Microeconomie

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MICROECONOMIE - 2ème année de Sciences-Economiques Chapitre III - L'optimalité de l'ECG [16/02/2001] IV. Les allocations justes

Introduction 1 Il existe d'autres critères que celui de Pareto. C'est sur la base du critère de Pareto que l'on peut "justifier" les politiques économiques ; on montrera par exemple : ** qu'un équilibre monopolistique n'est pas un OP (comment faire alors ? Doit-on faire une politique anti-trust ?) ** que s'il y a de la pollution, l'équilibre n'est plus optimisé : la société serait mieux au SP si on appliquait une politique de lutte contre la pollution. MAIS beaucoup d'autres politiques sont menées : elles n'utilisent pas le critère de Pareto ; c'est le cas des politiques de redistribution : les riches sont opposés aux réallocations envers les pauvres. Il n'y a pas d'unanimité (contrairement au critère de Pareto). Les critères utilisés dans cette politique sont donc plus forts. Introduction 2 On a vu que le critère de Pareto ne permettait pas de ranger toutes les allocations. Existe-t-il d'autres critères permettant ce classement ? Introduction 3 Qu'est ce qui est juste ? On ne pourra pas répondre. On verra différents critères mais chacun a ses avantages et ses inconvénients.

A/. Le critère de Pareto : l'unanimité implique l'efficience économique

On a déjà vu que :

L'allocation x est inefficiente : il y a du gâchis. D'après ce graphique et en rappelant qu'il existe une correspondance points par points entre la CCP et la CPP…

© Notes de cours F.Géraud sur le cours de microéconomie de Ph.Darreau 2000-2001

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… je peux construire un autre graphique :

courbe des possibilités d'utilités

bonheur d'Alice

le panier x procure U a à Alice et U b à Blaise mais on pourrait faire mieux !! En effet, les optimums de Pareto se situent sur la CC : ici, il s'agit des points de la CPU (on retrouve le CORE). On voit bien que le critère de Pareto est une relation d'ordre partiel car on ne peut pas comparer les points sur la CPU, on ne peut pas choisir les points sur la frontière de la CPU. Qu'est-ce qui est juste ? C'est choisir un point de la CPU mais on ne peut pas savoir où exactement avec le critère de Pareto. Il nous faut un autre critère.

B/. Le critère utilitariste

Cette fois-ci, on prend une relation d'ordre total. Cf. Jérémy BENTHAM (1789) et John Stuart MILL (1830). Le premier est un philosophe individualiste pour qui l'objectif est la recherche du bonheur. Il a aussi mené des réflexions sur l'organisation de la société ("les vices privés entraînent les vertus publiques" : comparaison avec le milieu des abeilles). --On doit rechercher "le plus grand bonheur du plus grand nombre". m

L'objectif social est de maximiser la somme des bonheurs des utilités : Max W = ∑ Uc W pour Welfare

On écrit x *

sens utilitariste (SU)

x

SI

m

m

c =1

c =1

i=1

∑ U c (x *) > ∑ Uc (x )

Mais avec quel poids (quelle pondération) ? On peut dire, par exemple, qu'1 homme vaut 2 femmes… ICI, chacun des individus vaut 1. Examinons ce que cela donne : WU = U a + U b ⇔ U b = W − U a poids -1 (le poids est donc la pente)

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On a donc

Remarque :

les points de la zone rouge sont préférés au sens utilitariste les points de la zone bleue sont inférieurs au sens utilitariste

Ce critère est bien une relation d'ordre total : je peux ordonner tous les états sociaux. ** Cela résoud-il nos problèmes ? On peut maintenant choisir un point : on va maximiser l'utilité WU. On obtient :

Nota : en prenant un critère plus fort que celui de Pareto, on a supprimé des problèmes. On peut maintenant choisir 1 point parmi les OP.

Les 2 inconvénients ** Le critère utilitariste ne se soucie pas de la justice. Je peux comparer tous les états de la société et choisir un point mais il n'est pas forcément juste. ** D'après le théorème d'impossibilité d'Arrow, on a dit que l'on ne pouvait pas agréger les préférences : il nous faudrait une fonction d'utilité cardinale.

On va faire une comparaison INTER-individuelle d'utilités (car on est dans la théorie du bien-être sinon, dans situation de choix en univers risqué : on ferait une comparaison intra-individuelle d'utilités).

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Supposons l'exemple suivant :

Considérons 2 états sociaux notés sˆ et s . W = Ua + Ub W = 100 + 100 = 200 Wˆ = 50 + 250 = 300 -50

+150 +100

Au sens utilitariste, on a sˆ SU s (300 > 200) ; en effet, je compare les OP car il s'agit d'une relation d'ordre social : sˆ est même meilleur). Dire que 300 > 200, c'est dire que −50 < 150 ; c'est-à-dire que la perte d'utilité d'Alice est plus petite que le gain d'utilité de Blaise. --Le critère utilitariste n'est pas un critère de justice. L'objectif de ce critère est de maximiser et non de répartir le bonheur.

C/. Le critère égalitariste

Ce critère n'est pas clair. Distinguons l'égalitarisme de traitement et l'égalitarisme d'allocation finale. ** l'égalitarisme de traitement C'est traiter tout le monde de la même façon : ainsi les forts vont gagner, les pauvres seront toujours pauvres. Exemple : fixer le même tarif d'inscription à l'Université. Cela veut dire que cela est financé par les impôts (tout le monde en paie) : les impôts des pauvres paient les études des riches !! Cela n'est pas juste. Inconvénient : on ne corrige pas les différences.

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Illustration dans la boîte d'Edgeworth (économie d'échanges)

On donne la même chose à tout le monde (on dit que xˆ est juste) : attention, on parle d'utilités et non de quantités. Mais en fait ce choix est inefficient : si la CC est ainsi tracée, la mère en donnant la même quantité de chocolat à ses enfants, gâche le bonheur de ceux-ci. En effet, donner la même quantité de chocolat n'est pas forcément juste car certains enfants peuvent être saturés :

On peut dire que le point est "déguelasse". Un choix égalitariste n'est pas forcément juste.

** l'égalitarisme d'allocation finale On veut qu'à la fin du processus, tout le monde ait la même chose ; c'est le principe du salaire unique. On fixe ainsi des quotas. Inconvénient : si tous les agents sont rémunérés de la même manière, il n'y a plus intérêt ni à travailler, ni à épargner : il y a un risque de baisse de la production. Le critère d'égalitarisme entraîne une désincitation à la production : on se retrouve dans une situation d'inefficience technique non optimale. En 1961, HOMANS a dit avoir réglé le problème : ne pas donner la même chose à tout le monde mais payer au mérite, aux efforts consentis et non rémunérer les agents selon leur Pm. Mais cela n'est pas nécessairement juste pour tous puisque les plus productifs (sans faire d'efforts) seront moins payés !! Ainsi, tout le monde ferait des efforts : on aura plus d'inputs ; la frontière des possibilités de production va augmenter

mais c'est toujours inefficient car on produit trop.

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Avec cet exemple, on s'intéresse à la production mais plus à la consommation ; pourtant au départ, on a dit que seule la consommation était importante. Il faut faire attention et rester cohérent dans notre analyse : la production n'est pas une finalité dans l'OP !! Notre but n'est pas d'augmenter la croissance mais le bonheur des gens.

Problème d'inefficience Il existe une substitution entre l'efficacité et l'égalitarisme.

Depuis 4/5 ans, certaines théories montrent qu'il peut y avoir sur certains cas, une complémentarité entre efficacité et égalitarisme. C'est ce qui se passe par exemple sur le marché des vedettes avec les salaires des joueurs de basket professionnels. Raisonnement : comme les salaires sont élevés, il y a de plus en plus de jeunes qui tentent leurs chances ; parallèlement, de nombreux agents voient le jour… mais il n'y aura que très peu d'élus. Au final, les investissements massifs sont complètement inefficients (car peu d'élus). Autre exemple : on verse des indemnités aux chômeurs, des retraites aux personnes âgées ; on peut dire que c'est normal mais aussi parce que c'est efficace. En effet, ces populations "gênent" les autres dans leur travail (pour les jeunes, il faut prendre le temps de les former, pour les personnes âgées, elles ne sont plus assez productives…). Ainsi, l'exclusion peut s'expliquer par l'efficacité et non plus par la justice.

On ne peut rien faire du critère égalitariste car on veut de l'efficience dans le critère de justice recherché.

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[2/03/2001] D/. Le critère de Bergson-Samuelson (1947)

Il s'agit d'un perfectionnement du critère utilitariste. Rappel : on avait 3 états sociaux. La fonction de bien-être social W(Ua … Um) est une courbe d'indifférence sociale.

On avait dit que ces 3 états sociaux sont tous indifférents. L'idée de Bergson-Samuelson est de tracer des courbes d'indifférence convexes ; ainsi, si on suppose la fonction de bien-être social W convexe, on obtient :

TMS 1

TMS 2

Maintenant, il est possible d'écrire

s

BS



INCONVENIENT de ce critère : il n'est pas opérationnel ; en effet, on a un problème de pondération des individus : quel poids attribuer à tel où tel agent ? Ici, on s'intéresse à la pente du TMS et celle-ci est variable alors qu'avec le critère utilitariste, elle est toujours égale à -1. C'est ce que l'on observe sur le graphique ci-dessus : dUb TMS 1 : la pente est très forte ; elle s'écrit − . On donne plus d'importance à l'utilité d'Alice car dUa elle est plus pauvre : on pondère plus son utilité. dUa TMS 2 : la pente est plus faible ; elle s'écrit − . On donne plus d'importance à l'utilité de Blaise. dUb Pour faire un choix, il nous faut le TMS mais Bergson-Samuelson ne le donne pas (on ne connaît pas le poids de chacun des individus). AVANTAGE de ce critère : il s'agit tout de même d'une relation d'ordre totale ; ainsi, il est possible de classer tous les états sociaux.

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E/. Le critère de Rawls (1971)

Il est un des plus grands philosophes politiques comme Rousseau, Locke, Hobbes ou Machiavel. Rawls est plutôt de gauche, à l'opposé de Nozick par exemple (qui pour lui, le seul rôle de l'Etat est de punir). Rawls s'inspire de Rousseau et reprend le concept de l'Etat de Nature (jusqu'au 17ème siècle, l'idée est que la société a été créée par la nature de l'homme ou par Dieu ; l'homme est une créature naturellement sociable). Au 18ème siècle, on cherche les mécaniques de tout et notamment de la société : on cherche à expliquer quels sont les principes fondateurs. Il existe une réponse politique (Turgot) et une autre économique (c'est la boîte d'Edgeworth : "chacun gagne à l'échange" ; concepts de division du travail…) Les philosophes politiques comment la société est née : ils se placent dans un état antérieur de la création : l'Etat de Nature (concept abstrait). Ils se demandent ce qu'il y a eu avant la société. L'idée de Hobbes est que l'on "rentre en société" (d'où signature d'un contrat social) pour se protéger de la violence. Rawls se demande quel type de contrat social signerait-on, quel serait le contrat social que les individus signeraient avant même de connaître la place qu'ils occuperont dans la société. Il montre que l'Homme, adversaire au risque, signerait un contrat privilégiant le plus mal loti : on prend une assurance contre la pauvreté absolue. W = Min (Ua …Um) Max Min (Uc …Um)

On écrit donc L'objectif social est

AVANTAGES de ce critère ** il s'agit d'une relation d'ordre total (les points de la zone hachurée en rouge sont préférés à ceux de la zone hachurée en bleu). ** si on maximise W, on peut choisir l'OP noté s* (il s'agit de l'état social sur la droite à 45°) ; ainsi le choix social est efficient. ** ce choix à l'air d'être juste car il se situe sur la droite à 45°. ** par rapport au critère de Bergson-Samuelson, celui-ci annonce le poids (tout est sur le plus mal loti) : il est donc opérationnel (on pourrait appliquer des politiques de relance par exemple). Le critère de Rawls est le plus égalitariste des critères efficients mais il ne s'agit pas d'un critère égalitariste. En effet, prenons l'exemple ci-dessous :

Etat 1 Etat 2

Ua

Ub

Uc

10 50

11 75

12 1000

Max Min

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D'après le critère de Rawls, notre choix se porte vers l'état 2. D'après le critère égalitariste, notre choix se porte vers l'état 1. INCONVENIENT de ce critère Illustration avec un nouvel exemple :

Etat 1 Etat 2

Ua

Ub

Uc

10 11

500 12

1000 20

Max Min

Le choix de Rawls est l'état 2. On peut se demander si cela est juste de sacrifier b et c pour que a ait 1 unité de plus. Phrase du français Serge KOLM (1978) : "faut-il sacrifier le bonheur de millions d'heureux pour dessiner un léger sourire de plus sur les lèvres d'un malheureux intrabilaire ?".

Exercice comparatif Quels sont les états sociaux choisis selon les critères ci-dessous ?

Critère de Pareto (est-il possible d'améliorer la situation ? Y a t-il du gâchis ?) : états entre A et C Critère utilitariste (pente = -1) : état B Critère égalitariste (on est sur la droite à 45°) : état D (ne fait pas partie des OP) Critère de Bergson-Samuelson (où l'on peut avoir des tangentes) : états entre A et C (on voit bien que ce critère est inutile car on revient au choix donné par le critère de Pareto). Critère de Rawls (le plus proche des égalités des utilités) : état C

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F/. Le critère de Varian (1975)

Il met les choses à plat : il faut à la fois respecter la justice et l'efficience. ** dans une économie d'échanges (boîte d'Edgeworth) Définition 1 : une allocation est juste au sens de Varian si elle est équitable et efficiente (= OP ; on se situe sur la CC). Définition 2 : une allocation est équitable si aucun agent ne préfère le panier d'un autre au sien, si elle est exempte de jalousie, c'est-à-dire si x c ≥ c x d pour tout ∀c,d ∈(1,m) . Est-ce un critère opérationnel ? OUI. Mais existe-t-il des situations sans présence de jalousie ?

THEOREME 1 Soit x* un ECG walrasien qui résulte d'une répartition initiale égale de la richesse (par exemple p * x c = p* x d ) telle que Wc(p*) = Wd (p*) alors x* est juste. Démonstration : il faut que ce soit efficient (1) et équitable (2). (1) : on est bien sur la CC : il s'agit d'un ECG walrasien ; x* est bien efficient. (2) : comment montrer que c'est équitable ? Il faut montrer qu'il n'y a pas de jalousie. Par hypothèse, p * x c = p* x d et on a xc c xd . Supposons la jalousie : x*c c x*d , cela signifie p*x*c < p*x*d MAIS cela est en contradiction avec l'hypothèse de répartition égale de la richesse qui est p * x c = p* x *c < p* x *d = p* x d . --Ce critère est opérationnel et fait comprendre que ce qui est "dégueulasse" c'est la répartition initiale et non les mécanismes du marché. Une situation "juste" est facile à obtenir : en répartissant la richesse de manière égale ; à l'équilibre général, il n'y a pas de jalousie. --On vient de traiter les agents de façon symétrique mais le vrai problème de l'injustice, c'est qu'il existe des agents productifs et d'autres non…

** dans une économie de production L'injustice vient surtout des capacités à s'enrichir (être productif et ne pas l'être). Exemple : on prend 2 individus (c et d) ayant des productivités différentes. Le travail est homogène et exprimé en nombre d'heures v. L'agent c travaille vc heures et produit acvc, L'agent d travaille vd heures et produit ad vd . ac vc = 2 * 5 h = 10 heures ad vd = 4 * 10 h = 40 heures

moins productif

PmL

a d v d 40 = = 20 h indique le temps que devrait travailler c pour qu'il produise exactement ce que d ac 2 produit (d travaille moins). © Notes de cours F.Géraud sur le cours de microéconomie de Ph.Darreau 2000-2001

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Pour supprimer la jalousie, l'idée de Varian est de corriger les écarts de productivité.

THEOREME 2

Soit (x*, 1-v*) un ECG walrasien qui résulte d'une répartition initiale égale de la x 1×m richesse W telle que alors cet ECG est juste (équitable + efficient). m m chacun est doté d'1 vie, d'1 unité de temps

L'idée : puisque la richesse est égale entre les agents, ceux-ci ne peuvent pas se jalouser. Les "pauvres" ne jalousent pas les "riches" car les "pauvres" devraient travailler plus mais ils ne le peuvent pas. ---

En résumé, on peut dire que les mécanismes du marché ne sont pas fautifs : il faut s'en prendre à la répartition initiale de la richesse (par exemple l'héritage ; à ce propos, on verra en Licence qu'il n'y a pas de croissance sans présence d'héritages). Ce qui est "dégueulasse", c'est le fait que tout le monde n'est pas doté de la même espérance de vie à la naissance Il est très difficile de choisir un critère : chacun présentant des avantages et des inconvénients. Vaut-il mieux entre en A ou en B ? Il n'y a pas de solutions : le débat semble éternel.

Mais les économistes disent : ** si on est à l'intérieur, il vaut mieux aller sur la frontière, ** on ne doit pas se préoccuper de la répartition de la richesse (partage du gâteau) mais de la croissance économique où tout le monde peut en profiter. Ainsi, il vaut mieux éloigner le plus possible la CPU et distribuer plus d'utilité à chacun.

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