Mon Amie

  • June 2020
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  • Words: 575
  • Pages: 3
Mon amie Tout le monde la connaissait et ils avaient tous peur de la rencontrer. Ils la détestaient et ne voulaient qu’une chose : qu’elle disparaisse. J’étais son seul ami. C’était son travail qui lui avait posé tant de problèmes. Pourtant, elle ne faisait que son boulot, tout comme un médecin, un avocat ou un garagiste font le leur. Mais personne, excepté moi, ne l’aimait. Les imbéciles disaient que ce serait mieux si elle partait et les plus érudits disaient le contraire, même s’ils souhaitaient, dans leur for intérieur, qu’elle parte à jamais. Elle en avait assez. Personne ne la comprenait. « Un jour, j’arrêterai de travailler. On verra bien s’ils peuvent vraiment se passer de moi. », me disait-elle parfois. Je ne la crus pas capable de le faire. Pourtant, elle le fit. Elle renonça à son travail et elle le laissa vacant. Les journaux, les revues, les reportages télévisés et les émissions de radio ne parlèrent que de cela pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. « Elle est partie, enfin! », disait-on. Mon amie était déçue. Elle croyait que les gens allaient comprendre qu’elle était très importante pour la société. Les gens faisaient la fête dans les rues. C’était l’euphorie générale, une fiesta sans fin. Cette « fête » s’étendait de Moscou à Montréal, en passant par Istanbul et Pékin. Personne ne se souciait d’aller travailler. Certains y voyaient une bonne chose, mais je savais pertinemment que ça ne pouvait durer. Justement, aux informations, on pouvait voir de gens se battre, d’autres qui lançaient leurs amis – ou leurs ennemis, qui sait? – du

haut des immeubles. Il y avait des fusillades et des combats à coups de bâtons de Baseball. Personne ne se souciait de l’autre et aucun n’avait peur de la loi, car même les policiers se joignaient aux bagarreurs. Les enfants étaient laissés sans surveillance et les jeunes n’allaient plus à l’école (les professeurs ne rentraient pas travailler, ils étaient trop occupés à « s’amuser » à l’extérieur). Le vol et le vandalisme étaient devenus les activités les plus répandues. Le chaos s’installait. Mon amie, quant à elle, commençait à s’ennuyer. La solitude l’envahissait. Les gens qu’elle rencontrait lorsqu’elle travaillait lui manquaient. Lorsque je vins lui raconter comment était la vie depuis qu’elle nous avait quittés; comment l’instruction, l’ordre, la loi et le travail avaient tous disparus d’un seul coup, elle découvrit enfin la vérité. Sa présence était essentielle pour que le monde tourne. Apeurée par la tournure des événements, elle se remit à l’ouvrage. Le deuxième jour, elle comprit qu’avec deux ans de retard, elle ne serait pas capable d’accomplir son devoir toute seule. Elle me demanda alors de l’aider. J’acceptai sans aucune hésitation. J’avais toujours admiré sa profession et j’avais enfin la chance de l’imiter. Après quelques jours, je compris pourquoi elle avait lâché son boulot. Il fallait travailler sept jours sur sept et vingt-quatre heures

sur vingt-quatre. Par-dessus tout, personne ne nous aimait. J’étais épuisé, elle était revivifiée. Son métier lui avait tellement manqué lors de ces dernières années que reprendre le travail là où elle l’avait laissé s’avérait être une récompense pour elle. Les gens qui essayaient de s’enfuir ou qui criaient en la voyant arriver lui avaient tellement manqués. Elle avait retrouvé la passion qui l’enflammait dans ses débuts. Lorsque tout fut remis à l’ordre, je lui dis : « Tu vois, personne ne peut se passer de notre bonne vieille amie la Mort. »

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