Le Sacre De Charlemagne

  • November 2019
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Le sacre de Charlemagne Le 25 novembre de l’an 800, Charlemagne fut couronné empereur par le pape Léon III au sein de la basilique Saint Pierre, à Rome. Beaucoup de documents écrits relatent cet événement, cependant certaines contradictions restent présentes entre ces différentes sources. Six documents ont donc été pris en considération et réorganisés chronologiquement afin de pouvoir donner un semblant d’explication des circonstances dans lesquelles s’est déroulé le sacre de Charlemagne. La première source n’est autre qu’une lettre de Charlemagne rédigée en 795 par Alcuin1, fidèle conseiller du futur empereur, et adressée au pape Léon III. Au sein de celle-là, on distingue clairement le rôle que se fixe Charlemagne et celui attribué à l’Église : il va ainsi assurer la protection de l’Église en punissant les attaques des païens - religieux non monothéistes - et des infidèles, les Arabes et en évangélisant les populations intérieures et extérieures au Royaume. Quant à l’Église, elle devra assurer le salut de ces combats en priant, afin de permettre des victoires et une évangélisation éminentes. Il y a donc ici une volonté de définir les objectifs du pouvoir politique et ceux du pouvoir religieux. Selon G. Bührer2, lors des travaux de rénovation du palais du Latan à Rome, entre 796 et 798, le pape Léon III a demandé la réalisation d’une mosaïque. Sur celle-ci est représentée Saint Pierre, faisant la distinction entre les deux pouvoirs : d’un côté il remet un attribut religieux, le pallium, à Léon III, lui conférant ainsi l’autorité sur l’ensemble de l’église universelle, et de l’autre, il offre à Charlemagne un étendard, lui assurant ainsi de multiples victoires. En faisant édifier cette mosaïque, Léon III marque donc son intention ferme d’une volonté de séparation du pouvoir religieux et politique. Selon les Annales royales3, Charlemagne est venu dans la basilique Saint Pierre le 25 décembre afin d’assister à la célébration de la messe. Alors que celui-ci s’était incliné pour prier, Léon III lui posa une couronne sur la tête et le peuple l’acclama : le pape avait ainsi inversé l’ordre de la cérémonie, la première étape étant normalement que le peuple acclame l’empereur. Cet extrait donne l’impression d’une cérémonie bien organisée, le pape ayant attendu que Charlemagne soit penché pour lui remettre la couronne à son insu. Les Annales royales, rédigées par au fur et à mesure par plusieurs rédacteurs assez bien informés, ne relatent pas des sentiments du nouvel empereur à ce moment, ce texte conserve donc une certaine neutralité sur ce point.

1 Lettre de Charlemagne au pape Léon III, ALCUIN, 795 dans L’époque carolingienne, E. AMANN, Paris, Bloud et Gay, 1937, p. 77 2 G. BÜHRER-THIERRY, L’Europe carolingienne (714-888), coll. Campus Histoire, Paris, Sedes, 1999, pp. 38-39 3 ANNALES ROYALES, 799-801, d’après G. TESSIER, Charlemagne, coll. Le Mémorial des Siècles, Paris, Albin Michel, 1967, p. 167

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Les Annales de Lorsch4 de 801 relate le fait qu’en Orient, le titre impérial était maintenant porté par un femme - Irène. Le Concile, réunion des hauts dignitaires de Rome, jugeant inacceptable cette situation, estimait que ce titre devait revenir à Charlemagne, roi des francs qui tenait déjà Rome entre ses mains. Après avoir entendu cette proposition, Charlemagne l’accepta sous une certaine pression des prêtres et du peuple chrétien : il fut donc couronné empereur par Léon III. Dans cet extrait, aucune référence n’est faite quant à Byzance et aux tensions qui y régnaient à cet époque après la prise de pouvoir d’Irène, qui déposa son propre fils avant de se déclarer empereur. Au début du IXè siècle, Théophane5 rapporte la fuite du pape Léon III auprès de Charlemagne ; ce dernier va lui venir en aide en punissant ses adversaires et en rétablissant le pape sur son siège. Le pape paraît donc faible, puisqu’il a été chassé du siège pontifical et qu’il est obligé de se réfugier sous l’autorité du roi des francs. Après avoir pu reprendre ses fonctions, Léon III va récompenser Charlemagne à sa propre façon, en le couronnant basileus des Romains dans la basilique Saint Pierre le 25 décembre : il va l’oindre, lui donner les vêtements impériaux et la couronne. Il semble que cette cérémonie se fait sans la présence du peuple, celui-ci n’ayant aucune présence dans cet extrait ; le pape Léon III et Charlemagne apparaissent être seuls dans la basilique. D’après Eginhard6, grande connaissance de Charlemagne, le pape Léon III a subi de grandes violences de la part des Romains : ses yeux sont crevés et sa langue coupée. Ce texte est le seul document parmi les six présents ici à relater des violences faites au pape qui est victime du mécontentement des empereurs romains de Byzance. Comme précédemment, Léon III se réfugie auprès de Charlemagne et celui-ci rétablit la situation. Mais lors du couronnement de Charlemagne par le pontife, un nouvel élément est pris en compte, celui du mécontentement du futur empereur : la cérémonie, dont l’ordre a été inversé par la volonté seule de Léon III, attise la colère de Charlemagne. Il regretterait même avoir assisté à cette messe. De plus, un élément reste obscur : le fait de savoir comment Léon III, considéré ici comme aveugle et gravement blessé, aurait pu accomplir cette cérémonie, à moins qu’il n’ait été l’objet d’une guérison miraculeuse… Toujours selon Eginhard, Charlemagne, devenu empereur, a du tasser la colère des empereurs romains, jaloux de son titre, ceci par l’envoi de nouvelles ambassades. L’analyse de ces six documents permet donc de mieux comprendre les circonstances dans lesquelles le sacre de Charlemagne a pris place, même si quelques points restent à éclaircir, notamment ceux des tensions qui régnaient en Orient à cette époque et des probables coups infligés au pape.

4 ANNALES DE LORSCH, 801. D’après Ch. DE LA RONCIERE, R. DELORT et M. ROUCHE, L’Europe au Moyen Age, t. 1 : 395-888, coll. U, Paris, A. Colin, 1969, p. 168 5 THEOPHANE, Chronographie, début du IXè s., id. note de bas de page n°4. 6 EGINGHARD, Vie de Charlemagne, éditée et traduite par L. HALPHEN, Paris, 1938, pp. 80-81

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