Biomeca Pied

  • October 2019
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¶ 27-020-A-20

Étude biomécanique de la course à pied F. Leboeuf, F. Achard de Leluardière, P. Lacouture, J. Duboy, F. Leplanquais, A. Junqua L’étude biomécanique de la course à pied fait toujours l’objet de nombreux travaux de recherche ; ces derniers, pour être performants supposent l’utilisation d’outils techniques d’observation et de mesures de plus en plus perfectionnés. Le mouvement est alors évalué suivant les trois axes de l’espace à l’aide de plateaux techniques qui regroupent des systèmes d’analyse d’images pour la capture du mouvement, synchronisés à des plates-formes de forces pour la mesure des efforts de contact ; ces dispositifs expérimentaux, associés aux lois de la dynamique des systèmes multicorps, permettent d’étudier, qualitativement et quantitativement, la gestuelle réalisée par le sportif expertisé dans son intégralité. L’application des modèles dynamiques, et plus particulièrement de la démarche dite en dynamique inverse, offre par exemple la possibilité d’accéder à des grandeurs non mesurables comme les efforts actionneurs articulaires. Ces derniers reflètent l’activité résultante des muscles actionneurs du mouvement interprétée comme une véritable signature du geste réalisé par l’athlète. En cela, ils valident et complètent les énoncés techniques des entraîneurs. Par ailleurs, la connaissance de ces efforts conduit à établir deux bilans énergétiques distincts, et en particulier celui qui reflète au mieux le coût énergétique mécanique imposé par le mouvement. La correspondance de ce bilan énergétique avec celui établi par les approches physiologiques est un sujet de recherche très vivant qui préoccupe bon nombre de chercheurs. Ces travaux trouvent leur prolongement dans l’amélioration des modèles musculaires, qui constituent aussi un thème actuel de recherche. Dans un tout autre domaine, l’étude biomécanique de la course à pied contribue à la mise au point des chaussures de course à pied et à l’élaboration de matériels sportifs tels que les sols. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Course ; Quantité de mouvement ; Moment cinétique ; Énergie mécanique ; Travaux des forces internes ; Chaussures et sols sportifs

Plan ¶ Introduction

1

¶ À propos de l’évolution technique des chaussures et des sols sportifs Quelques aspects biomécaniques de l’interaction pied-sol

¶ Rappel historique

2

¶ Conclusion

¶ Appareils modernes de mesure et d’analyse

2

¶ Étude descriptive du mécanisme de la course Caractérisation d’un cycle et d’une foulée Représentations par kinogrammes et trajectographie Activité des muscles actionneurs

3 3 4 4

¶ Étude mécanique du déséquilibre permanent et contrôlé caractérisant la course Étude des paramètres mécaniques de rotation lors d’une course Chaque approche a ses propres qualités

4 7 7

¶ État actuel de l’évaluation de la dépense énergétique Modélisation multisegmentaire d’un coureur Calcul du travail interne par l’approche globale Calcul du travail interne par l’approche locale Illustration des différents bilans énergétiques Vers un rapprochement des coûts énergétique, mécanique et physiologique ? Podologie

8 9 10 11 11 11

12 12 15

■ Introduction La course constitue pour l’homme le moyen le plus rapide pour se déplacer par une succession de foulées bondissantes à partir d’appuis pédestres effectués alternativement sur chaque pied. Elle est caractérisée, contrairement à la marche, par une projection aérienne du corps en translation, consécutive à chacune des phases d’appui unipodal, et ne comporte donc pas de phase de double appui. Malgré son caractère éminemment naturel, ce type de déplacement fait toujours l’objet de nombreux travaux de recherche nécessitant des techniques d’observation et de mesure de plus en plus perfectionnées. La course reste d’autre part un enjeu scientifique dans les trois aspects suivants : la coordination gestuelle qu’elle impose, l’optimisa-

1

27-020-A-20 ¶ Étude biomécanique de la course à pied

A 12

11 10

9

8

7

6

5

4

3

2

1

0

C

13 12 11 10 9

8

7

6

5

4

3

2

1

0

B Figure 1. Appareillage dynamographique et graphique issu d’une analyse chronophotographique. A. Plate-forme dynamographique. B. Inscription chronophotographique du mouvement. C, D. Semelles exploratrices de la pression.

D tion de la dépense énergétique occasionnée et très récemment les problèmes de traumatologie liés à une pratique intensive sportive et de loisirs.

■ Rappel historique Les premières représentations de la locomotion de l’homme et des animaux datent de la nuit des temps ainsi qu’en témoignent certaines peintures rupestres et, plus près de nous, les représentations des jeux du stade figurant sur des fresques ou des vases grecs ou étrusques datant d’environ 500 à 300 ans avant J.-C. Ce furent ensuite les reproductions des artistes du Moyen Âge tels que Léonard de Vinci (1452-1519). Plus près de nous, entre les années 1880 et 1905, une véritable étude scientifique et expérimentale des mouvements du corps humain et en particulier de la course, fut réalisée de façon extrêmement complète par le physiologiste Etienne Jules Marey [1] et son collaborateur Georges Demeny. [2, 3] Ce sont eux qui les premiers mirent au point les deux outils de mesure et d’objectivation que furent, et sont toujours, sous une forme moderne, la plate-forme dynamographique (Fig. 1A) traduisant l’intensité de la pression des pieds sur le sol et

2

l’inscription chronophotographique du mouvement (Fig. 1B) permettant la décomposition temporelle puis la mesure scientifique du mouvement. Le premier appareil était d’ailleurs complété par des « semelles exploratrices de la pression » équipant les chaussures et donnant la durée de l’appui du pied et la durée relative de l’appui du talon et de la pointe (Fig. 1C, D).

■ Appareils modernes de mesure et d’analyse En ce qui concerne les appareils modernes de mesure dynamographique, nous donnerons l’exemple de la plate-forme Kistler (Fig. 2) dont les caractéristiques techniques sont désormais classiques. Ce type de plate-forme se présente sous la forme d’un socle d’acier d’environ 80 mm d’épaisseur à l’intérieur duquel sont insérés aux quatre coins, quatre capteurs piézoélectriques triaxiaux reliés à un calculateur. La déformation mécanique par pression sur la plate-forme fournit une quantité d’électricité de quelques coulombs, qui, tout d’abord traduite en différence de potentiel puis amplifiée, est finalement convertie en valeurs numériques par un convertisseur analogique numérique, valeurs ensuite fournies à un Podologie

Étude biomécanique de la course à pied ¶ 27-020-A-20

X F Fx 4 Fy 4 Fz 4 a 3

4 a z

ay 1 O

ax

I

b

Y

2

Z

Figure 2.

Schéma d’une plate-forme de force Kistler.

calculateur qui traitera ces données pour obtenir, in fine, la mesure de huit paramètres mécaniques ; il est alors possible d’étudier le phénomène de course tant en translation qu’en rotation. Ces huit paramètres mesurés par multiplexage à des fréquences d’environ 5 000 Hz sont les suivants : • les trois composantes de la force (F) d’action sur la plateforme, Fx, Fy, Fz ; • les trois composantes du moment (M) de cette force, Mx, My, Mz ; • les deux coordonnées horizontales ax et ay du centre de pression du pied sur la plate-forme (la troisième coordonnée, verticale, az étant donnée par construction). Les calculs découlant de la mesure de ces huit paramètres, tant en translation qu’en rotation, sont les suivants : → • à partir de la résultante des forces externes F, évaluée par la mesure de la force d’action sur la plate-forme, calcul de la variation de vitesse du centre de masse du système étudié, → DVG entre deux instants tinitial et tfinal ainsi que sa variation → de déplacement DHG entre ces deux instants. • à partir de la mesure du moment résultant des forces externes → MG, calcul du moment cinétique ou quantité de rotation globale LG du système polyarticulé constitué par l’athlète. Le deuxième type d’appareils concerne les systèmes d’analyse cinématographique permettant de fournir des données numériques de positions à partir des images : ce sont les systèmes d’analyse d’images en trois dimensions (3D) qui d’après Durey [4]: « sont des systèmes qui réalisent la prise de vue, le repérage des points et la mise en mémoire en temps réel. Ils sont moins adaptés aux prises de vues en situation réelle car ils sont lourds à mettre en œuvre et lorsqu’ils utilisent la vidéo ne peuvent opérer que dans une certaine pénombre. Ils sont plus adaptés aux investigations scientifiques qu’aux interventions sur le terrain. Par ailleurs, ils sont tous destinés à faire de l’analyse 3D. Cette technique suppose que chaque point du corps analysé soit vu par au moins deux caméras. Ce système impose également de travailler avec des cibles lumineuses fixées sur le corps

.1

.2

de l’athlète car l’analyse automatique passe par une analyse du contraste des cibles par rapport au fond. En général pour augmenter ce contraste et ne pas être trop gêné par la lumière ambiante, la prise de vue se fait avec des caméras infrarouges (IR) entourées de projecteurs IR. Les réflecteurs cibles sont alors vus par la caméra IR, ils apparaissent blancs sur un fond quasiment noir. Le principe du marqueur passif (réflecteur IR) est utilisé par la plupart des systèmes existants (Saga, Elite, Vicon, Ariel). La prise de vue est suivie d’un prétraitement de l’image qui détecte les cibles et leur position et qui ne mémorise que cela. Il n’y a donc pas de mémorisation de l’image dans son entier, ce qui limitait la fréquence d’acquisition du système précédent (magnétoscope...). Ces systèmes actuels ont des fréquences qui ne dépassent pas 100 Hz, soit 10 ms entre deux prises de vues... ». Aujourd’hui, ces systèmes IR peuvent enregistrer des prises de vues de plus de 1 million de pixels (contre 300 000 il y a 5 ans) à la vitesse de 500 images par seconde. Mais, ils sont surtout sérieusement concurrencés par les systèmes vidéographiques qui, grâce aux nouvelles technologies numériques et aux nouveaux procédés de transfert de données, atteignent les mêmes performances tout en gardant les images en mémoire. Malheureusement, l’analyse ne se fait toujours pas en temps réel, elle nécessite même un post-traitement relativement long. Ces systèmes sont différents des outils d’analyse vidéo que l’on voit apparaître un peu partout et dont le plus connu est Dart-Trainer. Ce dernier propose de mesurer des angles intersegmentaires ou des distances à partir d’une seule prise de vue (2D), estimée perpendiculaire au plan dans lequel est réalisé le mouvement. La précision des résultats est alors très critiquable car influencée notamment par le placement de la caméra. Ils ont surtout l’avantage de permettre la superposition de séquences vidéos, procédé très recherché par les entraîneurs.

■ Étude descriptive du mécanisme de la course Les appareillages d’analyse d’image modernes trouvent ici une application clinique directe de leurs fonctions essentielles tant pour le milieu médical que pour celui de l’entraînement sportif.

Caractérisation d’un cycle et d’une foulée (Fig. 3A, B) La course à allure régulière peut être caractérisée par un cycle de jambes qui se répète à l’identique et est défini par l’intervalle de temps et d’espace séparant deux positions successives identiques tel que l’instant de pose d’un pied jusqu’au posé suivant de ce même pied. Le cycle est donc caractérisé par sa longueur et sa durée et peut être lui-même décomposé en deux foulées symétriques droite et gauche correspondant au passage de l’appui d’un pied sur l’autre. Ainsi, la foulée peut être définie par la mesure sur le sol de la distance entre deux appuis successifs.

A B Figure 3. A. Kinogrammes d’un cycle de course. B. Kinogrammes de chacune des deux foulées. Podologie

3

27-020-A-20 ¶ Étude biomécanique de la course à pied

Tableau 1. Amplitude de la foulée et du cycle de course. Noms

Foulée gauchedroit en m

Foulée droitgauche

Cycle en m

Sangouma

2,27

2,27

4,54

3,15

3,35

3,57

3,83

4,12

Quenhervé

2,15

2,15

4,30

Largeur de la poulie (m)

2,27

2,39

2,53

2,68

2,85

Dias

2,11

2,08

4,19

Écart type (m)

0,13

0,14

0,15

0,15

0,16

Laromanière

2,08

1,99

4,07

Coefficient de variation (%)

5,7

5,9

5,9

5,6

5,6

1,26

1,33

1,41

1,49

1,59

2,36

2,48

2,64

2,79

2,97

Vitesse (m s-1)

Perrot

2,16

2,24

4,40

Longueur de poulie/taille

Richard

1,96

1,99

3,95

Longueur de poulie/taille de la jambe

La foulée peut varier en amplitude (longueur) et en fréquence (répétition) selon les allures de course et les caractéristiques morphologiques des coureurs. Le Tableau 1(emprunté à A. Durey), [4] montre les amplitudes comparées des foulées gauche et droite. La foulée peut également être caractérisée par le temps de contact correspondant au temps d’appui sur un pied ainsi que par la durée de l’envol. À titre d’exemple, on peut préciser que le temps de contact dans une course de 800 m est à peu près égal au temps d’envol pour tous les niveaux de compétition, mais chez les athlètes nationaux ce temps de contact se ramène à 47 % de la durée du cycle total, ce qui techniquement transforme l’épreuve en un sprint long dans cette partie de la course [4] (Tableaux 2,3).

Représentations par kinogrammes et trajectographie (Fig. 4, 5)

.3

.4

Tableau 3. Valeurs moyennes des caractéristiques mécaniques de la foulée pour cinq vitesses de déplacement.

Durée d’une enjambée (s)

0,723 0,716 0,710 0,703 0,694

Écart type (s)

0,043 0,042 0,042 0,042 0,041

Coefficient de variation (%)

6,0

5,9

5,9

6,0

5,9

Fréquence de pas (Hz)

1,38

1,40

1,41

1,42

1,44

Écart type

0,08

0,08

0,08

0,09

0,09

arrière ; ils sont sujets à de fréquentes blessures aux ischiojambiers car plus ils accélèrent, plus les pieds montent en arrière. Par contre, les coureurs de demi-fond qui possèdent un bon finish ont la faculté de ne pas passer en cycle arrière dans la dernière ligne droite ». Nous allons présenter maintenant les bases d’une étude que nous appellerons mécanique car elle fait bien appel aux lois de la mécanique, science des mouvements des objets et des causes de ces mouvements.

Activité des muscles actionneurs

(Fig. 7, 8, 9)

[7]

Les kinogrammes font apparaître les différentes attitudes corporelles et les positions des différents segments au cours des phases successives du cycle de course. Le suivi, image par image des marqueurs conduit alors à la reconstitution de la trajectoire parcourue par les extrémités des segments mais aussi par leurs centres de masse dont la position est déterminée par calcul à l’aide de tables anthropométriques [5] indispensables dès que l’on veut effectuer des calculs cinématiques. Ainsi, le suivi de l’axe de la cheville, axe des malléoles tibiopéronières, ou du centre de masse du pied tout au long du cycle de jambes, peut être reconstitué sous la forme d’un diagramme appelé « poulaine » (Fig. 6) dont la forme est caractéristique et personnalise la gestuelle de chaque coureur ; une comparaison entre les athlètes en fonction de leur spécialité est alors possible ; elle met en évidence le type de cycle adopté, à savoir, cycle « antérieur » ou cycle « postérieur », comme le montre le diagramme (Fig. 6), emprunté à J. Piasenta. [6] Ce même J. Piasenta, entraîneur réputé d’athlétisme, s’est posé la question : quel type de cycle de jambes privilégier ? Il constate que « la grande majorité des jeunes débutants courent en cycle postérieur, les sauteurs en longueur, dans leurs foulées d’approche courent en cycle antérieur. Les grands sprinters modernes sont des adeptes du cycle antérieur (plus efficace) mais avec la fatigue, en fin de course, le sprinter voit son cycle de jambes se déformer pour être de plus en plus postérieur. Malgré cela certains grands sprinters obtiennent des résultats au plus haut niveau en courant en cycle

Cavanag a repris un résumé des travaux réalisés sur l’activité musculaire par électromyographie (EMG) de surface, pour une vitesse de course moyenne autour de 3,8 m/s pour l’ensemble des auteurs cités ; les résultats sont normalisés dans le temps pour un cycle complet : une phase d’appui suivie de la phase aérienne pendulaire. La Figure 8 montre la séquence temporelle des activités des muscles agissant lors d’une course, au niveau de l’articulation du genou et la Figure 7 indique l’amplitude de l’activité électromyographique durant la phase d’appui de la course. Il est évident que l’amplitude du signal EMG ne reflète pas la force exercée par le coureur sur le sol à l’aide de sa jambe d’appui, mais simplement l’intensité de l’activité musculaire.

■ Étude mécanique du déséquilibre permanent et contrôlé caractérisant la course La course, comme tout déplacement du corps humain est une succession de déséquilibres maîtrisés, rattrapés, permettant d’éviter la chute. Ce déséquilibre, appelé aussi « équilibre dynamique », est la conséquence de l’action des différentes forces extérieures (Fig. 10) qui agissent sur le coureur et qui sont → principalement son poids et la force de réaction du sol R si on

Tableau 2. Comparaison des caractéristiques des foulées sur différentes distances de course. Distance (m)

Temps

Vitesse (m s-1)

Amplitude (m)

Fréquence (Hz)

100

9,9 s

10,10

2,25

4,40

44,4

400

43,8 s

9,10

2,20

4,13

181,8

800

1 min 43,4 s

7,72

2,10

3,67

380,9

1500

3 min 32,2 s

7,07

2,00

3,53

750

5000

13 min 12,9 s

6,31

1,80

3,50

2777,7

10 000

27 min 30,5 s

6,06

1,75

3,46

5714,2

Marathon

2 h 8 min 33,6 s

5,44

1,60

3,47

26371,8

4

Nombre de foulées

Podologie

Étude biomécanique de la course à pied ¶ 27-020-A-20

Figure 4. A. Kinogramme photo. B. Kinogrammes stylisés.

B Figure 5. Exemple de trajectographie 3D sur tapis roulant (système Biogesta SAGA 3).

Figure 6.

Poulaine caractérisant le cycle de jambe.

néglige en première approximation la force de pénétration dans l’air. Il est à noter que la force de réaction du sol s’oppose à → chaque instant à la force d’action F de l’athlète sur le sol, soit : → → R=−F.

.5

.6

Conscients de ce problème fondamental, les biomécaniciens utilisent préférentiellement l’autre approche, cinématique celleci, à partir d’analyses 3D. On peut parler de complémentarité entre l’approche dynamique sur plate-forme de forces et l’approche cinématique en observant l’application faite de la 2e loi de Newton, dans les deux cas. Le CG global dont la position par rapport à l’origine d’un repère fixe (ou mieux inertiel) n’est que le barycentre des différents CGi des segments utilisés dans le modèle représentatif tel qu’à un instant t quelconque on peut écrire : → 14 → MOG = 兺 miOGi i=1

Podologie

DA

VI

Références

VE

Mann et Hagy, 1980 a Mann et Hagy, 1980 b

BC

Nilson et al, 1985 Brandell, 1973 Schwab et al, 1983

SM/ST

Macintyre et al, 1987

0 PP

10

20 Ap

30

40 DP

50

60

70 Osc

80

90

100 PP

Figure 7. Séquence des activités musculaires au niveau de l’articulation du genou lors de la course. PP : pose du pied ; DP : décollage du pied ; Ap : appui ; Osc : oscillation, balancé ; DA : droit antérieur ; VI : vaste interne ; VE : vaste externe ; SM/ST : semi-membraneux/semi-tendineux ; BC : biceps crural.

5

27-020-A-20 ¶ Étude biomécanique de la course à pied



-40

0

40

80

120

160

200

240

Temps (ms)

Figure 8. Amplitude de l’activité électromyographique (EMG) lors de la phase d’appui de la course. L’intensité de l’ombre indique l’augmentation relative de l’activité.

Figure 9. Modèle mécanique du corps humain.

1 1 2 7

3 3

6

8

2

4

7

5

9

6

10 5

8

11 16 12 17

14 9

10

11 13

12

15

13

18

20 14

19

M est la masse totale et mi la masse de chacun des 14 segments ou celle de chacun des 5 membres (vidéos) du modèle utilisé. Une première dérivation conduit à :

M

ou encore,

.7

.8

dt

14

= 兺 mi

→ dOGi

i=1

dt

,

Mm→G= 兺14 mim→Gi i=1

La quantité de mouvement globale au CG, Mm→G, n’est que la → conséquence des différentes contributions mivGi, apportées par les segments mis en mouvement par des forces internes au corps de l’athlète sous l’action des muscles ; ces muscles sont appelés, à juste raison, les actionneurs du mouvement. L’amplitude → instantanée de MVG, dans sa composante antéropostérieure est bien le résultat d’une synergie personnalisée pour chaque athlète. Il nous faut lever une ambiguïté qui consiste à dire que c’est la → → somme des forces R+P qui crée le mouvement. En fait, une deuxième dérivation conduit à écrire :

M .9

.10

→ dOG

2→ d OG

dt

2

14

= 兺 mi i=1

2→ d OGi

dt

2

La synergie personnalisée des accélérations segmentaires crée à chaque instant l’accélération totale résultante, mais, 2→ 2 → → Md OG dt =R+P, selon la deuxième loi de Newton.



6

Points essentiels

C’est l’impulsion de ces forces extérieures en translation (quantité de mouvement), et l’impulsion de leur moment pour ce qui concerne la rotation (quantité de rotation ou moment cinétique) qui permettent d’expliquer la gestion du déséquilibre caractérisant ce mode de déplacement. Étude en translation des paramètres mécaniques de la course. [8] Deux préalables : • le corps du coureur doit tout d’abord être défini comme un système mécanique articulé, tant du point de vue des longueurs segmentaires que des masses segmentaires, si on utilise l’approche cinématographique (Fig. 9) ; [8] • un bilan des forces extérieures et leurs mesures, en particulier celle de la force de réaction sont indispensables pour l’approche dynamographique. Complémentarité des deux approches Le but est de calculer la vitesse et le déplacement du centre de gravité (CG) du corps du coureur. L’impulsion des forces extérieures durant la phase d’appui rend compte de la variation de vitesse correspondant à l’allure recherchée par le coureur. Classiquement cette variation de vitesse correspond à chaque instant à l’aire emprisonnée entre la courbe de la force de réaction Rz et le poids W pour la vitesse verticale, entre la courbe de la force de réaction Rx et l’axe pour la vitesse horizontale (encore faut-il connaître la vitesse à l’instant initial du calcul). Le même principe de calcul (aires comprises cette fois entre la courbe de chaque composante de la vitesse et l’axe des abscisses) donne accès au déplacement du CG en fonction du temps, au cours de la phase d’appui comme pendant la phase aérienne, phase où le corps n’est → soumis qu’à son propre poids W. Les représentations graphiques suivantes (Fig. 11) montrent la filiation entre les courbes de force, vitesse et déplacement verticaux et horizontaux du CG, pendant les phases d’appui et d’envol lors d’un cycle de course (Fig. 11, 12). En résumé, une étude du pas de course sur plate-forme de force ne rend compte que de l’accélération du CG puis (après une première intégration), de la vitesse du CG (encore faut-il connaître, rappelons-le, cette vitesse du CG à l’entrée sur la plate-forme), puis du déplacement du CG (ici encore la position initiale est indispensable). Une plateforme ne peut rendre compte à elle seule, contrairement aux idées reçues, de la coordination gestuelle, c’est-à-dire de l’apport individuel de chaque segment de masse du système articulé.

Ce sont donc les quantités d’accélération segmentaires qui → créent la force de réaction R qui permet le déplacement de l’individu et non le contraire ! Les Figures 12A et B [8] illustrent le déplacement du CG, conséquence de celui des différents CGi des segments selon les axes X transverse et Y vertical. En résumé, une analyse cinématique 3D conduit à quantifier la relation qui existe entre l’activité segmentaire des différentes parties du corps et l’évolution du CG en mettant bien en évidence la gestion de la quantité de mouvement segmentaire ainsi que l’importance de la coordination gestuelle et le rôle joué par les parties du corps apparemment non concernées par l’action en cours (segments appelés segments libres). Cette démarche est fondamentale si l’on veut comprendre un peu mieux l’équilibre dynamique de la course. Podologie

Étude biomécanique de la course à pied ¶ 27-020-A-20

Figure 10. Bilan des forces extérieures (les forces aérodynamiques sont négligées).

de rotation calculée dans le repère lié au CG du corps et → résultant d’un produit vectoriel (r→Km V ). i

Gi

Comme précédemment pour la translation, le moment cinétique global calculé au CG est égal à la somme des moments cinétiques segmentaires, calculés eux aussi au CG, soit : 14 → LG = 兺 LGi i=1

Rz

W

Ry Rx

Étude des paramètres mécaniques de rotation lors d’une course La Figure 13 permet d’illustrer l’algorithme de calcul de la quantité de rotation (ou moment angulaire, ou encore moment cinétique) de chaque segment du corps calculé par rapport au centre de masse global du corps ; nous considérons dans ce cas l’approche cinématographique des calculs. L’expression du moment cinétique de chaque segment fait → apparaître une quantité de rotation locale (Ix) et une quantité

La Figure 14 due à Hinrichs [8] illustre bien la variation des moments cinétiques partiels alors que le moment cinétique global fluctue autour d’une valeur nulle, limitant de ce fait les effets pervers des déséquilibres de rotation segmentaires. Remarque importante : comme dans le cas de la translation, la plate-forme s’avère un instrument de mesure assez insuffisant car il ne peut rendre compte que de la variation globale du moment → cinétique, DLG à partir du calcul du moment de la force de → réaction, à condition de connaître LG à l’instant initial des calculs. On a souvent opposé une littérature empirique, celle des entraîneurs sportifs par exemple, basée sur la description du phénomène global de la course et donc sur l’observation, avec une littérature plus scientifique, basée sur la mesure de paramètres et l’adoption de concepts de cette discipline spécifique de l’étude du mouvement : la mécanique.

Chaque approche a ses propres qualités Les entraîneurs doivent réagir sur-le-champ à partir de relations simples de cause à effet qui ont prouvé leur efficacité. La seconde approche, celle des biomécaniciens vient compléter a posteriori et confirmer le plus souvent le bien-fondé de telles observations ; de plus, elle apporte des éléments tangibles Figure 11. Variations en fonction du temps lors d’un appui dans la course, des composantes:

• Rz et Ry de la force de réaction au sol. • Vz et Vy de la vitesse du CG. • Hz et Hy du déplacement du CG.

Podologie

7

27-020-A-20 ¶ Étude biomécanique de la course à pied

Composante relative selon l'axe transverse X du centre de masse (m)

Composante relative selon l'axe longitudinal Y du centre de masse (m)

0,02

1,545

Bras

0,01

Figure 12. A. Contribution de la masse des bras au déplacement transverse du centre de masse global du corps. B. Contribution de la masse des bras au déplacement longitudinal du centre de masse global du corps. PPG : pose du pied gauche ; DPG : décollage du pied gauche (les orteils du pied gauche quittent le sol) ; PPD : pose du pied droit ; DPD : décollage du pied droit (les orteils du pied droit quittent le sol).

1,540

Bras

1,535

0,00 Corps

1,530

-0,01

Corps

Corps sans bras

-0,02

1,525

-0,03

1,520

Corps sans bras

1,515

-0,04 0

20

40

60

80

0

100

20

Temps (% cycle)

PPG

DPG

PPD

40

DPD

PPG

PPG

DPG

A



60

80

100

Temps (% cycle)

PPD

DPD

PPG

B

Point important

En résumé, analyser l’équilibre dynamique d’un coureur nécessite de mettre en évidence la gestion du moment cinétique réalisé par chaque individu en ajustant et en coordonnant les différents moments cinétiques segmentaires.

z

G y x Z

sur la compréhension de deux problèmes essentiels qui agitent le monde médical et paramédical mais aussi celui des entraîneurs, à savoir l’efficacité du geste de la course du point de vue énergétique et la traumatologie liée à la pratique. Nous allons tenter d’aborder ces deux problèmes par l’intermédiaire de l’étude mécanique des systèmes polyarticulés.

8

r

C

■ État actuel de l’évaluation de la dépense énergétique Comme nous venons de le voir, les entraîneurs de course à pied font souvent référence au geste du champion pour se faire une opinion sur l’efficacité technique de leurs athlètes ; cette opinion est établie à partir de simples observations visuelles qu’ils ont maintenant l’habitude de confronter avec des mesures scientifiques. La plupart des entraîneurs ont ainsi recours à des indices comme la forme de la poulaine, le rapport amplitude/ fréquence des foulées ou encore des mesures dites de « puissance » du coureur ; en observant leurs évolutions au cours du temps, ils se font une opinion sur la notion d’économie de mouvement et par conséquent d’énergie dépensée. Pour les médecins et les physiologistes, le coût énergétique d’un mouvement, noté aussi énergie métabolique, est calculé systématiquement par la mesure du volume d’oxygène inspiré. Les informations ainsi obtenues rendent compte des qualités

w

r

Y L = I ω + r Λmv X Figure 13. Algorithme de calcul du moment angulaire H d’un segment du corps par rapport au centre de masse G du corps tout entier. [I] : matrice d’inertie du segment. Cet opérateur décrit la distribution de la masse du segment par rapport à son propre centre de gravité. ϖ : vecteur de vitesse angulaire du segment. r : vecteur position du centre de masse C du segment par rapport au centre de masse G global du corps. v : vecteur vitesse linéaire du centre de masse C du segment par rapport au référentiel galiléen. (G, x, y, z) : référentiel associé au centre de masse G global du corps. L = [I] ϖ + r K m v (le sigle K correspond au produit vectoriel). [I] ϖ : terme local qui caractérise le moment angulaire du segment par rapport à son propre centre de masse. r K m v : terme orbital qui caractérise le moment angulaire du centre de masse du segment par rapport au centre de masse du corps tout entier. Podologie

Étude biomécanique de la course à pied ¶ 27-020-A-20

Composante relative selon l'axe longitudinal du moment angulaire (Ns)

Moment angulaire selon l'axe vertical exprimé en 10-3 unités/s

Composante relative selon l'axe longitudinal du moment angulaire exprimé (Ns)

4,5

15,0

15,0

3,0

10,0

1,5

5,0

0,0

0,0

10,0

Tête et tronc

Bras droit

5,0

-1,5

-3,0

0,0 Corps

- 5,0

- 5,0

-10,0

-10,0

Bras gauche

Jambes

-4,5

Jambes

-15,0 20

40

60

80

100

-15,0 0

20

Temps (% cycle)

PPG

DPG

PPD

Tête et tronc

Bras corps

Deux bras

0

Bras

40

60

80

100

0

20

Temps (% cycle)

DPD

PPG

PPG

DPG

PPD

40

60

80

100

DPD

PPG

Temps (% cycle)

DPD

PPG

B

A

PPG

DPG

PPD

C

Figure 14. Composantes du moment cinétique relatif de certains segments. A. Moyenne des courbes de la composante antéropostérieure (longitudinale) du moment angulaire des bras pour une course de 3,8 m/s. B. Moyenne des courbes de la composante antéropostérieure (longitudinale) du moment angulaire des segments et du corps pour une course de 3,8 m/s. C. Moyenne des courbes de la composante verticale du moment angulaire des segments et du corps pour une course de 4,5 m/s (pour faciliter la comparaison entre les sujets, le moment angulaire absolu, exprimé en kg.m2.s-2 a été normalisé en le divisant par la masse du sujet en kg et par le carré de la taille en mètre. Comme les valeurs obtenues sont plutôt faibles, elles sont exprimées en 10-3 ou 0,001/s). PPG : pose du pied gauche ; DPG : décollage du pied gauche (les orteils du pied gauche quittent le sol) ; PPD : pose du pied droit ; DPD : décollage du pied droit (les orteils du pied droit quittent le sol).

O2 inspiré

Énergie métabolique

CO2 expiré

Travail isométrique Maintien de la Lutte contre la gravité chaleur Énergie mécanique Tension musculaire Chaleur de concentration déclenchement, contraction isométrique, tension musculaire interne, raccourcissement sous une charge

Travail externe

Déperdition causée par la coordination ou par l'absorption musculaire au niveau d'une autre articulation

Wphysiologiques de l’athlète mais elles ne peuvent évaluer la qualité et la performance du mouvement. En effet, il s’agit d’une mesure globale qui ne permet pas d’étudier les différentes contributions segmentaires. Pour cela, des analyses mécaniques basées sur la quantification des mouvements segmentaires de l’athlète, sont nécessaires ; ceci est impossible avec pour seul outil de mesure, une plate-forme de forces : l’être humain se trouve alors réduit à un point matériel, son centre de gravité, et seul peut être calculé le travail mécanique externe mais certainement pas l’énergie mécanique totale dépensée, car n’est pas comptabilisée l’énergie cinétique interne relative aux différents mouvements segmentaires (Fig. 15). En revanche, les analyses mécaniques réalisées à partir des systèmes d’analyse cinématographiques associées à des modélisations multisegmentaires du corps humain conduisent bien aux résultats escomptés ; différentes modalités sont proposées ; la formulation la plus courante est celle qui s’appuie sur le théorème de l’énergie mécanique, on la qualifie d’approche globale. Une autre approche plus complète, dite locale, repose Podologie

Augmentation de l'énergie des segments

Figure 15. Flux de l’énergie du niveau métabolique jusqu’au travail mécanique interne. La chaleur est dégradée en chaleur associée au processus contractile ou par insuffisance à la suite de sa conversion en énergie mécanique (d’après D.A. Winter).

sur la détermination des efforts actionneurs sollicitant les articulations du corps en mouvement. Cette dernière approche peut conduire pourtant, selon les modalités de calcul choisies, à des bilans énergétiques très différents, objet de la discussion suivante, reposant sur une modélisation spécifique d’un coureur.

Modélisation multisegmentaire d’un coureur Le mouvement de course est une succession de phases d’appui unipodal et de phases aériennes. La cinématique du corps humain en mouvement s’apparente à celle d’un système articulé, arborescent, ouvert (un seul segment est en contact avec le sol) et composé de segments rigides (Fig. 16). Ce modèle plan arborescent est composé de 14 corps segmentaires dont les configurations articulaires sont décrites par les angles absolus qi=共 X0,Xi 兲. Ces angles sont issus de la cinématique des centres articulaires Oi, enregistrée au moyen d’un système d’analyse d’images.

9

27-020-A-20 ¶ Étude biomécanique de la course à pied

Figure 16. Modélisation géométrique du coureur (G : centre de gravité du coureur ; I : centre de pression).

S11(m11,G11)-bras

X10

X4 O11

S10(m10,G10)-avant-bras

O5 X7

X9

S9(m9,G9)-main

S5(m5,G5)-bras

O10 O9 X8

S15(m15,G15)-cuisse

X5

G

O4

X2 O3 S2(m2,G2)-jambe

X1 O13

O2 I

R (réaction du sol)

a C = F共 q, q˙, q¨ 兲

où Ca représente le vecteur des couples actionneurs L’approche qu’il convient de mener s’appuie sur une démarche dite en « dynamique inverse ». Celle-ci consiste à déterminer les efforts actionneurs articulaires à partir de la mesure des paramètres cinématiques. Ces efforts permettent d’évaluer la stratégie articulaire adoptée par l’athlète ainsi que le niveau de sollicitation des articulations. En cela, ces efforts constituent une véritable signature de la technique de l’athlète. Selon Winter [9] et Zajac et al., [10] ils reflètent également la résultante de l’activité musculaire mise en jeu.

Calcul du travail interne par l’approche globale D’après le théorème de l’énergie mécanique : la dérivée par rapport au temps de l’énergie cinétique dans le référentiel galiléen ℜ0 est égale à la puissance calculée dans ℜ des efforts extérieurs et intérieurs agissant sur le système mécanique : d

Ec共 t 兲 = P共 Fint 兲 + P共 Fext 兲

14

2

i=1

1

14

1

兺 mVGi共 t 兲⁄ℜ*+ 2 mVG共 t 兲⁄ℜ 2

0

i=1

où VGi共 t 兲⁄ℜ* est la vitesse des centres de gravité segmentaires * exprimée dans le repère ℜ colinéaire au repère et dont l’origine

10

X0

est le centre de gravité global G du système entier. Les deux premiers membres de cette équation correspondent à l’énergie de gesticulation appelée aussi énergie cinétique interne (Junqua et al. [11]). Parmi les efforts extérieurs, seuls ceux relatifs à la gravité et aux forces aérodynamiques sont actifs. En effet, les forces de contact avec le sol ne travaillent pas en l’absence de glissement du point d’application. On peut ainsi écrire : P共 Fext 兲 =

d dt

Ep共 t 兲 − P共 Fac 兲

(2)

où Ep(t) est l’énergie potentielle et P(Fac) représente la puissance des actions de contacts actifs. Les relations (1) et (2) conduisent à l’expression de la puissance des efforts internes : P共 Fint 兲 =

d dt

关 Ec共 t 兲 + Ep共 t 兲 兴 − P共 Fac 兲

(3)

Ce bilan représente la variation d’énergie mécanique totale entre le début (to) et la fin (tf) d’un mouvement. Or, si les deux positions de repos du sujet sont identiques à to et à tf, le calcul aboutit à un bilan nul ; le travail qui a été réalisé pour produire le geste n’est donc pas correctement déterminé. Une solution consiste à cumuler les valeurs absolues des puissances calculées à chaque instant. Le travail mécanique des efforts internes s’écrit alors de la manière suivante : W0共 Fint 兲 =

(1)

L’énergie cinétique Ec(t) du système multicorps S représentatif de la course s’exprime au moyen de la relation suivante : Ec共 t 兲 = 兺 Iiq˙i +

+ R0

O1

Le modèle dynamique du mouvement repose sur l’introduction dans les équations de Newton-Euler ou de Lagrange, des grandeurs cinématiques et de leurs dérivées premières et secondes par rapport au temps共 qi,q˙i,q¨i 兲, des grandeurs biométriques (masses, inerties et position des centres de gravité segmentaires). Il conduit à la formulation du système différentiel suivant :

dt

Z0

S1(m1,G1)-pied

S13(m13,G13)-pied O12

S6(m6,G6)-avant-bras

S3(m3,G3)-cuisse

O14

X12

X6

P (poids du coureur)

X13

S14(m14,G14)-jambe

O7

O6

S4(m4,G4)-ensemble tête-tronc X3

S7(m7,G7)-main

O8



t1

t0



d

dt

关 Ec共 t 兲 + Ep共 t 兲 兴



dt + Wext

(4)

où Wext=兰t1 |P共 Fac 兲|dt est le travail produit au niveau des contacts t0

extérieurs. Remarque : on retrouve ce type de formulation chez Martin et al. [12] et Leplanquais. [13] Ces auteurs montrèrent que l’analyse de la course sur tapis roulant nécessite la prise en compte de l’apport énergétique du tapis roulant à l’individu à travers le calcul du travail des efforts de contact pied-sol ; dans ce cas en effet, le point de contact pied-sol, transporté par le tapis, glisse. Podologie

Étude biomécanique de la course à pied ¶ 27-020-A-20

Figure 17. Comparaison des bilans énergétiques obtenus lors de l’analyse d’un appui pris à 40 m de la ligne de départ d’un 100 m plat.

2 000 équation 5 (approche globale) équation 7 (approche locale) équation 8 (approche locale)

1 900 1 800 1 700 1 600

Dépense énergie mécanique (J)

1 500 1 400 1 300 1 200 1 100 1 000

Wb 2

900 800 700 600 500 400

Wa 2

300 200

W1

100 0 0

0,01

0,02

0,03

0,04

0,05 0,06 Temps (s)

0,07

Sur piste, si on néglige les forces aérodynamiques, la puissance des forces actives est nulle (la force de réaction ne travaille pas), l’expression (4) est naturellement réduite à : W1共 Fint 兲 =



t1

t0



d

dt

关 Ec共 t 兲 + Ep共 t 兲 兴



dt

(5)

La plupart des travaux de recherche menés sur la course utilisent cette dernière formulation (Williams et Cavanagh [14]; Kaneko [15]; Cavagna et al. [16]). Cependant, la similitude des bilans énergétiques W0 ou W1 n’est jamais retrouvée et il est souvent mentionné « des transferts d’énergie entre les segments » théoriquement inconcevables. Pour autant, il semble qu’il y ait un consensus sur le fait que le travail mécanique des efforts internes par l’approche globale est sous-évalué car les contributions motrices et frénatrices du mouvement ne sont pas dissociées (Robertsone et Winter [17]; Willems et al. [18]). C’est pourquoi la méthode dite locale qui résout, nous allons le voir, ce problème est de plus en plus utilisée.

Calcul du travail interne par l’approche locale L’approche locale repose sur la détermination en dynamique inverse des efforts actionneurs articulaires et de leur puissance mécanique comme suit : Pi共 t 兲 = Ci−1,i共 t 兲Xi,i−1共 t 兲 a

où Xi,i−1 représente le vecteur taux de rotation du segment Si par rapport au segment Si-1. Elle conduit à l’expression suivante de la puissance des efforts internes : 14

P共 Fint 兲 = 兺 Pi共 t 兲 i=1

et amène à considérer deux bilans énergétiques distincts : Podologie

(6)

0,08

0,09

0,10

0,11

W2共 Fint 兲 =

兰 冏兺

W2共 Fint 兲 =

兰 兺 ⱍP 共 t 兲ⱍdt ≡ 兰 兺 ⱍC

a

b

t1

n

t0

i=1

t1

n

t0

i=1



Pi共 t 兲 dt ≡

兰 冏兺

i

t1

n

t0

i=1

t1

n

t0

i=1



Ci−1,i共 t 兲Xi,i−1共 t 兲 dt a

a i−1,i

(7)

共 t 兲Xi,i−1共 t 兲ⱍdt

(8)

Le dernier bilan peut par ailleurs admettre l’écriture suivante : W2共 Fint 兲 = W + W b

+



où W =兰t1 P 共 t 兲dt est le travail des efforts moteurs et W =兰t1 P +

+

t0





t0

共 t 兲dt, le travail des efforts frénateurs. Une telle écriture repose sur l’hypothèse qu’un effort moteur est aussi « coûteux » en énergie métabolique qu’un effort résistant (Winter [9]).

Illustration des différents bilans énergétiques La Figure 17 illustre l’évolution des divers bilans énergétiques a b (W1, W2, W2) obtenus lors de l’étude d’un appui pris par l’un des meilleurs sprinters français (spécialiste sur 100 m plat) à 40 m de la ligne de départ. Il courait à plus de 10,5 m.s–1 (coureur de la vidéo 1). Malgré les incertitudes inhérentes à chaque mode de calcul, il existe une excellente corrélation entre les courbes représentaa tives de W1 et W2 ; nous validons ainsi les processus de calcul et confirmons la précision des données cinématiques. Nous b pouvons également remarquer que le bilan total W2 s’élève, en a fin d’appui au triple des bilans partiels (550 J pour W1 et W2 et b 1800 J pour W2).

Vers un rapprochement des coûts énergétique, mécanique et physiologique ? La prochaine étape de ce type de recherche consiste à développer ces calculs en trois dimensions. À plus long terme, il s’agit de rapprocher les données mécaniques de celles des physiologistes dans le but d’estimer le rendement de la machine humaine en mouvement. Le rapprochement des coûts énergétiques, mécaniques et physiologiques est une thématique séduisante à laquelle beaucoup d’auteurs participent ; actuellement, malheureusement, ils aboutissent tous à un constat d’échec ;

11

27-020-A-20 ¶ Étude biomécanique de la course à pied



Ce qu’il faut retenir

Tous les bilans énergétiques ont été formulés en valeurs absolues ; une simple sommation en valeurs relatives ne peut pas être représentative du travail effectif des efforts actionneurs. En effet, pour le cas d’un mouvement effectué sur support fixe entre deux positions de repos identiques, les bilans obtenus sont nuls, et ne représentent en rien le travail mécanique à réaliser pour produire le mouvement. a L’égalité entre les bilans W1 et W2 n’est que très rarement mentionnée dans la littérature. Or, elle permet d’évaluer la qualité des mesures cinématiques et de valider les calculs. a Les bilans W1 et W2 peuvent être considérés comme des indicateurs de l’économie du mouvement, mais ils ne sont que des sous-évaluations du coût énergétique et b mécanique du geste. Le seul bilan à retenir, est le bilan W2 car il permet d’évaluer la véritable performance énergétique du mouvement en cumulant les travaux moteurs et frénateurs. Comme Fregly et Zajac [19] ou Purkiss et al., [20] nous recommandons de déterminer les capacités physiques b d’un athlète à travers l’évaluation du bilan W2. Pour autant, les calculs qu’elle implique sont plus délicats à mettre en œuvre. En effet, des gestes tels que la course nécessitent la formulation de deux modèles dynamiques considérant pour l’un la phase d’appui et pour l’autre la phase aérienne.

parmi eux, Van Ingen Schenau, [21] Unnithan et al. [22] ou Neptune et al. [23] estiment même que la recherche d’une relation biunivoque est irréaliste si la modélisation du corps est simplement squelettique, et non musculosquelettique ; les processus numériques devraient donc se complexifier ; pour le moment, aucune modélisation ne rend compte de l’intégralité du corps humain, condition pourtant indispensable à une analyse exhaustive de la course à pied.

■ À propos de l’évolution technique des chaussures et des sols sportifs Dans un article paru en 1987 dans la revue « La Recherche » et intitulé « Les chaussures de sport », C. Got, [24] professeur d’anatomie pathologique écrivait : « Courir pieds nus sur un sol dur est une épreuve pénible non seulement pour les pieds mais aussi pour l’ensemble du corps. Les accélérations et les décélérations qui accompagnent le pas de course se transmettent tout au long de la colonne vertébrale et sont ressenties jusqu’au sommet du crâne. Les chaussures de sport sont là pour amortir les chocs, faciliter la relance du pied et prévenir les accidents. Mais pour fabriquer de bonnes chaussures, il ne suffit pas de tenir compte des caractéristiques physiques des matériaux, il faut en premier lieu avoir une connaissance approfondie de la biomécanique du pas de course. »

Quelques aspects biomécaniques de l’interaction pied-sol Nous allons emprunter les diagrammes proposés par C. Got, et surtout leurs commentaires, pour montrer comment des conseils pourraient être donnés pour choisir des chaussures de course adaptées à chaque individu.

Pronation ou supination ? (Fig. 18) Dans la course de fond ou de demi-fond, l’abord du sol dans le sens antéropostérieur peut se faire de plusieurs façons

12

représentées sur la Figure 18A. L’abord au niveau du talon est le plus fréquent (a), puis l’abord médioplantaire (b), enfin l’abord sur l’avant-pied (c). Mais, pendant ce temps, la cheville bouge dans le plan transversal. Les positions relatives de la jambe, de l’arrière-pied et du sol sont déterminées par la mesure de trois angles représentés sur la Figure 18B sur un pied droit vu de l’arrière : il s’agit de l’angle que fait l’axe du tibia avec l’horizontale (a), de l’angle b entre cet axe et l’axe du contrefort de la chaussure (ou du talon si le pied est nu), enfin de l’angle que fait l’axe du contrefort avec le sol (c). Les variations possibles de ces angles sont représentées, toujours sur un pied droit, en C. Lorsque la partie interne de la semelle et de la voûte plantaire est écrasée il y a pronation, dans le cas contraire, lorsque la partie extérieure de la semelle et le bord externe du pied sont aplatis, il y a supination. La forme de la semelle intervient pour corriger une pronation ou une supination. La Figure 19 représente différents moyens permettant de corriger une pronation sur un pied droit semelle asymétrique plus épaisse à l’intérieur qu’à l’extérieur, semelle hétérogène fabriquée avec un matériau plus dur vers l’intérieur du pied, insertion d’une cale sur le côté interne de pied. Dans ce dernier cas, la position B, plus reculée, est plus efficace que la position A. Mais les asymétries de la semelle peuvent aller à l’encontre du but recherché si un coureur mal conseillé porte une chaussure qui exagère sa tendance naturelle.

Comment contrecarrer le choc initial lors d’un appui ? (Fig. 20) Les forces exercées sur le sol au cours du déroulement du pas de course dépendent de facteurs individuels (poids, morphologie du pied par exemple) et de la chaussure utilisée. Ces forces sont testées sur des appareils appelés plates-formes d’effort. L’athlète que l’on veut étudier court sur une piste dans laquelle la plate-forme est incluse. La Figure 20 permet de montrer l’efficacité de la chaussure. La courbe a correspond à un pas de course effectué pieds nus. La vitesse de déplacement est de 12 km/h, la fréquence du pas de 160 Hz, soit une longueur de 125 cm pour chaque pas, le poids du coureur étant de 72 kg (72 décaNewtons [daN]). La force verticale exercée sur la plateforme croît rapidement pour atteindre un premier maximum égal à plus de deux fois le poids du corps (< 175 daN ici), elle passe ensuite par une phase de décroissance avant de s’accroître à nouveau dans la phase d’appui sur l’avant-pied qui correspond à la relance vers l’avant du pas suivant. Un accident sur cette première décroissance de la courbe d’effort correspond au contact de l’avant-pied sur le sol. La durée totale de la phase de contact avec le sol est de 230 millisecondes (145 pour la phase aérienne). Dans des conditions identiques, une chaussure de course à semelle épaisse élastique et amortissante va transformer profondément l’enregistrement (courbe b). Le premier pic d’effort est retardé et sa valeur maximale diminuée d’environ 20 % il englobe et masque complètement le second pic lié au choc de l’avant-pied. Si l’on analyse la vitesse de variation de l’effort exercé sur le sol après le choc du talon, elle est modifiée par un facteur cinq ! Des modifications de même nature seront provoquées par un sol sportif doué de propriétés élastiques et amortissantes.

Déroulement du pied, la véritable signature d’un coureur (Fig. 21) Les plates-formes d’effort permettent de mesurer les forces qui s’exercent au cours du déroulement du pas de course. Quand le pied aborde par son talon la partie postérieure du plateau d’effort, ce sont les capteurs situés à l’arrière qui enregistrent l’effort le plus important, l’inverse se produisant au moment où le pied va décoller. Les données des capteurs permettent d’obtenir le tracé du déplacement du point par lequel passe la résultante de l’ensemble des forces appliquées sur le plateau. Ce point, appelé centre de poussée, est un résumé de ces forces. Pour la majorité des coureurs de fond (abord du talon ou abord médioplantaire), le centre de poussée se déplace rapidement vers l’avant dans le sens de la course (Fig. 21A, B) alors que les coureurs qui abordent le sol par l’avant-pied ne déplacent que Podologie

Étude biomécanique de la course à pied ¶ 27-020-A-20

a

α

1 2

c a

b β

A

γ

3

B

Intérieur du pied

a

Figure 18. Différentes poses du pied. A. a. Abord au niveau du talon ; b. abord médioplantaire ; c. abord sur l’avantpied. B. 1. Horizontale ; 2. axe du tibia ; 3. axe du calcanéus (pied nu) ou axe du contrefort (pied chaussé). C. a. Pronation ; b. neutre ; c. supination.

Extérieur du pied

b

c

C

Figure 19. Semelles correctrices. 1. Matériau dur ; 2. matériau mou ; a : intérieur ; b : extérieur ; c : avant ; d : arrière.

c

A a

b

a

a

b

b

B 2 1

2 d

très peu leur centre de poussée dans ce plan (Fig. 21C). Variable d’un individu à l’autre, le tracé est constant pour un athlète donné qui utilise la même paire de chaussures. Il dessine parfois de curieuses inflexions, voire des retours en arrière (Fig. 21D), témoignant ainsi de la complexité anatomique et physiologique du pied. Mais le centre de poussée que C. Got désigne comme le résumé des forces, c’est-à-dire le point d’application de la résultante des forces de réaction au sol, ne constitue qu’une donnée globale (Fig. 22) ; avec un treillis de capteurs très rapprochés (Tableau 4), les services de recherche des principaux manufacturiers sont capables depuis quelques années de Podologie

montrer la distribution des pressions sur la surface d’interaction pied-sol au cours du temps. De telles mesures ont donné lieu à des constructions de chaussures adaptées en fonction de chaque catégorie d’individus (Fig. 23).

Progrès récents concernant les matériaux entrant dans la composition des chaussures et des sols sportifs C. Got nous indique aussi : « L’augmentation de l’épaisseur de la semelle de la chaussure (ou celle du sol) a un double intérêt : d’une part, elle réduit les efforts qui se répercutent tout le long du corps ;

13

27-020-A-20 ¶ Étude biomécanique de la course à pied

Effort vertical : échelle 10 daN 170 150 130

pied droit nu

Fz

Sens du mouvement

pied droit chaussé

110 90

a

b

Fy

70

Fx

50 temps : échelle 20 ms

30

Fx

Mx 0

10

Fy 20

60

100

140

180

220

260

300

My

Figure 20. Réduction du choc initial pied-sol apportée par une chaussure ou un sol sportif.

Fz Sens positif conventionnel des forces et des moments

A

Boucle

A Figure 21.

B

C

D

Signature d’un coureur et notion de centre de poussée.

d’autre part, elle allonge le temps nécessaire pour que la force maximale exercée par le pied soit atteinte (Fig. 20), autrement dit, elle minimise les à-coups. Les matériaux qui entrent dans la composition des sols et des chaussures ont chacun leurs caractéristiques mécaniques, ils sont plus ou moins durs, plus ou moins élastiques, plus ou moins amortissants. Les fabricants doivent les utiliser avec art et le résultat de leurs efforts associe bien souvent plusieurs matériaux. » Problème spécifique des qualités sportives des sols Les fabricants de sols sportifs sont également soumis à des exigences concernant l’aspect extérieur de leurs produits (possibilité de coloration, stabilité des couleurs), leur résistance à l’usure et aux produits de nettoyage leurs coefficients de friction à sec ou en présence d’eau. L’importance de la déflexion (c’est-à-dire l’enfoncement en fonction de l’effort) de leur surface selon la pression exercée. Les études menées dans ce domaine en France par Lacouture [25, 26] comme à l’étranger (Nigg [27, 28] ), mettent en évidence les problèmes liés à l’interaction pied-sol. En effet, lorsqu’un athlète court, saute, tombe sur un sol, la variation en fonction du temps de la composante verticale de la force de réaction au sol présente deux phases successives. [13] Une première phase. Appelée phase passive, elle survient à un moment où le système musculaire ne peut pas modifier son activité. Ce temps de réaction est connu sous le nom d’« arc réflexe ». Durant ce choc, l’individu ne peut pas s’opposer à cette surcharge qui peut, pour des mouvements extrêmes (réception sur le sol après réalisation d’un saut vertical) tendre vers 8 à 10 fois le poids de l’athlète. La conséquence immédiate d’une telle situation est le risque d’accidents sur l’appareil musculaire tendineux, allant des microtraumatismes aux fractures de fatigue ; le sol doit donc être sécurisant, lorsque l’athlète est soumis, au cours des premières millisecondes qui suivent l’impact du pied sur le sol, à des contraintes importantes. Une deuxième phase. Au cours de la seconde phase, intervient l’activité musculaire ; la force est donc active. Au cours de cette phase, la qualité d’amortissement du matériau n’intervient

14

2 000

1 000

Z 100 X 100

100 Y

100

B Figure 22. Composantes de la force de réaction au sol lors d’un appui.

pratiquement pas. Seule reste prépondérante son aptitude à restituer de l’énergie. Ces études biomécaniques de l’interaction pied-sol ont permis de mettre au point une méthode de caractérisation mécanique des sols sportifs intérieurs et une comparaison aisée entre les différents matériaux. Le mode opératoire, basé sur la méthode accélérométrique, est décrit dans les normes AFNOR (P90-203 et P90-104). [29] Il s’agit de mesurer la décélération au cours du choc, subie par une masse de 8 kg, chutant sur le sol testé d’une hauteur égale successivement à 4, 7 et 10 cm. Les quatre critères fondamentaux dégagés par ce test normatif français, actuellement reconnus par l’ensemble de la communauté scientifique, déterminent les qualités sportives (Tableau 4). Podologie

Étude biomécanique de la course à pied ¶ 27-020-A-20

Tableau 4.

Course

Marche

Vitesse de course (m s-1)

Puissance mécanique (W)

Méthode

Fukunaga et al. (1978)

3,6

343

Calcul à partir du centre de masse seul (CM)

Cavagna et al. (1977)

3,6

556

Calcul à partir du CM + mouvement des membres relatifs au CM

Normal et al. (1976)

3,6

172

Gregor et Kirkendall (1978)

3,6

172

Luhtanen et Komi (1978)

3,9

931

Luhtanen et Komi (2000)

3,9

650

Évaluation du « pseudotravail » TPW la somme pour chaque segment des valeurs absolues des variations de l’énergie potentielle, de l’énergie cinétique de translation et de l’énergie cinétique de rotation

Winter (1976)

1,4

147

Analyse segmentaire en considérant les notions de transfert d’énergie

Pierrynowski et al. (1980)

1,5

166

Analyse segmentaire

Zarrugh (1981)

1,5

71

Coureur spécialiste du 10 000 m Pieds nus Vitesse 3,5 ms

Avec chaussures de course Vitesse 6 ms

16 m/s

16 m/s

49 m/s

49 m/s

81 m/s

81 m/s

131 m/s

131 m/s

180 m/s

180 m/s

229 m/s

229 m/s

278 m/s

327 m/s Figure 23.

278 m/s

327 m/s Comparaison de mesures pieds nus et pieds chaussés.

Il s’agit pour les sols intérieurs des critères suivants : amortissement, souplesse, élasticité et glissance du sol. Amortissement : synonyme de la sécurité, ce critère, quantifié par la valeur de la décélération maximale, est exprimé en nombre de fois l’accélération de la pesanteur (g = 9,81 m/s2). Plus cette grandeur est faible et plus le sol est amortissant. Actuellement, le fait de ramener de 100 à 80 g la valeur de la décélération maximale (pour 10 cm de hauteur de chute), est Podologie

l’objet de discussions normatives après l’avis des experts médicaux des plus importantes fédérations. Souplesse : synonyme de confort et de sûreté des appuis, elle est mesurée par l’enfoncement maximal exprimé en millimètres. Il convient de distinguer : • les sols à déformation ponctuelle, c’est-à-dire localisée sous les appuis. Pour cette catégorie de revêtement, la déformation doit être limitée pour favoriser le pivotement des appuis ; • les sols à déformation surfacique, pour lesquels la valeur de l’enfoncement maximal peut être plus grande. Élasticité : synonyme de la performance, elle est caractérisée par le paramètre Vf, vitesse de rebond de la masse, exprimée en m/s. Plus cette valeur est grande, et plus le sol est performant. Glissance : synonyme de sécurité des appuis, elle permet une pratique régulière de l’activité sportive (AFNOR, [29] Norme NF P 90-106). Mais C. Got nous indique avec quelle prudence ces considérations normatives doivent être considérées : « En fait, il est extrêmement difficile de reproduire le comportement d’un ensemble pied-jambe-cuisse-tronc qui va entrer en contact avec le sol par l’intermédiaire d’un talon déformable, l’ensemble de la structure reposant sur ce talon étant elle-même déformable. Pourtant malgré les critiques qui peuvent être formulées sur la représentativité biomécanique de ces essais, il est indispensable de disposer de renseignements mesurables permettant de comparer entre eux les matériaux employés et de connaître leur coefficient d’absorption et l’élasticité. Grâce à ces mesures, on admet aujourd’hui l’intérêt de diminuer la sévérité des chocs subis par les membres inférieurs lors du passage du pas en réalisant des sols moins durs ou des semelles épaisses et déformables. En revanche, il est plus difficile de préciser si on doit privilégier les matériaux amortissants aux dépens de ceux qui conservent une certaine élasticité. »

■ Conclusion L’approche mécanique appliquée à l’être humain considéré comme un solide polyarticulé donne accès à la mesure des paramètres mécaniques rendant compte du mouvement tant en translation qu’en rotation, illustrant ainsi la mise en jeu des forces externes par l’individu qui crée lui-même de la sorte sa propre locomotion. La coordination gestuelle des individus et la dépense énergétique lors de la course (mais ceci reste valable pour tout être humain) peuvent être abordées par les données cinématiques issues des systèmes modernes d’analyse 3D ; ces dispositifs sont aujourd’hui beaucoup plus sophistiqués qu’auparavant. Pour autant, ils doivent encore gagner en précision pour permettre de répondre à une autre attente, celle de calculer avec précision les efforts articulaires intersegmentaires (Achard de Leluardière. [30]) Le recours à une plate-forme de forces, totalement inefficace pour individualiser les effets segmentaires, est toujours aussi judicieux pour rendre compte des chocs engendrés lors de l’interaction pied-sol. La complémentarité des deux méthodes d’analyse par dynamographie et par cinématographie trouve sa pleine efficacité

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27-020-A-20 ¶ Étude biomécanique de la course à pied

dans la mise au point des chaussures personnalisées car, comme le dit C. Got, « ...des comparaisons fondées sur les simples caractéristiques physiques des matériaux ne sont pas suffisantes, mais [qu’]il faut également tenir compte des performances sportives et des études de prévention. Il apparaît donc tout à fait nécessaire de développer des liens entre le monde de la mesure et le monde de la médecine sportive. Le pied, la jambe et la chaussure forment un ensemble dont les déformations sont complexes et très variables d’un individu à l’autre. » Les sols sportifs sont également soumis à de telles analyses. La mécanique de la course apparaissant dès lors comme le résultat de l’interaction complexe du sportif avec son environnement matériel de pratique dont aucune des composantes ne doit être négligée. .

■ Références [1] [2]

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[13] Leplanquais F. Contribution à l’analyse mécanique des allures de la locomotion humaine. Caractérisation de tâches corporelles diverses à l’aide des travaux des efforts internes. [thèse], Université de Poitiers, 1995. [14] Williams KR, Cavanagh PR. A model for the calculation of mechanical power during distance running. J Biomech 1983;16:115-28. [15] Kaneko M. Mechanics and energetic in running with special reference to efficiency. J Biomech 1990;23(suppl1):57-63. [16] Cavagna GA, Willems P, Henglund NC. The role of gravity in human walking: pendular energy exchange, external work and optimal speed. J Physiol 2000;528:657-8. [17] Robertsone D, Winter DA. Mechanical energy generation; absorption and transfers among segments during walking. J Biomech 1980;13: 845-54. [18] Willems PA, Cavagna GA, Heglund NC. External, internal and total work in human locomotion. J Exp Biol 1995;198:379-93. [19] Fregly BJ, Zajac FE. A state-space analysis of mechanical energy generation, absorption, and transfer during pedaling. J Biomech 1996; 29:81-90. [20] Purkiss S, Gordon D, Robertsone E. Methods for calculating internal mechanical work: comparison using elite runners. Gait Posture 2003; 18:143-9. [21] Van Ingen Schenau GJ. Positive work and its efficiency are the deadend: comments on a recent discussion. J Biomech 1998;31:195-7. [22] Unnithan VB, Dowling JJ, Frost G, Bar-Or O. Role of mechanical power estimates in the O2 cost of walking in children with cerebral palsy. Med Sci Sport Exerc 1999;31:1703-8. [23] Neptune RR, Zajac FE, Kautz SA. Muscle force redistributes segmental power for body progression during walking. Gait Posture 2004;19:194205. [24] Got C. Les chaussures de sport. La Recherche 1987(n°191):1020-7. [25] Lacouture P. Étude des comportements aux chocs des matériaux entrant dans la composition des sols et des chaussures à usage sportif. [thèse], Université de Poitiers, 1984. [26] Lacouture P. Programmation, conception et entretien des équipements sportifs. Paris: éditions CNFPT; 1994 (243p). [27] Nigg BM. Biomechanics of running shoes. Champaign: Human Kinetics Book; 1986. [28] Nigg BM. External force measurements with sport shoes and playing surfaces. 2nd international symposium on biomechanical aspects of sport shoes and playing surfaces, Calgary, 1983. p. 11-23. [29] Normes AFNOR. Recueil des normes françaises, sport loisirs, matériels et équipements, aires de jeux, Tome 2. 1995. [30] Achard de Leluardière F. Contribution à la formation des entraîneurs par la recherche en mécanique humaine. Deux spécialités : le lancer du poids et la course de vitesse. [thèse], Université de Poitiers, 2005.

F. Leboeuf, Docteur en biomécanique et bio-ingénierie. UMR 6610 CNRS, équipe mécanique du geste sportif, université de Poitiers (www-lms.univ-poitiers.fr). F. Achard de Leluardière, Ingénieur d’études, docteur en biomécanique et bio-ingénierie. UMR 6610 CNRS, équipe mécanique du geste sportif, université de Poitiers (www-lms.univ-poitiers.fr). CAIPS (Centre d’Analyse d’Images et Performance Sportive), CREPS Poitou-Charentes (www.creps.interpc.fr). P. Lacouture, Professeur des Universités et directeur d’équipe ([email protected]). J. Duboy, Maître de conférences. UMR 6610 CNRS, équipe mécanique du geste sportif, université de Poitiers (www-lms.univ-poitiers.fr). F. Leplanquais, Directeur scientifique du CRITT. CRITT Sport-loisirs Poitou-Charentes (www.critt-sl.com). A. Junqua, Professeur émérite. CAIPS (Centre d’Analyse d’Images et Performance Sportive), CREPS Poitou-Charentes (www.creps.interpc.fr). Toute référence à cet article doit porter la mention : Leboeuf F., Achard de Leluardière F., Lacouture P., Duboy J., Leplanquais F., Junqua A. Étude biomécanique de la course à pied. EMC (Elsevier SAS, Paris), Podologie, 27-020-A-20, 2006.

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