Après avoir pris sa source sur le plateau de Lannemezan et traversé le Gers, la Baïse vient s'alanguir un
par Alain Beschi
peu aux approches de la Garonne en des méandres autour desquels Baïse se délabrait. Plus aucune péniche n'empruntait l'écluse de dant tant bien que mal de son Saint-Léger, où les eaux de Baïse gorgées de limon viennent se mêhumeur fantasque et de ses crues. ler à celles de Garonne en formant Canalisée, aménagée, elle connut un nuage brun. Le canal latéral son heure de gloire grâce à lui-même fut déserté et pour expédier des marchandises vers l'industrie du liège, dont les ultimes Bordeaux, T o u l o u s e ou la vestiges ornent désormais les lignes Méditerranée, qui aurait eu l'idée des derniers pêcheurs... saugrenue du bateau à l'époque du chemin de fer et des transports routiers tous azimuts ? Alors les maisons d'éclusiers ont fermé leurs volets verts, les chemins de halage furent envahis par les ronces et les orties, le lit de Baïse encombré d'arbres morts, auquels des sacs plastiques vinrent apporter une ultime touche sinistre et pathétique. Le camion avait tué la navigation fluviale, et avec elle, toute une époque de Baïse s'en était allée ; celle des chantiers de construction de péniches, des cales encombrées de tonneaux d'armagnac et de vin du pays, de sacs de farine ou de balles de liège ; celle des "cafés de la batellerie" et du temps où les enfants pouvaient encore se baigner dans les rivières sans crainte d'en sortir mazoutés. La navigation sur Baïse était l'un des facteurs déterminants du développement économique du pays d'Albret depuis le XIXème siècle jusqu'aux années de l'aprèsguerre, artère vitale permettant d'écouler les productions de l'agriculture vers les grandes villes d'Aquitaine et, via Bordeaux, au-delà des océans en direction des colonies. Sans vergogne, les hommes se sont affranchis des rivières, leur préférant le rail et le bitume. Puis, trouble-fête providentiel, la crise s'est installée, faisant des rivières un enjeu de la survie des campagnes, un parc d'attraction pour une société des loisirs. Si l'agriculture et l'industrie ne partent plus sur Baïse par péniches, les touristes arrivent aujourd'hui par pénichettes à la découverte de l'Albret. L'important, c'est que vive Baïse... d'un bateau l'autre. s'est bâti le pays d'Albret, s'accomo-
Que d'eau, que d'eau... ! Prononcez non pas "Ba-ï-se", mais "Bai-ï-se". Ne dîtes pas non plus "la Baïse", mais simplement "Baïse" ; car Baïse est une personne, pour ses riverains en pays d'Albret. Personnage féminin qui ondule entre les coteaux de Gascogne avant de s'abandonner, non sans un dernier méandre, ultime coquetterie, à la Garonne. Bonne fille, elle vient de temps en temps visiter les maisons, au rythme des crues d'automne ou de printemps, lorsque la fonte des neiges pyrénéennes, qui alimente sa source sur le plateau de Lannemezan, se conjugue avec les saisons pluvieuses. Alors, on vide les caves, on monte les meubles et les grands-parents installés au rez-de-chaussée et on laisse la rivière s'occuper du reste. On peste, on résiste, on passe à l'offensive en construisant des murets devant les entrées pour empêcher Baïse de pénétrer dans les habitations. Tout le monde s'y met, pompiers en tête, sirène nocturne en folie et plan Horsec en branle. Les "anciens" peuvent observer le spectacle depuis l'étage gagné. Ce n'est pas la première fois qu'ils la voient déborder, Baïse. Un peu plus haute, un peu plus basse que l'an passé... De toute façon, quand on a connu l'inondation de 4 1 . L E FESTIN N ° 1 6
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LOT-ET-GARONNE
Sauf mention contraire, les clichés sont de Bernard Chabot et Michel Dubau, Service régional de l'Inventaire d'Aquitaine, SPADEM.
A Pénichette sur la Baïse, cl. Pierre Marsaa.
« Lavardac : vue sur la Baïse et sur la Cale, photographies anciennes.