par Laurence Barrère Parce que nous tous des voyageurs de la voix. Après un mois de juin effréné à la température et aux lectures ryhtmées, dixit part à Lodève, en terre sereine du poème, pour dix jours en le poème, autour du poème, dans ses amonts et ses avals. Il ne s’agit guère de poétique, mais de poésie, de poésie pure. A ceux qui dévaluent la création singulière, dixit répondra par de la création. Attester ensemble le phénomène-voix, le phénomène langage. Sa diversité. Et par là même, son unité. dixit sort ses armes, et dilapide ses mots. Nous vous invitons donc, du 19 au 26 juillet, à entendre « les voix de la méditerrannée », dans un festival atypique qui depuis 10 ans fait du poème et de son oralité un mode de vie, une promenade enchanteresse. dixit sera présent, avec ses publications semestrielles, avec [sic], sa revue mensuelle, et avec des propositions de lectures, en particulier autour du numéro 7 de sa revue. Parce qu’il est parfois temps pour le poème de se régénérer, de toucher la sérénité qui parfois se délie dans les emportements multiples, parce qu’il est parfois temps pour le poète de rencontrer l’autre et sa langue, ailleurs. Toujours dans cette poétique d’échange de paroles et de regards de silence, dixit s’évade, pour mieux retrouver son centre. Ce que Bernard Noël appelle l’espace du poème, cet espace central, perpétuellement à réinvestir, dans la marche et l’affirmation des soifs.
La légèreté, si elle est toujours insoutenable, prend la forme d’un corps ce mois-ci, et avec la chaleur naissante émane du poème cet espace central. Nous écrivons parce que nous ne vendons pas des mots, nous écrivons pour vous donner à entendre, pour vous donner à voir. Au-delà d’un imaginaire poétique, c’est une perception en acte de la création que nous souhaitons partager. Faire, et propager le poème ne revient pas à estimer l’échange, mais à le transhumer. Transhumance salvatrice, qui fait de notre collectif un ensemencement, une naissance renouvelée. Actualité naissante, pour le poète, pour le collectif. Sans l’autre, ma parole est néant. Sans l’étrange dans ta langue, ma lecture est illusion. Vous témoigner ce besoin, hors les styles, mais en la nécessité. Nous pensons à Henri Meschonnic, présent l’an dernier à Lodève, qui fait de nous, indéfiniment, des voyageurs de la voix, des mutants de l’inconnu.
avis aux auteurs dixit
est actuellement à la recherche de manuscrits inédits, ainsi n’hésitez pas à nous faire parvenir vos textes à :
[email protected]
ou à l’adresse suivante : association dixit, 6/8 Place du Pont-Neuf, 31000 Toulouse, France. Votre envoi vous sera réexpédié s’il est accompagné d’une enveloppe suffisamment affranchie pour le retour. Nous n’assumons aucune responsabilité si un manuscrit est égaré.
par Mathias Trives
Entrer dans la poésie de Pierre Reverdy, c’est comme entrer dans une église. Une fois passé le seuil, on est frappé par l’obscurité et le silence qui y règnent. Un silence qui insiste, plus que les mots, flammes éparses, vacillant dans le noir du monde. On ne lit pas un recueil de Pierre Reverdy, on expérimente le mutisme du poème, qui nous pousse au recueillement, pour appréhender, en nous, le murmure d’une voix sourde. Dénudée, détachée, elle s’élève pour nous révéler cette part sombre et inconnue qui nous habite. Sacrée, car ascétique, elle tire sa richesse de sa pauvreté. Mais avant même de nous réapprendre à lire le monde, à partir d’une langue étrangère, employant pourtant les mêmes mots, elle nous enseigne à regarder autrement. D’un regard oblique, à contre-jour. Langue chirurgicale, elle dissèque les décors familiers et étouffants, brise les miroirs flatteurs, dérobe à nos yeux les images trop limpides, pour nous mettre face au négatif du réel. Car la poésie ne réside ni dans les choses, ni dans les mots, mais dans l’œil de celui qui observe, surveille. Il s’agit de mettre à jour des liens inédits, de
extraits
vient de paraître
dixit,
Pierre Reverdy, le vide mis en voix
tunis est une syncope ses murs sont un seul mur qui ne dit qu’un mot ses gens sont une même personne qui ne dit aucun mot car elle s’est cousue les phalanges un homme était adossé à un mur mais je n’ai pas su si le mur le soutenait ou si c’était lui qui soutenait le mur
n°7
avec Marc Perrin, Laurence Barrère et ismaël mai 2009, 10 €
ismaël, lettres à la mort, lettre 21
6.
j’ai oublié d’écrire le matin ne pas écouter le salut intérieur dans l’espérance simple du funambule filant, trois féminins et l’infini le supplice de la joie d’écrire Laurence Barrère, Sourdine
Vous n’êtes pas filmés. Vous n’êtes pas surveillés. Vous êtes libres. Vous êtes libres de regarder. Vous êtes libres. Vous êtes libres de vivre. Vous êtes libres de vivre et de regarder. Vous êtes libres. Vous décidez. Vous êtes en train de vivre. Vous êtes libres de décider de vivre. Vous êtes libres de regarder. Vous n’êtes pas conditionnés par les flux d’images. Vous êtes libres. Vous êtes libres de penser. Vous êtes adultes dans un monde adulte. Vous êtes responsables. Vos frontières intimes sont ouvertes. Les frontières du pays sont ouvertes. Vous êtes généreux. Vous accueillez. Accueillir est le maître-mot de votre vie. Le pouvoir d’aucun état extérieur à ce qui définit votre liberté n’entrave le pouvoir que vous prenez sur votre vie. Le pouvoir que vous prenez sur votre vie est une joie. Le pouvoir que vous déléguez traduit votre confiance. Marc Perrin, Monsieur M.
dévoiler le revers du monde. Dans cette rêverie, le poète exclu habite une chambre noire, au mur percé laissant passer des signes indistincts, bribes qu’il rapproche, ajuste, juxtapose sur le vide de la page. Mystère et infini s’infiltrent dans le quotidien, à travers le mouvement des ombres et des reflets. Les cloisons, faisant obstacle aux sens en masquant l’origine des manifestations, transforment chaque événement en un phénomène étrange. Ainsi la parole, dépassée par la contingence, évoque les objets sans pouvoir les retenir. Le poème semble se faire et se défaire sous nos yeux, à mesure qu’il tente d’appréhender cette réalité qui, irrémédiablement, échappera toujours à l’emprise des mots. Car nommer c’est tuer le réel, avec lequel le langage recherche un contact immédiat. Absent, mais hantant le poème à travers les formules négatives et les blancs typographiques, le réel n’a de cesse de fuir et de déborder du cadre langagier. Le sort de l’homme se joue de l’autre côté, en dehors de son étroite peau, et le monde maintient son secret derrière le mur, la porte, dans la maison, à l’abri de la main et du regard. Dès lors le poète est ce nomade en quête de plénitude. Même s’il souffre d’un manque à être, la distance séparatrice se révèle, pour lui, moteur de l’écriture. Humilité, pudeur et fragilité d’une poésie, dont l’émotion jaillit des traces laissées par les surgissements d’un réel passé au crible des sens, empreintes rassemblées en cristaux par un travail rigoureux de composition. Parole lacunaire, tendue vers ce qu’elle ne peut atteindre, elle parvient à dire ce qui ne peut se dire, à rendre visible ce qui ne peut être vu.
initialement prévu en juin, ce numéro ne vous parvient qu’aujourd’hui, par la faute au temps qui court, par la faute à un agenda chargé. n o u s vo u s p r i o n s d e n o u s e n e xc u s e r e t vous donnons rendez-vous le mois prochain
juillet_2009_n°06 [sic] c’est gratuit, et ce mois-ci, c’est avec : matthieu marie-céline laurence barrère ludovic dupuis laurent bouisset mathias trives pierre hunout et ismaël
agenda
direction de publication :
exposition
matthieu marie-céline pierre hunout
du 15 mai au 30 août : DreamTime - Temps du Rêve, Miguel Barceló / Victoria Klotz / Claude
Lévêque / Jean-Luc Parant / Serge Pey - Les Abattoirs (Toulouse)
dixit
dixit
sera tous les jours au festival de Lodève (34), Les Voix de la Méditerrannée, et vous propose de les y rejoindre autour d’une lecture ou d’un livre, voire pourquoi pas d’y plonger avec eux les pieds dans l’eau. du
association
vous propose
19 au 26 juillet :
dixit
, 6/8 place du pont-neuf, toulouse, france. tél : 05 61 14 27 01 fax : 05 34 32 05 81. , collectif et revue de poésie, est une association à but nonlucratif régie par la loi du 1er juillet 1901. président : anthony clément / vice-président : benjamin alexandre / secrétaire : matthieu marie-céline - © tous droits réservés aux auteurs - toulouse - juin 2009 31000
issn en cours
éditorial,
dixit
dixit
libres-paroles
Ludovic Dupuis
Laurent Bouisset
[…]
L’abord des lianes A l’abord des lianes l’oreille il apprit à très longuement la tendre plus avant que le vacarme plus avant que le tracé derrière les chevelures complexes et lourdes des orées tutoya la simplicité d’un envol le frêle bleuté l’à-peine et le bruissement à l’abord des lianes il apprit la discrétion des beautés véritables le vertige vagabond d’un clapotis la démesure orchestrale d’une flaque à l’abord des lianes il apprit à s’enivrer non pas d’une eau du sentiment d’une eau à se satisfaire de la seule proximité d’une boue lumineuse et par trois fois de joie ses yeux s’en allèrent survoler le sommeil des vases à l’abord des lianes il apprit l’imminence l’entendit rugir la muerte les reins roulés dans la défaite infinie des vagues à l’abord des lianes il épousseta la hâte sur son épaule puis sous le silence végétal d’une voûte d’un rire se délesta du trépignement chimérique des ruches à l’abord des lianes aux aurores un matin s’éveilla s’étira sous un manguier vit l’éclair verdoyant d’un lézard au loin zébrer la brume s’assit et sut que rien ne pressait plus Cayenne, le 30 juin 2007
Frankétienne ou la voix de combien en un seul homme par Matthieu Marie-Céline
La rue de la temporalité sous mes pieds. A deux pas de l’évêché. Sur le point d’embarquer. Car ce n’est pas une église, c’est un bateau. Un vaisseau empierré. Vu du trottoir, on dirait qu’il flotte, amarré. Je franchis le seuil. Je me sens pénétré. Aux cheveux de jais, A l’unique atour, Crue et blanche, Orpheline, Tu viendras. Ma chemise rouge est déchirée. J’ai le sentiment que ma vie est décousue. Je ne cesse pourtant d’en découdre.
Matthieu Marie-Céline érosion des chairs chaqu’ être un pays pour tous les autres une plaque assurément complexe cogne-la s’il te plait sans faire semblant de sans jouer pousse-la dans le vide et viens après jette-toi viens viens rebondir n’aies pas peur je n’ai pas peur ensemble n’ayons pas peur on sait que des corps l’attendent plus bas une fenêtre s’entr’ouve sur le ciel et explique tout
Les Chevaux de l’avant-jour (poésie). In: Dérives, version revue et corrigée, 1966 L’Oiseau schizophone. In : Spirale, Jean-Michel Place, 1998. Anthologie sécrète, Mémoire d’encrier, Montréal, 2005. Le Sphinx en feu d’énigmes (Spirale poétique), Port-au-Prince, Spirale, 2007
les yeux sont cousus de fil blanc quand on sublime la mort d’un poème ; comme exsangue sous les combles, que seule la bouche mange la mémoire, l’éteigne à la lumière du jour ; où achever les cibles, y brûler le masque
ce qu’avoir envie de croire donne des couleurs à
Ne te décourage. […]
Heures brèves (Spirale poétique), Port-au-Prince, Spirale, 2007. En créole : Dézafi, 1975, réédité en 2002 par Vents d’ailleurs
la page de tunis
par ismaël
Extrait de Anthologie secrète, Mémoire d’encrier. Montréal, 2005. Artiste prolixe infatigable, sorte d’hyperactif pluridisciplinaire Frankétienne met dans sa poésie et dans sa langue l’Haïti qu’il aime, et peut-être surtout l’Haïti qu’il déteste. Comme chez presque tous les caribéens, sans doute, avec pour son pays, le drame continu dans son Histoire. Ainsi Ultravocal (1972) où quand bien même c’est d’abord l’aventure du langage, écrire c’est se dresser contre la dictature de Duvalier. Avec Dézafi (1975), il publie le premier roman haïtien au sens réel du terme qui devient un manifeste pour la créolité martiniquaise, mouvement d’après la négritude. Chef de file du spiralisme en 1965 avec Philoctète, il s’efforce de définir par la parole et l’action, l’ambiguïté de la vie ou le désarroi général. En bousculant les formes passées, en descendant dans les profondeurs complexes du langage, l’être spiraliste manifeste une vigueur toute nouvelle: celle de condamner le traditionalisme ; c’est un art totalitaire où s’entremêlent la peinture, la poésie, le théâtre, le roman etcetera, et où l’œuvre reste ouverte, jamais achevée.
Pierre Hunout
Un pari sur le futur de l’écriture hybride transphonique / francréolophonique / schizophonique / transgressive, avec les risques majeurs d’un enjeu global, la prise en charge d’un métissage total / anti-totalitaire, parce qu’excluant toutes les formes de dogmatisme, de terrorisme et d’intolérance. Une ouverture sur la vérité, lieux de jonction où s’articulent l’imaginaire et le réel. Un voyage tourmenté à travers des paysages imprévisibles. Une aventure littéraire insolite avec une dimension ludique fabuleuse. Un jeu graphique varié mettant à profit la rationalité rigoureuse de l’étymologie et la sensualité musicale de la phonologie à l’intérieur du texte. La permanence du dire subversif et de la parole dissidente. La dynamique du jeu subversif / collectif à travers les va-et-vient du je au nous. La dialectique de la mémoire éclatée dans le fonctionnement du paradoxe : solitaire / solidaire. Dire textamenaire
Message impersonnel à une imparfaite inconnue Que dire. A la bouche, pour qu’elle s’ensable ? Que dire. Pour qu’elle désire la grêle ?
La femme se régénère par le sang. Ne t’en contente pas. Régénèretoi par la mise à mort de ton corps, dans un autre corps. Régénère-toi. Organiquement. Par la mémoire de l’invisible. Tu n’as pas le droit de baisser les bras tant qu’ils n’ont pas noyé le soleil. Tu n’as pas le droit de quitter la pierre tant que tu n’y as pas puisé de l’eau. Tu n’as pas le droit de ne plus être enfant à chaque pleine lune tant que tu n’as pas allumé un feu pour les animaux des bois. Libera me. Le seul jeu, en amour, est de faire à deux. Le ciel et la terre, à son image. Libera me. Que puis-je te dire qui n’a été dit ? Libera me. Je t’ai faite à partir de la source. Parallèle au chemin, du moineau. Tu es à moi. Irrévocablement. Car je suis à toi. La nuit, attend. Le jour. Viens, mon enfant.
Défaire ses tresses, vespérales. Au moment du plus improbable oubli. En elle, l’écho se fait corde. Que dire à la bouche, à propos de l’absente ?
Un samedi à midi.
Que lui apprendre d’autre, alors. Qu’elle sait. L’océan. L’océan et sa langue ? Quant au réel, il souhaitera qu’elle ferme les yeux. De temps en temps. Sur le chant. Ou qu’elle regarde ailleurs. Que lui apprendre alors qu’elle sait déjà ? Que dire à la bouche pour qu’elle ne pleuve plus.
les lieux de notre lutte où désigner des zones de liberté, où éclaircir la poésie contemporaine sont multiples. Retrouvez [sic] et toute l’actualité de dixit sur le blog de l’association :
http://collectifdixit.blogspot.com