C’est une chance que le site officiel continue d’offrir ces instants de vie à bord de La Boudeuse et qu’il renouvelle l’expérience du journal de bord. Un livre pour le lecteur où écrire des pages à son tour car nécessairement les mots donnés en appellent d’autres dans la construction d’un imaginaire de l’autre, du bord. Le fait aussi que la plume soit donnée à ceux qui s’investissent à bord et pas seulement au capitaine, me fait penser parfois au bâton de parole, la Boudeuse devenant l’arbre à palabre. Et les hommes parlent avec son bois, son acier, ses odeurs réelles ou imaginaires, … en homme bleu sur laquelle la Boudeuse a déteint. C’est un régal de découvrir ces mots, en plus ils sont portés avec humour et humilité. Merci à ceux qui se risquent à écrire. Ce que j’aime aussi c’est cette rencontre entre l’imaginaire que l’un c’était fait et l’imaginaire de l’autre fait de pragmatisme, de ce paradoxe d’habitudes de l’aventure où l’imaginaire ne doit s’attendre à rien tant qu’il n’est que rêve construit sur l’image. Ainsi, celui qui arrive doit d’abord se défaire de son imaginaire, le frotter, le tailler à la réalité…Car il doit d’abord vivre à pleines mains le présent du bateau pour le préparer autant que le bateau va façonner celui qui va le travailler…. Et l’amener peu à peu dans le monde de l’aventure. En commençant par l’apprendre dans son travail, son vocabulaire, ce qui ne s’attendait pas …Et on comprend bien que lorsque La Boudeuse quittera le quai, ce ne sont pas que les poulies qui vont vibrer mais aussi toutes ces parts d’investissement que chacun aura données comme autant de parts de lui-même. Le bateau que l’on sent vivant, prêt à s’échapper tout seul, est vivant de ces volontés en mouvement, de ces imaginaires confrontés, travaillés. Ces savoir faire font sûrement partie intégrante de la technique qui permet à ce que peu à peu le groupe trouve une cohésion, un socle de valeurs sur lesquelles se retrouver et construire le projet, le vivre
à partir de ces repères qui seront des balises utiles au moment des coups durs, des frictions, des fatigues…La vie d’un collectif dans un espace « réduit » plus que fermé, car il est en permanence ouvert à l’errance et à l’insécurité qu’elle peut produire, est compliquée car il faut que cette seule terre à bord soit ferme, à la fois abri et route à tracer. L’histoire des explorations semble avoir montré que cette cohésion, cette matière humaine, n’est jamais simple à créer et favoriser. C’est ce que cet article d’Alain Morgat, sur les Mésententes cordiales, Les relations entre les officiers de marine et les savants dans les voyages de découvertes français du XVIII e siècle, nous relate.
Bien évidemment mes mots aussi ne sont qu’un imaginaire écrit à partir de ce que j’ai lu d’un témoignage… Dans le virtuel de Bordencre, il va falloir trouver un bleu de chauffe à la souris avant de penser à son gilet de sauvetage….J’entends le clavier qui sourit.