Notes pour les cours de J.Cl. Polet dans FLTR 1510. Les Slaves Les témoignages écrits sur les racines slaves sont aussi tardifs et, postérieurs à la christianisation, très mixtes et ambigus. Les Slaves, en effet, n’entrent en contact direct et fécond avec la culture de l’Empire romain qu’à la fin du IXe siècle, quand, en 863, Cyrille et Méthode, deux Grecs de Thessalonique, viennent, avec la bénédiction des autorités latines, en Grande Moravie pour évangéliser les populations et, ainsi, tout à la fois les introduire à la culture et les enraciner dans la tradition chrétienne. savante (il leur a fallu traduire les évangiles et apprendre la langue des Slavesmise au point d'un alphabet glagolitique, maintenu en Macédoine jusqu'à la fin du XIe siècle, en Serbie jusqu'à l'époque actuelle, puis, enfin, évolution vers l'alphabet cyrillique) Tout ce qui tenait à la culture antérieure, païenne et ancestrale, ne sera guère plus précisément connu qu'à travers ce qu'en disent les interdits et les destructions dont elle fera l'objet. Les Slaves ont envahi l'Europe centrale au VIe siècle. Divisés en peuples et ces peuples en tribus, ils possédaient un fond culturel commun et une langue que nous appelons le slave commun, dont il ne reste rien mais dont les formes peuvent être reconstituées à partir des différentes langues slaves ou de celles des peuples baltes et qui, en évoluant a donné les différents slavons. Avec l'expansion des Slaves en Europe et, plus tard, en Asie, le slave commun a donné naissance à trois familles de langues : orientales (russe, ukrainien. et biélorusse) ; occidentales (polonais, sorabe, tchèque, slovaque, polabe, disparu vers la fin du XVIIe siècle) ; méridionales (bulgare, macédonien, serbe, croate, slovène). Le baptême de la Russie se fera, en 988, sur l'ordre de Vladimir, converti au christianisme de rayonnement grec. La première puissance russe est, en fait, construite par les Vikings, dont le premier prince, Rurik (IXe siècle), d'origine danoise ou frisonne, fondera une dynastie, les Rurikides, qui ont leur capitale, d'abord à Novgorod (d'où ils entretiennent de multiples relations avec les peuples de la Baltique et qui restera longtemps prospère), puis, dès la deuxième génération, à Kiev. Il faudra attendre le XV e siècle (1478) pour que la principauté de Moscou, sous Ivan III, annexe les principautés originelles de la puissance russe et fasse de Moscou la capitale de « toutes les Russies ». Les Slaves sont entrés dans l'histoire, comme tout le monde, en entrant dans l'écriture, c'est àdire dans la conscience de l'irréversibilité du passé pour la conscience. Pour eux, comme
pour d'autres peuples, l'Écriture restera longtemps de l'ordre des références religieuses, sortie de la Bible, des écrits théologiques, spirituels, liturgiques et mystiques, s'appuyant sur la caution des cohérences et des promesses divines, et s'y ordonnant. La littérature des Slaves ne commence, comme ailleurs en Europe, qu'à partir de la toute fin du Xe siècle et est consacrée, outre les sujets religieux (homélie et hagiographie), à la chronique et au genre héroïque. La principale chronique est celle dite « de Nestor » ou Récit des temps passés (XIe siècle), qui raconte notamment l'histoire des premiers saints rois et princes de haute vertu guerrière, politique et chrétienne : Vladimir, Boris et Gleb, Iaroslav le Sage. Le premier texte héroïque, très révélateur de la conscience épique russe (comme la Chanson de Roland, c'est la célébration d'un héros défait) est le Dit de la campagne d'Igor (11851187), qui célèbre avant tout l’appropriation de la conscience russe et de sa terre. Les Slaves de l'Est et du Sud seront, les uns plus, les autres moins, peu à peu coupés des peuples de l'Occident, pour des raisons diverses et successives : 1054 date le schisme entre l’Église d’Orient et l’Église d’Occident, un schisme transformé en hostilité de principe et en défiance construite après 1204, où a lieu la prise de Constantinople par les croisés d’Europe Occidentale, et la fondation de l’Empire latin de Constantinople, dont le premier empereur sera Baudouin de Flandre ; 1242, Alexandre Nevski arrête la conquête projetée des terres slaves par les Chevaliers teutoniques, et scelle une nouvelle hostilité et une vraie méfiance, nordique cellelà, à l'égard de l'Occident ; enfin et surtout, les invasions mongoles au XIIIe siècle (12381240) installent une durable sujétion des principautés russes aux khans tatars jusqu'à ce que, en 1380, Dimitri Donskoï obtiennne la victoire de Koulikovo. Les Russes ne sont, certes, pas les seuls Slaves. D'autres littératures ont des textes anciens, mais peu d'entre eux, outre leur « slavitude », renseignent sur les enracinements slaves antérieurs à la christianisation. Citons la Vie de saint Venceslas, dont l'origine vieilleslave (de Bohême) est de la première moitié du IXe siècle.