Cours de droit constitutionnel Jean-Pierre Maury La dissertation juridique
La dissertation juridique présente certaines particularités par rapport aux exercices que l'étudiant a appris à maîtriser dans l'enseignement secondaire. Elle fait appel à de nombreuses qualités qu'il faut cultiver : capacité d'analyser le sujet, esprit de synthèse, capacité de communication des connaissances, habileté de présentation et d'exposition de celles-ci. L'épreuve d'examen dure normalement trois heures que le candidat doit utiliser au mieux. Deux sujets sont proposés entre lesquels il doit rapidement choisir. Le travail de réflexion portera sur la mobilisation, l'organisation et la présentation des connaissances. Mais il ne faut pas oublier que l'art de la communication consiste à se faire comprendre. La qualité essentielle d'une dissertation est la clarté. Celle-ci s'obtient par une articulation logique des idées sur le sujet. Le style doit être souple, dépourvu d'emphase, de considérations moralisantes ou abruptes. S'exprimer à l'écrit, c'est d'abord respecter l'orthographe et la syntaxe, en évitant les approximations de langage, l'argot, le langage parlé, les abréviations et le style télégraphique. Enfin, n'oubliez pas que le correcteur a beaucoup de copies à corriger, qu'il est âgé et porte des lunettes, aidez-le en écrivant lisiblement et en utilisant une encre qui facilite la lecture (noire ou bleue). Maîtriser le temps imparti à l'exercice est essentiel. À titre indicatif, on peut suggérer les délais suivants : - lecture attentive et choix du sujet : un quart d'heure maximum ; - mobilisation (au brouillon) des connaissances relatives au sujet, classement, puis recherche du plan : au moins 45 minutes ; - rédaction de la copie (directement au propre) : environ 1 h 45 ; - relecture de la copie : 10 à 15 minutes. Les conseils qui suivent paraîtront parfois au lecteur d'une grande banalité, mais ils sont le fruit de l'expérience de nombreuses années de correction de copies et du constat des erreurs commises par les candidats. Ils portent d'abord sur la marche à suivre (chapitre 1). Nous proposons ensuite différents types de plans que l'étudiant doit utiliser à bon escient (chapitre 2). CHAPITRE 1 : LA MARCHE À SUIVRE
Il s'agit d'abord de comprendre le sujet que l'on a choisi de traiter (A), puis de respecter les règles du travail demandé : la dissertation juridique (B). A) La compréhension du sujet Le travail de réflexion commence donc dès que le sujet est rendu public. Il convient de respecter plusieurs étapes : 1. Lire très attentivement le sujet. La compréhension du sujet va déterminer la qualité de votre travail. Vous avez souvent le choix entre plusieurs sujets. Dans ce cas, vous devez lire très attentivement les libellés avant de choisir le sujet à traiter. Comprendre le sujet (De quoi s'agit-il ?) suppose de se poser des questions sur le contenu et les "limites" du sujet. Ces limites peuvent être géographiques, chronologiques... mais aussi liées à une définition précise du sujet qui doit conduire à une réflexion sur celuici.
2. Mobiliser les connaissances. Faire au brouillon une liste des questions à traiter, éliminer tous les points qui vous paraissent, après réflexion, en dehors du sujet ou accessoires. Il est en effet indispensable de ne traiter que le sujet posé, mais tout le sujet. 3. Rechercher alors un plan en essayant de regrouper logiquement les questions qui subsistent sur votre liste et dégager les idées essentielles. Donner un intitulé à chaque partie, à chaque paragraphe. Chaque titre doit résumer l'idée de chaque partie ou de chaque paragraphe. Le plan ainsi construit doit être logique et rigoureux. Le plan en deux parties est généralement conseillé. Pour nous, en droit constitutionnel, à l'issue du premier semestre, il devient une exigence. On évitera donc la fantaisie et on utilisera un plan en deux parties, chacune comportant deux sous-parties. 4. Rédiger soigneusement l'introduction, puis directement sur la copie le corps du devoir. B) Les règles de la dissertation juridique La dissertation juridique comprend nécessairement une introduction substantielle, suivie de deux parties et éventuellement d'une conclusion. 1. L'introduction Elle permet de montrer que le candidat a compris le sujet, qu'il a saisi les questions essentielles et compris comment y répondre. Elle comprend : ÷ L'entame ou première phrase de l'introduction. Elle doit, dans la mesure du possible être percutante. Sinon attaquez directement le sujet. ÷ La définition du sujet. Montrez que vous avez repéré les notions essentielles qu'il convient de traiter. ÷ Les considérations d'ordre général ou historique qui doivent permettre de situer le sujet dans son contexte. ÷ La position du problème : la problématique. ÷ L'annonce du plan. 2. Les parties Elles mobilisent les connaissances du candidat au service d'une argumentation, d'une démonstration logique et bien charpentée. Chaque partie comprend : ÷ L'intitulé de la partie ÷ L'introduction de la partie ou " chapeau" . ÷ Les sous-parties. ÷ Les différents points contenus dans chaque sous-partie. La première partie comprend la transition avec la deuxième partie. La seconde partie (ou la troisième) comprend la transition avec la conclusion. 3. La conclusion La conclusion doit être le point d'aboutissement de votre travail. Elle ne doit pas être un résumé ou une redite de l'argumentation développée précédemment. Elle se termine par une ouverture vers d'autres questions ou vers une réflexion plus générale. CHAPITRE 2 : LES DIFFÉRENTS TYPES DE PLAN
La rédaction d'un plan est très utile pour sérier les problèmes à traiter, pour structurer un travail et le rendre lisible et cohérent. Il n'en reste pas moins qu'un plan n'a qu'une valeur relative, il constitue d'une part une réduction du réel et d'autre part il faut garder à l'esprit qu'il n'est que l'une des nombreuses manières d'aborder un sujet.
L'analyse comparative peut toujours être utilisée dans chaque type de plan. On distinguera les plans descriptifs, des plans types faciles à adapter à la plupart des sujets et dont l'utilisation, au mépris de l'originalité, permettra au candidat de se tirer d'affaire (A), et les plans synthétiques, plus originaux, mais plus difficiles à mettre en oeuvre (B) A) Les plans descriptifs ou plans-types Il convient de distinguer les plans analytiques, qui étudient les deux aspect d'une question à un moment donné, et les plans chronologiques ou historiques. 1. LES PLANS ANALYTIQUES Ils permettent de mettre en relief deux aspects complémentaires d'une même question. Ce sont des plans simples et pratiques particulièrement utiles pour un débutant. Ex : La séparation des pouvoirs. 1. Le principe 2. Les limites Ex : Le droit de dissolution 1. Les conditions d'exercice du droit de dissolution 2. Les conséquences de la dissolution Ex : La dépolitisation 1. Les causes 2. Les remèdes Les grands types de plans analytiques : A. Conditions B. Effets A. Causes B. Conséquences A. Caractères B. Conséquences A. Organisation B. Fonctionnement A. Statut B. Rôle A. Composition B. Rôle A. Principe B. Exceptions A. Notion B. Régime 2. LES PLANS CHRONOLOGIQUES OU HISTORIQUES Le plan chronologique est déterminé par les différentes phases que connaît une institution : Naissance et mort ; croissance et dépérissement. Le plan historique est utilisable lorsqu'il existe une véritable date charnière ( ex : 1789, 1917, 1989) ou lorsqu'il est possible de détecter un époque spécifique (ex : La révolution industrielle). Ces plans sont souvent du type avant /après.
Ex : Le Second Empire 1. L'Empire autoritaire (1852-1860) 2. L'Empire libéral (1860-1870) Ces plans apparemment simples sont en réalité assez difficiles. Ainsi, par exemple, 1789 ne constitue pas réellement une date charnière dans un étude concernant la mise en place de l'administration française. La continuité (la centralisation) l'emporte très largement sur les changements. B) Les plans synthétiques La synthèse est évidemment l'objectif de tout travail intellectuel. Il existe deux grands types que l'on choisira selon qu'il s'agit d'exposer les différents termes d'un débat ou que l'on préfère exposer ses propres vues sur le sujet. 1. Le plan " Thèse... antithèse... synthèse...". Il s'agit d'un type de plan, à trois niveaux, très utilisé dans le cadre des études littéraires. Il est très difficile à utiliser dans le domaine de la vie politique et institutionnelle, car outre le fait qu'il demande une grande maîtrise dans le maniement des idées, il ne permet pas toujours de fournir une explication ou une solution à un problème. 2. Le plan "En apparence... En profondeur... En réalité..." Ce type de plan permet l'analyse d'un problème en allant du simple au complexe, en étudiant successivement différentes strates du sujet. Ici, on défend une thèse à l'aide de deux ou trois idées qui font l'objet des différentes parties du devoir. Les intitulés des parties doivent indiquer ce que l'on veut démontrer. ex : L'URSS 1. En apparence, une confédération (Représentation internationale, droit de sécession) 2. En profondeur, un état unitaire (La centralisation par le parti communiste) 3. En réalité, une autonomie locale réelle (La déconcentration) Conclusion La méthode de la dissertation juridique demande un apprentissage. Dans chaque cas, il convient de choisir un plan adapté au sujet. Progressivement, l'étudiant apprendra à maîtriser cet art subtil. Il l'apprendra par la lecture de textes juridiques qui fournissent des exemples d'utilisation de la méthode, et surtout il l'apprendra par les exercices, en TD et à la maison. C'est en rédigeant que l'on devient forgeron ! Jean-Pierre Maury retour en haut de la page retour à la page de Jean-Pierre Maury MJP La page des constitutions françaises département de droit faculté de droit et de sciences économiques université de Perpignan