES ET DES FIBROBLASTES

RECRUTEMENT ET SURVIE DES PNN

IL-6

ACTIVATION DES CELLULES ENDOTHÉLIALES ET DE L'ANGIOGENÉSE

PROLIFÉRATION DES KÉRATINOCYTES ET DES CELLULES MÉSANGIALES

DIFFÉRENCIATION DES CELLULES NERVEUSES

FIGURE 2 - Les effets pléiotropiques de l’IL-6

Les cytokines peuvent avoir une action autocrine : action sur la cellule sécrétrice (IL-2), exercer leur action localement (effet paracrine) ou agir à distance : effet endocrine : IL-6 et cellule hépatique, IL-1 et hypothalamus.

■ Redondance, Synergie, Antagonisme Les cytokines présentent également d’autres caractéristiques : - plusieurs cytokines différentes peuvent exercer la même action biologique, il s’agit du phénomène de redondance : l’IL-1β, le TNF-α et l’ IL-32 stimulent les macrophages, APRIL et BAFF permettent la prolifération des LB. - les cytokines peuvent agir en synergie : ainsi l’IL-4 et l’IL-5 favorisent l’activation des LB et la commutation isotypique. - les cytokines peuvent également exercer des effets antagonistes : c’est le cas de l’IFN-γ qui bloque l’effet de l’IL-4. La production des cytokines et leur effet pouvant ainsi être modulés (augmentés ou diminués) par d’autres cytokines, ces molécules constituent donc un réseau extrêmement complexe de communication intercellulaire.

■ Les différentes familles de cytokines Tableau 1 Leur classification reste difficile, car la majorité des cytokines ont encore différentes appellations. Historiquement, certaines cytokines ont été découvertes par des équipes de recherche indépendantes qui ont chacune d’entre elles donné un nom différent souvent selon l’effet qui avait permis sa découverte. Les interleukines n’ont en commun que leur nom! Elles sont différentes sur le plan structural et exercent des fonctions très variées. Les interférons, regroupent des cytokines qui ont en commun une activité anti-virale. Les “colony stimulating factors” ou CSF sont des facteurs de croissance impliqués dans l’hématopoïèse. D’autres cytokines ont conservé leur nom d’origine : TNF-α ou tumor necrosis factor, le LIF ou leukemia inhibitory factor. Classiquement les cytokines sont classées en différents sous-groupes définis par des identités de structure. On distingue actuellement le groupe des hématopoiétines, le groupe des interférons, le groupe du TNF-α, la famille de l’IL-1 et les chémokines. Certaines cytokines comme les TGF-β‚ ne rentrent actuellement dans aucun de ces sous-groupes.

4

Classe II : Famille des IFN/IL-10

•IFN-α, IFN-β, IFN-γ, IL-28 (IFN-λ2,3), IL-29 (IFN-λ1) •IL-10, IL-19, IL-20, IL-22, IL-24, IL-26

Classe III : Famille du TNF-α

•TNF-α, FasL, TRAIL, TWEAK, LIGHT, NGF, BAFF, APRIL •LT-α, LT-β, CD40L, OX40L, AITRL, CD30L, 4-1BBL, CD27L, RANKL

Classe IV : Famille de l’IL-1

Classe V : Famille de l’IL-17 Chémokines ou chimiokines

Autres

•IL-1 α (F1), IL-1β (F2), IL-18 (F4), IL-1F5 à F11 (IL-33) •M-CSF, SCF, FLT3L, PDGF, EGF, FGF, IGF, HGF, VEGF

IL-17A-F, IL-25 CXCL1 à CXCL16 (CXCL8 : IL-8) CCL1 à CCL28 (CCL5 : Rantes) XCL1 et XCL2 CX3CL1 (Fractalkine) TGF-α, TGF-β, BMPs

TABLEAU 1 - Les différentes classes de cytokines

Des cytokines un peu particulières : les adipokines. Il s’agit de cytokines produites par le tissu adipeux : leptine, adiponectine, résistine, visfatine. Elles fonctionnent comme des hormones et dans ces conditions régulent l’homéostasie énergétique et certaines fonctions neuro-endocrines. Ce sont également des cytokines qui modulent la réponse immunitaire et plus particulièrement la réponse inflammatoire : l’adiponectine a un rôle anti-inflammatoire alors que la leptine et la résistine et la visfatine sont pro-inflammatoires. Elles constituent un lien entre obésité, inflammation et immunité.

1ère partie

Classe I : Hématopoiétines

•IL-2, IL-3 (CSF), IL-4, IL-5, IL-6, IL-7, IL-9, IL11, IL-12, IL-13, IL-15, IL-16, IL-21, IL-23, IL-27, IL-35, TSLP •GM-CSF, G-CSF •OSM, CNTF, LIF, CT-1, NNT-1/BSF-3/CLC •GH, PRL, EPO, TPO

Les communications intercellulaires : les cytokines et leur réseau

Cytokine

Chapitre 6

Stucture

LES PROFILS CYTOKINIQUES : certaines cellules adoptent des profils cytokiniques particuliers : cas des LT ■ ■ ■ ■ ■

LTh1 : IL-2, IFN-γ, TNF-α. LTh2 : IL-4, IL-5, IL-10, IL-13, IL-25. LTh9 : IL-9, IL-10. LTh17 : IL-17A, IL-17F, IL-21, IL-22. LTrég : IL-10, TGF-β.

■ Les récepteurs des cytokines Les cytokines, exercent leur activité biologique à faible concentration, par liaison à des récepteurs spécifiques à la surface de cellules ou en se fixant à des récepteurs solubles qui se fixent secondairement à un récepteur membranaire (comme l’IL-6). Deux propriétés caractérisent ces récepteurs : les cytokines vont contrôler leur expression en l’augmentant ou en la diminuant, ces récepteurs peuvent également exister sous forme soluble. 5

L’immunopathologie pour le praticien

■ Leur structure Les récepteurs de cytokines sont en général composés de structures oligomériques qui sont des homodimères (c’est-à-dire l’association de 2 structures identiques comme pour les facteurs de croissance) ou des hétérodimères avec une chaîne α et une chaîne β : IL-3, IL-5, IFNs α /β, ou des hétéro-oligomères avec 2 chaînes α et deux chaînes β : IL-6, IL-11 ou une chaîne α, une chaîne β‚ et une chaîne γ : IL-2, IL-4, IL-7, IL-9. Une particularité essentielle des récepteurs de cytokines est la présence fréquente d’une chaîne commune à plusieurs récepteurs : ainsi la gp 130 qui participe au récepteur de l’IL-6 Figure 3 est également une chaîne du récepteur du LIF, de l’OSM, du CNTF et de l’IL-11, ce qui peut poser un problème sur le plan thérapeutique si l’on cible cette chaîne Figure 4

IL-6 IL-6

gp130

L' IL-6 se lie au récepteur membranaire (IL-6Rm) puis le complexe IL-6/IL-6Rm se lie à la gp130

Complexe IL-6/IL-6R soluble qui se lie à la gp130 IL-6Rm

FIGURE 3 - L ’IL-6 et ses récepteurs L ’IL-6 agit directement sur une cellule qui exprime un récepteur complet et fonctionnel (gp130 et mIL-6R) et de façon indirecte si la cellule n’exprime que la gp130 : l’IL-6 circulante se fixe d’abord sur une chaine d’IL-6R soluble (sIL-6R), ce complexe interagit ensuite avec la gp130 membranaire pour former un récepteur complet et fonctionnel.

■ La liaison cytokine-récepteur Chaque cytokine peut reconnaître un ou plusieurs récepteurs spécifiques de haute affinité, soit membranaire, soit soluble dans le milieu extracellulaire. C’est le cas du TNF-α (TNFR1, TNFR2), des chémokines Figure 4 ou de BAFF qui se lie à trois récepteurs : TACI, BAFFR et BCMA qu’elle partage avec APRIL, cytokine dont l’activité est proche Figure 5. Ces cytokines peuvent alors induire des effets différents

MCP-1, -3, -4 RANTES α-chémokines MIP1α "ELR" MIP-1β IL-8 GROα, β, γ MIP-1δ IL-8 NAP-2 Lkn-1 ENA78 GCP-2 HCC-2 SLC (6CKine) GCP-2 IP10

ém Ch

XC sC ne i ok ém

in

MCP-1 Eotaxine MCP-2 RANTES MCP-3 MCP-2 MCP-4 MCP-3 MCP-5 MCP-4 MIP-1α mig CXCR1 CCR1 MIP-1δ I-TAC MDC CXCR2 CCR2 Lkn-1 RANTES MCP-1 CXCR3 CCR3 MIP-1α TARC CXCR4 PARTAGÉS CCR4 CCR5

SPÉCIFIQUES MIP-3α

RÉCEPTEURS CCR7

CCR6 CX3CR1

ine ok ém C Ch CXXX

FRACTALKINE

MIP-3β SLC

CCR8

VIRAUX

CMV US28 HSV U12

MCP-1 RANTES MIP-1α MIP-1β

RANTES MIP-1α MIP-1β

HSV ECRF3

IL-8 NAP-2 GROα

DARC Ag Duffy

IL-8 GROα MCP-1 RANTES TARC

D6 (CCR9)

I-309 TARC MIP-1β

MIP1α RANTES MIP-1β Eotaxine MCP-1 HCC1 MCP-2 MCP-3 MCP-4

FIGURE 4 - Les récepteurs des chémokines

CC

CXCR5

es

SDF-1 BCL

ok

Ch

6

IL-6R soluble

BAFF

BAFF-R

APRIL

BCMA

1ère partie

APRIL membranaire

TACI

FIGURE 5 - Les récepteurs de BAFF et APRIL

Exemple du TNF-α : l’interaction du TNF-α (préférentiellement soluble) avec le récepteur de Type 1 conduit à l’activation de caspases et à l’apoptose ainsi qu’à l’activation de la voie de NF-κB et des MAP kinases alors que l’activation du récepteur TNFR2 préférentiellement par le TNF-α membranaire (exprimé par les cellules hématopoïétiques) ne permet que l’activation de ces 2 dernières voies et conduira uniquement à la synthèse de molécules de l’inflammation voir Figure 7 .

Les communications intercellulaires : les cytokines et leur réseau

BAFF membranaire

L’interaction cytokine/récepteur induit un signal intracellulaire (activant différentes voies de signalisation intracellulaires) qui modifient le comportement de la cellule (expression génique). Les réponses cellulaires à l’action des cytokines s’expriment par l’augmentation ou la diminution d’expression des protéines membranaires (y compris les récepteurs aux cytokines), par la différenciation, l’activation, la prolifération ou la mort cellulaire et la sécrétion de molécules effectrices. Les signaux de transduction font intervenir des tyrosine kinases. Certains récepteurs présentent une activité tyrosine kinase, intrinsèque, d’autres recrutent des tyrosine kinases cytoplasmiques appartenant à différentes familles : les JAK kinases ou les Src kinases (Src, Lyn, Fyn…). Le signal est ensuite assuré par des protéines transductrices dont les plus connues sont les protéines STAT. Leur phosphorylation permet leur translocation dans le noyau où elles vont activer la transcription de nombreux gènes. C’est ce que l’on observe en ce qui concerne l’IL-6 et les Interférons Figure 6.

Chapitre 6

■ L’effet cellulaire de la liaison cytokine-récepteur

Il existe d’autres voies de transduction, qui font intervenir des protéines adaptatrices telles MyD88 (voie TLR), la famille des protéines TRAF (TRAF2, 3,6) et qui aboutissent à l’activation de la voie des MAP kinases et de NF-κB (TNF-α et IL-1) Figures 7 et 8. On peut citer également la voie de la PI3-kinase et les voies de signalisation activées par couplage aux protéines G qui sont des voies de signalisation essentiellement utilisées par les chémokines.

7

L’immunopathologie pour le praticien

IL-6R

Dimère gp130 JAKs

JAKs

RAS Y- P

Y SH2

P -Y

SH2

STAT-3

RAF

Y

STAT-3 Y- P P -Y

SH2

MEK SH2

MAPK

Dimérisation STAT-3 Noyau

Elément de réponse à l'IL-6 (type 2)

NF-IL-6

Elément de réponse à l'IL-6 (type 1)

FIGURE 6 - La voie JAK/STAT (IL-6) IL-1 IL-1R1 IL-1RAcP

TNF-α

TNFR2

TNF-α

TNFR1

Membrane

D TRA

FADD RADD

RIP

e8 caspas

ca

MYD-88

TRAF-3 I-TRAF CIAP F-2 TRA RIP

D

P

TRAF2

IRAK-2

caspase 3,6,7

P

NK

MEKKs

e2 as sp caspase 1 caspase 9

P38

ERK1/2

TAB1

IκBs NF-κB

dégradation

TAB2 TAK1

P38

cytochrome C APAF-1

IRAK 1-2 TRAF6

IKKs

caspase 9

BID

IRAK-4

P

MADD

Apoptose

protéines G

IRAK-1

ELK

ATFs

P

JNK

IKKs α β

NF-κB ADN

mitochondrie

IκB p5 0

p65

NEMO

AP-1

p50

p65

Noyau

noyau expression des génes survie cellulaire

FIGURE 7 - Les voies du TNF-α

AP-1

NF-κB

Cytokines pro-inflammatoires ADN

FIGURE 8 - La voie de l’IL-1

■ Formes solubles des récepteurs A l’heure actuelle des formes solubles de la très grande majorité des récepteurs ont été identifiées. Elles résultent soit d’un clivage protéolytique de la forme membranaire soit d’un épissage alternatif de l’ARNm de la forme membranaire du récepteur. Les récepteurs solubles gardent la propriété de fixer la cytokine. Ces formes solubles exercent dans certains cas un effet antagoniste en inhibant la fixation de la cytokine sur son récepteur membranaire : récepteurs solubles du TNFα, du LIF, de l’IL-4. Ils exercent ainsi un rétrocontrôle de l’effet des cytokines. Ces formes solubles des récepteurs existent sous forme recombinante utilisées en thérapeutique : l’étanercept ou Enbrel est le récepteur soluble de type 2 (p75) du TNF-α, couplé au fragment Fc d’une IgGl humaine pour allonger sa durée de vie. Dans d’autres cas, ces récepteurs solubles peuvent avoir un effet porteur assurant la protection des cytokines. C’est le cas de l’IL-4 qui fixée à son récepteur soluble est moins sensible à la dégradation. Enfin ces récepteurs solubles peuvent amplifier la réponse comme pour le récepteur soluble de l’IL-6 qui peut alors se fixer sur n’importe quelle cellule exprimant la gp130 Figures 3 et 9. 8

Cytokine

TRANSPORT ET RELARGAGE

DELESTAGE DE LA SURFACE

Signaux de transduction

AMPLIFICATION

1ère partie

Forme soluble du récepteur

INHIBITION Modulation de l'expression des récepteurs membranaires

Les nouvelles cytokines : IL-33 (alarmine) et IL-35 L’IL-33 qui fait partie de la famille de l’IL-1 est de façon surprenante une cytokine de localisation nucléaire qui telle HMGB1 est libérée au cours de la nécrose cellulaire, ce qui la différencie des autres cytokines. Les cellules en apoptose ne la libèrent pas du fait de son inactivation par les caspases 3 et 7. Elle est présente dans les cellules endothéliales, épithéliales et les mastocytes. Son rôle intracellulaire n’est pas connu, elle pourrait cependant inhiber la transcription de gènes. L’IL-33 se lie à deux récepteurs hétérodimériques composés de ST2 associé à IL-1RAcp (IL33R1) qui est exprimé par les LTh2, les mastocytes, les basophiles et les éosinophiles ou de ST2 associé à SIGIRR (IL-33R2) qui a un rôle inhibiteur de la voie de l’IL-1R et des TLRs. L’IL-33 induit la synthèse d’IL-5 et 13 par les LTh2 et active la synthèse de cytokines variées par les mastocytes, les basophiles, les éosinophiles, les cellules dendritiques et les macrophages. Son messager est fortement exprimé dans l’intestin de souris infecté par le nématode Trichuris muris. Le traitement par l’IL-33 augmente la résistance aux infections parasitaires. Il a été également montré que l’IL-33 diminue les lésions d’athérosclérose chez la souris Apo-/- et atténuerait le choc septique : les patients présentant un choc septique ont des taux faibles d’IL-33. Mais elle aurait un effet aggravant dans les allergies (asthme) et dans les pathologies inflammatoires (arthrites). L’IL-35 est le dernier membre identifié de la famille de l’IL-12 (hématopoiétines). Elle est constituée de l’association de la sous-unité p35 de l’IL-12 et de la chaine EBI3 codée par le virus d’Epstein-Barr. Elle active la prolifération des LT régulateurs CD4 CD25 Foxp3 et inhibe indirectement le développement des LTh17 tout en augmentant la synthèse de l’IFN-γ. Il s’agit donc d’une nouvelle cytokine anti-inflammatoire dont le potentiel semble très prometteur.

Chapitre 6

■ La régulation de la synthèse et de l’action des cytokines Elle est réalisée par différents mécanismes : - inhibition des voies de signalisation conduisant à leur synthèse. Ex : inhibiteurs des voies TLRs (TLR solubles, MyD88s, IRAKm, SOCS1…) - épissage alternatif du mRNA (BAFF et delta BAFF) - modifications épigénétiques : les microARN, petits ARN non codants qui régulent au niveau post-transcriptionnel, la synthèse de cytokines (dégradation de l’ARN messager ou non traduction de cet ARN messager) : miR-346 qui inhibe la synthèse de l’IL-18 - synthèse de cytokines antagonistes : l’IL-10 - libération de formes solubles des récepteurs ou d’antagonistes des récepteurs (TNFRs, IL1-RA) - synthèse d’inhibiteurs des voies de signalisation activée par les cytokines : SOCS1 et SOCS3 qui sont des inhibiteurs de la voie JAK/STAT

Les communications intercellulaires : les cytokines et leur réseau

FIGURE 9 - L’effet amplificateur des récepteurs solubles (d’après le monde des cytokines, JM. Cavaillon, Institut Pasteur, 2003)

9

L’immunopathologie pour le praticien

Il existe une hétérogénéité individuelle concernant la production de cytokines et la réactivité des cellules à réagir aux cytokines. Ces différents profils pourraient être associés à certaines pathologies : diabète, lupus érythémateux, sensibilité à certaines maladies infectieuses.

2e partie

Comment j’explore ? Comment peut-on étudier les cytokines ?

1. En pratique ■ Comment doser les cytokines en pratique ? Les techniques d’exploration des cytokines sont multiples. Le principe des méthodes biologiques consiste à mesurer l’activité d’une cytokine sur une lignée cellulaire donnée (technique de type bioassay). On pourra par exemple mesurer la stimulation de la croissance cellulaire. La limite de ces techniques biologiques vient notamment du fait que différentes cytokines peuvent parfois stimuler la même réponse biologique. Ainsi, en routine, des techniques de dosages spécifiques seront préférées à des tests fonctionnels. Deux techniques sont principalement utilisées en routine : l’ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay) sandwich : un anticorps spécifique de la cytokine à doser sera adsorbé sur un support solide (plaque plastique de 96 puits). L’échantillon à analyser, contenant la cytokine à doser, est ensuite ajouté dans la plaque, permettant la fixation de la cytokine sur l’anticorps spécifique. La révélation de la réaction antigène-anticorps est assurée par l’ajout d’un anticorps secondaire spécifique de la cytokine à doser, et marqué par une enzyme. Enfin, l’ajout d’un substrat de l’enzyme de type chromogène permet la production d’un produit coloré dont l’absorbance est mesurée et sera d’autant plus grande que la quantité de cytokine dans l’échantillon est importante Figure 10 . Le dosage est quantitatif grâce à l’utilisation d’une gamme de concentrations connues de la cytokine à doser. L’ELISA est une technique sensible et facilement automatisable qui est commercialisée sous forme de kits permettant d’augmenter la reproductibilité des résultats.



■ la cytométrie en flux utilisant des billes : la cytométrie en flux consiste à illuminer des cellules ou des billes

par un rayon laser et à enregistrer la lumière diffusée (donnant des indications sur la taille) ou émise (par un fluorochrome à la surface de la cellule ou de la bille). Dans le cas de l’exploration des cytokines, le dosage implique l’utilisation de billes de capture sur lesquelles est fixé un anticorps spécifique de la cytokine à doser. Les billes sont mises en contact de l’échantillon contenant la cytokine à doser, puis la réaction est révélée par un anticorps secondaire spécifique couplé à un fluorochrome. L’intensité de fluorescence sera donc proportionnelle à la quantité de cytokines présente dans l’échantillon. Là encore, le dosage peut-être quantitatif grâce à l’utilisation d’une gamme de concentrations connues de la cytokine à doser. Cette technique, tout comme l’ELISA, est sensible, et peut être utilisée sous forme « multiplex » permettant de détecter plusieurs cytokines différentes dans le même échantillon. Il existe un certain nombre de facteurs pouvant influencer l’exploration des cytokines : - la faible concentration des cytokines (fréquemment inférieure à 10 pg/ml) qui se situe en dessous du seuil de détection de la plupart de techniques, - leur courte demi-vie (30 minutes en moyenne), - la fluctuation intra-individuelle (selon le nycthémère), - l’existence de différentes formes moléculaires (monomères/polymères, précurseurs…), - l’existence d’inhibiteurs de cytokines (par exemple pour l’IL-1 : IL1-ra), de formes solubles de récepteurs de cytokines (par exemple pour l’IL-6, le TNF-α, l’IL-1), ou d’autoanticorps anti-cytokines (par exemple pour le TNF-α, l’IL-6 et l’IL-1), qui peuvent interférer avec le dosage si la partie de la cytokine reconnue contient l’épitope fixé par l’anticorps utilisé dans le test. La concentration circulante des cytokines étant très faible et leur dégradation très rapide, la phase pré-analytique est très importante : ainsi, les conditions de prélèvement et de conservation des échantillons doivent être bien contrôlées. Ces cytokines peuvent aussi être dosées dans différents liquides biologiques (liquide articulaire, LCR, …).

10

■ La mesure du taux d’ARN messager (ARNm) d’une cytokine dans les cellules sanguines et dans les tissus par PCR Une approche différente permettant l’exploration de la production de cytokines, souvent utilisée en recherche, consiste à déterminer la présence et la quantité d’un ARNm codant pour une cytokine, dans un type cellulaire donné. Ceci peut être fait par RT-PCR (reverse transcriptase-polymerase chain reaction) classique ou quantitative (absolue, ou relative à la production d’un autre ARNm codant pour un gène de référence exprimé dans toutes les cellules).

2e et 3e parties

2. En recherche

1 Fixation de l’anticorps primaire spécifique de l’antigène à doser, dans les puits d’une plaque de microtitration 2 Ajout de quantités variables d’antigène à doser

3 Lavage afin d’éliminer le(s) antigène(s) non fixé(s)

4 Ajout de l’anticorps secondaire spécifique de l’antigène, marqué par une enzyme

Absorbance Absorbance

5 Lavage afin d’éliminer l’excès d’anticorps ; ajout du substrat de l’enzyme et mesure de l’absorbance 6 Détermination de la quantité d’antigène à l’aide d’une courbe standard

Concentration Concentrationd’antigène d'antigène

Chapitre 6

Une autre technique en plein essor est l’utilisation de « puces à ADN » (DNA microarrays), puces portant des petites séquences d’ADN (jusqu’à plusieurs centaines ou milliers) spécifiques de gènes connus. Ainsi, l’expression de gènes est testée en exposant la puce aux ARNm purifiés à partir de cellules ou d’un tissu, et marqué par un fluorochrome. La fluorescence est alors détectée et l’expression des gènes est analysée, de manière automatisée. Ces puces à ADN peuvent être produites « à façon » (par exemple pour l’étude des cytokines). Les tests de détection d’un ARNm codant pour une cytokine n’étant pas informatif sur la production de la protéine elle-même, ils seront souvent complétés, dans un deuxième temps, par un dosage de la cytokine, par ELISA ou cytométrie en flux.

Les communications intercellulaires : les cytokines et leur réseau

■ La mesure simultanée de l’ARNm de multiples cytokines

FIGURE 10 - Le principe du dosage ELISA sandwich

3e partie

Le rôle des cytokines en pathologie

Une cytokine peut avoir des effets « anormaux » (pathogènes) dans différentes circonstances : si la cytokine est produite en excès en raison d’un polymorphisme génétique ou par une stimulation chronique inappropriée, ● si la cytokine est produite anormalement mais surtout si le système de rétrocontrôle (récepteurs solubles…) est déficitaire, ● si la cytokine est produite de façon inappropriée par un tissu ou des cellules qui ne doivent pas en produire. ●

11

L’immunopathologie pour le praticien

1. L’exemple des maladies auto-immunes Un certain nombre de maladies auto-immunes (et notamment de maladies rhumatismales) implique une dérégulation du réseau des cytokines. Ceci peut se traduire par un défaut de production de cytokines suppressives, ou une surproduction de cytokines pro-inflammatoires. Une meilleure compréhension de cette dérégulation conduira sans doute au développement de nouveaux traitements spécifiques.

■ La signature IFN dans certaines maladies auto-immunes ■

Signature IFN dans le lupus Le développement récent de nouvelles technologies très performantes permettant l’analyse du transcriptome (c’est à dire l’expression des gènes sous la forme d’ARNm) à l’aide de puces à ADN a permis d’analyser le transcriptome des patients atteints de lupus érythémateux disséminé. Ces études, réalisées sur l’ensemble des cellules mononucléées du sang périphérique (PBMCs), a montré une augmentation de l’expression de gènes dépendant de l’IFN, appelé « signature IFN », chez environ la moitié des patients. Les IFN de type I sont principalement responsable de cette signature. Plusieurs arguments sont en faveur d’un rôle des IFN I, notamment de l’IFN-α, dans la pathogénie du lupus :



Les arguments génétiques Parmi les 30 gènes qui ont aujourd’hui été associés au développement du lupus, on trouve notamment des gènes codant pour des facteurs régulant la production d’IFN, tels IRF5, IRF7, IRAK1, composants des voies de signalisation de certains TLRs, ou encore des gènes codant pour des molécules des voies de signalisation des IFN I, tels STAT4. Le rôle d’IRF5 a été particulièrement bien démontré car un polymorphisme de ce gène est associé au lupus, se traduisant par une production accrue d’IFN-α.

FIGURE 11 - L’hypothèse du rôle de l’IFN-α dans la pathologie lupique

12



Les arguments cliniques : des taux élevés d’IFN-α circulant sont détectés chez les patients atteints de lupus.



Les arguments physiopathologiques : l’IFN-α est produit essentiellement par les cellules dendritiques plasmacytoïdes (véritables « professionnelles » de la synthèse d’IFN de type I), en réponse aux agents infectieux. Ces facteurs environnementaux, notamment infectieux, vont agir en se fixant sur certains TLRs, qui peuvent intervenir dans le développement du lupus.



Signature IFN dans d’autres maladies auto-immunes Une signature IFN a été décrite dans d’autres maladies auto-immunes comme les thyroïdites, les myosites et le syndrôme de Sjögren. En effet, l’analyse du transcriptome réalisée sur des biopsies de glandes salivaires montre une augmentation de l’expression des gènes régulés par l’IFN. Il en est de même pour des biopsies de peau de patients atteints de psoriasis. Enfin, même dans la polyarthrite rhumatoïde, il existe une infiltration synoviale de cellules dendritiques plasmacytoïdes associée à une expression de la protéine MxA, induite par l’IFN. Ainsi, il semble que le système IFN soit un facteur important dans le développement de nombreuses maladies auto-immunes systémiques ou spécifiques d’organe, mais cette signature IFN pourrait avoir une importance particulière dans le lupus et le syndrome de Sjögren. CD20 CD40 CD40L T

B

TNF CMH

TCR

CD28

Interleukine-1

Interleukine-17

CD80/86

Macrophage Développement de la réponse immunitaire

TH17

Interleukine-6

Inflammation de l'articulation

Temps

3e partie Les communications intercellulaires : les cytokines et leur réseau

Cependant les mécanismes immunologiques exacts qui pourraient expliquer un rôle direct de l’IFN-α dans la pathogénie du lupus n’ont pas été élucidés. L’administration d’IFN-α chez l’Homme n’induit que rarement (0,1 à 2,2%) le développement d’un lupus, ce qui suggère que cette cytokine n’est pas à elle seule responsable du développement de la maladie. De plus les études ayant décrit la signature IFN dans le lupus ont été réalisées à partir de l’ensemble des cellules sanguines (appelées PBMCs), et non dans des populations de cellules immunitaires isolées (LB, LT, monocytes…). Ainsi, la signature IFN pourrait être attribuable à des différences de répartition des différentes populations sanguines entre les patients atteints de lupus et les témoins. Quelques études de transcriptome ont maintenant été réalisées et montrent des défauts (signatures) intrinsèques à chaque population cellulaire du sang, mais il faudra encore un peu de recul afin de conclure définitivement sur l’importance fondamentale d’une signature IFN dans le lupus. De plus, l’existence d’une signature IFN n’exclue pas l’existence d’une signature, induite par une autre molécule ou une autre cytokine, qui n’aurait pas encore été décrite. Enfin, il faut interpréter avec prudence ces analyses de transcriptome qui sont parfois faites sur des groupes de patients dont la maladie présente une sévérité très variable entre les patients, et qui sont traités par des molécules différentes. De plus, cette signature IFN n’est pas spécifique du lupus car elle est décrite dans d’autres maladies auto-immunes.

Chapitre 6

L’IFN-α est également produit sous l’effet de la fixation de complexes immuns (ADN-IgG anti-ADN) sur des récepteurs Fcγ de ces cellules dendritiques, et par des débris d’apoptose. Enfin, l’IFN-α stimule de nombreuses cellules du système immunitaire (cellules dendritiques, LB et LT, cellules NK), par ailleurs impliqués dans la pathogénie du lupus Figure 11 .

Destruction articulaire TNF Interleukine-1 Interleukine-17 pro-MMP

Cartilage MMP Os

Fibroblastes (synoviocytes)

Ostéoblaste

Interleukine-1 Interleukine-6 Interleukine-17 RANKL TNF RANK

Cellule T activée RANKL soluble

Macrophage

Pré-ostéoclaste

M-CSF

Ostéoclaste

Précurseur Myéloïde

FIGURE 12 - Cytokines et polyarthrite rhumatoïde (d’après Klareskog L, Lancet, 2009,373,659-72)

13

L’immunopathologie pour le praticien

■ Le rôle des cytokines dans la destruction ostéo-articulaire dans la polyarthrite rhumatoïde Dans la polyarthrite rhumatoïde, la destruction ostéo-articulaire (qui est le résultat d’une dérégulation de la balance entre formation et résorption osseuse) et l’inflammation sont deux évènements très liés. L’inflammation de la membrane synoviale, qui conduit au développement de la polyarthrite rhumatoïde, est un processus complexe impliquant de nombreux acteurs du système immunitaire. Les cellules présentatrices d’antigène (en particulier les macrophages) collaborent avec les LT, ce qui conduit à la production de cytokines pro-inflammatoires, telles l’IL-1, l’IL-6 et le TNF-α, qui peuvent alors augmenter l’expression de molécules d’adhésion et la production d’autres cytokines proinflammatoires. Les LB peuvent jouer le rôle de cellules présentatrices d’antigène dans la synoviale, et produire des anticorps formant des complexes immuns, qui peuvent alors activer les macrophages. Les cellules T activées suite au contact étroit avec les cellules présentatrices d’antigènes, mais également en réponse à des cytokines (IL-6 notamment), se différencient notamment en cellules Th17, productrices d’IL-17. La collaboration des cellules synoviales résidentes (synoviocytes fibroblastiques) avec des cellules de l’immunité amplifie la réponse immunitaire intrasynoviale, notamment par la production de cytokines (IL-6, IL-8…). L’ensemble de ces évènements est résumé dans la partie haute de la Figure 12. Intéressons nous particulièrement au rôle des cytokines dans la destruction articulaire et osseuse dans la polyarthrite rhumatoïde : ■ la destruction du cartilage : des cytokines pro-inflammatoires, telles le TNF-α, l’IL-1 et l’IL-17, agissent en synergie pour conduire au relargage de métalloprotéinases (MMPs) par les synoviocytes de la membrane synoviale et les macrophages, et en particulier de MMP1 et de MMP3 responsables de la dégradation de protéines structurales importantes de la matrice extracellulaire du cartilage. ■ la destruction osseuse : la polyarthrite rhumatoïde est caractérisée par des érosions osseuses articulaires et par une ostéopénie osseuse diffuse. Les érosions osseuses sont induites par des ostéoclastes, qui se développent à partir de progéniteurs ostéoclastiques (pré-ostéoclastes, se différenciant eux-mêmes à partir de macrophages ou de précurseurs myéloïdes), après stimulation par RANKL et par le M-CSF qui se fixent respectivement aux molécules RANK et au récepteur du MCSF présents à la surface de ces progéniteurs. RANKL est exprimé à la surface des synoviocytes, des ostéoblastes, et des cellules T activées, et sécrété par ces mêmes cellules, en réponse à l’IL-1, l’IL-6, l’IL-17 et au TNF-α. Il existe des mécanismes d’inhibition de ce processus, notamment par l’ostéoprotégérine, qui sont déficients ou insuffisants au cours de la polyarthrite rhumatoïde. Le M-CSF, quant à lui, est exprimé par les FLS et les cellules T activées. La Figure 13 résume les facteurs clés régulant la différenciation des ostéoclastes dans la polyarthrite rhumatoïde.

" Fibroblaste Synovial " (synoviocyte) TH17

IL-17

RANKL M-CSF

TH2

IL-1

TNF

"Cellule précurseur d'ostéoclaste"

IL-4 IL-10

IL-7

RANKL M-CSF

IFN-γ GM-CSF

TH1

IL-18

Ostéoclaste

FIGURE 13 - La destruction osseuse dans la polyarthrite rhumatoïde (d’après Mc Innes I, Nature Reviews Immunology 2007,7,429-442)

14

2. L’exemple des maladies néoplasiques

3e partie

L’ensemble de ces mécanismes est schématisé dans le bas de la Figure 12. La destruction ostéo-articulaire de la PR est aussi caractérisée par un défaut de formation osseuse dépendante des ostéoblastes, mais qui s’explique par d’autres mécanismes mettant en jeu la voie Wnt.

Les cytokines jouent un rôle important dans les interactions entre les cellules tumorales et leur micro-environnement.

■ Rôle de l’IL-6 dans les cancers

Le rôle de l’IL-6 dans la cancérogenèse a été étudié in vitro sur les lignées cellulaires et in vivo dans des modèles animaux déficients pour l’IL-6 (IL-6 -/-) ou traités par des dominants négatifs de l’IL-6, chez lesquels on a étudié le comportement de tumeurs induites. Ces études montrent globalement un effet pro-tumoral de l’IL-6 qui facilite la survie (inhibition de l’apoptose) et la prolifération des cellules cancéreuses ainsi que la migration métastatique. L’IL-6 favorise également l’apparition de phénomènes de chimiorésistance. Seuls quelques rares modèles in vitro et in vivo assez anciens évoquent un éventuel rôle anti-tumoral de l’IL-6. ■

Rôle de l’IL-6 dans la cancérogénese chez l’homme

Chez l’homme, des travaux ont montré que le polymorphisme (-174G/c) de son promoteur (associé à une élévation des taux sériques d’IL-6) est corrélé à l’apparition de syndromes lymphoprolifératifs (lymphome, myélome) mais aussi de cancers solides (côlon, sein). Des données plus controversées ont été publiées dans d’autres cancers, en particulier les cancers ORL et gastriques. Les taux sériques d’IL-6 semblent plus élevés en cas de cancer mais il n’y a pas d’étude prospective permettant de démontrer un lien de causalité entre la production de cette cytokine et l’apparition du cancer. Des études physiopathologiques dans certains cancers ont fortement suggéré le rôle protumoral de l’IL-6. Dans le myélome, les lymphomes et la maladie de Castleman, l’IL-6 est considérée comme un marqueur de mauvais pronostic. Le rôle de l’IL-6 est particulièrement important dans la maladie de Castleman. Dans sa forme induite par le virus HHV8, il a été démontré que ce virus est capable de produire un facteur analogue à l’IL-6 qui induit la prolifération tumorale. Dans l’hépatocarcinome, il a été démontré que l’IL-6 exerçait un rôle important dans la transformation maligne des hépatocytes après que ces cellules aient été agressées par un stress viral, toxique ou immunologique. L’étude d’un modèle d’hépatocarcinome (induit par la diéthylnitrosamine) a permis de confirmer l’importance de l’IL-6 dans l’apparition de ce cancer. Cependant sur des lignées cellulaires de mélanome, l’IL-6 peut exercer un effet inhibiteur sur la tumeur alors que cette cytokine augmente le risque de métastase en modèle murin de métastase de mélanome. Chez l’homme, les taux de l’IL-6 sont plus élevés dans les mélanomes métastasés et sont corrélés à la prolifération de la tumeur. ■

Les communications intercellulaires : les cytokines et leur réseau

Rôle de l’IL-6 dans des modèles expérimentaux

Chapitre 6



D’ou vient l’IL-6, comment agit-elle ?

- L’IL-6 est sécrétée en grande quantité par les cellules cancéreuses de la prostate, du sein, et du colon. Cependant, elle peut aussi être sécrétée par les cellules du micro-environnement tumoral. Les cellules cancéreuses peuvent en effet induire la sécrétion d’IL-6 par les cellules médullaires osseuses environnantes en interagissant avec celles-ci par le biais de contacts cellule/cellule et/ou des facteurs solubles. Ceci est en particulier observé au cours du myélome ou des métastases osseuses de neuroblastome dont les cellules tumorales ne sont pas capables de sécréter l’IL-6. - L’IL-6 exerce un effet direct sur la croissance et la survie des cellules tumorales. Elle provoque l’expression de molécules favorisant l’entrée en cycle cellulaire (CDK) et l’expression de facteurs anti-apoptotiques (Bcl-2, Bcl-xL, Mcl-1, survivine et XIAP). L’IL-6 favorise aussi 15

L’immunopathologie pour le praticien

l’ostéolyse en déstabilisant l’homéostasie osseuse en faveur de l’ostéoclastogénèse. En effet, cette cytokine inhibe la maturation ostéoblastique (en favorisant l’expression de DKK1 par les cellules tumorales) et stimule la maturation ostéoclastique en provoquant l’expression de RANKL par le micro-environnement tumoral et les ostéoblastes. L’IL-6 stimule l’angiogénèse en augmentant la différenciation des progéniteurs endothéliaux. Enfin, l’IL-6 exerce une activité immumodulatrice en inhibant l'activité des cellules dendritiques, des lymphocytes natural killer et en favorisant l'activation des LT régulateurs, ce qui contribue à l'échappement immunitaire tumoral. Ainsi, l’IL-6 réalise des interactions complexes entre les cellules tumorales et les cellules médullaires, osseuses, endothéliales et immunitaires au profit du développement tumoral métastatique osseux. ■

Les stratégies thérapeutiques anti-IL-6 dans les cancers

Au total, ces données, plutôt en faveur d’un rôle pro-tumoral de l’IL-6 ont conduit au développement de stratégies anti-tumorales ciblant l’IL-6. Les principales indications étudiées sont la maladie de Castleman et le myélome mais l’inhibition de l’IL-6 a été également envisagée dans le traitement des lymphomes et d’autres cancers disséminés, notamment dans le cancer du rein. Deux anticorps humanisés dirigés contre l'IL-6 ont été développés (CNTO328 et B-E8). L'étude de leur efficacité dans des modèles précliniques de myélome et dans un essai non randomisé est encourageante. Le tocilizumab (Actemra), anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur de l'IL-6 pourrait être testé dans cette indication. Plusieurs inhibiteurs des voies de signalisation intracellulaire médiées par l'IL-6, inhibiteur des JAK kinases (INCB20) ou du facteur de transcription STAT (531-201) ont montré une efficacité dans le traitement d’un modèle murin de myélome. Le lenalidomide (Revlimide) a obtenu récemment une AMM pour le traitement du myélome ayant reçu au moins un traitement antérieur. Son mécanisme d'action n'est pas entièrement connu mais pourrait reposer en partie sur l'inhibition de la sécrétion d'Il-6 par les monocytes. Croissance tumorale Sécrétion autocrine par les cellules tumorales

Sécrétion paracrine par les cellules du micro environnement tumoral

Angiogénèse

Immunomodulation Activation des Treg IL-6 Inhibition des NK Inhibition des CD

L'ostéolyse favorise la sécrétion d'IL-6

Inhibition de la différenciation en ostéoblastes

Activation des ostéoclastes

Destruction osseuse

Figure 14 - L’IL-6 et cancer

■ Le rôle controversé du TNF-α dans le cancer Le rôle du TNF-α dans le cancer est depuis longtemps un sujet très controversé, donnant lieu à de nombreuses publications expérimentales qui semblent rapporter des résultats divergents. En fait, la situation semble s'éclairer progressivement. Elle peut se résumer en 3 points : ■ Le TNF-α tire son nom d'une expérimentation animale au cours de laquelle il a été démontré que le sérum de souris stimulé par des endotoxines bactériennes était capable d'induire une nécrose hémorragique d'un sarcome induit par le méthylcholantrène. Dans ce modèle, le facteur en cause, appelé TNF-α, semblait agir par un mécanisme vasculaire (expliquant la nécrose tumorale) et non par un mécanisme immunitaire. Cependant, le TNF-α est aussi une

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■ La procédure d’administration locorégionale (membres supérieurs et inférieurs, foie) du TNF-α a été utilisée dans les mélanomes métastasés, les sarcomes des tissus mous et dans certaines tumeurs rares. Les résultats sont intéressants avec parfois d’excellentes réponses, ce qui a incité l’EMA à valider l’utilisation du TNF-α en perfusion locorégionale dans le traitement des sarcomes des tissus mous des membres. ■ Différentes associations de chimiothérapies à des doses tolérables de TNF-α ont été évaluées. En association avec des drogues cytotoxiques, le TNF-α pourrait agir de façon synergique en permettant l’accumulation de la drogue dans la tumeur par une action vaso-active. Le TNF-α pourrait aussi agir en synergie avec d’autres molécules anti-tumorales comme avec le bortezomide (Velcade®) en agissant sur l’expression des sous-unités du protéasome. De nouvelles molécules originales combinant des anticorps monoclonaux se fixant sur les vaisseaux et le TNFα associé à une drogue cytotoxique comme le melphalan sont aussi en cours d’évaluation. ■ A contrario, le TNF-α peut aussi être pro-tumorigène quand il est produit à "dose physiologique". L’apparition de certaines tumeurs (sein, rein ...) et de lymphomes est corrélée à un polymorphisme du TNF-α qui, dans la plupart des cas, se caractérise par une production accrue de TNF-α. Ainsi, le TNF-α produit par de nombreuses tumeurs et leur micro-environnement (macrophages, cellules stromales) peut induire l’apparition et/ou la croissance tumorale par différents mécanismes. Le TNF-α agit comme facteur pro-tumoral de façon paracrine et/ou autocrine car les cellules tumorales expriment les récepteurs (TNFR1 et/ou TNFR2) du TNF. Ainsi, à titre d’exemple, des cellules de carcinome rénal expriment préférentiellement le TNFR2 et non le TNFR1, ce qui rend ces cellules insensibles à l’apoptose (qui dépend du TNFR1).

3e partie Les communications intercellulaires : les cytokines et leur réseau

■ Le rôle anti-tumoral du TNFα a été confirmé depuis mais seulement quand il est injecté à forte dose. Cet effet anti-tumoral est attribué à l'induction d'une apoptose des cellules tumorales (portant des récepteurs au TNFα) ou par l'induction d'une cytotoxicité anti-tumorale par différents mécanismes immunitaires. Globalement, cet effet anti-tumoral pourrait dépendre non seulement de l’activation du récepteur du TNF-α de type 1 (qui induit une apoptose) mais aussi de celle du récepteur de type 2. Ainsi, l’activation du TNFR2 macrophagique par le TNF-α membranaire induit la production de NO qui va avoir un effet anti-tumoral en bloquant l’angiogenèse. Cependant, il a été démontré que de nombreuses cellules malignes étaient résistantes à cette immunité anti-tumorale, ce qui suggère que le TNF-α à forte dose puisse aussi agir par un mécanisme vasculaire en induisant une toxicité endothéliale qui va détruire les vaisseaux tumoraux néoformés. Cette toxicité endothéliale peut également s'accompagner d'une thrombose intra-tumorale induite par le TNF-α. Ainsi, dans certains modèles, des cellules tumorales murines transfectées avec le TNF-α disparaissent alors que dans d’autres modèles, le TNF-α seul est insuffisant pour avoir un effet anti-tumorigène. En pratique, chez l’homme (études de phases 1 et 2), le TNF-α seul (à des doses tolérables) est insuffisant pour exercer une action anti-tumorale. C’est pour cela que le TNF-α n’est utilisé qu’en association avec une chimiothérapie ou en administration locorégionale.

Chapitre 6

cytokine utile à l’activation de différentes cellules de l’immunité (NK, LB, LT, macrophages et cellules dendritiques). Dans un modèle de cancer métastasé murin chimio-induit, le rôle de l’immunité lymphocytaire a été bien démontré.

L’effet protumoral du TNF s’explique par différents mécanismes : ■ Le

TNF-α agit en induisant la synthèse de produits de l’oxydation (ROS) qui vont favoriser l’apparition de lésions oxydatives de l’ADN. Ces lésions peuvent rendre les cellules néoplasiques plus invasives.

■ Le TNF-α réduit l’apoptose des cellules tumorales et active leur prolifération en agissant sur différentes voies de signalisation (NF-κB, MAPKinases, PI3 kinase) ce qui a pour effet l’induction de protéines anti-apoptotiques (Bcl2, Bcl-xL) et de molécules de la prolifération (cycline D1, Cox, amphiréguline, EGFR, ...). ■ Le TNF-α agit sur la progression tumorale en favorisant l’angiogenèse (via l’IL-8 et le VEGF), ce qui va permettre la dissémination métastatique (via CXCR4, MCP-1, ICAM-1 et

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L’immunopathologie pour le praticien

l’IL-8). Le TNF-α favorise aussi le caractère invasif des cellules néoplasiques par l’induction de protéases (MMP) et d’intégrines (·2‚1) et de l’EMT (Epithelial-Mesenchymal Transition). Ce phénomène, crucial dans la progression tumorale et l’inflammation chronique se caractérise par une rupture des jonctions intercellulaires et des modifications cellulaires apico-basolatérales qui favorisent la migration cellulaire. Ce phénomène EMT se caractérise par une répression de l’expression de la E-cadherin qui dépend de différents facteurs de transcription Snail, Slug, Twist, Zeb1, SIP1 exprimés par la tumeur. Il a été démontré récemment que le TNF-α est le facteur principal de stabilisation de Snail. ■ Le TNF-α pourrait aussi agir (de façon autocrine et/ou paracrine) sur la cellule tumorale en induisant la synthèse d’un ganglioside tumoral, le GM2 par activation de la GM2 synthétase. Ce GM2 tumoral va bloquer la réponse lymphocytaire anti-tumorale en induisant l’apoptose de ces lymphocytes. Ainsi, le TNF-α peut favoriser la transformation, la prolifération, l’immunoprotection et la progression néoplasique. Cette cytokine produite par la tumeur et son environnement cellulaire est le médiateur-clef avec l’IL-6 de l’inflammation chronique qui fait le lit de la cancérogenèse.

4e partie

Comment neutraliser les cytokines ou les utiliser comme outils thérapeutiques ?

1. Quels sont les effets des traitements classiques ? De nombreux traitements exercent une action sur la synthèse ou l’activité des cytokines, qui constituent souvent un mécanisme d’action parmi d’autres pour des molécules à activité immunosuppressive globale.

■ Les corticoïdes Les glucocorticoïdes exercent leurs effets anti-inflammatoires et immunosuppresseurs en agissant sur de nombreuses cibles moléculaires. Après traversée de la membrane cellulaire par diffusion passive, ils fixent avec une forte affinité leurs récepteurs, qui se trouvent majoritairement dans le cytoplasme de la cellule. Le récepteur des glucocorticoïdes comprend 4 domaines, et se dimérise après fixation des glucocorticoïdes. Cette dimérisation lui confère une conformation particulière dite « en doigt de zinc » capable d’interagir avec l’ADN. Ainsi, l’ensemble récepteur-ligand migre dans le noyau pour interagir avec des séquences particulières de l’ADN appelées GRE (glucocorticoid-response éléments ou éléments de réponse aux glucocorticoïdes). Ceci conduit à l’activation ou la suppression de la transcription de gènes cibles. Parmi ces gènes cibles on trouve notamment les gènes codant pour certaines cytokines. Ainsi, les glucocorticoïdes vont conduire à : - l’activation de la transcription du gène codant pour l’IL-10, cytokine anti-inflammatoire, - à l’inhibition de la transcription de gènes codant pour des cytokines pro-inflammatoires, et ceci par le blocage de la fonction de facteurs de transcription essentiels à l’induction des cytokines pro-inflammatoires : AP-1 et la voie NF-κB. Ainsi la synthèse des cytokines pro-inflammatoires telles l’IL-1, IL-3, IL-4, Il-5, IL-6, IL-8, TNF-α, IFN-γ est inhibée par les glucocorticoïdes. Ils peuvent également inhiber la transcription de gènes codant pour des récepteurs de cytokines pro-inflammatoires, tel le récepteur de l’IL-2. Les glucocorticoïdes ne vont pas seulement agir sur la transcription des gènes codant pour des cytokines ou leurs récepteurs, mais également sur la stabilité des ARNm codant pour des cytokines proinflammatoires. En conclusion, les glucocorticoïdes, en agissant sur la synthèse ou la régulation des cytokines, vont avoir un effet anti-inflammatoire et immunosuppresseur de la fonction de toutes les cellules du système immunitaire inné ou spécifique (LB et LT, cellules NK, cellules dendritiques etc…). L’action des glucocorticoïdes sur les cytokines ne constitue cependant qu’un des nombreux mécanismes d’action de ces molécules.

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Le méthotrexate est un médicament immunosuppresseur et anti-néoplasique dont le mécanisme d’action principal consiste à inhiber l’enzyme DHFR (dihydrofolate réductase) indispensable à la synthèse des folates, eux-mêmes intervenant dans la synthèse des bases de l’ADN. Ainsi, en bloquant la synthèse de l’ADN, le méthotrexate inhibe la prolifération cellulaire. Il va également agir sur d’autres cibles. Il induit également la synthèse d’adénosine, médiateur endogène ayant des propriétés anti-inflammatoires. Ses effets sur les cytokines sont les suivants : - le méthotrexate inhibe l’activité de l’IL-1, IL-4, IL-6, l’IL-8, de l’IL-13, de l’IFN-γ et du TNF-α dans des expériences réalisées in vitro sur des LT et des monocytes activés, et exerce un effet inhibiteur sur les récepteurs solubles de l’IL-2 et le récepteur soluble p55 du TNF-α, - le méthotrexate active la transcription du gène codant l’L-10.

3e et 4e parties

■ Le méthotrexate

La ciclosporine (CsA) est un inhibiteur de la calcineurine agissant sur les LT activés. L’inhibition de la calcineurine empêche la translocation dans le noyau d’un facteur de transcription appelé NF-AT, qui permet la transcription de nombreux gènes cibles, dont un certain nombre code des cytokines. Ainsi, la ciclosporine bloquera principalement la synthèse d’IL-2 Figure 15, mais aussi dans une certaine mesure la synthèse d’IL-3, IL-4, IL-5, IL-17, d’IFN-γ et de TNF-α. De la même manière, le tacrolimus (FK506) est également un inhibiteur de la calcineurine Figure 15.

" Signal "

CsA

Récepteur des cellules T (TCR)

Canal calcique

Partie extracellulaire

FK506 Partie intracellulaire 2+

Ca CsA CpN

CpN FK506

FK506

-

+ CaN

NF-ATc

FKBP

P

Déphosphorylation NF-ATc

P

FKBP NF-ATn

+ Cellule T

Noyau Gène de l'Interleukine-2

FIGURE 15 - Le mécanisme d’action de la ciclosporine et du FK506

■ Les autres molécules

Chapitre 6

Ca2+

Les communications intercellulaires : les cytokines et leur réseau

■ Les inhibiteurs de la calcineurine

D’autres molécules utilisées comme traitement immunosuppresseur ont des effets sur la synthèse de cytokines : - le léflunomide (dont l’un des mécanismes d’actions est d’inhiber la synthèse des bases pyrimidiques de l’ADN) augmente la synthèse d’IL-10 ainsi que de l’antagoniste du récepteur de l’IL-1 (IL1Ra), et diminue la synthèse d’IL-6 et d’IL-11, par des synoviocytes de polyarthrite rhumatoïde activés. Le léflunomide bloque également la signalisation par le récepteur de l’IL-2. - l’hydroxychloroquine (antipaludéen de synthèse) inhibe la production d’IL-1. - les sels d’or réduisent l’activité de l’IL-1 et du TNF-α.

19

L’immunopathologie pour le praticien

2. Les inhibiteurs de cytokines Différentes stratégies biotechnologiques ont été développées pour bloquer les cytokines.

■ La stratégie la plus habituelle est de produire un anticorps monoclonal dirigé contre la cytokine (TNF-α, IL-1) ou son récepteur (IL-6R) : ■ Les anticorps anti-TNF-α : ils comportent l’infliximab, anticorps monoclonal chimérique humain/murin, l’adalimumab, anticorps monoclonal humain, et deux nouveaux anti-TNF-α (golimumab et certolizumab). Ces anticorps sont spécifiques du TNF-α car ils vont directement fixer le TNF-α soluble ou membranaire et neutraliser son action pro-inflammatoire. ■ Les anticorps anti-IL-1 : le canakinumab (ACZ885) est un anticorps monoclonal humain dirigé contre l’IL-1β. Son développement clinique actuel fait l’objet d’études de phase III. Il a reçu le statut de traitement de la maladie de Still de l’enfant et dans les syndromes périodiques associés à la cryopyrine ou CAPS. Il pourrait être utilisé dans des maladies plus complexes telle la polyarthrite rhumatoïde. ■ L’anti-récepteur de l’IL6 : le tocilizumab est un anticorps monoclonal humanisé (IgGl) qui se lie de manière spécifique aux récepteurs solubles et membranaires de l’IL-6 (sIL-6R et mIL-6R). Il a été démontré que le tocilizumab inhibe la transmission du signal médié par les récepteurs sIL-6R et mIL-6R. Cet anticorps est utilisé dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, et dans certains pays dans le traitement de l’arthrite juvénile.

■ Les récepteurs solubles, antagonistes naturels des cytokines, peuvent être utilisées sous forme de protéine de fusion, de même que des protéines de fusion comportant un domaine de récepteur de cytokines : ■ Ainsi le récepteur soluble du TNF-α, l’étanercept, qui est une protéine de fusion de la partie extracellulaire du récepteur p75 du TNF-α (type B) et de la portion constante d’une IgG1 humaine, va également fixer le TNF-α (préférentiellement le TNF soluble) et neutraliser son action Figure 16.

Partie extracellulaire (p75) du TNF-R

CH2

Partie Fc d'IgG1 humaine CH3

FIGURE 16 - L’étanercept ■ Les antagonistes de l’IL-1 : l’anakinra correspond à une forme recombinante humaine de l’antagoniste naturel de l’IL-1, l’IL-1Ra. L’anakinra va fixer et neutraliser l’IL-1, autre cytokine proinflammatoire majeure. L’IL-1 Trap ou rilonacept est une protéine de fusion formée de l’association de la protéine accessoire du récepteur de l’IL-1 et du domaine extracellulaire du récepteur de type I de l’IL-1, combinés au fragment Fc d’une IgG1 humaine, qui va fixer l’IL-1 avec une forte affinité. C’est un traitement approuvé par la FDA dans le traitement des CAPS (syndrome familial auto-inflammatoire et syndrome de Muckle-Wells) chez les adultes et les enfants de plus de 12 ans. Ce traitement est également en cours d’essai clinique dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et de l’arthrite juvénile idiopathique.

■ Des cytokines recombinantes à activité anti-inflammatoire peuvent être utiles mais cela s’avère souvent difficile à manier. Il existe une grande variété de cytokines anti-inflammatoires. L’une des approches thérapeutiques qui semble intéressante, notamment dans le traitement des mala20

4ère partie

dies rhumatismales, est l’administration de cytokines à action suppressive. Certaines ont été testées en clinique, mais peu ont cependant prouvé leur efficacité clinique. Ainsi, l’IFN-γ s’est montré d’une efficacité très modeste dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. L’administration d’IL-10 ou d’IL-11 n’a montré aucune efficacité dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. L’IL-4 pourrait être envisagée : il a été montré que l’IL-4 inhibe la production de cytokines et de protéases dans des expériences de culture de tissu synovial. L’administration de TGF-β‚ serait également une piste intéressante, de part ses fonctions suppressives : plusieurs études ont montré que l’administration de TGF-β empêche le développement de l’arthrite dans des modèles de souris. La concentration de TGF-β étant déjà abondante dans l’articulation, il est peu sûr que l’administration de TGF-β exogène apporte quelque amélioration dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde.

■ Récemment il a été développé des petites molécules (inhibiteurs) capables de bloquer des

Dénosumab (anti-RANK/RANK ligand) Le dénosumab est un anticorps monoclonal humain qui fixe RANKL (ligand de RANK), localisé sur les ostéoclastes. L’interaction RANK/RANKL intervient dans la différenciation, l’activation et la survie des ostéoclastes. Le denosumab permettrait donc de réduire l’ostéoclastogénèse. Le denozumab est indiqué dans traitement de l’ostéoporose, et est en cours d’essai clinique dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. Inhibiteur de l’IL-23/IL-12 L'ustékinumab est un anticorps monoclonal qui est dirigé contre la sous-unité p40 de l’IL-12 et de l’IL-23 inhibant ainsi la fixation de ces cytokines à leurs récepteurs présents à la surface des LT, des cellules NK et des cellules présentant l’antigène. Dans la maladie de Crohn et le rhumatisme psoriasique, le blocage de la voie de l’IL23 a donné des résultats discordants selon les essais cliniques. L’Ustekinumab a démontré une efficacité clinique remarquable et une bonne tolérance. Le blocage de la transcription d’IL12/IL23 par le STA 5326(Apilimod mesylate), qui est un inhibiteur oral de la voie de l’IL23, semble être mieux toléré, mais cette molécule n’a pas une efficacité supérieure au placebo. Un autre anticorps monoclonal anti IL12/23, totalement humanisé (ABT-874), est en cours d’évaluation. Si l’IL23 apparaît d’ores et déjà comme une cible prometteuse dans le traitement du le rhumatisme psoriasique, l’efficacité de son inhibition dans la PR devrait encore être évaluée. Anti IL-17 Des essais cliniques préliminaires utilisant un anticorps monoclonal anti-IL-17 ont montré une efficacité dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et du psoriasis. On envisage également d’utiliser comme antagoniste de l’IL-17, une protéine de fusion contenant une partie du récepteur de l’IL-17 Encadré 1.

Chapitre 6

3. Quelles sont les nouvelles molécules ?

Les communications intercellulaires : les cytokines et leur réseau

kinases essentielles à la signalisation des cytokines (JAK1/JAK2, JAK3, Syk…). De façon plus générale il existe d’autres substances (chimiques ou non) capables de réguler la différentiation et la prolifération des lymphocytes producteurs de cytokines pathogènes comme l’IL-17.

Anti IL-18 Une protéine de liaison de l’IL-18 a été identifiée chez l’Homme et bloque les effets de l’IL-18 dans des expériences in vitro. Ainsi un essai clinique testant l’efficacité d’une protéine de liaison de l’IL-18 humaine recombinante dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde est en cours. Thérapie génique IL-1Ra La thérapie génique permettant l’administration d’IL-1Ra (antagoniste naturel de l’IL-1) semble être une piste intéressante dans le traitement de l’arthrite inflammatoire et de l’ostéoarthrite. La transfection du gène de l’IL-1Ra dans les fibroblastes du genou empêche le développement de l’arthrite dans des modèles d’arthrite induite chez la souris par l’injection de collagène. Une technique de thérapie génique utilisant des constructions rétrovirales codant pour l’IL-1Ra humain est actuellement en cours d’évaluation dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde.

21

L’immunopathologie pour le praticien

Autres D’autres pistes sont également envisagées : anti-récepteur du GM-CSF (actuellement à l’essai dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde), anti-BAFF et anti-APRIL (actuellement à l’essai dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et du lupus érythémateux disséminé), mais également des inhibiteurs de voies de signalisation des récepteurs de cytokines : anti-JAK-3 (impliquée dans la transduction du signal de la chaine γ commune aux récepteurs de l’IL2, IL-4, Il-7, IL-9, IL-15, et de l’IL-21), et anti-Syk kinase, tous deux actuellement à l’essai en phase IIa dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde.

Encadré 1 IL-17, cellules Th17 et inflammation articulaire L’IL-17 (aujourd’hui appelée IL-17A) a été décrite en 1995 pour sa capacité à induire la production d’IL-6 et d’IL-8 par les fibroblastes et les synoviocytes de PR. C’est le membre fondateur de la famille de l’IL-17 qui comprend aussi l’IL-17F qui partage de nombreuses fonctions avec l’IL-17A. L’IL17A et F se fixent sur un complexe de récepteurs IL-17RA et IL-17RC Figure 17. La source principale de l’IL-17 A et F est la sous population Th17, différente des sous populations Th1 et Th2 classiques. L’IL-17 a des propriétés pro-inflammatoires qui entraînent la destruction de la matrice de l’os et du cartilage Figure 18. Elle augmente l’effet de l’IL-1 et du TNFα souvent par des interactions synergiques. Par son effet inhibiteur sur les lymphocytes T régulateurs et son effet antiapoptotique sur les synoviocytes, l’IL-17 contribue à la chronocité du processus inflammatoire. La démonstration de la production d’IL-17 fonctionnelle par la synoviale de PR et les résultats des modèles humains et animaux ont montré l’intêret thérapeutique du contrôle de la production et des fonctions de l’IL-17. Des résultats intéressants ont été obtenus au cours de la PR et de la spondylarthrite avec des anticorps monoclonaux anti-IL-17A. IL-17A

IL-17A/F

IL-17F

TNF IL-6, IL-8, LIF, CCL20, GM-CSF fibroblaste

Inflammation IL-6, TNF, IL-6

IL-17

IL-17RA

macrophage

Lymphocytes Th17

IL-17RC

Enzymes

Destruction du cartilage

TNFR1

NO

TNFR2 chondrocyte RANKL

ostéoclastogénèse

Erosions osseuses

ostéoblaste

IL-6, IL-8

FIGURE 17 - Les interactions IL-17A et F et leurs récepteurs

5e partie

FIGURE 18 - Les effets de l’IL-17 sur les cibles articulaires

Synthèse

1. Les points forts : 1. Les cytokines sont des petites molécules permettant la communication entre les cellules de l’organisme. 2. Plus d’une centaine de cytokines a déjà été décrite, réparties dans plus de 7 familles différentes.

22

ainsi des voies de signalisation complexes dans la cellule cible, ou à des récepteurs solubles.

4. Une même cytokine peut être produite par différentes cellules et exercer des effets différents sur des cibles variées, ce qui rend leur utilisation thérapeutique difficile. A ces difficultés s’ajoute le fait que certaines cytokines ont des effets redondants.

5. La production de certaines cytokines est dérégulée dans un certain nombre de maladies auto-immunes, ce qui ouvre, malgré les difficultés énoncées ci-dessus, de nouvelles pistes thérapeutiques, actuellement à l’essai.

4e, 5e et 6e parties

3. Les cytokines exercent leur action en se fixant à des récepteurs spécifiques membranaires, déclenchant

D’après le modèle classiquement proposé, les cytokines régulent à long terme la nature des réponses cellulaires de l’organisme par l’activation de la transcription de nombreux gènes. Cependant les cytokines exerceraient également des effets à court terme, par des mécanismes indépendant de l’expression de gènes, et impliquant une régulation directe d’autres récepteurs effecteurs de la cellule cible, c’est à dire une « communication latérale » entre les récepteurs de cytokines et les autres récepteurs cellulaires. Une meilleure compréhension de ces régulations « inter-récepteurs » livrera les clés essentielles pour un design plus rationnel de thérapies visant les cytokines. La complexité des réseaux cytokiniques nécessite une meilleure compréhension des relations hiérarchiques au sein de ces réseaux (par exemple dans la membrane synoviale au cours de la polyarthrite rhumatoïde) pour choisir la meilleure cible thérapeutique dans le traitement d’une maladie donnée. Quel sera l’effet à long terme de l’utilisation des thérapies ciblant les cytokines (développement cancers, maladies auto-immunes, infections…) ? Etant donné la proportion de patients ne répondant parfois pas au traitements ciblant les cytokines (ex : thérapie anti-TNF-α), il est nécessaire aujourd’hui d’identifier des marqueurs prédictifs de réponse.

6e partie

Chapitre 6

L’auto-immunité est traditionnellement dépeinte, pour certaines maladies auto-immunes, comme la conséquence d’une rupture de la balance entre l’action de cytokines proinflammatoires et anti-inflammatoires, en faveur d’une inflammation. Il semblerait aujourd’hui que la situation soit plus complexe, et que certaines cytokines exercent à la fois une action pro- et anti-inflammatoire, et puissent exercer des effets variables à des temps différents durant l’évolution de la maladie. Ceci doit être pris en compte dans l’utilisation des thérapies ciblant les cytokines.

Les communications intercellulaires : les cytokines et leur réseau

2. Les quelques questions :

Lexique

DALIMUMAB : médicament de la classe des immunosuppresseurs, correspondant à un anticorps monoclonal humain anti-TNF-α recombinant. Il se lie au TNF-α dont il neutralise la fonction biologique en bloquant son interaction avec les récepteurs du TNF-α.

A

NAKINRA : médicament de la classe des immunosuppresseurs, antagoniste du récepteur de l’IL-1 humaine, produit par génie génétique. L’anakinra neutralise l’activité biologique de l’IL-1a et b par inhibition compétitive de la liaison de l’IL-1 à son récepteur.

A

NTICORPS MONOCLONAL : préparation d’anticorps spécifique d’un même épitope d’un antigène donné, produit par un clone unique de lymphocyte B, par opposition à un anticorps polyclonal, qui est constitué d’un mélange d’anticorps spécifiques du même antigène, mais d’épitopes différents de cet antigène. Un anticorps monoclonal est dit « humanisé » lorsque seules les régions hypervariables de l’anticorps sont d’origine murines.

A

23

L’immunopathologie pour le praticien

C C E

HÉMOKINE : petite protéine chimio-attractante qui stimule la migration et l’activation de cellules, notamment de phagocytes et de lymphocytes, et joue un rôle central dans les réponses inflammatoires. YTOKINE : petite protéine sécrétée par une cellule et qui agit sur le comportement d’autres cellules. Les cytokines agissent par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques exprimés sur leurs cellules cibles.

TANERCEPT : médicament de la classe des immunosuppresseurs, correspondant à une protéine de fusion d’un domaine du récepteur 2 humain du TNF-α et du domaine constant (Fc) de l’IgG1 humaine. C’est un inhibiteur compétitif de la liaison du TNF-α à ses récepteurs de surface. ACTEUR DE CROISSANCE : les facteurs de croissance jouent un rôle dans la prolifération, la différenciation et l’activation, principalement des cellules du système hématopoïétique. Ils sont synthétisés par la plupart des tissus, par un petit nombre de cellules mais réparties dans tout l’organisme, et agissent par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques présents en faible quantité sur les cellules cibles.

F

NFLIXIMAB : médicament de la classe des immunosuppresseurs, correspondant à un anticorps monoclonal humain/murin anti-TNF-α recombinant. Il se lie au TNF-α dont il neutralise la fonction biologique en bloquant son interaction avec les récepteurs du TNF-α.

I

NTERLEUKINE (IL) : terme générique désignant les cytokines produites par les leucocytes.

I L P T

YMPHOTOXINE : cytokine produite par les lymphocytes. ROTÉINE DE FUSION : protéine recombinante produite par génie génétique et correspondant à la fusion de domaines de deux protéines différentes (cf étanercept).

NF-α : (tumor necrosis factor-α) : cytokine produite par les macrophages, cellules NK et lymphocytes T, et jouant un rôle dans l’inflammation et l’activation des cellules endothéliales.

7e partie

D I N P P

Abréviations

AMP : Damage Associated Molecular Pattern, déterminants moléculaires associés à un dommage cellulaire

FN : interféron K : cellules « natural killer »

AMP : Pathogen Associated Molecular Pattern, déterminants moléculaires associés à un pathogène CR : Polymerase Chain Reaction, réaction de polymérisation en chaine

8e partie

Pour en savoir plus

■ Klareskog, L., A.I. Catrina, and S. Paget, Rheumatoid arthritis. Lancet, 2009. 373(9664): p.

659-72. ■ Ronnblom, L., M.L. Eloranta, and G.V. Alm, The type I interferon system in systemic lupus ery

thematosus. Arthritis Rheum, 2006. 54(2): p. 408-20. ■ Balkwill, F., Tumor necrosis factor and cancer. Nature Reviews cancer, 2009. 9: p. 361-371. ■ Cavaillon, J.M., Le Monde des cytokines. Institut Pasteur. 2003. ■ Naugler, W.E., and M. Karin, The wolf in sheep’s clothing: the role of interleukin-6 in immunity, inflammation and cancer. Trends Mol Med, 2008. 14:109-119. 24

LES COMMUNICATIONS INTERCELLULAIRES PAR LES VOIES DE SIGNALISATION

2. La signalisation par les récepteurs couplés aux protéines G et les récepteurs couplés aux enzymes • Signalisation par les récepteurs couplés aux protéines G • La signalisation par les récepteurs couplés aux enzymes

3. Les voies de signalisation intracellulaires • Les voies des MAP kinases • La voie de PI3 kinase/Akt • La voie de NF-κB • La voie JAK/STAT • La voie des récepteurs TLR • La voie des récepteurs intracellulaires NOD et de l’inflammasome NLRP3

2e partie

Comment explorer les voies de signalisation

 05  06  06  07  08  08  08  08  09  10  11

 13

1. Comment mettre en évidence une phosphorylation  13 2. Comment mettre en évidence d’une intéraction protéine-protéine • L’immunoprécipitation • FRET ou transfert d’énergie entre molécules fluorescentes • Etude fonctionnelle

3e partie

 14  14  15  16

Les communications intercellulaires par les voies de signalisation

1. La signalisation intracellulaire ou réseau de protéines intracellulaire de signalisation

 03

Chapitre 7

1ère partie Principes généraux

SOMMAIRE

Chapitre 7

Les voies de signalisation intracellulaire en pathologie : quelques exemples  16 de maladies inflammatoires

κB et maladies inflammatoires 1. NF-κ

 16

2. MAPK et maladies inflammatoires

 17

3. NOD, NLRP et maladies auto-inflammatoires

 17

1

L’immunopathologie pour le praticien 2

4e partie

Implications thérapeutiques dans la polyarthrite rhumatoïde

 18

1. Données générales

 18

2. Inhibition de p38 MAPK

 18

3. Inhibition des JAK

 19

4. Inhibition de Syk

 19

5e partie

Points forts

 20

Quelques questions

 21

6e partie

Lexique

 21

7e partie

Pour en savoir plus

 22

Université Denis-Diderot, Paris VII, Centre Viggo Petersen, Hôpital Lariboisière, Paris

La transduction du signal permet à une cellule de répondre et de s’adapter aux stimuli provenant des autres cellules et de l’environnement. La liaison du signal extracellulaire (ou ligand) qui peut être une cytokine inflammatoire ou non, un composant microbien, une structure microparticulaire, un acide aminé, un nucléotide, un gaz, etc… à son récepteur spécifique déclenche une cascade d’activation de protéines intracellulaires aboutissant à une modification du comportement de la cellule. Le récepteur est souvent situé à la surface de la cellule mais peut aussi être intracellulaire. L’activation des protéines intracellulaires, médiée principalement par des protéine-kinases, peut suivre plusieurs voies de signalisation intracellulaire dont les principales sont la voie des MAPK (mitogen-associated protein kinases), de NF-κB (nuclear factor κB), de l’interféron (IFN), des voies dépendantes du calcium et des récepteurs Toll (TLR), des récepteurs NOD-like et de l’inflammasome, et la voie des phosphatidylinositol-3 kinases (PI3K). De nombreuses maladies inflammatoires rhumatologiques ont une altération de la signalisation intracellulaire. Ainsi, une meilleure compréhension de ces différentes voies permet d’envisager de nouvelles cibles thérapeutiques avec l’utilisation de petites molécules capables de réguler les protéines de signalisation. Un organisme pluricellulaire doit communiquer pour survivre. Chaque cellule reçoit une multitude de signaux extracellulaires provenant d’autres cellules et de l’environnement. L’intégration par la cellule de ces informations dépend non seulement de ces récepteurs (protéines de reconnaissance du signal), mais aussi de protéines de signalisation intracellulaire qui distribuent le signal dans la cellule. La transduction du signal est l’ensemble des événements intracellulaires déclenchés par la liaison du signal à son récepteur jusqu’à la réponse cellulaire. Les protéines de signalisation intracellulaire comportent des kinases, des phosphatases, des protéines de liaison au GTP (guanosine triphosphate) et beaucoup d’autres protéines avec lesquelles elles interagissent. Le signal se traduit par une modulation de la croissance, la prolifération ou la mort cellulaire, la différenciation, la migration et l’activation cellulaires, la réponse immune ou d’autres fonctions cellulaires via la régulation de gènes codant pour des facteurs de croissance, des cytokines, des chimiokines, des protéases, etc… Le but de ce chapitre n’est pas d’étudier de façon exhaustive les voies de signalisation, mais d’en résumer les principes généraux, de présenter les principales voies de signalisation (AMP cyclique, PKA et PKC, MAPK, NF-κB, TLR, NOD, inflammasome NLRP3, JAK-STAT, IFN et PI3K), et certaines voies régulatrices, et de signaler quelques pistes thérapeutiques.

Les communications intercellulaires par les voies de signalisation

Hang Korng Ea, Frédéric Lioté

Chapitre 7

LES COMMUNICATIONS INTERCELLULAIRES PAR LES VOIES DE SIGNALISATION

1e partie

Chapitre 7

1ère partie Principes généraux ■ Les « médiateurs » de la communication cellulaire

La communication cellulaire permet à une cellule d’influencer le comportement d’une autre cellule. Elle se fait au moyen de centaines de molécules qui peuvent être des protéines, des petits peptides, des acides aminés, des nucléotides, des dérivés des acides gras, des cytokines inflammatoires, des structures microparticulaires, des gaz dissous comme le monoxyde d’azote (NO) et le monoxyde de carbone (CO), etc… Ces molécules peuvent être solubles, fixées sur la matrice extracellulaire ou sur la surface d’une cellule voisine et peuvent agir selon plusieurs millions de combinaisons. 3

L’immunopathologie pour le praticien

■ Les « récepteurs » cellulaires

La cellule répond sélectivement par des récepteurs spécifiques. Dans la plupart des cas, ces récepteurs sont des protéines transmembranaires situées à la surface de la cellule cible. Lorsqu’ils fixent la molécule de signalisation extracellulaire (ou le ligand), ils s’activent et engendrent une cascade de signaux intracellulaires qui modifient le comportement de la cellule Figure 1. Dans d’autres cas, les récepteurs sont intracellulaires et les molécules de signalisation doivent entrer dans la cellule pour les activer : ces molécules sont dans ce cas suffisamment petites et hydrophobes (ou gazeuses) pour diffuser au travers de la membrane plasmique. C’est le cas par exemple des récepteurs pour les hormones stéroïdiennes, des récepteurs de la vitamine D ou encore des récepteurs aux oestrogènes. Molécule de signalisation extracellulaire

Récepteur (transmembranaire ou intracellulaire)

Protéines de signalisation intracellulaires • Survie et croissance cellulaires • Mort cellulaire • Différenciation cellulaire

Protéines cibles gènes cibles

• Migration cellulaire • Modification du métabolisme • Production de cytokines inflammatoires • Production de protéases • Etc…

Figure 1. Schéma général de la signalisation intracellulaire. La molécule de signalisation se fixe sur une protéine spécifique, ou récepteur (généralement transmembranaire mais peut être intracellulaire), et active ainsi une voie de signalisation intracellulaire qui est mise en jeu par l’intermédiaire d’une cascade de protéines de signalisation. Ces protéines de signalisation activent des gènes cibles et la production de protéines spécifiques qui vont moduler le comportement de la cellule.

Il y a trois familles principales de récepteurs cellulaires de surface, qui effectuent chacun différemment la transduction des signaux extracellulaires Figure 2 . ions

Molécule de signalisation

A Membrane plasmique

B

Récepteur à 7 domaines transmembranaires

Molécule de signalisation

Enzyme Protéine G

C

Protéine G activée

Molécule de signalisation sous forme d’un dimère

Récepteur couplé aux enzymes

Enzyme activée

Molécule de signalisation

domaine catalytique inactif Domaine catalytique actif

Enzyme activée

Figure 2. Trois classes de récepteurs cellulaires de surface (adapté de « Biologie moléculaire de la cellule », 4ème édition, Médecinesciences, Flammarion, 2004). (A) Les récepteurs couplés aux canaux ioniques. (B) Les récepteurs à 7 domaines transmembranaires couplés aux protéines G. (C) Les récepteurs couplés aux enzymes. Après la fixation de la molécule de signalisation extracellulaire, les récepteurs couplés aux enzymes peuvent avoir une activité enzymatique intrinsèque (schéma de gauche) ou recruter et activer une enzyme associée (schéma de droite).

4

Les récepteurs couplés aux canaux ioniques sont impliqués essentiellement dans la signalisation synaptique rapide entre les cellules électriquement excitables. Ce type de signalisation s’effectue par l’intermédiaire de neurotransmetteurs qui ouvrent et ferment transitoirement le canal ionique formé par des protéines à plusieurs domaines transmembranaires. ● Les récepteurs couplés aux protéines G régulent directement l’activité d’une autre protéine liée à la membrane plasmique, qui peut être soit une enzyme soit un canal ionique. L’interaction entre le récepteur et la protéine se fait par l’intermédiaire de la protéine trimérique de liaison au GTP (ou protéine G) Figure 2B. Tous les récepteurs couplés à la protéine G appartiennent à une grande famille de protéines homologues à 7 domaines transmembranaires. ● Les récepteurs couplés aux enzymes, lorsqu’ils sont activés, fonctionnent directement comme une enzyme ou sont directement associés aux enzymes qu’ils activent Figure 2C. Ils sont formés de protéines à un seul domaine transmembranaire qui ont leur site de liaison au ligand situé à l’extérieur de la cellule et leur site catalytique ou de liaison enzymatique situé à l’intérieur. La grande majorité de ces récepteurs sont des protéine-kinases, ou sont associés à des protéine-kinases et les ligands qui s’y fixent provoquent la phosphorylation de groupes spécifiques de protéines dans la cellule cible.

B

A Protéine inactive

Protéine inactive

Kinases

Les communications intercellulaires par les voies de signalisation

La transmission du signal dans les cellules Une fois activés, les récepteurs couplés aux enzymes ou à la protéine G transmettent le signal à l’intérieur des cellules en activant des chaînes de protéines de signalisation intracellulaire. C’est un véritable système d’engrenages. Les petites molécules de signalisation intracellulaire sont appelées petits médiateurs intracellulaires ou seconds messagers. Elles sont synthétisées en grand nombre en réponse à l’activation des récepteurs et diffusent rapidement loin de leur source pour transmettre le signal aux autres parties de la cellule. Certaines, comme l’AMP cyclique ou le Ca2+, sont hydrosolubles et diffusent dans le cytoplasme tandis que d’autres, comme le diacylglycérol (DAG), sont liposolubles et diffusent dans le plan de la membrane plasmique. ● Les protéines de signalisation Les protéines de signalisation forment un véritable réseau, qui peut aussi être comparé à un réseau informatique, pour relayer le signal extracellulaire jusqu’au noyau nucléaire où elles se lient à des facteurs de transcription et induire l’expression de gènes cibles. Ces protéines s’interagissent, se chevauchent et peuvent souvent activer plusieurs voies de signalisation. Elles ont de multiples fonctions. Certaines relayent le signal, d’autres transportent le signal d’une partie de cellule à une autre, d’autres servent d’adaptateur, d’amplificateur ou de transducteur en convertissant le signal reçu en une autre forme, d’autres permettent le regroupement de plusieurs protéines en créant un véritable échafaudage, d’autres enfin modulent l’action d’autres molécules. ● L’activation/désactivation par phosphorylation/déphosphorylation des protéines de signalisation La plupart des protéines de signalisation se comportent comme des commutateurs moléculaires. Elles passent d’un état inactif à un état actif et vice versa à la réception de signal spécifique. Il existe deux classes principales de commutations moléculaires qui agissent de façon différente, mais dans les deux cas, l’état fonctionnel de la protéine de signalisation est déterminé par la perte ou le gain d’un groupement phosphate Figure 3.



Chapitre 7

1. La signalisation intracellulaire ou réseau de protéines intracellulaire de signalisation

1e partie



GDP GDP

ATP

P

GEF

P ADP

GTPase

Phosphatases GDP

P

P GTP

Protéine activée

Protéine activée

Figure 3. Activation par addition d’un groupement phosphate. (A) La protéine de signalisation est activée par phosphorylation par une protéinekinase. Elle est inactivée par une phosphatase qui élimine le groupement phosphate. (B) Activation de la protéine de signalisation par l’intermédiaire d’un échange entre son GDP lié par un GTP. Elle se déroule sous l’action d’un facteur d’échange des nucléotides guanylique ou GEF (guanine exchange factor). La protéine activée possède une activité GTPasique intrinsèque qui hydrolyse son GTP en GDP, ce qui l’inactive.

5

L’immunopathologie pour le praticien

La plupart des protéines de signalisation sont activées ou inactivées par phosphorylation ou déphosphorylation Le groupement phosphate est ajouté par une protéine-kinase alors qu’une protéine-phosphatase le soustrait de la protéine de signalisation. La protéine de signalisation activée par phosphorylation est le plus souvent ellemême une protéine-kinase, ce qui explique les cascades de phosphorylations. La protéine-kinase activée phosphoryle une autre protéine-kinase qui a son tour active une autre protéine-kinase, et ainsi de suite, amplifiant et disséminant le signal vers l’avant. Les protéine-kinases sont classées en fonction de leurs sites de phosphorylation. Les sérine/thréonine-kinases phosphorylent les protéines sur les sérines et les thréonines et les tyrosine-kinases sur les tyrosines. ● L’autre catégorie de commutateur moléculaire est constituée des protéines liées au GTP La protéine est active lorsqu’elle est liée au GTP. Lorsqu’elle est activée, la protéine possède une activité GTPasique intrinsèque et elle s’inactive elle-même en hydrolysant le GTP en GDP. Il existe deux groupes de protéines de liaison au GTP : les protéines trimériques de liaison au GTP (ou protéines G) qui relayent le signal transmis par les récepteurs couplés aux protéines G et les petites protéines GTPases monomériques. Celles-ci peuvent transmettre le signal intracellulaire comme la protéine Ras mais sont surtout impliquées dans le transport vésiculaire.



2. La signalisation par les récepteurs couplés aux protéines G et les récepteurs couplés aux enzymes 2.1. Signalisation par les récepteurs couplés aux protéines G La structure des récepteurs couplés aux protéines G Les récepteurs couplés aux protéines G sont des récepteurs à 7 domaines transmembranaires. Ils forment la plus grande famille des récepteurs cellulaires de surface. Lorsqu’ils sont activés, ils subissent une modification de conformation et activent les protéines G. Les protéines G sont composées de trois sous-unités protéiques (α, β‚ et γ). Lorsque le récepteur est activé, la sous-unité α libère son GDP pour se lier au GTP. Cette liaison avec le GTP provoque la dissociation des trois sous-unités en deux composants actifs (la sous-unité α et un complexe βγ) qui vont stimuler soit des enzymes soit des canaux ioniques de la membrane plasmique. La sousunité α possède une activité GTPasique. Lorsqu’elle hydrolyse son GTP en GDP, elle se réassocie à un complexe βγ pour réformer un trimère inactif. ● Le rôle des récepteurs couplés aux protéines G Les récepteurs couplés aux protéines G activent de nombreuses voies intracellulaires Figure 4.



Molécule de signalisation

Récepteur couplé aux protéines G

Récepteur à activité tyrosine-kinase PI(3, 4, 5)P3 P

P P DAG

PLC

P

P

P

P

P

Akt

PI(4, 5)P2

PDK1

Protéine G activée

PKC

PI3K

IP3 Adénylate cyclase P

Ca2+

Akt AMP cyclique

calmoduline

CaM-kinases

PKA

Figure 4. Quelques voies de signalisations activées par les récepteurs couplés aux protéines G. La liaison du signal extracellulaire au récepteur couplé aux protéines G active celles-ci. L’activation de la protéine G stimule l’adénylate cyclase qui produit une augmentation de l’AMP (adénosine monophosphate) cyclique induisant l’activation de la protéine-kinase A (PKA). D’autres récepteurs peuvent induire la phospholipase C (PLC) aboutissant à la production de l’inositol 1, 4, 5-trisphosphate (IP3) et du diacylglycérol (DAG). L’IP3 augmente le Ca2+ intracellulaire via le relargage du Ca2+ stocké dans le réticulum endoplasmique. Le Ca2+ intracellulaire peut stimuler directement la protéine-kinase C (PKC) qui est aussi stimulée par le DAG et/ou se lier à la calmoduline et activer les protéine-kinases Ca2+/calmoduline dépendantes (CaM-kinases). Les protéines G peuvent aussi activés la phosphatidylinositol 3 phosphate (PI3) kinase tout comme les récepteurs à activité tyrosine-kinase. PI3K activé induit la production de phosphatidylinositol (4, 5) bisphosphate (PI (4, 5) P2 ) et de (PI(3,4,5)P3). Ce dernier recrute alors la protéine-kinase B (ou Akt) et la protéine-kinase phosphatidylinositol dépendante (PDK1). Akt phosphorylé par PDK1 se dissocie de PI(3,4,5)P3 et passe dans le cytosol. Les protéine-kinases PKA, PKB (Akt), PKC et CaM-kinases activent ensuite les protéines/gènes cibles et modifient le comportement de la cellule.

6

- D’autres activent une phospholipase C spécifique des phosphoinositides (phospholipase C β) qui hydrolyse le phosphatidylinositol 4,5-bisphosphonate pour former deux médiateurs intracellulaires : l’inositol 1, 4, 5-trisphosphate (IP3) et le DAG. L’IP3 provoque une augmentation du Ca2+ intracellulaire (iCa2+) par relargage du Ca2+ situé dans le réticulum endoplasmique (RE). L’augmentation du iCa2+ peut activer directement de nombreuses voies de signalisation et/ou indirectement après sa liaison avec la calmoduline activant alors des sérines/thréonine-kinases Ca2+/calmoduline dépendantes (CaM-kinases).La CaM-kinase II est une des plus importantes CaM-kinases. ● Le DAG, molécule liposoluble qui reste dans la membrane plasmique, va activer la protéine-kinase C (PKC) qui est aussi dépendante du Ca2+. L’activation des protéine-kinases PKA, PKC et CaM-kinases induit la phosphorylation de protéines cibles qui vont modifier le comportement de la cellule. ●

1e partie

- Certains activent l’adénylate cyclase entraînant ainsi l’augmentation intracellulaire de l’AMP cyclique et l’activation de la protéine-kinase A (PKA).

● Les récepteurs à activité tyrosine-kinase et ceux associés aux tyrosine-kinases sont les plus nombreux, regroupés en 20 sous-familles. Ils ont de multiples ligands dont divers facteurs de croissance et hormones comme les facteurs de croissance des fibroblastes (FGF), des cellules endothéliales (VEGF), des facteurs de croissance dérivés des plaquettes (PDGF), des cellules épithéliales (EGF), l’insuline ou encore les facteurs de croissance de type insuline-like (IGF-1 et IGF-2). La liaison du ligand à son récepteur à activité tyrosine-kinase déclenche une autophosphorylation du récepteur sur de multiples tyrosines. Cette autophosphorylation active des kinases et recrute de nombreuses protéines de signalisation intracellulaire qui s’interagissent par des domaines spécifiques et hautement conservés (domaines SH2 ou régions d’homologie avec Src) pour transmettre le signal par de multiples voies de signalisation. ● La protéine Ras est une GTPase monomérique qui joue un rôle majeur dans la signalisation des récepteurs à activité tyrosine-kinase. Elle est recrutée par des protéines adaptatrices ayant des domaines SH2 et SH3. Comme toutes les protéines de liaison au GTP, l’activité de Ras dépend de sa liaison au GDP ou au GTP. Ras activée stimule une voie de signalisation hautement conservée et impliquée dans la croissance cellulaire et la réponse inflammatoire : la voie des MAP-kinases (mitogen-activated protein kinases) Figure 5. La voie de PI3K (PI3 kinase) est une autre voie de signalisation importante de survie cellulaire stimulée par Ras Figure 4. L’activation de Ras dépend de la protéine Sos (son of sevenless), un facteur d’échange des nucléotides guanyliques ou GEF (guanine nucleotide exchange factor), qui est recrutée au récepteur à activité tyrosine-kinase par la protéine adaptatrice Grb2. Ras-GTP activé stimule la kinase Raf et la voie de MAP kinase ERK Figure 5. Molécule de signalisation

Récepteur à activité tyrosine-kinase

Membrane plasmique Grb2

Activateurs

Ras

Rho, Cdc42/Rac, TAK1…

Sos

P MAP3K

MAP3K

Raf

P MAP2K

MKK 1, 2

MKK 4, MKK 3, 6

MKK 4, 7

ERK1, 2

p38 α, β, γ , δ

JNK 1, 2, 3

P MAPK

P Facteurs de transcription

Effets cellulaires

Chapitre 7

Il existe 5 classes de récepteurs couplés aux enzymes : a) les récepteurs à activité tyrosine-kinase ; b) les récepteurs associés aux tyrosine-kinases ; c) les récepteurs à activité sérine/thréonine-kinase ; d) les récepteurs associés aux histidine-kinases et e) les guanylates cyclases transmembranaires.

Les communications intercellulaires par les voies de signalisation

2.2. La signalisation par les récepteurs couplés aux enzymes

Figure 5. Voie des MAP kinases. Les voies des MAP kinases (mitogen-activated protein kinases) sont divisées en trois voies : ERK (extracellular signal-regulated kinases), p38 et JNK (C-Jun Nterminal kinases). Ces trois protéines ont plusieurs isoformes et sont les dernières protéinekinases des trois voies respectives. Chaque protéine-kinase est activée par des MAPK kinases (MKK ou MAP2K) spécifiques qui ellesmêmes sont activées par d’autres kinases, les MAPK kinase-kinases (MAP3K). Les MAP3K ont des activateurs spécifiques en fonction du signal extracellulaire initial et du type de cellule.

Elk1, c-Myc, AP1, ATF2, STAT, CREB, NF-ΚB…. Prolifération Différenciation

Survie Apoptose

Inflammation

Remodelage MEC

7

L’immunopathologie pour le praticien

3. Les voies de signalisation intracellulaires 3.1. Les voies des MAP kinases La famille des MAP kinases comporte plusieurs enzymes interactives organisées en module à trois niveaux d’activation successive Figure 5. Les trois voies principales des MAP kinases, définies par les derniers éléments de la cascade qui comportent tous plusieurs isoformes, sont les voies des kinases ERK1 et ERK2 (extracellular signal-regulated kinases), de p38 MAP kinases (avec 4 isoformes dénommés α, β, γ et δ) et de C-Jun N-terminal kinases (JNK1, JNK2 et JNK3). ●

● Les MAP kinases ont une expression ubiquitaire et sont impliquées dans de nombreux processus biologiques. ERK1 et ERK2 régulent habituellement la prolifération, la survie et la différenciation cellulaires. Les MAP kinases p38 et c-JUN sont impliquées dans la réponse inflammatoire, la mort cellulaire, le remodelage de la matrice extracellulaire, etc…

Les MAP kinases sont activées par phosphorylation par des MAP kinase-kinases (MKK ou MAP2K) qui sont elles-mêmes stimulées par des MAP kinase-kinase-kinases (MAP3K) situées les plus en amont de la voie Figure 5. Par exemple, JNK est activée principalement par deux kinases d’amont MKK4 et MKK7. JNK activé stimule le facteur de transcription c-Jun qui peut alors former le complexe de facteurs de transcription AP-1 (transcription-factor complexe activator protein) par homodimèrisation ou hétero dimèrisation en s’associant avec un autre membre de la famille des facteurs de transcription Jun et Fos. AP-1 a une distribution ubiquitaire et régule, entre autres, l’expression de métalloprotéases (MMP), de cytokines inflammatoires. Les mêmes cascades d’activation existent pour les deux autres voies des MAPK : MEK1 et MEK2 activent ERK1 et ERK2 alors que MKK3/6 activent p38 MAP kinases. L’activation des voies MAPK est régulée étroitement (de façon temporelle et spatiale) dans chaque cellule et son inactivation dépend des sérine/thréonine-phosphatases, des tyrosine-phosphatases et des phosphatases à double spécificité (dual specificity phosphatases DUSP).



3.2. La voie de PI3 kinase/Akt ● La phosphatidylinositol-3 kinase (PI3K) peut être activée par les récepteurs à activité tyrosinekinase mais aussi par d’autres types de récepteurs comme les récepteurs couplés aux protéines G. Elle est impliquée dans la croissance et la prolifération cellulaires. PI3K est classée en plusieurs familles qui contiennent plusieurs isoformes. PI3K activée stimule la phosphorylation des inositol phospholipides membranaires sur la position 3 du cycle inositol et génère des lipides membranaires appelés PI(3, 4)P2 (phosphatidylinositol 3, 4 bisphosphate) et PI(3, 4, 5)P3 (phosphatidylinositol -3, 4, 5 trisphosphate). Ces phospholipides membranaires sont déphosphorylés par des inositol phospholipides phosphatases (PTEN). PI(3, 4) P2 induite par PI3K peut aussi être converti en IP3 et DAG par une PLC γ activant ainsi les CaM-kinases. ● L’activation de PI3K génère un signal qui recrute la protéine-kinase B (ou Akt) à la membrane cellulaire. Celle-ci se lie alors avec la PI(3, 4, 5)P3 et change de conformation permettant son activation par une protéine-kinase phosphatidylinositol dépendante (la PDK1). Akt activé est relâché dans le cytosol où il favorise la survie cellulaire en inhibant des protéines pro-apoptotiques et/ou la transcription des gènes qui les codent Figure 4.

3.3. La voie de NF-κB Les protéines NF-κB (dimères formés à partir de 5 protéines) ont été identifiées il y en a une vingtaine d’années. Elles sont exprimées de façon ubiquitaire, en particulier elles lient le promoteur du gène codant pour la chaîne légère kappa dans les cellules B. Ainsi, la voie de NF-κB est une voie majeure dans l’organisme vivant. Sa délétion chez l’animal est létale. NF-κB régule le développement, la communication intercellulaire, la réponse immunitaire innée et adaptative et la réponse inflammatoire, etc... Elle est impliquée dans les pathologies inflammatoires, les pathologies cancéreuses, l’athérosclérose ou encore le diabète. ●

La famille de NF-κB comporte 5 membres chez les cellules de mammifères : RelA (ou p65), RelB, RelC, p50 (ou NF-κB1) et p52 (ou NF-κB2) qui s’associent pour former des homodimères et des hétérodimères. Les dimères de NF-κB sont maintenus inactifs par les protéines de la famille des inhibiteurs de NF-κB (IκB ou inhibitors of NF-κB). Les 9 membres de la famille IκB sont IκBα, IκBβ, IκBγ, IκBε, p100 et p105 qui sont, respectivement, les précurseurs de p50 et p52, IκBζ et IκBNS (ou IκBδ). ●

8

Molécule de signalisation

Stress

Trimère de TNF et récepteurs du TNF

TLR

Protéine adaptatrice

Myd88

NIK

Complexe IKK activé

Protéasome

γ

KK

β

P

P

P

P Ub

Ub

Ub

Ub Ub

Ub

Ub

IΚ ΚB Ub Survie Apoptose Réponse immune Réponse inflammatoire…

Figure 6. Voie de NF-κB. NF-κB est séquestré dans le cytosol par des protéines inhibitrices IκB (inhibitors of NF-κB). L’activation de la voie de NF-κB par les récepteurs du TNFα, les récepteurs TLR (récepteurs appartenant à la superfamille des récepteurs IL-1 et des récepteurs Toll) ou encore un stress (rayonnement ultraviolet, ionisant, dérivés oxygénés) stimule la phosphorylation du complexe IκB kinase-kinases (IKK) qui est un trimère associant la sous-unité régulatrice NEMO (NF-κB essential regulator, connu aussi sous le nom de IKKγ) et des deux sous-unités catalytiques IKKα et IKKβ. IKK activé induit la phosphorylation de IκB puis son ubiquitinylation (Ub) et sa dégradation par le protéasome. La dégradation de IκB permet alors à NF-κB de se déplacer dans le noyau et d’activer la synthèse de protéines spécifiques impliquées dans la régulation de la survie et de l’apoptose cellulaire, de la réponse immune et inflammatoire etc…NIK : NF-κB-inducing kinases. MyD88 : myeloid differenciating factor 88.

NF-κB peut être activé par deux voies principales. La voie classique ou canonique est activée par de nombreux stimuli comme les cytokines inflammatoires, les produits bactériens ou viraux, le stress, les radicaux libres dérivés de l’oxygène, les ultraviolets et les rayonnements ionisants, ect…Ces signaux induisent la dégradation de IκBα et l’accumulation nucléaire, essentiellement, du dimère RelA-p50 qui régule l’expression de gènes impliqués dans la réponse immunitaire et la mort cellulaire. ●

La voie alternative ou non-canonique est activée par des récepteurs impliqués dans l’organogenèse des tissues lymphoïdes et le développement des lymphocytes comme le récepteur à la lymphotoxine-β‚ ou encore le récepteur au facteur activateur des lymphocytes B (BAFF ou B cell-activating factor)



Les communications intercellulaires par les voies de signalisation

α P

Chapitre 7

/I MO NE

NF-Κ ΚB

1e partie

● L’activation de NF-κB est sous le contrôle de IκB kinase (IKK), complexe trimérique composé de deux sous-unités catalytiques (IKKα ou IKK1 et IKKβ‚ ou IKK2) et de la sous-unité régulatrice NEMO (NFκB essential regulator, connu aussi sous le nom d’IKKγ) Figure 6. Lorsque la voie de NF-κB est stimulée, le complexe IKK phosphoryle les protéines IκB sur des résidus sérines et thréonines spécifiques. IκB phosphorylé subit une ubiquitinylation puis est dégradé par le protéasome permettant ainsi aux dimères NF-κB libres de passer dans le noyau et d’activer les gènes cibles Figure 6.

3.4. La voie JAK/STAT ● La voie JAK (Janus

kinase) est la voie d’activation de nombreuses cytokines telles que l’interféron, l’IL-6, IL-15 et de facteurs de croissance comme l’hormone de croissance et le GM-CSF (granulocyte macrophage colony stimulating factor). Les JAK (Jak1, Jak2, Jak3 et Tyk2) sont des tyrosine-kinases intracytoplasmiques. Elles ont été découvertes au cours des études sur les effets des interférons. Elles régulent l’expression de gènes impliqués dans l’activation, la prolifération et la différenciation cellulaires. L’activation des JAK stimule la phosphorylation des protéines STAT (signal transducers and activator of transcription) qui induisent alors la transcription de gènes cibles. JAK stimule aussi les voies de Ras/MAPK et de PI3K et Akt.



● Sept protéines STATS sont actuellement identifiées. (Elles possèdent toutes un domaine SH2 qui permet leur liaison sur la tyrosine phosphorylée du récepteur activé. Le domaine SH2 permet aussi la formation

9

Cytokines : IFN, IL6, IL15 Facteur de croissance

Récepteur de cytokines

P

JAK

SHP1

Grb2

PI3K

Sos

Akt

STAT

Homo/hétéro dimérisation

P P

Ras/ERK MAPK

P

STAT5

L’immunopathologie pour le praticien

de dimères (homodimères et hétérodimères) entre les protéines STAT activées. Les dimères activés de STAT migrent ensuite dans le noyau nucléaire pour stimuler des gènes spécifiques. La voie des STAT est souvent accompagnée d’un rétrocontrôle négatif. En effet, STAT stimule aussi la production de protéines inhibitrices telle que SOCS3 (suppressor of cytokine signalling 3) qui va inactiver JAK et STAT5 qui par rétrocontrôle inactive la STAT phosphorylée. L’autre mécanisme de désactivation passe par les tyrosine-phosphatases. Ainsi, les JAK sont inhibés par la tyrosine-phosphatase SHP-1 Figure 7.

SOCS3 Croissance Prolifération Différenciation

P

Développement Etc…

Figure 7. Voie d’activation de JAK/STAT. Janus Kinases (JAK) sont des tyrosine-kinases intracytoplasmiques qui peuvent être activés par les récepteurs des cytokines. JAK activé stimule la phosphorylation de STAT (signal transducers and activator of transcription) qui peut alors former des homo/hétérodimères. Les dimères de STAT migrent dans le noyau nucléaire et stimulent des gènes cibles à l’origine des modifications du comportement cellulaire. STAT induit aussi la production de protéines qui exercent un rétrocontrôle négatif sur la voie de JAK comme les protéines SOCS3 (suppressor of cytokine signalling 3) et STAT5. JAK peut être inhibé par une tyrosine-phosphatase, la SHP1. Par ailleurs, l’activation de JAK peut aussi stimuler les voies de Ras/MAPK ERK1/2 et la voie de PI3K et d’Akt.

3.5. La voie des récepteurs TLR ● La réponse immune innée est médiée par les récepteurs TLR (toll-like receptors) qui ont comme ligand les produits microbiens ou PAMP (pathogen-associated molecular patterns). L’activation des récepteurs TLR stimule des voies de signalisation intracellulaire qui peuvent être séparées en deux groupes : celles dépendantes de la protéine adaptatrice MyD88 (myeloid differenciation factor 88) qui déclenchent une production de cytokines pro-inflammatoires avec une activation rapide de NF-κB et des MAPK, et celles indépendantes de MyD88 associées à la production de l’interféron (IFN) β ‚ et des gènes IFN-dépendant, et la maturation des cellules dentritiques avec une activation lente de NF-κB et des MAPK Figure 8.

Il existe chez l’homme au moins 9 TLR qui s’interagissent pour former des homo- et des héterodimères. Chaque TLR possède un répertoire particulier de PAMP comme ligand. Ainsi, TLR2 lie le peptidoglycane des parois bactériennes, TLR4 le lipopolysaccharide des bacilles Gram négatif, TLR3 et TLR7 les séquences des ARN viraux, TLR9 des séquences d’ADN contenant les CpG, etc…TLR2 et TLR4 reconnaissent aussi des microcristaux d’urate monosodique (UMS) et des cristaux de pyrophosphate de calcium (PPCD) ou encore des cristaux de phosphate de calcium. Tous les TLR et le récepteur à l’IL-1 ont en commun MyD88 comme protéine adaptatrice intracellulaire hormis l’homodimère TLR3 dont le signal est relayé par la molécule TRIF (toll-interleukin-1 receptor-domain-containing adapter-inducing interferon β) Figure 8. L’activation de MyD88 recrute des kinases et facteurs activateurs tels que IRAK (IL-1 receptor-associated kinase) et TRAF (TNF receptor-associated factor) qui stimulent rapidement les voies de NF-κB et des MAPK.



10

PI3K

FADD

IRAK4

Akt

CAS8

TRAF6

TLR3

TLR3

TLR9

ARN viral db

TLR9

TLR7

ADN CpG

TRAM MyD88

TRIF

1e partie

TIRAP MyD88

ARN viral sb

TLR7

TLR4

TIRAP MyD88

Rac1

LPS

TLR4

TLR5

TLR5

TLR6

Flagelline

TLR2

TLR1

TLR2

Peptidoglycane

TRAF3

IRF7

IRF3

TAK1

Cytokines inflammatoires

IFNb

Figure 8. Voies de signalisation des récepteurs Toll-like (TLR). Les TLR homo/hétérodimères reconnaissent des ligands spécifiques issus de produits microbiens (PAMP ou pathogen-associated molecular pattern). L’activation des TLR stimule des voies de signalisation qui sont soit dépendante de la protéine adaptatrice MyD88 (myeloid differenciation factor 88) soit dépendante de TRIF (toll-interleukin-1 receptor-domaincontaining adapter-inducing interferon β(IFN)) pour l’homodimères TLR3. L’homodimère TLR4 peut activer à la fois MyD88 via la molécule adaptatrice TIRAP (toll-interleukin 1 receptor (TIR) domain containing adaptor protein) et TRIF via la molécule TRAM (toll-like receptor adaptor molecule 2). L’activation de TRIF induit la phosphorylation IRF3 (IFN regulatory factor) qui migre dans le noyau nucléaire et induit la transcription de l’IFN‚ et des gènes IFN-dépendant. Pour les cellules dentritiques, l’activation des homodimères TLR7 et TLR9 induit l’activation de MyD88 puis d’IRF7 qui stimule ensuite la production de l’IFNβ. L’activation de MyD88 stimule la voie de NF-κB et les 3 voies des MAPK via les protéines IRAK4 (interleukin-1 receptor-associated kinase 4), TRAF6 (TNF receptor associated factor 6) et TAK1 (TGFβ-activated kinase 1) ou MAP3K7 (MAP kinase kinase kinase 7). MyD88 activé par l’héterodimère TLR2/TLR6 peut aussi se lier à FADD (fas-associated via death domain) et stimuler la caspase 8 (CAS8) et l’apoptose de la cellule. Enfin, l’hétérodimère TLR1/TLR2 peut induire NF-κB via la voie de PI3K/Akt en activant Rac1 (ras-related C3 botulinum toxin substrate 1), une petite molécule monomérique GTP appartenant à la famille Rho.

3.6. La voie des récepteurs intracellulaires NOD et de l’inflammasome NLRP3 La reconnaissance des produits microbiens est aussi assurée par des récepteurs intracellulaires NLR (NOD-like receptors). Les NLR détectent les PAMP et les motifs moléculaires associés aux signaux dangers (DAMPs ou danger-associated molecular patterns). Ils ont un domaine qui reconnaît des domaines riches en leucine, un domaine NOD et des motifs d’interaction protéine-protéine tels que des domaines pyrine et CARD (caspase activation and recruitment domain). Les effets pro-inflammatoires des NLR sont médiés par la voie de NF-κB et l’activation de la caspase 1 par un complexe protéique appelé inflammasome Figure 9. ●

● L’inflammasome NLRP3 est un complexe protéique composé d’une protéine de la famille des récepteurs NLR, de la protéine adaptatrice ASC (apoptosis-associated speck-like protein containing a CARD) et de la pro-caspase-1 (Cas1). La stimulation de NLRP3 active la Cas1 qui va induire la maturation de la pro-IL-1β en IL-1β active Figure 9. L’inflammasome NLRP3 ou cryopyrine contient les domaines NACHT-LRR-PYD. Le domaine LRR reconnaît les ligands, les domaines NACHT permettent l’oligomérisation et donc l’activation de NLRP3 et le domaine PYD le recrutement de protéine adaptatrice. NLRP3 peut être activé par des produits microbiens et des DAMP (cristaux d’UMS, cristaux de PPCD, dérivés oxygénés, β amyloïde, irritants dermiques, des protéines du choc thermique, les microcristaux de silice, d’asbeste, d’aluminium ou encore de cholestérol). Ces stimuli peuvent activer NLRP3 soit par une interaction avec la membrane cellulaire soit après leur phagocytose.

Les communications intercellulaires par les voies de signalisation

Apoptose

NF-KB

Chapitre 7

ERK, JNK, p38

● La liaison de l’ATP à son récepteur P2X7 induit un efflux de potassium qui stimule NLRP3. Les microcristaux, après leur phagocytose, stimulent l’inflammasome par désorganisation des phagolysosomes et libération des enzymes lysosomales telle que la cathepsine B et libération des radicaux libres dérivés de l’oxygène (ROS) Figure 9.

11

K+

Toxine bactérienne

TLR

Cristaux

TLR

L’immunopathologie pour le praticien 12

PAMPs

ATP

P2X7

Pore

TIRAP

DAMPs Phagolysosome

MyD88

ROS

NOD2

K+

IRAK4 TRAF6 RIP2

CARD9

NLRP3

ASC

TAK1 Erk, JNK, p38

Pro-cas1

NEMO α

Cas1

β P

NF-Κ ΚB Pro-IL1b

IL-1b

Figure 9. Activation des NOD et maturation de l’IL-1β par l’inflammasome NLRP3. La liaison des motifs moléculaires associés au signal danger (DAMPs danger signal molecular pattern) à leur récepteur intracellulaire, les récepteurs NOD (nucleotide-binding oligomerization domain) ou NLR, activent la voie des MAPK via la protéine CARD9 (caspase recruitment domain family) et la voie de NF-κB via la protéine RIP2 (receptor interacting serine/threonine-protein kinase). NF-κB activé migre dans le noyau et induit la transcription de gènes cibles dont l’IL1β. NF-κB peut aussi être activé par la voie des TLR stimulés par les PAMPs (pathogen-associated molecular patterns). La protéine NLRP3 peut être stimulée par les DAMPs, des toxines bactériennes, l’ATP via le récepteur P2X7, des structures microparticulaires, des radicaux libres dérivés de l’oxygène (ROS), etc…L’activation de NLRP3 induit son oligomérisation, le recrutement des protéines ASC (apoptosis-associated specklike protein containing a CARD) et l’activation de la procaspase-1 (pro-cas1). Cas1 activé stimule la maturation de la pro-IL-1β en IL-1β active qui est alors sécrété.

Comment explorer les voies de signalisation

L’exploration des voies de signalisation n’est actuellement pas réalisable de façon routinière en pratique clinique. L’anamnèse permet d’orienter vers certaines maladies auto-inflammatoires devant l’association récidivante de fièvre, de douleur articulaire (et/ou d’arthrite) et d’éruption cutanée. Ces signes évoquent une pathologie secondaire à une mutation activatrice de la protéine NLRP3 (ou cryopyrinopathies) à l’origine d’une production accrue de l’IL-1β. L’hypothèse diagnostique pourra être confirmée par une analyse génétique orientée. ●

En recherche, toutes les étapes de la signalisation intracellulaire peuvent être étudiées, depuis la liaison du ligand à son récepteur jusqu’à la réponse cellulaire. L’exploration des voies de transduction utilisent, in vitro, des techniques de biologie cellulaire, de biologie moléculaire et de techniques d’imagerie et, in vivo, des souris invalidées. Elle est de complexité diverse. Elle est simple lorsqu’elle est basée sur la mise en évidence des phosphorylations d’une protéine spécifique, complexe lorsqu’elle évalue les interactions protéiques des différentes voies de signalisation. L’implication d’une voie de signalisation intracellulaire dans un processus biologique peut aussi se baser sur l’évaluation fonctionnelle de la réponse cellulaire (par exemple croissance cellulaire, apoptose, différenciation, migration, production d’une molécule spécifique, de cytokines etc…) en fonction de la modulation ciblée d’une protéine de signalisation. Cette modulation peut se faire par des inhibiteurs pharmacologiques, des méthodes de biologies moléculaires par ARN interférence ou encore l’utilisation de cellules isolées de souris invalidées.

2e partie

2e partie

La phosphorylation d’une protéine peut être détectée par des techniques immuno-empreintes (ou Western Blot), immuno-enzymatiques de type ELISA ou encore de microscopie à fluorescence.

Echantillon protéique

Stimulus

Séparation des protéines par gel d’électrophorèse

Transfert des protéines sur une membrane de nitrocellulose

substrat

Chapitre 7

1. Comment mettre en évidence une phosphorylation

Les communications intercellulaires par les voies de signalisation



p38P P38T

Révélation sur film

Réaction enzymatique en présence du substrat

Ac 2aire couplé à une enzyme

Ac 1aire reconnaissant la forme phosphorylée d’une protéine d’intérêt

Figure 10. Etude d’une phosphorylation par Western Blot. Les protéines contenues dans l’échantillon à étudier sont séparées par électrophorèse sur gel d’acrylamide en présence de dodécylsulfate de sodium, un puissant détergent qui empêche les interactions protéiques et donne aux protéines une charge négative. Le pourcentage d’acrylamide contenu dans le gel crée des mailles plus ou moins serrées. Les protéines les plus grosses sont arrêtées en haut du gel tandis que les plus petites migrent dans le fond du gel. Les protéines séparées dans le gel d’acrylamide sont ensuite transférées sur une membrane de nitrocellulose grâce à un courant électrique. Après des étapes de lavage, on détecte la protéine d’intérêt grâce à des anticorps. La membrane est incubée avec un premier anticorps (ou Ac primaire) qui va se lier uniquement à la forme phosphorylée de la protéine d’intérêt. Cet Ac primaire va être reconnu par un Ac secondaire qui est couplé à une enzyme (en général une péroxydase). On détecte ensuite tous ce complexe protéique en ajoutant le substrat de l’enzyme. Lors de la réaction enzymatique, il se produit un signal chemiluminescent que l’on peut recueillir sur un film autoradiographique. L’intensité de la bande obtenue est proportionnelle à la quantité de protéine phosphorylée. On apprécie cette quantité en calculant le rapport entre la forme phosphorylée et la quantité totale de la protéine. En exemple : phosphorylation de la MAPK p38 (p38P) en présence ou non d’un stimulus. p38T= quantité totale de MAPK p38.

13

L’immunopathologie pour le praticien

Quelque soit la technique utilisée, le principe est identique et se déroule en trois étapes : 1/ incubation de l’échantillon protéique avec un anticorps (appelé anticorps primaire) dirigé uniquement contre la forme phosphorylée de la protéine de signalisation d’intérêt (en général une kinase) ; 2/ incubation d’un anti-anticorps secondaire couplé soit à un fluorochrome soit à une enzyme et dirigé contre l’Ac primaire ; 3/ révélation de l’Ac secondaire soit par observation de la fluorescence en microscopie soit par évaluation de l’activité enzymatique en ajoutant son substrat. La méthode d’immuno-empreinte est la plus employée figure 10. C’est une méthode semi-quantitative tout comme la microscopie. En revanche, l’ELISA est quantitative mais est beaucoup plus onéreuse

2. Comment mettre en évidence d’une interaction protéine-protéine Comme nous l’avons développée dans le chapitre précédent la signalisation intracellulaire implique de nombreuses interactions moléculaires formant des complexes protéiques pouvant associer plus d’une dizaine de protéines. Il est donc primordial de mettre en évidence ces interactions pour mieux comprendre les mécanismes d’action des différentes protéines. La méthode de référence pour étudier une interaction protéine-protéine est l’immunoprécipitation des protéines. La microscopie à fluorescence avec la technique du FRET en est une autre mais elle ne permet que l’étude d’une interaction entre 2 protéines. 2.1. L’immunoprécipitation L’immunoprécipitation (IP) permet d’isoler une protéine spécifique d’un échantillon contenant beaucoup d’autres et ensuite d’identifier toutes les protéines qui lui sont liées. Elle se déroule sur trois étapes principales : Figure 11 ● Précipitation : l’échantillon

est incubé avec un anticorps spécifique qui est couplé à des billes (supramagnétiques ou en agar-agar). Après une étape de centrifugation, la protéine d’intérêt est ainsi « capturée ou précipitée» par l’anticorps fixé aux billes ; Complexe protéique contenant la protéine cible

Recueil des protéines liées à la molécule d’intérêt Centrifugation

Elution

Ac couplés aux billes Incubation

Spectrométrie de masse

Western Blot

Identification des protéines

Gel coloré par le bleu de Coomassie

Séparation des protéines par gel d’électrophorèse

Figure 11. Etude d’une interaction protéine-protéine. L’immunoprécipitation est la technique de choix pour identifier les partenaires d’une protéine de signalisation (dénommée protéine d’intérêt). Elle se déroule en 3 étapes principales : 1/ isolement du groupement (ou complexe) protéique par incubation de l’échantillon d’étude avec un anticorps (Ac) dirigé contre la protéine d’intérêt. Les Ac sont couplés à des billes qui peuvent être supramagnétiques ou fabriquées en agar-agar. L’échantillon est centrifugé à faible vitesse pour sédimenter (ou précipiter) les billes couplés aux Ac qui ont donc lié le complexe protéique. Celui-ci est ensuite détaché (ou élué) des billes. 2/ Séparation du complexe protéique. La séparation des protéines s’effectue par électrophorèse sur gel d’acrylamide en présence de dodécylsulfate de sodium. La présence des protéines est révélée par une coloration au bleu de Coomassie du gel d’électrophorèse. 3/ Identification des protéines partenaires. Elle peut s’effectuer soit par spectrométrie de masse en découpant les bandes bleues visualisée sur le gel soit par Western Blot avec des Ac spécifiques.

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● Identification des protéines isolées : les protéines sont séparées par électrophorèse sur gel de polyacrylamide en présence dodécylsulfate de sodium (détergent puissant qui permet de dissocier les interactions protéiques). L’identification des différentes protéines liées à la protéine cible peut se faire soit par Western Blot en utilisant des anticorps spécifiques (ce qui suppose une connaissance préalable des partenaires de la protéine étudiée) soit par séquençage par spectrométrie de masse des protéines visualisées sur le gel d’électrophorèse.

2e partie

● Elution : les protéines précipitées sont ensuite lavées puis détachées ou éluées des billes par des tampons spécifiques.

Cette technique nécessite souvent plusieurs étapes de précipitation (avec des anticorps différents) pour mettre en évidence tous les partenaires d’une protéine cible. La grande difficulté de cette méthode réside dans la disponibilité des anticorps spécifiques.

● L’analyse du FRET peut être améliorée en utilisant la méthode de photoblanchissement (photobleaching) qui consiste à éteindre le fluorophore par une exposition prolongée à une source lumineuse. Le photoblanchissement du donneur diminue l’intensité de sa fluorescence qui est évaluée en présence ou non de l’accepteur. Lorsque le fluorophore accepteur est suffisamment proche du donneur, il augmente la résistance du donneur au photoblanchissement. L’intensité de la fluorescence du donneur est donc plus forte et plus longue lors d’une interaction entre les deux protéines marquées Figure 12. Les couples de fluorophores les plus utilisés sont la fluorescéine/rhodamine ou les protéines CFP (cyan fluorescent protein)/YFP (yellow fluorescent protein). Protéine X couplée à un fluorophore donneur vert

Protéine Y couplée à un fluorophore accepteur rouge

Pas d’interaction entre les protéines X et Y, pas de FRET : le signal émis par le fluorophore accepteur est faible

Protéine X couplée à un fluorophore donneur vert

Chapitre 7

● Le FRET (föster resonance energy transfert) ou transfert d’énergie entre molécules fluorescentes permet d’étudier les interactions de deux protéines en microscopie confocale. Elle est basée sur le transfert d’énergie entre deux fluorophores dont le spectre d’excitation de l’un (appelé fluorophore accepteur) est contenu dans le spectre d’émission de l’autre (appelé fluorophore donneur). Les ondes d’émission du fluorophore donneur peuvent exciter le fluorophore accepteur lorsque celui-ci est situé à une distance suffisamment proche. Le transfert d’énergie entre les deux fluorophores ou FRET est évalué par l’intensité de la fluorescence du donneur et de l’accepteur. En partant de ce principe, il est possible de montrer l’interaction entre deux protéines en marquant une protéine avec un fluorophore donneur et l’autre protéine par un fluorophore accepteur. Lors de l’interaction des deux protéines, il apparaît un FRET.

Les communications intercellulaires par les voies de signalisation

2.2. FRET ou transfert d’énergie entre molécules fluorescentes

Interaction entre les protéines X et Y créant un transfert d’énergie ou FRET : le signal émis par le fuorophore accepteur est plus intense.

Figure 12. Principe du FRET. Le FRET (föster resonance energy transfert) ou transfert d’énergie entre molécules fluorescentes permet d’étudier les interactions de deux protéines en microscopie confocale. Les ondes d’émission du fluorophore donneur peuvent exciter le fluorophore accepteur lorsque celui-ci est situé à une distance suffisamment proche. Le FRET est évalué par l’intensité de la fluorescence du donneur et de l’accepteur. Pour étudier l’existence ou non d’une interaction entre deux protéines, il suffit de les marquer avec deux fluorophores dont les ondes d’émission du donneur recouvrent les ondes d’excitation de l’accepteur. Lors d’une interaction protéique le fluorophore du donneur est suffisamment proche de l’accepteur pour l’exciter. La fluorescence de l’accepteur est alors plus intense.

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L’immunopathologie pour le praticien

3. Etude fonctionnelle L’étude fonctionnelle est une méthode globale d’évaluation des voies de signalisation. Elle consiste à évaluer la réponse cellulaire (prolifération, différenciation, apoptose, production de cytokines, de protéines matricielles etc…) à un stimulus précis en présence ou non d’une modulation d’une voie de signalisation spécifique. Cette modulation peut se faire avec des inhibiteurs pharmacologiques, par ARN interférence ou en utilisant des cellules invalidées pour la protéine de signalisation étudiée. Les tests fonctionnels peuvent être évalués de façon qualitative et/ou quantitative et par de nombreuses méthodes.

3e partie

Les voies de signalisation intracellulaire en pathologie : quelques exemples de maladies inflammatoires.

κB et maladies inflammatoires 1. NF-κ ■ Rôle de NF-κB dans la « vie cellulaire » NF-κB occupe une place centrale dans la survie, la différenciation, l’activation et la réponse immune

des cellules. Il contribue à la pathogénie des maladies auto-immunes par plusieurs mécanismes. Il est essentiel dans la survie, l’activation, la sélection et le développement des lymphocytes (B et T), la survie, le développement et la différenciation des cellules présentatrices d’antigènes comme les cellules dentritiques (CD) et les cellules épithéliales de la médullaire thymique (mTEC) et le développement des organes lymphoïdes. NF-κB intervient dans la sélection négative des lymphocytes B (induction de l’apoptose et modulation de l’expression des récepteurs des cellules B (ou BCR)), la sélection positive des lymphocytes T dans le thymus, le développement des cellules « Natural killers » et les cellules T régulatrices (Treg). Ainsi, une baisse de la fonction ou du control de NF-κB permettrait la survie et le passage dans le sang des cellules T et B auto-réactives où elles pourraient déclencher une maladie auto-immune à la faveur d’une stimulation antigénique.

■ Conséquences expérimentales d’anomalies de NF-κB

* L’invalidation chez la souris des membres de la famille de NF-κB induit une altération du développement du thymus, l’absence de mTEC et de DC matures et une perte des fonctions des DC. Ces souris développement des maladies auto-immunes avec des cellules T auto-réactives, un infiltrat lymphoïde de nombreux organes et dans certains cas la mort. * Les souris SKG qui ont été invalidées pour la protéine ZAP 70 (molécule de signalisation intracellulaire assurant la transduction du signal des récepteurs des cellules T à l’activation de NF-κB) développent à la faveur d’un stimulus viral une arthrite auto-immune chronique qui ressemble à la polyarthrite rhumatoïde (PR) de l’homme. L’altération de la transduction du signal induit par la délétion de la protéine ZAP 70 est responsable d’une mauvaise sélection négative et positive des cellules T. * Les souris Black New Zealand (NZB) qui développent spontanément des manifestations lupiques ont une altération de la voie de signalisation de NF-κB, une désorganisation du thymus et une sélection thymique défectueuse.

■ Implication de NF-κB dans les affections inflammatoires de l’homme

La PR est caractérisée par la présence dans la synoviale d’organes lymphoïdes tertiaires. La formation de ceux-ci a pu être favorisée par une altération des voies de NF-κB. Par ailleurs, l’activation de NF-κB favorise la formation du pannus synovial en stimulant la prolifération des synoviocytes fibroblastiques (FLS ou fibroblast-like synoviocytes) tout en inhibant leur apoptose via l’induction du proto-oncogène c-Myc dont l’expression est augmentée dans la synoviale de PR. Enfin, NF-κB est activé par les cytokines (IL-1β, IL-6, IL-17 et TNFα) et médiateurs inflammatoires qui participent à la pathogénie de la PR.

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■ Implication des MAPK dans les affections inflammatoire de l’homme

Ces trois voies sont activées dans la synoviale de PR contrairement à la synoviale de patient arthrosique. L’activation de ces MAPK prédomine dans certaines cellules de la synoviale. Ainsi, p38 est plus activé dans les cellules endothéliales et les FLS de la couche bordante, Erk1/2 dans l’infiltrat de cellules mononuclées et les FLS situés autour des microvaisseaux alors que JNK l’est plus dans l’infiltrat les cellules mononucléées. L’activation de ces voies induisent la production de cytokines inflammatoires telles que l’IL-1β et le TNF-α, la production de protéases et de médiateurs inflammatoires. Les cytokines ont elles-mêmes une action activatrice sur ces 3 voies, créant ainsi une boucle d’amplification.

3. NOD, NLRP et maladies auto-inflammatoires. ■ Rôle des NLR dans la « vie cellulaire »

Les protéines NOD et NLRP régulent non seulement la défense anti-microbienne mais aussi la mort cellulaire et la réponse inflammatoire en modulant la voie de NF-κB et la production de l’IL-1β. Elles participent à l’homéostasie des organes. L’altération de ses voies de signalisation est responsable de maladies inflammatoires. Elles occupent une place centrale dans la survenue des maladies autoinflammatoires.

■ Implication des NLR dans les affections inflammatoires de l’homme

* NOD2/CARD15 et la maladie de Crohn Le rôle de NOD2 dans la survenue d’une maladie de Crohn est maintenant connu depuis une dizaine d’année. En effet, en 2001, deux équipes ont mis en évidence 3 polymorphismes du gène NOD2 associés à un risque accru de développer une maladie de Crohn. L’homozygotie pour ces polymorphismes était associée à un risque de développer la maladie de 20 à 40 fois supérieur par rapport au témoin. Ces polymorphismes entraînent une perte de fonction de NOD2 et une diminution de la réponse NF-κB après une stimulation par le MDP. Les monocytes isolées des patients homozygotes produisent moins de TNF-α, d’IL-6, d’IL-8 et moins de cytokine anti-inflammatoire IL-10. Plusieurs mécanismes physiopathologiques non exclusifs sont proposés pour expliquer la survenue de la maladie de Crohn lors des mutations inactivatrices de NOD2. Ainsi, le défaut NOD2 est associé à une invasion bactérienne accrue soit par une production diminuée de la protéine αdéfensine soit par une clairance défectueuse des bactéries par les macrophages intestinaux. Celle-ci serait responsable d’une activation accrue, NOD2-indépendante, des récepteurs de reconnaissance des pathogènes ou PPR (pathogen-recognition receptors). De même, la mutation perte de fonction de NOD2 pourrait aussi être responsable d’une activation accrue des récepteurs TLR. * NOD2/CARD15 et le syndrome de Blau La protéine NOD2 est aussi associée au syndrome de Blau, maladie autosomique dominante caractérisée par l’apparition d’une granulomatose précoce avec des arthrites, des uvéites et des éruptions cutanées. Les mutations de NOD2 sont associées à un gain de fonction avec une activation accrue de la voie de NF-κB. * NLRP3, les cryopyrinopathies et la goutte La protéine NLRP3, molécule de signalisation de la famille des NOD et des NLR, est aussi impliquée dans de nombreuses maladies, en particulier celles associées à une production accrue l’IL-1β. En effet, l’inflammasome NLRP3 occupe une place centrale dans la maturation de l’IL-1β en activant la caspase-1 via son interaction avec la protéine ASC Figure 10. Les mutations activatrices de NLRP3 ont, ainsi, été associées aux maladies inflammatoires héréditaires autosomiques dominantes comme le syndrome de Muckle-Wells (SMW), le syndrome d’inflammation familiale au froid (FCAS familial cold autoinflammatory syndrome), la maladie inflammatoire multisystémique à début néonatal (NOMID neonatal-onset multisystem inflammatory disease). Ces maladies auto-inflammatoires appartiennent aux cryopyrinopathies et sont caractérisées par des accès récurrents de fièvre, d’ar-

2e et 3e parties

Les voies des MAPK Erk1/2, p38 et JNK sont activées par de nombreuses cytokines dont celles impliquées dans la PR comme l’IL-1β, IL-6, IL-17 et le TNF-α. Parmi ces trois voies, la voie de MAPK p38, en particulier de l’isoforme p38α, est la plus impliquée dans la production de cytokines inflammatoires. L’inhibition de p38 dans les modèles murins d’arthrite diminue la sévérité des arthrites. De même, le déficit de la phosphatase-1 des MAPK exacerbe l’arthrite murine induite par le collagène.

Les communications intercellulaires par les voies de signalisation

■ Rôle des MAPK dans la « vie cellulaire » et des modèles expérimentaux d’inflammation

Chapitre 7

2. MAPK et maladies inflammatoires

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L’immunopathologie pour le praticien

thralgies, d’éruption cutanée et de manifestations neurologiques secondaires à une production accrue d’IL-1β. L’inhibition de l’IL-1β (anticorps anti-IL1 (canakinumab), récepteur soluble (rilonacept) ou récepteur antagoniste de l’IL-1β (anakinra)) s’avère en général spectaculaire. La protéine NLRP3 joue aussi un rôle central dans l’inflammation induite par des structures microparticulaires (cf. paragraphe signalisation) dont le chef de fil est les microcristaux d’urate responsable de la crise de goutte. Ces voies de signalisation et ces molécules qui les composent apparaissent ainsi comme des acteurs majeurs de régulation de la réponse cellulaire. Leur dysfonctionnement est associé à des maladies diverses. Il est donc pertinent de considérer ces molécules comme des cibles thérapeutiques potentielles des désordres immunitaires et inflammatoires Figure 9.

4e partie

Implications thérapeutiques dans la polyarthrite rhumatoïde

1. Données générales La meilleure connaissance des perturbations des voies de signalisation au cours des maladies inflammatoires et auto-immunes a permis le développement de nouvelles classes thérapeutiques constituées de petites molécules capables de moduler l’expression des protéine-kinases impliquées dans la transduction du signal intracellulaire. Plusieurs stratégies de contrôle de la transduction sont possibles : a) la première consiste à bloquer les voies de signalisation avec des inhibiteurs pharmacologiques, b) la seconde consiste à augmenter l’expression d’un inhibiteur naturel, c) la dernière, qui se développe rapidement, consiste à diminuer l’expression des enzymes par ARN interférence ou par d’autres méthodes. En réalité, de nombreux traitements de fond classiques utilisés dans les maladies inflammatoires inhibent quelques unes des voies de signalisation précédemment décrites. C’est le cas de la salazopyrine, des sels d’or, du léflunomide et des glucocorticoïdes. Ainsi, les glucocorticoïdes inhibent les voies de NF-κB en augmentant l’expression de l’ARN messager de IκBα et la traduction de IκB‚ qui séquestrent NF-κB dans le cytosol. La salazopyrine inhibe NF-κB en agissant sur IKK alors que le léflunomide diminue la dégradation de IκB·. Des inhibiteurs plus spécifiques des kinases responsables de l’activation d’IκB permettraient ainsi de bloquer efficacement l’activation de NF-κB qui joue un rôle central dans les maladies inflammatoires et auto-immunes. L’efficacité de cette approche thérapeutique est soutenue par les résultats des études portant sur la modulation des voies de signalisation de MAPK p38 et surtout de JAK.

2. Inhibition de p38 MAPK La voie de p38 MAPK est activée dans la PR, surtout l’isoforme p38alpha. Son inhibition diminue la production de cytokines inflammatoires et la sévérité des arthrites dans les modèles murins d’arthrite chronique (arthrite induite par le collagène, arthrite à adjuvant, arthrite par transfert de sérum). Ces résultats ont motivé la réalisation d’essais cliniques chez l’homme. A ce jour, plus de 22 inhibiteurs de p38 ont été testés dans les essais cliniques de phase I et II mais aucun n’est en phase III. ● Les inhibiteurs de p38alpha Les nouvelles générations d’inhibiteurs sont plus sélectifs, passent moins la barrière hémato-encéphalique et sont moins toxiques (hépatique en particulier). Plusieurs de ces inhibiteurs ont été évalués dans la PR mais avec des résultats modestes. Ainsi, dans l’étude VeRA, l’administration quotidienne de l’inhibiteur de p38 VX-702 est accompagnée après 12 semaines de traitement d’une amélioration modeste

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L’avenir des inhibiteurs de p38alpha L’échec de l’inhibition sélective de la voie de p38α a plusieurs corollaires. Le premier est qu’il n’est probablement pas utile d’améliorer la spécificité de ces inhibiteurs. Le deuxième est que l’inhibition d’une molécule située en aval de p38α n’améliorerait probablement pas l’efficacité thérapeutique. En revanche, cibler une kinase située très en amont des voies de signalisation donnerait une meilleure efficacité par le fait même qu’elle inhibe plusieurs voies. Actuellement, les petites molécules les plus efficaces dans la PR inhibent les tyrosines kinases JAK et Syk.

4e partie

chez 44% des patients contre 33% des patients sous méthotrexate (MTX). Le résultat est aussi modeste lorsque le VX-702 est ajouté aux patients ayant une PR mal contrôlée par le MTX. De même, un autre inhibiteur très sélectif de p38α, le RO4402257, qui a montré un effet spectaculaire dans les modèles murins d’arthrite, s’avère peu efficace chez l’homme. En effet, après 12 semaines de traitement en monothérapie, le taux de réponse ACR20 est de 23-31% pour le groupe RO4402257 contre 45% du groupe MTX. Dans une seconde étude, le RO4402257 associé au MTX ne fait pas mieux que le MTX seul. L’ensemble de ces résultats négatifs était inattendu et décevant. Plusieurs explications peuvent être avancées : dosage insuffisant en raison de la toxicité, rôle mineur de l’isoforme p38α chez l’homme et rôle des autres isoformes, propriété anti-inflammatoire de p38α, redondance des voies de signalisation intracellulaire permettant à la cellule de s’adapter à l’inhibition de p38α, adaptation « physiologique » à l’inhibition de la voie p38α et enfin divergence d’espèce motivant une interprétation prudente des résultats expérimentaux obtenus dans les modèles murins.

La voie de signalisation JAK/STAT semble constituer une cible thérapeutique plus prometteuse car cette voie est utilisée par de nombreuses cytokines pro-inflammatoires impliquées dans la PR. ● Les inhibiteurs de JAK Dans la PR, des inhibiteurs de JAK3 (exprimés par les cellules hématopoiétiques) et des inhibiteurs de JAK1/2 ont été développés.

Dans une étude randomisée contra placebo, le CP-690,550, un inhibiteur de JAK3, est efficace dès la première semaine de traitement. Après 6 semaines de traitement, 70-80% des patients traités par CP690,550 avaient une amélioration ACR20 contre 29% dans le groupe placebo. Près de 25% avaient une amélioration ACR70 contre 3% dans le groupe placebo. Les effets secondaires observés étaient des infections urinaires (4,4%), les diarrhées (4,0%) et les bronchites. Connell, et coll. ont rapporté au congrès de l’EULAR 2009, les résultats à 1 an de l’extension en ouvert de trois études randomisées en double aveugle du CP-690,550. Ils montrent que l’efficacité ACR20 est maintenue alors que la réponse ACR70 diminue. Il y a eu deux décès (une mort subite et un décès cardiovasculaire) sur 571 patients. Dix effets secondaires graves ont été rapportés : insuffisance rénale aiguë, diarrhée, pneumonie, tuberculose disséminée, sigmoïdite diverticulaire, herpès, staphylococcie et infection urinaire. La fréquence des effets secondaire serait identique à celle de la phase aveugle. Il existe actuellement une étude de phase III enregistrée.

Chapitre 7

3. Inhibition des JAK

Les communications intercellulaires par les voies de signalisation



Plus récemment, un inhibiteur de JAK1/2 a été évalué avec un profil d’efficacité et de tolérance comparable à l’inhibiteur de JAK3.

4. Inhibition de Syk Syk (spleen tyrosine kinase) est une tyrosine kinase exprimée principalement par les cellules osseuses, les FLS et les cellules endothéliales, mais aussi les lymphocytes. Il est recruté et activé par les récepteurs ayant le domaine ITAM (immune-receptor tyrosine based activation motif) comme les récepteurs FcγR, FcεR et des intégrines. L’activation de Syk stimule plusieurs voies de signalisation telles que les voies de MAPK, de PI3K et de PLC. Les inhibiteurs de Syk L’inhibition de Syk par le R788 ou fostamatinib a été étudiée récemment dans une étude de phase II, randomisée et contre placebo, chez des PR en échappement du MTX. L’efficacité est observée dès la première semaine de traitement. A 12 semaines de traitement, le taux de patients ayant un ACR20 était de



19

L’immunopathologie pour le praticien

72% contre 38% dans le groupe placebo. 19% des patients avaient un ACR70. Les effets secondaires observés étaient des diarrhées, une HTA (5%) et des neutropénies (15%). La fréquence de la neutropénie était corrélée à la dose de l’inhibiteur, et observée chez 30% des patients traités par la plus forte dose. Elle était résolutive après ajustement de la posologie. En revanche, une étude de phase IIB a montré que le fostamatinib n’était pas efficace chez les patients en échappement des anti-TNF. L’efficacité de ces deux inhibiteurs comparée à l’échec des inhibiteurs de p38 suggèrent qu’une inhibition d’une kinase située en amont des voies de signalisation est meilleure que celle d’une protéine située en fin de la voie. Cette inhibition « haute » diminuerait en effet les possibilités de compensation par la cellule. Il paraît donc préférable de cibler les voies d’amont d’activation de p38 en inhibant par exemple les MKK3 et 6 ou la kinase TAK1 Figure 5 ou des kinases situées encore plus en amont comme TRAF, IRAK ou MyD88.

5e partie

Points forts

■ La signalisation intracellulaire permet à une cellule de répondre aux signaux provenant des autres

cellules et de l’environnement. Sa régulation précise permet de maintenir un équilibre dans l’organisme et son altération est à l’origine de troubles diverses.

■ Une signalisation régulée nécessite une reconnaissance précise des stimuli via des récepteurs spécifiques qui peuvent être classées en 3 familles : les récepteurs couplés aux canaux ioniques ; les récepteurs couplés aux protéines G et les récepteurs couplés aux enzymes.

■ L’activation d’un récepteur par son ligand déclenche une cascade d’événements intracellulaires et aboutit à une modification du comportement de la cellule.

■ La signalisation intracellulaire peut être assimilée à un réseau informatique (ou un système d’engre-

nages complexes) et est constituée de multiples protéines ou molécules de signalisation qui s’interagissent et se chevauchent.

■ L’activation d’une protéine de signalisation s’effectue habituellement par addition d’un groupement phosphate, le plus souvent au moyen d’une phosphorylation par une protéine-kinase qui, selon le résidu phosphorylé, est une tyrosine-kinase, une sérine-kinase ou une thréonine-kinase. Son inhibition s’effectue par soustraction du groupement phosphate par une protéine-phosphatase.

■ Les voies de signalisation des MAPK, de NF-κB, de PI3K, de JAK-STAT, des TLR et NLR constituent quelques grandes voies de transduction tout comme les voies dépendantes du calcium, de l’AMP cyclique et des PKA et PKC.

■ Les voies des MAPK et de NF-κB régulent la survie, la croissance, la différenciation et la mort cellu-

laires, la réponse immune et la production de cytokines inflammatoires, de protéines matricielles et de protéases.

■ Ces différentes voies de signalisation sont altérées dans les maladies auto-immunes et les maladies inflammatoires.

■ Certaines maladies auto-inflammatoires appelées cryopyrinopathies sont associées à des mutations activatrices de la protéine NLRP3 ou cryopyrine.

■ La modulation de JAK ou de Syk par des inhibiteurs spécifiques améliorent la PR. 20

■ Dans un organisme pluricellulaire, la communication cellulaire assure le bon fonctionnement des

différents tissus. Chaque cellule perçoit/reçoit des milliers de messages provenant des autres cellules et de l’environnement. Comment la cellule fait-elle pour filtrer ces signaux pour engendrer une réponse spécifique ?

■ Les voies de signalisation intracellulaire sont multiples, s’interagissent et se chevauchent. Comment s’organisent ces différentes voies pour un stimulus donné ?

■ Les principales voies de signalisation sont altérées au cours des maladies inflammatoires. Existe-t-il

5e et 6e parties

Quelques questions

une voie prédominante dans le déclenchement d’une maladie inflammatoire/auto-immune précise ?

■ La voie de la MAPK p38 est impliquée dans la PR et les modèles murins d’arthrite chronique.

Pourquoi l’inhibition de p38 reste inefficace chez l’homme alors qu’elle l’est dans les modèles murins ?

■ Comment moduler de façon cellule spécifique une voie/une molécule de signalisation ?

6e partie

I

Lexique

NFLAMMASOME : complexe protéique intra-cytoplasmique assurant l’activation d’une enzyme, la caspase-1, à l’origine du clivage de plusieurs cytokines de la famille de l’IL-1, IL-1β‚ et IL-18. K : voie JAK (janus kinase) qui est la voie d’activation de nombreuses cytokines telles que l’interféron, l’IL-6, IL-15 et de facteurs de croissance comme l’hormone de croissance et le GM-CSF.

A K M Nκ

INASES : enzymes assurant la phosphorylation d’une protéine de signalisation. APK : famille de kinases ou mitogen-activated protein kinases.

Chapitre 7

Pourquoi ces mutations qui ont toutes pour conséquence une production accrue de l’IL-1β‚ sontelles responsables de manifestations aussi différentes ?

Les communications intercellulaires par les voies de signalisation

■ La mutation activatrice de la protéine NLRP3 est associée aux maladies auto-inflammatoires.

F- B : protéines NF-κB (dimères formés à partir de 5 protéines) identifiées comme des facteurs de transcription qui lient le promoteur du gène codant pour la chaîne légère kappa dans les cellules B. C’est une des voies de signalisation principale de l’inflammation. LR : NOD-like receptors, ensemble de récepteurs intracellulaires qui interviennent comme les TLR dans la réponse immunitaire innée. Ils assurent un deuxième niveau de contrôle cellulaire en reconnaissent les PAMP qui ont traversé la membrane cellulaire sans se lier à un récepteur membranaire. Ils reconnaissent aussi les signaux dangers intracellulaires ou les motifs moléculaires associés aux signaux dangers (DAMP danger-associated molecular patterns).

N P R

HOSPHATASES : enzymes assurant la dé-phosphorylation d’une protéine de signalisation. écepteurs couplés aux protéines G : récepteurs cellulaires de surface, composés de 7 domaines transmembranaires. Ils forment la plus grande famille des récepteurs cellulaires de surface. Lorsqu’ils sont activés, ils 21

L’immunopathologie pour le praticien

subissent une modification de conformation et activent les protéines G.

T

7e partie

Pour en savoir plus

■ Lemmon MA, Schlessinger J. Cell signaling by receptor tyrosine kinases. Cell. 2010;141:1117-34. ■ http://www.genome.jp/kegg/pathway.html#cellular. ■ Cuadrado A, Nebreda AR. Mechanisms and functions of p38 MAPK signalling. Biochem J.

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intracellular information. Nat Struct Mol Biol. 2010;17:653-8. ■ Sweeney SE, Firestein GS. Primer : signal transduction in rheumatic disease, a clinician guide. Nat ■ ■ ■ ■





■ ■ ■



22

LR : récepteurs (toll-like receptors) qui ont comme ligand les produits microbiens ou PAMP (pathogen-associated molecular patterns).

Clin Pract Rheum 2007;3: 651-60. Kawai T, Akira S. The role of pattern-recognition receptors in innate immunity: update on toll-like receptors. Nat Immun 2010;11:373-84. Chen G, Shaw MH, Kim YG, Nunez G. NOD-like receptors : role in innate immunity and inflammatory disease. Ann Rev Pathol Mech Dis 2009 ;4 :365-98. Hammaker D, Firestein GS. « Go upstream; young man”: lessons learned from de p38 saga. Ann Rheum Dis 2010;69:i72-i82. Weinblatt ME, Kavanaugh A, Burgos-Vargas R, Dikranian AH, Medrano-Ramirez G, Morales-Torres JL, Murphy FT, Musser TK, Straniero N, Vicente-Gonzales AV, Grossbard E Treatment of rheumatoid arthritis with a Syk kinase inhibitor: a twelve-week, randomized, placebo-controlled trial. Arthritis Rheum. 2008;58:3309-18. Kremer JM, Bloom BJ, Breedveld FC, Coombs JH, Fletcher MP, Gruben D, Krishnaswami S, Burgos-Vargas R, Wilkinson B, Zerbini CA, Zwillich SH. The safety and efficacy of a JAK inhibitor in patients with active rheumatoid arthritis: Results of a double-blind, placebo-controlled phase IIa trial of three dosage levels of CP-690,550 versus placebo. Arthritis Rheum. 2009;60:1895-905. Cohen S, Zwillich SH, Chow V, LaBadie RR, Wilkinson B. Co-administration of the JAK inhibitor CP-690,550 and methotrexate is well tolerated in patients with rheumatoid arthritis without need for dose adjustment. Br J Clin Pharmacol 2010;69:143-151. Weinblatt ME, Kavanaugh A, Genovese MC, Musser TK, Grossbard EB, Maligavy DB. An oral spleen tyrosine kinase (Syk) inhibitor for rheumatoid arthritis. N Engl J Med 2010 ;1-10. Mesa RA. Ruxolitinib, a selective JAK1 and JAK2 inhibitor for the treatment of myeloproliferative neoplasms and psoriasis. Idrugs 2010;13:394-403. Coombs JH, Bloom BJ, Breedveld FC, Fletcher MP, Gruben D, Kremer JM, Burgos-Vargas R, Wilkinson B, Zerbini CA, Zwillich SH. Improvedd pain, physical functioning and health status in patients with rheumatoid arthritis treated with CP-690,550, an orally active Janus kinase (JAK) inhi bitor : results from a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Ann Rheum Dis 2010;69:413-6. Riese RJ, Krishnaswami S, Kremer J. Inhibition of JAK kinases in patients with rheumatoid arthritis : scientific rationale and clinical outcomes. Best Practice & Research Clinical Rheumatology 2010;24:513-526.

LES FACTEURS GÉNÉTIQUES : LES MOLÉCULES HLA ET LES MOLÉCULES APPARENTÉES

 03

• Arguments en faveur de l’origine génétique d’une maladie complexe  03 • Méthode d’identification des facteurs de susceptibilité génétique  04

2. Qu’est-ce que le système HLA ?

 06

3. Quelles sont les fonctions des molécules HLA ?

 08

4. À quoi servent les molécules HLA apparentées ? (MICA, MICB)

 08

• MICA et MICB (Major Histocompatibility Complex Class I Chain-Related A et B) • CD1 (Thymocyte Antigène)

2e partie

Comment étudier les molécules HLA ?

 08  08

 10

1. Introduction

 10

2. En pratique

 10  10  11  11

• Typages HLA par techniques sérologiques • Typages HLA par techniques de biologie moléculaire • HLA et recherche fondamentale

3e partie

Importance du système HLA dans les maladies inflammatoires  13

1. Exemple des maladies auto-immunes : HLA-DRB1 et polyarthrite rhumatoïde 2. Exemple des spondylarthropathies • Théorie du peptide arthritogénique • Théorie du mimétisme moléculaire • Théorie non specifique d’antigène

3. Exemple de la maladie de Behçet : implication des molécules HLA de classe I et MICA

Les facteurs génétiques : Les molécules HLA et les molécules apparentées

1. Comment étudier la génétique des maladies humaines ?

 03

Chapitre 8

1ère partie Les données fondamentales

SOMMAIRE

Chapitre 8

 13  14  14  14  14  15

1

L’immunopathologie pour le praticien 2

4e partie

Quels traitements pour modifier les molécules HLA dans les maladies inflammatoires ?  16

1. Quelles sont les nouvelles molécules qui pourraient être développées ?

5e partie

Synthèse

1. Les points forts 2. Les grandes questions

 16

 16  16  16

6e partie

Lexique

 17

7e partie

Pour en savoir plus

 18

Philippe Dieudé, CHU Bichat Claude Bernard, Paris

Le rôle capital du lymphocyte T dans le système immunitaire repose en particulier sur sa capacité à activer d’autres cellules telles que le macrophage et le lymphocyte B. Cette fonction passe par une phase d’activation du lymphocyte T médiée par la reconnaissance d’antigènes présentés par des cellules dites présentatrices d’antigènes. Cette présentation fait appel à des protéines spécifiques codées par des gènes du locus appelé complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). Nous verrons dans ce chapitre la structure des protéines du CMH, leur fonction et l’association de certaines affections chroniques aux molécules HLA comme par exemple l’association HLA-B27 et spondylarthropathies, connue depuis plus de 30 ans, mais dont le rôle pathogénique reste encore obscur à ce jour…

1ère partie Les données fondamentales 1. Comment étudier la génétique des maladies humaines ? Grand nombre de maladies humaines sont des maladies dites complexes ou multifactorielles, résultant non pas de l’effet délétère d’une mutation fonctionnelle dont la fréquence est rare dans la population générale mais de l’interaction de plusieurs facteurs génétiques avec des facteurs environnementaux. Pris séparément, chaque facteur n’a qu’une contribution modeste au risque génétique global pour une maladie complexe donnée. La difficulté réside dans l’identification des différents facteurs de susceptibilité et dans la détermination de la combinaison des allèles à risque pour laquelle le risque relatif de développer la pathologie sera le plus élevé. Une telle entreprise nécessite une collaboration étroite entre cliniciens, généticiens, biologistes moléculaires et biostatisticiens. En effet, une telle démarche impose le recueil d’un nombre considérable de données individuelles et familiales, l’utilisation de marqueurs génétiques soit hautement polymorphes, soit bi-alléliques pertinents (fonctionnels), un traitement informatique des données et enfin, une analyse par des méthodes statistiques adaptées à la problématique des maladies multifactorielles.

Les facteurs génétiques : Les molécules HLA et les molécules apparentées

Corinne Miceli, CHU Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre

Chapitre 8

LES FACTEURS GÉNÉTIQUES : LES MOLÉCULES HLA ET LES MOLÉCULES APPARENTÉES

1ère partie

Chapitre 8

L’étude de la composante génétique d’une maladie multifactorielle comporte différentes étapes. La première impose de réunir les arguments suffisants pour supposer l’implication de facteurs génétiques dans la pathologie étudiée. L’observation de formes familiales de la maladie est un premier argument. Mais il peut s’agir de cas familiaux en rapport avec une exposition à des facteurs environnementaux communs à la cellule familiale. Après avoir réuni des arguments solides en faveur de l’implication de facteurs génétiques à une affection donnée, expliquant le regroupement familial des cas, l’étape ultérieure devra localiser puis identifier les variants alléliques en cause.

■ Arguments en faveur de l’origine génétique d’une maladie complexe ■ Études familiales

Les études familiales ont pour but de suggérer l’existence d’une composante héréditaire pour une affection donnée par l’observation d’une agrégation familiale des cas. Il s’agit de démontrer qu’il existe une fréquence augmentée de la maladie chez les apparentés du premier degré de sujets atteints (parents, 3

L’immunopathologie pour le praticien

fratrie ou enfants) par rapport à la population générale. On définit ainsi le risque relatif ␭r (r pour « relatif » : collatéral) ou risque de récurrence qui représente le rapport entre la fréquence de la maladie chez les apparentés du premier degré d’un individu malade et la fréquence observée dans la population générale. Ce risque relatif peut être évalué pour différents types de parenté, le plus souvent au sein des fratries (␭s, s pour « sibling »). Il est important de garder à l’esprit que cette agrégation familiale et donc le paramètre ␭ reflète à la fois le risque génétique et le risque environnemental apportés par les facteurs partagés au sein d’une famille. ■ Études de jumeaux

L’étude de jumeaux est la méthode la plus classique et la plus ancienne pour appréhender le poids de la composante génétique d’une maladie. Ces études permettent d’évaluer le poids de la composante génétique d’une maladie multifactorielle. Elles sont basées sur l’étude comparative du taux de concordance pour la maladie entre jumeaux monozygotes (partageant les mêmes gènes) et jumeaux dizygotes (partageant des facteurs environnementaux de façon plus étroite qu’une fratrie non gémellaire). Le taux de concordance pour une maladie représente la fraction de paires avec deux jumeaux atteints sur le nombre total de paires étudiées. En d’autres termes, la concordance évalue la proportion de seconds jumeaux atteints quand le premier est malade. La différence de concordance entre jumeaux monozygotes et dizygotes évalue la contribution génétique à la maladie. Ainsi, plus cette différence est grande, plus la part de la génétique dans la pathogénie de la maladie est grande. Un taux de concordance chez des jumeaux monozygotes différent de 100% (c’est toujours le cas pour les maladies multifactorielles) rend compte de l’implication de facteurs environnementaux.

■ Méthode d’identification des facteurs de susceptibilité génétique ■ Les études de liaison génétique : localisation de régions d’intérêt

Les études de liaison génétique ont pour but l’identification de régions chromosomiques ou locus d’intérêts pouvant contenir chacun un, voire plusieurs, gènes de susceptibilité à la maladie. Ces études exploitent les différents polymorphismes de séquence du génome qui ont été mis en évidence au cours des dix dernières années. Les marqueurs polymorphes les plus fréquemment utilisés à l’heure actuelle dans les études systématiques du génome sont les marqueurs microsatellites. Ces derniers correspondent à des répétitions en tandem de courtes séquences nucléotidiques réparties assez uniformément sur le génome et réalisant ainsi un balisage régulier. Le principe des études de liaison par criblage du génome à l’aide des marqueurs microsatellites est basé sur la distance génétique séparant un locus de susceptibilité et l’un de ces marqueurs microsatellites. Si cette distance est faible, on observera alors une co-ségrégation (co-transmission) d’un des allèles du microsatellite testé dont la localisation est connue avec l’allèle à risque du gène de susceptibilité. L’étude de liaison permet de localiser les régions du génome (locus) où l’on observe un excès de ressemblance entre germains (frères et/ou sœurs) atteints pour un ou plusieurs marqueur(s) génétique(s), cela avec un degré de vraisemblance statistique plus ou moins grand. Les criblages systématiques du génome - en anglais « genome scan » - consistent donc à comparer, pour un panel de marqueurs, la répartition des allèles chez les germains atteints (100 à 200 paires de germains en général) par rapport à la distribution attendue selon les lois de Mendel. Ainsi, dans une famille « multiplex », c’est-à-dire comportant au moins deux germains atteints, on s’attend à observer un excès de ressemblance (ou excès d’allèles partagés) dans la fratrie malade pour les allèles des marqueurs situés à proximité du gène de susceptibilité. Ce type d’analyse permet la détermination de locus d’intérêt pouvant contenir un ou plusieurs gènes de susceptibilité à la maladie, cela avec des degrés variables de significativité statistique. Cette approche souffre cependant d’un manque de puissance et se trouve progressivement supplantée par les étude d’association cas-témoins analysant plusieurs centaines de milliers de polymorphismes bialléliques. ■ Études d’association et localisation des gènes de susceptibilité

L’intérêt des études d’associations est qu’elles sont beaucoup plus puissantes que les études de liaison. Elles sont aussi beaucoup plus précises : un marqueur associé à une maladie est i) soit le facteur génétique per se, ii) soit a priori à quelques kilobases (Kb) du variant génétique en cause dans la susceptibilité à la maladie, alors que cette distance est de quelques milliers de Kb pour un marqueur microsatellite lié. Le corollaire et inconvénient, est que le nombre de marqueurs à étudier est beaucoup plus élevé, limitant l’application 4

Les études d’associations peuvent être utilisées pour tester l’implication de gènes candidats à jouer un rôle dans la susceptibilité génétique à la maladie. Un gène peut être considéré comme candidat de part sa fonction, de part les possibles implications physiopathologiques d’un variant allélique (polymorphisme fonctionnel), mais aussi de part sa localisation au sein d’un locus d’intérêt préalablement identifié lors du criblage du génome (analyse de liaison). L’approche gène candidat utilise habituellement des polymorphismes bi-alléliques ou SNP (Single Nucleotide Polymorphism). L’approche gène candidat peut se faire selon une étude cas-témoins : des sujets malades non apparentés sont comparés à des sujets sains non apparentés FIGURE 1 . Les patients et les témoins sont appariés pour la population d’origine, en tenant compte de l’origine ethnique, de manière à ce que les deux groupes ne se distinguent idéalement que par la maladie. L’intérêt des études castémoins réside essentiellement dans leur facilité de mise en œuvre. Toutefois, l’étude d’association cas-témoins ne peut éviter le risque majeur de biais de stratification entre les patients et les témoins. L’appariement imparfait a pour conséquence une différence de la distribution des génotypes entre les 2 groupes comparés, conduisant éventuellement à un faux positif. Certains auteurs ont proposé l’utilisation préalable d’un panel de marqueurs génétiques connus jouant le rôle d’étalon pour dépister un éventuel biais de stratification entre les deux populations testées, mais cette technique reste controversée. FIGURE 1 - Études cas-témoins avec différence de distribution d’un allèle entre cas et témoins

PATIENTS

TÉMOINS

1ère partie Les facteurs génétiques : Les molécules HLA et les molécules apparentées

• Approche gène candidat

Chapitre 8

à l’étude de gènes candidats ou de locus d’intérêts. Les résultats d’études d’association doivent être interprétés avec prudence. Une réplication des résultats sur des cohortes indépendantes est indispensable. Une confirmation par une étude familiale est nécessaire car cette dernière apporte l’information de liaison. En outre, la mise en évidence d’une association ne permet pas de conclure à l’implication formelle du gène candidat testé. Ce sont les études fonctionnelles des variants associés qui peuvent démontrer le mécanisme physiopathogénique sous-jacent.

Allèle de susceptibilité Allèle protecteur

5

L’immunopathologie pour le praticien

• Études d’association génome entier Les variants les plus fréquents du génome sont les polymorphismes bi-alléliques ou SNP. Leur fréquence est supérieure à 1 sur 200 nucléotides. Ainsi, les SNP apparaissent particulièrement intéressants pour réaliser une cartographie des maladies multifactorielles. Comparativement, les études de liaison par criblage du génome avec des marqueurs microsatellites donnent généralement une résolution de localisation de l’ordre de 10 cM, soit environ 10 millions de paires de bases. Pour obtenir une localisation plus précise, il est proposé comme approche la cartographie fine en testant de manière systématique des milliers de SNP. On parle de cartographie fine par déséquilibre de liaison ENCADRÉ 1 . Le déséquilibre de liaison concerne aussi un SNP et un locus de maladie (facteur génétique de susceptibilité) créant, dans certains cas, une association du marqueur avec le phénotype de la maladie, qui peut être mesurée dans des cohortes cas-témoins. En étudiant un grand nombre de SNP, soit systématiquement sur l’ensemble du génome, soit dans toutes les régions pour lesquelles il semble exister une évidence de liaison, il est probable que sur la base des études d’association, de nombreux loci de maladies seront ainsi cartographiés avec précision. ENCADRÉ 1 Le déséquilibre de liaison Le déséquilibre de liaison correspond à une association non aléatoire d’allèles liés génétiquement pour lequel certaines combinaisons de variants génétiques se produisent dans différents loci plus fréquemment que ne le laisse prévoir le hasard. En d’autres termes, les SNP tendent à être proches les uns des autres et à être hérités ensemble : on parle de déséquilibre de liaison. Par exemple, tous les individus ayant hérité de l’allèle A du SNP A/G (SNP N°1) à un endroit donné d’un chromosome ont hérité simultanément de l’allèle T du SNP C/T (SNP N°2) localisé à proximité du SNP N°1. Ce déséquilibre de liaison peut ainsi concerner un nombre plus ou moins important de SNP : on parle de blocs de déséquilibre de liaison. Ainsi certaines régions du génome peuvent être définies par l’exploration non pas de tous les SNP compris dans cette portion physique mais par quelques SNP n’étant pas en déséquilibre de liaison, appartenant donc à des blocs de déséquilibre de liaison distincts. Schématiquement le génome humain correspondrait à un agencement de plusieurs blocs de déséquilibre de liaison. L’approche par cartographie fine par déséquilibre de liaison reste relativement récente, nécessitant des techniques de génotypage à haute cadence (plusieurs centaines voire milliers de SNP génotypés sur des échantillons constitués de plusieurs centaines d’individus). L’exemple récent le plus convainquant de succès de cette approche par cartographie fine par déséquilibre de liaison est selon toute vraisemblance l’identification de variants SNP du récepteur de l’IL23 (IL23R localisé en 1p31) associé à la maladie de Crohn par le criblage de plus de 300 000 SNP sur 567 patients et 571 témoins. Cette association a été confirmée par une deuxième équipe indépendante et va désormais constituer une nouvelle voie de recherche sur la physiopathogénie de la maladie en explorant les conséquences fonctionnelles des variants SNP associés à la maladie.

2. Qu’est-ce que le système HLA ? Le Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH) correspond à un groupe d’antigènes initialement identifiés comme jouant un rôle primordial dans les processus de rejet de greffe et pour lesquels la compatibilité entre donneur et receveur permettait de prolonger la survie de la greffe. Chez l’homme, le CMH s’appelle le système HLA (Human Leucocyte Antigen). Les protéines du système HLA sont codées par des gènes regroupés sur le bras court du chromosome 6 (6p21.3) FIGURE 2 .

6

HLA classe III

DQ

DR

DM

B

C

Protéines du complément

Gènes du protéasome (TAP1, TAP2)

A

Pseudogènes

Cytokines (TNF␣, LT␤)

Le système HLA a été initialement décrit par le Professeur Jean Dausset en 1958, découverte pour laquelle il a été récompensé par le prix Nobel de Médecine en 1980, « pour la découverte sur les structures génétiquement déterminées sur la surface d'une cellule et régulatrices des réactions immunologiques ». Le locus HLA de classe I code pour une vingtaine de gènes dont les plus importants sont les gènes HLA-A, HLA-B et HLA-C. Le locus HLA de classe II code pour les chaînes ␣ et ␤ des molécules DP, DQ et DR. Les gènes du système HLA sont extrêmement polymorphes et exprimés de façon codominante chez tous les individus (expression pour chaque locus de l’allèle paternel et de l’allèle maternel). Chez l’homme, chaque allèle HLA est désigné par un numéro adjoint à la lettre correspondant au locus désigné : HLA-B27, HLA-DR3. Toutes les molécules du CMH ont en commun d’être composées d’une poche extramembranaire fixant les peptides, d’une paire de domaine « Immunoglobuline-like », d’un domaine transmembranaire de fixation à la cellule puis d’une région intracytoplasmique. Les régions polymorphes des molécules HLA sont situées au niveau de la poche peptidique. Ce polymorphisme conduit à la diversité des antigènes présentés aux lymphocytes T. La poche de présentation du peptide est celle qui interagit avec le récepteur T des lymphocytes. Les molécules HLA de classe I sont constituées de deux chaînes polypeptidiques liées de façon non covalente : la chaîne ␣ du CMH et la ␤2-microglobuline FIGURE 3 . La ␤2-microglobuline n’est pas codée par un gène du locus du CMH mais sur le chromosome 15. Un individu exprime six molécules différentes HLA␣ de classe I sur chacune de ses cellules, contenant les chaînes des deux allèles HLA-A, HLA-B, et HLA-C hérité de ses parents. FIGURE 3 - Molécules HLA de classe I et de classe II HLA classe I ␣1

Les facteurs génétiques : Les molécules HLA et les molécules apparentées

DP

HLA classe I

Chapitre 8

HLA classe II

1ère partie

FIGURE 2 - Organisation du système HLA (Chromosome 6)

HLA classe II ␣2

␣1

␤1 NN

NN ␤2-microglobuline

␤2

␣2

␣3

C

C

C

C

7

L’immunopathologie pour le praticien

Les molécules HLA de classe II sont constituées de deux chaînes polypeptidiques liées de façon non covalentes codées toutes les deux par des gènes du locus CMH. De façon similaire au HLA de classe I, les domaines ␣1 et ␤1 sont hautement polymorphes et constituent la poche de reconnaissance peptidique FIGURE 3 . Au minimum, 6 allèles du locus HLA de classe II sont hérités pour un individu donné de ses parents. Cependant, des combinaisons hétérologues peuvent se former (chaîne DQ␣ issue d’un chromosome avec la chaîne DQ␤ issue de l’autre chromosome) et conduisent à un nombre élevé de molécules HLA de classe II chez un individu donné (entre 10 et 20).

3. Quelles sont les fonctions des molécules HLA ? Les molécules HLA de classe I sont exprimées sur toutes les cellules nucléées de l’organisme alors que les molécules HLA de classe II sont exprimées sur les cellules du système immunitaire (lymphocytes B, lymphocytes T activés, monocytes, macrophages, cellules dendritiques…). Les cytokines produites par la mise en fonction de l’immunité innée et adaptative favorisent l’expression cellulaire des molécules HLA de classe I et II. Par exemple, l’interféron ␥ (IFN␥) peut induire l’expression des molécules HLA de classe II par les cellules présentatrice d’antigène comme les macrophages. L’augmentation de l’expression des molécules HLA est dépendante du taux de transcription et régulée par des facteurs de transcription comme CIITA (Class II Transcription Activator) pour les HLA de classe II. Les gènes du HLA de classe I codent pour des protéines présentant des peptides aux lymphocytes T CD8 alors que les gènes du HLA de classe II codent pour des protéines présentant des peptides aux lymphocytes T CD4. Les molécules de classe I présentent des peptides endogènes, synthétisés par la cellule elle-même (protéine autologue ou virale par exemple). Les peptides sont issus de protéines dégradées par le protéasome. La fixation du peptide sur l’hétérodimère HLA de classe I constitué de la chaîne ␣ et de la ␤2-microglobuline permet la stabilisation de ce complexe macromoléculaire et son expression à la surface cellulaire. La plupart des peptides présentés aux lymphocytes CD8 par le HLA de classe I comportent 9 acides aminés (nonamères). La reconnaissance du peptide par un lymphocyte T CD8 spécifique conduit à l’activation de ce dernier et à la lyse de la cellule ayant présenté ce peptide (action CD8 cytotoxique). Les molécules HLA de classe II présentes des peptides exogènes (protéines bactériennes) ou membranaires, introduits dans la cellule par le compartiment endosomal. Les endosomes sont des vésicules au pH acide contenant des enzymes protéolytiques. Les peptides présentés par les molécules HLA de classe II sont plus longs (autour de 15 acides aminés) et sont reconnus par les lymphocytes T CD4 spécifiques, conduisant à leur activation. Ces événements permettront la fonction « helper » des lymphocytes T CD4 conduisant à l’activation et à la prolifération des lymphocytes B.

4. À quoi servent les molécules HLA apparentées (MICA, MICB) ? Ces molécules « HLA-I like » possèdent la structure minimale des molécules HLA de classe I, c'est-à-dire un plancher de feuillets ␤ encadré par 2 hélices ␣ mais n’ont pas de fonction de présentation peptidique.

■ MICA et MICB (Major Histocompatibility Complex Class I Chain-Related A et B)

La protéine MICA, comme la protéine MICB, est formée de 3 domaines extracellulaires ␣1, ␣2, ␣3, d'une région transmembranaire et d'une région cytoplasmique. Contrairement aux molécules de classe I classiques, la protéine MICA ou MICB n'est pas associée à la ␤2-microglobuline à la surface cellulaire, mais présente une structure tridimensionnelle similaire à celle des molécules de classe I. Il n'existe qu'environ 30% d'homologie de séquence entre les molécules HLA de classe I classiques et les molécules MIC au niveau des domaines extracellulaires qui constituent le site de fixation peptidique sur les molécules de classe I, ce qui fait penser que les molécules MIC ne fixent pas de ligands peptidiques conventionnels. Ces molécules de localisation intracytoplasmique sont essentiellement exprimées par les cellules épithéliales intestinales et thymiques. À la différence des molécules HLA classiques, l'expression des molécules MIC n'est pas induite par l'interféron, mais par le stress cellulaire. Ce phénomène est lié à la présence dans la région promotrice des gènes MIC d'éléments régulés par le choc thermique. Cela suggère que les protéines MIC pourraient se comporter comme des antigènes de stress présents dans l'épithélium intestinal. Les gènes MICA et MICB sont excessivement polymorphes, indiquant une forte pression évolutive et un rôle probablement essentiel dans les défenses de l'organisme. D'autres molécules « HLA-I like », appelées ULBP-1 à 4 (UL16-Binding Protein), sont exprimées par les cellules épithéliales, leur expression est aussi accrue par le stress. Ces molécules sont reconnues par un récepteur, NKG2D ou KLRC4 (Killer Cell

8

1ère partie

La fonction de reconnaissance antigénique des lymphocytes T ne se limite pas aux seuls épitopes d’origine protéique. Les glycolipides constituent des épitopes susceptibles d'être reconnus par les lymphocytes, la structure présentatrice n'étant alors plus la molécule HLA mais CD1. Le locus CD1 comprend 5 gènes (A à E), dont 4 produits ont été identifiés, CD1a-CD1d. Les molécules CD1 sont structurellement homologues aux molécules HLA de classe I mais ne sont pas polymorphes. Les molécules CD1 ont la capacité à présenter aux lymphocytes T des molécules lipidiques ou glycolipidiques d'origine endogène ou exogène dans différents compartiments endosomaux grâce à une endocytose permanente de la surface vers ces compartiments internes. Lorsque les molécules CD1 sont en surface elles peuvent se lier à des lipides de petite taille soit d'origine microbienne soit provenant de lipides autologues largués par les cellules de l'environnement stressées ou lésées. Les lipides de grande taille (notamment provenant de mycobactéries) doivent subir un apprêt endosomal. Par ailleurs, les cellules présentatrices d’antigène, activées par des produits microbiens tel que le LPS, vont produire des glycolipides endogènes qui, via le compartiment endosomal vont se lier aux molécules CD1. La reconnaissance de l’épitope lipidique présenté par CD1 aux lymphocytes T spécifiques d'un antigène lipidique microbien va rapidement induire une réponse Th1 et cytotoxique. Ainsi, en prenant l’exemple d’une infection à mycobactérie par le BK, les cellules dendritiques vont présenter l’épitope lipidique aux lymphocytes T. La réponse cytotoxique va participer à l'éradication du germe en détruisant les cellules dendritiques qui abritent les mycobactéries tandis que la production d'IFN par les Th1 active les macrophages, leur permettant de détruire les mycobactéries qui se sont nichés dans un compartiment inaccessible aux molécules HLA. En marge de cette activation classique directe des lymphocytes T, les PAMP vont induire au niveau des cellules dendritiques présentatrices d’antigène des modifications du métabolisme lipidique, leur permettant de présenter des glycolipides autologues ayant aussi des propriétés activatrices lymphocytaire T.

Les facteurs génétiques : Les molécules HLA et les molécules apparentées

■ CD1 (Thymocyte Antigène)

Chapitre 8

Lectine-Like Receptor, Subfamily C, member 4) présent sur les lymphocytes NK (Natural Killer) mais aussi T ␥/␦ et la plupart des lymphocytes T CD8+. L’interaction MICA/MICB et NKGD provoque une réponse cytolytique des lymphocytes T ␥/␦ et NK dirigée contre les cellules exprimant les protéines MIC.

9

L’immunopathologie pour le praticien 10

2e partie

Comment étudier les molécules HLA ?

1. Introduction Les typages HLA sont effectués dans certains cas relativement bien définis s’intégrant dans une démarche diagnostique (maladie de Behçet, rhumatisme inflammatoire du groupe des spondylarthropathies, narcolepsie, rétinochoroïdopathie de Birdshot…), de recherche de critères de sévérité (épitope partagé au cours de la polyarthrite rhumatoïde) ou bien entendu dans le cadre d’une greffe de moelle ou d’organe. Les protéines correspondant aux antigènes tissulaires de classe I sont exprimées sur la presque totalité des cellules de l’organisme (à l’exception des globules rouges) alors que les antigènes tissulaires de classe II sont exprimés sur les cellules du système immunitaire (macrophages, lymphocytes, cellules dendritiques, certaines cellules épithéliales). Les gènes codant pour ces protéines sont extrêmement polymorphes, conduisant à un panel très large de protéines différentes. Ainsi deux individus choisis au hasard n’ont qu’une probabilité infime d’être « HLA identiques ». Il existe plusieurs techniques de laboratoire permettant de déterminer le typage HLA d’un individu. Ces techniques peuvent être scindées en deux types d’approche : • Les méthodes sérologiques recherchant à identifier les protéines exprimées à la surface des cellules à l’aide d’anticorps spécifiques. On parle alors de phénotypage HLA. • Les méthodes de biologie moléculaire utilisant des couples d’amorces ou des sondes oligonucléotidiques spécifiques permettant l’identification des polymorphismes génétiques conduisant à la diversité protéique. On parle alors de génotypage HLA. On considère actuellement que les polymorphismes des gènes HLA conduisent à l’expression de plus de 2500 allèles (variants d’un gène ou d’un groupe de gènes) différents (voir http://www.anthonynolan.org.uk/HIG/). Il n’est cependant pas nécessaire en pratique courante de connaître avec précision le sous-type d’un antigène tissulaire. À titre d’exemple, le seul HLA-B27 comporte à ce jour 47 allèles différents. Les techniques de typage utilisées en routine permettent de déterminer l’expression de l’antigène tissulaire HLA-B27 sans en préciser le sous-type.

2. En pratique ■ Typages HLA par techniques sérologiques

La technique de référence la plus couramment utilisée en routine pour effectuer un typage HLA-B27 est la microlymphotoxicité dépendante du complément. Ces réactions sont effectuées en plaques dites de Terasaki, nom du chercheur qui a décrit initialement cette technique en 1978 (Terasaki PI, 1978). Cette technique est basée sur le principe d’altérations membranaires des lymphocytes portant un HLA donné en présence d’anticorps spécifiques fixant le complément FIGURE 4 . Si les lymphocytes expriment l’antigène tissulaire reconnu par l’anticorps spécifique, l’altération membranaire ainsi obtenue par activation de la voie du complément conduit à la lyse des lymphocytes. Celle-ci est mise en évidence par l’introduction dans ces cellules d’un colorant vital (éosine ou bleu trypan) visible au microscope inversé en contraste de phase. La réaction de microlymphotoxicité est alors positive. Lorsque les cellules n’expriment pas l’antigène tissulaire testé par l’anticorps spécifique, aucune altération membranaire en présence de complément n’est possible. Les lymphocytes ne sont pas lysés et le colorant ne pénètre pas dans la cellule. La réaction de microlymphotoxicité est alors négative.

2e partie

FIGURE 4 - Typage sérologique des antigènes tissulaires

Anti-HLA-B27

Complément

Colorant vital

La recherche de l’antigène HLA-B27 seul par microlymphocytotoxicité correspond à un coût d’environ 33 euros alors que la détermination des antigènes de classe I d’un sujet, faisant appel à une série d’anticorps spécifiques, est cotée B400 avec un coût de 120 euros. Le phénotypage par cette technique des antigènes de classe II d’un sujet est côté B700 avec un coût de 200 euros environ.

■ Typages HLA par techniques de biologie moléculaire

Les facteurs génétiques : Les molécules HLA et les molécules apparentées

HLA-B27

■ La

technique PCR-SSO (Polymerase Chain Reaction – Sequence Specific Oligonucleotide Probe Hybridation) est une méthode utilisant des couples d’amorces permettant l’amplification de la région d’intérêt puis d’une fixation du produit d’amplification sur une membrane de nitrocellulose ou de nylon. La spécificité du produit amplifié est ici défini par l’hybridation avec des sondes oligonucléotidiques parfaitement spécifiques de chaque allèle étudié. Le typage HLA-DRB1 par PCR-SSO (2 allèles) a un coût d’environ 95 euros.

■ La

technique PCR-SSP (Polymerase Chain Reaction – Sequence Specific Primers) est basée sur une amplification par PCR utilisant des amorces spécifiques de chaque allèle du HLA. Les amorces utilisées doivent être parfaitement complémentaires de la séquence d’ADN cible pour que l’amplification soit effective, donnant le caractère allèle-spécifique à cette technique. Le typage HLA-DRB1 par PCR-SSP (1 allèle) a un coût d’environ 115 euros.

Chapitre 8

Le typage HLA par biologie moléculaire repose sur deux techniques principales :

■ HLA et recherche fondamentale

Les équipes de recherche fondamentale travaillant sur le système HLA s’intéressent par exemple à la formation anormale d’homodimères de chaînes lourdes de HLA-B27 comme agent inducteur de stress cellulaire au cours des spondylarthropathies (voir ci-après). Le rôle de l’épitope partagé au cours de la polyarthrite rhumatoïde (PR) fait appel à des hypothèses impliquant l’interaction avec des facteurs environnementaux, en l’occurrence le tabac. Ce facteur de risque connu au cours de la PR favoriserait les phénomènes de citrullination des peptides (conversion d’une arginine en citrulline par dé-imination), en particulier au niveau des poumons. Ces peptides citrullinés seraient alors présentés dans un contexte HLA adapté (l’épitope partagé) et conduiraient à l’initiation d’une réaction auto-immune dirigée contre ces peptides ENCADRÉ 2 . Les années à venir nous permettront vraisemblablement de mieux cerner le rôle de ces différents antigènes tissulaires dans le déterminisme des affections concernées.

11

L’immunopathologie pour le praticien 12

ENCADRÉ 2 Tabac et épitope partagé : une association explosive dans la polyarthrite rhumatoïde ? L’épitope partagé constitue un facteur de susceptibilité et de gravité de la polyarthrite rhumatoïde. Le tabagisme est associé également à un risque accru de développer une polyarthrite rhumatoïde comme l’a montré Padyukov en 2004 : le risque relatif était évalué à 2,8 pour les non fumeurs porteurs de l’épitope partagé, à 2,4 pour les porteurs de l’épitope partagé non fumeurs mais à 7,5 pour les fumeurs porteurs de l’épitope partagé. Ces éléments suggèrent un rôle multiplicatif de l’effet du tabac et de l’épitope partagé pour la prédisposition à la maladie. Klareskog et coll. ont ensuite démontré que l’effet de l’épitope partagé sur la prédisposition à la polyarthrite rhumatoïde ne concernait en aucun lieu les patients sans anti-CCP. Cet effet était en fait limité aux polyarthrites rhumatoïdes anti-CCP positives, cet effet étant décuplé chez les patients fumeurs (pour la combinaison anti-CCP+, tabac et épitope partagé double dose, c'est-à-dire sur les deux chromosomes : le risque relatif de développer une polyarthrite rhumatoïde était de 40). La même équipe a démontré que le fait de fumer favorisait la citrullination* des protéines des cellules broncho-alvéolaires. Une hypothèse séduisante pouvait alors être formulée : le tabac favoriserait la citrullination des protéines qui sur un terrain génétique prédisposant (ici l’épitope partagé) et permettrait la présentation par les lymphocytes T de peptides citrullinés. Ceux-ci activeraient des lymphocytes B dirigés contre les déterminants antigéniques de ces peptides citrullinés et la synthèse d’anticorps anti-CCP. Il s’agit là d’une belle histoire physiopathogénique rendant l’association tabac et épitope partagé explosive pour le développement d’une polyarthrite rhumatoïde…. * la citrullination est une réaction chimique conduisant à la transformation d’une arginine en citrulline par élimination d’un groupement NH4 par une enzyme appelée PADI4 (peptidylarginine deiminase 4).

Les différentes maladies auto-immunes (MAI) sont sur un plan phénotypique extrêmement hétérogènes, et il est habituel par convention de différencier les MAI « spécifiques d’organe » versus les MAI dites « systémiques ». Toutefois, cette dichotomie ne semble pas refléter une physiopathologie et/ou un fond génétique distinct. Ainsi le locus HLA constitue le principal exemple de participation à un fond génétique commun à un grand nombre de MAI. Des centaines d’études d’association et de liaison ont mis en évidence un rôle prépondérant du locus HLA dans la susceptibilité génétique d’un grand nombre de MAI. Pour la plupart des MAI, maladies multifactorielles, HLA est à ce jour le facteur génétique ayant le plus de poids dans la composante génétique avec un risque relatif variant de 8 à 20 selon les pathologies. Actuellement, le concept suivant est avancé : c’est l’intervention de certains allèles de HLA qui, en combinaison avec d’autres gènes non-HLA de susceptibilité à un fond auto-immun commun, conditionnerait une expression phénotypique spécifique. De même, HLA pourrait réguler le phénotype de l’auto-immunité humorale ; la relation auto-anticorps et HLA a bien été montrée pour la PR où certains allèles de l’épitope partagé (shared epitope) sont associés à la production d’anti-CCP. Ainsi HLA, régulant la production de certains auto-anticorps, pourrait conditionner le phénotype auto-immun.

1. Exemple des maladies auto-immunes : HLA-DRB1 et polyarthrite rhumatoïde L’association génétique entre des gènes localisés dans la région HLA et la susceptibilité à la PR a été suspectée dès 1976. Quelques années plus tard, l’existence d’une association entre les gènes de la région HLA-DR codant pour les antigènes DR4 et DR1 est mise en évidence. Vers la fin des années 1980, alors que les techniques de biologie moléculaire ont permis de séquencer le locus HLA-DRB1, l’hypothèse de l’épitope partagé ou shared epitope (SE) est avancée comme explication à l’association constatée entre la région de classe II du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) et la susceptibilité à la PR. L’hypothèse de l’épitope partagé suppose une implication directe des molécules HLA-DR dans la physiopathologie de la PR, attribuant l’association HLA-DR et PR à certains allèles de susceptibilité, dont la particularité est de coder pour une séquence homologue d’acides aminés dans la 3ème région hypervariable du premier domaine de la chaîne ␤ HLA-DR. Cette séquence, qui concerne les acides aminés en position 70 à 74 (70QRRAA74 ou 70KRRAA74 ou 70RRRAA74), est codée par les allèles DR4 (DRB1*0401, 0404 et 0405), DR1 (DRB1*0101 et 0102) et DR10 (DRB1*1010) et est associée à la PR. Le rôle exact de l’épitope partagé n’a pas été clairement établi : les mécanismes biologiques expliquant l’association entre les allèles HLA-DRB1 codant pour le SE et la susceptibilité de la PR n’ont pas encore été élucidés. S’il existe bien des allèles qui codent pour des molécules DR4 et DR1 ayant en commun une homologie structurale de la poche peptidique, aucun antigène ou auto-antigène n’a à ce jour été identifié. Il existe pourtant plusieurs candidats notamment le collagène de type II dont certains fragments protéiques sont spécifiquement reconnus par les molécules DR1 et DR4. Or les lymphocytes T qui reconnaissent cet épitopes sont essentiels au développement de l’arthrite induite au collagène chez les souris exprimant HLA-DR4 et HLA-DR1. Par ailleurs, il existe une hétérogénéité dans la susceptibilité génétique des allèles codant pour le SE au sein d’une même population. Chaque allèle du SE ne confère pas le même risque relatif de développer une PR. Il en est de même pour certains génotypes. Ainsi, le génotype hétérozygote HLADRB1*0401/0404 confèrerait un risque relatif proche de 30. Il existe une hétérogénéité inter-populations dans la susceptibilité génétique des allèles codant pour le SE. L’association entre PR et allèles du SE n’est pas retrouvée dans certaines populations, notamment les Afro-américains et Hispano-américains. Si HLA-DRB1 représente le composant génétique principal de la PR, le locus HLA ne contribue que pour environ 30% au risque familial global. De plus, il faut noter que près de 40% de la population générale porte un des allèles HLA-DR de prédisposition à la PR, contre plus de 70% des malades. Les allèles de susceptibilité HLA-DRB1 ne sont donc ni indispensables, ni suffisants au développement de la PR chez un individu donné. Ainsi, la recherche des allèles du SE ne constitue en aucun cas un test génétique de dépistage de la PR à l’échelon individuel. L’ensemble de ces constations suggère l’implication d’autres facteurs génétiques non-HLA dans la prédisposition de la PR.

2e et 3e parties

dans les maladies inflammatoires

Les facteurs génétiques : Les molécules HLA et les molécules apparentées

Importance du système HLA

Chapitre 8

3e partie

13

L’immunopathologie pour le praticien

2. L’exemple des spondylarthropathies L’association de la spondylarthrite ankylosante (SPA) avec l’antigène tissulaire HLA-B27 a été rapportée initialement par L. Schlosstein (Université de Californie) et D.A. Brewerton (Westminster Hospital) en 1973. Ces deux auteurs retrouvaient une fréquence respective de 88% et 96% chez les patients atteints de spondylarthrite ankyosante (versus 8% et 4% respectivement chez les témoins). Cette association de l’antigène tissulaire HLA-B27 avec la spondylarthrite ankylosante constitue toujours actuellement l’une des plus fortes associations entre un gène du complexe majeur d’histocompatibilité et une maladie humaine. En France, dans une étude menée en Bretagne, la prévalence de la SPA a été estimée à 0,47% (0,22-0,72). Cette prévalence était de 0,53% (0,16-0,9) chez les femmes et 0,41% (0,05-0,77) chez les hommes. Cependant, la prévalence de la SPA est très variable en fonction des populations étudiées, cette observation étant en partie dépendante de la prévalence de l’antigène tissulaire HLA-B27 au sein des populations. Celle-ci est extrêmement variable par exemple entre les Aborigènes d’Australie, les Bantous d’Afrique équatoriale et les Sans (Bushmen) d’Afrique du Sud où cet antigène tissulaire est pratiquement absent par rapport aux Indiens Haida qui vivent dans les îles de Queen Charlotte au Canada où la prévalence de HLA-B27 atteint 50% avec une prévalence de la SPA de 6%. Si l’association entre HLA-B27 et SPA est identifiée depuis longtemps, son rôle précis dans la pathogénie de la maladie reste méconnu. Sa présence n’est ni nécessaire (il existe des SPA HLA-B27 négative) ni suffisante (la majorité des porteurs du HLA-B27 dans la population générale ne développeront jamais de SPA) à l’émergence d’une SPA. Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer le rôle du HLA-B27 dans le déterminisme de la SPA :

■ Théorie du peptide arthritogénique

Selon cette théorie, les molécules de classe I issues des variants alléliques HLA-B27 associés à la SPA lieraient spécifiquement des peptides à tropisme articulaire, et reconnus par des lymphocytes T autoréactifs. Des peptides exogènes bactériens, ayant une homologie en séquence avec ces peptides arthritogéniques, pourraient avoir initialement activé ces clones autoréactifs.

■ Théorie du mimétisme moléculaire

Selon cette théorie, des anticorps dirigés contre des motifs peptidiques bactériens pourraient avoir une réaction croisée avec l’antigène tissulaire HLA-B27. L’observation ayant servi de trame à l’élaboration de cette hypothèse était la forte association des arthrites réactionnelles à l’antigène tissulaire HLA-B27 d’une part et la comparaison avec d’autres pathologies comme le rhumatisme articulaire où des anticorps reconnaissent de façon croisée des composants bactériens et des composants des organes cibles, du cœur en particulier. De la même façon, les bactéries en cause dans le déclenchement des arthrites pourraient ainsi réagir de façon croisée avec l’antigène tissulaire HLA-B27.

■ Théorie non spécifique d’antigène

Les particularités structurales de la molécule HLA-B27 et en particulier sa lenteur de repliement et d’assemblage avec la ␤2-microglobuline (le « misfolding ») serait liée à la présence de certains acides aminés de la poche de fixation de l’antigène et en particulier de la cystéine en position 67. La conséquence de ce « misfolding » serait la formation anormale d’homodimères de chaînes lourdes exprimés à la surface des cellules ainsi capables de présenter des auto-antigènes à des lymphocytes T CD4 comme le feraient des molécules HLA de classe II, conduisant ainsi à une réponse T autoréactive. Ces homodimères de B27 seraient également inducteurs d’un stress cellulaire au niveau du réticulum endoplasmique ENCADRÉ 3 . Chacune de ces théories ont été cependant controversées, y compris les plus récentes concernant le « misfolding ». Le rôle de HLA-B27 dans la pathogénie des SPA reste donc à ce jour encore largement méconnu.

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3. Exemple de la maladie de Behçet : implication des molécules HLA de classe I et MICA La maladie de Behçet (MB) est une maladie systémique inflammatoire chronique caractérisée par 4 symptômes majeurs : aphtose bipolaire orale et génitale, lésions oculaires et lésions cutanées. Les anomalies biologiques observées au cours de la MB sont une hyperactivité des neutrophiles, ainsi qu'une augmentation des lymphocytes T ␥/␦. Habituellement, la MB survient de manière sporadique. Toutefois, il existe des formes familiales, dont la fréquence varie entre 2% et 18% selon les populations. Il a été montré que la MB est significativement associée avec l'antigène HLA-B51. Les cas familiaux de MB, semblent plus graves que les formes sporadiques, et plus fortement associés à l'antigène B51. L'association de la MB avec l'antigène HLA-B51 (une sous-division de l'antigène HLA-B5) a été initialement décrite dans la population japonaise : 57% des patients expriment l'antigène HLA-B51 qui n'est présent que dans 16% de la population contrôle saine. Depuis, cette association a été confirmée dans d’autres populations d'origine ethnique différente. La fréquence de l'antigène B51 varie de 40 à 80% chez les malades, et est 2 à 3 fois supérieure à celle observée chez les témoins. Le risque relatif (défini par l'Odds ratio) de l'allèle B51 varie entre 3 et 15. L'antigène HLA-B52 n'est pas associé à la MB. Or, la différence de séquence entre HLA-B*5101 et HLA-B52 porte uniquement sur 2 acides aminés en position 63 et 67, localisés dans le site de fixation peptidique au niveau d'une poche qui accueille le résidu ancré majeur du peptide. Ces positions sont donc fortement impliquées dans la spécificité et l'affinité de la liaison peptidique, et pourraient jouer un rôle essentiel dans la présentation d'un antigène pathogène (protéines virales ou bactériennes). L'allèle HLA-B51 représente donc un marqueur génétique constant de la MB. Récemment, un polymorphisme du gène MICA a été observé et associé à la MB dans la population japonaise. Cette association semble supérieure à celle observée avec HLA-B51, Toutefois, les conséquences fonctionnelles de ce polymorphisme ne sont pas connues. Cette association entre MB et le gène MICA prend un intérêt tout particulier à la lumière de données qui montrent que les lymphocytes T possédant un récepteur ␥/␦ ont une action cytotoxique spécifiquement dirigée contre les cellules exprimant à leur surface les molécules MICA. Or, une des anomalies immunologiques de la MB est l'augmentation du pourcentage des lymphocytes T ␥/␦. Ainsi les molécules HLA de classe I et MICA semblent jouer un rôle important dans la physiopathologie de la MB, maladie inflammatoire chronique.

3e partie Les facteurs génétiques : Les molécules HLA et les molécules apparentées

Le « misfolding » de HLA-B27 : quel rôle dans la pathogénie des spondylarthropathies ? L’un des arguments forts pour impliquer l’antigène tissulaire HLA-B27 dans la pathogénie des spondylarthropathies, outre sa très forte association aux différentes formes cliniques de la maladie par rapport aux sujets sains, est le modèle animal du rat Lewis transgénique pour le B27 et la ␤2-microglobuline humaine. Ces animaux, décrits par J. Taurog il y a plus de 15 ans, développent une maladie très proche de la forme humaine avec des arthrites, une uréthrite, une conjonctivite, une inflammation digestive et des lésions cutanées évoquant le psoriasis humain. De façon intéressante, ces rats transgéniques ne développent pas la maladie si les rats sont élevés en conditions d’asepsie stricte, ce qui souligne, comme pour les formes réactionnelles chez l’homme, l’importance de l’environnement bactérien pour développer la maladie. Suite à cette description initiale, plusieurs groupes de recherche se sont intéressés à l’hypothèse dite du « misfolding » du B27, c’està-dire une anomalie conformationnelle de la protéine B27. Selon cette hypothèse, la protéine B27 a la capacité intrinsèque de former des dimères de chaînes lourdes (de façon similaire à une molécule HLA de classe II) et ainsi conduire à un stress intracellulaire inducteur de phénomènes inflammatoires. Quinze années plus tard, J. Taurog a émis l’hypothèse qu’en apportant la ␤2-microglobuline humaine en excès chez les rats transgéniques B27, le « misfolding » pourrait être limité par stabilisation des chaînes lourdes libres de la protéine B27. De fait, l’apport en excès de chaînes de ␤2-microglobuline a permis de réduire de 50% les dimères de chaînes lourdes à la surface des cellules. Mais, contre toute attente, la maladie des rats était plus sévère au plan articulaire alors que l’atteinte digestive avait disparu… Cette observation suggèrerait que le « misfolding » pourrait favoriser la forme digestive de la maladie mais pas la forme articulaire… Résultat d’autant plus surprenant que chez l’homme, l’atteinte digestive est la moins associée au HLA-B27 !!! Il est dit que la protéine B27 gardera son mystère longtemps !!!

Chapitre 8

ENCADRÉ 3

15

L’immunopathologie pour le praticien

4e partie

Quels traitements pour modifier les molécules HLA dans les maladies inflammatoires ?

1. Quelles sont les nouvelles molécules qui pourraient être développées ? Les voies thérapeutiques actuelles ne s’orientent pas vers une modification des molécules HLA ellesmêmes mais vers une immunisation active contre des antigènes tumoraux. L’immunisation des patients avec l’antigène MAGE-1 chez les patients HLA-A1 porteurs d’un mélanome en est un exemple. Ces approches ont pour objectif de stimuler le système immunitaire contre des antigènes pathogènes.

5e partie

Synthèse

1. Les points forts Les progrès technologiques en biologie moléculaire vont permettre de progresser de façon exponentielle dans l’identification de facteurs de susceptibilité génétique aux maladies complexes multifactorielles. Les approches génome entier par analyses cas témoins de 300 000 SNP ont permis l’identification d’un facteur génétique (polymorphisme du récepteur à l’interleukine 23) commun aux psoriasis, à la maladie de Crohn et aux spondylarthropathies. Les molécules MICA et MICB apparentées au système HLA de classe I jouent également un rôle important dans le système immunitaire en favorisant une réponse cytotoxique des lymphocytes T ␥/␦ et NK dirigée contre les cellules exprimant ces molécules. La molécule MICA pourrait être impliquée dans le déterminisme génétique de la maladie de Behçet. Le rôle pathogène de HLA-B27 pourrait s’expliquer par une particularité structurale de ses chaînes lourdes qui ont la capacité de s’associer en homodimères inducteurs de stress cellulaire.

2. Les grandes questions L’identification d’un nombre croissant de facteurs génétiques de susceptibilité aux maladies complexes devrait permettre le développement de nouvelles voies thérapeutiques. Les facteurs environnementaux jouent vraisemblablement un rôle important dans le déterminisme des maladies complexes. Leurs identifications constitueront un challenge des années à venir. Les recherches actuelles devraient permettent de progresser dans la compréhension du rôle des antigènes tissulaires dans le déterminisme des affections auxquelles ils sont fortement associés. L’immunisation contre des peptides tumoraux pourrait constituer de nouvelles approches thérapeutiques en cancérologie dans les années à venir.

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pissage : mécanisme d’excision des introns et de raccordement des exons lors de la maturation des ARN.

xon : séquence d’ADN, codante ou non, correspondant aux régions transcrites en ARN et persistant après maturation de l’ARNm après épissage.

ène : séquence en acide nucléiques contenant l’information spécifiant la synthèse d’un acide ribonucléique (ARN) par transcription ou d’une séquence polypeptidique donnée après transcription puis traduction. énomique : technologie visant à étudier les gènes d’un être vivant.

G H I M P P P T

aplotype de susceptibilité : combinatoire de plusieurs variants de séquence d’un gène présent sur un chromosome et impliqué dans le déterminisme génétique d’une maladie complexe.

ntron : séquences d’ADN présentes sur l’ARN transcrit primitivement puis éliminées par épissage au cours de la maturation de l’ARN. odification post-traductionnelle : modifications chimiques survenant après la synthèse complète d’une protéine.

romoteur : région de l’ADN localisée en amont des gènes comportant les sites de fixation des ARN polymérases et les sites de fixation des facteurs protéiques régulant la transcription. rotéomique : technologie visant à étudier les protéines d’un être vivant. uce à ADN : ensemble de molécules d’ADN fixées sur un support en plastique, verre ou silicone.

AP (transporter associated with antigen processing) : les gènes correspondants codent pour deux protéines (TAP1 et TAP2) permettant l’apprêtement des peptides avant présentation par le CMH. Ces gènes sont localisés au sein du locus du CMH.

T T

raduction : synthèse d’une chaîne polypeptidique à partir d’une matrice d’ARN mature.

4e et 5e parties

llèle : variant de séquence d’un gène.

A E E G

Les facteurs génétiques : Les molécules HLA et les molécules apparentées

Lexique

Chapitre 8

6e partie

ranscription : synthèse d’ARN à partir d’une matrice d’ADN par une ARN polymérase.

17

L’immunopathologie pour le praticien 18

7e partie

Pour en savoir plus

■ Abbas AK, Litchman AH. Cellular and molecular immunology. Elsevier Saunders Fifth edition. ■ Rahman P. Genetics of ankylosing spondylitis: an update. Curr Rheumatol Rep 2007;9:383-9. ■ Deighton C, Criswell LA. Recent advances in the genetics of rheumatoid arthritis.Curr Rheumatol Rep 2006;8(5):394-400.

■ Palmowski M, Salio M, Dunbar RP, Cerundolo V. The use of HLA class I tetramers to design a vaccination strategy for melanoma patients. Immunol Rev 2002;188:155-63.

■ Klareskog L, Padyukov L, Rönnelid J, Alfredsson L. Genes, environment and immunity in the development of rheumatoid arthritis.Curr Opin Immunol 2006;18:650-5.

■ Informations complètes sur les allèles HLA et molécules apparentées : http://www.anthonynolan.org.uk/HIG/nomen/nomen_index.html Site internet régulièrement mis à jour.

LES FACTEURS GÉNÉTIQUES NON-HLA : DES DONNÉES FONDAMENTALES À LA PRATIQUE

SOMMAIRE

Chapitre 9

1ère partie Maladies complexes

Bases génétiques de l’auto-immunité

 03

1. Arguments en faveur d’une base génétique commune  03 • Agrégation familiale des maladies dites auto-immunes  03 • Données des études de liaison génétique  04

3e partie

Facteur de susceptibilité génétique  04 des maladies auto-immunes

1. Gènes codant pour des molécules impliquées dans la signalisation intracellulaire • Protein tyrosin Phosphatase non-receptor 22 (PTPN22) • B cell scaffold protein with ankyrin repeats (BANK1) • B-lymphocyte Kinase (BLK) • Tumor necrosis factor, alpha-induced protein 3 TNFAIP3

2. Gènes codants pour des molécules impliquées dans les voies de co-stimulation et protéines de surface • CD40

3. Gènes codants pour des facteurs de transcriptions • Interferon regulatory factor 5 (IRF5) • STAT4

4. Autres causes de variabilité génétique

4e partie

Bases génétiques des maladies dites « auto-inflammatoires »

 04  04  04  05  05  06  06  06  06  06

Les facteurs génétiques non-HLA : des données fondamentales à la pratique

2e partie

 03

Chapitre 9

et monogéniques

 06

 07

1. Concept de maladies dites auto-inflammatoires ou fièvres

 07

2. Exemple de la maladie de Crohn : rôle de la voie NF-λB

 09

3. Immunité innée et inflammasome

 09

4. CIAS1/Cold Auto-inflammatory Periodic Syndrome (CAPS)

 10

1

L’immunopathologie pour le praticien 2

5. NALP1 inflammasome : le lien entre immunité innée et maladies auto-immunes ?

 10

6. Conséquences thérapeutiques dans les maladies auto-inflammatoires héréditaires

 10

5e partie

Génétique des MAI et syndromes

auto-inflammatoires : interactions entre immunité innée et immunité adaptative 6e partie

Synthèse

 10  11

1. Les points forts

 11

2. Les grandes questions

 11

7e partie

Lexique

 12

8e partie

Pour en savoir plus

 13

Philippe Dieudé, Université Paris Diderot, Service de Rhumatologie, Unité INSERM U699, Hôpital Bichat Claude-Bernard, APHP, Paris

Depuis plusieurs années, des avancées spectaculaires en génétique ont été réalisées qui permettent de progresser dans deux directions : d’une part, une meilleure connaissance des mécanismes pathogéniques, avec des possibilités de traitements ciblés ; et d’autre part, la détermination de facteurs de susceptibilité génétique qui vont aider les diagnostic. Les maladies du système immunitaire ont bénéficié de ces avancées, mais ce sont surtout les maladies auto-inflammatoires qui en ont tiré profit. La découverte des gènes impliqués a permis d’identifier différentes pathologies, de préciser les mécanismes pathogéniques et d’envisager des traitements nouveaux. La prédisposition génétique des maladies auto-immunes est beaucoup plus complexe, avec de multiples gènes impliqués. Certains gènes sont communs à différentes pathologies auto-immunes, et, d’autres, plus rarement, sont spécifiques d’une maladie. Une meilleure connaissance de ces gènes et des protéines impliquées permet d’avancer dans la compréhension des mécanismes pathogéniques et d’envisager des cibles thérapeutiques.

1ère partie Maladies complexes et monogéniques La plupart des maladies systémiques auxquelles est confronté le clinicien relève d’une susceptibilité génétique dans la plupart des cas dite complexe ou multifactorielle. Les maladies complexes résultent de la combinaison de différents allèles de susceptibilité, qui après interaction entre eux dans un environnement spécifique (facteurs environnementaux), conduisent à l’émergence du phénotype "maladie". Pour une même pathologie, il est probable que plusieurs combinaisons alléliques soient associées au phénotype "maladie", reflétant l’hétérogénéité phénotypique de la maladie étudiée. La notion d’allèle de susceptibilité (ou à risque) traduit l’existence d’un variant génétique (ou polymorphisme) augmentant le risque de développer la maladie. On notera que cet allèle de susceptibilité n’est pas obligatoirement présent chez tous les malades, inversement, sa fréquence n’est pas rare dans la population générale (>5%). Enfin, pris indépendamment, le poids de chaque facteur génétique peut être relativement modeste. Ainsi, leur identification peut être rendue difficile du fait d’une différence de fréquence peu importante entre la population étudiée et la population témoin nécessitant l’utilisation d’échantillons de grande taille. A l’opposé des maladies complexes on distingue les maladies monogéniques, pathologies héréditaires à transmission simple de type mendélien dues à l’effet délétère d’un gène muté dont la fréquence est rare dans la population générale (inférieure à 1%).

2e partie

Les facteurs génétiques non-HLA : des données fondamentales à la pratique

Aleth Perdriger, Service de Rhumatologie, CHU de Rennes

Chapitre 9

LES FACTEURS GÉNÉTIQUES NON-HLA : DES DONNÉES FONDAMENTALES À LA PRATIQUE

1e et 2e parties

Chapitre 9

Bases génétiques de l’auto-immunité

1. Arguments en faveur d’une base génétique commune 1.1. Agrégation familiale des maladies dites auto-immunes Les études familiales ont pour but de suggérer l’existence d’une composante héréditaire pour une affection donnée par l’observation d’une agrégation familiale des cas. Il s’agit de rechercher une augmentation de la fréquence de la maladie chez les apparentés du premier degré de sujets atteints (parents, fratrie ou enfants) par rapport à celle observée dans la population générale. On définit ainsi le risque relatif λr (r pour "relatives" : collatéraux) ou risque de récurrence qui représente le rapport entre la fréquence de la maladie chez les apparentés du premier degré d’un individu malade et la fréquence observée dans la population générale. Ce risque rela3

L’immunopathologie pour le praticien

tif peut être évalué pour différents types de parenté, le plus souvent au sein des fratries (λs, "s" pour sibling). Le paramètre λs varie de 10 à 20 pour la plupart des maladies auto-immunes (MAI) (1), ce risque est probablement plus faible dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) ; il varie entre 5 et 10 (2). Il est important de garder à l’esprit que cette agrégation familiale, et donc le paramètre λ, reflète non seulement le poids de la composante génétique mais aussi la composante environnementale partagées au sein d’une famille. Les observations cliniques d’agrégation familiale et/ou individuelle de maladies auto-immunes ont conduit à émettre l’hypothèse d’un possible déterminisme génétique commun. Peu d’études systématiques ont été construites dans le but d’étudier la réalité et l’importance de cette agrégation. La plupart des études publiées concernent des pathologies auto-immunes fréquentes telles la PR ou le diabète de type 1 et montrent qu’il existe une agrégation familiale pour certain groupe de MAI, suggérant l’intervention de facteurs génétiques communs à un environnement auto-immun.(3-12). 1.2. Données des études de liaison génétique Les différentes études de liaison réalisées depuis le début des années 90 avaient pour but d’identifier les régions du génome susceptibles de contenir des gènes de susceptibilité de MAI. Ainsi, plusieurs régions chromosomiques d’intérêt (1q, 2q et 6q) semblent communes à certaines MAI telles que la PR, le diabète de type 1 et le lupus érythémateux systémique (LES) (13-18). Toutefois, il est important de garder à l’esprit que ces régions communes d’intérêt contiennent un grand nombre de gènes et qu’ainsi différents gènes d’une même région peuvent constituer le facteur de telle ou telle MAI.

3e partie

Facteurs de susceptibilité génétique des maladies auto-immunes

1. Gènes codant pour des molécules impliquées dans la signalisation intracellulaire 1.1. Protein tyrosin Phosphatase non-receptor 22 (PTPN22) Un grand nombre de gènes codant pour des protéines impliquées dans les voies de signalisation intracellulaire ont été récemment découverts comme des éléments essentiels du fond de susceptibilité génétique des MAI. Parmi ces facteurs, PTPN22 constitue le premier identifié des facteurs de susceptibilité non-HLA ; il illustre parfaitement la notion de fond génétique partagé. Une première étude d’association cas-témoins a observé une association avec un variant fonctionnel qui substitue un résidu tryptophane à un résidu arginine en position 620 (R620W) du gène PTNP22 et le diabète de type 1 dans la population Italienne (19). PTPN22 code pour la protéine tyrosine phosphate non-receptor type 22, membre de la famille des tyrosines phosphatases intracellulaires qui regroupe une centaine de protéines au sein desquelles une trentaine sont exprimées dans le lymphocyte T. Il est actuellement admis que ces tyrosines phosphatases exercent une activité de régulation négative du lymphocyte T. Cette régulation négative s’exerce après interaction homotypique entre les domaines SH3 de PTPN22 et de la protéine Csk. Une première hypothèse physiopathogénique suggérait que l’allèle de susceptibilité 620W avait pour conséquence une modification du domaine SH3 conduisant à une interruption de l’interaction PTPN22-Csk, altérant la régulation négative lymphocytaire T (19, 20). A ce jour, le rôle du variant à risque n’est pas élucidé, il semble que sa présence soit corrélée à un effet imprévu, conduisant à une augmentation de la régulation négative T et probablement B (21, 22). L’allèle 620W est aujourd’hui identifié comme facteur de risque d’un grand nombre de MAI tels que le diabète de type 1 (19), le LES (23), la PR (24), les thyroïdites auto-immunes (25), le vitiligo (26), la myasthénie (27) ou encore la sclérodermie systémique (ScS) (28). On remarquera que PTPN22 620W prédispose essentiellement à des MAI ou à des sous phénotypes exprimant des auto-anticorps, suggérant une forte participation dans la susceptibilité de la composante humorale du processus auto-immun. 1.2. B cell scaffold protein with ankyrin repeats (BANK1) BANK1 est une protéine adaptatrice qui, après transduction du signal via le BCR, va réguler négativement i) la mobilisation du calcium intracellulaire IP3R (inositoltriphosphate recepteur) dépendante, ii) la signalisation de la cellule B (29). Plusieurs polymorphismes modifiant la séquence protéique correspondant aux sites de fixation d’IP3R ont été observés associés au LES mais aussi à la ScS (29, 30).

4

TABLEAU 1 - Principaux facteurs de susceptibilité génétiques non-HLA impliqués dans la susceptibilité des maladies auto-immunes Gene

Localisation

Voie

MAI

Transduction du signal, signalisation intracellulaire PTPN22

1p13.3

TCR / BCR

PR, LES, TAI, vitiligo, ScS

BANK1

4q22

BCR

LES, ScS

BLK

8p23

BCR

LES, ScS

TNFAIP3

6q23

TNFR / NF-κB

LES

TRAF

9q33

TNFR / NF-κB

PR

Facteurs de transcription IRF5

7q32

IFN de type 1

LES, PR, SGS, ScS

STAT4

2q32.2

IFN γ

LES, PR, SGS, ScS

c-REL

2p13

NF-κB

PR

2e et 3e parties Les facteurs génétiques non-HLA : des données fondamentales à la pratique

1.4. Tumor necrosis factor, alpha-induced protein 3 TNFAIP3 Si BANK1 et BLK soulignent l’importance de la cellule B dans les mécanismes physiopathologiques auto-immuns ; la mise en évidence de la participation du gène TNFAIP3 va révéler le rôle primordial que joue la voie NF-κB. De nombreux gènes codant pour des acteurs de cette voie, tels que c-REL, CD40 ou encore TRAF1 (TNF receptor-associated factor 1), vont venir conforter ce concept Tableau 1. TNFAIP3 code pour la protéine zing finger A20, principal régulateur négatif de la voie de signalisation NF-κB TNF-dépendante. Ce gène est associé à la PR (33) et au LES (34) et la ScS (35).

Chapitre 9

1.3. B-lymphocyte Kinase (BLK) Autre gène spécifique de la cellule B, BLK code pour une tyrosine kinase. BLK est un gène de susceptibilité du LES (31) mais aussi de la ScS (30, 32). Les haplotypes à risque étant corrélés à une diminution de l’expression de BLK (31).

Co-stimulation et récepteurs membranaires CTLA4

2q33

Co-stimulation T

Diabète de type 1, PR, Basedow

CD40

20q12

Co-stimulation T / voie NF-κB

PR

CD226

18q22

Co-stimulation NK T

Diabète de type 1

OX40L

1q25

Co-stimulation T / B

LES, ScS

MAI : maladie auto-immune, PR : polyarthrite rhumatoïde, LES : lupus érythémateux systémique, TAI : thyroïdites auto-immunes, ScS : sclérodermie systémique, SGS : Syndrome de Gougerot-Sjögren

5

L’immunopathologie pour le praticien

2. Gènes codants pour des molécules impliquées dans les voies de co-stimulation et protéines de surface Un grand nombre de gènes codant pour des protéines membranaires ou encore des protéines de co-stimulation tels qu’ITGAM (Integrin alpha M), CTLA4, CD226 ou encore OX40L (36) et (37) ont été identifiés comme facteurs de susceptibilité des MAI Tableau 1. Nous ferons le point sur un nouveau gène d’intérêt : CD40. 2.1. CD40 CD40 code pour une protéine de la super famille des récepteurs du TNF (TNFRSF5). Co-stimulateur de la cellule B mais aussi du lymphocyte T, CD40 conduit à une activation cellulaire impliquant la voie NF-K‚ (38). Plusieurs allèles à risque de CD40 sont associés à la maladie de Basedow (39), et à la PR (40). On notera que l’expression de CD40 est influencée par le facteur de transcription c-REL, récemment identifié comme facteur de susceptibilité de la PR (36).

3. Gènes codants pour des facteurs de transcriptions 3.1. Interferon regulatory factor 5 (IRF5) IRF5 code pour la protéine Interferon Regulatory Factor 5, facteur de transcription jouant un rôle central dans la voie interféron (IFN) de type 1. Les études transcriptomiques, réalisées notamment sur les cellules mononucléées du sang périphérique, ont montré l’existence d’une signature de type IFN dans le LES mais aussi pour un grand nombre de pathologies autoimmunes, tels que le syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS), la PR ou encore la ScS, soulignant la place importante de la voie IFN de type 1 dans la physiopathogénie des connectivites (41). Plusieurs polymorphismes fonctionnels d’IRF5 ont été identifiés comme facteurs de risque du LES (42), de la PR (43), de la ScS (44) ou encore du syndrome de Gougerot-Sjögren (45). On retiendra que les allèles de susceptibilité de ces différents polymorphismes d’IRF5 ont pour conséquence fonctionnelle, soit une stabilisation du mRNA d’IRF5, soit une augmentation de son expression (46-48). 3.2. STAT4 STAT4 code pour le Signal Transducer and Activator of Transcription 4, facteur de transcription impliqué dans la transduction du signal des interleukines 23 et 12 ainsi que les interférons de type 1. STAT4 est impliqué dans la production d’IFN gamma ainsi que la différenciation des lymphocytes CD4+ vers un phénotype Th1. A ce jour le rôle exact du variant à risque n’est pas élucidé. STAT4 est impliqué dans la susceptibilité génétique du LES, de la PR (49) mais aussi du SGS (50) et de la ScS (51).

4. Autres causes de variabilité génétique Nous sommes actuellement aux premières étapes du démantèlement de la génétique des maladies complexes. D’autres formes de variabilité génétique sont très probablement impliquées dans la susceptibilité génétique de ces pathologies : les variants rares ou mutations, les variations portant sur le nombre de copie de gène (variable copy number ou VCN). Enfin, on gardera en mémoire, si un grand nombre de variants de susceptibilité sont aujourd’hui identifiés, leurs conséquences fonctionnelles restent encore ignorées pour la grande majorité.

6

La terminologie de maladies auto-inflammatoires a été proposée par Mac Dermott en 1999. Ce terme regroupe des affections inflammatoires rares, caractérisées par des épisodes récurrents entrecoupés par des périodes asymptomatiques. Elles sont la conséquence d’un défaut de régulation de la réponse inflammatoire. Elles se distinguent des maladies auto-immunes par l’absence de marqueur immunologiques spécifiques, en particulier l’absence d’auto-anticorps. Les maladies auto-inflammatoires ont été initialement définies comme des pathologies de l’inflammasome, complexe protéique qui permet l’activation des caspases inflammatoires, et qui joue un rôle fondamental dans l’immunité innée, en permettant l’activation des protéines pro-inflammatoires, en particuliers l’interleukine 1 et l’interleukine 18. Actuellement, le concept s’est élargi, et comprend des pathologies variées qui se caractérisent par un dysfonctionnement des mécanismes de l’immunité innée.

1. Concept de maladies dites auto-inflammatoires ou fièvres ■ Type 1

Les IL-1b inflammasomopathies, définies par les pathologies des complexes macromoléculaires d’activation des l’interleukine 1 (en particulier, le complexe NLRP3). La majorité des fièvres périodiques héréditaires se trouvent dans ce groupe.

■ Type 2

Les pathologies de l’activation de NF-KB : ce groupe comprend les dysfonctionnements des complexes NOD2/CARD15, et inclue la maladie de Crohn et de syndrome Blau.

■ Type 3

Les pathologies secondaires à des anomalies de structure d’une protéine. Ce groupe comprend le TRAPS (TNF Receptor-associated periodic syndrome), et les spondylarthropathies Dans le TRAPS, il s’agit d’une anomalie de la structure du récepteur P55 du TNF. Dans les spondylarthropathies, il s’agit du « misfolding de HLAB27, c'est-à-dire une anomalie conformationnelle qui conduit à la formation de dimères de chaînes lourdes B27, responsable d’une réponse inflammatoire anormalement élevée, par production accrue d’une réponse interféron de type I ou à la production d’IL23. Encadré 3 chapitre 8

TABLEAU 2 - Les maladies auto-inflammatoires héréditaires Syndrome

Acronyme

Transmission

gène

protéine

Fièvre méditerranéenne familiale

FMF

AR

MEFV

Pyrine

Cryopyrine-associated periodic syndrome

CAPS

AD

CIAS1

cryopyrine

Syndrome of pyogenic arthritis, pyoderma gangrenosum, acné

PAPA

AD

PSTPIP1

PSTPIP1

Syndrome de Blau

BS

AD

NOD2

NOD2

TNF receptor-associated periodic syndrome

TRAPS

AD

TNFRSF1A

TNF-récepteur de type 1

Hyper-IgD syndrome

HIDS

AR

Mévalonate kinase (MVK)

Mévalonate kinase

3e et 4e parties

« auto-inflammatoires »

Les facteurs génétiques non-HLA : des données fondamentales à la pratique

Bases génétiques des maladies dites

Chapitre 9

4e partie

AR : transmission autosomale dominant AD : transmission autosomale récessive

7

L’immunopathologie pour le praticien

■ Type 4

Les anomalies du complément. le complément joue un rôle majeur dans l’immunité innée. Si certain déficit en fraction du complément sont associés aux maladie auto-immunes, en particuliers le déficit de la fraction C4 et maladie lupique, des pathologies auto-inflammatoires sont associées à de très rare déficit de facteurs de régulation du complément, comme la dégénérescence maculaire, ou le syndrome HUS (hémolytic uremic syndrome).

■ Type 5

Anomalies de signaux des cytokines : Le chérubinisme est une maladie auto-inflammatoire récemment reconnu qui touche l'os, en particulier la maxillaire, avec une augmentation de l’ostéoclastogènese et l’apparition de kystes et de troubles de la dentition. Cette pathologie est liée à la présence d’une mutation d’une protéine de liaison SH3BP2. Cette mutation au sein des précurseurs myéloides est responsable d’une plus grande sensibilité de la cellule à la stimulation par le M-CSF et le RANKL et accélère la différenciation des cellules myeloides en ostéoclastes d’une part, et d’autre part en macrophages activés, produisant du TNFα et capable d’auto entretenir l’ostéoclastogènèse.

■ Type 6

le syndrome hémophagocytaire, ou syndrome d’activation macrophagique. Ils peuvent être acquis, ou héréditaires, dans le cadre d’une maladie génétique bien identifiée (lymphohistiocytose familiale, syndrome de Griscelli, syndrome de Chediak-Higashi, syndrome de Purtilo) ou secondaire à des mutations de gènes intervenant dans les fonctions des lymphocytes T Cytotoxique ou des cellules natural killer. L’activation du macrophage conduit à des manifestations cliniques associant une fièvre prolongée, une splénomégalie, une cytopénie d’une ou plusieurs lignées, une diminution du fibrinogène et une élévation des triglycérides et de la ferritine.

Les principales manifestations cliniques de ces fièvres récurrentes héréditaires sont rapellées dans le Tableau 3

TABLEAU 3 - Fièvres récurrentes héréditaires - Les principales manifestations cliniques POUSSÉE FÉBRILE RÉCURRENTE Lésions cutanées

(durée de la crise)

Eruption cutanée

FMF (1 à 3 jours)

Atteinte des séreuses

Erythème migrateur

TRAPS ( 7 jours)

Oedème péri-orbital

Urticaire

CAPS (1 jour)

Pseudo-érysipèle

HIDS (4-6 jours)

FMF : Fièvre Méditerranéenne Familiale TRAPS : TNFR Associated Periodic Syndrome CAPS : Cryopyrine Associated Periodic Syndrome HIDS : Hyper IgD Syndrom

8

Manifestations cliniques

Atteinte neurologique /méningite Perte de l’audition Uvéite Hypertrophie épiphysaire

Lymphadénopathie Aphtose

L’immunité innée constitue une première ligne de la défense de l'organisme contre les agents pathogènes médiée par les cellules phagocytaires. Elle est non spécifique, dirigée contre des molécules communes à plusieurs agents infectieux, tel que le LPS bactérien, et va successivement faire intervenir des récepteurs spécifiques « PAMPs » (Pathogen-Associated Molecular Patterns) incluant les TLRs (Toll-Like Receptors) ainsi que la famille des NLRs (Natch Domain, Leucine Rich Repeat). Un des membres de la famille NLR est la protéine NOD2 codée par le gène CARD15 qui est associé à la maladie de Crohn (52, 53). Ogura et al. ont pu montrer que NOD2 était capable de répondre aux lipopolysaccharides (LPS) bactériens en activant la voie de NF-λB et de l'apoptose (54). La découverte de CARD15 recentre donc la physiopathologie de la maladie de Crohn sur l'immunité innée et le macrophage.

4e partie

2. Exemple de la maladie de Crohn : rôle de la voie NF-λB

Le rôle de l’inflammasome l’inflammasome permet la production d’interleukine 1

LPS, PAMPs,... ATP

IL-1β

PLA2?

Pro-IL-1β

NF-κB

Chapitre 9

L’inflammasome est un complexe multiprotéique cytosolique. A ce jour 3 inflammasomes ont été identifiés. Ils partagent une structure commune composée d’une protéine NLR, d’une protéine adaptatrice ASC/PYCARD (Apoptosis-associated speck-like protein containing a CARD domain) et des pro-caspases-1 et -5 (55). Les protéines de la famille NLR identifiée comme composante de l’inflammasome sont les NALPs (Natch Domain, Leucine Rich Repeat, and PYD-Containing Protein) : NALP1 et NALP3/CIAS1/cryopyrine et la protéine IPAF. A ce jour plus d’une quarantaine de protéines NALPs on été identifiées, suggérant l’existence d’autres inflammasomes. La fonction de l’inflammasome est l’activation de la caspase-1, anciennement dénommée ICE (IL-1 Converting Enzyme). La caspase-1 une fois active va assurer le clivage protéolytique nécessaire à la maturation de la pro-IL-1β‚ en IL-1β‚ mais aussi de la pro-IL-18 en IL-18. Ainsi, l’inflammasome constitue l’élément central de régulation de la production de la principale cytokine inflammatoire : l’IL-1β.

Les facteurs génétiques non-HLA : des données fondamentales à la pratique

3. Immunité innée et inflammasome

Inflammasome

9

L’immunopathologie pour le praticien

LRR

NOD

Pyrine

CARD

La structure de l’inflammasome L’inflammasome est constitué par différentes familles de protéines :

■ des protéines NLR (NOD like recepteur) ■ une ou plusieurs protéines adaptatrices ■ une ou plusieurs caspases inflammatoires Représentation schématique de la stucture l’inflammasome

4. CIAS1/Cold Auto-inflammatory Periodic Syndrome (CAPS) Le syndrome de Muckle-Wells, l’urticaire familiale au froid, et le syndrome CINCA (Chronic Infantile Neurologic, Cutaneous and Articular syndrome) ou NOMID (Neonatal-Onset Multisystem Inflammatory Disease), constituent un groupe de fièvres périodiques héréditaires à transmission autosomique dominante associées à des mutations d’un même gène : le gène NALP3/CIAS1/cryopyrine. Ces 3 affections sont regroupées sous l’acronyme CAPS (Cold Autoinflammatory Periodic Syndrome). A ce jour 54 mutations causales ont été identifiées. Le rôle fonctionnel exact des mutations de CIAS1 n’est pas connu, cependant, l’implication de la cryopyrine illustre bien le rôle essentiel joué par l’inflammasome dans les pathologies auto-inflammatoires.

5. - NALP1 inflammasome : le lien entre immunité innée et maladies auto-immunes ? Très récemment, une approche génétique originale des pathologies auto-immunes a conduit à l’identification du gène NALP1 codant pour la NATCH Leucine Rich Repeat, Protein 1, comme probable facteur de susceptibilité au vitiligo mais aussi à diverses pathologies auto-immunes comprenant notamment la PR, le LES, les TAI ou encore l’anémie de Biermer (56). L’association concerne plusieurs polymorphismes de NALP1 dont le rôle fonctionnel reste à élucider. Cette étude d’association qui a pour intérêt de proposer un concept physiopathogénique faisant intervenir l’inflammasome dans la physiopathologie des MAI, vient d’être récemment renforcé par la mise en évidence d’association entre des variants de NALP1 et le diabète de type 1 ou encore la maladie d’Addison auto-immune (57, 58).

6. - Conséquences thérapeutiques dans les maladies auto-inflammatoires héréditaires Le traitement fait appel :

■ à la Colchicine, essentiellement pour la fièvre méditerranéenne familiale ■ à l’Etanercept pour les TRAPS ■ aux anti-IL1 pour les CAPS et les HIDS, voire les formes de FMF résistantes ou les TRAPS résistant.s Parmi les anti-IL1, l’Anakinra (kineret©) est commercialisé. Deux autres traitements anti-IL1 sont en cours de commercialisation : le Rilonacept, (arcalyst©), protéine de fusion formée par l’association de la partie extra-cellulaire du recepteur de l’interleukine 1 et du domaine Fc d’une IgG1 ; et le Canakinumab (Ilaris©), anticorps monoclonal dirigé contre l’IL1b. Ces deux derniers traitements ont l’avantage d’avoir des prises moins fréquentes que les injections quotidiennes d’Anakinra.

10

interactions entre immunité innée et immunité adaptative Comme le laisse entrevoir l’association entre NALP1 et le vitiligo mais aussi à un sous-groupe de MAI et pathologies inflammatoires, il apparaît raisonnable d’envisager la réalité d’une interaction entre immunité innée et immunité adaptative aussi bien sur le plan physiopathologique que sur la susceptibilité génétique. Plusieurs études génétiques récentes viennent étayer ce concept, ainsi un polymorphisme du gène TLR5 a été montré associé au LES (59), la participation d’IRF5 dans la susceptibilité génétique d’un grand nombre de MAI telles que la e LES, la PR, la ScS ou encore le SGS illustre le rôle primordial de l’immunité innée non seulement dans les syndromes auto-inflammatoires mais aussi dans les pathologies auto-immunes.

6e partie

Synthèse

Les points forts : 1. Les facteurs génétiques qui interviennent dans l’apparition (susceptibilité génétique) ou dans l’expression (phénotype) d’une maladie auto-immune sont nombreux et l’importance (la pénétrance) pour cette maladie d’un variant génétique donné est faible.

2. Les maladies auto-immunes possèdent un fond génétique commun. Un même variant génétique peut intervenir dans la susceptibilité génétique ou l’expression phénotypique de plusieurs maladies autoimmunes.

4e, 5e et 6e parties

Génétique des MAI et syndromes auto-inflammatoires :

Les facteurs génétiques non-HLA : des données fondamentales à la pratique

5e partie

la réponse immunitaire, la signalisation intra-cellulaire, les voies de la co-stimulation, l’expression des facteurs de transcription. Mais leur rôle et leur importance dans la pathogénie des maladies autoimmunes restent mal connus.

4. La pathogénie des maladies auto-inflammatoires fait intervenir les mécanismes de l’immunité innée, en particulier un dysfonctionnement de l’inflammasome, complexe protéique qui permet l’activation des cytokines pro-inflammatoires.

5. Les fièvres récurrentes héréditaires représentent l’expression clinique la plus fréquente des maladies

Chapitre 9

3. Les variants génétiques associés aux maladies auto-immunes interviennent dans différentes étapes de

auto-inflammatoires.

6. La génétique a permis la caractérisation de certaines maladies auto-inflammatoires, en identifiant le gène responsable, permettant ainsi le développement du diagnostic génétique et des thérapeutiques.

Les grandes questions : 1. Dans les maladies auto-immunes, la place respective des facteurs génétiques, de l’épigénétique et des facteurs d’environnement est mal connue.

2. Le concept de maladie auto-inflammatoire est récent et leur cadre nosologique reste encore mal défini. 11

L’immunopathologie pour le praticien

Conclusion Dans cette revue de la littérature, nous avons tenté de donner au lecteur une vue d’ensemble sur un champ d’investigation très large et en constant mouvement. Il est fort probable qu’au moment de sa parution cette mise au point sera devenue obsolète. Par ailleurs, les facteurs de susceptibilité génétique et environnementaux n’ont pas pu tous être abordés en détails, nous avons fait le choix de faire un focus sur les principales voies physiopathogéniques aujourd’hui identifiées comme conduisant au phénotype dysimmunitaire. Nous n’avons pas discuté de la problématique posée par l’identification de variants rares tels qu’ils viennent d’être décrits pour le gène TREX1 et le LES (36), ni du rôle probablement primordial de l’épigénétique. En conclusion, le terme de « maladies systémiques » regroupe des maladies dites auto-immunes et autoinflammatoires dont l’expression phénotypique est très hétérogène. Toutefois, il semble exister un fond génétique prédisposant à l’auto-immunité au sens large du terme avec l’intervention de gènes qui vont moduler l’expression phénotypique de l’affection auto-immune. Enfin, les gènes codant pour certains acteurs de l’immunité innée, s’ils ont été montrés associés à des modèles de maladies auto-inflammatoires, semblent aussi jouer un rôle dans l’auto-immunité. On peut espérer que l’approche génétique permettra une meilleure compréhension de la physiopathologie des « maladies systémiques » débouchant sur l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques et/ou une optimisation de la prise en charge thérapeutique à un échelon personnalisé renvoyant à la notion de pharmacogénétique.

7e partie

A

Lexique

SC : Apoptosis associated speck-like proteine containing a CARD.

S : Blau syndrome.

B C C C C F H H L M

APS : Cryopyrin associated periodic syndrome (syndrome périodique associé avec mutation du gène de la cryopyrine ou cryopyrinopathies. ARD : Caspase recruitment domain. IAS1 : Cold-induced auto-inflammatory syndrome 1.

INCA : Chronic Infantil neurological Cutaneous and Articular Syndrome.

MF : Familial Mediterranean fever. IDS : Hyper Immunoglobuline D syndrome. MGR : Hydroxymethylglutaryl-coenzyme A reductase.

RR : Leucine-rich repeat.

12

KD : Mevalonate kinase deficiencies.

WS : Syndrome de Muckle-Wells.

ACHT : Domaine present in NAIP, CIITA, HET E and TP1. BD : Nucleotide binding domain. LR : NOD-like receptors.

6e, 7e et 8e parties

M N N N N N P P P S T

OD : Nucleotide oligomerization domain.

AMP : Pathogen Associated Molecular Pattern. YD : Pyrin domain. AA : Serum amyloid A.

RAPS : TNF receptor associated periodic syndrome (syndrome périodique associé avec mutations de récepteurs de type).

8e partie

Pour en savoir plus

1 Vyse TJ, Todd JA. Genetic analysis of autoimmune disease. Cell 1996;85(3):311-8. ■ 2 Seldin MF, Amos CI, Ward R, Gregersen PK. The genetics revolution and the assault on rheumatoid ■

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3 Criswell LA, Pfeiffer KA, Lum RF, Gonzales B, Novitzke J, Kern M, et al. Analysis of families in the ■

multiple autoimmune disease genetics consortium (MADGC) collection: the PTPN22 620W allele associates with multiple autoimmune phenotypes. Am J Hum Genet 2005;76(4):561-71. 4 Thomas DJ, Young A, Gorsuch AN, Bottazzo GF, Cudworth AG. Evidence for an association between ■ rheumatoid arthritis and autoimmune endocrine disease. Ann Rheum Dis 1983;42(3):297-300. 5 Grennan DM, Sanders PA, Thomson W, Dyer PA. Rheumatoid arthritis: inheritance and association ■ with other autoimmune diseases. Dis Markers 1986;4(1-2):157-62. 6 Torfs CP, King MC, Huey B, Malmgren J, Grumet FC. Genetic interrelationship between insulin■ dependent diabetes mellitus, the autoimmune thyroid diseases, and rheumatoid arthritis. Am J Hum Genet 1986;38(2):170-87. 7 Walker DJ, Griffiths M, Griffiths ID. Occurrence of autoimmune diseases and autoantibodies in mul ■ ticase rheumatoid arthritis families. Ann Rheum Dis 1986;45(4):323-6. 8 Taneja V, Singh RR, Malaviya AN, Anand C, Mehra NK. Occurrence of autoimmune diseases and ■ relationship of autoantibody expression with HLA phenotypes in multicase rheumatoid arthritis families. Scand J Rheumatol 1993;22(4):152-7. 9 Lin JP, Cash JM, Doyle SZ, Peden S, Kanik K, Amos CI, et al. Familial clustering of rheumatoid arthri■ tis with other autoimmune diseases. Hum Genet 1998;103(4):475-82.

Chapitre 9

APA SYNDROME : Pyogenic Sterile Arthritis, Pyoderma Gangrenosum and Acne Syndrome.

Les facteurs génétiques non-HLA : des données fondamentales à la pratique

OMID : Neonatal Onset Multisystem Inflammatory Disease.

13

L’immunopathologie pour le praticien 14

10 ■ Corporaal S, Bijl M, Kallenberg CG. Familial occurrence of autoimmune diseases and autoantibo

dies in a Caucasian population of patients with systemic lupus erythematosus. Clin Rheumatol 2002;21(2):108-13. 11 ■ Alarcon-Segovia D, Alarcon-Riquelme ME, Cardiel MH, Caeiro F, Massardo L, Villa AR, et al. Familial aggregation of systemic lupus erythematosus, rheumatoid arthritis, and other autoimmune diseases in 1,177 lupus patients from the GLADEL cohort. Arthritis Rheum 2005;52(4):1138-47. 12 ■ Reveille JD, Wilson RW, Provost TT, Bias WB, Arnett FC. Primary Sjogren's syndrome and other autoimmune diseases in families. Prevalence and immunogenetic studies in six kindreds. Ann Intern 5 Med 1984;101(6):748-56. 13 ■ Becker KG, Simon RM, Bailey-Wilson JE, Freidlin B, Biddison WE, McFarland HF, et al. Clustering of non-major histocompatibility complex susceptibility candidate loci in human autoimmune diseases. Proc Natl Acad Sci U S A 1998;95(17):9979-84. 14 ■ Gaffney PM, Ortmann WA, Selby SA, Shark KB, Ockenden TC, Rohlf KE, et al. 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Genetic linkage and transmission disequilibrium of marker haplotypes at chromosome 1q41 in human systemic lupus erythematosus. Arthritis Res 2001;3(5):299-305. 19 ■ Bottini N, Musumeci L, Alonso A, Rahmouni S, Nika K, Rostamkhani M, et al. A functional variant of lymphoid tyrosine phosphatase is associated with type I diabetes. Nat Genet 2004;36(4):337-8. 20 ■ Begovich AB, Carlton VE, Honigberg LA, Schrodi SJ, Chokkalingam AP, Alexander HC, et al. A missense single-nucleotide polymorphism in a gene encoding a protein tyrosine phosphatase (PTPN22) is associated with rheumatoid arthritis. Am J Hum Genet 2004;75(2):330-7. 21 ■ Vang T, Congia M, Macis MD, Musumeci L, Orru V, Zavattari P, et al. Autoimmune-associated lymphoid tyrosine phosphatase is a gain-of-function variant. Nat Genet 2005;37(12):1317-9. 22 ■ Rieck M, Arechiga A, Onengut-Gumuscu S, Greenbaum C, Concannon P, Buckner JH. Genetic variation in PTPN22 corresponds to altered function of T and B lymphocytes. 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J Invest Dermatol 2008;128(7):1757-62. 27 ■ Vandiedonck C, Capdevielle C, Giraud M, Krumeich S, Jais JP, Eymard B, et al. Association of the PTPN22*R620W polymorphism with autoimmune myasthenia gravis. Ann Neurol 2006;59(2):404-7. 28 ■ Dieude P, Guedj M, Wipff J, Avouac J, Hachulla E, Diot E, et al. The PTPN22 620W allele confers susceptibility to systemic sclerosis: findings of a large case-control study of European Caucasians and a meta-analysis. Arthritis Rheum 2008;58(7):2183-8. 29 Kozyrev SV, Abelson AK, Wojcik J, Zaghlool A, Linga Reddy MV, Sanchez E, et al. Functional variants ■ in the B-cell gene BANK1 are associated with systemic lupus erythematosus. Nat Genet 2008;40(2):211-6. 30 Dieude P, Wipff J, Guedj M, Ruiz B, Melchers I, Hachulla E, et al. BANK1 is a genetic risk factor for ■ diffuse cutaneous systemic sclerosis and has additive effects with IRF5 and STAT4. Arthritis Rheum 2009;60(11):3447-3454. 31 Hom G, Graham RR, Modrek B, Taylor KE, Ortmann W, Garnier S, et al. Association of systemic ■ lupus erythematosus with C8orf13-BLK and ITGAM-ITGAX. N Engl J Med 2008;358(9):900-9. 32 Gourh P, Agarwal SK, Martin E, Divecha D, Rueda B, Bunting H, et al. Association of the C8orf13■ BLK region with systemic sclerosis in North-American and European populations. J Autoimmun 2010;34(2):155-62. 33 Plenge RM, Cotsapas C, Davies L, Price AL, de Bakker PI, Maller J, et al. Two independent alleles at ■ 6q23 associated with risk of rheumatoid arthritis. Nat Genet 2007;39(12):1477-82. 2

Les facteurs génétiques non-HLA : des données fondamentales à la pratique

Chapitre 9

in the TNFAIP3 region are independently associated with systemic lupus erythematosus. Nat Genet 2008. 35 Dieude P, Guedj M, Wipff J, Ruiz B, Riemekasten G, Matucci-Cerinic M, et al. Association of the ■ TNFAIP3 rs5029939 variant with systemic sclerosis in the European Caucasian population. Ann Rheum Dis 2010. 36 Gregersen PK, Olsson LM. Recent advances in the genetics of autoimmune disease. Annu Rev ■ Immunol 2009;27:363-91. 37 Maier LM, Hafler DA. Autoimmunity risk alleles in costimulation pathways. Immunol Rev ■ 13 2009;229(1):322-36. 38 Xie P, Hostager BS, Munroe ME, Moore CR, Bishop GA. Cooperation between TNF receptor-asso■ ciated factors 1 and 2 in CD40 signaling. J Immunol 2006;176(9):5388-400. 39 Tomer Y, Concepcion E, Greenberg DA. A C/T single-nucleotide polymorphism in the region of the ■ CD40 gene is associated with Graves' disease. Thyroid 2002;12(12):1129-35. 40 Raychaudhuri S, Remmers EF, Lee AT, Hackett R, Guiducci C, Burtt NP, et al. Common variants at ■ 15 CD40 and other loci confer risk of rheumatoid arthritis. Nat Genet 2008;40(10):1216-23. 41 Kozyrev SV, Alarcon-Riquelme ME. The genetics and biology of Irf5-mediated signaling in lupus. ■ Autoimmunity 2007;40(8):591-601. 42 Sigurdsson S, Nordmark G, Goring HH, Lindroos K, Wiman AC, Sturfelt G, et al. Polymorphisms in ■ the tyrosine kinase 2 and interferon regulatory factor 5 genes are associated with systemic lupus erythematosus. Am J Hum Genet 2005;76(3):528-37. 43 Sigurdsson S, Padyukov L, Kurreeman FA, Liljedahl U, Wiman AC, Alfredsson L, et al. Association of ■ a haplotype in the promoter region of the interferon regulatory factor 5 gene with rheumatoid 18 arthritis. Arthritis Rheum 2007;56(7):2202-10. 44 Dieude P, Guedj M, Wipff J, Avouac J, Fajardy I, Diot E, et al. Association between the IRF5 rs2004640 ■ functional polymorphism and systemic sclerosis: a new perspective for pulmonary fibrosis. Arthritis 19 Rheum 2009;60(1):225-33. 45 Miceli-Richard C, Comets E, Loiseau P, Puechal X, Hachulla E, Mariette X. Association of an IRF5 ■ 20 gene functional polymorphism with Sjogren's syndrome. Arthritis Rheum 2007;56(12):3989-94. 46 Graham RR, Kyogoku C, Sigurdsson S, Vlasova IA, Davies LR, Baechler EC, et al. Three functional ■ variants of IFN regulatory factor 5 (IRF5) define risk and protective haplotypes for human lupus. 21 Proc Natl Acad Sci U S A 2007;104(16):6758-63. 47 Dideberg V, Kristjansdottir G, Milani L, Libioulle C, Sigurdsson S, Louis E, et al. An insertion-dele■ 22 tion polymorphism in the interferon regulatory Factor 5 (IRF5) gene confers risk of inflammatory bowel diseases. Hum Mol Genet 2007;16(24):3008-16. 48 Kristjansdottir G, Sandling JK, Bonetti A, Roos IM, Milani L, Wang C, et al. Interferon Regulatory ■ 23 Factor 5 (IRF5) Gene Variants are Associated with Multiple Sclerosis in Three Distinct Populations. J Med Genet 2008. 49 Remmers EF, Plenge RM, Lee AT, Graham RR, Hom G, Behrens TW, et al. STAT4 and the risk of ■ 24 rheumatoid arthritis and systemic lupus erythematosus. N Engl J Med 2007;357(10):977-86. 50 Korman BD, Alba MI, Le JM, Alevizos I, Smith JA, Nikolov NP, et al. Variant form of STAT4 is asso■ ciated with primary Sjogren's syndrome. Genes Immun 2008;9(3):267-70. 51 Dieude P, Guedj M, Wipff J, Ruiz B, Hachulla E, Diot E, et al. STAT4 is a genetic risk factor for syste■ mic sclerosis having additive effects with IRF5 on disease susceptibility and related pulmonary fibrosis. Arthritis Rheum 2009;60(8):2472-9. 52 Hugot JP, Chamaillard M, Zouali H, Lesage S, Cezard JP, Belaiche J, et al. Association of NOD2 leu■ cine-rich repeat variants with susceptibility to Crohn's disease. Nature 2001;411(6837):599-603. 53 Ogura Y, Bonen DK, Inohara N, Nicolae DL, Chen FF, Ramos R, et al. A frameshift mutation in ■ NOD2 associated with susceptibility to Crohn's disease. Nature 2001;411(6837):603-6. 54 Ogura Y, Lala S, Xin W, Smith E, Dowds TA, Chen FF, et al. Expression of NOD2 in Paneth cells: a ■ 28 possible link to Crohn's ileitis. Gut 2003;52(11):1591-7. 55 Martinon F, Burns K, Tschopp J. The inflammasome: a molecular platform triggering activation of ■ inflammatory caspases and processing of proIL-beta. Mol Cell 2002;10(2):417-26. 56 Jin Y, Birlea SA, Fain PR, Spritz RA. Genetic variations in NALP1 are associated with generalized viti■ ligo in a Romanian population. J Invest Dermatol 2007;127(11):2558-62. 57 Magitta NF, Boe Wolff AS, Johansson S, Skinningsrud B, Lie BA, Myhr KM, et al. A coding polymor■ 30 phism in NALP1 confers risk for autoimmune Addison's disease and type 1 diabetes. Genes Immun 2009;10(2):120-4. 58 Zurawek M, Fichna M, Januszkiewicz-Lewandowska D, Gryczynska M, Fichna P, Nowak J. A coding ■ 31 variant in NLRP1 is associated with autoimmune Addison's disease. Hum Immunol;71(5):530-4. 59 Hawn TR, Wu H, Grossman JM, Hahn BH, Tsao BP, Aderem A. A stop codon polymorphism of Toll■ like receptor 5 is associated with resistance to systemic lupus erythematosus. Proc Natl Acad Sci U S A 2005;102(30):10593-7. 2

8e partie

34 Musone SL, Taylor KE, Lu TT, Nititham J, Ferreira RC, Ortmann W, et al. Multiple polymorphisms ■

32

15

LES VAISSEAUX ET ANOMALIES DE L’ANGIOGENÈSE DANS LES MALADIES INFLAMMATOIRES 1ère partie Les données fondamentales

SOMMAIRE

Chapitre 10

8 03

• Définition • Comment naissent les vaisseaux ?

3. Organisation et activité fonctionnelle des cellules endothéliales

8 04 8 04 8 05

• Structure des cellules endothéliales • Principales fonctions de l’endothélium

8 06 8 06 8 06

2e partie

8 11

Comment j’explore ?

1. Comment j’explore la circulation ? • En pratique, de la routine à la recherche: étude morphologique et fonctionnelle

3e partie

8 11 8 11

Les anomalies vasculaires dans les maladies inflammatoires ? 8 12

1. Modifications de l’endothélium au cours de l’inflammation 2. Adhésion leucocyte - cellule endothéliale • Différents temps de la margination des leucocytes • Familles des molécules d’adhésion • Cinétique d’expression des molécules d’adhésion endothéliales • Rôle des chimiokines dans la migration des globules blancs marginés vers le foyer inflammatoire

3. Comment j’explore l’endothélium ? • Dosages plasmatiques • Études immunohistologiques • Mesure des cellules endothéliales circulantes

4. Exemples de maladies inflammatoires • Athérosclérose et maladies inflammatoires • Micro-angiopathies acquises: exemple des vascularites primitives

8 12 8 12 8 12 8 13 8 15

Chapitre10

2. Origine des vaisseaux : l’angiogenèse

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

1. Schéma synthétique de la structure et de l’organisation fonctionnelle d’une paroi vasculaire 8 03

8 16 8 17 8 17 8 18 8 18 8 18 8 18 8 22

1

L’immunopathologie pour le praticien

4e partie

Quels traitements pour réguler les anomalies vasculaires dans les maladies inflammatoires ?8 27

1. Traitements vasodilatateurs • Inhibiteurs calciques • Inhibiteurs spécifiques du récepteur de l’angiotensine • Inhibiteurs de l’enzyme de conversion • Prostacycline PGI2 et dérivés • Inhibiteurs des récepteurs de l’endothéline 1 • Inhibiteurs de la phosphodiesterase 5 • Monoxyde d’azote (NO) • Antagonistes des alpha-adrénorécepteurs • Inhibiteurs de la sérotonine

2. Quel est l’effet des anti-TNFa ? • TNFa et paroi vasculaire • Anti-TNFa et modification du risque cardiovasculaire

3. Quelles sont les nouvelles molécules susceptibles de modifier l’angiogenèse et éventuellement de prévenir l’athéromatose dans les maladies inflammatoires ? • Statines • Inhibiteurs de l’angiogenèse • Inhibiteurs des intégrines et sélectines

4. Inhibiteurs de chimiokines et leurs récepteurs • Anti-TNFa • Essais cliniques concernant la PR

8 28 8 28 8 28

8 29 8 29 8 30 8 31 8 32 8 32 8 32

• Chaperonine 10 • Agonistes des PPARa et PPARg • Inhibiteurs de MIF

8 32 8 32 8 32 8 33

5e partie

8 34

5. Nouvelles molécules

Synthèse

1. Les points forts 2. Les grandes questions

2

8 27 8 27 8 27 8 27 8 27 8 27 8 27 8 27 8 28 8 28

8 34 8 35

6e partie

Lexique

8 36

7e partie

Pour « en savoir plus »

8 38

Eric Hachulla, Service de Médecine Interne, Hôpital Claude Huriez, Lille

Tissu vivant, le vaisseau artériel, veineux ou capillaire est doué de 2 grandes fonctions : l’une de coopération entre ses différentes structures (endothélium, sous-endothélium, collagènes et microfibrilles, limitantes élastiques …), l’autre de relation croisée avec le sang qui circule (éléments figurés et protéines plasmatiques dont les protéines de la coagulation et de la fibrinolyse qui assurent l’hémostase). Le réseau vasculaire est organisé de façon à apporter aux constituants des différents organes les nutriments qui leur sont nécessaires et d’assurer l’élimination des déchets. Ceci est rendu possible grâce à la perméabilité de l’endothélium vasculaire et à la porosité des membranes basales. Le vaisseau doit, suivant sa localisation, permettre de contrôler la diffusion de substances depuis le sang vers les tissus et vice versa, et avoir une élasticité suffisante pour répondre aux déformations imposées par le flux sanguin pulsatile. Bien que les différents territoires vasculaires (artères, capillaires, veines) aient chacun des aspects spécifiques, ils présentent des caractéristiques morphologiques, biochimiques et fonctionnelles communes. L’hémostase est l’ensemble des mécanismes cellulaires et moléculaires qui contrôle le passage du sang de l’état liquide à l’état solide. C’est un processus physiologique qui permet de limiter les pertes sanguines provoquées par toute effraction vasculaire, mais aussi une réaction de défense de l’organisme en cas d’agression. Pour des raisons didactiques, il a été proposé de séparer ce chapitre en deux parties, l’une consacrée au contenant (vaisseaux) et l’autre au contenu (hémostase). Néanmoins, ces deux chapitres sont complémentaires pour bien comprendre leurs implications dans les maladies inflammatoires.

1ère partie Les données fondamentales 1. Schéma synthétique de la structure et de l’organisation fonctionnelle d’une paroi vasculaire La paroi d’une artère normale est constituée de 3 tuniques FIGURE 1 : la plus interne est l’intima formée d’une seule couche de cellules endothéliales en dedans et de l’endartère en dehors, conjonctivo-élastique et pouvant contenir des cellules histiocytaires. La média, séparée de l’intima par une limitante élastique interne, est constituée de cellules musculaires lisses et de fibres élastiques. L’adventice à l’extérieur réunit des fibres collagène, des filets nerveux et des vaisseaux nutritifs ou vasa vasorum. L’importance de ces tuniques varie selon le type d’artères : artères musculaires qui assurent la vascularisation viscérale, artères élastiques (grosses artères proches du cœur). Ce sont ces dernières qui peuvent être le siège de l’athérome. Les petites artères et les artérioles sont dépourvues de lame élastique externe. Elles présentent au contraire une lame élastique interne continue. Les capillaires et les veinules postcapillaires ont pour rôle principal l’échange entre les tissus. Ils présentent donc une paroi très fine, même si on peut distinguer 3 couches : l’endothélium, la membrane basale et les tissus conjonctifs péricapillaires. La membrane basale entoure des cellules appelées péricytes, dérivées des cellules musculaires lisses qui jouent un rôle dans la régulation du flux sanguin au niveau du lit capillaire. Veines et veinules sont organisées comme les artères et les artérioles en 3 couches : intima, média et adventice, mais le tissu élastique veineux (sauf dans les veines de gros calibre) n’est pas organisé en lames bien individualisées rendant difficile la distinction entre intima et média.

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

Olivier Meyer, CHU Bichat, Paris

Chapitre 10

LES VAISSEAUX ET ANOMALIES DE L’ANGIOGENÈSE DANS LES MALADIES INFLAMMATOIRES

1ère partie

Chapitre 10

3

L’immunopathologie pour le praticien

FIGURE 1 - Structure d’une artère normale

Les vaisseaux n’ont pas qu’une fonction de vecteur passif, ils représentent un organe en tant que tel, et sont notamment capables de modifier de façon active leur diamètre, sous l’influence de différents facteurs physiques ou métaboliques. La surface luminale des cellules endothéliales normales n’est pas thrombogène, grâce à une charge négative, l’exposition de phospholipides neutres vis-à-vis des plaquettes, la synthèse et la sécrétion de molécules inhibitrices des plaquettes (prostacycline, monoxyde d’azote), d’inhibiteurs de la coagulation (thrombomoduline, protéine S, tissue factor pathway inhibitor (TFPI), glycosaminoglycanes) et d’activateurs de la fibrinolyse (tissue plasminogen activator ou t-PA), urokinase plasminogen activator ou u-PA).

2. Origine des vaisseaux : l’angiogenèse ■ Définition L’angiogenèse est le processus de formation de nouveaux vaisseaux. Il s’agit d’un processus physiologique qui intervient dans des domaines aussi importants que le développement embryonnaire, la reproduction, la réparation tissulaire. Un excès d’angiogenèse est à l’origine de différents processus pathologiques, tels que l’inflammation ou le développement tumoral pour les excès d’angiogenèse ; un défaut d’angiogenèse est responsable de différents processus ischémiques.

■ Comment naissent les vaisseaux ? Le programme de néoangiogenèse débute par une activation des cellules endothéliales par différents stimuli angiogéniques : la cellule endothéliale secrète des protéases qui dégradent la membrane basale et la matrice extracellulaire. Les cellules endothéliales peuvent alors migrer de façon linéaire dans le conjonctif en formant des bourgeons puis des rameaux. Elles prolifèrent et synthétisent de nouvelles membranes basales en se groupant sous forme de tubes capillaires. Plusieurs rameaux vont s’anastomoser et former des boucles capillaires. Les cellules de l’environnement et plus particulièrement les cellules issues de cellules souches hématopoiétiques (neutrophiles, monocytes/macrophages, cellules dendritiques, lymphocytes, plaquettes et mastocytes) contribuent au phénomène d’angiogenèse en produisant des médiateurs (facteurs de croissance, cytokines, chimiokines, enzymes, mais aussi macromolécules de la matrice extracellulaire) TABLEAU 1 . La vasculogenèse se développe également à partir de cellules souches endothéliales issues de la moelle osseuse, mobilisées par différents facteurs de croissance. 4

2. Cytokines

TNFa, IL1, IL6, IL8, IL15, G-CSF, GM-CSF, stromal-cell-derived factor 1

3. Chimiokines contenant un motif « ELR » ou sans motif « ELR »

IL8 (=CXCL8), ENA-78 (=CXCL5), Groa (=CXCL1), Grob (=CXCL2), CTAP-III (=CXCL7) SDF-1 (=CXCL12), Grob (=CXCL2), MCP-1 (=CCL2), fractalkine (=CX3CL1)

4. Macromolécule de matrice extracellulaire

Collagène I, fibronectine, laminine, tenascine, héparine, héparane sulfate

5. Enzymes protéolytiques

MMP, activateurs du plasminogène

6. Molécules d’adhésion (CAM)

Intégrines b1 et b3, E-sélectine, VCAM-1, PECAM-1, CD34, sialyl Lewisx, endogline

7. Divers

Angiogénine, angiotropine, PAF, histamine, substance P, érythropoïétine, lipides (PG), adénosine, fibrinogène

ELR : motif glutamine-leucine-arginine

En l’absence de flux suffisant, de concentrations suffisantes des facteurs angiogéniques et/ou en présence d’inhibiteurs de l’angiogenèse TABLEAU 2 , tels que TSP1, IFN, Ang-2… on observe une régression des bourgeons vasculaires. TABLEAU 2 - Principaux inhibiteurs de l’angiogenèse 1. Facteurs de croissance

TGFb (selon la dose)

2. Cytokines

4. Facteurs fixant l’héparine 5. Inhibiteurs de protéases

IL7, IL4, IL6, IL12, IFNa, IFNg, LIF IP10 (=CXCL10), PF-4 (=CXCL4), Mig (=CXCL9), I-TAC (=CXCL11) Thrombospondine-1, PF-4, constatine, tumstatine TIMP-1, TIMP-2, PAI-1, PAI-2

6. Inhibiteurs tissulaires

Cartilage, cristallin, vitré

7. Divers

Angiostatine (fragment du fibrinogène), endostatine (fragment du collagène IV), SPARC (secreted protein acidic and rich cysteine), opioïdes, rétinoïdes

3. Chimiokines CXC (sans motif « ELR »)

IP10 = interferon inducible protein-10 TIMP = tissue inhibitor of metalloproteases

3. Organisation et activité fonctionnelle des cellules endothéliales ■ Structure des cellules endothéliales L’endothélium est formé d’une monocouche aplatie (3 mm au niveau du noyau, 0,2 mm à son extrémité) et uniforme des cellules polygonales allongées, longues de 25 à 50 mm, large de 10 à 15 mm, orientées dans le sens du flux sanguin. Ces cellules sont en contact étroit les unes avec les autres au niveau de leur jonction, ne laissant qu’une fente étroite entre deux membranes plasmiques de cellules adjacentes. Ces jonctions sont importantes pour les échanges entre le sang et les tissus. On trouve deux autres types d’endothélium : l’endothélium discontinu des capillaires fenêtrés et les capillaires sinusoïdes où les cellules endothéliales sont alignées avec des cellules de type réticulo-endothélial.

1ère partie

bFGF, aFGF, VEGF, ECGF, PD-ECGF, PDGF, HGF, IGF-1, TGFb, PIGF, angiopoïétine (Ang-1)

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

1. Facteurs de croissance

Chapitre 10

TABLEAU 1 - Principaux médiateurs de l’angiogenèse

La surface vasculaire des cellules endothéliales (5000 m2) est recouverte d’une enveloppe cellulaire au glycocalyx riche en carbohydrates sous forme de protéoglycanes (héparane sulfate en particulier). Les cellules endothéliales se distinguent de toutes les autres cellules (excepté les mégacaryocytes) par l’existence d’une structure cytoplasmique sous la forme de bâtonnets de 3 mm de long et 0,1 mm de large entourés par une structure membranaire appelée corps de Weibel-Palade. Il s’agit du lieu de stockage du facteur Willebrand. Ces corps de Weibel-Palade sont très nombreux dans l’endothélium des artères pulmonaires et absents de celui de l’aorte.

5

L’immunopathologie pour le praticien 6

■ Principales fonctions de l’endothélium ■ Barrière sélective

Différentes voies de passage sont possibles à travers la couche des cellules endothéliales dépendant de la taille des molécules. Les jonctions entre cellules endothéliales sont plus lâches au niveau des veinules : c’est là que se font les échanges trans-endothéliaux de l’eau, des gaz et des substances dont la taille moléculaire ne dépasse pas 2 nm. Les substances dont la taille est plus importante vont et viennent à travers les cellules endothéliales par un système de pores qui résulte de la fusion de vésicules d’endocytose entre elles : leur diamètre est limité à 10 nm. ■ Synthèse des constituants de la membrane basale et du sous-endothélium

Toutes les molécules constitutives de la membrane basale et de la matrice extracellulaire du sousendothélium sont synthétisées et secrétées par les cellules endothéliales. Seuls certains composants sont exclusivement synthétisés par les cellules endothéliales : c’est le cas du collagène de type IV caractéristique de la membrane basale. D’autres molécules importantes telle la laminine peuvent être élaborées par les cellules épithéliales qui reposent aussi sur une membrane basale. ■ Fonctions anti-thrombogéniques

Outre le rôle du glycocalyx, la cellule endothéliale joue un rôle fondamental d’inhibition de la thrombose grâce à un équilibre subtil entre facteurs pro et antithrombogènes synthétisés par les cellules endothéliales FIGURE 2 . Citons: • la synthèse de prostacycline (PGI2) qui s’oppose à l’activation et à l’agrégation plaquettaire. Le PGI2 favorise également la vasodilatation • synthèse de monoxyde d’azote (NO) aux propriétés vasodilatatrices et anti-agrégantes • présence d’inhibiteur de protéases de la coagulation à leur surface : antithrombine III, a2 macroglobuline • synthèse d’activateurs de la fibrinolyse parmi lesquels l’activateur tissulaire du plasminogène (tPA) • libération d’ADPase, enzyme catabolisant l’ADP, principal inducteur physiologique de l’agrégation plaquettaire • aptitude à dégrader certaines substances à la fois vasoactives et inductrices d’activation plaquettaire (sérotonine, noradrénaline) • présence en surface de thrombomoduline (TM), protéine ayant un rôle régulateur important dans les phénomènes d’hémostase en fixant la thrombine. La thrombine perd alors ses propriétés coagulantes vis-à-vis du fibrinogène et pro-agrégantes vis-à-vis des plaquettes. FIGURE 2 - Propriétés thrombogéniques et antithrombogéniques des cellules endothéliales

• Système nerveux périphérique. Les fibres sensitives et végétatives vont influencer et contrôler la fonction de contrôle tensionnel exercé par l’endothélium vasculaire et d’autres cellules accessoires. Différents neuropeptides sont relargués par les terminaisons nerveuses et vont agir soit directement sur les cellules musculaires lisses des parois vasculaires, soit via les médiateurs synthétisés par les cellules endothéliales. Ainsi la substance P et le peptide associé au gène de la calcitonine (CGRP) ont une fonction vasorelaxante en induisant la synthèse et le relargage de NO par les cellules endothéliales. La CGRP a par ailleurs une action directe relaxante sur toutes les cellules musculaires lisses. La neurokinine A (NK-A) agit sur les cellules endothéliales via des récepteurs NK1, 2 et 3 et selon le type de récepteurs majoritaires et l’organe considéré aura une action vasorelaxante (NK1) via la production de PGI2 ou vasoconstrictive indépendante des cellules endothéliales sur les vaisseaux pulmonaires. Les fibres parasympathiques via l’acétylcholine et le peptide intestinal VIP ont une action vasodilatatrice antagonisée par les fibres sympathiques et les médiateurs adrénergiques, l’ATP et le neuropeptide Y.

• Tonus vasculaire et médiateurs endothéliaux. Il existe 3 principaux médiateurs endothéliaux qui contrôlent le tonus vasculaire (NO, PGI2 et endothéline) et plusieurs autres accessoires. Certains médiateurs sont vasoconstricteurs : l’endothéline, l’angiotensine II, les amines superoxydes, d’autres sont vasodilatateurs (NO, CO, prostacycline, bradykinine, facteur hyperpolarisant dérivé de l’endothélium ou EDHF). Ces facteurs agissent sur les cellules musculaires lisses de la média et diverses cellules vasculaires en se fixant à des récepteurs spécifiques constituant des facteurs soit endocrines, soit paracrines, soit autocrines FIGURE 3 . Outre une activité vasotonique, ces facteurs ont un impact important sur l’activation des plaquettes, la cascade de la coagulation / fibrinolyse et sur la prolifération de l’endothélium lui-même et des cellules musculaires lisses. FIGURE 3 - Principaux médiateurs du tonus vasculaire

Chapitre 10

En cas de cellules endothéliales lésées, les médiateurs agissent directement sur les cellules musculaires lisses et induisent une vasoconstriction

1ère partie

La régulation du tonus vasculaire est sous la dépendance à la fois du système nerveux périphérique et de l’endothélium.

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

■ Régulation de la pression vasculaire par les cellules endothéliales

• NO (monoxyde d’azote) : il est synthétisé à partir de la L-arginine et de l’oxygène par une NO synthétase (NOs). Cette substance est très labile et sa demi-vie est de 5 à 6 sec. Dans la cellule musculaire lisse la relaxation induite par le NO est obtenue via l’activation du GMP. Les cellules endothéliales contiennent une NO synthétase constitutive dont la stimulation physiologique est due principalement aux forces de frottement (shear stress) liées à la pulsatilité du flux sanguin. Les autres activateurs capables de stimuler la NO synthétase constitutive sont : l’acétylcholine, l’histamine, la vasopressine, 7

L’immunopathologie pour le praticien

l’oxytocine, la substance P, la thrombine, l’ADP, la sérotonine et la bradykinine. Une autre NO synthétase endothéliale dite inductible est activée plus tardivement. L’activation de la NO synthétase inductible survient essentiellement au cours de la réaction inflammatoire (rôle du LPS bactérien, et des cytokines IL1, TNFa et IFN). Le NO, outre son effet vasorelaxant, a un effet inhibiteur de la prolifération des cellules musculaires lisses, de l’agrégation plaquettaire et de l’adhésion. Il inhibe la formation de l’EHDF et module la production d’endothéline. Les inhibiteurs de la phosphodiesterase-5, type Sildenafil, ont la capacité d’inhiber la dégradation du GMP cyclique, donc de retarder la dégradation du NO.

• CO (monoxyde de carbone) : il est produit par la cellule endothéliale en présence de l’hèmeoxygénase 2. Il a une activité vasodilatatrice indépendante de la voie du NO.

• Prostacycline (PGI2) et autres eicosanoïdes : l’acide arachidonique est relargué des membranes

phospholipidiques via l’action de la phospholipase A2. Une fois produit, il peut soit s’oxyder, soit être converti via différentes voies biochimiques en prostaglandines, thromboxanes, leucotriènes et hydroperoxydes. Les cellules musculaires lisses portent des récepteurs pour les PGE2, PGI2, PGF2a et TXA2. La stimulation des récepteurs primaires de PGD2, des récepteurs de PGI2 et PGD2 entraîne une relaxation musculaire lisse par relargage intracellulaire d’AMP cyclique. La stimulation des autres récepteurs de PGE2, le récepteur de PGF2 et celui du TXA2 entraîne une vasoconstriction via le relargage de calcium intracellulaire. Globalement PGE2 et PGI2 sont pro-inflammatoires, entraînant vasodilatation et augmentation de la perméabilité vasculaire tout en inhibant fortement l’agrégation plaquettaire. La production de PGI2 par les cellules endothéliales est induite par les forces de frottement via une augmentation de l’expression des activités COX et PGI2 synthases. La bradykinine, l’adénosine et la thrombine sont aussi des stimulateurs puissants de la production de PGI2 endothéliale. La production locale de PGI2 atténue la vasoconstriction induite par l’endothéline 1 (ET-1). L’équivalent pharmacologique du PGI2, le Flolan®, administré en IV continu entraîne une diminution significative de la pression artérielle systémique et pulmonaire.

• Facteur hyperpolarisant dérivé de l’endothélium (EDHF) : Il s’agit d’un facteur vasorelaxant différent du NO et du PGI2. Il semble s’agir soit d’acide epoxyeicosatrienoïque ou d’un agoniste cannabinoïde tel l’anandamide. Ce facteur agirait en ouvrant les canaux du potassium dans la membrane cellulaire.

• Angiotensine II: l’angiotensine II (AT II) est un puissant vasoconstricteur qui agit via deux récepteurs AT RI et AT RII. La noradrénaline est un puissant stimulateur de la production et du relargage d’AT II. L’AT II stimule la production de NO par les cellules endothéliales en activant la NO synthétase constitutive via le récepteur AT RI. L’AT II stimule la prolifération des cellules musculaires lisses et l’angiogenèse.

• Endothéline (ET): l’ET est produite par hydrolyse d’une prépro ET-1 de 212 acides aminés d’abord en big ET-1 de 38 résidus puis en ET active sous l’effet d’une convertase. L’ET est un peptide de 21 acides aminés qui existe en 3 isoformes avec des récepteurs sur les cellules endothéliales et musculaires lisses. Sa demi-vie est de 4 à 7 minutes. L’ET est produite en partie par les cellules endothéliales par la stimulation par les faibles forces de frottement. La noradrénaline et la thrombine, ainsi que l’hypoxie, l’AT II, l’insuline et divers facteurs de croissance, stimulent la sécrétion d’ET qui, à son tour stimule la phospholipase C FIGURE 4 . FIGURE 4 - Production cellulaire d’endothéline et facteurs de régulation

8

1ère partie

Il en résulte une accumulation de calcium intracellulaire qui active une contraction prolongée des cellules musculaires lisses. L’ET exerce un effet mitogène sur les cellules musculaires lisses. L’ET stimule la production de TXA2 vasoconstrictive ainsi que la capacité à produire du NO, PGI2 et PGE2 qui induisent une vasorelaxation réactionnelle. PEG2 et PGI2 inhibent la production de l’ET. Il en est de même du NO et des peptides natriurétiques.On connaît deux récepteurs principaux de l’ET : ETA et ETB aux propriétés différentes : ETB fixe les trois isoformes d’ET1, 2 et 3 de façon équivalente, l’ETA est spécifique de ET1. La présence différentielle de ces deux récepteurs varie selon les tissus. Ces récepteurs sont produits en réponse aux mêmes stimuli que ceux qui induisent la production d’ET : hypoxie, AMP cyclique, EGF, bFGF stimulent alors que l’ET, l’AT II, le PGF et le TGFb diminuent l’expression d’ETA. L’AT II et le bFGF stimulent l’AMP cyclique et les catécholamines diminuent l’expression d’ETB. Les récepteurs ETA sont prédominants sur les cellules musculaires lisses où la liaison à l’ET entraîne une vasoconstriction. Il existe des inhibiteurs pharmacologiques non spécifiques de l’ET qui bloquent les récepteurs ETA et ETB tel le Bosentan (Tracleer®) et des inhibiteurs sélectifs de l’ETA, tel le Sitaxentan.

• Neurotransmetteurs produits par la cellule endothéliale: les cellules endothéliales sont capables de produire de la substance P, du CGRP et de l’acétylcholine. Il en est de même de certains cannabinoïdes endogènes (anandamide). La FIGURE 3 résume les principaux médiateurs du tonus vasculaire.

• Sérotonine: La sérotonine ou 5-hydroxytryptamine (5-HT) est stockée dans les plaquettes après avoir été produite essentiellement par les cellules entérochromaffines du tractus digestif. Des taux circulants élevés de 5-HT, contrastant avec des taux intraplaquettaires abaissés ont été mesurés chez des sujets atteints d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Divers anorexigènes dérivés de la fenfluramine ont été associés à des tableaux d’HTAP. Ces composés libèrent la 5-HT plaquettaire et empêchent sa recapture en agissant sur les transporteurs transmembranaires.

Chapitre 10

lisses et les cellules endothéliales. Les purines (adénine et guanine) sous forme de trinucléotides sont relâchées par les cellules endothéliales et activent les plaquettes. Fixés sur les récepteurs P2Y, ils induisent la production de NO vasorelaxant. La tolérance à l’hypoxie de l’endothélium est améliorée par la préservation des nucléotides puriniques.

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

• Purinorécepteurs: Des récepteurs purinergiques appelés P2Y sont présents sur les cellules musculaires

9

L’immunopathologie pour le praticien

2e partie

Comment j’explore ?

1. Comment j’explore la circulation ? ■ En pratique, de la routine à la recherche : étude morphologique et fonctionnelle Le clinicien dispose d’un ensemble de techniques morphologiques et fonctionnelles permettant d’explorer l’ensemble du réseau circulatoire. ■ Le cœur

Les plus courants : ECG, ponctuel ou enregistrement continu sur 24 heures, échographie transthoracique, scintigraphie myocardique de flux avec tests pharmacologiques. Troponine et CK-M traduisent la souffrance ischémique du myocarde, le BNP et NT-proBNP traduisent la souffrance myocardique. Le doppler tissulaire évalue l’état de la microcirculation myocardique. Angioscanner et IRM permettent d’évaluer la morphologie et la fonction du myocarde, des coronaires. ■ La grande circulation

• Pression artérielle ponctuelle ou enregistrement continu sur 24 heures • Échographie des gros vaisseaux • Doppler 2D et 3D explorant les parois artérielles, les éventuels rétrécissements en chiffrant le degré de diminution de calibre, la baisse des flux, la morphologie et le nombre des plaques d’athérome, les ulcérations éventuelles (risque de rupture de plaque) • Scanner avec injection (angioscanner) • Angio-IRM ■ La microcirculation

• Capillaroscopie: étude du flux (sludge) et des anomalies morphologiques et fonctionnelles des capillaires du lit de l’ongle

• Laser Doppler qui mesure les flux microcirculatoires d’une petite surface cutanée • Dosage des produits des cellules endothéliales activées (ou lésées) F. Willebrand, E-sélectine, VCAM-1, ET, … circulantes ■ La circulation veineuse

• Échographie-doppler du réseau profond (thrombose ?) et superficiel (dévalvulation et inversion de flux) • Phlébographie (thrombose ?) ■ La circulation pulmonaire

• Pression artérielle pulmonaire évaluée indirectement par échographie transthoracique (reflux tricuspidien). Confirmation par prise de pression sanglante par cathétérisme droit

• Scintigraphie de perfusion et angio-scanner pulmonaire en cas de suspicion d’embolie pulmonaire • Artériographie pulmonaire conventionnelle encore bien souvent nécessaire en cas d’HTAP postembolique afin d’évaluer les possibilités d’endartériectomie

10

1. Modifications de l’endothélium au cours de l’inflammation ? La paroi vasculaire, et en particulier l’endothélium, subit différentes modifications morphologiques durant l’inflammation : il se produit d’abord une vasodilatation et une augmentation de la perméabilité qui résulte de la contraction endothéliale ou de la rétraction endothéliale. La plupart des médiateurs vasodilatateurs sont d’origine plasmatique ou proviennent des cellules sanguines : histamine, sérotonine, C3a, C5a (anaphylatoxines), bradykinine, leucotriènes, PAF. Les cellules endothéliales produisent également des médiateurs vasodilatateurs (PGI2, NO, PAF) sous l’influence d’agonistes et de cytokines tels que la thrombine, l’histamine, LTC4, IL1 et TNFa. Ces dernières cytokines, ainsi que l’IFNg, entraînent en quelques heures une réorganisation du cytosquelette des cellules endothéliales et une contraction/rétraction qui va majorer la perméabilité vasculaire. Les leucocytes qui adhèrent aux cellules endothéliales vont libérer des formes réactives de l’oxygène et des métalloprotéases contribuant à la lésion endothéliale. La migration transendothéliale des leucocytes activés (par des complexes immuns ou des fragments du complément) vont augmenter la perméabilité vasculaire. Ce phénomène peut être majoré par des anticorps anticellules endothéliales vasculaires, fréquemment observés dans les connectivites et les vascularites. Les cellules endothéliales sont également capables de produire divers médiateurs (cytokines, chimiokines, facteurs de croissance…) qui vont favoriser l’adhésion des cellules sanguines à la paroi des capillaires TABLEAU 3 . TABLEAU 3 - Médiateurs de l’inflammation d’origine endothéliale Cytokines ■ Interleukines 1 (IL1) ■ Interleukine 6 (IL6) ■ Interleukine 8 (IL8) Chimiokines ■ Monocyte chemoattractant protein-1 (MCP1) ■ Growth-regulated oncongène a (Groa)

Facteurs de croissance ■ Endothelial cell-derived growth factor (ECGF) ■ Transforming growth factor b (TGFb) ■ Colony-stimulating factors : - granulocyte colony-stimulating factor (G-CSF) - granulocyte macrophage-stimulating factor (GM-CSF) Autres ■ Platelet activating factor (PAF) ■ Monoxyde d’azote (NO) ■ Prostacycline (PGI2)

2. Adhésion leucocyte - cellule endothéliale L’adhésion des leucocytes (polynucléaires, monocytes, lymphocytes) aux cellules endothéliales est un événement clé de la réaction inflammatoire, conduisant à la transmigration de ces cellules vers les sites inflammatoires. Cette interaction est rendue possible par la reconnaissance de molécules spécialisées présentes à la surface des cellules endothéliales soit de façon constitutive, soit induites par diverses cytokines (IL1 et TNFa) et de récepteurs correspondant sur les leucocytes.

2e et 3e parties

dans les maladies inflammatoires ?

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

Les anomalies vasculaires

Chapitre 10

3e partie

■ Les différents temps de la margination des leucocytes On distingue schématiquement 4 temps successifs: ■ Le rolling

Les leucocytes ralentissent leur flux et se mettent à « rouler » à la surface des cellules endothéliales. ■ L’activation

Sous l’influence de chemo-attractants, les leucocytes expriment certains cosignaux de surface (intégrines) plus activement, ce qui renforce l’interaction avec les récepteurs endothéliaux.

11

L’immunopathologie pour le praticien

■ L’adhésion ferme

Elle met en jeu ces interactions réciproques. Les leucocytes sont amarrés fortement à l’endothélium. ■ La transmigration ou diapédèse

Les leucocytes traversent la couche endothéliale pour gagner à travers la paroi le conjonctif, siège de la réaction inflammatoire FIGURE 5 . FIGURE 5 - Les différents temps de la margination des leucocytes : rôle des adhésines (intégrines, sélectines)

■ Les familles des molécules d’adhésion On distingue 3 groupes de familles principaux qui, selon les situations sont présentes comme récepteurs sur l’endothélium ou sur les leucocytes, ou comme ligand sur ces mêmes cellules. Ces 3 familles sont les intégrines, la superfamille des immunoglobulines à laquelle appartiennent les CAM (cellular adhesion molecules) et les sélectines TABLEAU 4 . TABLEAU 4 - Les principales molécules d’adhésion Superfamille des molécules d’adhésion

Intégrine

Récepteur sur l’endothélium

Ligand(s)

b1 intégrines

Composants de matrice extracellulaire (laminine, vitronectine, collagène, fibronectine, etc…)

a4b1 intégrine

VCAM-1, fibronectine

avb3 intégrine

Composants de matrice extracellulaire (fibronectine, fibrinogène thrombospondine)

ICAM-1 (CD54)

b2 intégrines : LFA-1, Mac-1

VCAM-1 (CD106)

a4b1 et a4b7

Immunoglobuline LFA-3 (CD58)

Sélectine Cadherine

PECAM-1 (CD31)

Homophilique, avb3

E-sélectine (CD62E)

ESL-1, PGSL-1, CLA

P-sélectine (CD62P)

PSGL-1

VE-cadherine CD44

Autres

Endogline VAP-1

12

CD2

Homophilique Acide hyaluronique TGF-b ?

Sous unités

Nom

Ligands/récepteurs

Fonctions

a1

VLA-1 (CD49aCD29)

Collagène, laminine

Adhésion de la cellule-matrice extracellulaire (MEC)

a2

VLA-2 (CD49bCD29)

Collagène, laminine

Adhésion de la cellule à la MEC

a3

VLA-3 (CD49cCD29)

Fibronectine, collagènes, laminine

Adhésion de la cellule à la MEC

a4

VLA4 (CD49dCD29)

Fibronectine, VCAM-1, MadCAM-1

Adhésion de la cellule à la MEC ; Homing ; costimulation cellules T ?

a5

VLA-5 (CD49eCD29)

Fibronectine

Adhésion de la cellule à la MEC

a6

VLA-6 (CD49fCD29)

Laminine

Adhésion de la cellule à la MEC

a7

CD49gCD29

Laminine

Adhésion de la cellule à la MEC

a8

CD49hCD29

?

av

CD51CD29

Vibronectine, fibronectine

aL

CD11aCD18 (LFA-1)

ICAM-1 (CD54), ICAM-2, ICAM-3

Adhésion des leucocytes à l’endothélium ; adhésion cellules T – APC ; costimulation cellules T ?

aM

CD11bCD18 (Mac-1, CR3)

iC3b, fibrinogène, facteur X, ICAM-1

Adhésion leucocytes et phagocytose ; adhésion de la matrice cellulaire

aX

CD11cCD18 (p150,95 ; CR4)

iC3b, fibrinogène

Adhésion leucocytes et phagocytose ; adhésion de la matrice cellulaire

aIIb

GPIIb/IIIa (CD41CD61)

Fibrinogène, fibronectine, facteur Willebrand, vitronectine, thrombospondine

Adhésion des plaquettes et agrégation

aV

Récepteur fitronectine (CD51CD61)

Fibrinogène, fibronectine, facteur Willebrand, thrombospondine, fibronectine, ostéopontine, collagène

Adhésion de la cellule à la MEC

b4

a6

CD49fCD104

Laminine

Adhésion de la cellule à la MEC

b5

aV

Vitronectine

Adhésion de la cellule à la MEC

b6

aV

Fibronectine

Adhésion de la cellule à la MEC

b1

b2

b3

b7

a4

LPAM-1

Fibronectine, VCAM-1, MadCAM-1

aE

HML-1

E-cadhérine

? Adhésion de la cellule à la MEC

Lymphocyte homing des tissus lymphoïdes des muqueuses Rétention des cellules T intraépithéliales

3e partie

TABLEAU 5 - Classification des intégrines

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

Il s’agit d’une superfamille comportant 30 protéines homologues impliquées dans les contacts cellulecellule et cellule-matrice extracellulaire TABLEAU 5 .

Chapitre 10

■ Intégrines

Il s’agit de protéines hétérodimériques composées de 2 chaînes polypeptidiques a et b non liées par liaison covalente. Certaines intégrines se fixent sur les séquences RGD (arginine - glycine - acide aspartique) sur la fibronectine et la vitronectine. Selon le type de chaîne b on distingue différents types d’intégrines. Ainsi les intégrines b1 sont appelées molécules VLA (very late activation) car elles sont exprimées tardivement sur les lymphocytes T stimulés in vitro: à une chaîne b1 s’associe une chaîne a. La plupart des intégrines b1 sont exprimées sur les leucocytes et les cellules extrahématopoïétiques. VLA4 (a4b1) médie l’attachement des leucocytes aux cellules endothéliales en fixant VCAM-1 (vascular cell adhesion molecule -1), molécule de la superfamille des Ig. VLA4 est une des principales molécules qui médie le « homing » (domiciliation) des lymphocytes sur les veinules postcapillaires aux sites de l’inflammation. Les intégrines b2, connues sous le nom de LFA-1 (leucocyte function – associated antigen-1) Mac-1 et p150-95 jouent un rôle important dans l’adhésion des lymphocytes (LFA-1), des polynucléaires (Mac-1) et des monocytes (p150-95) à la cellule endothéliale (mais aussi aux cellules présentatrices d’antigène) (LFA-1). La nomenclature des clusters de différenciation la nomme CD11aCD18. Les autres propriétés de LFA-1sont résumées dans le TABLEAU 5 . Les ligands principaux de LFA-1 sont ICAM-1 (intercellular adhesion molecule -1 ou CD54) exprimés sur de nombreuses cellules dont les cellules endothéliales 13

L’immunopathologie pour le praticien

ainsi que ICAM-2 et ICAM-3. L’exposition des lymphocytes T à diverses chimiokines et la stimulation du récepteur clonotypique (TCR) augmente l’avidité des intégrines pour leurs ligands. De même les cytokines inflammatoires augmentent l’expression des ligands des intégrines b2 sur les cellules endothéliales. Les intégrines jouent également un rôle essentiel dans l’interaction des polynucléaires et des macrophages avec les cellules endothéliales. ■ Molécules d’adhésion de la superfamille des immunoglobulines

(LFA-3, et CD2 son contre récepteur, appartiennent également à cette catégorie de molécules d’adhésion). Entrent dans cette catégorie, les ICAM-1 et VCAM-1, déjà mentionnées, et accessoirement MadCAM-1 (mucosal adhesion cell adhesion molecule -1) exprimées sur les cellules endothéliales des organes digestifs, GlyCAM-1 (glycan-bearing cell adhesion molecule -1), protéoglycane secrété présent sur les veinules des ganglions. Ces molécules jouent le rôle de molécule d’adressage pour les lymphocytes recirculants et fixent les sélectines. PECAM-1 (platelet endothelial cell adhesin molecule) (CD31) intervient dans la transmigration des polynucléaires et des lymphocytes T à travers l’endothélium. PECAM-1 reconnaît une autre molécule PECAM-1 (interactions homotypiques). ■ Sélectines et ligands de sélectines TABLEAU 6

TABLEAU 6 - Classification des sélectines Sélectine

Taille

Distribution

Ligand

L-sélectine (CD62L)

90-110 kDa (variation due à la glycosylation)

Lymphocytes (haute expression Glycosaminoglycans sulfate sur sur les cellules naïves T, basse GlyCAM-1, CD34, MadCAM-1, expression sur T activées et T autres mémoire)

E-sélectine (CD62E)

110 Kda

Sialylated Lewisx et glycans Endothélium activé par les cytokiapparentés (e.g., CLA-1) sur nes (TNFa, IL1) glycoprotéines

P-sélectine (CD62P)

140 kDa

Stockage dans les granules et Sialylated Lewisx et glycans surface de l’endothélium et des apparentés sur PSGL-1 et autres glycoprotéines plaquettes

Il existe 3 types différents de sélectines impliquées dans l’adhésion des leucocytes aux cellules endothéliales: • L-sélectine (CD62L) exprimée sur les leucocytes et les lymphocytes. Sur les lymphocytes, elle sert de molécule de domiciliation en reconnaissant la GlyCAM-1 sur les veinules des ganglions. Sur les polynucléaires, ils interviennent dans le « rolling » sur les cellules endothéliales activées par les cytokines inflammatoires (TNFa, IL1, IFNg). Les ligands endothéliaux de la L-sélectine sont GlyCAM-1, Mad-CAM-1 et CD34 (protéoglycane) • E-sélectine (CD62E) (endothelial leukocyte adhesion molecule -1), est exprimée exclusivement par les cellules endothéliales activées. Elle reconnaît des groupements carbohydrates apparentés aux familles Lewisx ou Lewis A que l’on trouve sur les monocytes, les polynucléaires, les lymphocytes T activés. La E-sélectine intervient dans la domiciliation des lymphocytes cutanés en reconnaissant un ligand particulier appelé CLA-1 (cutaneous lymphocyte antigen -1) sur les lymphocytes T. • P-sélectine (CD62P): présente dans les granules secrétoires des plaquettes, elle est également présente dans les corps de Weibel Palade des cellules endothéliales. Dès que plaquettes ou cellules endothéliales sont activées, la P-sélectine est transloquée sur la membrane et médie la fixation des polynucléaires, des monocytes et des lymphocytes T à ces cellules. Les ligands reconnus sont les mêmes que ceux de la E-sélectine avec en plus un PSGL-1 (P-selectin glycoprotein ligand -1). Les 3 sélectines médient l’attachement lâche des leucocytes à l’endothélium, mais la E-sélectine est également impliquée dans l’attachement de forte affinité FIGURE 5 . ■ Autres molécules d’adhésion

CD44 est un récepteur pour le hyaluronate. L’endogline est un récepteur pour le TGFb1, la cadhérine -VE est impliquée dans les contacts entre cellules endothéliales TABLEAU 4 .

■ La cinétique d’expression des molécules d’adhésion endothéliales La P-sélectine endothéliale est inductible par l’histamine ou la thrombine en quelques secondes. La E-sélectine n’est pas exprimée à l’état basal (endothélium au repos), mais est induite par TNFa et l’IL1 en moins d’une heure avec un pic maximal après 4-6 heures. VCAM-1 est exprimée constitutivement mais son expression est très augmentée par l’IL1, le TNFa, l’IL4. Son expression est maximale 24 heures après stimulation 14

TABLEAU 7 - les 4 familles de chimiokines et leurs récepteurs Récepteur

Types cellulaires

CCR1

CCL3 (MIP-1a), CCL5 (RANTES), CCL7 (MCP-3), CCL14 (HCC1)

CCR2

CCL2 (MCP-1), CCL8 (MCP-2), CCL7 (MCP-3), Monocytes, cellules dendritiques (immatures), cellules T mémoire CCL13 (MCP-4), CCL16 (HCC4)

CCR3

CCL11 (eotaxin), CCL13 (eotaxin-2), CCL7 (MCP-3), CCL5 (RANTES), CCL8 (MCP-2), CCL13 (MCP-4)

Eosinophiles, basophiles, cellules mastocytes TH2, plaquettes

CCR4

CCL17 (TARC), CCL22 (MDC)

Cellules T (Th2), cellules dendritiques (matures), basophiles, macrophages, plaquettes

CCR5

CCL3 (MIP-1a), CCL4 (MIP-1b), CCL5 (RANTES), Cellules T, monocytes CCL11 (eotaxin), CCL14 (HCC1), CCL16 (HCC4)

CCR6

CCL20 (MIP-3b, LARC)

Cellules T (T régulatrices et mémoire), cellules B, cellules dendritiques

CCR7

CCL19 (ELC), CCL21 (SLC)

Cellules T, cellules dendritiques (matures)

CCR8

CCL1 (I309)

Cellules T (Th2), monocytes, cellules dendritiques

CCR9

CCL25 (TECK)

Cellules T, plasmocytes à IgA

CCR10

CCL27 (CTACK), CCL28 (MEC)

Cellules T

CXCR1

CXCL8 (interleukine 8), CXCL6 (GCP2)

Neutrophiles, monocytes

CXCR2

CXCL8, CXCL1 (Groa), CXCL2 (Grosb), Neutrophiles, monocytes, CXCL3 (Grog), CXCL5 (ENA-78), CXCL6 cellules vasculaires endothéliales

Famille CC

Famille CXC

Chimiokines ligand

Cellules T, monocytes, éosinophiles, basophiles

CXCR3-A

CXCL9 (MIG), CXCL10 (IP-10), CXCL11 (I-TAC)

CXCR3-B

CXCL4 (PF4), CXCL9 (MIG), CXCL1O (IP-10), Cellules endothéliales microvasculaires, CXCL11 (I-TAC) cellules néoplasiques

3e partie

Les chimiokines sont des cytokines chimiotactiques qui jouent un rôle important dans le recrutement des leucocytes et les processus d’angiogenèse. Les chimiokines, au nombre d’au moins 50, sont classées en 4 superfamilles selon la place des résidus cystéine qui forment des ponts disulfures intracaténaires : les 4 groupes sont les CXC, CC, C et CX3C. À partir de 2000, une nouvelle nomenclature des chimiokines ligands a été proposée utilisant cette classification en 4 superfamilles avec le suffixe « L » suivi d’un numéro, et leur récepteur a reçu un suffixe « R » suivi d’un numéro qui ne correspond pas toujours au même numéro que celui de la chimiokine ligand qui se fixe sur le récepteur (un récepteur accepte souvent plusieurs chimiokines) (voir chapitre 5 de cet ouvrage). Des récepteurs de chimiokines sont propres à certaines catégories de cellules : polynucléaires neutrophiles (CXCR1, CXCR2), monocytes (CCR1, CCR5, CCR2), lymphocytes T (CXCR4), plasmocytes (CXCR6), mais selon les tissus plusieurs types cellulaires ont souvent le même récepteur : monocytes, polynucléaires et cellules endothéliales ont des récepteurs CXCR2 par exemple. Le TABLEAU 7 synthétise la nouvelle nomenclature et les anciens noms de ces facteurs chimiotactiques ou angiogéniques impliqués dans la réaction inflammatoire.

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

■ Le rôle des chimiokines dans la migration des globules blancs marginés vers le foyer inflammatoire

Chapitre 10

cytokinique. ICAM-1 est peu exprimée à l’état basal, mais son expression augmente après IL1, TNFa ou IFNg avec une expression endothéliale maximale au delà de 24 heures donc après le pic d’expression de E-sélectine et de VCAM-1.

Cellules helper type 1, mastocytes, cellules mésangiales

CXCR4

CXCL12 (SDF-1)

Largement exprimée

CXCR5

CXCL13 (BCA-1)

Cellules B, cellules folliculaires T helper

CXCR6

CXCL16 (DR-PSOX)

Cellules T CD8+, cellules natural killer et cellules T mémoires CD4+

Famille CX3C

CX3CR1

CX3CL1 (fractalkine)

Macrophages, cellules endothéliales, cellules muscle lisse

Famille XC

XCR1

XCL1 (lymphotactine), XCL2

Cellules T, cellules natural killer

15

L’immunopathologie pour le praticien

3. Comment j’explore l’endothélium ? Les atteintes de l’endothélium peuvent être fonctionnelles ou structurales, réversibles ou non. Si on excepte les atteintes héréditaires dont la plus fréquente est la maladie de Willebrand (déficit en facteur Willebrand dont il existe plusieurs variétés), la plupart sont acquises et résultent de mécanismes très divers : physiques, mécaniques, métaboliques, infectieux, inflammatoires, immunologiques, iatrogènes…). Les modalités d’exploration de l’endothélium vasculaire sont divisées en 3 catégories : • Dosages plasmatiques • Détections immunohistologiques • Mesure des cellules endothéliales circulantes

■ Dosages plasmatiques ■ Marqueurs explorant le rôle de l’endothélium dans le tonus vasculaire

Il s’agit de dosages utilisés en recherche ou à l’occasion de protocoles cliniques. Citons :

• Le dosage plasmatique ou urinaire des dérivés stables inactifs du PGI2 tel le 6-keto-PGF1a dont les taux

seront stimulés par la thrombine, la bradykinine, les forces de frottement, le contact avec les leucocytes activés.

• Le dosage de NO synthétisé à partir d’oxygène et de L-arginine, sous l’effet des NO synthases, stimulé par les cathécholamines, l’histamine, la bradykinine, l’ADP, la thromboxane A2 et la thrombine, reste du domaine de la recherche.

• L’angiotensine II est produite à partir de l’angiotensine I inactive sous l’effet de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE). Elle peut être dosée par technique RIA ou photométrique.

• L’endothéline puissant vasoconstricteur, produit par la cellule endothéliale peut être dosée par RIA. Son rôle dans l’HTAP primitive ou secondaire à une connectivite en fait une cible de choix pour les thérapeutiques visant à diminuer les pressions dans la petite circulation. ■ Marqueurs explorant le rôle de l’endothélium dans les réponses inflammatoires et immunitaires

Les récepteurs d’adhésion et leurs ligands leucocytaires sont présents à la surface des membranes plasmatiques, mais également dans le plasma, soit par synthèse d’une forme tronquée (sans domaine intramembranaire et cytoplasmique), soit par hydrolyse de la forme membranaire. Le dosage de ces molécules prend tout son intérêt comme marqueur d’activation endothéliale dans différentes atteintes vasculaires thrombogéniques inflammatoires (infections, vascularites, lupus, rejet de greffe, métastases cancéreuses, infarctus du myocarde, malaria, septicémies). On dose ainsi par ELISA les E-sélectines (CD62E), P (CD62P), les principaux membres de la super famille des immunoglobulines ICAM-1 (CD54), ICAM2 (CD102), VCAM-1 (CD106). Le dosage de la E-sélectine, sélectivement d’origine endothéliale, semble le plus intéressant dans l’exploration des atteintes endothéliales inflammatoires.

■ Études immunohistologiques Il s’agit de méthodes réservées à la recherche et à la transplantation faisant appel à des immunomarquages des coupes histologiques d’antigène de surface constitutifs ou induits. On utilise des monoclonaux permettant de caractériser le phénotype endothélial, mais aussi des marqueurs d’adhésion plus courants comme la E-sélectine, l’ICAM-1 ou le VCAM-1.

■ Mesure des cellules endothéliales circulantes La lésion irréversible de l’endothélium aboutit à la libération de cellules endothéliales de l’intima et à la mise à nu du conjonctif sous-intimal. Les cellules endothéliales libérées peuvent être dosées dans le sang total, en particulier par cytométrie de flux. L’endothéliémie est confirmée dans divers processus infectieux par des germes à tropisme endothélial (CMV, Rickettsies) dans la drépanocytose, le PTT, les angioplasties coronariennes, les sclérodermies systémiques diffuses…

16

3e partie

■ Définition

Selon la définition de l’OMS l’athérosclérose est une association variable de remaniements de l’intima des artères de gros et moyen calibres. Elle consiste en une accumulation locale de lipides, de glucides complexes, de sang et de produits sanguins, de tissu fibreux et de dépôts calcaires. Le tout est accompagné de modification de la média. L’étape cruciale de la constitution de la plaque d’athérome semble être la présence de lipoprotéines oxydées (ox-LDL) dans l’espace sous-endothélial qui entraîne l’expression locale de facteurs cytokiniques et chimiokiniques responsables de l’infiltration de la paroi par des monocytes et des lymphocytes T. L’athérosclérose est considérée comme une maladie immuno-inflammatoire, les différents composants du système immunitaire inné et adaptatif assurant un rôle délétère et parfois protecteur dans le devenir de la maladie. ■ Physiopathologie de l’athérosclérose

• La lésion typique ou plaque athéromateuse se constitue de façon très progressive depuis la naissance d’un individu jusqu’à l’âge de 40 ans lorsque se constitue la plaque fibreuse, stade ultime de l’athéromatose non compliquée. Les complications thrombotiques surviennent en cas de rupture de la chape fibreuse ou d’hémorragie intraplaque qui active les phénomènes de coagulation dans la lumière vasculaire. Les 7 stades anatomiques sont regroupés dans le TABLEAU 8 . TABLEAU 8 - Évolution de la plaque athéromateuse en 7 stades anatomiques Âge d’apparition

Stade évolutif

Mécanisme dominant

0-15 ans

Type I : macrophages spumeux isolés Type II : strie lipidique Type III : strie lipidique et dépôts extracellulaires de lipides Type IV : cœur lipidique

Accumulation de lipides

15-35 ans > 30–40 ans

Type V : plaque athéroscléreuse

Fibrose

Type VI : plaque athéroscléreuse compliquée : - rupture chape fibreuse - hémorragie intraplaque - thrombose Type VII : plaque fibreuse

Hémorragie Thrombose

• Différents types cellules interviennent dans la constitution des lésions : les cellules endothéliales, les plaquettes, les cellules monocytes-macrophages et les lymphocytes T surtout CD4+, B accessoirement, impliquant l’intervention de l’immunité innée et adaptative TABLEAU 9 . TABLEAU 9 - Principales cytokines et types cellulaires de la plaque d’athérome Cytokine

Endothéliale

Musculaire lisse

Macrophages

Lymphocytes

IL1

+

+

+

-

TNFa

0

+

+

+

LT (TNFb)

0

0

0

+

IL2

0

0

0

+

IL6

+

+

+

0

IL8

+

0

+

0

MCP-1

+

+

+

0

IFNg

0

0

0

+

PDGF/TGFb

+/+

+/+

+/+

0

M-CSF

+

+

+

+

IL18

0

+

+

0

IL15

0

0

+

0

IL12

0

0

+

0

MIF*

0

0

+

+

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

■ Athérosclérose et maladies inflammatoires

Chapitre 10

4. Exemples de maladies inflammatoires

*Macrophage migration inhibitory factor

17

L’immunopathologie pour le praticien

• Les facteurs d’agression à l’origine de la réaction immuno-inflammatoire peuvent se répartir en 5 catégories et appartiennent soit au domaine de l’inné (prédisposition génétique), soit au domaine de l’acquis : • Traumatiques: avec l’HTA et les coups de semonce hémodynamique • Émotionnels: avec le stress • Alimentaires et toxiques: avec le tabac, le cholestérol LDL, les acides gras alimentaires, les radicaux libres, le diabète, l’homocystéine • Infectieux: avec le virus Herpès, Chlamydia pneumoniae et Helicobacter pylori pour ne citer que les germes ayant des arguments épidémiologiques sérologiques et immunohistochimiques

• L’initiation des lésions survient sous l’influence des forces hémodynamiques agissant sur les cellules endothéliales. Celles-ci induisent l’activation des gènes codant pour la NO synthase endothéliale. La rétention du LDL et des lipoprotéines contenant de l’Apo-B est l’événement initiateur principal. Ces lipides interagissent avec la matrice et subissent des modifications oxydatives avec les espèces réactives de l’oxygène incluant les produits de la 12/15 lipoxygénase telle l’HPETE. Cette oxydation des LDL est inhibée par les HDL qui contiennent une protéine sérique antioxydante: le paraoxonase.

• Les LDL légèrement oxydées stimulent les cellules endothéliales qui produisent alors des molécules d’adhésion, des protéines chimiokines telle MCP-1 (CCL-2) et des facteurs de croissance tel le MCSF, lesquels vont recruter les monocytes via le récepteur de chimiokine CCR-2. Les LDL oxydées (ox-LDL) vont aussi inhiber la production du NO, lequel est vasodilatateur et inhibiteur de l’expression des molécules d’adhésion pour les leucocytes. On observe donc une augmentation des molécules d’adhésion endothéliales : ICAM-1, P-sélectine, E-sélectine, PCAM-1 et VCAM-1, et sur les monocytes une expression des intégrines b2 (VLA4 et PCAM-1). En cas de diabète sucré des produits de dégradation glyqués sont formés dans le sang et induisent une inflammation via des récepteurs endothéliaux spécifiques.

• Dans la paroi vasculaire l’oxydation de LDL se renforce sous l’action d’espèces réactives de l’oxygène et d’enzymes telles la sphingomyélinase, la phospholipase A2 secrétée, d’autres lipases et la myéloperoxydase (MPO). Les LDL oxydées agrégées sont reconnues par des récepteurs macrophagiques dits « éboueurs » appelés SR-A, CD36 et CD68. Ces récepteurs de ox-LDL sont exprimés après stimulation par le TNFa ou l’IFNg. Les ox-LDL phagocytées en abondance transforment les macrophages en cellules spumeuses typiques de la lésion d’athérome. La nécrose ou l’apoptose de ces cellules spumeuses laisse en place une masse croissante de lipides extracellulaires et des débris.

• Les autres cellules peuplant la plaque d’athérome sont les lymphocytes T attirés dans le foyer par les chimiokines IP10 (interféron inductible protein 10), Mig (monokine induced by IFNg) et I-TAC (IFN inductible T cell a chemoattractant) via leurs récepteurs CXCR3 et des mastocytes attirés par l’éotaxine via leurs récepteur CCR3.

• La formation de la plaque fibreuse passe par la migration et la prolifération des cellules musculaires lisses. Celle-ci est stimulée par des taux élevés d’homocystéine et l’angiotensine II. L’interaction du système CD40-CD40 ligand (CD40L) stimule lymphocytes TH1 et macrophages qui expriment des cytokines tels l’IFNg, l’IL1, le TNFa qui favorisent l’inflammation, la multiplication des cellules musculaires lisses, la production de facteur tissulaire (TF). Les cellules musculaires lisses migrées dans l’intima constituent le dôme fibreux de la plaque d’athérome. Plus ce dôme est épais et fibreux, plus la plaque est solide et moins le risque de rupture est grand. La composition cellulaire de la plaque d’athérome varie selon le degré de fibrose de la plaque : 205 ±18 cellules/mm3 avec 29% de cellules musculaires lisses, 60% de macrophages et 11% de lymphocytes T pour seulement 91 ± 8/mm3 au niveau de la chape fibreuse dont 60% de cellules musculaires lisses, 23% de macrophages et 17% de lymphocytes T.

• L’occlusion du vaisseau est la conséquence, soit d’hémorragies intraplaques, soit d’une rupture d’un dôme fibreux trop mince qui le rend vulnérable à l’action de différentes métalloprotéases : MMP1, MMP2, MMP3, MMP8, MMP9, MMP13, cathepsine, qui dégradent la matrice extracellulaire. L’INFg inhibe la production de la matrice extracellulaire par les cellules musculaires lisses. La rupture de la plaque survient souvent aux bords de la plaque riche en cellules spumeuses favorisée par des évènements telle une infection aiguë qui stimule la production de facteur tissulaire (TF) et diminue celle de l’activateur du plasminogène. L’angiogenèse des petits vaisseaux de la média (rôle du VEGF) fournit une voie d’accès pour les cellules inflammatoires dont l’abondance favorise la rupture. La calcification intimale, phénomène actif au cours duquel les péricytes secrètent une matrice support secondairement calcifiée jouerait un rôle protecteur de la rupture.

18

• Certains mécanismes de protection vis-à-vis de l’athérosclérose ont été récemment mis en évidence et font l’objet d’études cliniques préventives sur les populations à risque. C’est le cas d’une catégorie de facteurs de transcription appelés PPAR (peroxisome proliferator activated receptors) dont on distingue 2 types principaux aux fonctions anti-athérogènes différentes: • PPARa exprimés par les cellules endothéliales, les cellules musculaires lisses, les monocytes macrophages et les lymphocytes T. Ces facteurs de transcription sont activés par les acides gras polyinsaturés et par les fibrates. Ils diminuent l’expression de VCAM-1 endothélial, ils augmentent la production de NO synthase, ils réduisent la formation des stries lipidiques et des cellules spumeuses en favorisant l’afflux de cholestérol via l’Apo A-I. • PPARg est un régulateur de l’homéostasie glucidique et de l’adipogenèse. Présent sur les mêmes cellules que PPARa, ce facteur de transcription se lie à différents acides gras, à des dérivés de prostaglandines et aux glitazones, médicaments utilisés pour augmenter la sensibilité des cellules à l’insuline dans le diabète de type II. Les agonistes de PPARg ont un rôle anti-athérogène par une action antiangiogénique (inhibition de l’expression du VEGF). Ils inhibent la migration des cellules musculaires lisses, l’expression de MMP9, augmentent la production d’IL1 Ra et réduisent le contenu lipidique des plaques d’athérome. Chez l’homme, les agonistes de PPARg diminuent le taux de la CRP, le nombre de globules blancs par mm3, le taux de MMP9 circulante et ceux de TNFa et de sCD40L. Les agonistes PPARg (glitazones) seraient cependant à l’origine d’une augmentation de l’incidence des infarctus du myocarde. Rappelons aussi leur effet ostéopéniant et fragilisant (augmentation du taux de fracture des membres inférieurs chez les femmes diabétiques traitées par rosiglitazone). ■ Facteurs de risque

• Les études épidémiologiques dominées par la cohorte de Framingham ont permis de dégager les facteurs de risque traditionnels de l’athérosclérose résumés dans le

TABLEAU 10

.

• À côté de ces « majors », d’autres facteurs de risque ont fait leur apparition et plusieurs d’entre eux soulignent le rôle de l’inflammation chronique: il s’agit de l’élévation de la CRP, du fibrinogène mais aussi de l’existence d’une maladie immunologique tels le lupus systémique ou la polyarthrite rhumatoïde.

3e partie

des plaquettes, puis la formation du caillot de fibrine.

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

• La mise à nu de la région sous-endothéliale de la plaque va entraîner adhésion, agrégation et activation

Framingham

Autres facteurs de risque

• Âge • HTA (> 140/90) diastolique ou systolique • Tabac • Hypercholestérolémie (> 2g/l) / hyper LDL cholestérol / hypo HDL cholestérol • Obésité : MC > 30 (poids/taille2) ou tour de taille/tour de hanche > 0,8 F, 1H • Diabète sucré (à jeun > 1,26 g/l) et syndrome métabolique* • Hyperleucocytose totale • Apo B élevée • Lp(a) élevée • Fibrinogène élevé • CRP élevée • ICAM-1 soluble élevé • Homocystéinémie élevée • PAI-1 élevé (inhibiteur de type I de l’activateur du plasminogène) • Polymorphisme gène MMP-3 • Lupus systémique • Polyarthrite rhumatoïde • Autres rhumatismes inflammatoires chroniques (?) • sCD40 L circulant élevé • TF circulant élevé • BNP (propeptide natriutétique N-terminal atrial) élevé • Activité MPO circulante élevée

Chapitre 10

TABLEAU 10 - Facteurs de risque d’athérosclérose (d’après les enquêtes épidémiologiques) et d’accidents thrombotiques cardiovasculaires

*associe : résistance à l’insuline (intolérance au glucose, hyperinsulinémie), hypertriglycéridémie, baisse du HDL cholestérol, HTA et plus largement : excès pondéral, répartition androïde des graisses, inflammation, microalbuminurie, hyperuricémie, anomalies de la fibrinolyse ou de la coagulation. ■ CRP, inflammation et risque cardiovasculaire

Il existe une relation directe entre le risque de complication coronarienne thrombotique et le chiffre de la CRP, même si ce chiffre reste dans les limites de la normale (mesure de CRP ultrasensible). En divisant les populations coronariennes en quintiles selon le chiffre de la CRP, il existe une augmentation linéaire du risque de récidive avec les taux de CRP : RR de 1,4 ; 1,6 ; 2 et 2,3. La CRP joue un rôle important dans 19

L’immunopathologie pour le praticien 20

le développement de la plaque d’athérome. Ainsi elle diminue la production de NO endothélial et la sécrétion de prostacycline. Elle augmente le chimiotactisme induit par la MCP-1, elle augmente l’IL8 chimiokine des polynucléaires, et elle augmente l’activité MMP-1. La production insuffisante de NO va augmenter le tonus vasculaire, l’activation plaquettaire et la prolifération intimale. La CRP intervient dans l’opsonisation et l’élimination des complexes immuns. Les mécanismes de l’athérogenèse médiée par la CRP sont résumés dans le TABLEAU 11 . TABLEAU 11 - Principaux mécanismes de l’athérogenèse induite par la protéine réactive C (CRP) 1. Induction des molécules d’adhésion sur l’endothélium (ICAM-1, VCAM-1, E-sélectine) 2. Activation du NFkB dans les cellules de l’endothélium artériel et les cellules spumeuses 3. Stimulation des cytokines inflammatoires par les cellules endothéliales artérielles et les cellules spumeuses (IL1b, IL6, TNFa) 4. Induction de la chimiokine MCP-1 par les cellules endothéliales artérielles 5. Induction d’endothéline-1 par l’endothélium artériel 6. Relargage d’IL6R par les cellules spumeuses formant complexe avec l’IL6 circulante 7. Inhibition de la NO synthase endothéliale et baisse de l’activité NO 8. Augmentation de l’adhésion des monocytes macrophages à l’endothélium artériel 9. Induction de facteur tissulaire (TF) sur les cellules endothéliales et les cellules spumeuses 10. Augmentation de la captation des ox-LDL par les macrophages intimaux avec formation de cellules spumeuses 11. Activation du complément et facilitation de la capture du LDL par les macrophages intimaux 12. Augmentation de la production d’espèces réactives de l’oxygène par les cellules spumeuses et musculaires lisses 13. Augmentation de la migration des cellules musculaires lisses et leur prolifération via une augmentation du récepteur de l’angiotensine de type 1

■ Prévalence des complications coronariennes et cérébrovasculaires au cours des rhumatismes

inflammatoires chroniques • Qu’il s’agisse de séries anatomiques ou d’études prospectives, la prévalence de la maladie coronarienne (angor et/ou infarctus du myocarde) au cours du lupus systémique varie dans toutes les séries entre 5 et 15%, atteignant 20 à 50% dans les séries autopsiques. Ces chiffres sont d’autant plus impressionnants qu’il s’agit de femmes souvent jeunes. L’incidence cumulée atteint 1,5% avec un risque multiplié par 5 ou 6, voire 50 dans la tranche d’âge 35-44 ans aux États Unis. Les complications thrombotiques de l’athérosclérose constituent la 3ème cause de mortalité après la maladie elle-même (rein) et les complications infectieuses. Les explorations non invasives menées systématiquement ont confirmé la fréquence de l’athérosclérose, qu’il s’agisse de la mesure au doppler de l’épaisseur intima-média, bon témoin de la survenue d’une cardiopathie ischémique, ou de la recherche de plaques d’athérome carotidiennes qui atteint 37% chez les lupiques contre 15% des témoins, ou de calcifications coronariennes 2 à 3 fois plus fréquentes chez les lupiques que chez les contrôles. Le rôle des (auto)anticorps dans l’entretien ou l’aggravation de l’athérosclérose du lupus est encore ambigu: certains pourraient jouer un rôle aggravant: anticellules endothéliales vasculaires, anticardiolipine, anti-b2GPI et antiprothrombine qui favorisent les thromboses anti-Lp(a) qui diminuent l’activité de la lipoprotéine (a), anti-HSP60/65 kD d’origine endogène ou d’origine bactérienne. Les anti-ox-LDL ont peut-être un rôle anti-athérogène en complexant le ox-LDL en excès. Ces anticorps peuvent favoriser l’inflammation chronique en induisant des complexes immuns activant le complément ou en empêchant l’activation de TLR4 par les HSP 60 kD donc la production de cytokines inflammatoires et l’expression des molécules d’adhésion. Le b2GPI en se fixant aux ox-LDL va diminuer leur phagocytose par les cellules spumeuses. Les anti-b1GPI au contraire vont se complexer aux ox-LDL ayant fixé le b2GPI et stimuler leur phagocytose par les cellules spumeuses. • Les études chez les PR ont également souligné le risque cardiovasculaire accentué avec une mortalité par infarctus du myocarde et AVC évalué en rapport standardisé de mortalité entre 1,7 à 2 et un rapport

3e partie

d’incidence de survenue d’infarctus du myocarde et d’AVC de 3. Les explorations non invasives, bien qu’ayant porté sur des séries de faible effectif montrent une diminution de la compliance artérielle de petit et de gros calibre et un rapport intima/media augmenté chez les PR par rapport aux témoins, corrélé à la durée de l’évolution, au score radiologique de Larsen et, pour certains auteurs, à l’importance du syndrome inflammatoire. Les facteurs de risque d’athérome au cours du lupus et de la PR sont résumés dans les TABLEAUX 12 et 13 . À côté des facteurs traditionnels, on remarquera dans le lupus le rôle probable de certains anticorps (antiphospholipides en particulier) et dans les deux affections, celui des traitements, en particulier des corticoïdes, des AINS, et peut-être du méthotrexate s’il est administré sans supplément d’acide folique (vitamine B9). TABLEAU 12 - PR et facteurs de risque coronarien 1. Âge de début élevé

3. HTA 4. Événement cardiovasculaire préalable 5. Nombre élevé d’articulations inflammatoires 6. Obésité 7. VS, CRP, fibrinogène élevés 8. Usage précoce des corticoïdes 9. Hypertriglycéridémie 10. Hyperhomocystéinémie (médicamenteuse : méthotrexate)

TABLEAU 13 - Facteurs prédictifs de maladie coronarienne au cours du LED (série de l’hôpital John Hopkins, Baltimore) Variable

OR (intervalle de confiance 95%)

Valeur p

Âge

1,08 (1,05–1,09)

0,001

Homocystéinémie*

1,05 (1,01–1,10)

0,02

Obésité

2,78 (1,61–4,76)

0,06

HTA

5,69 (3,53–9,18)

0,001

Diabète sucré

4,63 (2,75–7,82)

0,004

Créatinine élevée

2,77 (1,79–4,27)

0,02

Anticoagulant circulant

3,79 (2,51–5,72)

0,002

Corticothérapie (cumulée)

RR = 1,7 (1,2–2,4)

0,0024

Chapitre 10

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

2. Sexe masculin

*15 % des lupus ont une élévation anormale de l’homocystéine

■ Les micro-angiopathies acquises : exemple des vascularites primitives ■ Classification

Les vascularites des petits vaisseaux touchant électivement les artérioles, les capillaires et les veinules. La classification actuelle distingue, selon le mécanisme lésionnel, les vascularites à complexes immuns, les vascularites dites pauci-immunes caractérisée par la présence habituelle d’anticorps anticytoplasme de polynucléaires neutrophiles (ANCA),parfois d’anticorps anticellules endothéliales vasculaires (AECA),enfin les vascularites caractérisées par une agression directe par un agent infectieux ou indirecte via des cytokines ou des facteurs de croissance et les vascularites médiées par une réaction lymphocytaire T TABLEAU 14 . 21

L’immunopathologie pour le praticien

TABLEAU 14 - Principales vascularites : classification selon la taille des vaisseaux et le mécanisme A. Petits vaisseaux 1. Vascularites avec complexes immuns ■ Vascularites des cryoglobulinémies mixtes « essentielles » / HCV ■ Vascularites à IgA : purpura rhumatoïde ■ Vascularites des connectivites : PR, LED, Sjögren … ■ Autres vascularites à complexes immuns (Osler, infections virales et autres, médicamenteuses …) 2. Vascularites primitives avec ANCA ■ Granulomatose de Wegener ANCA-PR3 ■ Polyangéite microscopique ANCA-MP0 ■ Syndrome de Churg et Strauss ANCA-MP0

B. Moyen calibre 1. Vascularites nécrosantes, sans syndrome mucocutané et ganglionnaire ■ PAN classique : Systémique à HBV Systémique sans HBV Localisée viscérale (utérus, annexes,…) Localisée cutanée (streptocoque) 2. Vascularites primitives avec ANCA ■ Maladie de Kawasaki : Antigènes streptococciques / superantigènes Anticorps anticellules endothéliales activées

C. Gros calibre 1. Vascularites granulomateuses sujets > 50 ans : maladie de Horton 2. Vascularites granulomateuses sujets < 50 ans : maladie de Takayasu

■ Vascularites à complexes immuns

• Complexes immuns à IgM ou IgG. Le paradigme de la vascularite à complexes immuns remonte au modèle de la maladie sérique aiguë après injection unique d’antigène étranger (sérum albumine bovine chez le lapin et son équivalent humain de maladie sérique après sérum antilymphocytaire équin). Les complexes immuns pathogènes sont les complexes en excès d’antigène. On observe une infiltration des parois artériolaires par des polynucléaires neutrophiles et des cellules mononucléées, une prolifération intimale et souvent une nécrose fibrinoïde de la paroi. Les lésions dépendent des conditions rhéologiques (maximum des lésions dans les zones de bifurcation vasculaire) des propriétés physiques des complexes immuns, de leur capacité à activer le complément via la voie classique, du rapport antigène/anticorps et de la présence de médiateurs tels que les anaphylatoxines, l’histamine, la PAF, ainsi que des polynucléaires neutrophiles qui vont produire des protéases (MMP) et des radicaux libres à l’origine de la nécrose pariétale. Le dépôt des complexes immuns et du complément précède en effet l’infiltrat inflammatoire.

• Complexes immuns à IgA. Ils sont impliqués dans le purpura rhumatoïde avec des dépôts d’IgA à la fois dans les vaisseaux cutanés, les glomérules rénaux et ceux de l’intestin. En immunofluorescence on trouve également des dépôts de C3 et de fibrine. Les taux élevés de complexes circulants à IgA s’explique par une clairance insuffisance par le système réticuloendothélial. En effet les complexes à IgA ne se fixent pas aux érythrocytes porteurs de récepteurs CR1 du C3b. Dans les glomérules, on trouve également déposés des complexes C5b-9 capables de créer des trous donc des lésions osmotiques des cellules endothéliales en l’absence de polynucléaires neutrophiles. 22

Nous nous limiterons aux ANCA mais d’autres auto-anticorps sont associés à certaines formes de vascularites (anti-C1q IgG ou IgA et vascularite hypocomplémentémique de Mac Duffie).

• ANCA et vascularites • Les anticorps anticytoplasme de polynucléaires neutrophiles humains reconnaissent spécifiquement

3e partie

■ Vascularites avec auto-anticorps

primitives des petits vaisseaux: - Les antigènes PR3 ou MPO sont relargués par les polynucléaires activés et viennent se coller sur l’endothélium où les anticorps viennent alors former un complexe immun « in situ » (les cellules endothéliales ne produisent pas de PR3 ou de MPO, du moins d’après les études en RT-PCR). - Les antigènes PR3 ou MPO des granules peuvent s’exprimer à la surface des membranes des polynucléaires neutrophiles activés et concentrés sur les parois vasculaires sous l’influence de chimiokines telle l’IL8 produit par les cellules endothéliales activées par l’IL1 ou le TNFa. Les anticorps correspondants anti-PR3 ou MPO vont activer les polynucléaires stimulés par l’IL1, le TNFa ou le GM-CSF en se fixant sur l’antigène correspondant, mais aussi en se fixant via les FcgRIIa FIGURE 6 . Les ANCA peuvent par ailleurs activer directement les cellules endothéliales vasculaires qui expriment alors VCAM-1, E-sélectine et IL6. En l’absence d’alpha-1 antitrypsine en quantité suffisante, la PR3 (et l’élastase) ne sont pas neutralisés et peuvent générer des lésions de vascularite.

• Le rôle synergique des ANCA et des (produits des) agents infectieux, notamment bactériens, doit être souligné : le portage chronique du staphylocoque doré entraîne un risque important de rechute de la maladie de Wegener. L’administration de LPS bactérien aggrave la glomérulonéphrite à croissants induite par les anti-MPO injectés à l’animal. Le LPS augmente les taux circulants de MPO et de TNFa ce qui induit l’adhésion et l’activation des polynucléaires à l’endothélium FIGURE 6 .

• Une théorie plus récente des « auto-antigènes complémentaires » a été proposée: en recherchant un mimétisme moléculaire entre la protéine PR3 et des protéines bactériennes, il a été montré que certaines séquences résultaient de la traduction du brin anticomplémentaire du gène codant pour PR3 c’est-à-dire résultant de la traduction du RNA antisens.

• Anticorps anti-endothélium (AECA) • La fréquence de ces auto-anticorps est variable selon les cellules endothéliales utilisées et les méthodes de détection faute de standardisation. Ils ont été décrits au cours de toutes les vascularites quels que soient la taille du vaisseau et le type de vascularite.

Chapitre 10

• Deux hypothèses ont été avancées pour expliquer l’implication des ANCA dans les vascularites

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

des antigènes des granules primaires et des lysosomes. Les principales cibles identifiées sont la protéinase 3 (PR3) associée à la maladie de Wegener et la myéloperoxydase (MPO) associée à la PAN microscopique et l’angéite de Churg et Strauss. D’autres spécificités ont été identifiées : anti-élastine (vascularite induite par le propylthiouracil ou la minocycline), la cathepsine G (RCH), le lysosyme, la lactoferrine (PR), l’azurocidine, la BPIP (bacterial permeability increasing protein). Deux aspects principaux sont observés en immunofluorescence : un aspect diffus ou classique (D-ANCA) propre aux anti-PR3 et un aspect périphérique (P-ANCA) lié à des anti-MPO, plus rarement aux autres spécificités, souvent appelé A-ANCA pour « atypique ».

• Les antigènes membranaires sont extrêmement divers, certains constitutifs, d’autres induits par l’activation (LPS, IL1, TNFa), tels les sélectines ou le facteur tissulaire (TF), d’autres sont adsorbés ou « plantés » telle la b2GPI.

• Ces anticorps sont rarement cytotoxiques via l’activation du complément ou un mécanisme d’ADCC (antibody dependent cellular cytotoxicity).

• Les AECA sont probablement impliqués dans le syndrome de Kawasaki où ils sont cytotoxiques sur les cellules endothéliales en culture (HUVEC) activées par l’IL1.

• Les AECA augmentent l’expression des molécules d’adhésion ICAM-1, VCAM-1 et E-sélectine in vivo et induisent une production d’IL1 par les HUVEC.

23

L’immunopathologie pour le praticien

FIGURE 6 - Rôle des polynucléaires activés et des ANCA au cours des vascularites des petits vaisseaux avec anti-MPO (ou PR3)

(a) : une infection induit l’activation des polynucléaires neutrophiles (rôle du TNFa et de l’IL1) et l’expression des adhésines sur les cellules endothéliales (b) : les polynucléaires activés expriment LFA-1 et MPO et/ou PR3 sur leur membrane (c) : les ANCA se fixent sur MPO et/ou PR3 à la surface des polynucléaires et se fixent par leur pôle Fc sur les FcgR des autres polynucléaires causant une augmentation de l’adhérence aux cellules endothéliales et la transmigration (d) : les polynucléaires activés produisent des radicaux oxygénés et relarguent leurs enzymes protéolytiques ce qui induit la vascularite



24

Vascularites et agents infectieux vasculotropes • Divers agents infectieux sont susceptibles d’envahir et de léser directement la cellule endothéliale: citons certaines mycobactéries, les spirochètes, les rickettsies, le virus varicelle-zona, l’herpès simplex, le cytomégalovirus, l’HTLV-1, le HIV-1.

stimulant tous les clones T portant un TCR Vb2. Ce germe a été incriminé à l’origine du syndrome de Kawasaki, mais le rôle de TSST reste débattu. Diverses cytokines ainsi que divers facteurs de croissance (VEGF, G-CSF, M-CSF) pourraient avoir un rôle important. ■

Vascularites et réponse à médiation cellulaire Les lésions histologiques granulomateuses observées dans la maladie de Wegener et l’angéite de Churg et Strauss pourraient impliquer une activation lymphocytaire CD4+ avec production de chimiokines attirant les monocytes qui se transformeraient en macrophages produisant des enzymes lysosomiales et des radicaux oxygénés délétères pour les cellules endothéliales. Des mécanismes analogues sont évoqués pour expliquer les lésions vasculaires des angéites à cellules géantes (rôle de l’IFNg ?) et les formes granulomateuses nodulaires de maladie de Wegener.

3e partie

• La toxine du choc toxique produit par le staphylocoque doré (TSST) a une action superantigène en

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

réaction d’hypersensibilité, toxines/superantigènes…) ; citons mycobacterium tuberculosis, les salmonelles, et parmi les virus, le virus HCV, HBV, la Dengue, le PV-B19.

Chapitre 10

• D’autres agents infectieux induisent des vascularites par d’autres mécanismes (complexes immuns,

25

L’immunopathologie pour le praticien

4e partie

Quels traitements pour réguler les anomalies vasculaires dans les maladies inflammatoires ?

1. Traitements vasodilatateurs Ils s’adressent aux micro-angiopathies de la sclérodermie et des connectivites avec phénomène de Raynaud et/ou hypertension artérielle pulmonaire, accessoirement aux artérites de l’athérosclérose et diverses.

■ Inhibiteurs calciques Adalate®, Tildiem®, Loxen®, Amlor® sont modestement efficaces dans le phénomène de Raynaud primitif et associé à la sclérodermie. Ils sont dotés de propriétés antiradicalaires intéressantes dans le traitement de la sclérodermie : ils semblent diminuer le risque de survenue d’ulcérations digitales et sont utiles en association aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) en cas d’atteinte rénale aiguë hypertensive oligoanurique.

■ Inhibiteurs spécifiques du récepteur de l’angiotensine Dans la famille des « sartans », le losartan (Cozaar®) semble doté d’un effet supérieur à celui de la nifédipine sur le phénomène de Raynaud.

■ Inhibiteurs de l’enzyme de conversion Cette classe thérapeutique est sans effet sur les phénomènes vasomoteurs pulmonaires et digitaux, mais elle est à l’origine de la modification du pronostic péjoratif de la crise rénale, de la sclérodermie, réduisant la mort rénale de 100 à 50%.

■ Prostacycline PGI2 et dérivés

Puissants vasodilatateurs et anti-agrégants plaquettaires, ils s’utilisent surtout par voie veineuse, sous-cutanée ou plus rarement par aérosol:

■ L’époprostenol (Flolan®), ou PGI2 par voie veineuse continue (dispositif implantable) est actif sur l’HTAP.

(Ilomédine®), analogue synthétique du PGI2 par voie IV accélère la guérison des ulcérations digitales sévères et a montré son efficacité en aérosol pour traiter l’HTAP mais nécessite 6 à 9 aérosols quotidiens.

■ L’iloprost

■ Le tréprostinil (Remodulin®), analogue synthétique du PGI2 par voie sous-cutanée continue est actif sur

l’HTAP.

■ Les

prostacyclines synthétiques par voie orale, dont le béraprost (Beradrak®), n’ont pas démontré de bénéfice à long terme dans l’HTAP.

■ Inhibiteurs des récepteurs de l’endothéline 1 On distingue: ■ Les

inhibiteurs non sélectifs de ETA et ETB dont le chef de file est le bosentan (Tracleer®) utilisé per os dans le traitement ambulatoire de l’HTAP idiopathique ou associée à la sclérodermie.

■ Les

inhibiteurs sélectifs de ETA ont des propriétés analogues. Les premiers prochainement disponibles sont le sitaxentan et l’ambrisentan.

■ Inhibiteurs de la phosphodiesterase 5 Il s’agit du sildenafil (Revatio®) qui augmente la production des molécules vasodilatatrices comme le PGI2 et le NO en inhibant la dégradation du GMP cyclique. Il est actif dans l’HTAP et associée aux connectivites. Des formes retard (tadalafil) seront bientôt disponibles.

■ Monoxyde d’azote (NO) Puissant vasodilatateur, le NO agit en stimulant la guanylate cyclase qui augmente la production de GMP cyclique intracellulaire. Le substrat de la NO synthase, la L-arginine, aurait également la propriété de diminuer l’HTAP. 26

On utilise les alphabloquants type prazosine (Alpress®, Minipress®), à la dose maximale tolérée en cas d’intolérance aux inhibiteurs calciques pour le traitement du phénomène de Raynaud.

■ Inhibiteurs de la sérotonine Un antagoniste des récepteurs sérotoninergiques de type 2 et accessoirement a1 adrénergique et dopaminergique a été proposé pour traiter les phénomènes de Raynaud : la kétansérine. Son activité est inconstante et le produit n’est plus commercialisé en Europe. Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, telle la fluoxétine (Prozac®) seraient plus efficaces que les inhibiteurs calciques pour traiter le phénomène de Raynaud.

4e partie

■ Antagonistes des alpha-adrénorécepteurs

2. Quel est l’effet des anti-TNF ?

une cytokine qui intervient dans la physiopathologie de l’athérosclérose et de l’hémostase par le biais de la dysfonction endothéliale qu’il entraîne. ■ Le TNFa joue un rôle majeur en empêchant la captation de l’insuline par les muscles striés et il augmente

les acides gras libres circulants. Ainsi les taux de LDL plasmatiques est élevé chez les PR, comparativement aux sujets contrôles, cette élévation étant corrélée au chiffre de la vitesse de sédimentation. ■ Le TNFa augmente l’activation endothéliale de façon directe et indirecte : les molécules d’adhésion sont

augmentées en réponse au TNFa (et à l’IL1b), favorisant la migration des monocytes dans l’intima où ils capteront les ox-LDL pour former les cellules spumeuses, puis la strie lipidique, premier pas vers la plaque d’athérome. Les cellules spumeuses produisent également du TNFa favorisant la progression de la plaque comme d’autres cytokines produites localement (IL1b, IFNg). ■ Le TNFa rend la paroi endothéliale prothrombotique en favorisant l’expression du facteur tissulaire (TF)

sur les monocytes et par voie systémique augmente la production de facteurs de la coagulation : augmentation du fibrinogène, du tPA, du facteur Willebrand.

■ Anti-TNFa et modification du risque cardiovasculaire ■ Les

biothérapies anti-TNFa modifient à court terme le profil lipidique des patients atteints de PR : augmentation du HDL cholestérol, mais sans modification du rapport LDL/cholestérol (index athérogène).

■ Les anti-TNFa augmentent la sensibilité à l’insuline dans le tertile des patients ayant la plus grande

résistance initialement. ■ L’infliximab

améliore la vasodilatation dépendante de la cellule endothéliale ainsi que la dilatation dépendante du flux sanguin.

Chapitre 10

■ Le TNFa est une cytokine clé dans le processus inflammatoire, au même titre que l’IL1b. C’est également

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

■ TNFa et paroi vasculaire

■ Les résultats des anti-TNFa sur la mesure de la rigidité artérielle sont plus difficile à interpréter. ■ Les anti-TNFa restent contre-indiqués chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque décompensée. ■ Les études épidémiologiques observationnelles suédoises et anglaises de grande ampleur, portant sur des

cohortes de PR traitées ou non par anti-TNFa, montrent une diminution de la mortalité globale des PR traitées par anti-TNFa comparés aux PR ne recevant pas d’anti-TNFa portant essentiellement sur la mortalité par infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux. Cette réduction du risque cardiovasculaire est directement liée à la durée du traitement par anti-TNFa (après ajustement sur l’âge, le sexe, le diabète, l’HTA et les antécédents cardiovasculaires, c’est à dire tous les facteurs de risque classiques confondants). Les études ultérieures devront déterminer le rôle éventuel d’autres facteurs, tel que l’emploi du méthotrexate avec ou sans acide folique (taux de l’homocystéinémie) et des AINS anti-COX1 ou COX2.

27

L’immunopathologie pour le praticien

3. Quelles sont les nouvelles molécules susceptibles de modifier l’angiogenèse, l’hémostase et éventuellement de prévenir l’athéromatose dans les maladies inflammatoires ? ■ Statines ■ Les

statines inhibent la HMG-CoA (hydroxyl-3-methyl glutaryl coenzyme A) réductase, enzyme clé de la synthèse endogène du cholestérol. Elle catalyse la transformation de l’HMG-CoA en mévalonate. Il s’ensuit une baisse de concentration du cholestérol intracellulaire, une stimulation de l’expression du récepteur hépatocytaire aux lipoprotéines LDL et une clairance plasmatique augmentée des LDL, donc une baisse du LDL cholestérol.

■ Les travaux in vitro sur les cellules endothéliales en culture, les lymphocytes, les monocytes et les plaquettes

et ex vivo, ont mis en évidence les nombreuses propriétés anti-inflammatoires antithrombotiques et immunomodulatrices des statines avec de notables variations selon les molécules testées. Le TABLEAU 15 résume les principales voies de l’inflammation modifiées par l’action des statines. TABLEAU 15 - Principales voies de l’inflammation modifiées par l’action des statines Processus/voie

Médiateur

6 6 6 Adhésion 6 6 6 6 6 6 Migration 6 6 6 Prolifération 6 6 5 Fonction endothéliale 5 6 6 6 Dégradation 6 de la matrice 6 6 5 5 5 Apoptose 5 6 6

Type cellulaire

Mac-1 LFA-1 (aussi via fixation directe) ICAM-1 (sICAM-1 plasmatique) VCAM-1 (sVCAM-1 plasmatique) E-sélectine L-sélectine

Macrophage et cellules T vis-à-vis de l’endothélium. Sang périphérique

MIP-1a (CCL3) 6 MICP-1 (CCL2) MIP-1b (CCL4) 6 IL8 (CCXL8) RANTES CCR1 6 CCR2 6 CCR4 6 CCR5

CE, CML, macrophage, cellules T

CML 6 CE

CE, CML

eNOS Oxydation LDL Endothéline-1 Collagénases interstitielles MMP-1/-13 Gélatinases MMP-2/-9 CE, macrophage Stromélysine MMP-3 TIMP-1 Caspase-3 Caspase-9 Prenylation de p21RhoB Bcl-2

CE, CML, macrophage

Thrombose 6

6 6 6 6 5 5 5 6

Facteur tissulaire (TF) Facteur VIIa tPA Agrégation des plaquettes Fibrinogène PAI-1 PGI2 TxA2, TxB2

CE, macrophage, plaquettes, sang périphérique

Médiateurs de l’inflammation 6

6 6 6 6 6 6 6 5 6 5 6

CD40/CD40L, sCD40L IL1b IL6 TNFa Protéine C-réactive Cyclooxygénase 2 Sérum amyloïde A (SAA) PPARg TH1 (IFNg, IL12) TH2 (IL4, IL10, TGF) MHC II

CE, macrophage, sang périphérique

5 augmentation ; 6 diminution ; CE : Cellule endothéliale ; CML : Cellule musculaire lisse 28

• Le premier passe par une modification de composition des radeaux lipidiques de la membrane plasmatique des cellules cibles.

• La cerivastatine modifie la balance TH1/TH2 au profit des TH2 par baisse de l’activité TH1 et accessoirement augmentation de l’activité TH2.

• Les statines induisent l’expression des récepteurs activés du peroxisome (PPAR), lesquels agissent comme inhibiteurs de facteurs de transcription comme le NFkB et le STAT (signal transducer and activator of transcription).

4e partie

■ Plusieurs mécanismes sont à l’origine de ces interactions:

■ Inhibiteurs de l’angiogenèse ■ Cette

catégorie de molécules s’oppose à la néoangiogenèse et voit son champ d’application couvrir d’abord le domaine de la cancérologie (il s’agit de faire « mourir de faim » les cellules tumorales) et bientôt celui de l’inflammation avec les rhumatismes inflammatoires chroniques.

■ Les principaux traitement de fond de la PR ont des propriétés anti-angiogéniques. Citons le méthotrexate

à faible dose, le leflunomide, la salazopyrine, mais aussi des immunosuppresseurs comme la rapamycine et les agents anti-TNFa. Ces molécules diminuent directement ou indirectement (en diminuant la production de TNFa ou d’IL6) le taux du VEGF. inhibiteurs de tyrosine kinase sont de puissants facteurs anti-angiogéniques et sont utilisés en cancérologie : citons l’Imatinib (Glivec®) indiqué pour traiter les LMC et les tumeurs stromales gastro-intestinales, et le sunitinib (Sutent®) indiqué pour traiter les cancers du rein métastatique. En tant qu’inhibiteur du récepteur du PDGF (inhibition de la famille Abl des kinases) et du TGFb (inhibition des sérine/théonine kinase), l’imatinib pourrait avoir un effet bénéfique dans la diminution de la fibrose de la sclérodermie systémique.

■ Les

■ Le

thalidomide est doté de propriétés anti-angiogéniques (anti-VEGF), sans doute à l’origine de ses propriétés antiprolifératives dans le myélome multiple. Il s’y ajoute une activité procoagulante à l’origine de complications thromboemboliques qu’il partage avec les autres dérivés de cette classe médicamenteuse comme la lenalidomide. Thalidomide, mais aussi Taxol® et TNP-470 ont tous 3 montré un effet inhibiteur sur le pannus et l’angiogenèse dans des modèles d’arthrites expérimentales.

■ Le bevacizumab (Avastin®) est un anticorps monoclonal humanisé anti-VEGF qui a une AMM dans le

traitement des adénocarcinomes coliques. Sa tolérance est médiocre avec un risque de perforations digestives, de la cloison nasale, un retard à la cicatrisation et des troubles neurologiques centraux sensoriels et des fonctions supérieures.

Chapitre 10

PR de l’adulte (étude TARA : trial of atorvastatin in rheumatoid arthritis). Le groupe de patients ayant reçu 40 mg d’atorvastatine par jour a baissé son DAS28 en moyenne de 0,5 points (IC95%=0,75 – 0,25) contre + 0,03 dans le groupe placebo avec une réponse EULAR chez 31% des patients contre 10% dans le groupe placebo. La CRP et la VS baissent significativement de 50% et 28% respectivement. Il n’a pas été possible sur cette étude de 6 mois d’évaluer comparativement la morbidité cardiovasculaire. Une étude sur le long terme du bénéfice cardiovasculaire est actuellement menée au NIH dans le lupus de l’enfant (rappelons que les inhibiteurs de HMG-CoA reductase ont été impliqués dans quelques observations de lupus induit).

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

■ Les applications cliniques en pathologie inflammatoire de ces propriétés ont porté sur le traitement de la

■ Le ranibizumab (Lucentis®) est un dérivé Fab du bevacizumab développé pour traiter en injections

intravitréennes mensuelles répétées la dégénérescence maculaire du sujet âgé (DMLA). Le TABLEAU 16 résume différents essais thérapeutiques en cours d’inhibiteurs de l’angiogenèse et leurs mécanismes d’action.

29

L’immunopathologie pour le praticien

TABLEAU 16 - Différents essais thérapeutiques en cours d’inhibiteurs de l’angiogenèse et mécanisme d’action Molécule

Mécanisme d’action

Phase I EMD 121974

Antagoniste d’intégrine (petite molécule)

Contrebastatine A4 prodrogue

Apoptose de l’endothélium proliférant

PTK784/ZK2284

Blocage de la signalisation du VEGF-R

Endostatine

Induction d’apoptose des cellules endothéliales in vivo

BMS-275291

Inhibition synthétique de MMP

SU6668

Blocage de la signalisation des récepteurs du VEGF, FGF et PDGF

Phase II CAI

Inhibiteur de l’influx de calcium

Squalamine

Inhibiteur de la pompe Na+/H+

COL-3

Inhibiteur synthétique de MMP dérivé de cycline

CGS-27023A

Inhibiteur synthétique de MMP dérivé de cycline

TNP-470

Analogue de fumagiline : inhibiteur prolifération endothéliale

Vitaxin

Anticorps anti-intégrine de l’endothélium

IL12

Cytokine inductrice d’IFNg et d’IP-10 (CXCL10)

Phase III SU 5416

Blocage signalisation du récepteur du VEGF

Thalidomide

Inconnu (?)

Marimastat

Inhibiteur synthétique de MMP

AG 3340

Inhibiteur synthétique de MMP

Néovastat

Inhibiteur naturel de MMP

Interféron a

Inhibiteur production FGFb, VEGF

IM 862

Inconnu

■ Inhibiteurs des intégrines et sélectines Molécules d’adressage par excellence, ces molécules permettent l’adhésion (rôle dans l’hémostase primaire) puis la margination des cellules circulantes vers la région sous-intimale (rôle dans l’athérome), le tissu conjonctif porte-vaisseaux, les protéines de la matrice extracellulaire (rôle dans l’inflammation et le processus de dissémination métastatique des tumeurs). Ces molécules sont également importantes pour les cosignaux d’activation intercellulaire (processus d’immunité adaptative entre cellules présentatrices d’antigène et lymphocytes T). Anti-a4 intégrine Le Natalizumab (Tysabri®) est un anticorps monoclonal anti-VLA-4 (a4b1 intégrine), intégrine importante pour la migration des lymphocytes TH1 dans les modèles animaux de sclérose en plaques. L’anti-a4 intégrine bloque ainsi l’interaction avec VCAM-1. Cet anticorps pourrait également bloquer les intégrines a4b7 impliquées dans l’adressage des lymphocytes T dans la paroi du tube digestif et contribuer aux lésions de la maladie de Crohn (récepteur MAd-CAM). Les essais dans la sclérose en plaques ont donné des résultats cliniques prometteurs, mais plusieurs cas de leucoencéphalopathie multifocale progressive, à virus JC, sont venus temporairement suspendre aux USA la commercialisation de cet inhibiteur d’intégrine dans la SEP et la maladie de Crohn. ■ Anti-aL intégrine l’Efalizumab (Raptiva®) est un monoclonal anti-LFA-1 / intégrine aL(CD11a)b2(CD18) exprimé par les leucocytes. LFA-1 interagit avec ICAM-1 (CD54) et ICAM-2 exprimé par l’endothélium vasculaire, les fibroblastes et les kératinocytes, et ICAM-3 exprimé par les cellules dendritiques présentatrices d’antigène. Le blocage de LFA-1 porté par les T effecteurs mémoire (CD45 Ro+) empêche l’interaction avec les cellules endothéliales et les kératinocytes. Le Raptiva® a une AMM pour le traitement du psoriasis cutané. Il semble peu actif sur l’arthrite psoriasique. ■

30

Anti-intégrines et cancérologie • Anti-a5ab1 intégrine (VLA-5) (récepteur de la fibronectine) : le volociximab est un anticorps monoclonal qui semble prometteur dans le traitement du cancer du rein métastatique. • Anti-av intégrine (récepteur de la vitronectine): le P1F6 et le LM609 sont des monoclonaux anti-avb5 intégrine expérimentés dans la maladie de Kaposi. La Vitaxin® est un monoclonal anti-avb3 intégrine utilisé pour le traitement des gliomes cérébraux et en phase 2 pour le traitement des mélanomes et les cancers de prostate métastatiques hormono-résistants.



Anti-intégrine aIIbb3 (GPIIa/IIIa) et inhibition de l’hémostase primaire L’abciximab est un anticorps monoclonal dirigé contre le complexe GPIIa/IIIa, intégrine plaquettaire qui reconnaît le fibrinogène à l’origine de l’agrégation des plaquettes. Ce produit a été utilisé dans les situations aiguës comme la phase aiguë d’un syndrome coronarien et lors d’intervention coronaire / percutané. Utilisé après le clopidrogel, il ne semble pas être plus efficace pour diminuer le risque d’infarctus ou de décès avec un risque de thrombopénie (1%) supérieur à celui du placebo (0%).



Anti-sélectine Les anticorps monoclonaux anti-P-sélectine, L-sélectine et E-sélectine inhibent le « roulement » des leucocytes sur les parois vasculaires, mais leur utilisation en clinique est décevante. Les travaux de recherche clinique se portent plus sur les ligands des sélectines en créant des analogues de ces ligands, qu’il s’agisse d’anti-PSGL-1 (P selectin glycoprotein ligand 1) ou d’un mimétique de sialyl Lewisx (sLex) (TBC1269 ou bimosiamose) qui déplace le ligand PSGL-1 normal des P- et L-sélectines et s’oppose ainsi au « roulement » des leucocytes et accessoirement leur adhésion aux cellules endothéliales.



Inhibiteur des molécules d’adhésion de la classe des immunoglobulines Un anti-ICAM-1 monoclonal murin, l’enlimomab aurait dû s’opposer à la fixation des ligands LFA-1 (CD11a CD18) ou de Mac-1 (CD11b-CD18) leucocytaires. Testé au cours des AVC, c’est le résultat inverse qui a été observé !

4. Inhibiteurs de chimiokines et leurs récepteurs Les chimiokines sont des cytokines chimiotactiques pour les cellules mononucléées (monocytes, macrophages, lymphocytes T, B, NK, mastocytes), les polynucléaires neutrophiles ou éosinophiles, mais aussi les cellules musculaires lisses, les cellules endothéliales et mésangiales, voire les cellules tumorales. Bien qu’il s’agisse de protéines aux activités redondantes, certaines sont plus spécifiquement impliquées dans la pathologie inflammatoire pulmonaire, neurologique, articulaire (IL8 ou CXCL8, MCP-1 ou CCL2, MIP-1a ou CCL3), d’autres dans l’athérosclérose (fractalkine ou CX3CL1), d’autres enfin dans la pathogénicité du virus VIH-1, le récepteur de chimiokine CCR-5 étant le corécepteur de HIV-1.

4e partie



Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

Antagoniste de LFA-3 Une molécule hybride faite de LFA-3 fixé sur le fragment Fc d’une IgG1 appelée Alefacept est utilisée pour fixer le récepteur CD2 présent sur les lymphocytes T effecteurs mémoire (CD45 Ro+). Cette molécule « leurre » va empêcher l’interaction CD2-LFA-3. Une fois fixé sur CD2 son côté Fcg va pouvoir se fixer sur les récepteurs FcgRIII (CD16) des cellules NK et les monocytes et activer la production de granzyme impliqué dans la cytolyse des TCD45 Ro+. L’alefacept (Amevive®) est utilisé pour le traitement du psoriasis cutané : la chute des TCD45 Ro+ circulants est corrélée à l’amélioration du psoriasis cutané dans une étude contrôlée multicentrique en double insu contre placebo. Son efficacité en association avec le méthotrexate sur le rhumatisme psoriasique évalué à 6 mois par le score ACR70 est décevant : 17% des patients sous alefacept ont atteint le score ACR70 contre 7% dans le groupe placebo.

Chapitre 10



■ Anti-TNFa Rappelons que les anti-TNFa réduisent l’expression des chimiokines IL8 (CXCL8) et MCP-1 (CCL2) des patients atteints de PR.

■ Essais cliniques concernant la PR Ils ont porté sur un anticorps monoclonal anti-CCL2 (MCP-1 ligand de CCR-2), l’ABN 912 de Novartis sans aucun bénéfice clinique ni histologique synovial constaté aux doses utilisées. D’autres essais sont en cours avec des anti-CCR1 (récepteurs des chimiokines MIP-1a = CCL3 et RANTES = CCL5). Diverses cibles potentielles sont actuellement envisagées : le récepteur de chimiokine (CCR5) et les chimiokines IL8 (CXCL8) ENA-78 (CXCL5), Groa (CXCL1), MIP-1a (CCL3). 31

L’immunopathologie pour le praticien

5. Nouvelles molécules ■ Chaperonine 10 La chaperonine 10 (X-Toll®) est une protéine du choc thermique (HSP) qui inhibe l’activation des récepteurs TOLL TLR-4 et TLR-2 par les HSP60, activateurs endogènes, en leur servant de cochaperon. L’activation des TLR-4 par le LPS bactérien ou les HSP 60 endogènes entraîne, via l’induction de NFkB, la production de TNFa et d’IL6. La chaperonine 10 a été administrée en IV deux fois par semaine pendant 12 semaines à des PR à des doses variant de 5 à 10 mg. Une rémission EULAR (DAS 28 < 2,6) a été observée chez 13% des 23 PR et un score ACR 50 a été observé chez 57% des malades ayant reçu la plus forte dose.

■ Agonistes des PPARa et PPARg Les récepteurs nucléaires perioxisome proliferator activating receptor (PPAR) jouent un rôle central dans la régulation du métabolisme lipidique et le contrôle de la glycémie. Après liaison d’un ligand sélectif, il se produit une modification de la conformation tridimensionnelle du complexe PPAR-ligand qui se lie à son récepteur nucléaire RXR (9-cis retinoic acid receptor). L’ensemble se fixe sur des séquences spécifiques PPRE (peroxisome proliferator response elements) dans les régions régulatrices des gènes cibles, modifiant ainsi leur transcription. Il existe des agonistes spécifiques à PPARa et à PPARg et des agonistes mixtes. ■

Agonistes de PPARa Les fibrates sont des ligands de PPARa. L’activation par les fibrates se traduit par une diminution de concentration des TG et une augmentation du cholestérol HDL. Les fibrates sont utiles pour réduire la progression de l’athérosclérose des coronaires chez les diabétiques et diminuent le risque de mortalité cardiovasculaire.



Agonistes PPARg Les thiazolidinediones (TZD) ou glitazones comprenant la pioglitazone (Actos®) et la rosiglitazone (Avandia®), utilisées pour traiter le diabète de type 2, exercent leur activité en se liant au PPARg. Les TZD réduisent la quantité d’acides gras et de TG circulants. Ils induisent une redistribution des graisses du compartiment viscéral vers le compartiment sous-cutané. L’insulino-résistance est en partie liée à une augmentation des cytokines TNFa et IL6. La rosiglitazone augmente la concentration plasmatique d’adiponectine, laquelle abaisse la synthèse des molécules d’adhésion par les cellules endothéliales et inhibe la réaction inflammatoire. Ainsi les TZD pourraient avoir un intérêt majeur pour ses effets antiinflammatoires et anti-athérogènes. De nombreux TZD ligands de PPARg et/ou co-agonistes PPARa/g sont en développement. Parmi les glitazones actuellement sur le marché, la rosiglitazone semble augmenter le risque d’infarctus du myocarde et, chez les femmes, celui de fracture osseuse périphérique.

■ Inhibiteurs de MIF ■ MIF (macrophage migration inhibitory factor) est une cytokine exprimée par les lymphocytes T activés,

mais aussi les macrophages, les cellules endothéliales et les fibroblastes synoviaux. Elle possède des propriétés pro-inflammatoires. Le récepteur de MIF serait la protéine CD74 sur les cellules immunitaires. Son taux plasmatique est augmenté dans la PR et dans l’athérosclérose. Elle est inductible par les glucocorticoïdes dont l’effet athérogène pourrait s’expliquer en partie par cette propriété. ■ Expérimentalement un anticorps monoclonal anti-MIF est capable de retarder et diminuer la fréquence

des arthrites dans le modèle murin d’arthrite au collagène II. ■ MIF est retrouvé en abondance dans les plaques d’athérome et pourrait jouer un rôle dans le phénomène de

rupture de plaque car elle augmente la production de MMP1, MMP9, MMP12 et abaisse celle des TIMP. ■ De

petites molécules sont capables d’inhiber en extracellulaire l’interaction de MIF avec le récepteur CD74 in vitro et in vivo. Le composé le plus avancé semble être l’ISO-1. Mais d’autres cibles d’inhibition sont envisagées, notamment sur les voies de transduction intracellulaire, ouvrant ainsi des perspectives prometteuses pour le traitement conjoint de l’inflammation, de l’athérogenèse liée à l’inflammation, et à l’effet délétère des glucocorticoïdes au long cours.

32

Synthèse

1. Les points forts

5e partie

5e partie

Endothélium et hémostase C’est un acteur essentiel dans les phénomènes d’hémostase (hémostase primaire, coagulation, fibrinolyse) et de thrombose: les premières étapes se dérouleront à la surface phospholipidique modifiée de la cellule endothéliale. La cellule produit à la fois des facteurs procoagulants et anticoagulants. Endothélium et tonus vasculaire C’est un moteur essentiel du tonus vasculaire en produisant des médiateurs à la fois vasoconstricteurs (endothéline-1, angiotensine II,…) et vasodilatateurs (PGI2, NO,…) et mitogènes pour les cellules musculaires lisses. Les interactions entre hémostase et vasomotricité Il existe une multiplicité d’interactions entre hémostase et vasomotricité, les mêmes médiateurs intervenant dans les deux domaines simultanément. La barrière de l’endothélium C’est un passage obligé pour les cellules sanguines circulantes qui sont impliquées dans la réaction inflammatoire. L’interaction se fait par l’intermédiaire de molécules d’adressage de la famille des intégrines, des sélectines et des protéines de la superfamille des immunoglobulines. Ces molécules sont, soit constitutives, soit induites par les stimuli de l’inflammation: cytokines (rôle du TNFa, IL1 et IFN) et chimiokines (IL8 pour les polynucléaires par exemple). L’athérosclérose Elle est actuellement considérée comme une affection de type inflammatoire (rôle des monocytes macrophages, des lymphocytes T et des cytokines induites par la stimulation via les LDL oxydées) mettant en jeu l’immunité innée et adaptative. Une étiologie infectieuse est envisagée sur des bases épidémiologiques et expérimentales.

Chapitre 10

Les stimuli de l’endothélium L’endothélium est soumis à des stimulations diverses: physiques (pressions/forces de frottement), chimiques (hormones, cytokines, facteurs de croissance, facteurs de coagulation,…), toxiques (espèces réactives de l’oxygène, anticorps, tabac, extraits bactériens et de micro-organismes, lipides oxydés, protéines du complément…), cellulaires (interaction avec les plaquettes, les polynucléaires, les lymphocytes, les monocytes, les cellules tumorales en migration…).

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

La cellule endothéliale vasculaire Elle couvre une surface de 5000m2 et constitue une interface vivante entre contenant (paroi vasculaire et conjonctif environnant) et contenu (éléments figurés sanguins et plasma).

L’inflammation chronique L’inflammation chronique est un puissant stimulant de l’athérosclérose comme l’attestent la relation entre taux de la CRP et risque cardiovasculaire. Les maladies inflammatoires chroniques, comme le LED et la polyarthrite rhumatoïde, ont une prévalence de morbidité et de mortalité cardiovasculaire augmentée après ajustement pour les facteurs de risque classique de type Framingham. Les accidents thrombotiques coronariens et cérébrovasculaires Ils sont le fait d’une rupture (ou d’une hémorragie) de la chape fibreuse des plaques d’athérome lorsque les cellules inflammatoires qui la colonisent produisent en excès des MMP capables de détruire le tissu fibreux qui recouvre les cellules spumeuses et le cœur lipidique thrombogène de la plaque. Les traitements de fond de la PR En diminuant l’inflammation, évaluée par le taux de CRP par exemple, les traitements de fond de la PR diminuent la morbi/mortalité cardiovasculaire. Ceci semble démontré par les anti-TNFa mais la correction des facteurs de risque classiques (surpoids, diabète, tabac, sédentarité, HTA, dyslipidémie,…) garde une place 33

L’immunopathologie pour le praticien 34

essentielle dans la prévention à long terme. Le même raisonnement s’applique aux autres rhumatismes inflammatoires chroniques: lupus, rhumatisme psoriasique et spondylarthropathies.

2. Les grandes questions Les statines Les statines aux propriétés hypocholestérolémiantes et anti-inflammatoires seront-elles à même de faire régresser la plaque d’athérome ? Les fortes doses préconisées au long cours ne sont pas toujours bien tolérées, mais la question de leur utilisation dans le traitement de fond des rhumatismes inflammatoires chroniques chez des patients ayant plusieurs facteurs de risque méritera des études épidémiologiques au long cours. Les agonistes de PPARa et PPARg Les agonistes de PPARa et PPARg, actuellement utilisés dans le diabète de type 2 feront probablement l’objet également d’essais au long cours dès que leur effet délétère sur les récidives des événements coronariens aura été précisé. Le rôle délétère au long cours des AINS Le rôle délétère au long cours des AINS (survenue d’accidents cardiovasculaires), qu’il s’agisse d’anti-COX non sélectifs ou d’anti-COX2, doit faire réfléchir sur l’opportunité d’une large prescription chez les patients âgés porteurs de facteurs de risque non corrigés. Les effets secondaires vasculaires des corticoïdes Ils devront être mis en balance avec l'effet bénéfique sur le syndrome inflammatoire.

A C

thérosclérose : maladie dégénérative de l’artère ayant pour origine la formation d’une plaque d’athérome (dépôt lipidique) dans l’intima des artères de gros et moyen calibre.

C C

ellules spumeuses : monocytes/macrophages de l’intima artérielle ayant phagocyté des lipoprotéines de faible densité (LDL) oxydées. C’est la cellule caractéristique (mais non exclusive) de la plaque d’athérome.

ellules endothéliales : ensemble de cellules tapissant en une couche unicellulaire la paroi interne des vaisseaux sanguins et lymphatiques, formant l’endothélium. Elles reposent sur une membrane basale continue ou fenêtrée, selon les tissus, dont les constituants ont été élaborés par les cellules endothéliales elles-mêmes.

himiokines : médiateurs cytokiniques spécialisés dans l’attraction (chimiotactisme positif) de cellules nomades vers un foyer inflammatoire. Ces molécules sont élaborées par les cellules résidentes (histiocytes, macrophages, fibroblastes, voire cellules endothéliales) et sont spécialisées pour attirer un type particulier de cellules inflammatoires grâce à des récepteurs de membrane spécifiques de chimiokine. Une même cellule peut porter différents types de récepteurs de chimiokines. ntégrines: ensemble de molécules de membrane impliquées dans les contacts cellule-cellule et cellule-matrice extracellulaire. Il s’agit d’hétérodimères composés de 2 chaînes polypeptidiques a et b non liées par liaison covalente.

I M M

icrocirculation : circulation sanguine des vaisseaux de moins de 50 mm de diamètre. Elle concerne les artérioles, les veinules et les capillaires.

olécules d’adhésion de la superfamille des immunoglobulines: il s’agit de molécules de membrane également impliquées dans les contacts cellule-cellule et permettant notamment l’adhésion des cellules circulantes aux cellules endothéliales. Elles servent de molécules d’adressage pour les lymphocytes recirculants.

S V

électines : il s’agit de molécules de membrane impliquées dans le contact cellule-cellule et intervenant dans la domiciliation des cellules « nomades » comme les lymphocytes recirculants. ascularite : inflammation de la paroi des vaisseaux sanguins (synonyme = angéite). Ne préjuge pas de la cause de l’inflammation (infectieuse, toxique, physique, chimique, immunologique…).

6e partie

ngiogenèse : ensemble des processus de formation de nouveaux vaisseaux. Il s’agit d’un processus physiologique qui intervient dans des domaines variés : développement embryonnaire, reproduction, réparation tissulaire. Les cellules endothéliales vasculaires sont à l’origine de l’angiogenèse et répondent à des signaux activateurs et inhibiteurs.

A

Les vaisseaux et anomalies de l’angiogenèse dans les maladies inflammatoires

Lexique

Chapitre 10

6e partie

35

L’immunopathologie pour le praticien

7e partie

Pour en savoir plus

■ Bosch X, Guilabert A, Font J. Antineutrophil cytoplasmic antibodies. Lancet 2006;368(9533):404-18. ■ Carmeliet P. Angiogenesis in health and disease. Nat Med 2003;9(6):653-60. ■ Charo IF, Ransohoff RM. The many roles of chemokines and chemokine receptors in inflammation. N Engl J Med 2006;354(6):610-21.

■ Dixon WG, Symmons DP. What effects might anti-TNFa therapy be expected to have on cardiovascular morbidity and mortality in rheumatoid arthritis? A review of the role of TNF[alpha] in cardiovascular pathophysiology. Ann Rheum Dis 2007, published online 24 Jan 2007.

■ Duran-Sandoval D, Thomas AC, Bailleul B, Fruchart JC, Staels B. [Pharmacology of PPARalpha, PPARgamma and dual PPARalpha/gamma agonists in clinical development]. Med Sci (Paris) 2003;19(8-9):819-25.

■ Hansson GK, Libby P. The immune response in atherosclerosis: a double-edged sword. Nat Rev Immunol 2006;6(7):508-19.

■ Humbert M, Morrell NW, Archer SL, Stenmark KR, MacLean MR, Lang IM, et al. Cellular and molecular pathobiology of pulmonary arterial hypertension. J Am Coll Cardiol 2004;43(12 Suppl S):13S-24S.

■ Jain MK, Ridker PM. Anti-inflammatory effects of statins: clinical evidence and basic mechanisms. Nat Rev Drug Discov 2005;4(12):977-87.

■ Shovman O, Gilburd B, Zandman-Goddard G, Sherer Y, Shoenfeld Y. Pathogenic role and clinical relevance of antineutrophil cytoplasmic antibodies in vasculitides. Curr Rheumatol Rep 2006;8(4):292-8.

■ Soubrier M, Dougados M. [Atherosclerosis and rheumatoid arthritis]. Rev Med Interne 2006;27(2):125-36. ■ Szekanecz Z, Koch A. Biology of endothelial cells. In: Ball G, Bridges SL J, editors. Vasculitis. Oxford: University Press;2002:19-33.

36

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Page 1



03

1. Hémostase primaire



04

2. Coagulation



04

3. Régulation de l’hémostase • L’endothélium limite l’activation plaquettaire • Inhibiteurs physiologiques de la coagulation • Fibrinolyse

   

06 06 06 07

2e partie



09

    

09 09 09 09 10

   

10 10 11 12

  

12 12 12



13



14

  

14 16 16

    

16 16 16 17 18

Comment j’explore ?

1. Hémostase primaire • Interrogatoire • Examens de dépistage • Examens de deuxième intention • Mise en évidence des anticorps antiplaquettes

2. Coagulation • Tests de première intention • Principaux tests de deuxième intention • Divers tests d’usage courant pour explorer la coagulation

3. Fibrinolyse • Tests globaux • Tests analytiques

4. Marqueurs explorant le rôle de l’endothélium dans l’hémostase et la fibrinolyse

• Le facteur Willebrand  13 • La thrombomoduline  13 • L’activateur tissulaire du plasminogène (tPA) et son inhibiteur (PAI-1)  13

L'hémostase et ses anomalies dans les maladies inflammatoires

1ère partie L’hémostase

Chapitre 11

L’HÉMOSTASE ET SES ANOMALIES DANS LES MALADIES INFLAMMATOIRES

SOMMAIRE

Chapitre 11

3e partie L’exemple des anomalies de

l’hémostase dans les maladies inflammatoires 1. Le syndrome des antiphospholipides • Le diagnostic biologique • La physiopathologie des thromboses au cours du SAPL

2. La microcirculation sclérodermique • Phénomène de Raynaud • Anomalies capillaroscopiques • Anomalies histologiques • Pathogénie

1

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3. Hémophilie acquise • Généralités • Clinique • Étiologie • Diagnostic • Évolution sous traitement

4e partie

     

19 19 19 19 20 20

Traitements pour réguler l’hémostase et les anomalies vasculaires : l’exemple de traitements  21 antithrombotiques

• Traitements antithrombotiques

 

21 21

5e partie



23

 

23 23

Quel est l’effet des traitements classiques ?

Synthèse

1. Les points forts 2. Les grandes questions

6e partie

Lexique



24

7e partie

Pour en savoir plus



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Brigitte Jude, Institut d’Hématologie-Transfusion, CHRU Lille Dominique Lasne, Laboratoire d’Hématologie, Hôpital Necker, Paris Sophie Susen, Institut d’Hématologie-Transfusion, CHRU Lille Eric Hachulla, Service de Médecine Interne, Hôpital Claude Huriez, Lille

Tissu vivant, le vaisseau artériel, veineux ou capillaire est doué de 2 grandes fonctions : l’une de coopération entre ses différentes structures (endothélium, sous-endothélium, collagènes et microfibrilles, limitantes élastiques …), l’autre de relation croisée avec le sang qui circule (éléments figurés et protéines plasmatiques dont les protéines de la coagulation et de la fibrinolyse qui assurent l’hémostase). Le réseau vasculaire est organisé de façon à apporter aux constituants des différents organes les nutriments qui leur sont nécessaires et d’assurer l’élimination des déchets. Ceci est rendu possible grâce à la perméabilité de l’endothélium vasculaire et à la porosité des membranes basales. Le vaisseau doit, suivant sa localisation, permettre de contrôler la diffusion de substances depuis le sang vers les tissus et vice versa, et avoir une élasticité suffisante pour répondre aux déformations imposées par le flux sanguin pulsatile. Bien que les différents territoires vasculaires (artères, capillaires, veines) aient chacun des aspects spécifiques, ils présentent des caractéristiques morphologiques, biochimiques et fonctionnelles communes. L’hémostase est l’ensemble des mécanismes cellulaires et moléculaires qui contrôle le passage du sang de l’état liquide à l’état solide. C’est un processus physiologique qui permet de limiter les pertes sanguines provoquées par toute effraction vasculaire, mais aussi une réaction de défense de l’organisme en cas d’agression. Pour des raisons didactiques, il a été proposé de séparer ce chapitre en deux parties, l’une consacrée au contenant (vaisseaux) et l’autre au contenu (hémostase). Néanmoins, ces deux chapitres sont complémentaires pour bien comprendre leur implications dans les maladies inflammatoires.

1ère partie L’hémostase

L'hémostase et ses anomalies dans les maladies inflammatoires

Olivier Meyer, CHU Bichat, Paris

Chapitre 11

L’HÉMOSTASE ET SES ANOMALIES DANS LES MALADIES INFLAMMATOIRES

1ère partie

Chapitre 11

L’hémostase est un processus physiologique qui permet de limiter les pertes sanguines provoquées par une effraction vasculaire grâce à la formation rapide d’un caillot fait de plaquettes agrégées associées dans un réseau de fibrine et amarrées aux parois de la brèche vasculaire. Toute agression de la paroi vasculaire, en particulier de l’endothélium, démasque les structures localisées dans les cellules endothéliales, d’abord dans la paroi du vaisseau, et si la brèche est complète dans les tissus irrigués par ce vaisseau. Ces différentes structures provoquent l’activation simultanée des plaquettes et des protéines de la coagulation présentes dans le sang circulant, déclenchant une série de réactions interdépendantes, à l’origine de la formation du caillot hémostatique. À l’état physiologique, il existe un équilibre fragile qui prévient à la fois l’excès de coagulation (risque thrombotique) et l’insuffisance (risque hémorragique). Des anomalies acquises ou héréditaires ainsi que des agents thérapeutiques peuvent modifier cet équilibre. La thrombose est une forme dérégulée du processus hémostatique normal qui aboutit à une occlusion plus ou moins complète de la lumière vasculaire. Les thromboses artérielles surviennent habituellement sur une artère lésée par des plaques ulcérées d’athérosclérose, les thromboses veineuses ont pour causes essentielles la stase sanguine et/ou une perturbation congénitale ou acquise des systèmes de régulation de l’hémostase. 3

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On distingue arbitrairement pour l’exposé 4 étapes dans l’hémostase, mais certaines sont simultanées et étroitement liées : • une vasoconstriction immédiate destinée à limiter la brèche vasculaire • la formation du clou plaquettaire (hémostase primaire) • la formation du caillot de fibrine (coagulation proprement dite) • la phase de dissolution du caillot et de cicatrisation (fibrinolyse)

1. Hémostase primaire L’hémostase primaire correspond à l’ensemble des interactions entre la paroi vasculaire, les plaquettes sanguines et des protéines adhésives qui aboutissent à l’obturation de la brèche vasculaire grâce à la formation d’un thrombus blanc essentiellement plaquettaire. Les plaquettes sanguines sont des fragments cytoplasmiques provenant des mégacaryocytes de la moelle osseuse. Elles circulent sous forme discoïde, à raison de 150 à 400 g/l de sang, et sont constituées d’un système membranaire complexe (plasmique composée d’une bicouche lipidique faite de lipides neutres, glycolipides et phospholipides, et intracellulaire), d’un cytosquelette (microtubules et microfilaments d’actine et de myosine) et de granules intraplaquettaires (granules denses contenant de l’ADP et de l’ATP, granules ␣ contenant en particulier du facteur 4 plaquettaire, du vWF et du fibrinogène, et lysosomes). Des récepteurs glycoprotéiques sont ancrés dans la membrane plasmique, la glycoprotéine Ib, récepteur du vWF, et la glycoprotéine IIb-IIIa, récepteur du fibrinogène. Les plaquettes ont la propriété d’adhérer à diverses macromolécules de la matrice sous-endothéliale : fibres de collagène, microfibrilles, facteur Willebrand, laminine, thrombospondine, fibronectine. Cette adhésion plaquettaire va déclencher l’activation des plaquettes. Le vWF et le fibrinogène sont les principales protéines adhésives impliquées dans l’hémostase primaire. Le vWF est une glycoprotéine multimérique synthétisée par les cellules endothéliales et les mégacaryocytes, stocké dans les cellules endothéliales et dans les plaquettes, et présent dans le plasma. Les multimères de hauts poids moléculaires libérés de l’endothélium sont rapidement dégradés dans la circulation en formes plus petites par une métalloprotéase plasmatique, l’ADAMTS-13 (a disintegrin and metalloprotease with thrombospondin motif). Le vWF participe aussi indirectement à la formation du caillot de fibrine car il est indispensable au transport et à la stabilisation plasmatique du FVIII de la coagulation. Le fibrinogène, en se fixant sur son récepteur GPIIbIIIa à la surface des plaquettes activées sert de pont entre différentes plaquettes et est responsable de l’agrégation plaquettaire proprement dite. L’enchaînement des réactions suivant une brèche vasculaire est la suivante : la contraction musculaire du vaisseau constitue le premier évènement, suivi d’un changement de forme (étalement, émission de pseudopodes), d’une activation et d’une adhésion des plaquettes. De nombreuses substances sont capables d’induire ce processus : non seulement les structures vasculaires mises à nu (microfibrilles, membrane basale, collagène), mais aussi la fibrine polymérisée à la suite d’une activation de la coagulation, une plaque d’athérosclérose rompue. L’adhésion plaquettaire est essentiellement médiée par le vWF dans les petits vaisseaux où la force de cisaillement est élevée. Dans les vaisseaux de gros calibre où les forces de cisaillement sont plus faibles, c’est l’adhésion au collagène qui aurait un rôle majeur. L’adhésion plaquettaire est rapidement suivie du relargage du contenu des granules, et par la synthèse et la sécrétion de molécules augmentant l’adhésion (vWF), l’activation (ADP, thromboxane A2…) ce qui entraîne le recrutement de plaquettes circulantes qui vont grossir le clou plaquettaire. L’activation plaquettaire est suivie d’une agrégation plaquettaire après exposition et activation du récepteur spécifique de l’agrégation : le complexe glycoprotéique GPIIb/IIIa. Ce complexe fixe le fibrinogène soluble, formant des ponts irréversibles entre plaquettes. Par ailleurs, des modifications des phospholipides membranaires aboutissent à l’exposition de phosphatidylsérine (PS) qui est capable de catalyser l’activation de certains facteurs de la coagulation, et à l’émission de microvésicules membranaires. Les plaquettes activées vont établir un dialogue avec les leucocytes en particulier pour la production d’éïcosanoïdes (lien hémostase et inflammation).

2. Coagulation

TABLEAU 1

La coagulation plasmatique est la seconde phase de l’hémostase. Elle est constituée d’une activation en cascade de protéines circulant sous forme zymogène (facteurs II, V, VII, VIII, IX, X, XI, XII), qui acquièrent une activité enzymatique de type sérine-protéase (facteurs II activés ou IIa, Va, etc). Ces facteurs circulants sont synthétisés par le foie. Cette cascade aboutit à la transformation du fibrinogène (facteur I) soluble en fibrine insoluble. Parmi ces facteurs, certains nécessitent pour être actifs d’être synthétisés en présence de vitamine K (facteurs vitamines K dépendants : II, VII, IX, X). La coagulation est initiée par le contact entre le facteur tissulaire et le facteur VII, qui s’active en facteur VIIa FIGURE 1 . Le facteur tissulaire (FT) est un récepteur exprimé par de nombreuses cellules de l’organisme, mais est absent physiologiquement du secteur vasculaire. Il peut être exprimé par les cellules endothéliales à l’occasion d’une agression ou à la surface des monocytes activés lors d’une infection par exemple. Le couple FVIIa-FT est capable d’activer le FX en FXa, mais aussi le FIX en FIXa qui activera ensuite le X. La génération du Xa nécessite la liaison du X à des phospholipides anioniques, fournis par la membrane plaquettaire. Elle est fortement accélérée par le VIIIa. Les facteurs antihémophiliques A et B (FVIII et FIX) garantissent donc la formation de FXa en quantité suffisante, et sont indispensables à l’hémostase normale. Une autre boucle d’amplification est créée par l’activation du FXI par la thrombine (IIa). Le XIa ainsi formé peut activer le FIX. 4

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TABLEAU 1 - Nomenclature des facteurs de la coagulation Classe fonctionnelle

Facteur

Synonyme

Voie de coagulation°

Prékallicréine (PK)

Facteur Fletcher

I

Fonctionne avec HMWK et FXII

Kininogène de haut PM (HMWK)

ct

I

Cofacteur d’activation du FXII par kallicréine Cofacteur d’activation FXI par FXIIa Précurseur de la bradykinine

FI *FII FIII FIV

Fibrinogène (Fg) Prothrombine (PT) Facteur tissulaire (TF) Calcium

I et E I et E E I et E

Sérine protéase Cofacteur

FV

Proaccelérine

I et E

Cofacteur

FVI *FVII

Accelérine Proconvertine

I et E E

Cofacteur Sérine protéase

FVIII

Facteur antihémophilique A

I

Cofacteur

*FIX

Facteur antihémophilique B = F. Christmas

I

Sérine protéase

Activé par FXIa

*FX

F. Stuart

I et E

Sérine protéase

Activé par le complexe ténase et par VIIa – TF

FXI

Plasma thromboplastine antécédent (PTA)

I

Sérine protéase

Activé par FXIIa

FXII

F. Hageman

I

Sérine protéase

Activé par HMWK et kallicréine

FXIII

F. stabilisant de la fibrine

I et E

Transglutaminase

*Facteurs vitamine-K dépendants (présence de résidus gla)

Activité

Clivé par la thrombine en fibrine Activé à la surface de plaquettes par complexe PT Cofacteur du FVII Activé par thrombine Va est cofacteur de l’activation FII par FXa Synonyme de FVa Activé par thrombine Activé par thrombine FVIIIa = cofacteur d’activation FX par FIXa

Activé par thrombine Stabilise le caillot de fibrine

° E = extrinsèque ; I = intrinsèque

FIGURE 1 - Les 2 voies de la coagulation et les tests in vitro d’exploration de la coagulation plasmatique

1ère partie

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L'hémostase et ses anomalies dans les maladies inflammatoires

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Chapitre 11

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Il existe une autre voie d’activation du FIX et du FX, appelée voie intrinsèque, qui fait intervenir les facteurs de la phase contact, c’est-à-dire les FXII et FXI, initiée par contact entre le sang et une surface mouillable ou chargée négativement, en présence de prékallicréine et kininogène de haut poids moléculaire (KHPM). In vivo, cette voie d’activation ne joue qu’un rôle mineur dans l’initiation de la coagulation comme en témoigne l’absence totale de saignement dans les déficits complets en FXII, en prékallicréine ou en KHPM. Le FXa s’associe aux phospholipides, au FVa et au calcium pour former le complexe prothrombinase qui active la prothrombine (FII) en thrombine FIIa. La thrombine scinde une liaison peptidique sur chacune des deux chaînes du fibrinogène, transforme le fibrinogène en monomères de fibrine. Les nouvelles extrémités aminoterminales des chaînes se lient à des structures complémentaires de monomères de fibrine voisins, entraînant une polymérisation de la fibrine, instable. Dans une dernière étape, le polymère de fibrine est stabilisé par le FXIIIa après activation du FXIII par la thrombine. Le FXIIIa rend insoluble le polymère de fibrine en établissant des liaisons covalentes entre 2 monomères de fibrine adjacents. Le système de la coagulation, capable de s’auto-amplifier, est soumis à une régulation complexe. Certains de ces mécanismes ne sont pas spécifiques (dilution des facteurs activés dans le flux sanguin, adsorption de la thrombine par la fibrine). De plus, il existe des protéines de régulation spécifiques, comme l’antithrombine, la protéine C, la protéine S, le TFPI (tissue factor pathway inhibitor). L’antithrombine est le principal inhibiteur physiologique de la thrombine, mais elle inhibe aussi les autres serine-protéases de la coagulation. La protéine C activée par la thrombine fixée à la thrombomoduline en présence de protéine S dégrade les facteur Va et VIIIa. Les protéines C et S sont vitamine K-dépendantes. Ainsi se trouve souligné le rôle clé de la thrombine, enzyme multifonctionnelle capable d’amplifier sa propre formation, d’activer le FVII, le FV et le FVIII. La thrombine active tous les types cellulaires (plaquettes, leucocytes, cellules endothéliales et cellules non vasculaires) participant ainsi étroitement à la réaction inflammatoire.

3. Régulation de l’hémostase ■ L’endothélium limite l’activation plaquettaire L’endothélium produit 3 inhibiteurs importants de l’activation plaquettaire : le PGI2, le monoxyde d’azote (NO) et une ecto-adénosine diphosphatase (ecto-ADPase). ■ Le

PGI2 : il est produit constitutivement par la cellule endothéliale sous l’action d’agonistes physiologiques et des forces de frottement du sang sur la paroi. Sa production augmente sous l’influence d’agonistes cytokiniques et de facteurs de croissance. Le PGI2 bloque activation, sécrétion et agrégation plaquettaire, induit la relaxation des cellules musculaires lisses et limite l’adhésion des leucocytes aux cellules endothéliales.

■ Le

NO : synthétisé sous l’effet de la NO synthase constitutive à partir de la transformation de la L-arginine en L-citrulline, le stimulus physiologique est également les forces de frottement du sang sur la paroi. Le NO libéré est vasodilatateur et inhibiteur de l’adhésion, l’activation, la sécrétion et l’agrégation plaquettaire. Il inhibe l’adhésion des leucocytes aux cellules endothéliales.

■ L’ecto-ADPase

de surface endothéliale (CD39) dégrade l’ADP en AMP limitant le recrutement des plaquettes lorsque celles-ci sont stimulées.

■ Inhibiteurs physiologiques de la coagulation ■ Héparane

sulfate et antithrombine : cofacteur de l’inhibiteur plasmatique physiologique présent dans le plasma, ou antithrombine (AT), l’héparane sulfate, fait partie des protéoglycanes situés à la face luminale des cellules endothéliales. L’AT inhibe le FXIa, IXa, Xa et la thrombine en formant un complexe équimoléculaire inactif. La vitesse de formation de ces complexes est sous la dépendance des héparanes sulfates.

■ Second facteur de l’héparine (HCII) : il s’agit d’un inhibiteur spécifique de la thrombine appartenant à la

même famille que l’AT. Son rôle physiologique est discuté. ■ Thrombomoduline (TM) : il s’agit d’un récepteur membranaire de l’endothélium qui régule l’activation

de la protéine C (PC) par la thrombine. Le système de la protéine C est activé après l’apparition des premières traces de thrombine. La thrombomoduline fixe la thrombine lui faisant perdre ses propriétés procoagulantes et gagner la capacité d’activer la protéine C. Une fois activée, la PCa inactive par protéolyse les facteurs Va et VIIIa en présence d’un cofacteur plasmatique de la PCa appelé protéine S (PS) : les complexes enzymatiques ne pouvant plus se former, la coagulation est ainsi ralentie.

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■ Inhibiteur du facteur tissulaire (TF) : le TFPI (tissue pathway plasma inhibitor) : synthétisé par l’endothé-

lium et l’hépatocyte, le TFPI est surtout associé à la membrane endothéliale. Il intervient en se liant au FXa pour bloquer le complexe FVIIa-TF en formant un complexe Xa-TFPI-VIIa-TF. Le TF perd alors sa capacité d’initier la coagulation. ■ Fibrinolyse La fibrinolyse correspond à la solubilisation du thrombus fibrineux par la plasmine normalement générée à partir du plasminogène lié et adsorbé sur la fibrine FIGURE 2 . Le plasminogène synthétisé par le foie a une forte affinité pour la fibrine. La plasmine est générée par clivage peptidique, sous l’action d’activateurs du plasminogène.

Chapitre 11

FIGURE 2 - Composants du système fibrinolytique : activateurs (3 voies d’activation) et principaux inhibiteurs

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tPA : tissue plasminogen activator scu-PA : single chain u-PA (urokinase monocaténaire) Pré-KK : prékallicréine KK : kallicréine ␣2AP : ␣2 antiplasmine PAI-1 : inhibiteur de l’activateur du plasminogène de type 1 TM : thrombomoduline XIIa : facteur Hageman activé HRG : glycoprotéine riche en histidine TAFI : inhibiteur de la fibrinolyse activé par la thrombine

■ Le principal activateur est le t-PA, synthétisé principalement par les cellules endothéliales et sécrété loca-

lement sous l’action de l’histamine, l’adrénaline, la thrombine, le facteur Xa et l’hypoxie.

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■ Le deuxième activateur du plasminogène est l’u-PA ou l’urokinase, synthétisée par de nombreuses cellules :

fibroblastes, cellules épithéliales, placenta. La forme native, pro-urokinase est transformée en urokinase par la plasmine. Le rôle physiologique de l’urokinase est secondaire par rapport au t-PA. Les facteurs contact (FXII, prékallicréine, KHPM) sont également capables d’activer la pro-urokinase. Le thrombin activated fibrinolysis inhibitor (TAFI) est une procarboxypeptidase activée par le complexe thrombine / TM qui dégrade les résidus carboxyl terminaux de la fibrine qui ne peut plus fixer le plasminogène. Il en résulte une limitation de la génération de plasmine et de la fibrinolyse. Il existe aussi des inhibiteurs directs qui neutralisent les traces de plasmines en excès : l’␣2 antiplasmine et l’␣2 macroglobuline. La protéolyse du fibrinogène et de la fibrine par la plasmine conduit à des produits de dégradation de la fibrine (PDF). Parmi eux, les D-dimères sont spécifiques de la dégradation de la fibrine stabilisée. Une élévation des D-dimères plasmatiques signe donc une activation de la coagulation et de la fibrinolyse.

2e partie

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Comment j’explore ?

1. Hémostase primaire L’hémostase primaire fait intervenir l’interaction de trois facteurs principaux : le vaisseau, le sang et les forces hémodynamiques. Les examens biologiques de dépistage utilisent des techniques appréciant de façon globale ces interactions. Les techniques plus spécifiques vont apprécier l’aspect quantitatif et fonctionnel des plaquettes et des facteurs plasmatiques. ■ Interrogatoire Les anomalies constitutionnelles sont exceptionnelles si on excepte la maladie de Willebrand, les thrombopathies sont avant tout acquises, médicamenteuses nécessitant un interrogatoire soigneux à la recherche de prise d’acide acétylsalicylique, d’AINS (flurbiprofène notamment), de dérivés thiénopyridiques (ticlopidine et clopidrogel) de ␤ lactamines à fortes doses et la vérification de l’absence d’insuffisance rénale chronique avec anémie. ■ Examens de dépistage ■ La numération plaquettaire doit être le premier examen avec vérification de l’aspect des plaquettes sur le

frottis. Les automates donnent une mesure du volume plaquettaire moyen (8,9␮3) mais ne donnent aucune information sur la fonction plaquettaire. ■ Le temps de saignement s’effectue in vivo selon diverses techniques : l’incision du lobe de l’oreille (test de

Duke) est abandonnée. La technique d’Ivy 3 points par piqûre sur la face antéro-cubitale de l’avant-bras (normale < 5 min) tend à être remplacée par la technique d’Ivy incision plus standardisée grâce à des dispositifs commerciaux (Simplate I et II, Surgicut …) sous une pression de 4 cm de Hg par un brassard tensionnel (normale inférieure à 8 ou 10 min selon le dispositif). Le temps de saignement est cependant peu reproductible d’un opérateur à l’autre, et surtout s’est constamment révélé inopérant pour prédire le risque hémorragique lors d’une intervention chirurgicale. Il est donc abandonné en pratique courante. ■ Un

■ Les

tests de coagulation explorant la voie endogène (TCA), la voie exogène (TQ) et la fibrinoformation (TT) permettent le dépistage de la maladie de Willebrand de type 1 (allongement du TCA) et les dysfibrinogénémies (allongement de tous les tests).

■ Examens de deuxième intention ■ Les techniques d’enregistrement thromboélastographiques, récemment améliorées par des perfectionne-

Chapitre 11

« temps de saignement » in vitro a été proposé récemment, le PFA-100® (Dade-Behring). Ce test mesure le temps d’occlusion d’un pore sur une membrane recouverte de collagène, en présence de différents agonistes. Il est sensible aux anomalies du facteur Willebrand, mais peu aux anomalies plaquettaires. Comme le temps de saignement, il ne permet pas de prédire le risque de saignement en cas d’intervention. Son utilisation est donc actuellement limitée à l’exploration spécialisée de l’hémostase.

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ments mécaniques, biochimiques et informatiques permettent une nouvelle approche de la formation dynamique du caillot, tenant compte en particulier des plaquettes, et de la fibrinolyse. ■ Tests

d’agrégation plaquettaire : l’agrégation plaquettaire in vitro sous l’influence des principaux inducteurs permet le dépistage des thrombopathies. Elle peut s’effectuer en milieu plasmatique sur plaquettes lavées ou sur sang total. Les principaux activateurs de l’agrégation utilisés sont l’ADP, l’adrénaline, le collagène, le PAFacéther, l’acide arachidonique, la ristocétine, la thrombine.

■ La

cytométrie de flux permet une quantification des glycoprotéines de la membrane plaquettaire (IIb, IIIa, Ib, etc), mais aussi l’étude des granules denses et des granules ␣ par la quantification du F. Willebrand ou du fibrinogène plaquettaire.

■ Tests

d’adhésion des plaquettes in vitro : tests mesurant la sécrétion des plaquettes in vitro (ADP, ATP, sérotonine, PF4, ␤ thromboglobuline). Tests mesurant le métabolisme plaquettaire (TXB2, calcium intracellulaire, AMP cyclique, phosphorylations) sont du domaine de la recherche. Il en est de même des techniques d’exploration électrophorétiques des glycoprotéines plaquettaires. 9

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■ Mise en évidence des anticorps antiplaquettes Il peut s’agir d’iso-anticorps (chez les sujets ayant un déficit congénital en une glycoprotéine plaquettaire), d’allo-anticorps après transfusion incompatible ou d’auto-anticorps, ces derniers reconnaissant le plus souvent les complexes IIb-IIIa ou Ib-IX (PTI, lupus…) ou lors des thrombopénies par anticorps anti-PF4héparine induite par l’héparine non fractionnée. On se contente le plus souvent d’une mesure des immunoglobulines fixées à la surface des plaquettes par ELISA (test de Dixon) pour explorer les thrombopénies auto-immunes et d’un test dépistant les anticorps anticomplexes PF4-héparine pour les thrombopénies induites par les héparines.

2. Coagulation La coagulation est explorée par des tests réalisés sur plasma déplété en plaquettes à partir de sang prélevé sur citrate. L’exploration de la coagulation est réalisée en 2 temps : 3 tests de première intention, TQ, TCA et taux de fibrinogène fonctionnel auquel on adjoint systématiquement la numération plaquettaire. Ces tests sont simples, peu onéreux et automatisables. Les tests de seconde intention permettront d’arriver au diagnostic précis du trouble de l’hémostase. ■ Tests de première intention

FIGURE 1

■ Temps de Quick (TQ)

Le TQ explore le facteur VII et la voie commune. C’est le temps de coagulation d’un plasma citraté, recalcifié, en présence d’un excès de facteur tissulaire (TF) et de phospholipides procoagulants. Le réactif est appelé « thromboplastine » et est extrait de tissus cérébraux humains ou animaux ou préparé par addition de phospholipides à un TF recombinant. Le TQ est sensible au déficit des seuls facteurs VII, X, V, II et fibrinogène. L’excès de phospholipides neutralise une partie des anticorps antiphospholipides. Le TQ standard n’est pas sensible aux anticoagulants circulants de type LA. Il faut utiliser une thromboplastine diluée (temps de thromboplastine dilué ou dTT). Les résultats du TQ sont exprimés par le rapport du temps du malade à celui du témoin (normale = 100%). Ce rapport normalisé ou international normalised ratio (INR) est sans unité. ■ Temps de céphaline avec activateur (TCA)

Le TCA explore la voie intrinsèque (facteurs contact, facteurs antihémophiliques A et B) et la voie commune (facteurs V, X, II et fibrinogène). C’est le temps de coagulation d’un plasma recalcifié en présence de phospholipides, substitut des plaquettes sanguines, après activation complète du système contact de la coagulation. Le réactif phospholipidique est appelé céphaline, de source animale ou végétale. Ce réactif phospholipidique est apporté à une concentration optimale et non en excès. L’activateur est un activateur du système contact de la coagulation : il s’agit soit de particules solides (célite, kaolin, silice), soit d’une forme soluble (acide élagique). Ce test est donc pratiqué en 2 temps. Les principales anomalies mises en évidence par l’allongement du TCA sont les déficits de la voie endogène (FXII, XI, prékallicréine, HMWK, IX, VIII, X, V, II). Seules les hypofibrinogénémies majeures allongent le TCA. L’héparine non fractionnée allonge le TCA. L’hirudine fait de même. Le TCA est sensible à certains anticorps antiphospholipides, mais ce test ne détecte que un LA sur deux. ■ Taux de fibrinogène fonctionnel

Il s’agit d’une variante du temps de thrombine (TT) peu sensible aux hypofibrinogénémies modérées. Chez un patient sous héparine ou hirudine, le TT n’est pas utilisable. De même une forte hyperfibrinogénémie allonge le TT. Le TCA est utilisé pour la surveillance des héparines non fractionnées, l’INR pour la surveillance des antivitamines K. En ce qui concerne les héparines, elles peuvent aussi être détectées et mesurées dans le plasma par des tests de mesure de l’activité anti-X activé, puisque toutes les héparines, non fractionnées ou fractionnées ont une activité de ce type. Il faut cependant bien noter que le standard et la zone thérapeutique sont différents entre ces 2 types d’héparine (zone d’anticoagulation efficace 0,3 à 0,6 UI/ml pour l’héparine non fractionnée, et 0,5 à 1 UI/ml pour les héparines de bas poids moléculaire). ■ Principaux tests de deuxième intention Ils visent à identifier précisément une anomalie de la coagulation et, si possible, la quantifier. Il peut s’agir d’un déficit en facteur ou d’un inhibiteur.

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■ Ainsi la mesure d’un facteur de coagulation interférant avec le TQ ou le TCA repose sur un principe sim-

ple : mesure du TQ ou du TCA avec le plasma du patient dilué dans un plasma réactif sélectivement dépourvu du facteur à mesurer. Les taux sont exprimés en pourcentage de la valeur normale. ■ Les

tests permettant d’identifier un inhibiteur acquis de la coagulation sont mis en œuvre lorsque le mélange volume à volume d’un plasma témoin normal avec le plasma du patient ne permet pas de corriger le temps de coagulation allongé (habituellement le TCA). On distingue le groupe des antiphospholipides ou LA et les anticorps neutralisant l’un ou l’autre des facteurs de la coagulation.

■ LA : le dépistage repose sur une batterie de tests puisque le TQ n’est pas approprié et que le TCA ne détecte

qu’un LA sur deux (habituellement les antiprothrombines). La sensibilité des tests est accrue par la réduction de la concentration en phospholipides : on utilise ainsi l’activation du système contact sans addition de céphaline (temps de kaolin) ou l’activation de la prothrombine par la thromboplastine diluée (dTT) ou divers venins de serpent en présence d’une concentration limitante de phospholipides (venin de vipère Russell dilué = dRVVT ; temps de Textarine, temps de venin de vipère Taipan). Le dRVVT détecte essentiellement les LA dépendant des anti-␤2GPI. L’addition d’un excès de phospholipides dans le système réactif neutralise partiellement ou totalement l’allongement du temps de coagulation (la FIGURE 3 résume le dépistage et l’identification d’un LA).

Chapitre 11

FIGURE 3 - Approche schématique pour la détection des LA (anticoagulants lupiques)

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TTD : temps de thromboplastine dilué PNP : platelet neutralization procedure dRVVT : diluted Russel viper venom time KCT : kaolin clotting time

TCA : temps de céphaline avec activateur PL : phospholipides CL : cardiolipine LA : lupus anticoagulant

■ Anticorps neutralisant un facteur de coagulation (anti-VIII acquis par exemple). Il existe un déficit isolé

en un facteur de la coagulation et le plasma contient une immunoglobuline neutralisante. Il est souvent nécessaire d’incuber de façon prolongée (2h à 37°C) le mélange plasma malade + témoin avant de pratiquer le TCA et de dissocier les complexes antigène anticorps par une incubation 2h à 56°C. L’effet inhibiteur n’est jamais neutralisé par un excès de phospholipides. 11

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■ Inhibiteurs de la fibrinoformation. Ils vont allonger le temps de thrombine (TT) lorsque le taux de fibri-

nogène est dans les limites de la normale. Les inhibiteurs les plus puissants sont l’héparine : on détectera l’héparine en la neutralisant par la protamine ou par un temps de reptilase qui est insensible à l’héparine, enfin par la mesure de l’activité anti-Xa. Les inhibiteurs de polyméralisation des monomères de fibrine sont les concentrations élevées des produits de dégradation de la fibrine et du fibrinogène (PDF) en cas de fibrinolyse aiguë : ils allongent le temps de reptilase. ■ Divers tests d’usage courant pour explorer la coagulation ■ L’existence d’une activation anormale de la coagulation dans la circulation peut être détectée en pratique

par dosage des D-dimères issus de la dégradation de la fibrine, sans réaction croisée avec le fibrinogène. Les techniques les moins sensibles (agglutination de particules de latex en présence de dilutions croissantes de plasma) sont bien adaptées à la détection d’une coagulation intravasculaire disséminée. Les techniques les plus sensibles (ELISA ou équivalentes) sont adaptées à l’élimination d’un processus thrombotique chez des patients ne présentant pas de signe clinique évocateur de thrombose. ■ Mesure des complexes solubles formés par l’association entre monomères de fibrine et molécules de fibri-

nogène ou PDF. Compte tenu de nombreuses causes d’erreur ce dosage n’est qu’un élément d’appoint pour le diagnostic de coagulopathie de consommation. ■ Exploration des systèmes inhibiteurs physiologiques de la coagulation antithrombine (ATIII), protéine C,

protéine S favorisant les thromboses. Ces systèmes n’ont aucune influence sur les résultats des tests de première intention et nécessitent donc un test spécifique.

3. Fibrinolyse Il existe des variations circadiennes importantes de l’activité fibrinolytique plasmatique et des perturbations exercées par l’activité physique, l’alcool, le café, la stase veineuse, l’inflammation. On distingue les tests globaux et les tests analytiques. ■ Tests globaux Citons : ■ le temps de lyse du caillot de sang total ou plus rapidement en utilisant du sang dilué (test de Fearnley) ■ le temps de lyse d’un caillot d’euglobulines (test de von Kaula) ■ mesure de la surface de lyse d’un film de fibrine standard ■ le test de génération de D-dimères après coagulation de sang total natif ■ sans oublier le dosage du fibrinogène par une technique chronométrique (von Clauss)

Le test de lyse des euglobulines, en pratique seul réalisé habituellement (en plus du dosage du fibrinogène) donne un résultat assez tardif (s’il est normal, le temps de lyse in vitro est de plus de 2 heures). De plus ce test est peu sensible. ■ Tests analytiques Citons : ■ le dosage du plasminogène fonctionnel ou pondéral ■ le dosage des activateurs du plasminogène (tPA) fonctionnel ou pondéral (ELISA) ■ le dosage des inhibiteurs de la fibrinolyse qu’il s’agisse des anti-activateurs du plasminogène (PAI-1) avec

un dosage fonctionnel ou pondéral (ELISA) ou du dosage de l’␣2 antiplasmine ■ le dosage des produits de dégradation du fibrinogène (PDFg) sériques ou plasmatiques pour le diagnostic

de CIVD 12

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■ le dosage des produits de dégradation de la fibrine (PDFi) par agglutination ou ELISA est utile dans l’ap-

proche diagnostique de la maladie thrombo-embolique avec de nombreuses causes d’erreur à connaître : inflammation, grossesse, période post-opératoire, hématome…

4. Marqueurs explorant le rôle de l’endothélium dans l’hémostase et la fibrinolyse ■ Le facteur Willebrand (FW) : se mesure indirectement par le temps de saignement et une méthode d’agrégation plaquettaire quantitative (à la ristocétine). La mesure directe immuno-enzymatique (ELISA) est la plus simple. Le FW s’élève dans toutes les atteintes de l’endothélium vasculaire, mais son dosage manque de spécificité du fait de son origine également plaquettaire. Un dosage dynamique est possible après perfusion de DDAVP (Minirin®). ■ La thrombomoduline (TM) : ce cofacteur d’activation de la protéine C par la thrombine est également présent dans les plaquettes et les cellules non vasculaires. Un dosage ELISA permet de doser la forme soluble circulante qui est augmentée dans les pathologies associées à l’atteinte de l’endothélium. ■ L’activateur tissulaire du plasminogène (tPA) et son inhibiteur (PAI-1) : le tPA sanguin d’origine essentiellement endothéliale est dosé par ELISA ou par techniques fonctionnelles photométriques. Le dosage permet le dépistage des états d’hypofibrinolyse. Le PAI-1 est synthétisé par l’endothélium, mais aussi les plaquettes, les monocytes. Son dosage est réalisé par ELISA ou par des techniques fonctionnelles. Son taux varie durant le nycthémère (maximal le matin) et il existe une corrélation entre son taux et divers facteurs de risque d’accidents thrombotiques au cours de l’athérosclérose (âge, obésité, triglycérides, insuline…).

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L’exemple des anomalies de l’hémostase dans les maladies inflammatoires

1. Le syndrome des antiphospholipides Il s’agit d’une affection primitive ou secondaire (le plus souvent dans le cadre d’une connectivite, lupus ou syndrome lupique) caractérisée par un ou plusieurs épisodes de thrombose veineuse et/ou artérielle et/ou capillaire et/ou d’évènements obstétricaux, dominés par les fausses couches répétées ou les morts fœtales tardives, associés à la présence d’auto-anticorps antiphospholipides mesurés soit par ELISA (anti-CL IgG ou IgM, anti-␤2 GPI IgG ou IgM), soit par les méthodes d’hémostase mettant en évidence un anticoagulant circulant de type LA FIGURE 3 . Des critères de classification ont été proposés en 1990 et révisés en 2006 TABLEAU 2 . D’autres méthodes ont pu être utilisées pour la mise en évidence de ces auto-anticorps, mais leur utilisation n’a pas été retenue du fait d’une sensibilité insuffisante : citons les tests d’agglutination type VDRL pour le diagnostic de la syphilis dont le réactif contient des phospholipides. TABLEAU 2 - Critères de classification révisés du syndrome des antiphospholipides Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) est présent si le patient répond au moins à un critère clinique et un critère biologique parmi les suivants (le délai entre critère clinique et critère biologique ne doit pas être inférieur à 12 semaines ou supérieur à 5 ans). Critère clinique 1. Thrombose vasculaire : un ou plusieurs épisodes cliniques de thrombose artérielle, veineuse (phlébite superficielle exclue) ou des petits vaisseaux touchant tout tissu ou organe confirmé objectivement (imagerie ou histologie) 2. Grossesse morbide ■ Une ou plusieurs morts fœtales inexpliquées d’un fœtus normal après la 10ème semaine de gestation ■ Une ou plusieurs naissances prématurées avant la 34ème semaine de gestation liée : • Soit à une éclampsie ou pré-éclampsie sévère • Soit à des signes reconnus d’insuffisance placentaire • Soit au moins 3 fausses-couches spontanées consécutives précoces avant la 10ème semaine de gestation sans anomalie maternelle anatomique, hormonale ou chromosomique Critère biologique 1. Présence d’un anticoagulant circulant (LA) dans le plasma à 2 occasions séparées d’au moins 12 semaines détecté selon les recommandations de la Société Internationale d’Hémostase et de Thrombose 2. Présence d’anticardolipine d’isotype IgG ou IgM dans le sérum ou le plasma à taux moyen ou élevé (en général > 40 UGPL ou MPL ou > 99ème percentile) à deux occasions séparées par au moins 12 semaines, mesurés par un test ELISA standardisé 3. Présence d’anti-␤2GPI d’isotype IgG ou IgM dans le sérum ou le plasma (à un titre > 99ème percentile) à deux occasions séparées par au moins 12 semaines, mesurés par un test ELISA standardisé

■ Le diagnostic biologique ■ La

séquence des tests d’hémostase servant à la mise en évidence d’un LA est résumée dans la FIGURE 4 . L’allongement des tests de coagulation du mélange malade + témoin doit répondre à un temps plancher qui varie selon le test utilisé. Pour le TCA, on calcule l’indice de Rosner : [M+T] – [T] x 100 Supérieur à 15 : cet indice est évocateur d’anticoagulant circulant. M Pour le TTD et le dRVVT, on calcule le rapport [M+T] M

Supérieur à 1,2 : il est considéré comme positif pour un anticoagulant circulant.

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■ Les dosages ELISA, plus sensibles que les tests d’hémostase, utilisant soit de la cardiolipine tamponnée en

sérum de veau, soit un des cofacteurs protéiques liés aux phospholipides comme la ␤2GPI ou la prothrombine. Il y a habituellement une bonne corrélation entre la présence d’anti-␤2GPI et la présence d’un LA détecté par le test dRVVT (30% des LA) et cliniquement la survenue d’accidents de thrombose. Environ 2/3 des LA dépendent de la prothombine et sont détectés par le test KCT FIGURE 4 . La relation entre les anticorps antiprothrombine détectés par ELISA et les accidents de thrombose est inconstante et dépend probablement du type d’anticorps puisque certains détectent la prothrombine seule et d’autres le complexe formé avec la phosphatidyl sérine. D’autres cofacteurs protéiques des phospholipides sont parfois la cible des anticorps antiphospholipides TABLEAU 3 .

FIGURE 4 - Classification des anticorps antiphospholipides et interclassement avec les anticoagulants circulants de type lupique (LA)

TABLEAU 3 - Principaux cofacteurs protéiques des APL ␤2 glycoprotéine I (␤2GPI)

Prothrombine

Annexine V

Protéine C

Facteur H du complément

Protéine S

Kininogène de haut PM

Facteur XI

Kininogène de bas PM

C4b-BP

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■ La physiopathologie des thromboses au cours du SAPL Il est encore difficile de comprendre la relation existant entre anticorps antiphospholipides/LA et thromboses ou accidents obstétricaux. La ␤2GPI a été impliquée dans divers processus de la coagulation et de la fibrinolyse TABLEAU 4 . Cependant les rares déficits congénitaux en ␤2GPI ne s’associent pas à un phénotype de thrombophilie. Les modèles expérimentaux murins de SAPL obstétrical et thrombotique ont mis en évidence le rôle possible des complexes ␤2GPI- anti␤2GPI dans l’activation de la voie classique du complément avec amplification des phénomènes inflammatoires via la voie alterne. Il en résulte une production élevée de C5a (anaphylatoxine) qui active les polynucléaires, les monocytes et les plaquettes via leur récepteur C5aR. Ceci entraîne une réaction inflammatoire tissulaire (placenta) et une majoration de la taille du caillot FIGURE 5 .

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TABLEAU 4 - Principales fonctions de la ␤2GPI • Inhibition de l’activation par contact de la voie intrinsèque de coagulation • Inhibition de l’activité prothrombinase des plaquettes • Inhibition de l’agrégation plaquettaire à l’ADP • Inhibition de l’activation du facteur XII par kaolin ou acide élagique • Inhibition de l’activation de la prékallicréine médiée par le FXIIa • Inhibition de la génération du FXa par les plaquettes • Inhibition de l’autoactivation du FXII plasmatique • Inhibition du complexe prothrombinase FVa dépendant et potentialisation de la production de thrombine en présence de la protéine C activée • Inhibition de l’activation procoagulante en inhibant l’activité de la protéine C activée • Inhibition de la protéine S libre (active) en favorisant sa liaison à la C4BP • Favorise l’épuration des cellules en apoptose.

FIGURE 5 - Rôle de l’activation du complément dans les pertes fœtales induites par les anticorps antiphospholipides

2. La microcirculation sclérodermique Les facteurs vasculaires jouent un rôle prépondérant dans la pathogénie de la sclérodermie systémique. Le spasme artériel et artériolaire puis la prolifération myointimale peuvent conduire à une occlusion artérielle et sont impliqués dans la survenue du syndrome de Raynaud, mais également dans les atteintes viscérales notamment cardiaques et rénales. ■ Phénomène de Raynaud Il inaugure la maladie dans 90 à 95% des cas et précède de plusieurs années la fibrose cutanée ou viscérale. ■ Anomalies capillaroscopiques Les anomalies morphologiques au lit de l’ongle sont rassemblées sous le nom de micro-angiopathie organique : il s’agit d’abord d’un élargissement des boucles vasculaires jusqu’à la constitution de mégacapillaires. La néoangiogénèse se traduit par la formation de néocapillaires en forme de ramifications en « buisson ». S’y associent volontiers des hémorragies capillaires. Tardivement la densité des capillaires diminue, aboutissant 16

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à des zones avasculaires désertes. Les principales anomalies capillaroscopiques de micro-angiopathie organique sont résumées dans le TABLEAU 5 ainsi que leur fréquence dans les sclérodermies systémiques. TABLEAU 5 - Les anomalies capillaroscopiques au cours des sclérodermies sytémiques

Quantitatives

Diminution du nombre d’anses/mm < 9

90%

Plage déserte

60%

Augmentation du nombre d’anses

Dystrophie

Dilatation des anses sans mégacapillaires

Anomalies des capillaires

Mégacapillaires

60%

Télangiectasies Qualitatives Anses filiformes Capillaires régressifs

40%

Anses longues Micro-anévrismes Néogénèse capillaire

Anomalies des espaces péricapillaires

Hémorragies

50%

Œdème

60%

Exsudat

30%

Sueur Anomalies de la teinte de fond

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Chapitre 11

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Proéminence des plexus veineux sous papillaires

Anomalies de l’écoulement sanguin

Anomalies au froid

Stase Phénomène de sludge

20%

Phénomène d’extinction

■ Anomalies histologiques Les artérioles (50 à 500 microns) et les capillaires sont le siège des lésions histologiques de sclérodermie : un infiltrat mononucléé de cellules inflammatoires est observé au premier temps de la maladie, associé à un œdème du tissu sous-cutané et une augmentation de glycosaminoglycanes. Dans les petites artères, la 17

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limitante élastique interne et la média sont normales, alors que l’intima est le siège d’une prolifération mucoïde et oedémateuse concentrique. Les cellules intimales prolifèrent et présentent une ultrastructure proche des cellules musculaires lisses (cellules myointimales). À un stade plus avancé, on trouve une fibrose intimale sévère faite de collagène, un rétrécissement de la lumière vasculaire avec parfois une oblitération. L’étude ultrastructurale des capillaires montre une vacuolisation des cellules endothéliales, une dégénération granuleuse des noyaux, de la nécrose cellulaire, des trous entre les cellules endothéliales et une duplication des membranes basales. La rupture de la continuité endothéliale est associée à des obstructions vasculaires. Il s’ensuit une perméabilité accrue avec formation d’infiltrats périvasculaires faits de lymphocytes T (CD4+ surtout) et de monocytes-macrophages. Ces aspects histologiques précèdent habituellement le développement de la fibrose, soulignant le rôle initiateur probable de la lésion vasculaire qu’il s’agisse des vaisseaux du derme ou de ceux des poumons et du cœur. ■ Pathogénie ■ Lésion

endothéliale : à l’origine de l’atteinte endothéliale, on incrimine le rôle d’un facteur sérique cytotoxique : non tant des anticorps anti-endothélium fixant le complément qu’une protéase type granzyme-A issue de lymphocytes T activés. D’autres facteurs cytotoxiques ont été incriminés : LTB4 et radicaux oxygénés issus des cellules inflammatoires locales : monocytes produisant des cytokines IL1, TNF␣, des anions superoxydes. Sous l’influence de ces cytokines, les cellules endothéliales expriment des molécules HLA de classe I et de classe II (devenant alors des cellules aptes à présenter l’antigène) ainsi que des molécules d’adhésion ICAM-1, ELAM-1, importantes pour l’adhésion des lymphocytes T et des cellules NK et LAK (lymphokine activated killer cell). Elle produisent du PDGF, mitogène pour les cellules musculaires lisses et les fibroblastes. Le TGF␤, puissant agent fibrosant, inhibe in vitro la prolifération des cellules endothéliales par une action à la fois cytostatique et cytolytique.

■ Angiogenèse : les sérums de sclérodermies diffuses augmentent la production de cytokines proangiogéni-

ques par des cellules mononucléées de sujets normaux alors que les sérums de sclérodermies limitées sont capables de diminuer l’angiogenèse. Ces modifications de l’angiogenèse sont pilotées par le FGF et le TGF␤. Le contact cellulaire entre endothélium et cellules musculaires lisses active le TGF␤, lequel inhibe la croissance des cellules endothéliales. ■ Activation plaquettaire : la lésion endothéliale libère divers facteurs activateurs des plaquettes dont le PAF

favorisant l’adhésion des plaquettes qui vont s’activer pour s’agréger, relâchant le contenu de leurs granules (ADP, ATP, PF4, TXA2, PDGF, TGF␤) qui vont activer les cellules musculaires et les fibroblastes. ■ Contrôle

du tonus vasculaire : l’endothélium contribue à la régulation de la contraction et relaxation des cellules musculaires lisses lésées : PGI2 et NO sont vasorelaxants, l’endothéline est vasoconstrictive. Les neuropeptides, telle la substance P, agissent en favorisant la production du NO, le peptide apparenté au gène de la calcitonine agit directement en relaxant la cellule musculaire lisse. L’endothéline élevée et le NO abaissé au début de la sclérodermie contribuent au vasospasme et à l’hypertrophie des cellules musculaires lisses.

■ Coagulation et fibrinolyse : l’exposition des cellules endothéliales à l’IL1 et au TNF␣ entraîne une augmen-

tation de l’activité du TF (facteur tissulaire) et une diminution de la voie de la protéine C. L’activité procoagulante du FV est augmentée. Le facteur Willebrand multimérique est relâché en quantité, favorisant l’adhésion des plaquettes. La sécrétion de l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène (PAI-1) est augmentée. Les cellules endothéliales secrètent du PAF qui active plaquettes, neutrophiles et basophiles. Les modifications des protagonistes de la fibrinolyse sont difficiles à schématiser car peu perturbées. ■ Inflammation : interférons et TNF␣

induisent l’expression des molécules HLA de classe I par les cellules endothéliales. L’IFN␥ induit l’expression des molécules de classe II. ICAM-1, ELAM-1 et VCAM-1 sont exprimés sous l’influence de l’IL1, le TNF␣, la substance P, les mastocytes. Ils favorisent le contact avec les lymphocytes T, les monocytes mais aussi les polynucléaires. Les intégrines ␤1 et ␤2 sont augmentées sur les lymphocytes des sclérodermies diffuses débutantes. ICAM-1 est exprimé par les fibroblastes et les cellules endothéliales ainsi que ELAM-1. L’IL4 possède des propriétés profibrosantes importantes, comme le TGF␤, le PDGF, le CTGF (connective tissue growth factor). La FIGURE 6 schématise la physiopathogénie de la sclérodermie systémique autour de 3 composantes vasculaire, leucocytaire et fibroblastique.

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3. Hémophilie acquise ■ Généralités Elle est la conséquence de la production d’auto-anticorps. On distingue les anti-VIII, les plus fréquents, les anti-IX et les inhibiteurs du facteur Willebrand. Il s’agit habituellement d’IgG anti-VIII, plus rarement d’IgM ou d’IgA. Les anti-IX sont exclusivement des IgG.

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FIGURE 6 - Physiopathogénie de la sclérodermie systémique

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■ Clinique Le tableau clinique est dominé par les accidents hémorragiques souvent graves, voire mortels. Les hémarthroses sont rares, contrairement à l’hémophilie congénitale. ■ Étiologie Le contexte clinique varie selon le type d’hémophilie acquise : ■ Les anti-VIII ont été décrits chez des sujets présentant :

• Une pathologie auto-immune comme le LED ou surtout la polyarthrite rhumatoïde ; plus rarement le syndrome de Sjögren ou un SAPHO 19

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• Des manifestations dermatologiques : psoriasis, pemphigus, pemphigoïde bulleuse, épidermolyse bulleuse

• Des hémopathies malignes : lymphome, myélome, leucose • Des cancers solides : pancréas, colon, poumon, rein • Des maladies respiratoires • Un diabète • Au cours de divers traitements : antibiothérapie, sulfamides, phénitoïne, phelylbutazone, interféron • Au cours du post-partum, immédiatement ou à distance • Au cours de la réaction chronique du greffon contre l’hôte Dans 50% des cas, aucune cause n’est retrouvée : il s’agit habituellement de sujets de plus de 50 ans. ■ Les anti-IX sont décrits au cours de maladies auto-immunes, mais aussi la maladie de Gaucher, une infec-

tion (fièvre Q, RAA, hépatite virale), et dans les suites du post-partum. ■ Les antifacteurs Willebrand constituent un groupe complexe où la production d’un auto-anticorps n’est

qu’un des mécanismes expliquant la neutralisation de l’activité Willebrand. ■ Diagnostic L’hémophilie acquise est soupçonnée devant un TCA allongé avec un TQ et un TT normaux. L’allongement du TCA n’est pas corrigé par le mélange du plasma malade avec un plasma témoin. Après chauffage à 56°C 3 minutes et l’incubation à 37°C (2 heures ou 30 minutes) du mélange malade + témoin, on dose l’activité VIII ou IX résiduelle (habituellement <1%). Un inhibiteur du facteur Willebrand sera évoqué devant un TS allongé, une diminution du facteur VIII coagulant, de l’antigène Willebrand et du cofacteur de l’agrégation à la ristocétine. ■ Évolution sous traitement On distingue le traitement en urgence des complications hémorragiques et le traitement à long terme d’éradication. ■ En urgence, on fera appel à la transfusion du facteur VIII ou à des concentrés de facteurs activé (FEIBA®)

en cas de complications hémorragiques avec un risque de transfusion inefficace si l’inhibiteur est très puissant. On peut aussi court-circuiter la voie du FVIII en transfusant du FVIIa recombinant (Novoseven®). ■ Le traitement d’éradication fait appel à des méthodes d’immunosuppression, voire à des méthodes de plas-

maphérèses ou d’immuno-adsorption. Les immunosuppresseurs proposés ont été la ciclosporine, et plus récemment le rituximab (375 mg/m2/semaine x 4 semaines) et si le taux d’inhibiteur n’a pas baissé après 4 semaines, l’adjonction de prednisone (1 mg/kg) et de cyclophosphamide 100 mg/j p.o. Ce protocole (non validé) pourrait, en cas d’échec, être remplacé par d’autres immunosuppresseurs incluant le mycophénolate, la ciclosporine A, l’azathioprine, la vincristine et la 2-chlorodeoxyadénosine. Les hémophilies aiguës du post-partum ne nécessitent que rarement une thérapeutique aussi lourde car elles sont souvent transitoires avec 97% d’évolution favorable.

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Traitements pour réguler l’hémostase et les anomalies vasculaires : l’exemple de traitements antithrombotiques

Quel est l’effet des traitements classiques ? ■ Traitements antithrombotiques Il s’agit avec ces classes médicamenteuses de traitements préventifs ou curatifs des évènements thrombotiques veineux ou artériels. On distingue 3 classes de molécules spécifiquement dirigées contre l’agrégation plaquettaire, la coagulation ou la stimulation de la fibrinolyse. ■ Molécules affectant la réactivité plaquettaire

• Acide acétyle salicylique (AAS) et AINS Ces molécules inhibent la cyclo-oxygénase plaquettaire, donc la production de TXA2. L’AAS inhibe la COX-1 de façon irréversible en l’acétylant. Les AINS inhibent de façon réversible la COX-1 et la COX-2. Les anti-COX-2 inhibent électivement la synthèse de PGI2 endothéliale sans toucher la synthèse de TXA2 et ne peuvent revendiquer une activité anti-agrégante. Ils ont été rendus responsables d’une surmortalité cardiovasculaire, mais leur responsabilité n’est sans doute pas élective et les AINS anti-COX non sélectifs type diclofénac ont sans doute la même morbidité. • Thiénopyridines Il s’agit de la ticlopidine (Ticlid®) et du clopidogrel (Plavix®) qui inhibent l’agrégation plaquettaire induite par l’ADP en bloquant de façon irréversible le récepteur P2Y12, empêchant la liaison du fibrinogène à son récepteur. • Anti-GP IIb-IIIa Cette classe d’antiplaquettaires comprend des inhibiteurs non-sélectifs (abciximab : Reopro®) et des inhibiteurs sélectifs avec les désintégrines (eptifibratide : Integrilin®) et les peptidomimétiques (tirofiban : Agrastat®) utilisés dans les syndromes coronariens aigus. ■ Molécules affectant la coagulation plasmatique

Cette catégorie comporte des inhibiteurs de la thrombine (IIa) et du facteur Xa non-sélectifs ou sélectifs et les antivitamine K qui inhibent la ␥-carboxylation, précurseurs des facteurs II, VII, IX, X de la protéine C et S. Les molécules induites ou PIVKA sont biologiquement inactives. • Antivitamine K Entrent dans cette catégorie les dérivés coumariniques (Sintron®, Coumadine® et Apegmone®) et les dérivés de l’indanedione (Pindione®, Préviscan®). • Héparines Elles sont constituées d’un enchaînement linéaire de glucosamine et d’acide glycuronique sulfatés. • Le PM varie de 5000 à 30000. Une séquence spécifique de 5 sucres permet la liaison à l’antithrombine dont le changement de conformation accélère l’interaction avec les facteurs IIa, Xa, mais aussi IXa, XIa, XIIa. • Les héparines fractionnées, dites de bas poids moléculaire (HBPM) ont un PM entre 2000 et 10000. Celles dont le PM est inférieur à 5400 n’ont pas d’activité anti-IIa, mais inhibent exclusivement le FXa. La plupart des spécialités sont des HBPM d’extraction de tissu animal sauf le fondaparinux (Arixtra®), pentasaccharide de synthèse ayant une activité anti-Xa exclusive, indiqué en première intention dans le traitement curatif des TVP et des embolies pulmonaires. • Autres molécules à activité anti-Xa Le danaparoïde (Orgaran®) est un mélange d’héparan sulfate, de dermatan sulfate et de chondroïtine sulfate. Il est le chef de file des héparinoïdes. • Molécules à activité antithrombine (FIIa) • Les hirudines : l’hirudine est un polypeptide extrait de la salive de sangsue médicinale et obtenue par génie génétique. Deux étaient utilisées : le Refludan® et le Revasc®. Leur place est aujourd’hui réduite. • Le mélagatran et le ximélagatran (Exanta®) s’administrent par voie parentérale pour le premier et orale pour le second. La toxicité hépatique limite considérablement leur utilisation.

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■ Médicaments activant la fibrinolyse (thrombolytiques)

La thrombolyse s’adresse aux thromboses récentes pour restaurer la perméabilité vasculaire. On distingue les activateurs agissant indifféremment sur le plasminogène libre et/ou lié à la fibrine, et d’autre part les activateurs sélectifs du plasminogène lié à la fibrine. • Activateurs agissant sur le plasminogène libre ou lié Entrent dans cette catégorie : • la Streptokinase® • l’Urokinase® • l’Eminase® ou APSAC (complexes streptokinase acylée/lys-plasminogène) • Activateurs sélectifs du plasminogène lié à la fibrine Il s’agit de : • l’activateur tissulaire du plasminogène (tPA) obtenu par génie génétique sous forme monocaténaire (Actilyse®) ou bicaténaire (duteplase et retaplase) • la pro-urokinase recombinante, précurseur monocaténaire obtenu par génie génétique (saruplase).

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Synthèse

Les points forts Endothélium C’est un acteur essentiel dans les phénomènes d’hémostase (hémostase primaire, coagulation, fibrinolyse) et de thrombose : les premières étapes se dérouleront à la surface phospholipidique modifiée de la cellule endothéliale. La cellule produit à la fois des facteurs procoagulants et anticoagulants. Interactions entre hémostase et vasomotricité Il existe une multiplicité d’interactions entre hémostase et vasomotricité, les mêmes médiateurs intervenant dans les deux domaines simultanément. Endothélium et activation plaquettaire L’endothélium produit 3 inhibiteurs importants de l’activation plaquettaire : le PGI2, le monoxyde d’azote (NO) et une ecto-adénosine diphosphatase (ecto-ADPase). Dimères La protéolyse du fibrinogène et de la fibrine par la plasmine conduit à des produits de dégradation de la fibrine (PDF). Parmi eux, les D-dimères sont spécifiques de la dégradation de la fibrine stabilisée. Une élévation des D-dimères plasmatiques signe donc une activation de la coagulation et de la fibrinolyse. Hémophilie acquise L’hémophilie acquise est soupçonnée devant un TCA allongé avec un TQ et un TT normaux. L’allongement du TCA n’est pas corrigé par le mélange du plasma malade avec un plasma témoin.

2. Les grandes questions Nouveaux médicaments antithrombotiques Ils ont souvent vu leur développement prématurément arrêté pour des raisons de toxicité (hépatique notamment) ou pour une activité « excessive » (saignements…). C’est le cas des hirudines et d’inhibiteurs directs de la thrombine comme le ximélagatran. Les inhibiteurs du facteur tissulaire (TF) sont en fait peu efficaces. Les inhibiteurs directs du FXa actifs par voie orale semblent plus intéressants. Les molécules antiGPIIb/IIIa anti-agrégants (l’eptifibratide et le tirofiban) semblent pouvoir être utilisés au cours des gestes endo-artériels en cardiologie d’urgence au même titre que l’abciximab. Sclérodermie systémique La sclérodermie systémique cherche encore une thérapeutique efficace sur la fibrose cutanéo-viscérale et la micro-angiopathie. Les traitements actuels actifs sur l’hypertension artérielle pulmonaire feront-ils la preuve d’une efficacité sur la fibrose (pulmonaire, digestive,…) ou doit-on plutôt s’orienter vers des concepts nouveaux et des produits spécifiquement dirigés contre l’hyperactivité des fibroblastes sclérodermiques ?

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Lexique

nticoagulant circulant : il s’agit d’anticorps résultant d’une allo- ou auto-immunisation capables d’interférer avec les tests in vitro de coagulation (et d’hémostase primaire parfois). Certains anticoagulants circulants inhibent une protéine de la coagulation et vont se révéler habituellement par des accidents hémorragiques (antiFVIII par exemple). D’autres vont neutraliser un activateur phospholipidique du réactif utilisé pour tester la coagulation et vont se révéler parfois par des accidents de thrombose répétés (lupus anticoagulant).

A

ellules endothéliales : ensemble de cellules tapissant en une couche unicellulaire la paroi interne des vaisseaux sanguins et lymphatiques, formant l’endothélium. Elles reposent sur une membrane basale continue ou fenêtrée, selon les tissus, dont les constituants ont été élaborés par les cellules endothéliales elles-mêmes.

C

ibrinolyse : ensemble des processus permettant la redissolution de la fibrine formée à l’occasion de la coagulation. Elle permet de limiter l’extension d’un thrombus vers la lumière vasculaire.

F H H

émostase primaire : aboutit au « clou » plaquettaire, insuffisant pour assurer un caillot de bonne qualité.

émostase secondaire : processus d’activation en cascade de facteurs plasmatiques de la coagulation aboutissant à la formation du caillot de fibrine. Ce processus se déroule parallèlement et simultanément à l’hémostase primaire, conduisant au caillot fait de plaquettes agrégées associées dans un réseau de fibrine et amarrées aux parois de la brèche vasculaire. émostase : processus physiologique qui permet de limiter les pertes sanguines provoquées par une effraction vasculaire grâce à la formation rapide d’un caillot.

H T

hrombophilie : situation prédisposant à des accidents de thrombose veineuse et/ou artérielle. Il peut s’agir de déficits congénitaux (AT III, Prot-C, Prot-S, déficit en activateur de Prot-C, …) ou acquis (anticorps antiphospholipides …). Ces états prédisposent également aux complications obstétricales (type prééclampsie, éclampsie, hématome rétroplacentaire, hypotrophie fœtale, morts fœtales tardives…).

7e partie

Pour en savoir plus

■ Dahlback B. Blood coagulation. Lancet 2000;355(9215):1627-32. ■ Drouet L, Ripoll L. [Targets of antithrombotic drugs]. Med Sci (Paris) 2006;22(10):887-94. ■ Girardi G, Redecha P, Salmon JE. Heparin prevents antiphospholipid antibody-induced fetal loss by inhibiting complement activation. Nat Med 2004;10(11):1222-6.

■ Levine JS, Branch DW, Rauch J. The antiphospholipid syndrome. N Engl J Med 2002;346(10):752-63. ■ Ma AD, Carrizosa D. Acquired Factor VIII Inhibitors: Pathophysiology and Treatment. Hematology Am Soc Hematol Educ Program 2006:432-7.

■ Sébahoun G. Hématologie clinique et biologique. Arnette ed; 2005, 2nd edition.

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• Caractéristiques cliniques d’un auto-anticorps

 

09 09

2e partie



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1. Qu’est-ce qu’un auto-antigène ? • Nature et origine d’un auto-antigène • Pourquoi un auto-antigène devient-il immunisant ?

2. Qu’est-ce qu’un auto-anticorps ? • Caractérisation

3. Rôle dans la pathogénie • L’autoréactivité « naturelle » • L’autoréactivité « induite » • L’autoréactivité « pathologique »

4. Valeur clinique des auto-anticorps

Comment j’explore ?

1. Comment rechercher les auto-anticorps ? • Le dépistage en immunofluorescence indirecte • Les techniques d’identification des auto-anticorps

2. Comment interpréter les résultats d’auto-anticorps ?  14 3. Quels outils seront disponibles dans un proche avenir pour la recherche d’auto-anticorps ?  14 • La recherche « combinée » d’auto-anticorps par de nouvelles méthodes : technologie Luminex® et biopuces à antigène  14

3e partie Les auto-anticorps en pathologie



16

• Les anticorps anti-protéines citrullinées dans la PR • Les anticorps anti-actinines dans le lupus

  

16 16 17

2. L’exemple des affections paranéoplasiques



17

1. L’exemple des maladies auto-immunes

Les auto-antigènes et les auto-anticorps

1ère partie Les données fondamentales

Chapitre 12

LES AUTO-ANTIGÈNES ET LES AUTO-ANTICORPS

SOMMAIRE

Chapitre 12

1

L’immunopathologie pour le praticien 2

4e partie

Quels traitements peuvent moduler le taux d’auto-anticorps ?  19

1. Quel est l’effet du traitement classique dans la PR ?



19

2. Quel est l’effet des biothérapies ?



19

3. Quelles sont les nouvelles stratégies qui permettraient de neutraliser les auto-anticorps ?  19

5e partie

Synthèse

1. Les points forts 2. Les grandes questions

6e partie

Pour en savoir plus



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LES AUTO-ANTIGÈNES ET LES AUTO-ANTICORPS Alain Saraux, CHU La Cavale Blanche, Brest Olivier Vittecoq, CHU de Rouen, Rouen

1ère partie

Chapitre 12

Les auto-anticorps sont dirigés contre des auto-antigènes normalement non reconnus, appelés constituants du « soi ». Ils sont des marqueurs et parfois des acteurs des maladies auto-immunes (MAI). Bien comprendre les mécanismes d'auto-immunisation produisant ces auto-anticorps est un pré-requis pour aborder les aspects cliniques des MAI.

■ Nature et origine d’un auto-antigène Les auto-antigènes sont des constituants du soi qui sont reconnus par des auto-anticorps. Il s’agit avant tout de protéines nucléaires, cytoplasmiques ou extracellulaires qui sont, soit structurales (collagène, histones, filaments intermédiaires du cytosquelette…), soit fonctionnelles (immunoglobulines, enzymes [myéloperoxydase, thyroperoxydase…]). Elles peuvent être ubiquitaires ; c’est le cas notamment des antigènes nucléocytoplasmiques FIGURE 1 . En revanche, elles sont, dans certains cas, spécifiques de certains organes ; à titre d’exemples, citons le collagène de type II ou la protéine gp39 (YKL40) du cartilage. Dans certains cas, ces auto-antigènes sont représentés par des acides nucléiques (ADN notamment) ou des phospholipides en sachant toutefois que la structure réagissant avec l’anticorps est souvent un complexe protéine/acide nucléique (par exemple ADN/histone formant le nucléosome) ou protéine/phospholipide (comme glycoprotéine I/ cardiolipine). FIGURE 1 - Antigènes nucléocytoplasmiques

Appareil de Golgi Cytosquelette (actine vimentine)

Lysosomes Réticulum endoplasmique Enzymes nucléocytoplasmiques solubles aminoacyl ARN synthétase (J01, PL7, PL12) topoisomérase 1 (Scl70) cycline (PCNA)

Chapitre 12

1. Qu’est-ce qu’un auto-antigène ?

Les auto-antigènes et les auto-anticorps

1ère partie Les données fondamentales

Nucléole (ARN + protéines [fibrillarine, nucléoline, PM-Scl]) Ribonucléoprotéines solubles (Sm, RNP, Ro, La) Mitochondries

Protéines du centromère Ribosomes Nucléosomes (complexe ADN - histones)

3

L’immunopathologie pour le praticien

■ Pourquoi un auto-antigène devient-il immunisant ? Dans la plupart des maladies auto-immunes, les auto-anticorps sont dirigés contre des protéines le plus souvent ubiquitaires, intracellulaires et intervenant dans des processus physiologiques. Ces protéines deviennent en règle immunogènes au cours d’une dysrégulation de l’apoptose (mort cellulaire programmée) qui met en jeu 2 processus distincts mais souvent associés. Le premier consiste en la translocation des auto-antigènes intracellulaires à la surface de la membrane cellulaire des cellules apoptotiques où ils deviennent plus accessibles au système immunitaire. Ces antigènes intracellulaires, qui sont normalement « invisibles » pour le système immunitaire, sont appelés auto-antigènes cryptiques. C’est le cas des anticorps anti-phospholipides dont la production semble être la conséquence d’une exposition anormale au système immunitaire des phospholipides anioniques présents dans le feuillet interne de la membrane cellulaire lors de l’apoptose FIGURE 2 . FIGURE 2 - Présentation au système immunitaire d’épitopes cryptiques ou de protéines modifiées lors d’un processus apoptotique

Antigène intracellulaire cryptique

Apoptose

Protéine cryptique accessible au système immunitaire (LED)

Enzymes (PAD...)

Protéine modifiée (PR, LED...)

Cellule normale

Abréviations : PAD : peptidyl arginine deiminase

Cellule apoptotique

Corps apoptotique

LED : lupus érythémateux disséminé

PR : polyarthrite rhumatoïde

Le deuxième phénomène est lié à des modifications post-traductionnelles des protéines, dont le principe est rappelé dans la FIGURE 3 , qui sont les substrats de protéases activées lors de l’apoptose ou d’enzymes comme les serine-arginine proteines kinases responsables de (dé)phosphorylation, la peptidylarginine déiminase catalysant la citrullination. Certaines de ces modifications semblent caractéristiques d’une MAI donnée FIGURE 3 .

4

ADN Transcription ARN Traduction

1ère partie

FIGURE 3 - Modifications post-traductionnelles des protéines reconnues par certaines populations d’auto-anticorps dans la PR et le lupus

Protéines

Protéines modifiées

Lupus

Protéines citrullinées

PR

2. Qu’est ce qu’un auto-anticorps ? ■ Caractérisation Plus de 200 auto-anticorps sont actuellement décrits. En pratique courante, une stratégie est adoptée pour caractériser les auto-anticorps. La première étape de « dépistage » est en règle représentée par l’immunofluorescence indirecte (IFI) qui permet d’étudier la réactivité d’un sérum sur un grand nombre d’antigènes présents dans un substrat cellulaire ou tissulaire. Le plus souvent, cet examen ne permet pas à lui seul de déterminer la spécificité des auto-anticorps, si bien qu’en cas de réactivité, d’autres tests plus spécifiques, telles l’ELISA ou l’immunodot, seront demandés selon l’aspect de la fluorescence observée. Le meilleur exemple est celui des auto-anticorps anti-nucléocytoplasmiques pour lesquels les images de fluorescence observées donnent une orientation sur l’identité de la cible comme l’illustre la FIGURE 4 . FIGURE 4 - En cas de positivité des anticorps anti-nucléocytoplasmiques, quels anticorps demander ?

Fluorescence observée en cas de positivité des anti-nucléocytoplasmiques Homogène

Mouchetée

Nucléolaire

Cytoplasmique

Anti-ADN natif Anti-histones (anti-nucléosome)

Anti-antigènes nucléaires solubles

Anti-PM-Scl

Anti-enzyme (J01) Anti-mitochondries (Mi2)

Anti-nucléoline, Fibrillarine…

Les auto-antigènes et les auto-anticorps

Protéines (dé)glycosylées

Enzymes

Chapitre 12

Phosphoprotéines

Modifications post-traductionnelles

5

L’immunopathologie pour le praticien

De nouvelles populations d’auto-anticorps sont par ailleurs régulièrement identifiées grâce à l’utilisation d’outils technologiques performants que sont l’immunocriblage de banques d’expression d’ADNc et l’analyse protéomique qui a l’avantage, par rapport à l’autre approche, de mettre en évidence des auto-antigènes ayant subi des modifications post-traductionnelles, ce qui est souvent le cas dans les MAI (citrullination dans la PR par exemple). Celle-ci dérive de la classique technique d’immuno-empreinte (ou Western Blot) FIGURE 5A qui comporte différentes étapes : ■ une électrophorèse monodimensionnelle des antigènes en gel permettant de séparer un mélange protéique en fonction de leur masse moléculaire ■ le transfert des protéines du gel sur une membrane de nitrucellulose ■ la mise en évidence de populations d’auto-anticorps (déjà connues ou nouvelles) avec l’identification précise des masses moléculaires des antigènes cibles après incubation des sérums sur les protéines séparées et transférées sur la membrane. S’agissant de l’identification de nouveaux auto-antigènes et de leur caractérisation par analyse protéomique, les étapes précédentes sont semblables à l’exception de l’électrophorèse qui est, cette fois-ci, bidimensionnelle (séparation des protéines selon leur masse moléculaire et leur charge [pI]). La révélation de la réaction antigèneanticorps se traduit ici sous la forme d’un spot qui est excisé du gel, protéolysé par de la trypsine puis analysé par FIGURE 5B la spectrométrie de masse qui permet d’identifier la nature de la protéine (Figure 5b). Cette technique a permis ainsi d’identifier de nouvelles cibles des auto-anticorps dans différentes pathologies auto-immunes comme, par exemple, l’alpha-énolase dans la PR, facilitant ainsi leur diagnostic et/ou leur pronostic ainsi qu’une meilleure compréhension de leur physiopathologie. FIGURE 5A - Technique d’immuno-empreinte (ou Western Blot)

Les protéines, séparées selon leur masse moléculaire dans un gel d’électrophorèse, sont transférées sous l’effet d’un champ électrique sur une membrane de nitrocellulose où leur reconnaissance par les auto-anticorps d’un échantillon biologique se traduit sous la forme de bandes polypeptidiques (illustrées ci-dessus) qui permettent de définir la masse moléculaire des antigènes cibles.

6

La présence d’auto-anticorps dans le sérum des sujets ne signifie pas qu’ils sont pathologiques (c'est-à-dire associés à une MAI) et/ou pathogènes (c'est-à-dire impliqués dans la génèse des lésions cellulaires et/ou tissulaires à l’origine des manifestations cliniques). On distingue schématiquement 3 types d’autoréactivité, naturelle, induite ou associée à une maladie auto-immune. ■ L’autoréactivité « naturelle » se définit par la présence d’auto-anticorps dans le sérum des sujets normaux en dehors de tout processus pathologique. Les auto-anticorps « naturels » sont en règle de classe IgM, polyréactifs (reconnaissant plusieurs antigènes) et de faible affinité pour les antigènes. L’incidence de ces autoanticorps augmente avec l’âge en raison d’une baisse de l’activité suppressive des cellules NK ; c’est ainsi que sont mis en évidence des facteurs rhumatoïdes (FR) de classe IgM (test de fixation du latex), des anti-nucléaires (AAN) et des anti-phospholipides chez les sujets de plus de 60 ans, à une fréquence de 5 à 10%. Enfin, les femmes produisent davantage d’auto-anticorps naturels (rôle favorisant des oestrogènes) que les hommes. ■ L’autoréactivité « induite » résulte, entre autres, de l’activation polyclonale des lymphocytes B. Celle-ci est consécutive, soit à un état inflammatoire chronique lié à une infection chronique bactérienne (endocardite), virale ou parasitaire, avec production le plus souvent de FR mais aussi d’AAN, d’anti-phospholipides, de pANCA,… soit à une exposition à certains traitements (antiarythmiques, antihypertenseurs [␤ bloquants], psychotropes, anticonvulsivants, sulfasalazine, anti-TNF, interférons) induisant l’apparition d’AAN, d’antihistones et/ou d’anti-phospholipides voire de pANCA (minocycline) n’ayant habituellement pas de signification pathologique , ou à des toxiques (colorants, trichloréthylène…).

1ère partie Les auto-antigènes et les auto-anticorps

3. Rôle dans la pathogénie

Chapitre 12

FIGURE 5B - Étapes de l’analyse protéomique

■ L’autoréactivité « pathologique » est celle associée aux MAI. Elle n’est pas nécessairement dissociée de l’autoréactivité « naturelle » car elle résulte généralement d’un processus de sélection médié par l’antigène, qui induit des mutations somatiques au niveau des régions variables des immunoglobulines, conduisant à la production d’auto-anticorps de classe IgG, en règle monospécifiques (se liant à un seul antigène) et de forte affinité. En outre, tous les auto-anticorps pathologiques ne sont pas pathogènes. En effet, la présence d’autoanticorps associée à une connectivite est dans bon nombre de cas qu’un épiphénomène, la production de ces auto-anticorps étant associée à l’activité de la maladie (comme les FR dans la PR), à l’inflammation chronique (cas des pANCA) ou à une réponse auto-immune médiée par les lymphocytes T. En revanche, certains autoanticorps induisent des lésions cellulaires ou tissulaires responsables des manifestations cliniques. Différents mécanismes peuvent être en cause : ■ cytolyse (cytopénies

auto-immunes, en particulier dans l’anémie hémolytique auto-immune induite par les anticorps anti-globules rouges) 7

L’immunopathologie pour le praticien 8

■ inhibition de la fonction d’une molécule (comme celle du récepteur à l’acétylcholine par les auto-anticorps

anti-sous unité ␣ dans la myasthénie, du récepteur de la TSH par les anti-récepteurs de la TSH dans la maladie de Basedow, de la calpastatine dans la PR…)

■ formation de complexes immuns avec activation du complément ■ pénétration intracellulaire des auto-anticorps (même si ce mécanisme est remis en cause par certains)

Parfois, le mécanisme lésionnel n’est pas clairement établi ; c’est le cas de la myocardite du fœtus induite par les anti-Ro/SSA et/ou les anti-La/SSB de la mère avec risque de bloc auriculoventriculaire congénital. Dans le cadre du bloc auriculoventriculaire congénital, un mécanisme physiopathologique a été suggéré récemment. En effet, dans les conditions physiologiques, les cardiocytes du fœtus ont une fonction de phagocytose et sont capables d'éliminer les cardiocytes en phase d'apoptose « naturelle » ou induite par des facteurs exogènes. Le processus apoptotique se caractérise notamment par la translocation à la membrane d'antigènes nucléaires comme les protéines Ro et La, habituellement inaccessibles au système immunitaire. Or, les auto-anticorps anti-Ro et/ou La maternels, qui passent la barrière placentaire, sont capables de se fixer sur les particules apoptotiques recouvertes des antigènes cibles, formant alors des complexes immuns FIGURE 66). Ainsi, la clairance des corps apoptotiques entravant la fonction des cardiocytes « phagocyteurs » (Figure n'est plus assurée par les cardiocytes qui, par ailleurs, ne possèdent pas de récepteurs Fc susceptibles de fixer les complexes immuns. Cette fonction est donc relayée par les macrophages qui sont activés et produisent des cytokines pro-inflammatoires responsables de la myocardite et du TGF-␤ contribuant à la genèse de la fibrose cicatricielle myocardique conduisant aux troubles de conduction observés au niveau du tissu atrioventriculaire. FIGURE 6 - Rôle des auto-anticorps anti-Ro/SSA et anti-La/SSB dans la genèse du bloc auriculoventriculaire congénital

En pratique courante, le dosage d’un auto-anticorps a habituellement 4 intérêts différents : • diagnostic • pronostic • suivi évolutif de la maladie • plus récemment, quelques données préliminaires pourraient suggérer un rôle potentiel des auto-anticorps dans la prédiction de la réponse au traitement. ■ La valeur diagnostique d'un auto-anticorps

La valeur diagnostique d’un auto-anticorps est très liée à sa spécificité. Toutefois, un test très spécifique, quasi pathognomonique d’une maladie, a généralement une faible sensibilité (cas des anti-Sm, antiPCNA dans le lupus). Habituellement, les auto-anticorps dits de débrouillage (FR, AAN, antiphospholipides, ANCA détectés en immunofluorescence) ont une faible valeur diagnostique. Néanmoins, dans une population de rhumatismes inflammatoires débutants « tout venant », les FR offrent un bon compromis sensibilité (60%)/spécificité (80%). En outre, la positivité de ces autoanticorps conduit à la recherche de spécificités antigéniques qui ont une valeur d’orientation diagnostique TABLEAU 1 . Quoi qu’il en soit, un auto-anticorps, considéré isolément, n’a aucune valeur diagnostique absolue, même si certains auto-anticorps sont « plus spécifiques » d’une maladie (exemple des anticorps anti-peptides cycliques citrullinés (anti-CCP) dans la PR). C’est principalement la positivité conjointe de plusieurs auto-anticorps qui a un réel intérêt clinique TABLEAU 1 . À titre d’exemples, la présence conjointe d’anti-nucléaires, d’anti-cardiolipine, d’anti-Ro et d’anti-RNP va orienter vers le diagnostic de lupus ; celle des anti-Ro et des anti-La vers le diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren ; celle des FR et des anti-CCP rendra quasi-certain le diagnostic de PR. Enfin, tout résultat d’auto-anticorps doit être confronté au tableau clinique, sa valeur clinique étant variable selon le contexte clinique.

1ère partie Les auto-antigènes et les auto-anticorps

■ Caractéristiques cliniques d’un auto-anticorps Pour chaque population d’auto-anticorps, il est primordial de définir un seuil de positivité. Celui-ci, qui correspond à la limite supérieure de la normale, est défini comme étant le 95ème ou 99ème percentile de la population normale, certains sujets dits « sains » étant porteurs d’un taux faible d’auto-anticorps. Il peut être exprimé en unités internationales (UI) lorsque la technique est standardisée par rapport à un témoin international ; c’est généralement le cas de la méthode de détection des FR où des taux supérieurs au seuil sont observés chez moins de 5% des sujets normaux. Dans les autres cas, il est exprimé en unités arbitraires ; c’est le cas des auto-anticorps étudiés en recherche où le seuil est souvent établi à partir de courbes « ROC » (receiver-operating characteristic curve) afin de disposer d’un bon compromis sensibilité/spécificité. La pertinence clinique d’un auto-anticorps dépend de sa sensibilité (nombre de tests positifs quand la maladie est présente), sa spécificité (nombre de tests négatifs quand la maladie est absente) et de ses valeurs prédictives positives (probabilité d’avoir la maladie lorsque le test est positif)[VPP] et négative (probabilité de ne pas avoir la maladie lorsque le test est négatif)[VPN]. Toutefois, les VPP et VPN ne peuvent être déterminés que si l’on connaît la prévalence de la maladie à la fois dans la population générale et dans la population consultant pour des symptômes comparables à ceux de la pathologie étudiée.

Chapitre 12

4. Valeur clinique des auto-anticorps

9

+

Syndrome de Gougerot-Sjögren primitif

+

Connectivite mixte

*prévalence dans la PR débutante

Syndrome des antiphospholipides

Vascularite primitive • PAN • Polyangéite microscopique • Wegener

+

+

Sclérodermie systémique Crest syndrome

+

+

+

Polymyosite

+

+

+

+ 30%

Lupus érythémateux disséminé

+ 50%*

+

+ 60%*

Polyarthrite rhumatoïde

Anti-CCP AAN

Connectivite indifférenciée

FR

Auto-anticorps

+

+ 15-100%

ADNn

+

+

Histones Nucléosomes

+ 5-10%

+

+

+

+

Sm PCNA RNP La

+ + 60% 40%

+ + 30% 10%

+ 5%

Ro

+

+

+

PL7, Scl70 JO1 PL12, SRP

Antigènes nucléocytoplasmiques solubles

+

Centromère PR3

<10% + 10% + 50-75% + + 10% 70-90%

MPO

ANCA

+

+

+

+

+ 5-10%

cardiolipide

+

+

+

+

B2Anticoagulant glycoprotéine I circulant

Phospholipides

L’immunopathologie pour le praticien

TABLEAU 1 - Spécificités antigéniques associées aux principales maladies auto-immunes systémiques

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coût (en euros)

Tests d’agglutination • de fixation du latex • de Waaler Rose ou Néphélométrie Immunofluorescence Immunofluorescence ELISA

10,4 10,4 10,4 10,4 10,4 18,9

Anti-DNA natif

Immunofluorescence ou ELISA

10,4 18,9

Anti-antigènes nucléaires solubles (ou anti-ECT) • anti-Sm • anti-Ro • anti-La • anti-RNP • anti-JO1 Anti-histones* Anti-kératine Anti-CCP°

Ouchterlony (immunodiffusion radiale)/ELISA

18,9

ELISA Immunofluorescence ELISA

18,9 10,4 18,9

ANCA • anti-PR3 • anti-Ro anti-␤2 glycoprotéine I°

ELISA

18,9

ELISA

18,9

Facteurs rhumatoïdes Anti-nucléaires ANCA Anti-cardiolipine dits « plus spécifiques »

° non-inscrit à la nomenclature des actes de biologie médicale au 31 mars 2007 ■ La valeur pronostique des auto-anticorps

En terme de pronostic, les auto-anticorps ont une place importante. En effet, alors que leur association à une pathologie est rarement spécifique, leur lien avec l’atteinte d’un ou plusieurs organes susceptibles, dans certains cas, d’engager le pronostic vital ou fonctionnel, semble plus étroit. Ainsi, la positivité de certains auto-anticorps peut être prédictive de l’apparition de manifestations cliniques potentiellement graves : anti-JO1 et atteinte pulmonaire dans la polymyosite ; anti-ADN double brin et néphrite lupique ; antiMPO et glomérulonéphrite/vascularite pulmonaire ; FR (± anti-CCP) et érosions osseuses dans la PR… ■ La valeur « évolutive » des auto-anticorps

Au-delà de la valeur pronostique, certains auto-anticorps ont des titres qui fluctuent en fonction de l’activité de la connectivite. C'est notamment le cas des auto-anticorps anti-récepteurs à l'acétylcholine (antiRACH), des anti-PR3 associés à la granulomatose de Wegener et des anti-ADN double brin dans le cadre du LED. Pour certains d’entre eux, l’ascension de leurs titres peut être annonciatrice d’une rechute de la maladie (anti-PR3 et rechute d’un Wegener). Cependant, individuellement, l'interprétation de la fluctuation des taux d'auto-anticorps peut être difficile. Cette fluctuation des taux doit toujours être confrontée à l'évolution clinique.

1ère partie

Méthodes de détection

Les auto-antigènes et les auto-anticorps

Auto-anticorps dits « de débrouillage »

Chapitre 12

TABLEAU 2 - Auto-anticorps pouvant être prescrits en pratique courante face à une maladie systémique

11

L’immunopathologie pour le praticien

2e partie

Comment j’explore ?

1. Comment rechercher les auto-anticorps ? La recherche des auto-anticorps est orientée par le tableau clinique (polyarthrite « nue », polyarthrite avec signes d’orientation extra-articulaires, suspicion de vascularite systémique, contexte de thromboses récidivantes...) FIGURE 7 . Comme nous l’avons évoqué précédemment lors de la caractérisation des auto-anticorps, celle-ci se fait généralement en 2 étapes : • la première étape implique généralement un examen de dépistage, le plus souvent une technique d’immunofluorescence indirecte • la seconde étape est orientée par les résultats du premier test et fait habituellement appel à des méthodes ayant la capacité de caractériser précisément le ou les antigène(s) cibles de ces auto-anticorps ; il s’agit généralement de techniques immuno-enzymatiques de type ELISA ou de l’immunodot, plus rarement de l’immuno-empreinte (ou Western Blot) ou de l’immunodiffusion radiale d’Ouchterlony FIGURE 7 - Principales techniques autres que l’immuno-empreinte ( FIGURE 5A ) utilisées en auto-immunité Coloration du puits Lecture au microscopie à fluorescence

Substrat Enzyme

Lame Cellule HEp2 Technique d’immunofluorescence indirecte (exemple de détection des AAN)

2e étape : anti-sérum marqué par une enzyme 1ère étape : incubation auto-anticorps de líéchantillon à te ster

Anticorps anti-IgG humaine marqué à la fluorescence Auto-anticorps anti-nucléaire de classe IgG

3e étape : révélation par addition du substrat enzymatique

Antigène fixé dans un puits its ) 6 pu ue 9 lastique q a l P ort p p (sup Technique immuno-enzymatique ELISA

Sérum de référence

Arc lié à la réaction antigène auto-anticorps Solution antigénique Identité parfaite

Identité partielle

Non identité

Technique d’immunodiffusion radiale double (Ouchterlony)

■ Le dépistage en immunofluorescence indirecte Cette technique se fait en 2 temps : incubation du sérum sur une coupe tissulaire ou une culture cellulaire déposé dans les puits d’une lame de microscope puis addition d’un antisérum spécifique des Ig humaines marquées par un fluorochrome (souvent l’isothyocyanate de fluorescéine ou FITC). La lecture se fait à l’aide d’un microscope à fluorescence FIGURE 6 . Deux éléments sont pris en compte, à savoir l’aspect de la fluorescence et le titre d’auto-anticorps qui se définit comme l’inverse de la dernière dilution donnant une réaction positive. La méthodologie habituellement utilisée est standardisée. ■ En

cas de suspicion de connectivite (LED,…), l’IFI sera utilisée en première intention pour la recherche des anti-nucléocytoplasmiques (AAN) qui se fait actuellement sur une lignée de cellules de carcinome laryngé appelée Hep-2). Le taux d’AAN est considéré comme significatif à partir d’un titre > 1/160e. Parfois, l’image de la fluorescence est fortement évocatrice et oriente d’emblée vers une population d’auto-anticorps bien définie, sans recourir à d’autres analyses ; c’est notamment le cas des anticentromères. Le plus souvent, l’aspect de la fluorescence va orienter les examens complémentaires FIGURE 4 en sachant toutefois qu’une fluorescence homogène peut masquer des images de fluorescence

12

■ En cas de suspicion de vascularite, la recherche des ANCA sera réalisée par une technique d’IFI utilisant

comme substrat un frottis de polynucléaires neutrophiles humains normaux fixés par de l’éthanol. Trois aspects sont observés : une fluorescence cytoplasmique diffuse et granuleuse définissant les cANCA, une fluorescence périnucléaire caractérisant les pANCA et une fluorescence cytoplasmique homogène définissant les ANCA atypiques (aANCA ou xANCA), de signification proche de celle des pANCA. En termes de signification clinique, la positivité isolée de l’IFI, en particulier lorsqu’il s’agit d’une fluorescence périnucléaire ou atypique n’est absolument pas spécifique du diagnostic de vascularite d’où l’intérêt de tester les sérums sur les protéines cibles des ANCA, c'est-à-dire la protéinase 3 (PR3) et la myélopéroxydase (MPO).

2e partie

mouchetée ou nucléolaire si bien qu’en pratique courante, face à une fluorescence homogène, le biologiste va réaliser d’emblée la recherche de toutes les spécificités (anti-ADN natif, anti-antigènes nucléaires solubles,...) réalisées en routine.

■ Les techniques d'identification des auto-anticorps



Les dosages radio-immunologiques Les radio-immunodosages ont une place de plus en plus limitée en pratique quotidienne en raison des contraintes liées à la manipulation de traceurs radio-actifs. Néanmoins, le test de Farr, dont le résultat est exprimé en pourcentage d’ADN natif radiomarqué ayant précipité (N = 20-25%), garde un intérêt clinique en raison d’une spécificité supérieure à celle des techniques ELISA désormais très utilisées en pratique courante.



L’immunodot (ou Dot Blot) C’est une méthode de plus en plus utilisée qui est basée sur le dépôt direct, sans transfert depuis un gel d’électrophorèse (contrairement au Western Blot), des protéines sur une membrane de nitrocellulose (qui a une bonne capacité d’absorption et une excellente affinité pour les antigènes), sous la forme de spots pour former des « dots ». La procédure est comparable à celle utilisée en ELISA ou en Western Blot (incubation du sérum puis révélation par un anti-sérum marqué par une enzyme). De nombreux immunodots sont disponibles pour la détection des anti-nucléaires (anti-ADN, -histones, -centromère, -nucléosome) des anti-cytoplasmiques (anticorps des myosites [anti-J01, PL7, PL12]…).



Les méthodes de double immunodiffusion en milieu gélifié (méthode d'Ouchterlony) Cette technique repose sur la diffusion, l’un vers l’autre, de l’antigène et de l’anticorps, à partir de réservoirs séparés par un gel, sous l’effet de forces de diffusion spontanées FIGURE 7 . Autrefois utilisée pour la détection des anti-antigènes nucléaires solubles, cette approche est progressivement abandonnée au profit des techniques ELISA ou de l’immunodot qui s’avèrent plus sensibles. Les techniques utilisées pour l’identification des principales populations d’auto-anticorps utiles en pratique sont répertoriées dans le TABLEAU 2 .

Chapitre 12

Ces techniques sont souvent prescrites en seconde intention avec pour objectif l’identification d’un autoantigène précis, dont la nature est suspectée sur des aspects observés avec d’autres méthodes (IFI, Western Blot…) évaluant la réactivité des sérums sur une mosaïque d’antigènes. Elles sont désormais largement utilisées en raison de leur sensibilité (souvent supérieures à celle des autres techniques), de la simplicité de la procédure et d’une automatisation qui se généralise, permettant la réalisation rapide de grandes séries d’analyses. Le principe repose sur la réactivité des auto-anticorps avec un antigène fixé sur un support plastique et la détection des complexes antigène-anticorps à l’aide d’un deuxième anticorps conjugué à une enzyme dont l’activité, qui se traduit par une coloration spécifique de son substrat, reflète la quantité d’auto-anticorps fixée FIGURE 7 . Malgré une spécificité élevée, des résultats faussement positifs sont possibles, notamment lors de l’évaluation de sérums contenant des FR. Enfin, elles ne sont généralement pas standardisées d’où une grande divergence des résultats avec les différents kits commerciaux disponibles. C’est le cas des anti-ADN natifs pour lesquels la sensibilité des kits oscille entre 15 et 100% et leur spécificité entre 15 et 92% si bien que, pour certains, l’examen de référence reste le test de Farr (radio-immunologie) qui est réalisé encore dans des centres spécialisés. Cette méthode est également utilisée pour la mise en évidence des anti-antigènes nucléaires solubles avec là aussi des discordances avec des techniques autrefois de référence comme la classique méthode d’Ouchterlony, moins sensible ou le Western Blot moins spécifiques. C’est la technique de référence pour l’identification des spécificités antigéniques des ANCA qui ont démontré un intérêt clinique, à savoir les anti-MPO en cas de pANCA et les anti-PR3 face à un aspect cANCA. Cette méthode constitue à la fois la méthode de dépistage et de seconde intention pour la mise en évidence des anti-cardiolipides/anti-phospholipides et, en cas de positivité de ces derniers, des anti-glycoprotéine I dont la présence est fortement associée à des évènements thrombotiques.

Les auto-antigènes et les auto-anticorps

■ Les techniques immuno-enzymatiques (ELISA)

13

L’immunopathologie pour le praticien 14

2. Comment interpréter les résultats d’auto-anticorps ? L’interprétation des résultats doit tenir compte d’un certain nombre de paramètres dont les principaux sont : type d’auto-anticorps recherché, technique utilisée pour leur identification, le taux et la classe d’auto-anticorps recherché et surtout le contexte clinique. ■ S’agissant de la nature des auto-anticorps recherchés, la valeur clinique des auto-anticorps dits de « débrouillage » (AAN, FR, anti-phospholipides, pANCA) est en règle moindre que celle des auto-anticorps reconnaissant une spécificité bien définie (ADN natif, B2-glycoprotéine I, PR3). ■ La technique de détection a son importance en raison du manque de standardisation de certaines d’entre elles et d’une grande variabilité en terme de sensibilité/spécificité d’une trousse commerciale à l’autre. C’est dire l’intérêt de connaître les performances diagnostiques des principales techniques (cf. supra) et par ailleurs d’utiliser le même test pour l’évolution des taux d’auto-anticorps lors du suivi de la maladie. ■ La classe d’auto-anticorps a aussi une importance car ce sont avant tout les auto-anticorps de classe IgG qui sont associés aux MAI. Il en est de même du taux d’auto-anticorps, un titre proche du seuil (zone d’incertitude) n’ayant pas le même impact qu’un titre élevé (taux d’anti-CCP > 50 UA « plus spécifique » de PR ; titre élevé d’anti-cardiolipide associé aux thromboses…). ■ Le principal facteur à prendre en compte est le contexte clinique, d’une part pour interpréter le résultat en fonction du type de tableau clinique, et d’autre part pour ne pas méconnaître un ou plusieurs éléments susceptibles de favoriser ou d’induire une auto-immunité tels que l’âge, le sexe, une infection intercurrente, l’environnement professionnel, la prise de médicaments. C’est pourquoi il apparaît essentiel de contrôler un résultat d’auto-anticorps quelques mois plus tard car, si l’on prend l’exemple d’une infection virale aiguë, la positivité est souvent faible et transitoire.

3. Quels outils seront disponibles dans un proche avenir pour la recherche d’autoanticorps ? La démarche actuellement proposée pour la recherche des auto-anticorps est relativement consensuelle, stratifiée et fait appel à différents tests utilisés successivement, chacun d’entre eux permettant en règle l’identification d’une seule population d’auto-anticorps. ■ La recherche « combinée » d'auto-anticorps par de nouvelles méthodes : technologie Luminex® et biopuces à antigène La positivité d’un seul auto-anticorps ne permet pas de poser un diagnostic ou de prédire le pronostic d’une maladie. En outre, l’utilisation de nouveaux outils comme l’analyse protéomique (cf. supra) ont permis d’identifier de nouveaux auto-anticorps. Enfin, quelques études ont montré que des combinaisons d’autoanticorps (profils d’auto-anticorps), comprenant des auto-anticorps connus et des auto-anticorps récemment identifiés en recherche, offraient des performances diagnostiques et/ou pronostiques supérieures à celles d’un ou de quelques auto-anticorps. C’est notamment le cas de puces à antigènes dans le lupus et de puces contenant 315 protéines ou peptides citrullinés dans la PR (diagnostic de plus de 70% des PR débutantes). Ainsi, l’approche multiparamétrique apparaît très intéressante. Elle commence à être utilisée en pratique, dans certains centres spécialisés, au travers de la technologie Luminex® qui permet d’analyser simultanément un grand nombre d’auto-anticorps dans un même échantillon sérique. Avec cette technique dont le principe repose sur la fixation de plusieurs antigènes sur des microbilles situées le plus souvent dans des cupules en plastique (semblables à celles utilisées en ELISA où elles sont recouvertes d’un seul antigène) et une révélation de la réaction antigène-auto-anticorps par un deuxième anticorps marqué d’un fluorochrome, le nombre d’auto-anticorps pouvant être testés est limité en règle entre 5 et 15 ; certaines firmes ont déjà commercialisé des sets de billes recouverts d’antigènes, principalement pour l’étude de l’auto-immunité associée au lupus ; ils ne sont pas actuellement disponibles pour le diagnostic ou le pronostic de la PR.

2e partie Les auto-antigènes et les auto-anticorps

Chapitre 12

La technique des biopuces à antigènes (ou microarrays antigéniques) est actuellement en pleine essor dans le domaine de la recherche. Dans le cadre de l'auto-immunité, elle permet de rechercher simultanément un grand nombre d’auto-anticorps dans un même échantillon biologique, le plus souvent sérique. Elle comprend plusieurs étapes : fixation par un robot de protéines humaines purifiées, recombinantes et/ou modifiées (modifications post-traductionnelles) sur des lames de verre recouvertes de nitrocellulose ; incubation des sérums, révélation par un deuxième anticorps marqué d’un fluorochrome, analyse des données par des outils bioinformatiques appropriés. En matière de recherche, les biofluides sont criblés sur un panel important de protéines (entre 200 et 10 000). Les applications de ce nouvel outil technologique sont nombreuses et comprennent la mise en évidence de profils d'auto-anticorps caractéristiques d'une maladie donnée (approche diagnostique), l'identification et la caractérisation de nouvelles cibles des auto-anticorps pouvant contribuer à la compréhension de la physiopathologie de la maladie et/ou au développement et à la sélection de nouvelles thérapeutiques basées sur l'induction d'une tolérance par un antigène (« vaccins antigéniques »), la mise en évidence de sous-groupes de malades définis selon la sévèrité de la maladie (approche pronostique), selon leurs caractéristiques phénotypiques ou génétiques (par exemple, profil d'auto-anticorps associé à un allèle HLA à risque…). En pratique, des microarrays antigéniques spécifiques de certaines pathologies (connectivite, polyarthrite rhumatoïde) ont été développés. Ainsi, la biopuce « connectivite » contient 200 antigènes distincts (peptides, protéines, acides nucléiques, complexes protéiques) représentatifs des protéines ciblées par les auto-anticorps habituellement associés à certaines affections auto-immunes (LED, Sjögren, sclérodermie, polymyosite, cirrhose biliaire primitive). Quant à la biopuce « polyarthrite », celle-ci comprend 650 antigènes candidats de la PR correspondant à des protéines natives et citrullinées de la synoviale rhumatoïde. Cette dernière biopuce a permis (i) de montrer une réactivité de 70% des sérums de PR récente vis-à-vis d'une combinaison de protéines citrullinées et (ii) d'identifier des sous-groupes de malades selon la nature du profil d'auto-anticorps, les profils d'auto-anticorps dirigés contre des protéines citrullinées étant associés aux formes les plus sévères de la maladie comparativement à ceux reconnaissant des protéines natives, non modifiées.

15

L’immunopathologie pour le praticien 16

3e partie

Les auto-anticorps en pathologie

Les auto-anticorps sont la marque des pathologies auto-immunes. Certains sont observés dans les MAI non spécifiques d’organes (par exemple le LED) et d’autres dans les MAI spécifiques d’organes (par exemple dans les thyroïdites). La responsabilité des auto-anticorps dans le mécanisme physiopathologique des maladies auto-immunes non spécifiques d’organes n’est pas réellement démontrée et reste en tout cas discutable. À l’opposé, certains auto-anticorps associés à des MAI spécifiques d’organes ou observés dans un contexte paranéoplasique, sont manifestement à l’origine des symptômes observés. Par la description de quelques nouveaux auto-anticorps détectés dans un contexte de maladies systémiques, notre but est d’illustrer les différentes facettes physiopathologiques des auto-anticorps mais aussi les applications diagnostiques ou thérapeutiques qui en découlent.

1. L’exemple des maladies auto-immunes Nous développerons deux exemples d’auto-anticorps ayant une utilité diagnostique et pronostique démontrée ou en cours d’évaluation pour montrer l’intérêt à la fois théorique et pratique des anticorps. ■ Les anticorps anti-protéines citrullinées dans la PR ■

Quelle nomenclature : anti-périnucléaire, anti-kératine, anti-filaggrine… puis anti-peptide citrulliné ? Au cours d'une réaction inflammatoire, une peptidyl arginine deïminase (PAD) transforme l’arginine en citrulline. Bien que les protéines citrullinées soient abondantes dans la synoviale de tous les rhumatismes inflammatoires, seules les PR produisent des anticorps anti-protéines citrullinées. Le tabac et l'allèle DRB1* portant l’épitope partagé, pourraient favoriser l'apparition d'auto-anticorps anti-peptides citrullinés, mais les mécanismes en cause ne sont pas connus. Avant de connaître les anticorps anti-protéines citrullinées, nous détections les anti-périnucléaires (APF) sur frottis de cellules de l’épithélium buccal humain ou les anti-kératine (AKA) sur coupes d’œsophage de rat, qui étaient dirigés contre un antigène alors inconnu. Il a ensuite été démontré que cet antigène était de la filaggrine et finalement que c’était les résidus (AA) citrullinés de cette protéine qui était reconnue. Un test ELISA de détection des anticorps anti-protéines citrullinées a alors été mis au point et appelé anti-CCP (anti-cyclic citrullinated peptide). Un test de première génération, de sensibilité moindre, a été remplacé ensuite par un test de deuxième et enfin troisième génération, plus performant.



Quel est le rôle pathogène des anticorps anti-peptides citrullinés ? La citrullination est un processus médié par l'inflammation qui n'est pas spécifique de la PR. En outre, chez les patients atteints de PR, la citrullination des protéines n'est pas spécifique du tissu synovial, mais est également observée au sein des autres organes touchés par la maladie comme le poumon et les nodules rhumatoides. En revanche, les mécanismes conduisant à la production des auto-anticorps anti-protéines citrullinées sont spécifiques de la PR et résultent de l'interaction entre des facteurs environnementaux (agents infectieux, tabac,...) et des facteurs génétiques, notamment les allèles à risque portant l'épitope partagé. Dans la PR, il existe des arguments discordants pour et contre la responsabilité des anticorps anti-protéines citrullinées dans la physiopathologie de la maladie : • L’efficacité thérapeutique des anti-lymphocytes B plaide contre une responsabilité des auto-anticorps puisqu’ils suppriment les lymphocytes B sans éliminer les plasmocytes et donc le taux d’immunoglobulines à court terme (alors qu’une baisse apparaît ultérieurement). • Un article récent suggère la responsabilité des anticorps anti-protéines citrullinées dans l’apparition d’arthrite dans un modèle animal. Ainsi, des anticorps anti-protéines citrullinées apparaissent dans un modèle d’arthrite au collagène avant l’apparition des anticorps anti-collagène. Si des souris sont traitées avec de la citrulline avant injection de collagène, l’arthrite au collagène est moins sévère. À l’opposé, l’injection d’anticorps monoclonaux anti-protéines citrullinées aggrave les arthrites. Ces résultats suggèrent un rôle pathogène des anticorps anti-protéines citrullinées mais dans la PR, cela reste à démontrer.



Quelle est la valeur diagnostique des anticorps anti-peptides citrullinés ? Ces anticorps anti-CCP sont surtout utiles aujourd’hui pour le diagnostic de la maladie. L'identification d'une PR de l’adulte reposait jusqu’à ces dernières années sur les critères de l’ACR de 1987, dont les FR sont le seul marqueur immunologique. Les anti-CCP qui ont été décrits ultérieurement représentent un progrès pour le diagnostic de la PR et probablement l’évaluation du pronostic articulaire.

■ Les anticorps anti-actinines dans le lupus Le lupus systémique est une connectivite caractérisée par la production de multiples auto-anticorps, dont les plus caractéristiques sont dirigés contre certains composants du noyau, et notamment l’ADN natif. Il est possible que ces auto-anticorps interviennent dans la pathogénie de la maladie. Le diagnostic de la maladie repose ainsi sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques regroupés dans les critères de 1982 révisés en 1997, à partir de 30 manifestations cliniques et biologiques « habituelles ». Les atteintes glomérulaires surviennent habituellement au cours des premières années d’évolution, révélant le plus souvent d’emblée leur forme histologique définitive. Le lymphocyte B a un rôle majeur dans la pathogénie du lupus et particulièrement dans l’atteinte rénale. Il agit par différents mécanismes : • l'activation des lymphocytes T en se comportant comme une cellule présentatrice de l'antigène • la synthèse de cytokines • la production d'auto-anticorps, notamment d'anti-ADN natifs Pourtant, le mécanisme par lequel les anticorps anti-ADN agissent sur le rein n’est pas encore clairement identifié. On ne sait pas pourquoi certains anticorps anti-ADN se déposent préférentiellement dans le rein mais un des mécanismes impliqué dans la néphropathogénicité de ces auto-anticorps est la réaction croisée avec des antigènes du rein. La nature de cet antigène lié par les anticorps anti-ADN a longtemps été étudiée et a fait l’objet de nombreuses spéculations. Les antigènes glomérulaires sont nombreux et sont représentés surtout par la laminine, l’héparane sulfate, la fibronectine, et le collagène IV. Plus récemment, l’alphaactinine a été identifiée comme un élément majeur déclencheur de la réponse anti-ADN chez la souris. Il existe 4 gènes codant pour l’alpha-actinine : actinine 1, 2, 3 et 4. L’alpha-actinine 4 fait partie intégrale du système contractile des pieds des podocytes et les cellules mésangiales. Différents arguments suggèrent que l'actinine pourrait être un auto-anticorps important. ■

Des taux élevés d’anticorps anti-alpha-actinines ont été retrouvés dans le sérum de souris lupiques et dans les éluats de reins de souris lupiques ayant une néphropathie lupique active.



Il a été aussi démontré qu’une forte proportion d’immunoglobulines IgG polyclonales anti-ADN se liait aux alpha-actinines si le patient a une néphropathie lupique alors que cette réactivité n'existe pas chez ceux sans atteinte rénale.



La réactivité croisée d'anticorps anti-ADN db avec l'alpha-actinine à la surface des cellules mésangiales glomérulaires a été confirmée in vitro. Cette réaction entraîne une réponse pro-inflammatoire avec la sécrétion de cytokines, de chémokines et des médiateurs de l’inflammation qui augmente la perméabilité des membranes capillaires, permettant ainsi aux complexes immuns de se déposer dans l’espace sous épithélial.

Les auto-antigènes et les auto-anticorps

Quelle est la valeur pronostique des anti-peptides citrullinés ? Il est possible que la présence d’un ou plusieurs allèles DRB1* de susceptibilité ajoute une probabilité d’évolution articulaire plus péjorative que celle prédite uniquement par la présence d’anti-CCP. En effet, les sujets ayant des anti-CCP et un allèle de susceptibilité ont un score articulaire radiographique qui progresse plus que celui de ceux qui n’ont pas d’allèle de susceptibilité.

Chapitre 12



3e partie

Ces tests sont maintenant utilisés en routine pour le diagnostic de PR. D’autres tests commerciaux utilisant d’autres substrats telle que la fibrine citrullinée seront mis sur le marché, mais la valeur diagnostique sera proche des kits actuellement utilisés. La combinaison de ces tests immunologiques (FR et anti-CCP) est plus performante dans la prédiction d’une évolution rhumatoïde ultérieure. Ainsi, dans la plupart des études de cohortes de patients adressés pour une polyarthrite débutante et suivie prospectivement l’association de FR (un ou deux tests) et d’anti-CCP à plus de 50 U/ml a une sensibilité de l’ordre de 55% et une spécificité de 95% chez les patients ayant une polyarthrite débutante.

Il a été démontré l'existence d'anticorps anti-actinines non associés aux anticorps anti-ADN en cas de néphropathie lupique humaine active. L'actinine, qui est surexprimée par les cellules mésangiales, est capable d'induire une glomérulonéphrite lupique chez la souris et d’activer les cellules mésangiales. Les lymphocytes B de patients lupiques transformés par l'Epstein-Barr Virus (EBV) produisent des anticorps anti-actinines qui se fixent sur les cellules mésangiales et sur le glomérule rénal de rat. Il est donc important de déterminer maintenant si les anti-alpha-actinines, sont présents chez les patients 17

L’immunopathologie pour le praticien 18

atteints d’une néphropathie lupique avec un taux faible ou indétectable d’anticorps anti-ADN et/ou s’ils sont vraiment pathogènes. Gageons que ces anticorps anti-actinines apporteront une pierre supplémentaire à la compréhension et au suivi rénal du lupus.

2. L’exemple des affections paranéoplasiques Les syndromes neurologiques paranéoplasiques (SNP) sont des syndromes qui ne s’expliquent pas par des métastases, la cachexie et la dénutrition, une toxicité des traitements, ou une infection opportuniste. La découverte d'anticorps spécifiques de ces affections a permis de démontrer que certains d'entre eux étaient d’origine auto-immune TABLEAU 3 . Les anticorps sont alors un outil diagnostique permettant d'affirmer le caractère paranéoplasique du trouble neurologique. Ces anticorps sont très rarement détectés en l’absence de cancer, et rarement observés dans les cancers lorsque le syndrome paranéoplasique est absent. Ces arguments plaident pour une responsabilité des auto-anticorps dans la genèse du SNP. L'hypothèse physiopathologique la plus vraisemblable est une immunisation des patients contre des protéines auto-antigéniques anormalement exprimées par la tumeur. Ces auto-anticorps entraînent soit une dysfonction, soit une destruction des neurones en exprimant physiologiquement ces auto-antigènes. TABLEAU 3 - Principaux anticorps des SNP Anticorps

Fréquence

Syndrome paranéoplasique

rare

• Encéphalomyélite • Neuropathie • Pseudocclusion • Dégénerescence cerelleuse

Cancer à petites cellules du poumon

Anti-Yo (PCA1)

Dégénerescence cerelleuse

Sein, ovaire

Anti-CV2 (CRMP5)

• Encéphalomyélite • Neuropathie • Pseudocclusion • Dégénerescence cerelleuse

Cancer à petites cellules du poumon, thymome

Encéphalite

Sein, cancer à petites cellules du poumon

Encéphalite Syndrome de l’homme raide Dégénerescence cerelleuse

Testicule, bronchique Sein, cancer à petites cellules du poumon Lymphome hodgkinien

Anti-Hu (ANNA1)

Anti-Ri (ANNA2) Anti-Ma2 (Ta) Anti-amphiphysine Anti-Tr (PCA-Tr)

exceptionnel

Principaux cancers associés

1. Quel est l’effet du traitement classique dans la PR ? Si les FR sont des marqueurs du pronostic de la PR, toutes les études rapportées dans la littérature s’accordent pour considérer que les traitements de fonds classiques de la PR entraînent des modifications modestes de leur taux et que la réponse thérapeutique est sans relation avec leur éventuelle diminution. Un cas particulier est celui des dérivés thiolés, qui ne sont plus guère utilisés dans cette indication. Ils diminuent le taux de FR par rupture de ponts disulfures intramoléculaires sans relation avec la réponse thérapeutique. Les corticoïdes, à faible dose (en tout cas en dessous de 20 mg d’équivalent prednisone), ne modifient pas ou peu l’activité des plasmocytes notamment en termes de production d’immunoglobulines et d’auto-anticorps mais assez curieusement, cet effet a été peu étudié. La lecture des différentes études effectuées en double aveugle pour comparer deux traitements de fond permet de constater que la modification des taux de FR est rarement spécifiée tant il est classique de dire que le dosage est inutile pour l’évaluation d’un effet thérapeutique.

2. Quel est l’effet des biothérapies ? Avec les biothérapies, on constate un regain d’intérêt pour le suivi des taux d’auto-anticorps sous traitement. Le rituximab diminue clairement les taux d’auto-anticorps. Dans la PR, sous rituximab, la diminution du taux de FR est très importante et se maintient à la semaine 24 alors que le taux des immunoglobulines normales, hormis les IgM, ne diminue que très modérément et se maintient dans des valeurs normales, du moins après les premières perfusions. Dans le lupus, il y a une diminution significative des FR, des taux d’AAN, mais aussi des anti-ADN natifs et anti-nucléosomes. La diminution des AAN semble plus importante chez les patients ayant une réponse clinique. Les taux d'anti-Ro-SSA et d'anti-SSB ne semblent pas se modifier dans le lupus. Dans le syndrome de Sjogren, seules certaines études ont montré une diminution de ces derniers. L’infliximab augmente nettement le taux d'AAN dans la PR, tandis qu’il diminue nettement le taux de FR et modérément celui d’anti-CCP. Des observations similaires ont été faites avec les autres anti-TNF. La diminution des taux de FR et d’anti-CCP apparaît associée à une meilleure réponse thérapeutique. Il n’est pas aujourd’hui démontré que ces observations aient un quelconque intérêt pour la pratique clinique quotidienne, mais il paraît vraisemblable que des études seront menées pour l’évaluer.

3. Quelles sont les nouvelles stratégies qui permettraient de neutraliser les auto-anticorps ? La neutralisation des auto-anticorps peut être faite de différentes façons. ■ Des perfusions d’immunoglobulines sont utilisées dans de nombreuses pathologies auto-immunes, avec une efficacité démontrée dans certaines (notamment les thrombopénies auto-immunes). Le principe actif en reste discuté mais on suppose que l’action revient en partie au fragment Fc qui bloque le Fc gamma récepteur et inhibe l’activation du complément, mais aussi au fragment Fab qui pourrait agir sur le réseau idiotypique. ■ L’immuno-adsorption spécifique (ou aphérèse) consiste en une épuration de substances considérées comme ayant un rôle pathogène dans une maladie. Par exemple, dans le lupus, il a été proposé des aphérèses d’immuno-globulines en les fixant par leur portion Fc (aphérèse par protéine A), une aphérèse anti-ADN natif ou encore une aphérèse C1q. Ces méthodes sont en cours d’évaluation et semblent avoir une certaine efficacité. Les récepteurs solubles de fragments Fc des immunoglobulines pourraient être une voie de recherche à la lumière de résultats observés dans des modèles murins.

4e partie

le taux d’auto-anticorps ?

Les auto-antigènes et les auto-anticorps

Quels traitements peuvent moduler

Chapitre 12

4e partie

19

L’immunopathologie pour le praticien

5e partie

Synthèse

Les points forts : 1. Les auto-antigènes sont des constituants du soi (protéines nucléaires, cytoplasmiques ou extracellulaires) qui sont reconnus par des auto-anticorps.

2. Dans la plupart des maladies auto-immunes, les auto-anticorps sont dirigés contre des protéines ubiquitaires. 3. Plus de 200 auto-anticorps sont actuellement décrits. 4. La présence d’auto-anticorps dans le sérum des sujets ne signifie pas qu’ils sont pathologiques (c'est-à-dire associés à une maladie auto-immune) et/ou pathogènes (c'est-à-dire impliqués dans la génèse des lésions cellulaires et/ou tissulaires à l’origine des manifestations cliniques).

5. En pratique courante, le dosage d’un auto-anticorps peut servir au diagnostic, au pronostic, au suivi évolutif de la maladie et parfois à la prédiction de la réponse au traitement.

6. L’interprétation des résultats doit tenir compte d’un certain nombre de paramètres dont les principaux sont : type d’auto-anticorps recherché, technique utilisée pour leur identification, le taux et la classe d’auto-anticorps recherché et surtout le contexte clinique.

7. Les anti-CCP représentent un progrès pour le diagnostic de la PR et probablement l’évaluation du pronostic articulaire.

8. Les syndromes neurologiques paranéoplasiques (SNP) sont des syndromes qui surviennent dans un contexte de cancer mais qui ne s’expliquent pas par des métastases, la cachexie et la dénutrition, une toxicité des traitements, ou une infection opportuniste.

9. Si les FR sont des marqueurs du pronostic de la PR, toutes les études rapportées dans la littérature s’accordent pour considérer que les traitements de fond classiques de la PR entraînent des modifications modestes de leur taux et que la réponse thérapeutique est sans relation avec leur éventuelle diminution.

Les grandes questions : 1. Quelle est la responsabilité réelle des auto-anticorps dans les maladies auto-immunes non spécifiques d’organe ?

2. Quelle place faut-il accorder à chacun des nouveaux auto-anticorps décrits, en l’absence d’étude de cohortes permettant d’évaluer leur intérêt par rapport aux anciens tests utilisés ?

3. De nouvelles stratégies permettront-elles à l’avenir de neutraliser les auto-anticorps spécifiques pour lesquels la pathogénicité est démontrée (aphérèse) ?

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Autoanticorps, marqueurs des maladies auto-immunes. BMD éditions.



Sibilia J, Goetz J. Les autoanticorps : comment les rechercher, et quelle est leur valeur diagnostique ? La lettre du rhumatologue N°291 (avril 2003).



Machour N, Gilbert D, Vittecoq O, Costa O, Tron F, Charlionet R. Protéomique et autoanticorps. Med Sci (Paris). 2005 Aug-Sep;21(8-9):759-64.



Robinson WH, DiGennaro C, Hueber W et al. Autoantigen microarrays for multiplex characterization of autoantibody responses. Nat Med 2002,8:295-301.



Hueber W, Kidd BA, Tommoka BH et al. Antigen microarray profiling of autoantibodies in rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum 2005,52:2645-55.



Croquefer S, Renaudineau Y, Jousse S, Gueguen P, Roguedas AM, Ansart S, Saraux A, Youinou P. The anti␣-actinin antibody test completes anti-DNA determination in systemic lupus erythematosus. Ann N Y Acad Sci 2005;1050:663-71.



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5e et 6e parties



Les auto-antigènes et les auto-anticorps

Pour en savoir plus

Chapitre 12

6e partie

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1. Comment s’explique l’ostéolyse dans la PR ? • Les mécanismes • Les acteurs cellulaires

2. Comment s’explique la chondrolyse dans la PR ? • Les mécanismes • Les acteurs cellulaires

3. Comment s’organise le système immunitaire ? • Dans l’os • Dans le cartilage

2e partie

Comment j’explore ?

1. Comment j’explore l’ostéolyse ? • En pratique • En recherche

2. Comment j’explore la chondrolyse ? • En pratique



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3e partie L’atteinte ostéo-articulaire de la PR  17 1. Quels sont les facteurs qui permettent de prédire l’apparition d’une atteinte « structurale » dans la PR ?  17 2. Comment s’expliquent les phénomènes de « découplage » observés dans la PR ?



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L’ostéolyse et la chondrolyse dans les rhumatismes inflammatoires : de la pathogénie aux traitements

1ère partie Les données fondamentales

Chapitre 13

L’OSTÉOLYSE ET LA CHONDROLYSE DANS LES RHUMATISMES INFLAMMATOIRES : DE LA PATHOGÉNIE AUX TRAITEMENTS

SOMMAIRE

Chapitre 13

• Comment s’explique la forme « sèche » ?  17 • Comment s’explique le blocage de l’atteinte structurale sous anti-TNF chez les patients qui n’ont pas de réponse clinique ?  17

3. Peut-on espérer une guérison avec régression des lésions ostéo-articulaires rhumatoïdes ?

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L’immunopathologie pour le praticien

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4e partie

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Quels traitements pour éviter les destructions ostéo-articulaires ?



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2. Quel est l’effet des anti-TNF ?



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3. Quel est l’effet des nouvelles biothérapies ?



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4. Que peut-on espérer d’un inhibiteur du système RANK/RANKL ?



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1. Quel est l’effet des traitements classiques ? • Les corticoïdes • Les traitements de fonds

5e partie

Synthèse

1. Les points forts 2. Les grandes questions

6e partie

Lexique



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7e partie

Pour en savoir plus



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Karine Briot, Université Paris-Descartes, Hôpital Cochin, Paris Francis Berenbaum, Université Pierre & Marie Curie Paris VI, APHP Hôpital Saint-Antoine, Paris Odile Gabay, Université Pierre & Marie Curie Paris VI, Paris

La polyarthrite rhumatoïde (PR) et d’autres rhumatismes inflammatoires chroniques sont caractérisés par la destruction progressive des articulations, siège des arthrites. L’inflammation chronique est à l’origine d’une destruction du cartilage (chondrolyse) et d’érosions osseuses périarticulaires (ostéolyse). Cette destruction ostéocartilagineuse entraîne des lésions anatomiques irréversibles à l’origine d’une impotence fonctionnelle, puis d’un handicap. Le dépistage des patients à risque de destruction et la mise à disposition de traitements efficaces pour prévenir cette destruction sont des objectifs clés de la prise en charge thérapeutique. Les mécanismes de la chondrolyse et de l’ostéolyse sont différents, et des stratégies différentes de prise en charge peuvent être envisagées. Il existe 2 types d’atteintes osseuses au cours des rhumatismes inflammatoires. L’atteinte locale se caractérise par une ostéoporose juxta-articulaire (appelée déminéralisation en bande), puis par des érosions osseuses. L’atteinte systémique correspond à une ostéoporose. Ces complications osseuses sont liées à une augmentation de la résorption osseuse locale et générale. En ce qui concerne l’atteinte cartilagineuse, elle provient d’une double agression : une agression directe par contact entre le pannus synovial, ce pannus étant riche en cellules inflammatoires capable de produire des enzymes protéolytiques, et une agression indirecte par l’intermédiaire du liquide synovial qui baigne l’articulation et qui est, lui aussi riche en enzymes de dégradation pour la matrice.

1ère partie Les données fondamentales 1. Comment s’explique l’ostéolyse dans la PR ? ■ Les mécanismes ■ Rôle des ostéoclastes dans l’ostéolyse de la PR

L’ostéoporose périarticulaire et les érosions osseuses sont liées à une hyperrésorption osseuse locale. Les ostéoclastes sont présents sur les sites des érosions osseuses. Dans les modèles animaux d’arthrite, des cellules multinucléées ayant les caractéristiques des ostéoclastes (expression de la TRAP (tartrate-resistant acid phosphatase), récepteur à la fibronectine, récepteur à la calcitonine et capacité à former des lacunes de résorption sur l’os) ont été observées à la jonction entre le pannus synovial et l’os. L’analyse histologique de la jonction os sous-chondral-pannus des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde a confirmé la présence de cellules ayant les caractéristiques morphologiques et fonctionnelles des ostéoclastes. Les ostéoclastes ont deux provenances FIGURE 1 : la moelle osseuse adjacente à l’articulation et la synovite rhumatoïde. Le tissu osseux proche du pannus synovial est le siège d’une augmentation de la résorption osseuse associée à une augmentation du nombre de précurseurs ostéoclastiques. Les ostéoclastes se forment également à l’intérieur du tissu synovial, en l’absence d’ostéoblastes, à partir de la différenciation de cellules de la lignée monocytes-macrophages. Les macrophages du pannus synovial sont capables in vitro de se différencier en cellules « ostéoclastes like » en présence de fibroblastes ou en présence de M-CSF (macrophage colony stimulating factor) et de RANKL (receptor activator of NFB ligand). De nombreuses cytokines (IL1, IL6, IL11, TNF) et facteurs de croissance (M-CSF) produits par la synoviale rhumatoïde sont également capables d’induire la différenciation de la lignée monocytes-macrophages en ostéoclastes.

L’ostéolyse et la chondrolyse dans les rhumatismes inflammatoires : de la pathogénie aux traitements

Christian Roux, Université Paris-Descartes, Hôpital Cochin, Paris

Chapitre 13

L’OSTÉOLYSE ET LA CHONDROLYSE DANS LES RHUMATISMES INFLAMMATOIRES : DE LA PATHOGÉNIE AUX TRAITEMENTS

1ère partie

Chapitre 13

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L’immunopathologie pour le praticien

FIGURE 1 - Formation des ostéoclastes Cellule souche hématopoïétique Facteurs de transcription Lignée myéloïde M-CSF Cellule monocytaire

(expression de RANK)

RANKL NF␬B TRAF6

MONOCYTE MACROPHAGE

Pré-ostéoclaste FUSION Ostéoclaste

Si les ostéoclastes sont les principales cellules impliquées dans la résorption osseuse, des études suggèrent que d’autres cellules comme les synoviocytes fibroblastiques et les macrophages de la synovite rhumatoïde produisent des enzymes protéolytiques (cathepsines et collagénases) qui pourraient donc participer à la dégradation du cartilage et de l’os. ■ Rôle du système RANK/RANKL

L’ostéolyse de la PR se développe à l’interface de l’os et du pannus synovial ; elle est médiée par les ostéoclastes. Des travaux conduits in vitro et in vivo ont souligné le rôle majeur du système RANK/RANKL/OPG dans l’activation des ostéoclastes et dans l’ostéolyse de la PR. RANKL est exprimé dans les synovites, mais pas dans le tissu synovial normal.

• Description Le RANKL (receptor activator of NFB ligand) est une protéine transmembranaire, appartenant à la famille des ligands TNF exprimée par les cellules stromales et les ostéoblastes. En se liant au RANK, qui appartient à la famille des récepteurs du TNF, présent sur les précurseurs ostéoclastiques ou les ostéoclastes matures, le RANKL active la différenciation ostéoclastique à partir de précurseurs hématopoïétiques, stimule l’activation des ostéoclastes et augmente leur survie. L’expression du RANKL est régulée par les glucocorticoïdes, la vitamine D3, des cytokines (IL1, IL6, IL11, IL17), le TNF, les PGE2 et la parathormone (PTH). L’ostéoprotégérine (OPG) est une protéine qui appartient également à la famille des récepteurs du TNF ; c’est l’inhibiteur sécrété du RANKL FIGURE 2 . L’IL4 inhibe RANKL. FIGURE 2 - Le système RANK/RANKL/OPG et son rôle dans l’activation des ostéoclastes Précurseur myéloïde

Précurseur ostéoclastique

Ostéoclaste mature

RANK CSF-1

RANKL

OPG OPG

1,25(OH)2D3 PGE2, PTHrP IL1, 6, 11, 17 TNF Dexaméthasone

TGF 17--estradiol

Cellule stromale-ostéoblaste

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La liaison de RANKL à son récepteur membranaire RANK entraine le recrutement de protéines de la famille TRAF, et l’activation de la voie des facteurs de transcription NFB et JNK FIGURE 3 . FIGURE 3 - Mécanisme d’action moléculaire du système RANK/RANKL/OPG Lymphocyte T activé

RANKL OPG

RANK

Ostéoclaste

TRAF6 IFN

NF␬B

JNK

Résorption osseuse

• Démonstration du rôle du système RANKL/RANK/OPG dans l’ostéolyse de la PR Par biologie moléculaire ou immunohistochimie, une expression abondante de RANKL a été mise en évidence dans la synovite rhumatoïde alors qu’elle n’est pas présente dans les synoviales non pathologiques. Une augmentation de la concentration de RANKL soluble et une diminution de la concentration de l’OPG ont été mises en évidence dans le liquide articulaire de patients ayant une polyarthrite rhumatoïde. Dans des modèles animaux d’arthrite à collagène, et dans les synoviales de patients atteints de PR, le RANKL et l’OPG sont exprimés au contact des érosions osseuses, et leur expression est corrélée à l’importance de l’inflammation synoviale et à la sévérité de l’arthrite. La preuve du rôle du RANKL dans la résorption osseuse est apportée par les études conduites chez l’animal. Au cours de l’arthrite à adjuvant, les souris déficientes en RANKL, qui n’ont donc pas d’ostéoclastes fonctionnels, ne développent pas d’érosions osseuses alors qu’elles ont des signes cliniques d’inflammation articulaire. L’OPG prévient la destruction osseuse induite dans des modèles expérimentaux d’arthrites, sans effet sur l’inflammation. Il existe donc une dissociation entre la prévention de la destruction osseuse et la persistance de l’inflammation des articulations. Ce point sera important à considérer lors de l’usage d’anticorps anti-RANKL en thérapeutique humaine. Il n’y a également aucun effet protecteur sur la destruction du cartilage suggérant que la chondrolyse est la conséquence d’un autre mécanisme.

1ère partie

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L’ostéolyse et la chondrolyse dans les rhumatismes inflammatoires : de la pathogénie aux traitements

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Chapitre 13

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• Facteurs locaux et cellules impliqués dans la régulation du système RANK/RANKL/OPG La synoviale rhumatoïde contient de nombreuses cytokines pro-inflammatoires (IL1, IL6, TNF, IL11, IL17, IL18), des facteurs de croissance, comme le macrophage colony stimulating factor (M-CSF) et des facteurs hormonaux (PTHrP), produits en excès au cours de la PR, qui stimulent la résorption osseuse ostéoclastique, en modulant l’expression du système RANK, RANKL et ostéoprotégérine (OPG). Certaines cytokines comme le TNF et l’IL1 peuvent également agir indépendamment du RANKL pour stimuler la résorption osseuse.

• Le TNF Le TNF, sécrété par les monocytes-macrophages, les lymphocytes T, B et les fibroblastes, entretient l’inflammation en stimulant la production d’autres cytokines pro-inflammatoires (IL6, IL1, IL8), des facteurs de croissance (granulocyte-monocyte colony-stimulating factor (G-CSF)) et des molécules d’adhésion, qui favorisent le transport de leucocytes vers les sites inflammatoires (articulations). 5

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Rôle du TNF dans la stimulation de l’ostéoclastogenèse • Activation de la différenciation des macrophages en ostéoclastes • Stimule la production de RANKL par les ostéoblastes • Stimule l’expression du RANKL par les lymphocytes T et B • Stimule la production de M-CSF par les cellules du stroma • Augmente l’expression de RANK et d’IL1 par les précurseurs myéloïdes des ostéoclastes • Augmente l’expression de DKK-1

Le TNF augmente l’expression de dickkopf 1 (DKK-1), une protéine impliquée dans le remodelage osseux. DKK-1 agit sur l’os par deux mécanismes : une diminution de la formation osseuse et une augmentation de la résorption osseuse. On rappelle que les lésions osseuses de la PR sont caractérisées par l’absence totale de signes de réparation, donc d’aucune activité d’ostéoformation. L’expression de DKK-1 est deux fois plus élevée dans le sérum des patients atteints de PR, comparativement aux sérums de témoins, et le taux de DKK-1 est également augmenté au sein de la synoviale rhumatoïde. Dans des modèles animaux d’arthrite à collagène, l’inhibition de DKK-1 bloque l’apparition d’érosions osseuses et l’administration d’anti-TNF diminue les taux sériques de DKK-1 suggérant qu’une partie de l’ostéolyse induite par le TNF est médiée par DKK-1. DKK-1 est un inhibiteur de Wnt ; or les protéines Wnt interagissent avec le système RANK/RANKL en activant l’ostéoprotégérine. Ainsi les valeurs élevées de DKK-1 ont un rôle important dans la destruction osseuse de la PR.

La voie de signalisation Wnt5A/Fz5 (frizzled 5) semble impliquée dans l’activation et la prolifération des fibroblastes de la synoviale rhumatoïde, et pourrait ainsi être impliquée dans l’apparition d’érosions osseuses par le biais d’une sécrétion de cytokines (IL15) et d’une augmentation de RANKL.

• Interleukine 1 L’interleukine 1 (IL1) est produite par les chondrocytes mais aussi par les synoviocytes et les ostéoblastes. Elle inhibe la synthèse chondrocytaire des protéoglycanes et du collagène de type II, stimule la libération de protéases (métalloprotéases MMP-1 et MMP-3) à médiation chondrocytaire, et favorise ainsi la lyse du cartilage. L’administration d’anticorps anti-IL1 dans un modèle expérimental d’arthrite à collagène a été comparée à l’administration d’anti-TNF. Si les 2 traitements réduisent l’inflammation, seul l’anticorps anti-IL1 réduit les taux des marqueurs de dégradation du cartilage (COMP) et prévient la destruction articulaire et les érosions osseuses.

• Autres cytokines D’autres cytokines interviennent comme l’IL17, cytokine pro-inflammatoire sécrétée par les lymphocytes T CD4, capable in vitro de favoriser la résorption osseuse en stimulant l’ostéoclastogenèse par différents mécanismes : action directe sur l’ostéoclaste, expression de RANKL, augmentation de la sécrétion de l’IL1 et du TNF. L’IL18 est capable de stimuler la résorption osseuse à travers la modulation de l’expression de RANKL par les lymphocytes (LT) activés. Certaines cytokines anti-inflammatoires comme l’IL4 et l’IFN produites au cours de la PR diminuent l’expression du RANKL et la signalisation induite par le RANKL et peuvent inhiber la résorption osseuse. 6

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■ Les acteurs cellulaires La synoviale rhumatoïde est caractérisée par une hyperplasie de la synoviale, une hypervascularisation, et un infiltrat cellulaire inflammatoire (constitué essentiellement de lymphocytes T CD4+), qui joue un rôle essentiel dans le déclenchement et l’entretien de la réponse immunitaire et inflammatoire. La synoviale rhumatoïde contient donc à la fois des progéniteurs ostéoclastiques et les cellules pouvant permettre leur différenciation. Deux types cellulaires sont responsables de l’expression du RANKL : les lymphocytes T activés et les fibroblastes (synoviocytes de type B) abondants dans la synoviale rhumatoïde. ■ Les lymphocytes T activés

Les lymphocytes T activés expriment le RANKL et sont capables d’induire la formation d’ostéoclastes fonctionnels et ont donc un rôle majeur dans la résorption osseuse. Dans le modèle murin de l’arthrite à adjuvant du rat Lewis, dépendant de l’activation des lymphocytes T, l’expression du RANKL par les LT activés a été mise en évidence dans la synovite. Si les rats sont traités au début de la maladie par l’OPG pendant 7 jours, il n’y a plus de perte osseuse alors que les rats non traités développent des lésions de destruction cartilagineuse et osseuse. Lorsque les LT sont cocultivés avec des précurseurs hématopoïétiques, ils peuvent induire une différenciation ostéoclastique, qui est inhibée par l’ostéoprotégérine alors qu’elle n’est pas bloquée par l’adjonction d’anticorps anticytokines, montrant que les LT activés sont capables de stimuler la résorption osseuse indépendamment de l’action du TNF et de l’IL1. Les LT CD4+ jouent un rôle majeur dans la résorption osseuse par le biais d’une expression du RANKL et par la production des cytokines pro-inflammatoires (TNF, IL1, IL6) par les cellules de la lignée monocytes-macrophages, et les fibroblastes qui peuvent également favoriser la résorption osseuse, indépendamment du RANKL. ■ Les fibroblastes synoviaux

Des fibroblastes de synoviale rhumatoïde activés par les cytokines pro-inflammatoires peuvent également exprimer le RANKL. Des fibroblastes synoviaux cultivés avec des cellules mononuclées du sang périphérique activent la résorption osseuse en présence de 1,25(OH)2D3 ; ces cellules expriment le RANKL ; l’adjonction d’OPG inhibe la formation d’ostéoclastes. ■ Les cellules dendritiques

Les cellules dendritiques ne jouent probablement aucun rôle dans le remodelage osseux normal, mais pourraient être d’importants contributeurs à l’ostéoclastogenèse. Rivollier et coll ont montré que des cellules dendritiques peuvent devenir des ostéoclastes en présence de RANKL et M-CSF. Ce phénomène peut donc s’associer à la voie classique d’ostéoclastogenèse à partir des précurseurs de la voie monocytemonophage. ■ Les cellules lymphocytaires de la lignée B

Les cellules lymphocytaires de la lignée B participent également à la résorption osseuse en favorisant l’ostéoclastogenèse par deux mécanismes : expression du RANKL, et en servant de progéniteurs pour les ostéoclastes (ce qui a été démontré in vitro, sous l’effet de RANKL). Il existe un progéniteur hématopoïétique commun aux lymphocytes B (en présence d’IL7) et aux ostéoclastes (en présence de RANKL et M-CSF). ■ Lymphocyte B

Les agrégats cellulaires inflammatoires présents dans la moelle osseuse à proximité des synovites sont composés en majorité de lymphocytes B (exprimant CD20, CD45RA) matures (exprimant CD27). Ces bourgeons intra-osseux de plus expriment des molécules attractives (BCA-1 et CCL-21) et activatrices (BAFF), des lymphocytes B. Ces agrégats étant présents exclusivement aux sites de pénétration osseuse du pannus synovial (par rupture de la corticale) apparaissent comme une zone de protection, et sont parallèles à l’augmentation locale d’ostéoblastes et aux tentatives d’ostéoformation. L’usage d’anticorps anti-CD20 pourrait ainsi être en théorie délétère sur ce mécanisme, mais son action synoviale contrebalance largement ce phénomène. Il existe enfin un argument plus indirect du rôle des lymphocytes B dans les phénomènes de résorption osseuse. Les souris déficientes en gène Pax 5 (codant pour le facteur spécifique d’activation des lymphocytes B) ont des lymphocytes B bloqués au stade pro-B et une ostéoporose massive, en rapport avec un nombre très important d’ostéoclastes. Il est donc possible que Pax 5, essentiel au développement des lymphocytes B joue aussi un rôle dans l’ostéoclastogenèse FIGURE 4 . L’ensemble des différents acteurs impliqués au cours de l’ostéolyse est présenté en FIGURE 5 .

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FIGURE 4 - Facteurs locaux et généraux régulant le système RANK/RANKL/OPG : mise en évidence des différents acteurs cellulaires mis en jeu Précurseur ostéoclastique

RANKL

TNF

OPG

Lymphocyte T CD4

RANK

Macrophage synovial IL1 Fibroblaste synovial

Activation Différenciation

Cellule stromale-ostéoblaste Apoptose

FIGURE 5 - Synthèse des différents acteurs impliqués au cours de l’ostéolyse et les différentes cibles thérapeutiques identifiées

Actualités sur l’ostéolyse de la PR Un nouveau rôle pour les lymphocytes T régulateurs : inhibition de l’ostéoclastogenèse sous le contrôle de la molécule CTLA4. Dans la polyarthrite rhumatoïde, la visualisation d’un œdème osseux à l’IRM est intéressante car sa présence serait prédictive de l’évolution structurale radiographique alors que le score d’activité de la PR (DAS 28) ne l’est pas. Plusieurs études ont montré que les taux initiaux de marqueurs du remodelage osseux étaient à la fois corrélés aux lésions osseuses radiologiques, et également prédictifs de l’évolution structurale de la PR ; mais leur intérêt semble plus certain pour les patients qui n’ont pas de destruction articulaire initiale. Les résultats à 12 mois de l’étude de phase II sur l’effet du dénosumab sur la progression des érosions articulaires montrent que le dénosumab (60 et 180 mg, 1 injection sous-cutanée tous les 6 mois) diminue le nombre d’érosions articulaires à 12 mois.

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2. Comment s’explique la chondrolyse dans la PR ? ■ Les mécanismes Dans les PR évoluées, on observe une mise à nu de l’os sous-chondral avec disparition totale du cartilage et destruction de l’articulation. Cette lyse est le résultat de processus complexes. La première cause de destruction du cartilage dans l’arthrite est la dégradation par des enzymes protéolytiques actives, des deux constituants majeurs de la matrice extracellulaire : les collagènes et les protéoglycanes (PG). La seconde cause est la diminution de la synthèse des éléments matriciels FIGURE 6 . FIGURE 6 - Schéma du processus de dégradation du cartilage au cours de la PR Membrane synoviale Cytokines pro-inflammatoires

IL1

Stimuli

TNF Liquide synovial

MMP-1

Fibroblaste synovial

✂ MMP-1 MMP-3 MMP-9 MMP-10 MMP-13

Cartilage

MMP Signalisation IL1 Gènes MMP PGE2



Plasminogène Pro-MMP

MMP ARNm

Chondrocyte

Plasmine

PGE2 IL1

TNF Fragments



Pannus

✂Collagènes✂✂ ✂✂ PG (agrécane) ✂ ✂ MEC

Os sous-chondral

■ Les acteurs cellulaires ■ Les synoviocytes

Les synoviocytes ont montré un rôle majeur dans la dégradation du cartilage dans la PR. Ils produisent de grandes quantités d’IL1, de PGE2, des MMP (MMP-1, MMP-3, MMP-9, MMP-10, et MMP-13). MMP-1 sécrétée par le fibroblaste synovial joue un rôle crucial dans le clivage du collagène de type II de la MEC. Le synoviocyte joue donc un rôle clé dans la PR en étant impliqué autant dans l’inflammation (par la production de médiateurs inflammatoires et la stimulation d’autres cellules de la réaction inflammatoire) que dans la destruction articulaire (par la production et sécrétion de MMP-1) ■ Le chondrocyte

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Le chondrocyte maintient l’homéostasie du cartilage par un équilibre entre synthèse et dégradation de la matrice. Le turnover du cartilage est un phénomène long, mais il peut s’accélérer dans certaines conditions pathologiques. Le chondrocyte sécrète les métalloprotéases (MMP), qui sont des enzymes protéolytiques (MMP-1, MMP-3, MMP-7, MMP-9, MMP-10, MMP-13, ADAMTS-4 et ADAMTS-5) ; celles-ci clivent les fibres de collagène de type II, mais aussi les collagènes de type IX et XI, de nombreuses protéines de liaison qui maintiennent l’intégrité de la matrice cartilagineuse, ainsi que les protéoglycanes (PG) : l’agrécane étant le plus important des PG. Le chondrocyte sécrète également des médiateurs lipidiques de l’inflammation, et notamment la prostaglandine E2 (PGE2), qui intervient dans la douleur dans la PR. Contrairement à l’arthrose, le chondrocyte produit relativement peu de cytokines pro-inflammatoires.

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Les acteurs cellulaires de la chondrolyse dans la PR

Fibroblaste synovial

Chondrocyte

■ Les deux cytokines principales

• L’Interleukine 1 : IL1 Le rôle de l’IL1‚ dans l’érosion du cartilage dans la PR est bien établi. Des modèles in vitro montrent que l’IL1 produit par les synoviocytes, participe à la destruction du cartilage par sa capacité à stimuler la production de MMP, ainsi que d’autres produits de dégradation. Dans un modèle animal d’arthrite, van den Berg et al montrent que le traitement par anti-TNF seul ne diminue pas le processus de dégradation du cartilage. En revanche, le traitement par un anti-IL1 réduit significativement la destruction histologique du cartilage et de l’articulation. Ainsi, l’antagoniste au récepteur de l’IL1, l’IL1-RA endogène, l’anticorps monoclonal anti-IL1 ou le récepteur type II soluble à l’IL1 réduisent significativement la destruction du cartilage dans l’arthrite, de même qu’une thérapie génique avec IL1-RA.

• Le Tumor Necrosis Factor  : TNF Le chondrocyte possède peu de récepteurs au TNF, comparé aux récepteurs à l’IL1, ce qui pourrait expliquer son rôle mineur dans la chondrolyse. Le TNF semble être plus impliqué dans les phénomènes inflammatoires et le développement du pannus synovial. ■ Les voies de signalisation FIGURE 7

L’expression des gènes des MMP est contrôlée par l’effet de stimulation des cytokines, le TNF, et particulièrement l’IL1.Après leur liaison sur leurs récepteurs, ces cytokines génèrent une cascade de signalisation. Juste après le signal, TGF activating kinase (TAK1) est activée. TAK1 est le point de départ de deux voies de signalisation distinctes : la voie des MAPKinases et la voie NFB.

• La voie des MAPKinases (Mitogen Activated Protein Kinase) La fixation de la cytokine sur son récepteur, suivie par l’activation de TAK-1, entraîne la phosphorylation de diverses kinases. Les kinases sont phosphorylées en cascade, les MAPKKK induisant la phosphorylation des MAPKK, qui elles-mêmes induisent la phosphorylation des MAPKinases. Le complexe MAPKinase est composé de c-jun N-terminal kinase (JNK), extracellular signal related kinase 1/2 ou p44/42 MAPK (ERK1/2) et p38 MAPKinase. Ces trois voies MAPKinases peuvent être activées par l’IL1‚ dans le chondrocyte. Les voies JNK et p38 MAPKinase sont impliquées dans l’activation de MMP-3, alors que l’expression de MMP-1 est médiée par les voies p38 et ERK.

• La voie NFB (Nuclear Factor-B) La deuxième voie de signalisation majeure activée par l’IL1‚ est la voie NFB. Lorsque TAK-1 est activée, elle active à son tour NFB inducing kinase (NIK). NIK entraine la phosphorylation, suivie d’une ubiquitinisation immédiate et de la dégradation dans le protéasome 26S de la protéine I-B, qui séquestre le complexe NFB dans le cytoplasme. Ce complexe est formé d’un homodimère ou d’un hétérodimère de protéines p50, p65, p100, p105. Ces deux sous-unités transloquent alors dans le noyau où elles peuvent se fixer sur le promoteur des gènes des MMP et activer leur transcription. Cette voie de signalisation est impliquée notamment dans l’expression de MMP-13 et MMP-1, avec l’hétérodimère p50/p65.

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NIK

MKK

P

MEKK1

Plasminogène

P

MMP

NF␬B p38 JNK ERK

Plasmine

Pro-MMP

P

Protéasome MMP-mRNA

■ Les médiateurs de l’inflammation : icosanoïdes

Le lien entre inflammation et destruction articulaire n’est pas bien établi. Il existe des médiateurs de l’inflammation et l’étude de ceux-ci permettront de faire ce lien. Les principaux médiateurs sont les icosanoïdes qui dérivent des acides gras des membranes cellulaires. Certains icosanoïdes ont des propriétés pro-inflammatoires, alors que d’autres ont des propriétés anti-inflammatoires. La PGE2 est impliquée dans la chondrolyse. Des souris génétiquement déficientes en récepteur EP4, un des récepteurs membranaires des PGE2, ne développent pas d’arthrite dans le modèle de l’arthrite au collagène. Cet effet protecteur implique la prostaglandine E synthase microsomale (mPGES-1), dernière étape de la synthèse des PGE2.

• Les Métalloprotéases : MMP Les métalloprotéases sont une famille d’enzymes protéolytiques zinc-dépendante, d’une trentaine de membres qui partagent une homologie de séquence. On trouve trois types principaux, en fonction de leurs caractéristiques : les matrix métalloprotéases (MMP), les membrane-type métalloprotéases (MT-MMP) et les adamalysins (ADAM et ADAMTS). Les MMP peuvent être classées en 5 groupes TABLEAU 1 : - les collagénases : MMP-1, MMP-8, MMP-13 - les gélatinases : MMP-2, MMP-9 - les stromélysines : MMP-3, MMP-10, MMP-11 - un groupe hétérogène : MMP-7, MMP-20 - les MT-MMP : MMP-14, MMP-17 et MMP-24, MMP-25

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P

Voie MAPK

TAK1

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Voie NF␬B

IL1



TNF

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FIGURE 7 - Schéma des voies de signalisation pro-inflammatoires dans le chondrocyte

Les collagénases et gélatinases sont sécrétées sous forme d’enzymes latentes, inactives. Au niveau de la membrane des chondrocytes, elles sont activées : ces pro-enzymes peuvent être activées par un grand nombre d’activateurs physiologiques. Le plasminogen activator (PA) est une protéase qui convertit le plaminogène en plasmine. Cette protéase est retrouvée en grande quantité dans les articulations arthritiques, suggérant un rôle dans la destruction du cartilage. La plasmine a le potentiel de dégrader les protéoglycanes du cartilage ainsi que d’activer les MMP latentes. Ces MMP sont actives dans le milieu extracellulaire, à pH neutre. Enfin, il existe des inhibiteurs physiologiques des MMP : les tissue inhibitors of metalloproteases (TIMP). TIMP-1 semble être le seul inhibiteur physiologique présent au niveau du cartilage.

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TABLEAU 1 - Principales MMP impliquées dans la destruction du cartilage Nom de l’enzyme

Substrats préférés

MMP-1

Collagénase I

Collagène type I, II, III, VII, X, gélatine, agrécane

MMP-3

Stromélysine I

Agrécane, gélatine, fibronectine, lamiline, collagène I, III, IV, V, VIII, IX, X, vitronectine, décorine

MMP-7

Matrilysine

MMP-9

Gélatinase B

Gélatine, collagène type I, III, IV, V, VII, X, XI, XIV

MMP-10

Stromélysine 2

Agrécane, fibronectine, lamiline, gélatine, élastine collagène type I, III, V, VI, VIII, IX

MMP-13

Collagénase 3

Collagène type I, II, III, VII, X, agrécane, gélatine

ADAMTS-4

Agrécanase I

Agrécane

ADAMTS-5

Agrécanase II

Agrécane

Agrécane, gélatine, vitronectine, lamiline, fibronectine, tenascine, élastine, collagène IV

3. Comment s’organise le système immunitaire ? ■ Dans l’os Les interactions entre l’os et le système immunitaire sont nombreuses. Les cellules osseuses (ostéoblastes et ostéoclastes) fournissent le micro-environnement nécessaire au développement des cellules hématopoïétiques, à la différenciation des lymphocytes B et B mémoires, et à la différenciation des lymphocytes T mémoires. Les cellules osseuses sont influencées par de nombreuses cytokines et protéines de surface cellulaire sécrétées par les lymphocytes. ■ Dans le cartilage Le cartilage étant un tissu avasculaire, on n’y retrouve pas d’autres cellules que le chondrocyte, notamment aucune autre cellule du système immunitaire. Cependant, Nishioka et al ont montré que l’ostéopontine (OP), protéine non collagénique principalement sécrétée par le chondrocyte, est un des auto-antigènes impliqué dans l’arthrite rhumatoïde. Les anticorps anti-OP pourraient même être reliés à la sévérité de la maladie. D’autres études suggèrent un rôle pathogénique pour d’autres anticorps dirigés contre des antigènes variés du cartilage comme le collagène de type II ou YKL-40 (gp39). D’autre part, les chondrocytes et les lymphocytes T interagissent à travers des molécules de surface cellulaires comme le CMH, CD4 ou CD8, ce contact induisant l’augmentation de production de MMP-1, MMP-3, MMP-13 et RANTES par le chondrocyte, accélérant la dégradation du cartilage. Enfin, dans le modèle de souris K/BxN, l’arthrite spontanée est induite par des immunoglobulines pathogènes dirigées contre l’enzyme ubiquitaire GPI (glucose-6-phosphate isomérase). GPI s’accumulant à la surface du cartilage, forme des complexes GPIanti-GPI qui pourraient initier la cascade inflammatoire via la cascade du complément.

Actualités sur la chondrolyse au cours de la PR De nouvelles cytokines initialement découvertes dans le tissu adipeux ont fait récemment leur apparition dans la physiopathologie de la PR, devenant ainsi pour certaines d’entre elles de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles. De nouvelles études en cours sur la visualisation par IRM de la diminution de collagène II et d’agrécanes, permettant d’évaluer la chondrolyse de façon non invasive. Des analyses transcriptomiques et protéomiques cherchent actuellement à différencier les facteurs intervenant dans la destruction cartilagineuse des facteurs de la destruction osseuse. Dans les pathologies arthritiques, des inhibiteurs de voies de signalisation sont aujourd’hui en développement pour prévenir la dégradation cartilagineuse (IKK, inhibiteurs de MAPK).

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Comment j’explore ?

1. Comment j’explore l’ostéolyse ? ■ En pratique ■ Radiographie standard

La radiographie standard reste aujourd’hui l’examen de référence pour le diagnostic des érosions osseuses. La plupart des érosions osseuses apparaissent dans les deux premières années de la maladie. La radiographie standard manque de sensibilité pour détecter les érosions dans la PR débutante (≤ 2 ans). Dans les PR de moins de 6 mois, elles détectent des érosions dans 8 à 40% des cas. La sensibilité au changement à court terme (6 à 8 mois) de la radiographie standard des mains est faible, inférieure à celle de l’IRM. Des scores radiographiques permettent d’évaluer à la fois les érosions osseuses et les pincements articulaires (score de Larsen, score de Sharp et Sharp modifié par van der Heijde) ; ils sont utilisés dans les essais cliniques pour évaluer l’efficacité structurale des traitements. FIGURE 8 - Érosion de la tête du 5e métatarsien au cours de la PR

Ce score est la somme d’un score d’érosions et de pincement articulaire qui est obtenu en tenant compte des articulations des mains et des pieds FIGURE 8 . Les érosions sont cotées de 0 à 5 suivant la sévérité de l’érosion : • 0 : pas d’érosion • 1 : interruption discrète de la corticale • 2 : une érosion unique • 3 : deux érosions • 4 : trois érosions • 5 : plus de 4 érosions ou présence d’érosions entraînant la destruction de l’articulation d’au moins 50% Les pincements sont cotés de 0 à 4 suivant leur sévérité : • 0 : pas de pincement • 1 : pincement focalisé • 2 : pincement inférieur à 50% de la hauteur de l’interligne • 3 : pincement supérieur à 50% de la hauteur de l’interligne • 4 : disparition de l’interligne ■ Nouvelles techniques d’imagerie

L’échographie des articulations (avec l’utilisation des sondes à haute fréquence et du Doppler puissance) s’est nettement développée dans les rhumatismes inflammatoires grâce à sa supériorité sur l’examen clinique pour le diagnostic de synovite et à sa supériorité sur la radiographie pour le diagnostic d’érosions osseuses. L’échographie articulaire détecte plus d’érosions que la radiographie que ce soit dans les PR précoces ou avancées. Chez les PR évoluant depuis moins d’un an, l’échographie montre 6,5 fois plus d’érosions que les radiographies, chez 7,5 fois plus de patients. Après un an d’évolution, l’échographie reste supérieure à la radiographie, détectant 3,5 fois plus d’érosions chez 2,7 fois plus de patients. La sensibilité de l’échographie dans la détection des érosions des articulations des doigts et des avant-pieds est comparable à celle de l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) pour les articulations techniquement accessibles à la sonde (articulations métacarpophalangiennes et métatarsophalangiennes du 1er, 2e, et 5e rayons et les interphalangiennes proximales). Au cours du suivi de patients ayant une PR débutante (moins de 2 ans), la sensibilité au changement à 6 mois de l’échographie est inférieure à celle de l’IRM et de la radiographie.

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FIGURE 9 - Érosion de la tête du 5e métatarsien au cours de la PR

L’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) permet de détecter plus précocement les érosions osseuses que la radiographie. Au cours du suivi prospectif de patients ayant une polyarthrite rhumatoïde, 78% des nouvelles érosions vues à la radiographie pouvaient être détectées par l’IRM 1 à 5 ans (médiane 2 ans) plus tôt. Chez les patients ayant une PR débutante (≤ 6 mois d’évolution), l’IRM détecte des érosions osseuses chez 45 à 72% des patients alors que la radiographie montre des érosions chez 15% des patients. En plus de l’érosion osseuse, l’IRM peut montrer un œdème de l’os périarticulaire qui est significativement associé au risque d’érosions osseuses, montrant que l’œdème osseux est un facteur de risque d’érosion. La sensibilité au changement à court et moyen terme (6 à 12 mois) de l’IRM dans le suivi des érosions est supérieure à la radiographie et l’échographie. Une IRM de 2 régions articulaires (2 poignets ou 1 poignet et les articulations métacarpophalangiennes) est plus sensible au changement à 1 an que des radiographies des mains et des avant-pieds pour les polyarthrites évoluées. Les principales limites de l’IRM sont le coût et le manque d’accessibilité. La densitométrie osseuse (MXA) peut être réalisée aux mains, et peut mesurer les épiphyses périarticulaires en particulier des MCP, afin de quantifier la « déminéralisation en bande ». Dans les PR débutantes, des pertes osseuses plus importantes qu’au rachis y ont été mises en évidence. La technique n’est pas simple d’usage chez les patients souffrant de PR en poussée (positionnement de la main), et la variation de l’épaisseur des synovites peut faire varier la BMD mesurée des épiphyses adjacentes. ■ Marqueurs osseux

L’os et le cartilage sont des tissus en constant remodelage. Le principal composant de leur matrice extracellulaire est le collagène : de type 1 pour l’os et de type 2 pour le cartilage. La structure et le remodelage de l’os et du cartilage sont reflétés par des dosages sanguins et urinaires. Les principaux marqueurs du remodelage osseux sont résumés dans le TABLEAU 2 . Dans la polyarthrite rhumatoïde, il existe un découplage entre un excès de résorption osseuse et une formation osseuse qui est normale ou diminuée. Ce déséquilibre explique l’ostéoporose et rend compte en partie de la destruction radiologique. TABLEAU 2 - Les marqueurs osseux du remodelage osseux FORMATION

• Ostéocalcine (OC) • totale • décarboxylée • Phosphatases alcalines (PAL) • totales • osseuses • Propeptides du collagène I (PINP)

RÉSORPTION

• Phosphatase acide tartrate-résistante • Sialoprotéine • Pyridinoline (PYR) • Deoxypyridinoline (D-Pyr) • N-télopeptide du collagène de type 1 NTX • C-télopeptide du collagène 1 CTX • CTX-MMP • Cathepsine K

Chez 173 patients ayant une PR, l’élévation des taux sériques de CTX I (marqueurs de résorption osseuse) est significativement corrélée avec l’activité de la maladie et la destruction articulaire. Des études ont cherché à savoir si les marqueurs du remodelage osseux et du cartilage pouvaient permettre d’identifier les patients à risque d’évolution vers une destruction ostéo-articulaire. Dans l’essai COBRA (Combinatietherapie Bij Reumatoide Artritis) comparant l’efficacité du méthotrexate seul ou en association avec la salazopyrine et des corticoïdes chez 110 patients, le risque de destruction articulaire à 4 ans est plus élevé chez les patients qui avaient des taux urinaires de CTX I (marqueurs de résorption osseuse) et de CTX II (marqueur de dégradation du cartilage) augmentés en début de traitement. Les marqueurs de dégradation du cartilage ont une meilleure valeur prédictive que les marqueurs osseux. La diminution des marqueurs sous traitement peut être un moyen d’évaluer l’efficacité structurale des traitements. La réduction des taux de marqueurs osseux est associée à une réduction de la destruction ostéo-articulaire indépendamment de l’activité de la maladie. Ces marqueurs osseux restent par contre élevés chez les patients ayant une PR en rémission clinique qui évoluent sur le plan radiographique. 14

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■ En recherche L’amélioration des techniques actuelles (échographie articulaire et IRM) et leur validation sont en cours : développement de nouvelles sondes, IRM dédiée aux petites articulations. La place des marqueurs de dégradation de l’os et du cartilage pour le suivi de l’évaluation structurale doit être étudiée ; les marqueurs existants doivent être validés, d’autres marqueurs plus spécifiques du collagène de type II (HELIX II) sont en cours de développement. L’intérêt du dosage sérique de la cathepsine K (enzyme ostéoclastique de dégradation matricielle) reste à préciser.

1. Comment j’explore la chondrolyse ? ■ En pratique ■ Radiographie standard

La méthode la plus classique pour explorer la chondrolyse est la radiographie standard sur laquelle l’interligne articulaire, représenté par l’espace entre les deux os de l’articulation, et qui représente la couche de cartilage, peut être mesuré. La mesure peut être manuelle, à l’aide d’instruments appropriés, essentiellement la loupe graduée et le crayon gras. Il existe une autre méthode digitalisée qui permet le calcul de l’interligne directement par un logiciel sur des clichés numérisés.

Arthrose secondaire sur arthrite préexistante

Érosions marginales des têtes métacarpiennes

Main rhumatoïde : pouce en Z, déformation du 5e doigt en col de cygne, carpite fusionnante

■ Nouvelles techniques d’imagerie

L’utilisation de l’IRM (image par résonance magnétique) permet de calculer un score dès les premiers signes de la chondrolyse avant même qu’elle ne soit visible sur la radiographie. L’inflammation de la membrane synoviale est également évaluable, ainsi que la perte de protéoglycanes, accompagnant la dégradation du cartilage et le contenu en eau du cartilage.

Arthrite fémorotibiale externe, IRM, séquence T2, coupe frontale

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IRM main et poignet : coupe coronale en séquence SET1 avec suppression du signal de la graisse et injection de gadolinium

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■ Marqueurs du cartilage

Les marqueurs de la dégradation du cartilage se sont développés ces dernières années. Il s’agit principalement de mesurer les produits de dégradation de la matrice extracellulaire du cartilage, comme le collagène de type II, retrouvés dans le liquide synovial, dans le sang ou les urines, mais d’autres marqueurs sont testés TABLEAU 3 . Si les tests ELISA sont aujourd’hui techniquement bien au point, ils ne sont pas utilisables en pratique quotidienne dans la PR, que ce soit à titre prédictif ou pour évaluer l’évolution de la maladie, les variations individuelles étant trop importantes. Ils restent donc encore du domaine des études cliniques ou de la recherche. TABLEAU 3 - Marqueurs biologiques de la chondrolyse dans la PR Marqueurs de la dégradation du cartilage C2C

Néo-épitope formé après clivage du collagène de type II par la collagénase

Sérique

C1, 2C

Néo-épitope formé après clivage du collagène de type II ou type I par la collagénase

Sérique

CTX-II

C-terminal crosslinked telopeptide du collagène de type I

Urinaire, sérique

PINP

N-propeptide du collagène de type I

Sérique

CTX-I

C-terminal crosslinked telopeptide du collagène de type I

Urinaire, sérique

Glycosyl-galactosyl-pyridinoline

Urinaire

HELIX-II

Peptide hélice du collagène de type II

Coll 2-1

Peptide de la triple hélice du collagène de type II

Urinaire Sérique, urinaire Urinaire, sérique

Glc-Gal-Pyd

Coll 2-1 NO2

Peptide de la triple hélice du collagène de type II avec la Tyr nitrée Marqueurs de la synthèse ou du « turnover » du cartilage

CPII

Carboxy propeptide du collagène II formé durant sa synthèse

Sérique

CS846-épitope

Épitope du turnover de l’agrécane, protéoglycane du cartilage

Sérique

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L’atteinte ostéo-articulaire de la PR

1. Quels sont les facteurs qui permettent de prédire l’apparition d’une atteinte « structurale » dans la PR ? Des facteurs cliniques, biologiques, radiologiques et génétiques interviennent dans la PR et sont importants pour prédire l’apparition d’une atteinte structurale. Les principaux facteurs sont rappelés dans le TABLEAU 4 . TABLEAU 4 - Facteurs prédictifs de l’apparition d’une atteinte structurale Facteurs prédictifs de l’apparition d’une atteinte structurale

• Sexe féminin • Début polyarticulaire avec polysynovites • VS et CRP élevées • Facteur rhumatoïde présent à titre élevé • Présence d’anticorps anti-CCP • Présence des gènes HLA DR1, DR4 • Érosions osseuses et pincement articulaire précoce L’élévation des marqueurs de dégradation du cartilage et de l’os est prédictive d’une destruction articulaire, mais leur utilisation n’est pas recommandée en pratique courante pour identifier les patients à risque d’évolution structurale. La présence d’un œdème osseux du carpe à l’IRM est associée à l’apparition d’érosions osseuses des mains et des avant-pieds dans les 2 à 6 ans qui suivent, mais l’IRM n’est pas utilisée de façon courante dans cette indication. Visser et coll ont proposé un score destiné à prédire la probabilité d’apparition d’érosions dans les polyarthrites récentes (de moins de 2 ans), basé sur 6 variables : raideur matinale ≥ 1 heure, présence d’au moins 3 arthrites, douleurs des articulations métatarsophalangiennes (MTP) à la pression, la présence du facteur rhumatoïde, d’anticorps anti-CCP, la présence d’érosions des mains et des avant-pieds.

2. Comment s’expliquent les phénomènes de « découplage » observés dans la PR ? Le « découplage » observé dans la PR représente les deux volets qui paraissent être indépendants : l’inflammation d’une part et la dégradation d’autre part. ■ Comment s’explique la forme « sèche » ? Il existe une grande variabilité de présentation clinique et radiographique des PR. Près de 25% des patientes ayant une PR avec polysynovites n’auront jamais de lésions radiologiques et à l’inverse, des formes avec peu de signes inflammatoires auront des signes radiologiques. Des érosions et des pincements articulaires peuvent également survenir chez des patients en rémission clinique et biologique après 2 ans d’évolution. Il existe donc une dissociation entre les signes cliniques d’inflammation et l’apparition de lésions ostéo-articulaires. Il existe probablement deux processus pathologiques ; des études immunohistochimiques de synoviale rhumatoïde suggèrent que les signes inflammatoires sont plutôt liés à la présence de lymphocytes et les lésions destructrices, plutôt liées à la présence de macrophages synoviaux. Il a par ailleurs été observé que les « œdèmes » épiphysaires vus en IRM étaient en réalité des zones dans lesquelles le tissu normal en particulier graisseux était totalement remplacé par un tissu inflammatoire. Il est donc possible qu’en association, voire indépendamment de la synovite, des zones d’ostéite existent et puissent donc évoluer vers la résorption. On pourrait évoquer ce mécanisme pour expliquer certaines formes cliniques de lésions macrogéodiques intra-osseuses de la PR.

3e partie

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Chapitre 13

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■ Comment s’explique le blocage de l’atteinte structurale sous anti-TNF chez les patients qui n’ont pas de réponse clinique ? Les traitements par anti-TNF peuvent freiner l’évolution structurale sans qu’il y ait d’amélioration clinique. Il existe une dissociation entre l’effet des anti-TNF sur l’inflammation et sur la destruction ostéo-articulaire. Dans un sous-groupe de l’étude ATTRACT traité par infliximab et méthotrexate, la progression radiologique est freinée alors qu’il persiste une activité de la maladie avec des synovites et une CRP élevée. Des résultats similaires ont été observés avec l’analyse des données de l’étude TEMPO (Trial of Etanercept and 17

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Methotrexate with radiographic and Patient Outcomes). L’association etanercept + méthotrexate freine la progression de la destruction ostéo-articulaire alors que la maladie reste active sur le plan clinique et biologique. Cette dissociation est probablement expliquée par le rôle fondamental du système RANK/RANKL/OPG dans la résorption osseuse. Le TNF stimule l’ostéoclastogenèse par le biais d’une activation du RANKL. Le traitement par anti-TNF augmente in vivo l’expression de l’OPG dans la synoviale rhumatoïde sans modifier l’expression du RANKL. L’administration d’ostéoprotégérine (OPG) dans l’arthrite à adjuvant chez le rat bloque la perte osseuse le développement des érosions osseuses ; mais n’a aucun effet sur l’inflammation articulaire. La démonstration inverse est apportée par l’usage du denosumab (anticorps anti-RANKL) qui a un effet favorable osseux au cours de la PR, sans modifier les paramètres cliniques et biologiques de l’inflammation.

3. Peut-on espérer une guérison avec régression des lésions ostéo-articulaires rhumatoïdes ? Des cas de guérisons avec réparation des érosions osseuses ont été observés et la possibilité d’une réparation de l’érosion osseuse est reconnue par les experts de l’OMERACT (Outcomes Measures in Rheumatology). Ces réparations sont définies soit par une sclérose osseuse, une recortication, un « remplissage », un remodelage ou une réparation. Chez 122 patients ayant une PR en rémission (critères ACR), 44 érosions ont été « réparées » chez 13 (10,7%) patients, qui avaient une activité de la maladie faible au cours de l’évolution de la PR et une altération de la qualité de vie modérée au moment du diagnostic. En revanche, le pincement de l’interligne est irréversible, le cartilage ne pouvant se réparer. La rémission est plus fréquente, surtout au début de la maladie et est aujourd’hui l’objectif du traitement de la PR. La rémission peut survenir spontanément, mais est surtout induite par les traitements de fond. Plusieurs définitions de la rémission ont été proposées : un DAS (disease activity score) 28 ≤ 1,6 ; et les critères de l’American College of Rheumatology (ACR) décrits par Pinals. DAS (disease activity score) = 0,55 x ⻫(nombre d’articulations douloureuses parmi 28) + 0,284 x ⻫(synovites douloureuses parmi 28) + 0,33 log VS + 0,0142 x appréciation globale du patient (mm)

Critères de rémission de l’American College of Rheumatology (ACR) décrits par Pinals (1981) Au moins 5 des signes suivants sont requis pendant au moins 2 mois consécutifs :

• raideur matinale inférieure à 15 minutes • absence d’asthénie • absence de douleur articulaire • absence de douleur articulaire à la mobilisation • absence de synovites ou ténosynovites • VS ≤ 30 mm/h (femmes) ou 20 mm/h (hommes) Mais des érosions et des pincements articulaires peuvent également survenir chez des patients en rémission clinique et biologique après 2 ans d’évolution, remettant en cause la définition de la rémission. L’échographie et l’IRM peuvent montrer des synovites asymptomatiques et infracliniques chez les patients jugés en rémission clinique et biologique.

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Quels traitements pour éviter les destructions ostéo-articulaires ?

1. Quel est l’effet des traitements classiques ? ■ Les corticoïdes L’utilisation des corticoïdes comme traitement de fond aux doses de 5 à 15 mg/jour d’équivalent-prednisone est supérieur au placebo pour prévenir la destruction ostéo-articulaire, mais avec des effets indésirables qui limitent son utilisation. Dans les polyarthrites rhumatoïdes débutantes (≤ 2 ans), les corticoïdes à faibles doses (≤ 7,5 mg/j) utilisés en association à un autre traitement de fond, préviennent l’apparition des lésions radiologiques. Dans l’étude BEST conduite dans la PR débutante, 4 stratégies thérapeutiques ont été évaluées : monothérapie par un traitement de fond classique, combinaison de traitements de fond, combinaison de traitements de fond avec corticothérapie et combinaison d’un traitement de fond classique avec l’infliximab. Les 2 dernières stratégies qui comprennent un traitement de fond classique associé aux corticoïdes ou à l’infliximab sont plus efficaces sur le plan clinique que les 2 autres stratégies et ralentissent la progression radiologique à 1 an. ■ Les traitements de fonds Les sels d’or injectables utilisés seuls sont capables dans certains cas d’induire une rémission clinique complète, mais ne préviennent pas les destructions ostéo-articulaires. La sulfasalazine n’a pas d’effet préventif sur la destruction ostéo-articulaire comparativement au placebo. L’analyse de 6 essais randomisés a montré que l’hydroxychloroquine a une efficacité structurale faible. L’effet de l’azathioprine sur la prévention des lésions ostéo-articulaires est faible et inférieur à celui du méthotrexate. Le méthotrexate et le léflunomide permettent de ralentir significativement la progression radiologique. Les cultures cellulaires de fibroblastes de synoviale rhumatoïde en présence de facteurs de croissance (M-CSF), de 1,25(OH)2 vitamine D3 et de traitements de fond (méthotrexate, salazopyrine, hydroxychloroquine) ont montré que le méthotrexate et la salazopyrine inhibent l’ostéoclastogenèse in vitro en modulant les interactions entre RANKL, RANK et OPG, ce qui pourrait expliquer leur effet structural.

2. Quel est l’effet des anti-TNF ? Le traitement de la PR a été révolutionné par l’arrivée des anti-TNF qui permet d’obtenir la rémission dans certains cas. C’est en combinaison avec le méthotrexate que l’efficacité des 3 anti-TNF pour prévenir l’apparition de lésions radiographiques, est la meilleure. Mais des études destinées à définir la stratégie optimale d’utilisation des anti-TNF a montré, par exemple dans le cas de l’infliximab, qu’il y a moins de lésions structurales lorsqu’on associe l’infliximab au méthotrexate dès le début du traitement plutôt que d’ajouter l’infliximab après un an de traitement par méthotrexate seul. L’effet structural semble meilleur si dans le cas des PR actives avec des facteurs de mauvais pronostic, le traitement par anti-TNF est débuté précocement en association avec un traitement de fond classique de type méthotrexate. Il existe une dissociation entre l’effet des anti-TNF sur l’inflammation de la maladie et la destruction ostéo-articulaire puisque l’atteinte structurale peut être prévenue chez des patients qui n’ont pas de réponse clinique. Dans un sous-groupe de l’étude ATTRACT (Anti-TNF Trial in Rheumatoid Arthritis with Concomitant Therapy) traité par infliximab et méthotrexate, la progression radiologique est freinée alors qu’il persiste une activité de la maladie avec des synovites et une CRP élevée. Des résultats similaires ont été observés avec l’analyse des données de l’étude TEMPO : l’association etanercept + méthotrexate freine la progression de la destruction ostéo-articulaire alors que la maladie reste active sur le plan clinique et biologique. Cette dissociation est probablement expliquée par le rôle fondamental du système RANK/RANKL/OPG dans la résorption osseuse. L’analyse en immunohistochimie de tissu synovial de patients ayant une PR traitée par anti-TNF (infliximab et etanercept) avec mesure des taux d’OPG et de RANKL, montre qu’un des mécanismes pouvant expliquer l’effet structural des anti-TNF est une modulation de l’expression du système RANKL/OPG en faveur de la formation osseuse.

4e partie

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Chapitre 13

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3. Quel est l’effet des nouvelles biothérapies ? Le rituximab, anticorps monoclonal chimérique spécifique sur le CD20 est indiqué en combinaison avec le méthotrexate dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde active et sévère en cas d’échec et/ou d’intolérance aux traitements de fond, y compris à un ou plusieurs anti-TNF. Un essai randomisé conduit chez 520 patients (étude REFLEX) ayant une PR a montré que l’association rituximab-méthotrexate est efficace sur le plan 19

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clinique et permet de freiner la progression radiologique (évalué par le score de Sharp modifié) à 2 ans, par comparaison à la combinaison méthotrexate-placebo. L’abatacept, modulateur de la co-activation lymphocytaire a montré son efficacité en combinaison avec le méthotrexate dans le traitement de la PR active et sévère en échec aux traitements de fond classiques et permet de freiner la progression radiologique comparativement à l’association méthotrexate-placebo. Le tocilizumab, anticorps humanisé dirigé contre le récepteur de l’interleukine 6 (IL6), est efficace en association avec le méthotrexate et semble un traitement prometteur dans la polyarthrite rhumatoïde sévère réfractaire aux autres traitements de fond. Dans un essai randomisé de 52 semaines comparant l’association tocilizumab 8 mg/kg tous les mois + méthotrexate au méthotrexate + placebo chez 302 patients, la progression radiologique évaluée par le score de Sharp modifié est significativement moins importante dans le groupe traité par tocilizumab et méthotrexate, comparativement à la combinaison méthotrexate-placebo.

4. Que peut-on espérer d’un inhibiteur du système RANK/RANKL ? Bloquer la résorption osseuse pour limiter l’ostéolyse est l’un des objectifs du traitement de la PR. Dans des modèles expérimentaux animaux, les bisphosphonates diminuent la résorption osseuse sous-chondrale et préviennent l’ostéolyse. Mais cet effet bénéfique des bisphosphonates a été très peu étudié chez des patients ayant une PR. Dans un essai préliminaire randomisé conduit chez 39 patients avec une PR débutante (≤ 2 ans) traités par méthotrexate, l’acide zolédronique 5 mg, une injection à 0 et 3 mois diminue l’apparition des érosions osseuse aux mains à 6 mois (0,9 ± 1,63 versus 2,3 ± 3,09 ; p = 0,176) mais la différence avec le groupe placebo n’est pas significative. L’éventuel effet bénéfique de l’acide zolédronique dans l’ostéolyse de la PR reste à prouver. L’implication du système RANK/RANKL dans l’ostéolyse de la PR semble être une thérapeutique plus prometteuse pour bloquer la résorption osseuse. L’administration d’ostéoprotégérine (OPG) dans l’arthrite à adjuvant chez le rat bloque la perte osseuse corticale et trabéculaire, le développement des érosions osseuses ; mais n’a aucun effet sur l’inflammation articulaire. L’évaluation de l’OPG comme agent thérapeutique est aujourd’hui abandonnée en raison de l’apparition d’anticorps anti-OPG, et des nombreuses interactions existant avec l’OPG. Une des interactions est celle de l’OPG et d’une molécule pro-apoptotique, TRAIL qui est un puissant inducteur de l’apoptose et qui est nécessaire à l’élimination des cellules tumorales. Le denosumab est un anticorps humanisé qui a une forte affinité et spécificité pour se lier et bloquer l’action du RANKL. Des études conduites chez des femmes ostéoporotiques ont montré que l’injection sous-cutanée de denosumab est capable d’entraîner une diminution des marqueurs osseux de résorption et donc de bloquer efficacement la résorption osseuse. Le traitement par le denosumab a l’avantage de ne pas entraîner l’apparition d’auto-anticorps et de ne pas interagir avec d’autres voies comme TRAIL. Dans une étude en cours de publication, l’administration de 180 mg (une injection sous-cutanée tous les 6 mois) a été comparée à un placebo, et à la dose de 60 mg (utilisée dans l’ostéoporose). Ces résultats à 6 mois (donc l’effet d’une injection) ont été présentés oralement. Dans le groupe traité, il existe une diminution significative des marqueurs de résorption et du remodelage osseux. Une diminution significative des marqueurs de résorption cartilagineuse est observée à 3 mois avec retour à des valeurs comparables aux valeurs initiales à 6 mois. Les érosions périarticulaires ont été évaluées par IRM (à 6 mois), IRM et radiographie standard (à 1 an). À 6 mois, le suivi IRM de progression des érosions est plus faible dans le groupe 180 mg que dans les 2 autres groupes. L’analyse des résultats à 1 an est en attente. Il n’y a pas d’effet sur l’inflammation et le DAS dans les 2 groupes recevant le denosumab par rapport au placebo. Compte tenu de l’efficacité des anti-TNF dans la PR sur l’inflammation, et du rôle du RANKL dans la résorption osseuse, la combinaison anti-TNF et denosumab pourrait être une voie thérapeutique intéressante pour prévenir la destruction ostéo-articulaire ; des études sont en cours.

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Synthèse

Les points forts

5e partie

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2. La dégradation du cartilage dans l’arthrite est liée à l’activité des métalloprotéases, enzymes clés de dégradation de la matrice extracellulaire.

3. Le système RANK/RANKL/OPG joue un rôle fondamental dans l’activation de l’ostéoclastogenèse. Son expression est modulée par les cytokines pro-inflammatoires, tel que le TNF.

4. La chondrolyse dans la PR est un phénomène qui semble distinct de l’inflammation chronique. Il existe un « découplage » entre les deux phénomènes. La chondrolyse est sous la dépendance prédominante de l’IL1, l’inflammation sous la dépendance prédominante du TNF.

5. L’identification des patients ayant une PR, à risque de destruction ostéo-articulaire et la prévention par des traitements ayant une efficacité structurale sont des éléments importants de la prise en charge thérapeutique.

6. Les anti-TNF et les autres biothérapies sont efficaces pour freiner la progression radiologique en combinaison avec un traitement de fond classique de type méthotrexate.

7. Bloquer la résorption osseuse pour limiter l’ostéolyse est l’un des objectifs du traitement de la PR et l’inhibition de RANKL semble une bonne cible thérapeutique.

8. Dans des modèles expérimentaux d’arthrite, l’inhibition du RANKL prévient l’apparition des érosions osseuses mais n’a aucun effet sur l’inflammation. Des études sont en cours avec l’anticorps anti-RANKL chez les patients ayant une PR.

Les grandes questions 1. Comment prédire chez les patientes ayant une PR débutante, celles qui vont évoluer vers une destruction radiologique et qui doivent donc bénéficier au plus tôt de traitements ayant démontré un effet structural ?

2. Démontrer l’intérêt et les limites de l’anticorps anti-RANKL chez des patients ayant une PR. 3. Démontrer l’intérêt des bisphosphonates (zolédronate) dans la prévention de la destruction ostéo-articulaire.

Chapitre 13

augmentation de la résorption osseuse médiée par les ostéoclastes localisés à la jonction pannus synovial-os.

L’ostéolyse et la chondrolyse dans les rhumatismes inflammatoires : de la pathogénie aux traitements

1. L’ostéolyse de la polyarthrite rhumatoïde (érosions osseuses et ostéopénie périarticulaire) est liée à une

4. Comment surveiller l’efficacité structurale des traitements ? Quelle est la place des marqueurs du remodelage osseux ? 1. Démontrer l’intérêt d’une biothérapie dirigée à la fois contre l’activité clinique et l’activité structurale de la maladie. 2. Démontrer l’intérêt d’inhibiteurs sélectifs de certaines MMP ou d’agrécanases dans la prévention de la chondrolyse dans la PR. 3. Quelle sera la place des biomarqueurs et de l’imagerie du cartilage pour déterminer les malades débutant une PR les plus à risque de destruction cartilagineuse ?

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Lexique

stéolyse : l’augmentation de la résorption osseuse au cours de la PR est à l’origine des érosions osseuses et de l’ostéopénie périarticulaire.

O C R R O M M M

hondrolyse : destruction active de la matrice extracellulaire du cartilage par l’intervention d’enzymes protéolytiques.

ANK (Receptor Activator of NFB) : récepteur situé sur les pré-ostéoclastes et les ostéoclastes matures. ANK ligand : protéine transmembranaire, appartenant à la famille des ligands TNF exprimée par les cellules stromales et les ostéoblastes, qui se lient au RANK pour activer l’ostéoclastogenèse. stéoprotégérine : protéine membre de la superfamille des récepteurs au TNF qui se lie au RANKL pour inhiber la résorption osseuse. MP : métalloprotéases ; enzymes protéolytiques qui clivent les éléments constituant la MEC du cartilage, les collagènes et l’agrécane. arqueurs osseux : marqueurs biochimiques sanguins et urinaires reflétant la résorption osseuse ou la formation osseuse. arqueurs de chondrolyse : dosages biochimiques (sanguins, urinaires ou liquide synovial) ou données d’imagerie pouvant être corrélés à l’intensité et la vitesse de destruction de la MEC du cartilage.

7e partie

Pour en savoir plus



Goldring SR, Gravallese EM. Pathogenesis of bone erosions in rheumatoid arthritis. Curr Opin Rheumatol 2000;12:195-9.



Gravallese EM, Goldring SR. Cellular mechanisms and the role of cytokines in bone erosions in rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum 2000;43:2143-51.



Kong YY, Feige U, Sarosi I, Bolon B, Tafuri A, Morony S et al. Activated T cells regulate bone loss and joint destruction in adjuvant arthritis through osteoprotegerin ligand. Nature 1999;402:604-9.



Romas E, Bakharevski O, Hards DK, Kartsogiannis V, Quinn JMW, Ryan PFJ et al. Expression of osteoclast differentiation factor at sites of bone erosion in collagen-induced arthritis. Arthritis Rheum 2000;43:821-6.



Walsh MC, Kim N, Kadono Y, Rho J, Lee SY, Lorenzo J et al. Osteoimmunology: interplay between the immune system and bone metabolism. Annu Rev Immunol 2006;24:33-63.



Rannou F, François M, Corvol MT, Berenbaum F. Cartilage breakdown in rheumatoid arthritis. Joint Bone Spine 2006;73:29-36.



Martel-Pelletier J. Metalloproteinases and inhibitors in arthritic diseases. Best Practice & Res Clin Rheumatol 2001;15:805-29.



Verstappen SMM et al. Radiographic joint damage in RA is associated with differences in cartilage turnover and can be predicted by serum biomarkers: an evaluation from 1 to 4 year after diagnosis. Arthr Res Ther 2006;8:R31.



Van den Berg WB. Uncoupling of inflammatory and destructive mechanisms in arthritis. Semin Arthritis Rheum 2001;30:7-16.

DE LA PHYSIOPATHOLOGIE AUX TRAITEMENTS IMMUNOMODULATEURS

PATHOGÉNIE

83

1. L’activation de l’immunité innée

83

2. Les cytokines

84

3. L’activation de l’immunité acquise

84

4. Le rôle des cellules de l’articulation

85

5. Le rôle des voies intra-cellulaires de signalisation

85

STRATÉGIE IMMUNO-MODULATRICE

86 86 87 88 88

1. La modulation des cytokines pro-inflammatoires 2. La modulation de l’activité acquise 3. L’inhibition des cellules de l’articulation 4. La modulation des voies de signalisation

2e partie

Les spondylarthropathies

PATHOGÉNIE 1. Le rôle de l’antigène tissulaire HLA-B27 2. L’implication d’autres facteurs génétiques

STRATÉGIE IMMUNO-MODULATRICE 1. Y a-t-il une place pour les corticoïdes ? 2. Les AINS 3. Les « traitements de fond » ou « immunomodulateurs » « conventionnels » 4. Les anti-TNFa 5. Les autres approches 6. La «stratégie thérapeutique médicamenteuse »

89 89 89 8 10 8 10 8 10 8 10

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

83

Chapitre 14

1ère partie La polyarthrite rhumatoïde

SOMMAIRE

Chapitre 14

8 11 8 11 8 11 8 11

1

L’immunopathologie pour le praticien 2

3e partie

Les myosites

8 15

PATHOGÉNIE

8 15

1. La dermatomyosite (DM)

8 16

2. La polymyosite (PM)

8 17

3. Les myosites à auto-anticorps spécifiques

8 18

4. La myosite à inclusions (MI)

8 20

STRATÉGIE IMMUNO-MODULATRICE

8 22

1. Les immunoglobulines intraveineuses

8 22

2. Les inhibiteurs du TNFa

8 22

3. Les stratégies anti-B et anti-CD20

8 23

4. Les anticorps monoclonal anti-C5

8 24

4e partie

Les vascularites

8 29

PATHOGÉNIE

8 29

Vaisseaux de petit calibre

8 29

1. Les vascularites associées aux anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires (ANCA)

8 29

2. Les vascularites des cryoglobulinémies

8 31

Vaisseaux de moyen calibre

8 31

1. PAN et PAN associée au virus de l’hépatite B

8 31

2. La maladie de KAWASAKI

8 32

Vaisseaux de gros calibre

8 32

STRATÉGIE IMMUNO-MODULATRICE

8 33

Vaisseaux de petit calibre

8 33

1. Le traitement des vascularites associées aux ANCA

8 33

2. Le traitement des vascularites de cryoglobulinémie

8 35

Vaisseaux de moyen calibre

8 35

1. PAN et le cas des vascularites associées à HBS

8 35

2. La maladie de KAWASAKI

8 36

Vaisseaux de gros calibre

8 36

1ère PARTIE LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE Bernard Combe - Hôpital Lapeyronie, CHU de Montpellier, Université Montpellier I

1ère partie

Chapitre 14

CPA* CP PA*

T cell B7

Toll Toll like receptors Immuns complexes Complément

CD28 8

HLA TCR H

IL-12 IL-18 ! Présentation antigénique (antigènes articulaires : collagène type II, CCP P,, etc…) Protéoglycanes,, CCP, Protéoglycanes

Th1

B cell

FIGURE 1 - Les acteurs de la pathogénie de la polyarthrite rhumatoïde rhumatoïde Facteur rhumato ïde de Ac anti CCP

IFNg, (IL-2 , IFNg g,, IL-1 IL-17)!



Inflammation

Recrutement

Chapitre 14

Bien que l’origine de la maladie reste inconnue, les connaissances de la pathogénie de la polyarthrite rhumatoïde (PR) ont progressé de manière importante au cours des dernières années. Plusieurs facteurs interviennent dans le déclenchement de la maladie, notamment des facteurs environnementaux, un terrain génétique prédisposé et des facteurs hormonaux. Ces facteurs réunis activent une réponse immunitaire innée et acquise incontrôlée qui se traduit par une réaction inflammatoire exagérée, en particulier de la membrane synoviale figure 1. La synoviale normale est une structure paucicellulaire, en revanche, la synovite rhumatoïde est infiltrée par de nombreuses cellules comprenant principalement des lymphocytes T CD4+, des lymphocytes B et des macrophages qui s’organisent en agrégats lymphoïdes. Elle se caractérise également par une prolifération de la couche bordante, composée de synoviocytes et de macrophages, mais aussi par une prolifération importante de néo-vaisseaux. La PR est classée parmi les maladies auto-immunes, en raison de nombreux signes d’auto-réactivité, tels que la présence d’auto-anticorps

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

PATHOGÉNIE

(Macrophage)

IL-1, TNFa, TNF , IL-6

HEV* Angiogénèse VCAM-1, E-selectine

Syno.F* PGE2, chimiokines, MMP*,

RANK L, IL-17 Destruction articulaire

Ostéoclastes Ostéoc é oc éoclast éoclastes Chondr Chondrocytes ocytes

F

3

L’immunopathologie pour le praticien 4

1. L’activation de l’immunité innée Les cellules dendritiques, les monocytes/macrophages, les polynucléaires neutrophiles, les mastocytes interviennent dans l’activation de la réponse innée, qui est une réponse immunitaire non spécifique en réaction à un élément étranger. Ces différentes cellules sont attirées dans la membrane synoviale par des chimiokines (MCP-1, MIP-1, RANTES, IL8). Des agents de l’environnement, notamment infectieux mais également le tabac, ont été incriminés dans le déclenchement de la PR par activation de l’immunité innée. Ces agents infectieux peuvent en effet induire une réponse immunitaire innée par activation des récepteurs Toll-like (TLR) qui reconnaissent des molécules exprimées par des micro-organismes. Des dérivés bactériens pourraient déclencher une réaction inflammatoire et aussi faciliter la pérennisation de l’inflammation en favorisant la stimulation récurrente de l’immunité innée, laquelle déclenche la libération en cascade de nombreuses cytokines proinflammatoires.

2. Les cytokines Dans la PR, il existe un déséquilibre entre les cytokines pro-inflammatoires (TNFα, IL1, IL6, IL15, IL17, IL18…) et les cytokines anti-inflammatoires. Les monocytes, les lymphocytes T activés, les macrophages et les synoviocytes sont les principaux producteurs de ces cytokines. L’IL1β, le TNFα et l’IL6 sont des cytokines clés de l’inflammation articulaire. Ils contrôlent la production de nombreuses autres cytokines tels que les facteurs de croissance et les chimiokines, mais aussi les molécules d’adhésion qui interviennent dans la réaction inflammatoire en favorisant l’angiogénèse et le recrutement des cellules dans la synoviale. Les cellules endothéliales stimulées par du TNFα de l’IL1 ou de l’IL18 expriment les molécules d’adhésion. L’interaction de cellules circulantes avec des cellules endothéliales permet la diapédèse de ces cellules à travers la membrane synoviale. Les cellules circulantes migrent ensuite dans la synoviale en exprimant à leur surface membranaire des récepteurs aux chimiokines. L’IL6 est une cytokine qui cumule à la fois des propriétés pro et anti-inflammatoires, en induisant d’une part, des protéines de la phase aiguë de l’inflammation et en pouvant dans certaines conditions, freiner la production de l’IL1, du TNFα et des chimiokines. Ses effets sont complexes et pléiotropes. Le rôle central des cytokines pro-inflammatoires et notamment du TNFα, de l’IL6 et à un degré moindre de l’IL1β dans la pathogénie de la PR a été confirmé en utilisant des médicaments capables de les neutraliser. Leur neutralisation permet d’une part, d’inhiber la réaction inflammatoire articulaire et d’autre part, de contrôler la destruction ostéo-articulaire de la PR, confirmant le rôle de ces cytokines d’une manière directe et/ou indirecte, à la fois, dans l’inflammation et la destruction ostéocartilagineuse de la maladie.

3. L’activation de l’immunité acquise Les cellules présentant l’antigène, les lymphocytes T, les lymphocytes B sont les principaux facteurs cellulaires de l’immunité acquise. Les cellules présentant l’antigène : les macrophages, les lymphocytes B et surtout les cellules dendritiques sont capables de présenter un antigène aux lymphocytes T. Les cellules présentant l’antigène expriment à la surface de leur membrane, des molécules HLA de classe II, qui sont indispensables au déclenchement d’une réponse immunitaire et à l’activation des lymphocytes T. La PR est associée aux allèles HLA de classe II, DRB1*0401, 0404, 0101. Les molécules HLA codées par ces allèles, se caractérisent pas une séquence commune d’acides aminés (QKRAA) situés entre la position 70 et 74 de la chaîne β et qui correspond également aux sites impliqués dans la reconnaissance antigénique. Cette séquence commune, appelée « épitope partagé », pourrait être au cœur de la réaction auto-immune, médiée par les lymphocytes T. Les allèles HLA DRB1*04 sont également associés à la sévérité articulaire de la maladie. Les lymphocytes B : les lymphocytes B peuvent intervenir dans la pathologie de la PR à différents niveaux : présentation antigénique et activation des lymphocytes T, production d’auto-anticorps, production de cytokines. Ils sont capables de présenter des antigènes aux lymphocytes TCD4+ par l’intermédiaire de molécules HLA de classe II ou d’ immunoglobulines qui s’expriment dans leur membrane. Ils produisent également des cytokines comme notamment le TNFα ou l’IL10. Enfin, ils sont caractérisés par leur capacité à produire des auto-anticorps tels que les facteurs rhumatoïdes ou les anticorps anti-protéines citrullinés. La production d’auto-anticorps (facteur rhumatoïde) peut être induite par la liaison entre les TLR et de l’ADN bactérien. Le rôle physiopathologique dans la PR des peptides citrullinés est de plus en plus probable. Ces peptides sont produits par déimination du résidu arginine par une peptidyl arginine deiminase. Le rôle des lymphocytes B a été confirmé par deux résultats in vivo. Tout d’abord dans le modèle murin K/BxN de souris, développant spontanément des arthrites directement liées à des anticorps dirigés contre un antigène ubiquitaire, le transfert simplement du sérum de ces souris est capable d’induire une arthrite chez d’autres animaux. D’autre part et surtout, l’inhibition chez l’homme des lymphocytes B par des anticorps monoclonaux anti-CD20 produit une diminution significative des manifestations inflammatoires et de la destruction articulaire dans la PR.

Les lymphocytes T : le rôle primordial des lymphocytes T dans la PR est suggéré depuis longtemps, en particulier du fait de l’abondance des lymphocytes Th1 dans la synovite rhumatoïde. Ces lymphocytes qui se différencient après la reconnaissance antigénique sont responsables dans la PR d’une réponse immunitaire « de type Th1 » se traduisant par une forte production d’interféron gamma, d’IL2 ou d’IL17. La plupart de ces lymphocytes T synoviaux expriment à la fois des marqueurs CD4 et CD45RO et sont donc des lymphocytes T auxiliaires mémoires. Ils peuvent être à nouveau activés par les cellules présentatrices d’antigènes, par engagement des molécules TCR et HLA-DR, mais nécessitent un deuxième signal pour une activation complète. Ce deuxième signal est appelé signal de co-stimulation et implique des molécules telles que CD80/86 et CD28. L’activation lymphocytaire T est sous contrôle des lymphocytes T régulateurs (T reg CD4+ et CD25+) qui sont capables d’inhiber l’expansion clonale des lymphocytes T CD4. La molécule CTLA4 est exprimée par les Treg 1, après l’activation lymphocytaire et est capable d’interagir avec les CD80/CD86 pour lesquelles elle a plus d’affinité que CD28, permettant ainsi l’inhibition de la voie de costimulation CD80/86-CD28 et donc l’inhibition de l’activation lymphocytaire.

1ère partie

Chapitre 14

5. Le rôle des voies intra-cellulaires de signalisation Lorsqu’un ligand se fixe sur un récepteur membranaire, il produit une modification de sa conformation aboutissant à la phosphorilation du récepteur ou d’un enzyme associé à ce récepteur. Cette phosphorilation entraîne l’activation en cascade d’autres enzymes, les protéines kinases qui activent à leur tour, les facteurs de transcription. Ceux-ci régulent la synthèse protéique en agissant sur le promoteur des gènes. Les principales voies de signalisation impliquées dans l’inflammation sont NFκB, la voie des MAP-kinases, la voie de la phospho-inositide PI-3 kinase et la voie JAK/STAT. Ces différentes voies de signalisation contrôlent la synthèse de protéines participant à l’inflammation de la synoviale et à la destruction articulaire. Elles régulent l’activation des gènes codant pour des cytokines pro-inflammatoires, des médiateurs de l’inflammation tels que les prostaglandines, de l’angiogénèse, du recrutement cellulaire (molécules d’adhésion, chimiokines) ou des métalloprotéinases. Les anomalies précises sur ces voies de signalisation ne sont pas actuellement parfaitement identifiées dans la PR.

Chapitre 14

Les synoviocytes : ils constituent le principal composant cellulaire de la couche bordante de la synoviale et sont soit de type macrophagique, soit des synoviocytes fibroblastiques. Les macrophages synoviaux activés seraient les moteurs de la réaction inflammatoire locale en produisant d’une part des médiateurs primaires, tels que les prostaglandines, les leucotriènes, les radicaux libres, les enzymes et des médiateurs secondaires composés principalement par les cytokines pro-inflammatoires. Les synoviocytes fibroblastiques ont eux une capacité de prolifération qui ressemble par certains aspects aux cellules cancéreuses. La prolifération anormale des synoviocytes de PR pourrait s’exprimer comme pour les tumeurs par un défaut d’apoptose qui pourrait résulter d’une surexpression de facteurs anti-apoptotiques. Il existe d’ailleurs comme dans les tumeurs, une augmentation de plusieurs proto-oncogènes. Une mutation de la protéine p53 observée dans certaines tumeurs est également retrouvée dans les synoviocytes de PR et pourrait contribuer au prolongement de la durée de vie de ces cellules. Les chondrocytes : ils sont activés en particulier par des cytokines pro-inflammatoires et leur activation est responsable de la production de médiateurs tels que les enzymes protéolytiques responsables de la chondrolyse. Les ostéoclastes : ils jouent un rôle majeur dans le développement d’érosions osseuses et de la destruction articulaire. La cytokine RANK-ligand joue un rôle important dans la résorption osseuse sous-chondrale de l’articulation rhumatoïde. Elle est exprimée à la surface des cellules de la lignée ostéoblastique mais aussi des cellules endothéliales, des lymphocytes activés ou de cellules mésenchymateuses. La production de RANK L est régulée par des cytokines pro-inflammatoires, telles que le TNFα, l’IL1, l’IL17. RANK est le récepteur membranaire de RANK L et est présent sur les préostéoclastes dont l’activation favorise cette différentiation et l’activation ostéoclastique. L’ostéoprotégérine est la forme soluble du récepteur et a un effet anti-résorptif dans différents modèles d’arthrite expérimentale, suggérant fortement le rôle de RANK L dans la destruction osseuse articulaire.

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

4. Le rôle des cellules de l’articulation

En conclusion, le déclenchement de la PR pourrait faire intervenir l’immunité innée et l’immunité acquise. L’activation des TLR, qui stimulent les cellules dendritiques, les macrophages et les synoviocytes, activerait initialement l'immunité innée, favorisant le recrutement des cellules impliquées dans l'inflammation synoviale. L’activation des lymphocytes T, dépendant de la reconnaissance d’un antigène présenté par les cellules présentatrices d’antigène, produirait une réponse immune plus élaborée sur un terrain génétique prédisposé. Ces deux mécanismes aboutiraient à l’activation des lymphocytes T en lymphocytes Th1. Ceci stimulerait par l’intermédiaire de cytokines pro-inflammatoires, les macrophages et les synoviocytes articulaires favorisant l’in5

L’immunopathologie pour le praticien

flammation et la prolifération synoviale. Les molécules (cytokines, enzymes) produites par ces cellules synoviales activeraient les ostéoclastes et les chondrocytes favorisant la dégradation articulaire.

STRATÉGIE IMMUNO-MODULATRICE On a vu qu’un nombre important de cellules et de médiateurs solubles jouait un rôle clé dans la pathogénie de la PR. L’identification de ces acteurs a permis avec succès le développement de thérapeutiques ciblées qui par leur effet sur l’inflammation articulaire et les mécanismes de destruction articulaire, ont transformé la prise en charge et l’évolution de cette maladie figure 2 .

Anti-lymphocyte T -abatacept (CTLA4-Ig)

CD28

T cell IL-17## IL-17

Anti-lymphocyte B - rituximab,……

Anti-macr Anti-macrophages ophages -! A ! nti-TNF!" ((etanercept, --Anti-TNF Anti-TNF etanercept, infliximab adalimumab, certoluzimab, certoluzimab golimumab) --!!Anti-IL1 -Anti-IL1 (anakinra..) anakinra..) Anti-IL1(anakinra

Th1

B cell rhumatoïde Facteur rhumato ï ïde Anti-CCP

Mø ø

(Macrophages)

TNF! IL1, TNF" ! ,# TNF" IL6

!Anti-IL6 (tocilizumab tocilizumab) -Anti-IL6 -! -Anti-IL6 (tocilizumab)

Anti-synoviocytes

Synoviocytes

FIGURE 2 - Les différentes thérapeutiques immuno-modulantes ciblées actuellement utilisées ou en cours de développement dans la polyarthrite rhumatoïde MMP : métalloprotéinases

-Inhibiteurs des MMPs Inhibiteurs de la pr olifération -Inhibiteurs prolifération

Anti-ostéoclaste

Ostéoclastes éoclastes

-Ostéoprotégérine Ostéoprotégérine -Ac anti RANK L (belimumab)

Inhibiteurs des voies de signalisation

Plusieurs types cellulaires cellulaires

-Inhibiteurs de p38 MAPK, de NF NFkB NFk kB k B Figure Figure 2 : les différentes thérapeutiques immuno-modulantes ciblées actuellement utilisées ou en cours de développement dans la polyarthrite rhumatoïde. MMP : métalloprotéinases.

1. La modulation des cytokines pro-inflammatoires

Les anti-TNFα : La modulation du TNFα par des anticorps monoclonaux (infliximab, adalimumab, certolizumab, golimumab) ou par un récepteur soluble (etanercept) a été le progrès majeur dans le traitement de la PR au cours des dix dernières années. Le traitement par anti-TNFα a permis d’obtenir un contrôle rapide de l’inflammation traduit par une amélioration clinique, parfois spectaculaire et par une diminution également rapide dès la deuxième semaine des paramètres biologiques de l’inflammation (VS, CRP). Cette amélioration clinique a été renforcée par l’utilisation concomitante du methotrexate dont l’association aux anti-TNF est actuellement la stratégie thérapeutique la plus efficace dans la PR. Outre l’amélioration des patients, elle a permis d’obtenir un pourcentage élevé de rémission (DAS28) pouvant atteindre 50% dans les PR récentes. Parallèlement à cette amélioration clinique, l’efficacité des anti-TNF permet une amélioration des paramètres de qualité de vie, une amélioration du handicap et des capacités de travail et probablement une diminution du risque cardiovasculaire de la PR. Surtout, l’utilisation des anti-TNFα a permis pour la première fois, de prévenir la destruction articulaire engendrée par le processus pathogénique de la PR. Des phénomènes de réparation articulaire ont même été notés dans les meilleurs cas. Les anti-TNFα sont maintenant proposés de plus en plus précocement dans la prise en charge des patients atteints de PR, dès qu’il y a une insuffisance d’efficacité d’un traitement de première ligne comme le methotrexate ou dès qu’il y a des signes de sévérité, comme le développement d’érosions osseuses. L’utilisation maintenant à long terme de ces traitements biologiques a permis de rassurer sur la tolé-

6

L’inhibition de l’IL1 : l’anakinra, antagoniste du récepteur de l’IL1 a également montré une efficacité clinique et une diminution de la progression radiographique chez les patients atteints de PR. Cependant, cette efficacité est moins spectaculaire que celle obtenue avec les anti-TNF. D’autres mécanismes d’inhibition de l’IL1 ont été évalués ou sont actuellement en cours de développement, mais aucun n’a trouvé à ce jour, une réelle place dans la stratégie thérapeutique de la maladie, faisant s’interroger parallèlement sur le réel rôle de cette cytokine dans la pathogénie de la PR. L’inhibition de l’IL6 : le tocilizumab est un anticorps monoclonal humanisé, inhibant le récepteur de l’interleukine 6. Cette nouvelle biothérapie a montré des effets cliniques très intéressants chez les patients atteints de PR, en monothérapie ou en association au methotrexate et une normalisation très rapide dans les premières semaines des paramètres biologiques tels que la CRP. Plusieurs études concordantes confirment la très bonne efficacité clinique du tocilizumab en monothérapie ou en combinaison au methotrexate et son efficacité radiographique pour ralentir la destruction articulaire. Il est nécessaire par ailleurs de documenter et rassurer sur sa tolérance (infections, hyperlipémie, élévation des transaminases, neutropénies…) et de disposer d’une administration sous-cutanée avant de mieux situer cette molécule dans la stratégie thérapeutique de la PR. Des anticorps monoclonaux dirigés directement contre la cytokine IL6 elle-même sont en développement avec des résultats préliminaires très intéressants. L’inhibition d’autres cytokines pro-inflammatoires (IL15, IL17, IL18…) : des inhibiteurs d’autres cytokines pro-inflammatoires et particulièrement des anticorps monoclonaux anti-IL17 sont actuellement en cours de développement avec des résultats initiaux positifs mais mitigés. Citons également l’inhibition de la lymphotoxine α par le baminercept qui a montré récemment des résultats cliniques intéressants. Ceci est à rapprocher de l’effet de l’etanercept qui inhibe le TNFα mais aussi la lymphotoxine α.

2. La modulation de l’activité acquise

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

rance. Globalement, celle-ci est bonne mais il convient d’être vigilant quant au risque de développement d’infections bactériennes sévères (Risque Relatif proche de 2) ou d’infections opportunistes comme la tuberculose (essentiellement avec les anticorps monoclonaux). L’effet préventif de la destruction articulaire porte à la fois sur la prévention des érosions osseuses et sur la prévention de la chondrolyse.

1ère partie

Chapitre 14

Des anticorps monoclonaux anti-lymphocytes B : le rituximab est un anticorps monoclonal chimérique antiCD20 déjà utilisé dans le traitement des lymphomes B et qui a démontré son efficacité dans plusieurs maladies auto-immunes et surtout dans la PR. L’efficacité clinique a été bien démontrée dans plusieurs études. Elle est relativement retardée de quelques semaines à quelques mois. Deux études ont également démontré la capacité du rituximab à diminuer la progression radiographique de la PR sans cependant d’inhibition complète semble-t-il. Le traitement par rituximab entraîne une déplétion lymphocytaire B sérique pratiquement complète et qui est prolongée au minimum 6 mois. Les retraitements par rituximab (tous les 6 à 12 mois) sont actuellement proposés et semblent tout-à-fait efficaces. L’efficacité du rituximab paraît meilleure lorsqu’il est associé au methotrexate qu’en monothérapie. Comme les anti-TNF, il expose aux risques infectieux bactériens et probablement viraux mais semble-t-il pas aux infections opportunistes. Les retraitements s’accompagnent d’une baisse des taux d’IgG et IgM qui paraît corrélée au risque infectieux. Actuellement, le rituximab est réservé aux insuffisances d’efficacité des anti-TNF ou à leurs contre-indications. D’autres anticorps monoclonaux anti-CD20 et d’autres voies de modulation des lymphocytes B tels que la modulation des cytokines B ou de leurs récepteurs (BAFF, TACI) sont actuellement en développement.

Chapitre 14

Les interventions thérapeutiques portent surtout sur les lymphocytes B et les lymphocytes T.

L’inhibition des lymphocytes T : de nombreuses études d’inhibition des lymphocytes T ont été testées sans beaucoup d’efficacité jusqu’à l’introduction de l’abatacept qui est un inhibiteur d’une voie de co-stimulation entre les cellules présentatrices d’antigènes et les lymphocytes T. L’abatacept est une molécule de fusion entre le CTLA4 et un fragment FC d’une immunoglobuline. Il inhibe par compétition la liaison entre CD80/CD86 et CD28, entraînant une inhibition de l’activation lymphocytaire T. L’abatacept a montré une efficacité clinique significative dans la PR. Cette efficacité porte sur différents paramètres d’activité clinique et biologique et est également renforcée en cas de co-administration avec le methotrexate. L’abatacept a également démontré une capacité à diminuer la progression radiographique dans la PR, sans semble-t-il non plus d’inhibition complète. La tolérance de l’abatacept est satisfaisante mais expose aussi aux risques infectieux. Comme le tocilizumab, l’abatacept peut être proposé aux patients en insuffisance de réponse au methotrexate.

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L’immunopathologie pour le praticien 8

3. L’inhibition des cellules de l’articulation L’inhibition des métalloprotéases ou le développement d’inhibiteurs de la prolifération synoviale a été envisagée mais sans net succès. Il en est de même à ce jour pour l’utilisation des inducteurs de l’apoptose synoviale. Par contre, la modulation de l’ostéoclastose semble plus prometteuse. Celle-ci peut se faire par l’inhibition des cytokines pro-inflammatoires mais son inhibition directe est également possible. L’ostéoprotégérine a été utilisée chez l’animal mais n’a pas été développée chez l’homme dans la PR. Par contre, un anticorps monoclonal anti-RANK L est en cours de développement et les premiers résultats montrent une capacité à prévenir le développement d’érosions osseuses. En revanche, il ne semble y avoir aucun effet sur la destruction cartilagineuse, ni aucun effet sur les paramètres cliniques et biologiques d’inflammation. Cette absence d’efficacité sur les données cliniques de la maladie rend peu probable l’utilisation de cette biothérapie seule dans la PR, et si elle a un avenir, il ne peut se concevoir qu’en association avec une autre biothérapie ayant un effet antiinflammatoire, dans le but essentiel de mieux bloquer la destruction osseuse articulaire.

4. La modulation des voies de signalisation L’inhibition des voies de signalisation conduisant en particulier à l’inflammation est un objectif thérapeutique déjà depuis plusieurs années. Cette inhibition peut se faire par l’utilisation de petites molécules synthétiques, administrables par voie orale. Des inhibiteurs de la voie des MAP-kinases et de NFκB ont déjà été testés en clinique, mais sans beaucoup de succès à ce jour. L’utilisation de cette immunomodulation est probablement compliquée par le fait qu’elle n’est pas très spécifique et expose en particulier à des effets colatéraux inducteurs d’effets indésirables cliniques. Cependant récemment certaine molécules en phase 3 de développement ont montré une efficacité certaine dans le traitement de la PR avec un assez bon profil de tolérance. C’est le cas notamment du tofacitinib (inhibiteur de la voie JAK3 /JAK1) et du fostamatinib (SYK inhibiteur). En conclusion, la polyarthrite rhumatoïde est un exemple type où les progrès dans la connaissance de l’immunopathologie de la maladie a conduit au développement de thérapeutiques immuno-modulantes ciblées conduisant à des progrès majeurs pour la prise en charge des patients.

POUR EN SAVOIR PLUS n Morel J, Miossec P, Combe B. Physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde. Encyclopédie Médico-chirur-

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2ème PARTIE LES SPONDYLARTHROPATHIES Corinne Miceli-Richard - INSERM U1012, Université Paris-Sud 11, Hôpital Bicêtre, Le Kremlin Bicêtre Pascal Claudepierre - S Hôpital Henri Mondor, Créteil

2ème partie

Chapitre 14

1. Le rôle de l’antigène tissulaire HLA-B27 L’association de l’antigène tissulaire avec la SpA est connue depuis près de 40 ans et son rôle pathogénique exact dans cette affection fait toujours débat. Plusieurs hypothèses ont été proposées au fil des années et des expériences. Les modèles animaux transgéniques pour le B27 ont des symptômes proches de ceux que l’on observe chez l’homme. En effet, les rats transgéniques développent une diarrhée à 10 semaines de vie. Des arthrites périphériques avec synovites destructrices, périostite et production osseuse sont observées de même qu’une atteinte axiale mise en évidence par l’étude histologique des vertèbres constituant la queue des rats. Une hyperkératose et une dystrophie des ongles des 4 pattes et des lésions cutanées de la queue, comparables à l’hyperplasie observée au cours du psoriasis, sont également présentes. Les mâles présentent une orchi-épididymite. Certains animaux transgéniques développent une atteinte inflammatoire cardiaque, une kératite ou une uvéite antérieure aiguë. Ce modèle animal développe donc une maladie très proche de la maladie humaine, argument clé pour évoquer l’implication directe de HLA-B27 dans la physiopathogénie de la maladie. Le rôle précis du HLA-B27 dans le déterminisme de la maladie reste cependant imprécis. Dans les années 1990 se sont développées les théories dites spécifiques d’antigène (où l’on fait intervenir un rôle de la reconnaissance par HLA-B27 de peptides spécifiques) comme les théories du mimétisme moléculaire ou du peptide arthritogène. Ces théories n’ont jamais été démontrées de façon formelle et ne sont actuellement plus d’actualité laissant place aux théories dites « non spécifiques d’antigène » impliquant les anomalies de conformation tridimensionnelle (ou « misfolding ») propres au HLA-B27. En effet, les particularités structurales de la molécule HLA-B27 sont associées à sa lenteur de repliement et d’assemblage avec la β2microglobuline. La conséquence de ce misfolding serait la formation anormale d’homodimères de chaînes lourdes exprimés à la surface des cellules. Ces homodimères de B27 seraient potentiellement inducteurs d’un stress cellulaire (stress appelé UPR pour « Unfolded Protein Response ») au niveau du réticulum endoplasmique : des données de la littérature suggèrent l’induction par cette réponse UPR de TNFα et d’IL6. La sous-unité IL-23p19 peut également être induite dans ces circonstances et pourrait être impliquée dans la différenciation Th17 observée au sein de la muqueuse colique des rats transgéniques. Ainsi, le misfolding B27 par l’induction d’un stress UPR conduirait à une réponse cytokinique inflammatoire, en particulier la stimulation de la voie IL-23 et la différenciation Th17.

Chapitre 14

Les spondyloarthrites ankylosantes (SpA) sont un groupe de manifestations articulaires et extra-articulaires chroniques dont les points communs sont une atteinte inflammatoire de l’enthèse et une forte association à l’antigène tissulaire HLA-B27. Il s’agit d’un groupe d’affections dites complexes ou multifactorielles, c’est-àdire résultant de l’interaction de plusieurs facteurs génétiques avec des facteurs d’environnement. L’identification des différents facteurs de susceptibilité génétique a bénéficié des progrès technologiques considérables de ces 10 dernières années. Ainsi, si l’association des SpA au HLA-B27 est connue depuis presque 40 ans, d’autres facteurs génétiques ont été identifiés depuis, ouvrant de nouvelles perspectives sur la compréhension des mécanismes physiopathogéniques de la maladie. Les facteurs environnementaux jouent également un rôle dans l’émergence des SpA et plus particulièrement les agents bactériens comme l’illustre l’une des formes cliniques de la maladie, l’arthrite réactionnelle. L’enjeu d’une meilleure compréhension de la physiopathogénie des SpA est bien entendu le développement potentiel de thérapies ciblées, comme nous le verrons dans la partie suivante.

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

PATHOGÉNIE

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L’immunopathologie pour le praticien

2. L’implication d’autres facteurs génétiques Il a été démontré que d’autres gènes, localisés en dehors du CMH, impactent également la susceptibilité génétique aux spondylarthropathies. Parmi les facteurs génétiques les plus importants identifiés à ce jour, on note le récepteur à l’IL-23 et ARTS1 (aminopeptidase regulator of TNFR1 shedding). Ce dernier joue un rôle dans le clivage des récepteurs à certaines cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-1, l’IL6 ou le TNF. ARTS1 intervient également dans l’apprêtage des peptides avant présentation aux molécules HLA dans le RE. Une perte de fonction de ce facteur génétique pourrait ainsi favoriser les phénomènes inflammatoires médiés par les cytokines mais également par un stress UPR. En effet, les molécules HLA sont stabilisées dans le RE par leur couplage aux peptides à présenter à la surface cellulaire. Un apprêtage défectueux conduirait à une perte de stabilité des molécules HLA, amplifiant le stress du RE déjà induit par le misfolding du B27. Le récepteur à l’IL-23 exprimé à la surface des lymphocytes Th17 conduit à la production d’interleukine 17 après fixation de l’IL-23 sur son récepteur cellulaire. Cette sécrétion est favorisée par le maintien de la survie et la prolifération des lymphocytes Th17 induits par l’IL-23. Des polymorphismes du récepteur à l’IL-23 (IL-23Rc) ont été rapportés par plusieurs groupes indépendants, confirmant ainsi la robustesse de cette association qui s’applique à la forme axiale des SpA mais également au psoriasis et à la maladie de Crohn et à la rectocolite inflammatoire. Un taux sérique élevé d’IL-17 de sujets atteints de SpA par rapport à des sujets témoins avait déjà été mis en évidence. Un travail plus récent a montré une augmentation de l’expression de l’IL-17 dans les articulaires postérieures de patients ayant une SpA comparativement à des sujets arthrosiques. Enfin, une équipe a récemment montré que la conséquence fonctionnelle du variant de prédisposition aux SpA de l’IL-23Rc conduit à une augmentation de sécrétion d’IL-17 en réponse à une stimulation IL-23. L’ensemble de ces données concordent pour impliquer la voie Th17 dans la pathogénie des SpA et suggère l’importance du ciblage de cette voie pour les approches thérapeutiques à venir. En conclusion, la compréhension du rôle du HLA-B27 dans le déterminisme des spondylarthropathies est un processus long et complexe. Cependant, force est de reconnaître que les données actuelles convergent vers l’importance du misfolding du B27 dans la genèse d’une réponse inflammatoire, notamment l’induction de la voie IL-23 avec une différenciation lymphocytaire Th17. Ces observations devraient favoriser le développement dans la spondylarthrite de thérapeutiques permettant de moduler la réponse UPR du réticulum endoplasmique et/ou ciblant les lymphocytes Th17. Dans cette dernière optique, l’efficacité de l’uztekinumab (Stelara®) (anticorps monoclonal dirigé contre la sous-unité protéique p40 commune à l’IL-12 et à l’IL-23) dans le psoriasis, le rhumatisme psoriasique et la maladie de Crohn semble prometteuse. Gageons que les données expérimentales actuelles autour du misfolding B27 permettront aussi, à terme, de développer d’autres options thérapeutiques.

STRATÉGIE IMMUNO-MODULATRICE 1. Y a-t-il une place pour les corticoïdes ? Contrairement à ce que l’on observe dans la polyarthrite rhumatoïde, les corticoïdes par voie orale à faible dose (< 10 mg/j de prednisone) sont toujours apparus peu efficaces dans la SpA. Ceci a été récemment confirmé par une étude randomisée contre placebo. Ainsi, la toxicité engendrée par les doses élevées ne laisse donc quasiment aucune place à la corticothérapie orale dans la SpA. Les raisons immunochimiques de cette « résistance » de l’inflammation spondylarthritique aux corticoïdes ont été très peu étudiées et restent donc non comprises. Au contraire de la voie orale, les injections intra-articulaires peuvent rendre de précieux services dans les arthrites périphériques, les sacro-iliites rebelles, ou certaines enthésites.

2. Les AINS Les AINS restent les traitements médicamenteux incontournables des SpA car, à l’inverse de ce que nous avons vu avec les corticoïdes, l’inflammation spondylarthritique est globalement très sensible à l’action de ces molécules. Elles permettent donc souvent d’atteindre l’objectif du contrôle des symptômes (douleur, raideur matinale). Des données récentes suggèrent un rôle qui irait au-delà du seul contrôle des symptômes : en effet, ces médicaments pourraient ralentir la progression de l’ossification chez les patients chez lesquels celle-ci se développe.

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3. Les « traitements de fond » ou « immunomodulateurs » « conventionnels » Seule la sulfasalazine a été correctement évaluée dans cette situation. Il ressort des principaux essais thérapeutiques avec la sulfasalazine dans les SpA qu’elle est pourvue d’un certain effet symptomatique mais que celuici n’est significatif que sur les manifestations articulaires périphériques. Elle est éventuellement utilisée à la dose de 2 à 3 g/j en cas d’échec des AINS (indication hors AMM), dans les formes périphériques.

2ème partie

Chapitre 14

5. Les autres approches Le blocage de l’IL6 s’est avéré récemment décevant dans 2 essais thérapeutiques portant sur 2 molécules différentes, dont le tocilizumab commercialisé dans la polyarthrite rhumatoïde, contre placebo, chez des patients atteints de SpA naïfs de biothérapie. Deux autres biothérapies de la polyarthrite rhumatoïde, l’abatacept et le rituximab, ont montré des résultats décevants dans des séries ouvertes, la plupart du temps, il est vrai, chez des patients en échec préalables des anti-TNF. Les perspectives portent donc actuellement essentiellement sur des anticorps intervenant dans la voie IL17 IL23, ou sur l’utilisation de petites molécules inhibiteurs de signaux intracellulaires tels que l’aprémilast ou peut-être les inhibiteurs de JAK kinases.

6. La «stratégie thérapeutique médicamenteuse » Pour les formes qui sont bien sensibles aux AINS, il reste encore un consensus actuellement pour considérer que le traitement doit continuer à reposer sur ces médicaments. La question se pose cependant de plus en plus, dans les formes chroniques, de la toxicité comparative de l’administration au long cours d’un AINS ou d’un anti-TNF. Chez certains patients, il peut même apparaître une balance bénéfices-risques plutôt en faveur de l’anti-TNF : c’est le cas par exemple du patient ayant des facteurs de risque cardiovasculaires dont une HTA et une fonction rénale limite. Chez les patients qui ont une maladie inflammatoire de l’intestin associée, le maniement des AINS étant soit contre-indiqué, soit délicat, on recourt souvent d’emblée aux anti-TNF. Pour les formes qui « résistent » aux AINS, on recourt aux anti-TNF dans les formes axiales, parfois après l’essai d’un traitement de fond (sulfasalazine, voire méthotrexate) dans les formes périphériques. Dans les formes avec ossification visible, la question se pose de plus en plus de laisser le traitement AINS, au moins pendant un à deux, en association au traitement anti-TNF pour tenter de freiner la progression de cette ossification. En l’absence d’alternative aux anti-TNF actuellement, l’échec ou l’échappement à une de ces molécules amènent à réaliser un, voire des switchs entre ces molécules. actuelles autour du misfolding B27 permettront aussi, à terme, de développer d’autres options thérapeutiques.

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Quatre anti-TNFα ont actuellement une AMM et une commercialisation dans la SpA en France : 3 anticorps monoclonaux (l’infliximab, anticorps chimérique, et l’adalimumab et le golimumab anticorps humains), et une protéine de fusion équivalente du récepteur soluble p75 du TNF, l’etanercept ; le cinquième anti-TNF commercialisé en France est en cours de développement dans la SpA (certolizumab, anticorps monoclonal). Ces médicaments ont montré leur efficacité sur l’ensemble des symptômes rhumatologiques de la SpA, sur le contrôle du syndrome inflammatoire biologique lorsqu’il est présent, sur la fonction, les mesures de mobilité et la qualité de vie, et ce dans des formes qui étaient au moins résistantes à plusieurs AINS, voire également à des « traitements de fond conventionnels ». Ils ont également montré leur efficacité sur les manifestations extra-articulaires de cette affection, à savoir le psoriasis, très probablement les uvéites antérieures aiguës, la rectocolite hémorragique (sauf l’etanercept), la maladie de crohn (sauf le golimumab et l’etanercept). Ils ont donc un intérêt majeur dans la prise en charge de tous les domaines potentiellement impliqués dans la SpA, tous, excepté le domaine structural. En effet, 3 études, menées chacune avec soit l’infliximab, soit l’etanercept, soit l’adalimumab, n’ont pas montré de différence de progression du score radiographique d’ossification (mSASSS) sur 2 ans entre des patients traités par ces anti-TNF et des patients traités par des traitements conventionnels au sein de la cohorte OASIS juste avant l’ère des biothérapies. Il faut souligner que ces patients avaient en moyenne une durée d’évolution de la maladie d’au moins 10 ans et qu’il reste tout à fait possible qu’une action anti-TNFα beaucoup plus précoce sur les phases inflammatoires initiales de la maladie puisse enrayer l’emballement secondaire du processus d’ossification.

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

4. Les anti-TNFα

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De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

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PATHOGÉNIE n

CLASSIFICATIONS DES MYOSITES, ÉVOLUTION DES CONCEPTS Au milieu des années 1970, Peter et Bohan ont proposé la première classification des myopathies inflammatoires, décrivant ainsi les critères diagnostiques des polymyosites (PM) et des dermatomyosites (DM). Longtemps, seule cette classification a prévalu. Sur la présence d’une myopathie acquise des ceintures et d’un infiltrat inflammatoire au sein du muscle, le diagnostic de « dermato polymyosite » était retenu. La distinction entre les deux entités était parfois faite sur la présence des signes cutanés de DM. La notion de myosite à inclusions (MI) naîtra en 1971 devant la constatation de « PM corticorésistante » survenant chez des patients âgés présentant une faiblesse musculaire asymétrique, proximale et distale, et des inclusions tubulo-filamenteuses sur leur biopsie. Mais il faut attendre encore plus d’une vingtaine d’année pour que Griggs et coll. publient les critères diagnostiques cliniques, paracliniques et anatomo-pathologiques des MI. Enfin, la notion de myopathie nécrosante autoimmune a été définie en 2004. Pour autant, ces classifications souffraient encore de sur-estimer la représentation réelle de la PM, de sous-estimer la représentation des myosites associées à d’autres connectivites (sclérodermie le plus souvent, mais aussi lupus érythémateux systémique, connectivite mixte, syndrome de Gougerot-Sjögren, polyarthrite rhumatoïde etc…), et de présenter beaucoup d’hétérogénéité, au sein même des différentes entités définies, tant clinique, qu’immunologique (comme le cas particulier des myosites associées à certains auto-anticorps spécifiques). Ainsi, un groupe d’experts européens s’est réuni en 2003 sous l’égide de l’ENMC (European Neuro Muscular Centre) afin de réviser les critères diagnostiques des myosites (à l’exception des MI) et de définir les critères d’évaluation des patients pour les essais cliniques. Ainsi les notions de myosite aspécifique et de myopathie nécrosante auto-immune sont apparues. Encore plus récemment, une équipe canadienne a proposé une nouvelle classification des myosites toujours à l’exclusion des MI. Son premier intérêt est de tenir compte à la fois des critères classiques définissant les DM et les PM, mais aussi, de tenir compte de la présence de signes cliniques extra-musculaires ou cutanés typiques des PM/DM et/ou de la présence d’auto-anticorps (les deux étant fortement corrélés) définissant ainsi les myosites de chevauchement (overlap myositis). Son deuxième intérêt est pronostique, notamment du fait du risque de rechute et/ou de corticorésistance de ces différentes entités. Il reste toutefois un certain nombre de myopathies inflammatoires qui ne trouvent toujours aucune place dans l’une ou l’autre de ces classifications (par exemples les myosites granulomateuses, éosinophiles, coxnégatives, distales …). D’autres auto-anticorps associés aux myosites sont régulièrement décrits (voir plus bas) et ils apporteront une aide indéniable au diagnostic, comme au pronostic. Enfin, un certains nombres de myosites essentiellement parmi les DM et les myopathies nécrosantes autoimmunes sont associées à des cancers dans près d’un tiers des cas. Cette observation pourrait provenir de l’existence d’antigènes musculaires et tumoraux partagés.

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

Olivier Benveniste - Service de Médécine 1, Centre de référence des pathologies neuromusculaires Paris-Est, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie, Paris Michel De Bandt - Service de Rhumatologie, Hôpital Robert Ballanger, Aulnay sous Bois

Chapitre 14

3ème PARTIE LES MYOSITES

3ème partie

Chapitre 14

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L’immunopathologie pour le praticien

n

PHYSIOPATHOLOGIE DES PRINCIPALES MYOSITES 1- La dermatomyosite (DM) La DM qui peut survenir à n'importe quel âge, y compris chez l'enfant (DM juvénile), associe typiquement un déficit bilatéral et symétrique des muscles proximaux, et des lésions cutanées qui pour certaines sont quasi pathognomoniques figure 1A : érythème lilacé des paupières supérieures et érythème douloureux de la sertissure des ongles ; à un moindre degré : érythème en bande du dos des mains et des doigts. Cet érythème peut également s’accompagner de lésions érythémato-papuleuses qui s’ulcèrent (papules de Gottron) et/ou de calcifications sous-cutanées qui se rencontrent dans les formes juvéniles de la maladie.

FIGURE 1A - Lésions cutanées typiques de la dermatomyosite

Oedème lilacé des paupières

Erythème en bande du dos des mains

Signe de la manucure (érythème périungual)

Il est probable que la cible primitive du processus conduisant à la DM se situe au niveau de l’endothélium vasculaire. Les premières manifestations histologiques anormales sont observées au niveau des cellules endothéliales des petits vaisseaux du derme et du muscle, dont le cytoplasme est ballonnisé et pâle, et s’accompagne de microvacuoles. Ces altérations endothéliales de la microvascularisation sont liées à l’activation du complément avec formation du C3b et du C4b conduisant au dépôt du complexe d’attaque membranaire C5b-9 dans ces capillaires figure 1B . Les facteurs induisant cette activation demeurent méconnus. Néanmoins, une étude récente montre pour la DM une hyperexpression d’un panel de gènes sous la dépendance des interférons de type 1 (composant majeur du système immunitaire inné), dont la principale source serait des cellules dendritiques plasmacitoïdes CD4+. La principale conséquence du dépôt du complément dans les capillaires est l’induction de phénomènes ischémiques responsables d’une atrophie périfasciculaires des fibres figure 1B . La périphérie des fascicules est en effet la zone ayant la plus faible densité capillaire et donc la zone la plus sensible à l’ischémie, qui va se manifester initialement par une atrophie des fibres. L’atrophie périfasciculaire suffit à elle seule (en l’absence d’un lupus érythémateux systémique) à porter le diagnostic de DM. Il apparaît ensuite : une réduction importante du nombre de capillaires par fibre musculaire, une dilatation compensatrice des capillaires restant, des infarctus musculaires et l’infiltrat inflammatoire figure 1B . Cet infiltrat se situe donc essentiellement dans les régions périvasculaires. La production de cytokines et de chimiokines, secondaire à l’activation du complément et à l’ischémie, entraîne la surexpression de molécules d’adhésion 16

(VCAM-1, ICAM-1) à la surface des cellules endothéliales et la diapédèse des cellules inflammatoires vers les fibres musculaires. La composition particulière de l’infiltrat inflammatoire (nette prédominance de lymphocytes B figure 1B et de cellules dendritiques plasmacitoïdes CD4+ par rapport aux lymphocytes CD8+ ou NK, tandis que les macrophages sont représentés à hauteur de 25 à 30%), est aussi le reflet de ce mécanisme. La DM peut ainsi être décrite comme une micro-angiopathie à point de départ endothélial médiée par le complément, conséquence d’une activation du système immunitaire inné et notamment des cellules dendritiques plasmacitoïdes CD4+ productrices d’interféron de type 1.

3ème partie

Chapitre 14

B

C

D

2- La polymyosite (PM)

Chapitre 14

A

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

FIGURE 1B - Lésions anatomopathologiques typiques de la dermatomyosite : infarctus musculaire avec infiltrat inflammatoire périvasculaire (A) ; riche en lymphocytes B (immunohistochimie avec un Ac antiCD20, B) ; atrophie périfasciculaire due à l’ischémie (hématoxyline-éosine, flèches, C) ; dépôts de complément dans les capillaires musculaires (immunohistochimie avec un Ac anti-C5b-9, flèches, D)

La PM affecte les adultes de tous âges, mais pas les enfants. La PM est plus rare que la DM, à un tel point que certains ont mis en cause l’existence même de cette entité. Dans la cohorte de Troyanov et coll. qui sert de base à la nouvelle classification clinico-sérologique, les PM représentent 10% des myosites. Le début de la maladie est souvent moins rapide qu’au cours de la DM. La maladie s’installe progressivement en quelques semaines ou mois. Une fois installé, le déficit moteur est en tous points comparable à celui observé au cours de la DM. Au cours de la PM, rien ne permet de mettre en cause un phénomène de micro-angiopathie, ni d’ischémie musculaire comme au cours de la DM. L’analyse histologique des biopsies musculaires est, en revanche, clairement en faveur de phénomènes de cytotoxicité directe des lymphocytes T CD8+ autoréactifs dirigés contre les fibres musculaires. La première lésion anatomopathologique observée est la présence de fibres musculaires d’allure normale mais qui expriment de façon diffuse sur chacune d’entre elle, les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité HLA de classe I (lesquelles sont normalement indétectables par des méthodes immuno-histologiques dans le muscle sain et sont en revanche hyperexprimées sur toutes fibres lésées quelque soit le mécanisme) figure 2 . L’infiltrat inflammatoire apparaît ensuite, il est fait de lymphocytes T CD8+ et de macrophages autour de fibres initialement non lésées. Encore plus caractéristique est la présence de lymphocytes T CD8+ qui envahissent focalement les fibres musculaires dans des zones non-nécrotiques, avec parfois 17

L’immunopathologie pour le praticien

un aspect de tunnellisation centro-myocytaire figure 2. L’infiltrat inflammatoire est constitué d’une prédominance nette de lymphocytes T CD8+ et de macrophages avec rareté des lymphocytes CD4+ et absence des B. D’autres arguments viennent étayer l’hypothèse cytotoxique : Des souris transgéniques surexprimant des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I dans le muscle développent spontanément une myosite. Des lignées de lymphocytes T CD8+ cytotoxiques obtenues à partir de prélèvements de patients atteints de PM exercent in vitro un effet cytotoxique contre les myotubes autologues.

FIGURE 2 - Lésions anatomopathologiques typiques de la polymyosite : expression intense et diffuse de l’HLA de classe I, même en zone non lésée (immunohistochimie avec un Ac anti-HLA-I, A), immunohistochimie identique chez un sujet sain (absence de marquage des fibres et marquage attendu des capillaires) (B), fibre partiellement envahie par des lymphocytes T CD8+ (immunohistochimie avec un Ac anti-CD8, C), et infiltrat inflammatoire endomysial (hématoxyline-éosine, D)

A

B

C

D

La destruction des fibres musculaires semble liée à un phénomène d'exocytose granulaire des lymphocytes T CD8+ situés au contact des fibres musculaires qui libèrent différentes protéines lytiques (perforine, granzyme-B, protéine TIA-1…). Celles-ci endommagent alors la membrane de la cellule cible et provoquent sa mort par lyse osmotique. Enfin, différentes études ont permis de mettre en évidence des biais du répertoire des lymphocytes T au sein des biopsies musculaires de patients atteints de PM, c’est-à-dire, l’existence d’expansions oligoclonales de certaines populations lymphocytaires T CD8+, caractérisables par leur récepteur pour l’antigène (TCR) situé à leur surface membranaire. Ainsi, le mécanisme vraisemblablement responsable de la PM est une lyse des fibres musculaires par des lymphocytes T CD8+ cytotoxiques auto-réactifs dont la reconnaissance des autoantigènes est restreinte par des molécules HLA de classe I exprimées de façon anormale par ces mêmes fibres. 3- Les myosites à auto-anticorps spécifiques Près de 50% des patients atteints de myosite (sans restriction nosologique, pour revue) ou de « myopathie nécrosante auto-immune » (selon Hoogendijk) présentent des auto-anticorps (AAC) dont les titres 18

varient généralement peu au cours de l’évolution de leur maladie. La présence même de ces AAC fait classer ces patients non plus dans la catégorie des myosites primitives mais plutôt dans celle des myosites de chevauchement (overlap myositis) définie par Troyanov et coll. et donc potentiellement ces myosites peuvent être associées à d’autres connectivites. Les AAC les plus fréquemment retrouvés restent des AAC non spécifiques des myosites comme des facteurs anti-nucléaires non typables, ou les anti-RNP, anti-SSA, anti-PM-Scl …

3ème partie

Chapitre 14

FIGURE 3A - Mains de mécanicien (lésions hyperkératosiques fissuraires et douloureuses des doigts) survenant au cours d’un syndrome des antisynthétases

Chapitre 14

Les AAC « spécifiques » le plus souvent rencontrés sont dirigés contre les enzymes aminoacyl-t-RNAsynthétases qui connectent chaque acide aminé à son ARN-t en vue de la synthèse protéique. Par ordre décroissant de fréquence, on trouve : les Ac anti-JO1 (histidyl t-RNA), PL7 (thréonyl t-RNA), PL12 (alanine t-RNA), OJ (isoleucil t-RNA) et EJ (glycyl t-RNA). Ces AAC ont été initialement décrits comme étant associés principalement aux DM et PM. Globalement, ils sont retrouvés dans 10 à 30% des cas de DM ou PM. Ainsi, l’association classique d’une myosite avec arthrite, syndrome de Raynaud, pneumopathie interstitielle, mains de mécanicien figure 3A et de l’un de ces AAC anti-synthétases est appelé syndrome des anti-synthétases. Cependant, Mozaffar et Pestronk, en comparant les biopsies musculaires de 11 patients atteints de « PM » avec AAC anti-JO1 aux biopsies d’autres patients atteints de PM ou DM classiques sans AAC, ont décrit des caractéristiques qui permettent aussi de les distinguer (présence d’un infiltrat périvasculaire sans vasculopathie dans le groupe à anti-JO1). Ceci suggère donc l’existence d’une physiopathologie différente entre les DM ou PM classiques et les myosites à anti-JO1. A ce propos, une des caractéristiques remarquables de certaines maladies auto-immunes systémiques est d’être associée à la présence d’auto-anticorps spécifiquement dirigés contre des protéines ubiquitaires, comme ici l’histidyl t-RNA synthétase (JO1). Une équipe s’est intéressée à l’expression de cette molécule dans les principaux tissus cibles du syndrome : le muscle et le poumon. Ces auteurs ont ainsi montré une hyperexpression à haut niveau de cet antigène au cours des myosites, spécifiquement dans le muscle et particulièrement dans les fibres en régénération, mais aussi dans les alvéoles pulmonaires.

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

Des AAC « dits spécifiques » associés aux myosites ont été décrits. Leur spécificité n’est pas totale puisque leur détection n’est pas toujours associée à la présence d’une myosite (par exemple des sujets sains ou ayant une atteinte pulmonaire isolée peuvent avoir des AAC anti-JO1).

Plus récemment, d’autres AAC « spécifiques » des myosites ont été décrits. Ils sont dirigés contre les « signal recognition particles (SRP) » et ils sont présents chez 4 à 6% des patients atteints de myosites. Ces patients présentent également un syndrome particulier associant une myopathie rapidement évolutive, un taux élevé des CPK (souvent > 10 000 U/L), une atteinte cardiaque fréquente, une résistance à la corticothérapie et parfois à bon nombre d’immunosuppresseurs et une formule de nécrose/régénération floride, avec très peu ou pas d’inflammation sur la biopsie musculaire figure 3B . Cette présentation histopathologique semble stéréotypée, bien que l’expression clinique de la gravité de cette maladie puisse être très variable d’un patient à un autre. Ces myosites associées à des AAC « spécifiques » présentent donc un cadre nosologique particulier. On ne devrait plus parler de DM ou PM lorsque ces AAC sont mis en évidence. Ces myosites peuvent d’ailleurs être classées pour Hoogendijk et coll. parmi les myosites aspécifiques (cas des myosites à anti-JO1) ou les myopathies nécrosantes médiées par le système immunitaire (en présence des anti-SRP). Pour Troyanov et coll. les myopathies associées à ces 2 types AAC appartiennent au groupe des myosites « de chevauchement (overlap myositis) ». 19

L’immunopathologie pour le praticien

FIGURE 3B - Lésions anatomopathologiques typiques d’une myopathie nécrosante médiée par le système immunitaire ou OM avec anti-SRP : expression faible et limitée à quelques fibres de l’HLA de classe I et capillaires élargis (immunohistochimie avec un Ac anti-HLA-I (A), dépôts de C5b9 sur la paroi des capillaires élargis (immunohistochimie avec un Ac anti-C5b9) (B), présence de fibres en nécrose et de fibres basophiles de régénération et absence d’infiltrat inflammatoire endomysial (hématoxyline-éosine) (C)

A

B

C

La découverte encore plus récente d’autres AAc spécifiques relance notre intérêt, même s’ils ne sont pas encore dosables en routine. Par exemple, au cours des myopathies nécrosantes auto-immunes non associées aux anti-SRP ou à un cancer, une équipe vient de montrer très récemment l’existence d’anticorps anti-p200/100-kd tout particulièrement (mais pas exclusivement) chez des patients ayant pris des statines. Or cet aAc est dirigé contre le monomère (p100) ou le dimère (p200) de l’HMGCoAReductase, cible pharmacologique des statines. Il s’agit la d’une avancée certaine dans la compréhension de la toxicité musculaire des statines. Pour le moment néanmoins, on ne sait pas encore si toutes les myopathies induites par les statines sont dues à la présence de cet anti-HMGCoAReductase. Un autre exemple important est la découverte d’un AAc anti-p140/155-kd (dont la cible TIF1-γ vient d’être précisée). Cet AAc est retrouvé au cours des DM paranéoplasiques avec un OR à 18 pour l’association de la DM à un cancer. L’aide pour le clinicien du dosage de ces anti- TIF1-γ est ici évidente. 4- La myosite à inclusions (MI) Les myopathies à inclusions regroupent deux maladies présentant les mêmes inclusions : des myopathies héréditaires rares (quelques familles seulement sont décrites) avec parfois une composante inflammatoire, qui peuvent être autosomiques dominantes ou récessives, et la MI sporadique qui nous intéresse. Les MI sporadiques débutent « toujours » après l’âge de 50 ans, où elles sont alors la myopathie inflammatoire la plus fréquente. Les MI touchent le plus souvent l'homme (sex ratio de 3 : 1). Les MI représentent, selon les séries, 15 à 30% de l'ensemble des myosites. Une étude récente trouve une prévalence de 4,9 patients par million d’habitants en Hollande. Certains facteurs génétiques doivent avoir un rôle comme le suggère l’association de MI (et de PM) avec certains gènes comme HLA DRB1*0301 ou HLAB8-DR3.

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Le début de la maladie est insidieux sur des mois. Le déficit moteur touche la musculature striée de façon bilatérale mais asymétrique. Il s'agit d'un déficit prédominant sur les muscles proximaux (notamment les quadriceps) mais aussi distaux (notamment les fléchisseurs des doigts) et axiaux. L’atteinte sélective et asymétrique de certains muscles est très évocatrice : atteinte du tibial antérieur et du quadriceps aux membres inférieurs, des fléchisseurs du poignet et des doigts, des palmaires aux membres supérieurs. Des troubles de la déglutition sont fréquents et retrouvés dans plus de 50% des cas, ils grèvent alors le pronostic.

3ème partie

Chapitre 14

FIGURE 4 - Coupes de muscle congelé montrant les aspects histologiques de la myosite à inclusions : vacuoles bordées, coloration par l’hématoxyline-éosine (A), fibre rouge déchiquetée, coloration par le trichrome de Gomori (B), inclusions tubulo-filamentaires, microscopie électronique (C), dépôts intracytoplasmiques marqués par l’anticorps SMI31, correspondant aux inclusions tubulo-filamentaires (D), infiltrats inflammatoires endomysiaux, coloration par l’hématoxyline-éosine (E)

C

B

D

Chapitre 14

A

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

L’analyse de la biopsie musculaire met en évidence en microscopie optique, des vacuoles bordées de 3 à 30 microns de diamètre au sein du cytoplasme des fibres musculaires normales ou atrophiques figure 4 . Ces vacuoles bordées contiennent des granulations basophiles. Ces vacuoles ne sont pas pour autant spécifiques de la MI puisqu’elles peuvent être observées lors d’atteintes neurogènes par exemple.

E

La microscopie électronique met en évidence des structures tubulo-filamenteuses, rectilignes ou curvilignes, de 15 à 18 nm de diamètre, à l'intérieur de ces vacuoles et qui correspondent aux granulations éosinophiles figure 4 . Ces inclusions filamenteuses intracytoplasmiques et/ou intranucléaires permettent d'affirmer le diagnostic. La composition de ces inclusions - communes aux MI et aux myopathies à inclusions héréditaires - est remarquablement analogue à celle des dépôts retrouvés dans le système nerveux central au cours de la maladie d’Alzheimer. Elles sont, en effet, constituées de protéines caractéristiques de cette maladie : β-amyloïde, précurseur β-amyloïde, tau phosphorylée, préseniline-1… Une étude a d’ailleurs décrit que l’expression forcée de peptide β-amyloïde serait suffisante pour induire la mort des myotubes humains et murins. A ces lésions élémentaires s’associent des infiltrats inflammatoires figure 4 , très comparables à ceux de la PM, témoignant également d'un mécanisme d’immunité à médiation cellulaire. On peut, en effet, observer des fibres musculaires intactes partiellement envahies par les lymphocytes CD8+ activés (DR+) et une expression anormale des molécules HLA de classe I sur des fibres musculaires non nécrotiques. De nouveau, des expansions oligoclonales 21

L’immunopathologie pour le praticien

de lymphocytes T CD8+ ont pu être mis en évidence par l’étude du répertoire de leur TCR. Là encore, ces accumulations de lymphocytes T peuvent persister de nombreuses années in situ quelque soit le stade évolutif des patients. Si l’existence de ces anomalies semble donc en faveur d'une contribution dysimmunitaire au processus physiopathologique conduisant aux MIs, elles ne prouvent pas pour autant un primum movens auto-immun. Il est remarquable, en effet, que les MIs soient dans leur très grande majorité résistantes aux traitements immunosuppresseurs contrairement aux PM/DM. D’autre part, il est connu que d’autres myopathies ne relevant pas d’un mécanisme auto-immun peuvent également être accompagnées d’un infiltrat inflammatoire, comme celles liées à un déficit héréditaire des gènes codant pour la dysferline, ou comme au cours des dystrophies facio-scapulo-humérales. La physiopathologie exacte des MI reste donc à ce jour encore inconnue.

STRATÉGIES IMMUNO-MODULATRICES Dans tous les cas où cela est possible, il faut faire appel au traitement de la cause (éviction des médicaments responsables…) ou au traitement d’une éventuelle néoplasie associée. Ensuite des mesures conservatoires telles la kinésithérapie d’entretien et la prévention des fausses routes sont importantes. A l’exclusion des MI, la première étape du traitement proprement dit est basée sur la corticothérapie débutée à forte dose (moyenne 1 mg/kg/j) dont les effets bénéfiques sont en règle générale rapides (1 à 3 mois) et dont la dose ne doit pas être baissée trop vite (1 à 2 mois) avant une amélioration franche ou une quasi normalisation des enzymes musculaires. Ensuite la posologie est réduite peu à peu, adaptée sur les dosages enzymatiques. Ce n’est qu’en cas de non réponse ou de cortico-dépendance, que les agents immuno-suppresseurs comme le methotrexate, l'azathioprine ou la ciclosporine doivent être discutés. Cependant la corticodépendance quasi obligatoire des myosites associées à des AAC spécifiques (anti-JO1, anti-SRP) les font débuter d’emblée pour certains. De nombreuses biothérapies innovantes se sont ensuite positionnées dans le traitement des myopathies inflammatoires, les immunoglobulines intraveineuses, les anti-TNF, les anti-CD20 et les anti-C5. 1- Les immunoglobulines intraveineuses Les immunoglobulines intraveineuses (IgIV), constituées d’IgG obtenues à partir d’un pool de plasmas d’individus sains, ont la propriété de restaurer l’homéostasie du système immunitaire dans un large éventail de pathologies auto-immunes. L’efficacité des IgIV a été évaluée par des essais cliniques contrôlés. Leurs mécanismes d’action sont multiples et souvent mal connus. Le bénéfice thérapeutique des immunoglobulines dans le traitement des myosites est reconnu depuis plus d’une quinzaine d’années. Ces molécules se positionnent en deuxième ligne, soit juste avant les immunosuppresseurs soit en remplacement en cas d’échec de ceux-ci. La posologie proposée est de 2 mg/kg par cure mensuelle, sur une durée moyenne de 6 mois. La réponse est obtenue en 1 à 3 mois et permet une réduction des posologies de corticoïdes. La tolérance est bonne. En première intention, leur usage se justifie en cas de myosite liée à une maladie virale telle le VIH, mais dans les autres formes leur intérêt semble moindre en première intention. Dans la myosite à inclusions leur intérêt thérapeutique semble réduit. 2- Les inhibiteurs du TNFa Les traitements dirigés contre le TNF alpha ont fait la preuve de leur efficacité dans la polyarthrite rhumatoïde, les arthrites juvéniles idiopathiques et les spondylarthrites ankylosantes. Le TNF alpha est une cytokine pléïotropique jouant un rôle important au cours de l’inflammation et de l’immunité cellulaire. Le TNF a été montré comme jouant un rôle pathogène au cours des myosites ; bloquer cette voie inflammatoire pourrait être bénéfique. La famille des anti-TNF est composée des anticorps monoclonaux (Remicade, Adalimumab) dirigés contre le TNF alpha, et d’un récepteur membranaire du TNF couplé à un fragment Fc d’immunoglobuline (Etanercept). Certains observations ou courtes séries de la littérature font état de formes graves de myosites rebelles aux corticoïdes, aux immunoglobulines intra-veineuses et aux immunosuppresseurs chez qui les anti-TNF ont été bénéfiques. Il s’agit en

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Ces molécules sont par ailleurs génératrices de complications. Elles peuvent induire le réveil d’infections anciennes telles la tuberculose ou favoriser le développement d’infections aiguës parfois sévères voire graves. Ces molécules peuvent aussi favoriser le développement de troubles dysimmunitaires (auto-immunisation, auto-anticorps…) voir de maladies auto-immunes complètes (lupus induit, myasthénie…). Certaine observations rares mais troublantes de maladies inflammatoires musculaires apparues après l’introduction d’un anti-TNF (donné pour une indication articulaire) posent clairement la question de la possible induction de myosites par ces molécules. L’usage des anti-TNF oblige au respect des contre indications (principalement : passé tumoral, maladie infectieuse évolutive, sclérose en plaque et insuffisance cardiaque) mais exige aussi que certaines précautions soient respectées avant tout traitement (éradication des foyers infectieux, vaccination anti-pneumocoque…). A ce jours il est possible que les anti-TNF aient une petite place comme thérapie de secours et entre des mains spécialisées, chez les patients fragiles, polymédicamentés, mal équilibrés et présentant une nouvelle poussée de la myosite. Ceci demande à être évaluée et validé par des études prospectives. 3- Les stratégies anti-B et anti-CD20

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

Le premier travail étudie des polymyosites et de dermatomyosites, anciennes, rebelles à de multiples interventions thérapeutiques (corticoïdes oraux et injectables) et immuno-suppresseurs (en moyenne 4,6 par malade). Ils sont traités par Remicade (6) et Etanercept (2). Six des 8 patients ont une réponse thérapeutique biologique, au quatrième mois, deux patients sont non répondeurs. Chez les répondeurs en moyenne les enzymes musculaires baissent de moitié. La réponse clinique est plus lente (un an à un an et demi) et incomplète, portant sur la fatigue et la faiblesse musculaire. L’étude de Barohn concerne 9 patients souffrant de myosite à inclusions tous traités par etanercept et montre, par comparaison à des cohortes historiques une amélioration modeste mais significative des signes cliniques de faiblesse (force de préhension des mains) après un traitement moyen de 18 mois à la dose de 25 mg deux fois par semaine d’Etanercept. En revanche, aucune amélioration globale de la force, évaluée par un score myométrique, n’était notée. Le travail de Singh ne montre aucune amélioration des patients avec une MI traités par anti-TNF. Enfin le travail de Iannone concerne 5 patients souffrant de dermatomyosites très actives et rebelles aux corticoïdes et aux immuno-suppresseurs. Ces patients reçoivent l’Etanercept à la dose de 25 mg deux fois par semaine pendant au moins 3 mois, aucune n’a de bénéfice avec ce traitement On le voit, ces résultats sont disparates et ne permettent pas d’avoir une idée exacte de l’efficacité de ces molécules dans les myosites, de savoir si les anticorps sont plus efficaces que les récepteurs solubles, de savoir si ces molécules doivent être utilisées en monothérapie ou en association, ni de savoir ou se situe cette classe thérapeutique au sein de l’arsenal thérapeutique. D’une manière assez générale, même si ceci n’est pas formellement démontré par une étude appropriée, les anti-TNF semblent peu utiles dans la myosite à inclusions.

Chapitre 14

génral de maladies anciennes évoluant depuis plusieurs années, plus rarement de maladies récentes. Les anti-TNF n’ont pas l’AMM dans cette indication. A ce jour aucune étude prospective n’est publiée montrant l’équivalence ou la supériorité d’un anti-TNF par rapport à telle ou telle stratégie thérapeutique. La plus part des cas publiés sont isolés. Les quatre séries les plus importantes comportent environ une dizaine de malades chacune, toutes sont analysées rétrospectivement.

3ème partie

Chapitre 14

La pathogénie des myosites reste mal connue mais il apparaît de façon évidente que les phénomènes d’immunité humorale y jouent un rôle non négligeable, en particulier présence d’auto-anticorps spécifiques synthétisés par les lymphocytes B. Ceci a justifié le développement de stratégies ciblant ces populations cellulaires afin d’espérer améliorer ces patients. Le premier anti-CD20 disponible est le Rituximab (RTX). C’est un monoclonal chimère entre un marqueur membranaire (le CD 20, présent sur les B matures) et une portion d’immuno-globuline. Ce produit a reçu une AMM dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde en échec des traitements par anti-TNF. Des travaux préliminaires montrent que le produit aurait probablement aussi un intérêt thérapeutique dans les maladies avec une médiation humorale telles le lupus érythémateux disséminé, le syndrome de Sjögren, les vascularites avec ANCA, le purpura thrombopénique… Une réflexion puis des travaux similaires ont suggéré l’intérêt de cette approche dans les myosites. Il n’y a, à ce jour, aucune étude prospective mais seulement de courtes séries ou des cas isolés, à la fois chez l’adulte mais aussi chez l’enfant suggérant que le RTX puisse avoir un intérêt chez ces patients. La série la plus important comporte moins de 10 patients. La série de Noss est une étude ouverte non contrôlée portant sur des patients avec une forme ancienne et rebelle. Il s’agit de dermato et de polymyosites, ayant échappé en moyenne à 3 traitements préalables et qui reçoivent 4 injections de RTX à une semaine d’intervalle (les 3 premiers patients recevant une dose 23

L’immunopathologie pour le praticien

plus faible hebdomadaire que les 4 derniers : 100 mg vs 275 mg). Le bénéfice est apprécié par les dosages enzymatiques, la dynamométrie musculaire et les tests respiratoires. Dans le suivi on observe une déplétion lymphocytaire B chez tous les patients à la 12e semaine. Tous ont une amélioration de la force physique (début de l’amélioration vers le 3e mois, l’amélioration maximale pouvant être retardée et se situer vers le 6e voir le 9e mois). Une amélioration des enzymes musculaires est notée chez tous. Une amélioration de la capacité pulmonaire totale d’environ 30% est observée chez les 3 patients qui avaient une atteinte respiratoire. Dans cette courte série on note aussi une amélioration des manifestations cutanées et articulaires ainsi que de l’alopécie. Le produit semble bien toléré sans effet secondaire grave. Quatre patients ont une rechute de leur affection contemporaine de la réapparition des populations B circulantes. La série de Levine qui porte sur 8 patients souffrant uniquement de dermatomyosites est moins optimiste en terme de résultats avec seulement 38% de patients répondeurs à la fin du 6e mois. Toutes les observations vont dans le même sens, certaines détaillant aussi une réduction des traitements associés (corticoïdes, parfois MTX) en raison de l’efficacité du RTX. Les observations de myosites pédiatriques apportent des résultats similaires à la fois dans des observations associées ou non aux anticorps spécifiques des myosites. Le syndrome des anti-synthétases regroupe les patients souffrant de myosites associées avec un auto-anticorps anti-aminoacyl tRNA synthétases. Le pronostic de ces formes est lié en grande partie à l’atteinte respiratoire (pneumopathie interstitielle) qui ne s’observe pas dans les autres formes mais demande un usage rapide des immunosuppresseurs. Plusieurs observations de tels patients traités par le RTX avec un bénéfice rapide et important existent dans la littérature. Il faut noter que dans ces observations l’amélioration de la myosite semble précédée par la déplétion B et qu’une rechute est observée quelques mois plus tard malgré un traitement d’entretien conventionnel. Les mêmes remarques de prudence que pour les anti-TNF doivent être formulées quand à l’usage du RTX dans cette indication. Ces molécules sont génératrices de complications qui n’apparaissent que sur des grands nombres de patients traités ou avec la répétition des cures (infections sévères voire graves, hypogamma globulinémies…). L’usage des anti-CD20 oblige au respect des contre indications (principalement : passé tumoral, maladie infectieuse évolutive (notamment les hépatites virales chroniques), insuffisance cardiaque…) mais exige aussi que certaines précautions soient respectées avant tout traitement (éradication des foyers infectieux, mise à jour des vaccinations …). A ce jour il est possible que les anti-CD20 aient une place comme traitement de secours et entre des mains spécialisées, chez les patients fragiles, polymédicamentés, mal équilibrés et présentant une nouvelle poussée de la myosite. Ceci demande à être évalué et validé par des études prospectives. A ce propos, nous réalisons une étude prospective de phase II, évaluant la place du RTX dans le traitement des myosites à anti-corps anti-JO1 et/ou anti-SRP réfractaires aux traitements conventionnels. 4- L’anticorps monoclonal Anti-C5. L’Eculizumab est un anticorps monoclonal anti-C5 totalement humanisé qui inhibe l’activation du complexe d’attaque membranaire du complément en se fixant à la fraction C5. Par cette fixation il prévient la libération de C5a et la formation du complexe C5b-9 ; il bloque le clivage de C5 en C5a et C5b. Des résultats prometteurs ont été observés dans les modèles d’arthrite du rat et dans certaines expérimentations humaines au cours de la PR et de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne. Le complexe d’attaque membranaire participant aux lésions des myosites (notamment la DM), la molécule est actuellement en expérimentation au cours de ces dernières.

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De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

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De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

Chapitre 14

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3ème partie

Chapitre 14

27

PATHOGÉNIE VAISSEAUX DE PETIT CALIBRE 1. Les vascularites associées aux anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires (ANCA) Les vascularites associées aux ANCA sont la granulomatose de Wegener (GW), la micropolyangéite (MPA), le syndrome de Churg-Strauss (SCS) et la glomérulonéphrite pauci-immune. Les arguments convergent pour reconnaître l’implication des ANCA dans la pathogénie des vascularites qui leur sont associées et leur participation à la constitution des lésions tissulaires Figure 1 . n

Dans une observation exceptionnelle, un transfert passif transplacentaire d’anticorps antimyéloperoxydase (MPO) a été à l’origine d’une MPA chez un nouveau-né dont la mère avait développé une MPA pendant la grossesse.

n

Des souris déficientes pour le gène RAG2 (Recombinase-activating gene 2), qui est impliqué dans la fonction des lymphocytes T et B, à qui on injecte des anticorps anti-MPO, développent une vascularite systémique avec glomérulonéphrite extra-capillaire et capillarite pulmonaire.

n

Chez l’homme, les autres arguments sont indirects. Par exemple le propylthiouracile, employé dans le traitement de certaines hyperthyroïdies et connu pour pouvoir s’accumuler dans les granules des polynucléaires, peut induire la production d’ANCA ainsi qu’une vascularite.

n

La pathogénie des vascularites associées aux ANCA fait intervenir, après un phénomène inducteur inconnu, la production d’ANCA dirigés contre des épitopes préalablement migrés à la surface des polynucléaires neutrophiles puis des lésions tissulaires résultant de l’interaction entre les ANCA, les neutrophiles devenus activés et les cellules endothéliales. La séquence habituellement évoquée est la suivante. Après une activation et l’intervention de cytokines comme le TNFα (Tumor Necrosis Factor), la MPO et la protéinase 3 (PR3) cytoplasmiques viennent s’exprimer à la surface des neutrophiles permettant aux ANCA de se fixer sur leur cible antigénique, ce qui déclenche l’activation des neutrophiles. Il en résulte une augmentation de la migration des neutrophiles et de leur adhésion à l’endothélium vasculaire, leur dégranulation et le relargage des enzymes protéolytiques des granules dont la MPO et la PR3 ainsi que des cytokines inflammatoires, et finalement les lésions des cellules endothéliales. La MPO et la PR3 libérées peuvent aussi se fixer sur les cellules endothéliales et interférer avec les ANCA circulant, permettant ainsi une aggravation potentielle des effets cytotoxiques. Les cytokines inflammatoires secrétées par les neutrophiles suite à la fixation des ANCA vont aussi activer et recruter d’autres populations cellulaires, dont les monocytes et les lymphocytes T, pour amplifier et perpétuer la réaction inflammatoire. Les anti-MPO peuvent aussi activer la MPO, ce qui augmente la concentration d’acide hypochloreux et la toxicité endothéliale des oxydants produits.

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

Loïc Guillevin - Hôpital Cochin, Service Médecine interne et centre de référence maladies rares, Paris Philippe Guilpain - Hôpital Cochin, Service médecine interne, Paris Xavier Puéchal - Centre Hospitalier du Mans, Service de Rhumatologie, Le Mans

Chapitre 14

4ème PARTIE LES VASCULARITES

3ème partie

Chapitre 14

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L’immunopathologie pour le praticien FIGURE 1 - Séquence simplifiée des mécanismes physiopathogéniques vasculaires observés au cours des vascularites associées aux ANCA

30

n

D’un autre côté, les cellules T auto-réactives sont aussi impliquées dans la pathogénie de ces vascularites. Les ANCA sont des IgG de haute affinité après commutation isotypique, ce qui implique une réponse immune orchestrée par des cellules T. Des lymphocytes T CD4+ s’accumulent au sein des lésions rénales et leur nombre est corrélé avec le degré d’atteinte rénale. Les cellules T des patients prolifèrent in vitro en présence de PR3 et de MPO. L’expression de certains marqueurs des cellules T est augmentée en cas de maladie active. Enfin, des polymorphismes du gène du CTLA4-Ig (Cytotoxic T Lymphocyte-associated Antigen 4) ont été décrits dans la GW dont l’importance fonctionnelle reste à démontrer.

n

Des facteurs environnementaux interviennent aussi, au moins dans certains cas. Une exposition à la silice représente un facteur de risque de développement d’une vascularite associée aux ANCA. Des médicaments peuvent également être impliqués dans leur survenue : propylthiouracile, hydralazine, méthimazole, carbimazole, D-pénicillamine et minocycline.

n

En résumé, si les arguments pour un rôle pathogénique direct des ANCA se sont accumulés, ils ne sont pas les seuls acteurs. Certains patients avec des ANCA n’ont pas de vascularite. Leur présence n’est pas non plus nécessaire pour induire une vascularite comme en témoigne l’absence d’ANCA dans plus de 10% des GW, de 30% des MPA et de 50% des SCS. Par exemple au cours du SCS, un rôle pathogène des éosinophiles est envisagé par le biais d’une libération de leurs protéines cationiques comme au cours du syndrome hyperéosinophilique.

2. la vascularite des cryoglobulinémies Les cryoglobulines sont des immunoglobulines qui précipitent à une température inférieure à 37°C. On distingue les cryoglobulinémies de type I, composées d’une immunoglobuline monoclonale, en règle associées à une hémopathie lymphoïde et les cryoglobulinémies de type II et III, dites mixtes (CM), pour la plupart secondaires à une infection chronique, le plus souvent par le virus de l’hépatite C (VHC), composées d’une IgM monoclonale et d’IgG polyclonales pour le type II, et d’IgG et d’IgM polyclonales pour le type III. Les vascularites associées aux cryoglobulinémies mixtes, notamment celles liées au VHC, sont en rapport avec la formation et le dépôt de complexes immuns circulants formés d’antigènes viraux et d’anticorps spécifiques. Le degré de galactosylation des domaines constants des chaînes lourdes de l’immunoglobuline pourrait influencer l’activité cryoglobuline. Une activation polyclonale des lymphocytes B se produit, en réponse à une stimulation chronique du système immunitaire par certains antigènes du VHC. Cette activation peut se compliquer de prolifération oligoclonale, voire d’un lymphome B. De plus, d’autres anomalies de l’immunité cellulaire peuvent être observées : déficit en lymphocytes T régulateurs CD4+ CD25high circulants ; présence de lymphocytes T intra-hépatiques produisant des cytokines de type TH1.

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

Des arguments plaident également pour un rôle important des cellules B dans ces vascularites. Les ANCA sont produits par des cellules B. Le nombre de cellules B activées et le taux de facteur activateur du lymphocyte B sont corrélés aux paramètres d’évolutivité clinique et d’extension de la maladie. Les granulomes de la GW contiennent des lymphocytes B mémoires auto-réactifs ayant une affinité pour la PR3. Enfin, les anticorps monoclonaux anti-CD20 ont une efficacité thérapeutique démontrée par des essais prospectifs contrôlés.

Chapitre 14

n

4ème partie

Chapitre 14

VAISSEAUX DE MOYEN CALIBRE 1. PAN et PAN associée au virus de l’hépatite B La précipitation de complexes immuns ou leur formation in situ au niveau de la paroi interne des vaisseaux est à l’origine des PAN associées à une infection par le virus de l’hépatite B (VHB) (PAN-VHB). Ces complexes immuns induisent une activation de la voie classique du complément qui entraîne la libération des anaphylatoxines C3a et C5a, ces dernières provoquant une augmentation de la perméabilité vasculaire et un recrutement de leucocytes. Le dépôt de C3b à la surface des cellules endothéliales entraîne la survenue de lésions cellulaires. La vascularite de la PAN-VHB est liée à la formation de complexes immuns en présence d’un excès d’antigènes du VHB. Typiquement la PAN-VHB survient dans un contexte de forte réplication virale (ADN VHB circulant élevé et antigène HBs présent dans la circulation sanguine). L’antigène HBe, et non l’antigène HBs, semble préférentiellement impliqué dans la survenue des lésions de vascularite. D’autres virus que le VHB ont été impliqués dans la survenue d’une PAN, notamment le VIH-1, le parvovirus B19, le cytomégalovirus et le VHC. Cependant, les observations de PAN associées à ces infections restent exceptionnelles, en particulier 31

L’immunopathologie pour le praticien 32

les observations associées au VHC en l’absence de cryoglobulinémie. En revanche, les PAN survenant en l’absence d’infection virale documentée ne sont pas liées à la formation de complexes immuns mais pourraient être en rapport avec des phénomènes rhéologiques.

2. La maladie de KAWASAKI Au cours de la maladie de KAWASAKI, les lésions sont caractérisées par un œdème et une infiltration du vaisseau par des lymphocytes T CD8+ et des macrophages sans nécrose fibrinoïde. L’oedème de la paroi vasculaire est en rapport avec une hyperperméabilité vasculaire médiée par le Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF). L’inflammation vasculaire est initiée par l’infiltration sous-endothéliale par les cellules mononucléées, puis gagne secondairement la media, dont la destruction aboutit à la formation des anévrysmes caractéristiques de la maladie. Certaines métalloprotéases (MMP), notamment MMP9 et MMP2, participent au développement des lésions, en particulier anévrysmales. Une expansion sélective de lymphocytes T porteurs de la région variable de la chaîne β du récepteur pour l’antigène de type Vβ2 suggère l’existence d’un superantigène d’origine bactérienne, capable d’entraîner une activation polyclonale massive des lymphocytes T. Certaines souches de streptocoques et de staphylocoques, présentant des propriétés superantigéniques, ont été particulièrement suspectées, mais aucun agent étiologique n’a pu être définitivement identifié.

VAISSEAUX DE GROS CALIBRE L’immunité cellulaire est principalement impliquée dans la pathogénie de la maladie de HORTON et de la maladie de TAKAYASU. C’est la maladie de HORTON qui a été la plus étudiée Figure 2 . L’artère temporale est infiltrée par des cellules inflammatoires polymorphes : lymphocytes T CD4+, macrophages, et cellules géantes. Les lymphocytes T pénètrent dans la paroi artérielle par les vasa vasorum et initient la réponse immune. Au sein de l’adventice, des cellules dendritiques activées initieraient et entretiendraient la réponse lymphocytaire T. Ces constatations ainsi que l’association préférentielle de la maladie avec certains allèles du groupe HLA-DR4, laissent penser que la présentation de l’antigène aux lymphocytes T est essentielle. Les lymphocytes T adventitiels produisent de l’interféron γ, cytokine Th1, qui recrute des macrophages et favorise la formation des cellules géantes. Les lésions adventitielles sont minimes comparées aux lésion de la média, de l’intima et de la limitante élastique interne. La destruction de cette dernière est secondaire à l’action des macrophages qui produisent des MMP. Enfin, l’hyperplasie intimale, qui est responsable de l’occlusion de la lumière artérielle et conduit à la thrombose, est la conséquence d’une migration de cellules musculaires lisses au contact de l’intima, sous l’effet du platelet derived growth factors (PDGF) A et B et du VEGF produits par les macrophages et les cellules géantes.

STRATÉGIE IMMUNO-MODULATRICE VAISSEAUX DE PETIT CALIBRE 1. Le traitement des vascularites associées aux ANCA Le traitement doit être adapté individuellement et débuté d’urgence en milieu spécialisé. Il comporte une phase d’induction pour obtenir la rémission puis un traitement d’entretien pour limiter les rechutes.

Chapitre 14

FIGURE 2 - Schéma résumant les différentes étapes pathogéniques de la maladie de HORTON. CG : cellule géante ; CML : cellule musculaire lisse ; IFN-γ : interféron gamma ; IL-1 : interleukine-1 ; IL-6 : interleukine-6 ; M : macrophage ; MMP : métalloprotéinases; PDGF : platelet derived growth factors ; VEGF : vascular endothelial growth factor ; T : lymphocyte T

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

4ème partie

Chapitre 14

A- Le traitement d’induction n

Le traitement d’induction permet d’obtenir une rémission des vascularites associées aux ANCA dans plus de 80% des cas.

n

Dans la MPA et le SCS de bon pronostic (FFS = 0), une corticothérapie seule en première intention suffit le plus souvent pour obtenir une rémission et permet d’éviter les effets délétères d’une autre immunosuppression associée. La durée de la corticothérapie, initialement prescrite à forte dose (1mg/kg/j), est d’environ 12 à 18 mois, mais est souvent nécessaire au long cours dans le SCS pour contrôler l’asthme et/ou les manifestations sinusiennes. En cas d’échec de cette corticothérapie seule, l’adjonction d’un immunosuppresseur permet de contrôler la situation dans la grande majorité des cas.

n

Dans la MPA et le SCS de mauvais pronostic (FFS ≥ 1) et systématiquement dans la GW, le traitement associe d’emblée une forte corticothérapie initiale et un immunosuppresseur qui est dans la majorité des cas le cyclophosphamide en bolus. Les bolus de cyclophosphamide sont prescrits toutes les 2 semaines 33

L’immunopathologie pour le praticien

pendant un mois puis toutes les 3 semaines. La dose cumulative de cyclophosphamide intermittent est 2 à 3 fois moindre qu’en cas d’utilisation continue orale. L’administration intermittente par voie veineuse est moins toxique et aussi efficace pour induire la rémission que l’administration orale. En cas d’échec du traitement d’induction par le cyclophosphamide par voie veineuse, le recours à la forme orale est efficace et permet d’obtenir une rémission chez la majorité des patients. n

Les échanges plasmatiques sont indiqués dans vascularites associées aux ANCA avec insuffisance rénale évoluée ou possiblement en cas d’hémorragies alvéolaires sévères. Une modulation du système idiotype/anti-idiotype pourrait intervenir mais d’autres mécanismes sont probablement impliqués.

n

Les immunoglobulines sont utilisées comme traitement adjuvant des rechutes. Elles s’administrent en perfusion veineuse mensuelle de 2 g/kg sur 4 jours. Différents mécanismes d’action ont été proposés dont la modulation de l’expression du récepteur Fcγ des leucocytes et cellules endothéliales, le contrôle de la synthèse et du relargage des cytokines et chémokines, la modulation de l’apoptose et de la prolifération cellulaire, l’interaction avec des protéines du complément, la neutralisation des anticorps circulants, la sélection des répertoires immunitaires et l’interaction avec d’autres molécules exprimées à la surface des lymphocytes et monocytes. Elles peuvent permettre de passer un cap en association avec une immunosuppression.

n

Le rituximab, anticorps monoclonal anti-CD20 a démontré son efficacité dans le traitement d’induction des vascularites associées aux ANCA, sans différence d’efficacité ni de toxicité à court terme par rapport au cyclophosphamide. Il pourrait trouver une indication préférentielle dans le traitement des rechutes, après obtention d’une rémission initiale obtenue sous cyclophosphamide. En effet, une étude contrôlée en double insu suggère qu’à 6 mois, il pourrait être plus efficace que la reprise du cyclophosphamide dans cette indication de rechute. Sa place reste néanmoins à définir par rapport au cyclophosphamide avec des études à moyen et long terme. On observe de façon significative une baisse des ANCA anti-PR3 plus prononcée sous rituximab que sous cyclophosphamide. La réponse au rituximab est associée à une déplétion en lymphocytes B périphériques et le plus souvent une rechute est précédée d’une réapparition des lymphocytes B circulants. Cependant, le patient peut rester en rémission après la réapparition de lymphocytes B circulants. Dans les vascularites à ANCA, la réapparition des ANCA pourrait être un facteur prédictif de rechute.

B- Le traitement d’entretien n

L’azathioprine est très largement utilisée en traitement d’entretien à 2 mg/kg/j. Elle est mieux tolérée que le cyclophosphamide sur le long terme. La durée optimale d’administration de l'azathioprine reste à préciser et est actuellement évaluée dans une étude européenne.

n

Le méthotrexate peut s’employer à la dose de 0,3 mg/kg/semaine. En traitement d’induction, il est moins efficace que le cyclophosphamide. Comme traitement d’entretien, le methotrexate est aussi efficace que l’azathioprine et permet de maintenir la rémission dans plus de 80% des cas mais les rechutes s’observent également chez la moitié des patients.

n

Le mycophénolate mofétil, le léflunomide ou la déoxyspergualine ont aussi été proposés en traitement d’entretien. L’expérience reste limitée mais ces alternatives peuvent être utiles en traitement d’entretien notamment en cas d’intolérance à l’azathioprine ou lors de rechutes réfractaires au traitement conventionnel.

n

Le rituximab est en cours d’évaluation dans cette indication dans des études randomisées contrôlées.

C- Le traitement de rattrapage Malgré les traitements d’entretien, le taux de rechute reste élevé et d’environ 50% à 5 ans, notamment dans la GW, justifiant l’essai d’autre thérapeutique immunomodulatrice. n

34

Le rituximab et les anti-CD20 humanisés offrent une perspective très encourageante dans le traitement des formes réfractaires de vascularites associées aux ANCA. Les études ouvertes sont favorables mais on ne dispose pas encore d’étude contrôlée dans cette indication, après échec des traitements conventionnels.

n

Il est possible que l’infliximab trouve une place dans l’arsenal thérapeutique en traitement d’attaque bref des GW réfractaires, après échec d’un traitement conventionnel, sans immunosuppresseur associé. Une rémission est obtenue avec l’infliximab dans plus de 80% des cas dans les études ouvertes ayant inclus au total moins d’une quarantaine de patients atteints de GW en échec thérapeutique. La seule étude contrôlée publiée avec un anti-TNF a comparé l’etanercept et un placebo en plus du traitement conventionnel chez des patients atteints de GW. Non seulement aucun bénéfice n’a été obtenu sous etanercept en traitement de maintenance ni peut-être d’induction mais les patients ayant reçu l’etanercept ont développé davantage de néoplasies solides que ceux ayant reçu le placebo. Une étude ouverte avec l’adalimumab est également encourageante mais sans groupe contrôle et sur des effectifs très réduits.

4ème partie

Chapitre 14

Le traitement symptomatique des cryoglobulinémies repose souvent sur les corticoïdes et les immunosuppresseurs, bien qu’aucune étude prospective n’ait précisé la place respective de ces traitements. Quoi qu’il en soit, il convient de limiter au maximum la posologie et la durée des corticoïdes et de réserver les immunosuppresseurs aux situations les plus difficiles.

n

Les échanges plasmatiques, qui permettent d’épurer de façon rapide et massive de grandes quantités de cryoglobuline et de complexes immuns circulants, sont controversés dans cette indication. Ils peuvent toutefois être utiles en cas d’atteinte glomérulaire avec insuffisance rénale, et pour certaines équipes en cas de neuropathie récemment apparue ou pour favoriser la cicatrisation d’ulcères chroniques récidivants. Afin d’éviter un effet rebond à l’arrêt des échanges, un traitement par corticoïdes ou immunosuppresseur doit leur être associé. Enfin, le rituximab, anticorps monoclonal dirigé contre le CD20 et qui induit une déplétion lymphocytaire B, semble être un traitement prometteur.

n

Lorsque la cryoglobulinémie est liée à l’HCV, un traitement étiologique, visant à l’éradication virale C, est nécessaire. Actuellement, une association d’interféron alpha pégylé et de ribavirine est le traitement le plus classique, mais sa durée n’est pas codifiée. Un traitement plus long que celui classiquement recommandé au cours de l’infection par le VHC en l’absence de cryoglobulinémie pourrait être nécessaire.

VAISSEAUX DE MOYEN CALIBRE 1. PAN et le cas des vascularites associées à HBS n

n

Les corticoïdes sont donnés dans tous les cas de PAN, pendant 1 à 2 semaines lorsqu’il s’agit d’une PAN liée au virus de l’hépatite B, et pour une durée d’environ 1 an dans les autres cas. L’administration de méthylprednisolone en bolus (10 à 15 mg/kg/j IV durant 1 à 3 jours) est largement utilisée dans les formes sévères, en début de traitement. La corticothérapie par voie orale est prescrite à la dose de 1 mg/kg/j de prednisone. Lorsqu’une amélioration est obtenue, les corticoïdes doivent être progressivement diminués afin d’atteindre 5 à 10 mg au bout d’un an de traitement. Les formes mineures de la maladie peuvent être traitées sans l’adjonction d’immunosuppresseur, dont un des principaux intérêts est de permettre une décroissance plus rapide des doses de corticoïdes.

Chapitre 14

n

De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

2. Le traitement des vascularites de cryoglobulinémie

L’immunosuppresseur de référence est le cyclophosphamide (0,6 g/m2 par voie intraveineuse, toutes les 2 semaines pendant 1 mois, puis une fois par mois), qui doit être associé au traitement corticoïde, en première ligne thérapeutique, dans les formes sévères de la maladie. Lorsque la réponse au cyclophosphamide intraveineux est insuffisante, la forme orale peut être prescrite avec succès. Après 4 à 6 mois, un traitement d’entretien par un autre immunosuppresseur (comme l’azathioprine ou le methotrexate) doit être prescrit.

35

L’immunopathologie pour le praticien

n Au

cours de la PAN-VHB, le traitement conventionnel (corticoïde/ immunosuppresseur) stimule la réplication virale et aggrave le pronostic hépatique. Une corticothérapie initiale courte (pendant 1 à 2 semaines) permet toutefois de contrôler rapidement les manifestations cliniques de la PAN. L’arrêt brutal et précoce des corticoïdes favorise les mécanismes de clairance immune du VHB et la séroconversion HBe-anti-HBe. Mais c’est en fait l’association d’échanges plasmatiques et d’antiviraux (interféron alpha et/ou lamivudine) qui permet d’obtenir une guérison dans la majorité des cas et qui constitue le traitement de référence.

2. La maladie de KAWASAKI n

Chez l’enfant, le traitement de la maladie de KAWASAKI repose sur l’association de posologies élevées d’immunoglobulines intraveineuses polyvalentes (IgIV : 2 g/kg/cure) et d’aspirine (80 à 100 mg/kg/j répartis en 4 prises durant les 15 premiers jours puis 3 à 5 mg/kg/j en une seule prise pendant 6 à 8 semaines) lorsque les coronaires paraissent normales ou tant que persistent des lésions coronaires décelables en échographie. Une récente métanalyse a confirmé l’effet protecteur des IgIV et de l’aspirine. L’efficacité des IgIV administrées après le 10ème jour d’évolution reste à déterminer. La perfusion d’une dose unique de 2 g/kg pourrait de plus réduire le risque d’anévrysmes coronaires, comparé à la perfusion de la même dose sur plusieurs jours.

n

Chez l’adulte, le diagnostic est le plus souvent évoqué après le 10ème jour d’évolution de la maladie, alors que les IgIV ont démontré leur efficacité avant cette date. Le traitement par immunoglobulines semble toutefois raccourcir l’évolution. Les corticoïdes diminuent les symptômes systémiques, notamment la fièvre et le syndrome inflammatoire mais ils ne diminueraient pas l’incidence des anévrysmes. Même si l’évolution est favorable dans la majorité des cas, plusieurs types de complication sont à redouter : rechute, complications anévrysmales, insuffisance cardiaque.

VAISSEAUX DE GROS CALIBRE n Le traitement de la maladie de HORTON repose sur la corticothérapie. La dose d’attaque (0.7 mg/kg/j dans les formes simples ; 1 mg/kg/j voire bolus de méthylprednisolone dans les formes oculaires et celles avec atteinte des gros vaisseaux) est maintenue à dose d'attaque jusqu'à normalisation de la C-réactive protéine et régression des signes cliniques. Elle est ensuite diminuée pendant 4 à 8 semaines jusqu'au seuil de 20 mg/j d'équivalent prednisone ou celui de 50% de la dose de départ. Alors, la décroissance doit être plus lente, de 1 mg toutes les deux semaines jusqu'à 10 mg/j puis de 1 mg toutes les 4 semaines jusqu’au sevrage. La corticothérapie doit parfois être maintenue pendant plusieurs années. En effet, l'arrêt du traitement peut être difficile et expose à une rechute ou à des manifestations de sevrage. Les formes corticodépendantes peuvent bénéficier de l’adjonction d’un immunosuppresseur comme le methotrexate.

n L’artérite de TAKAYASU nécessite une corticothérapie à laquelle on doit associer un immunosuppresseur chez environ un malade sur deux.

POUR EN SAVOIR PLUS n Hoffman GS, Specks U. Antineutrophil cytoplasmic antibodies. Arthritis Rheum 1998 ; 41 : 1521-37. n Bosch X, Guilabert A, Font J. Antineutrophil cytoplasmic antibodies. Lancet 2006 ; 368 : 404-18. n Jones RB, Cohen Tervaert JW, Hauser T, Luqmani R, Morgan M, Peh CA, et al. Rituximab versus cyclophosphamide in ANCA-associated renal vasculitis. N Engl J Med 2010 ; 363 : 211-20. n Stone JH, Merkel PA, Spiera R, Seo P, Langford C, Hoffman G, et al. Rituximab versus cyclophosphamide for ANCA-associated vasculitis. N Engl J Med 2010 ; 363 : 221-32. n Brouet JC, Clauvel JP, Danon F, Klein M, Seligmann M. Biologic and clinical significance of cryoglobulins. A report of 86 cases. Am J Med 1974 ; 57 : 775-88.

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De la physiopathologie aux traitements immunomodulateurs

Chapitre 14

n Guillevin L, Ronco P, Verroust P. Circulating immune complexes in systemic necrotizing vasculitis of the polyarteritis nodosa group. Comparison of HBV-related polyarteritis nodosa and Churg Strauss angiitis. J Autoimmun 1990 ; 3 : 789-92. n Weyand CM, Goronzy JJ. Medium- and large-vessel vasculitis. N Engl J Med 2003 ; 349 : 160-9. n Puéchal X : Antineutrophil cytoplasmic antibody-associated vasculitides. Joint Bone Spine 2007 ; 74 : 427-35. n Terrier B, Launay D, Kaplanski G, Hot A, Larroche C, Cathébras P et al. Safety and efficacy of rituximab in nonviral cryoglobulinemia vasculitis: Data from the French AutoImmunity and Rituximab Registry. Arthritis Care Research 2010 ; 62 : 1787-95. n Newburger JW, Takahashi M, Burns JC, Beiser AS, Chung KJ, Duffy CE, et al. The treatment of Kawasaki syndrome with intravenous gamma globulin. N Engl J Med 1986 ; 315 : 341-7.

4ème partie

Chapitre 14

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