Le fanatisme des philosophes / [par S. N. H. Linguet]
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Linguet, Simon-Nicolas-Henri (1736-1794). Le fanatisme des philosophes / [par S. N. H. Linguet]. 1764. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF. Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : - La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. - La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : - des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. - des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter
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LE FANATISME DES
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LE FANATISME DES PHILOSOPHES. ANS Joute le Fanatisme ett un
abus dangereux. C'e& un trèsgrand mal produit par un trcscrand bien c'en: Famcur de la religion poune trop loin. La piété bien entendue la Soucient le fanaci&nc la dégrade. Il eft beau, il eft utïk de travailler a munir les hommes contre fes ravages mais pour ie combattra il iaudroit au moins en être
exempt.
C'e~: de quoi les Philosophes fe n~ccent. A les en croire, ce néau fans eux eft toujours prêt d'inonder la. terre. Ils font tout leur pofnble pour en ranurer les Habitans. Venez à nous, dKenc-ils, nous vous enseignerons les loix de la douce humanité. Nous vous ïcmettMns dans. tous les droits de la raifon.
Nos préceptes émouvront tes poignards de ces Théologiens aigres & cruels qui vous perdent. Vous recevrez de nous le grand arc de vivre paifibles & heureux. Ils vonc donc rendre le calme à l'univers ils vont être les bienfaiteurs du monde. Pareils à ces Fées prote~rices des anciens Preux, avec des mots magiques ils fermeront les plaies de l'humanité. Leurs Livres feront des taliftnans contre les troubles attreux qu'entance le fanatifme. Quand la Philofophie aura développé (esaMes for ce globe désolé, quand elle l'aura pénétré de les heureuses inHuences on y verra rcna!crc l'âge d'or & les hommes dans l'extafe d'un bon heur folidement affermi iront baifer les mains des Sages à qui ils le devront. Rien n'égale la beauté de ce tableau. La religion épurée de tout ce qu'y mêlent les fbibienes les pallions des hommes en 9 pourroit à peine compofèr un audi fëduifant. Mais plus il fait naître d'idées agréables, plus i! fcroit douloureux d'apprendre un jour qu'il nous auroit trompés. Plus il nous inspire d'e~ime pour ceux dont nous y voyons les portraits, plus nous regretterions d'être obligés de les hair comm~ des impo~eurs dangereux. Faifons donc quelques efforts pour nous
épargner ce chagrin. Apurons-nous bien de la Science des Medécins avant que de fuivre leurs confeils. Nous fommes malades des taies dé6gurenc nos yeux & tes obfcurciffcnt. On nous offre des recettes pour les enlever. Examinons fi elles ne font pas présentées par des aveugles. Craignons qu'en faifant di~pa~ ro!crc une légère incommodité, elles ne nous donnent une maladie incurable. De quel droit ces nouveaux Apôtres vicndroicnt-ils nous entretenir de leurs maximes fi elles €toieni plus funeftes que le mal dont elles fcmblent être le remède ? On a reftreint le nom odieux de fanatifme aux excès commis par le zèle de la religion il eft évident qu'on s'cH: trompé. M convient a toutes les paffions qui rempli&nt Se fubju. guenc le coeur humain. On auroit pu peut-être dû voir des fanatiques dans tous les hommes vLvemenc agités d'un dëHr quel< qu'il (bic. Un avare c(t &nac!que de &n argentJ comme un cncbouËafte i'eA de fon cuice~ un ambitieux Fc~ de fa grandeur, u~ voluptueux de fc& ptaiCc~, un Poëte. de fes vers un amant de la maîcreCë. De tanc d'hommes qui s'accufent à cet égard de puËUanimicé & de prëvcncion, il n'y en a pas un peut-être qui d'un autre côté n'cfluye ac ne mérite les mêmes reproches.
T.
C'e
on accufe cc!ul-cidefanaci(me, il me femblc
qu'il ed difficile d'en juftifier l'autre. 'Or je le demande quel c~ le Philofophe qu'on a jamais guéri de la fureur de publier tes opinions ? Quel c~t celui qui a f~u préférer une obscurité filentieute à une réputation bruyante ? Où en trouver un dont le premier vœu ne foit pas d'être regardé comme un homme extraordinaire, en fuppofant que le fecond foit de paner pour un homme judicieux ? Tous décorent leurs produ~ions de ces mots fonorcs de bien de la Patrie d'utilité publique d'amour pour l'humanité mais c'efr pour leur propre avantage qu'ils parlent de celui de la Patrie c'eft pour leurs intérêts qu'ils défendent celui du Public c'eft pour fe faire conudércr qu'ils recommandent avec emphafe d'aimer l'humanité. La Phitofbphie eft fondée fur la plus incurable de toutes les matadies de l'efprit humain, fur un amour propre orgueilleux< C'eA lui qui fit les premiers Sages. Il leur apprit a entourer leurs découvertes de difnculcés afin de les faire paro!cre plus rcfpc~ables, d'en rendre les hommes plus avides. Il grava les Hiérogliphes fur les obélisques de l'Egypte. Il infpira aux Gym~ofbphiftes le goût des allégories, adopté depuis par Pythagore, & faudement attribué par les modernes
la crainte que répand le defpotifme. Si l'envie d'induire les hommes, de tes fendre plus vertueux, étoit le feul motif des Philoîophcs auroient-ils imagine ces voiles plus propres à donner à l'erreur l'apparence de la vérité qu'à faire briller celle-ci fans impo~urc Si l'ardeur fanatique de la réputation ne lestranïportoic, entendroit-on leur voix furpauer en tout pays celle du Magifirac qui les proïcric a Verroit-on la Philofophic profiter de toutes les inues pour fë gliileE dans un Etat y tranfpirer à travers les. digues les plus épalnes, comme ces eaux incommodes qui menacent à chaque indanc de fubmcrgcr un pays donc on les a chances LesLéginaceurs les plus éclairés, (e feroiencils crus obligés de prendre contre elle les plus fortes précaucions Auroiene-lls craint de n'en pouvoir jamais trouver que d'inu.* ïiies <' Des Symptômes bien marques du fana-~ tifine font l'audace qu'il infpire, & la crédulité qu'il recommande. Il ne faut pas aller bien loin pour juger fi ces deux caractères conviennent à la Philosophie. Ouvrez feuJemcnc tous les Livres où elle a prodigué l'enluminure dont elle feule a le (ecrec voyez quelle tournure y prennent toutes les pentcM. Examinez de quel air font préfentés les
cernes
les moins probables ou les maxiJ mes les plus dangereuses. Mais en les examinant, gordez'vous de les combattre. Leurs Auteurs ont des yeux de lynx pour les productions étrangéres. Ils deviennent aveugles pour celles dont ils ont écayé leur gloire. Dès que la critique ote y toucher leur cccurs~ouvrea la colère, leur plume fe remplit de fiel; ils prodiguent à grands nots Famertume &: le ridicule~ Voyez avec quel orgueil ils (c défendent avec quelle fureur ils attaquent. Ne ~byez pas dupe de la préten-
due liberté qu'ils reclament à hautement. Ils veulent bien qu~on leur donne celle de produire leurs penfées mais ils s'indignenc
L J libéralité. Car c'ed en. furtout leur & Yain qu'ils s'applaudirent de leur dé~ntére~ iemenc, qu'ils ceilcnt de vanter la folitude donc ils Semblent fi jaloux & cet éloigneJ qu~Usan~~enc quelgrandeurs les ment pour quefois avec tant d'écalage. H y a peu de mérite à avoir des vertus dont on leur fait une néce(ucé. Les gens en place font presque toujours en garde contre des talens qu'ils redoutent. Inftruits par l'exempte de leurs prédéceneurs, combien les Phi" Ïoïophcs ont de penchant à mordre tout ce qui les irrite ou jaloux d'un éclat qui pourroit les éclipser, ou convaincus de la futilité des Sciences ils repounenc loin d'eux les cfprics frivoles qui les cultivent. L'orgueil hilofophique écarté des emplois qu'il ambitionne en fecret fë ménage la con~bla1, tion de paroître les mépriser. Ceux qu'il anime ont loin d'Mnucr du fonds de leur retraite combien un Gouvernement éclaire doit d'égards & de protection aux Sçavans. Ne pouvant le dire aux Princes ils le difcnt au public dans les Livres. En attendant que ces maximes ayent produit quelque ettec, ils aScdent un grand déûncérenemenc pour leur donner plus de poids. Ils annnoncent une parfaite indin~rence pour les honneurs i~&iavagc de la Cour. Mais fi ia barrière
Art~
J vient à fe te~ui leur en défendoit l'entréo ver, ils s'y précipitent avec ardeur. Sous Conttancin & fon Fils, Princes abfolus & fanguinaires, trop occupés des a
faire des Prosélytes, nje developpoïs lésera* tagcmcs qu'ils employent pour Ce les atta~ cher l'art dout ils (e fervent pour les reie" nir ? L'enthouiiafte dogmatique étant fondé fur la pcduauon doit être plus ardenc. Ce" lui des prétendus Sénateurs de la fageflè re* ~anc (ur l'orgueil doit être plus opiniâtre. L'un s'arme de vidons, de prodiges enrayans~ l'autre de maximes feduiiàntes, de pré-t ceptes flatteurs. L'un s'exprime avec plus de force que d'agrément il tonne, il foudroyet il fe dit defcendu du Ciel, & exige à ce titre une obéiffance fans réserve. L'autre s*ap" proprie tous les charmes de l'éloquence t il s'inunue dans les coeurs il y réveille les patfions qui ne peuvent que le bien fervir il promet à tous ceux qui l'ëcoutenc une par< faite indépendance. Le premier (e multiplie furtout parmi les efprits greniers les âmes foibles. Pour admettre le fecond il ne faut couvent qu'un efprit indocile, avec un cœur pervers. Enfin celui-ci iurcharge les hommes de Scrupules, de devoirs gênans celui-là brifc preique tous les liens, Se quoiqu'il (cache en forger d'une autre efpéce, pour s'ajffurer de fes captifs, c'cft toujours en prenanc la libère pour dcvife qu'il les traîne à fa (uite, vaincus & fubjugucs. Que teroic-cc cncorcûjc de~ccndois dan$
~es laboratoires où les Sages compofent eux"
crèmes l'encens dont leur amour propre eft avide ? Si je les repréfencois dans ces Temples dont ils le iont faits les premieres Divinités, jouant tour à tour le rôle de Sacrificateurs ô~ d'Idoles, & rendant à leurs voifins préciiemenc la doie de fumée qu'ils en ont reçue ? Ce ibnt-là fans doute des traits caractéristiques du fanatifme qui les poiféde mais auiR ce font des vérités trop faciles à prouver. Il ne faut que jecccr les yeux fur leur conduite dans tous les fiécles pour s'en convaincre. Je pane à d'autres vérités non moins certaines,1, mais moins généralement reconnues & qui par con~quent méritent d'être exposées avec plus de dérail. Le fanatifme religieux enfanglante la Terre. Il éleve à rintotérancedes monumens affreux. 11 s'entoure de cadavres c'ed eo bu~ vant leur fang qu'il s'applaudit de la v~oire. Il feroic inutile de le nier. Cette vérité démontrée par l'expérience de tous les fiécles, une tride preuve de la foibleffe humaine. Le fanatifme philofophique, moins dedructeur en apparence, eMI moins funefle CM effet ? Parce qu'il ed plus tranquille fautH Croire qu'il Soie moins nuidble ? L'un ébranle ia Terre il déshonore les maximes con(o!antM de ta Religion, parles avions cruelles
J des enthounafres L il égare quelquefois les hommes; mais il !cui donne la force de mar* cher. La vigueur qu'il nourrit dans les âmes, peut les conduire au crime mais elle les îbutient fur le chemin de la vertu. L'autre au concraire introduit danslemon~ de un calme perfide. Il n'entrame peut-ctre pas necenairemcnc au vice mais il emprche nécenairemenc d'arriver à la vertu.Il n'égorge pas les hommes au nom de Dieu mais il les empoifonne il les fait périr par l'abus du J luxe. Ce n'eft pas u l'onveucàdes argumens Théologiques qu'il les immole c'en: à des payons îecretces honceufcs. S'il ne ïe détruifoit pas lui-même à force de decruire ~i les progrès n'ann~antinoienc pas les Sciences dont il eft né fi la favorable ignorance ne venoit ouvrir un afyle au monde fi par une attention fecrette de la Providence, elle ne foutenoit autant la population d'un côté, que la Philosophie la détruit de l'autre, le genre humain périroïc en peu de tems fous les yeux de fes Doreurs. Le moment où des Séries orgueilleufes oferoienc lui promettre des lu-* mieres feroit voifin de celui où la Terre 1, manqueroit d'Habitans. Ceci n'en: point une de ces récriminations odieufes dont l'atrocité diminue la force. On voit dans les uécles tllu~rcs par la Phi-
lolophie
lofophie, la population dimitluer les Arts 1, ta liberté, dégénérer, & compagne ordinaire de la vercu céder la place a la bane fervi1, tude, fuivance inféparable du vice. Alors les hommes plus éclairés iur leurs devoirs deviennent moins fcrupul~ux à les violer. Ils
connoifiènt mieux le prix de la venu mais ils foncent mieux aun! l'utilité du vice &: fes agrémens. La morale dilperfée dans les Livres perd la force neceHaire pour diriger les avions. Des mains habiles mettent au jour les plus fecrets liens de la Société. Elles pénétrent tout le jeu du corps politique mais ce corps devienc bicncôc pareil aux fquelectes, où les Anatomitles ne peuvent chercher les organes de la vie,t qu'en les dérruifanc. Ses muscles, fes renorts ainfi défauembles, dé* 1, voiles favorables qui cnencrecepouillés des noicnc la ibupicne & l'union, n'offrent plus que l'image de la mort, avec un appareil do fcience aufli fastueux qu'inutile. Alors on entend diHercer avec grâce fur le bonheur, & les oréilles ne font frappées que des géminemens des malheureux. Des Phi< loi-ophes élégamment vêtus prodiguenc les éloges aux lumieres de leur uécle, a ia douceur de tes moeurs, & l'on ne rencontre hors de chez eux que la mifere & le défefpoh'. Euxpicmes les fouc naître par leurs exaltons.
On voit des Senéqucs ruiner par Future des Provinces entières, en écdvanc des Traites
fur la bienfaifance &: composer des Livres contre le luxe iur des tables d'un bois plus précieux que l'or. Bientôt !e deipotifme, enhardi par la lâcheté commune, s'élève appuyé iur des Traites Philoiophtques. Il y puiïe l'art trompeur de tout couvrir d'un vernis (ëdui~nc il y apprend à meprifer les hommes, à!es regarder comme des indrumens utiles faits pour fervir Ces panions ou Ces caprices. Les plainrs & les Arts deviennent fes plus fûrs Satellites. H multiplie les écabnnemens où des hommes voués à la louange, Ce coniacrenc à faire des Panégyriques. Il paye il encourage leurs menfonges. Tel eic Fenec de leurs travaux & de les foins que de leurs discours mis bout à bout, on pourroit conclure qu'il n'y a jamais eu dans le monde que des iiecles de lumiere, que des Princes parfaits que des 1 Peuples fortunés, que de grands hommes en tout genre. Mais tandis que ces lâches imposteurs s'etourditlènt eux-mêmes par la vapeur d'un encens impur, !c montre redouble tes rava~ ges. C'en: précifëment dans !e tems où tout le monde parle des égards dus à l'humanité, ~u'on riniulce avec moins de ménagement. Ce
tableau efr cnfre mais on l'a déjà vA fe repro" dutre plus d'une fois. On le reverra (ans doute chez les Peuples qui nous fuccéderont, comme il a paru chez ceux qui nous ont précèdes. Partout pays la paix, la hbercé & la vertu fuivent l'ignorance fourenue par la pau« vreté <5<: l'amour d'un travail gro~Eer. Elles iuyenc d'un Empire à mefure qu'il s'ytrouve plus de gens aflèz opulens pour s'attribuer le droit de ne rien faire & ancz dé~occupës pour chercher à s'instruire. Alors des nchenes vient le luxe de l'oitiveté les Sciences. Du luxe &: des 1,Sciences réunies naîc la Philofophie, production funcu:e, qui fe bornant d'abord a dégrader les Arts, pane bientôt jusqu'aux mœurs qui énervant le Peuple, &: corrompant les grands d'une Nation, y fait germer avec rapidité la banene l'oubli des devoirs réciproques, & enfin le defpocifme. Je ne fçais pas bien précifément ce que c'ett que l'homme & la fbciëcé mais je ~ais que pour que l'un foit heureux pour que l'autre fubutre fans trouble il faut ïur la Terre beaucoup d'obeinance, & très-peu de railonnement. Jamais l'un ne s'accroît qu'aux dépens de l'autre. Et qu'on ne dife pas qu'une tbumiCEon aveugle eft le (butien du defpotifmc, le tombeau de la liberté. Non l'o~
bei(!ance e~ la vertu des Républiques ou des Ecacs qui ne ibnc pas encore corrompus. Elle vient de l'amour des Loix du refpe<3:
J Pu~ance légitime. Le Citoyen pour une
obéit lans rayonner. Son coeur & fbn bras font toujours d'accord. Mais le Phitofbphe raisonneur qui difcute qui péfe les droits des Puiffances, qui diflèrte fur les vertus & les vices, eft trop Uchc pour ravoir obéir. Son coeur flétri par Ces rrétendues lumicres, n'eA accenible qu'à la peur. Deïabu~ fur ces mots de patrie1, d'honneur, de devoir,t accoutumé a les difféquer, à en examiner les lapporcs it n'en connoit plus ni la forcet ni la douceur. C'e~ un vil efclave qui cëdc à la crainte prêt à Ce révolter dès que le maitre aura tourné les yeux, 6~ fufpendu fon fouet. Quoi dira-t-on ces Philofophes hardis t qui ïë permettent de tout examiner, dont la main puiiîanre fe joue des liens qui accablent les sucres hommes, (bnc les pères du defponCmei Ces dérenfeurs des droits de l'humanité en feroient les plus cruels deihu~eurs > La Servitude ennemie décidée des lumières de touce espèce, feroit le fruit de ces recherches laborieutes, entreprifes pour nous éclairer 1. Cela n'en: que ~op vrai. L'excès du pouvoir arbitraire naîc parcouc des études phi*
to~bphïques. La foumiflion prompte & re~. pe~rueufe de la l'berce n'exige dans ta. force que chez les Nations ignorances. Elle s~arfblblit, quand ces Nations cédant a une curiosité déplorabte,' appellent dans leur fein les Arts & tout leur dangereux cortége. Elle s'y annéantit enfin, quand les Arcs, les Scfences portées à leur dernier période dégénèrent en Philosophie. Les Sciences elles-mêmes éprouvent alors le fort de la vipère, qui fë voit dévorée par les enfans. Elles ~bntctounees par cette branche
Celie-cî, comme un nouveau
déluge, inonde les champs malheureux où
germoient auparavant la Philofophie & tes vices. Elle les diïpofe à reproduire un jour
fous une autre génération, l'ignorance les vertus. Telle eft la marche invariable des hommes depuis qu'ils c~ï~enc ïucce~ivemenc barbares & corrompus, ne pratiquant la fage~e que quand ils en ignorent les régies, & négligeant leurs devoirs dès qu'ils gavent les dcSnir. Aucun tems 1, aucun pays n'a écë exempt de ces fune~es inHuencesdc la Philofophie. Elle, l'aneancinemcnc des Arcs, celui des moeurs le defpotitme, ont toujours marché du même pas. Les plus abiolus, les plus vicieux des Cal'pucs, furenc ceux qui firent d~cner des tables agronomiques. Le goût des Sciences dégérëra chez les Sarrafins, dés qu'ils eurent traduit la morale d'Ari~ote. Jamais il n'y eue plus d'obéiffance, plus de liberté, & moins de Philofophie que dans Rome aux premiers fiécles de la République. Les Fanions, les Guerres civiles, s'y introduiGrenc avec la politene & jamais il n'y eut une lâcheté plus ieditieufe, une oppredon plus tyrannique un goût plus dépravé que dans cette même Rome quand elle eut dans (on fein des Ecoles de Philosophie quand elle fut gouvernée par des Empereurs éleves ou amis des Philosophes. Les Princes ont cependant quelquefois la
fbib!ene de croire que l'éducation de leurs enfans ne fcauroic être mieux que dans les mains des Sages. On en a vu chercher à grands frais des Inftituteurs célébres pour leurs hénc'ers. Les Annales Philofophiques n'ont pas laine perdre la Lettre du Roi de Macédoine au Chef du Lycée. Le Prince conquérant y paroit Se féliciter moins de fes vi~oires que de pouvoir donner à fon ~Is un Précepteur tel qu'Ariftoie. En effet, on eSt porté d'abord à admirer ce choix. Il femble que le genre humain foit trop heureux d'avoir à fa tête des Princes instruits par des gens accoutumés à étudier les foi. blelfes de l'humanité, plus encore à fo vanter de les guérir. Quel dommage que cette idée Haiceufe ne foit qu'une illufion Une expérience trop fuivie, trop réitérée/démontre que ces éducations tant vantées ne produifent guére que des tyrans. Ce Philippe de Macédoine fi bon juge du mérite d'Ariftoce, élevé lui-même du Philofophe Epaminondas, ctolt un ufurpateur adonné aux excès les plus honteux, capable de tout fach~er à l'ambition & à fes plaifirs fe jouant des fermons comme des hommes. On fçait quelles vertus rapporta Alexandre des Leçons d'un Maître foup~onné d'avoir contribué à fa more. Platon
conduit avec pompe en Sicitc, pour former les moeurs du jeune Denys ne rëmnc qu'à en faire un compose de lâcheté & de mo!cne » d'aller à fon tour enseigner trop heureux pour vivre ces connoiflànces qui lui avoient coticé Ton Trône & ~a vertu. Chez les Romains le barbare Silla l'u3 furpateur Cëfar, Augufie pendant vingt ans le plus cruel fléau qui aie jamais an~gc la Terre ëcoienc en liaifon avec tous les Philofophes de leur tems. Tibere ecoicRhëceur, J Agronome Grammairien. Il avoit pane la moicië de fa vie dans les Ecoles, &~ de toutes les Sciences qu'un délire orgueilleux comprend fous le nom la 7~~ aucune ne lui étoit inconnue. Perfonne n'ignore entre quelles mains Ncron avoit pane fajeuneue. Sencque, ufurier & Philosopher fit exprès pour lui unTraicé de la clémence. Il radrena à ce Prince, qui n'en fit pas plus de cas que Seneque lui-même n'en faifoit de
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fes autres maximes. On fçait dans quels excès fe plongea Commode, Fils d'un Empereur Philosophe, in~trutc par des Philosophes choifis dans tout l'Empire. Un autre de ces montres à figure humaine qui déshonorerenc fi fouvent Je Trône des Cëfars, Caracalla étoit fils d'une femme Philosophe. Julie fa mère recevoit
i Sa Cour les
L J les Géomètres. Agronomes C'étoic-elle qui vouloit nommer tous les Profeffcurs de Rome. On fit en fon honneur le FHi~oire des Femmes Phîlofbphes fruit de tant de beaux Livres de tahC de Sages maximes fut que Caracalla voulut pludeurs fois afTaitner fon Père, qu'il égorgea fon Frère de ia main, dans les bras de ~a Mère, qu'il furpana les folies de Caligula la cruaucé de Néron. On ne manqueroit pas de pareils exemples dans des tems plus modernes. Partout on verroit la fureur naître fur le trône des leçons de la fageflè, & le mépris des vertus, ou de la vie des hommes, s'introduire dans les cœurs avec les plus brillantes fentences de vertu & d'humanité. Que les Philofophes nous rendent donc raifon de cet effet étrange. Qu'ils nous apprennent comment avec de fi beaux préceptes, ils font de fi mauvais éleves. Qu'ils nous difënc pourquoi la vertu s'eclipfc des Cours dès qu'ils y paroi~enc, pourquoi les plus violensoppreHeurs des hommes font fortis de ces Ecoles, où l'on n'enseigne en apparence qu'a chérir l'humanité~ Au contraire, du petit nombre de bons Princes, dont l'Hiftoire a confervé le fouvenir, il n'y en a pas un qui n'ait du fon édu" cation à des mitres obïcurs, capables de
montrer a pratiquer la vertu précifëment parce qu'ils ne ~avoienc pas en parler. Trajan Antonin Charlemagne Louis X 1, Henri IV avoient eu pour Précepteurs des ignorans. Ils ëcoienc ignorans eux-mêmes. Leurs cœurs n'écoienc point embarraf!ës de ce vain attirail de préceptes, de connoi~ances futiles ils en étoient plus accenibles à la bonté à la compa~on, â la tendrcne pour Jes hommes. Ils cheriHbienc leurs Sujets ils en étaient les délices 8~ l'admiration. Parmi les Princes Philolophes, combien en trouvera-t-on qui n'en aycnc pas été le lcandalc ou le Héau Que ~erc donc la Phi!ofophie aux Maîtres du monde fi elle n'cft propre qu'à les cor1, -<
du moins elle eft abfblumenc impuinanre à reformer leurs penchans ? Je ne reviens point de ma (urprite, quand j'entends les Sages attribuer au zéte indiscret de Ja Religion, presque tous les crimes qui défoicnt iifbuvenc la Terre. Sans doute la voix des Prêtres a quelquefois commandé des forfaits. Leur main en a peut-être quelquefois exécutés. Mais enfin je ne vois point de Prêtres dans ces Cours fi longtcms inférées par la Philosophie. Ce ne fuc point le grand Sacrificateur de Cybele qui s'offrit à Néron pour compofcr l'apologie du meurtre d'A-
rompre, ou
fi
grippine. Ce fut Seneque-t qui fe chargea de le juftifier, après l'avoir conféré. Quoiqu'on en dife, fi les Instituteurs Sacrés ont fait quelquefois de leurs Eleves des enthoudaftes crédu!es les Instituteurs Philotophes n'ont guère 1,fait de leurs difciples que des barbares voluptueux.
Un homme éloquent a déjà développe le
germe de toutes lesvéricés que j'o(e découvrir ici. Mais il s'écoic appliqué a démontrer le danger des Sciences par des raifonnemens
plus que par des faits. Soit mcnagemenc pour les Sociétés où il vivoit foit égard pour le Corps auquel il deflinoit (on Ouvrage il s'en faut bien qu'il ait pounc fes conséquences au~! loin qu'il le pouvoit faire. Il a pourtant réduit fes adverfaires au filence. Il cft forci vidoneux d'une querelle où il n'~ pas daigné ie fervir de tous fes avantages. Une des plus foibles obje&ions qu'on lui ait opposées, c'eft la gro~nérecé les vices odieux de quelques Peuples ignorans. On en a fait grand bruic, parce qu'il n'a pas voulu s'a1, muter la détruire. Mais où font ces vices? Quelle eft cette gro(Eéreté que nous reprochons à mille Peuples refpe~ables ? A quoi fe réduifent tous les noms ignominieux que nous leur prodiguons? Ils ugniNentiimple~ncnt que ces Peuples ne nous rcOemblenc pas.
J C'e~t ainfi que les LRomains libres encore & vertueux, étaient nommes par la Grèce, déjà ~avance corrompue. C'cu: a~nu que à on tour in~ruice & dépravée Rome crut marquer fon mépris à des Nations aflèz heureufës pour ignorel lès fciences & fes vices. Les Tartares les Calmouks les Bédouins font des barbares dic-on. Qu'eft-ce à dire a Ils n'ont ni Lunectes ni Microscopes~ ni 1, Agronomes. Ils n'ont pas de Poëces qui louent & déchirent pour de ~argenc, point de Phyficiens qui écrivent des In-folio fur les pacces des chenilles, point d'Anacomi&cs qui dinëquenc les morts & tuent les vivans, furtout point de Philofophes qui flattent les Princes~ & s'épuifent à rendre probables des fyfiëmes ridicules. Ils ïbnc doux pailibles, hofpitaliers. Mais ils font voleurs ils accaquenc les Caravanes, ils vont au loin attendre les Voyageurs, & s'approprient leurs effets. C'eMa ~ans doute une grande barbarie (urtout aux yeux de ceux qu'ils dëpouUIenc. Je n'entreprends pas de la ju&iner mais fans m'arrêter à des .récits peut-être exagéleur façon de rés j'examine leurs mœurs vivre. Chez les Peuples fçavans polices les hommes vertueux en ~uppo~anc qu'il 1) de yen eut, mourroient faim, s'ils n'avoicnc
pas d'argent, ou s'ils ne pro!t!cuo!enc leurs talens pour en amatlèr. Chez ces mêmes Peuples fameux par les Arts & par l'opulence, l'unique espérance des trois quarts de la Nation eft de périr fur un fumier, J aux premières maladies caufées par l'excès du travail & de la miïere. L'indigent s'y nourrit d'un pain qui n'en: guère arrofé que de fes larmes, & le riche à qui il a facrifié fa vie, lui difpute Peuventjuïqu'~ la paille
reproche aiairc. Alexandre, te Difciple d'un
Philofophe aimoit EpheMon, comme le Philofbphe Socrate aimoïc Alcibiade. Le plus beau trait de fon Hi~oire, fa continence à l'égard de la Femme & des Fil!es de l'infortuné Darius, eft peut-être le monument le plus aHuré defahonceuie dépravacion. D'ail. leurs il ïbuilloit fa table du fang de fes amis. L'yvrcnë ou le poifbn en lui ocanc la vie à la fleur de fon âge ne 6 rêne fans doute que 2 de plus grands excès & de plus prévenir grands crimes. Célar, ce Guerrier invincible, cet Orateur fublime ce Philofbphe éclairé, étoit le mari de toutes les femmes, & la femme de tous les maris. Si des taches énormes paroiflènt ainfi fur la vie de ces fameux meurtriers à travers les éloges que leur ont prodigua tant de Poeces d'Hiicoriens, de Phiiofbphes,J c'eft-a-dire tant de bas flatteurs combien ce vernis trompeur nous en a-t-il caché ? Les trouverions-nous bien fupërieurs~aux Attila aux Genférics fi nous pouvions les voir tels qu'ils écoienc Les Huns, les Gots, fe précipitoient avec fureur dans les batailles. Ils manacroienc fans pitié leurs ennemis vaincus. Ils répandoicnt la flamme dans les Villes dont ils avoient détruit les Habitans. Mais que font donc chez les Peuples polices ces Armées levées par des Miaiftïes Philofophes, conduites par des
OSciers 1 qui au moins lifent les Livres de Phito~ophie, & quelquefois les composent ?a La guerre en-ehe moins cruelle, les batailles {ont-elles moins tanglantes ? On a vu de nos jours des Angiois faire panfer des Françoîs b!enës, leur prêter de l'argent. A la bonne heure mais qui cd-ce qui les avoic bleues ces François ? Pour les féconrir il falloir les dégager d'entre les ras de leurs camarades cxp~ians dans les plus anreufes douleurs. Ce(tIa~ c'eft fur ces champs de batailles fumans qu'il faut conduire ceux qui vande1 iang tent h nëremenc les progrès de l'humanité. Quelle humanité qui ne te produit qu'en foulant aux pieds cent mille cadavres égorges
par elle
ï
Mais nous gëminbns (ur ces lauriers arrofés de fang humain. Nous condamnons les cruautés de nos contemporains, comme celles de nos ancêtres. Vous les condamnez ditesvous ? Eh bien voyez donc de quels titres 1, de quelles correfpondances s'honorent: & ceux qui les commettent! En vérité j'ai bien peur que tout connderé on ne trouve entre les fiécles policés & les tems barbares d'autre diiïerencea l'avantage des premiers, quo les Académies. Or je le demande e~t-ce la peine d'en parler ? Dans les jours dignorance la population
n'a point d'autre ennemi que la guerre. Mais
dans les fiécles éclairés le luxe s'y joint S~ produit bien d'aucres ravages. C'e(t le plus impitoyable de tous les fléaux qui détruifènt les hommes. On voit les Nations entieres ~e fondre à fon approche. Pareil à ces Sirènes~ J qui par la douceur de leur chant, attiroient les Voyageurs contre des écueils où ils trouvoient la mort il fe ferc de l'attrait des plaifirs pour encàHerles hommes dans les Villes~t où il les dévore à ton aile. Les déïcrcs fë multiplient autour de tons les lieux où il ïë fixe. Mais tandis qu'il exerce fes ravages dans l'intérieur d'un Etat les guerres ne s'en fouccnant pas moins au dehors, il eft clair que ces prétendus tems de lumières ont deux ftéauxa (bucenir. Pour parler en cormes Philofbphiques, fi l'ignorance fait une plaie J l'humanité les Sciences lui en font deux. Or la feconde le luxe eft fans contredit plus terrible que la premiere. Elle porte avec elle une corruption pour qui la politique ni la raifon n'ont point de reméde. C'eit une gangrene qui néceffite la diffolution d'un corps dès qu'elle s'y eft accachée. Je fçais bien que de cres-Sçavans hommes ont fait l'apologie de ce monftre, digne d'avoir des Philosophes pour Panégyristes Je ne j~als s'ils ont convaincu beaucoup de perIbnne~
tonnes. Mais je ne voudrois que!curs propres Ouvrages, pour les réfuter. Suivant eux le luxe eti: edimable, parce que consumant les hchenes de ceux qui ont tout, il donne à vivre à ceux qui n'onc rien. Ils approuvent que la (ubGfiance des uns dépende du gonc qu'ont les autres pour les fuper~uirës, regardant les p!aUirs dont le riche (e gorge comme une aumône qu'il fait aux Pauvres ils lui permettent, ils lui commandent de fc livrer à tous tes caprices pourvu qu'il foit en état de les payer. Il y auroit bien des chofes à dire fur cet étrange raifonnement mais je ne cherche ici que Famnicé qui fe trouve entre le luxe & la Philosophie~ Ce feroit perdre du tcm< que de s'amufer à prouver que le premier e(t la pefie de la population je ne veux que faire voir qu'il marche toujours avec la (e< conde. On ne (e livre au luxe que parce qu'on eft riche. On ne devient Philosophe, que parce qu'on a commence par. être riche oifif. Or ces deux caufes, !a nchene & l'oifiveté n'allant jamais l'une fans l'autre, il eft bien naturel que leurs effets ne (oient pas féparés. C'eH: auu! ce qu'on peut remarquer. Ouvrez l'Hifroire cherchez un Peuple riche qui n'ait point eu de Philosophe trouvez un
Peuple pauvre qui en ait eu. Examinez 6 ce germe empoisonné a pris racine dans les climats à qui la nature a refufé les métaux qui nourrirent le luxe, tant qu'ils ont (çu le défendre de les recevoir. La Philofophic naïc fur les bords du Gange au milieu de l'or 6c des diamans, qu'une malheureufe fécondité produit dans l'Inde. Elle s'y attache elle y vegette encore aujourd'hui avec ces triées Sbutiens d'un defpohfme opulent mais voyezla s'exiler elle-même de Sparte, & Suivre l'or que Lycurguecn chanbic. Voyez-la (ë répandre dans Athencs avec le goût du commerce, & devenir bientôt un effet commercable dans cette Ville trafiquante. L'orgueil & ravidito y jettent les fondemens du Lycée, du Portique, des Académies. Ces lieux encore célébres deviennent des Foires où Ce débitent à grand prix des potions rafinés. Ils fe remplinenc de Marchands jaloux qui décrienc les drogues de leurs Confrères, pour aCurec leur propre débit. C'ctUa que les Romains viennent puisée le goût du fafle, & l'oub!i de la vertu. C'e~ là que fe forgent les fers que porteront bientôt les vainqueurs du monde. C'eMAau(E quo vicndront s'abîmer les Nations nombreufes qui couvroient auparavant FhaHe. Cette C(mir~e fi longtems icrtiiifec par des mains igo~
tantes deviendra ftérile des qu'un de fes Citoyens connoïcra le nom d'Archiméde. Dès c u'Agrippa l'aura décorée de Portiques, & 'un Temple fur le modèle du Panchéon, dès qu'on y lira avec délices ou le Poëme de
Lucrèce, ou les Ouvrages de Cicéron elle attendra en tremblant que les vents lui apportent d'Egypte ou d'Afrique une fubfidancc que les mains délicates de tes Habitans ne
pourront plus lui fournir. Il y a plus. Ses campagnes feront couvertes de fang on n'y marchera plus que fur des cadavres Ces Villages détruits, fes Villes embrasées, donneront à l'univers le fignal de la plus terrible révolution & ces nleurtres, ces incendies, feront commandés par des efpritsélégansqui auront étudié longtems la Philofophie dans Athènes & ~auront ordonner des Fêtes avec magnificence. Si le luxe qui détruit, fi la cruauté qui prodigue la vie des hommes à tes plaitirs ne font pas les compagnons inféparables de laPhilofbphic qui raifonne pourquoi eft-ce du tems des Socrates & des Anaxagores qu'on eft contraint d'admettre dans Athencs les bâtards au rang des Citoyens pour repeupler la Ville devenue déferre ? Pourquoi eft-cc tandis que Cicéron écrivoit tes Tufculanes que le fang Romain verfé par des mains Romaines, inon-
doit l'Italie ? Pourquoi Silla Céfat fbnc" des Coiuils contemporains des Varrons melles, qui déptoren: le vuide des Cam~ pagnes ? Pourquoi à Londres à Paris écrit< on-
tant de beaux Livres fur la population
fur l'Agriculture dans ce beau ilécle ou l'on prétend que le Soleil de la Philofophie s'eft levé pour nous ? On ne demande à manger que quand on a faim. Dès qu'on veut dans un Royaume enfeigner à le peupler c'eft un figne infaillible qu'il fe dépeuple. Mais e~-ce chez des Peuples pauvres & dans des fiécles d'ignorance, qu'on a besoin de pa~ teUs fècrets, & qu'on les publie ? Le fanatisme Philofophiquc n'ett pas feulemenc destructeur: il cft encore lâche & timide. Il ne (e contente pas d'opprimer do faire périr les hommes, il les dégrade. En leur donnant une audace coupable, il y joint une tâchccé aviMante & toutes deux par un mélange qu i ne fe voit point ailleurs, contribuent également à avilir les cœurs où elles fe font établies. Les Sages déclament contre ceux qui prétendent leur annoncer la vérité. Ils publient qu'eux feuls en ont le recrée mais ils ont la ba(!cue de la déguifer. Un enthou~a(te prêche avec une noble hardicno ce qu'il croit vrai. Il ne cache ni fon culte, ni les dogmes. Il brave les tourmens Ce les
bourreaux, quand il s'agit de foutenir fa créance. Mais le Phtioïbphe ménage avec foin tes expre~ons. Amoureux tout à la fois de ton bien être & de tes opinions il ne découvre les unes qu'autant qu'il le faut pour les répandre, fans expofer l'autre. Vil hypocrite, il fe met à genoux dans les Temples du Dieu qu'il apprend à mépriser. Tratcre dangereux il fe preile autour des enfeignes du parti qu'il brûle de combattre. Il fe vante même de ce lâche fubterfuge. Confignant à la postérité fa honte & ton deshonneur, il publie la découverte de cette qui confifle à parler autrement qu'on ne penfë, à agir autrement qu'on ne parle. Il enveloppe fes fentimens
fous des exprefijons obscures. Ses difcours deviennent une perpétuelle allégorie dont il fait fous main courir la clef. En parlant la langue du Peuple il tient un langage tout diftérent, & faifant de la parole un abus qu'on ne peut pardonner qu'aux efclaves de la fortune, il expo(e la fois à l'erreur, & le vulgaire qui felon lui ne doit pas le comprendre, & les Sages qui fouvent ne le peuvent pas. Les feuls objets que les Philosophes traitent fans déguisement, &: où l'obfcurité ~croic pourtant fans fcandale & fans confëqucnce, ce font les Arts où éclatte l'induftnc
J
V l'éloquence de ceux qui humaine, furtout en parlent. C'eâ-là qu'ils abufent avec excès de la fcience des mots. Raifbns raifbnne» mens, intrigues, injures, ils employent tout pour faire valoir ces découvertes dont quel-
ques-unes peuvent être utiles mais dont le grand nombre n'eit qu'une pure charlatane, rie. Combien de volumes ennuyeux de re" proches grofEers ont occaûonné ces tour. billons abfurdes où s'eft égaré Dcfcartes ce vuide immenfe où s'e~ perdu Nevcon, ces monades dont l'Auteur fût mort aux petites Maifbns peut-être, fi on lui eut rendu judice Tous bâtiment fur un &ble mouvant. Ces peu tits édi~ces croulent au premier choc les uns fur les autres, dilparoiffent aux yeux do la poMrite. Ce qu'ont pourtant de bon ces ditputes c'eft que chaque inventeur de fyftême aide à fentir le ridicule de celui qu'il foutient par la facilité avec laquelle M pu~ vérife celui qu'il combat. Il eft des recherches d'un autre genre ce font celles qui traitent des re~ources de la mécanique, qui s'occupent à dompter les J démens, parle moyen defquelles l'homme paro!c vraiment commanderà la nature. Peut€tre c~i-il douteux que ces machines ingénieufes puinenc ju(U6er tous les éloges qu'on leur donne. Si du moins elles adouciHoicnc
le malheur de la plus nombreuse partie du genre humain, û en facilitant quelques tra-
vaux elles diminuoienc le nombre des pro-
férons laborieufës on pourroit les louer de
quelque utilité. Mais le luxe a toujours plus de befoins qu'on ne peut trouver de moyens pour le fatisfaire. Son avidité multiplie les travaux pénibles à mefure que Findu~ne les abrége. Comme il en dévore à chaque inC' tant les fruits, qu'à chaque infant il en demande de nouveaux, que fa faim s'augmente à mefure qu'il confomme, c'eft lui ieul qui gagne à ces inventions. Le vent, l'eau font tourner nos moulins. Ce n'e(t plus de la farine que nous demandons à nos efclaves. Mais il faut qu'ils nous fb~rniftenr du fucre. Notre gourmandife les attache à des machines périlleuses qui leur coûtent Couvent les membres, & quelquefois la vie. Qu'a gagné l'humanité à la fuRpreHion. des moulins bras ? On a imaginé l'arc de multiplier tout d'un. coup les copies d'un Livre de répandre fans frais les Satyres ameres, les Panégyriques ridicules, les fy~ëmcs extravagans mais les Prêtes & le nombre des Loueurs fe font multipliés dans la même proportion. L'impreffion fatigue aujourd'hui plus de mains que les copies n'en occupoient autrefois. On peut
en dire autant de beaucoup d'autres rnach!
nes dont la description & les éioges tiennent une grande place dans les Livres & qui ont fait très-peu de bien au monde. D'ailleurs quand ces découvertes méritej-oienc tout le bien qu'on en dit, e~-ce à la Philosophie qu'on !es doit Ces lunettes qui naccenc l'orgueil d'un Agronome & trompent peuc-ctfc fes yeux, ces microfcopes où l'imagination d'un naturalise apperçoit tant de merveilles, ceLte pompe à feu dont les fiécles à venir feront plus d'usage que nous où la pefanteur de l'air & la dilation de l'eau1 combinée foulevent des fardeaux énormes, font-ce des hommes éclairés qui les ont trouvées ? Non. Un Ecrivain célèbre l'a dit, fi je ne me trorn pe les ignorans inventent, les Sçavans raiionnent. La ïcule, l'unique découverte que l'un!" vers ait reçue des Philosophes, c'eit cette compoucion meurtriere qui renverfe les murailles., qui embraie les Villes, qui ~urpaHant la violence de la foudre, a remis dans les mains du crime les armes devinées par la divinité à faire briller là grandeur. Ce font vraiment des mains gavantes qui ont calculé la portée des mines & fondu les mor. tiers. Quelle cfpécc d'obligation ont donc les hommes à la Philosophie? Elle ne leur parle
de la morale que pour la leur faire oublier Elle ne fournit à leur curiofité que des amaîemens frivoles. Elle ne préfence à la médecine que des remédes tres-impuinans pour les guérir, & elle donne au génie les fecrets les plus terribles, les plus fûrs pour les anéantir. Si chaque forfait commis chaque fyC. tême commenté, chaque malade empoifonné dans un pays policé, iont des preuves de l'i~ nutilité des Sciences, chaque coup de canon qu'on y tire, n'en cft-il pas une de leur danger ?
Concluons de tout ce que j'ai dit qu'il n'e(t jamais utile d'éclairer les hommes, qu'il eft toujours dangereux de les éclairer trop. Fixons le jugement qu'on doit porter de la Philosophie. Son nom fignifie amour de la fagene. Elle s'en pare avec fierté, comme on charge les armoiries de fymboles, qui n'ont aucun rapport avec les actions de ceux qui les portent. Tres-~buvenc un lâche fait peindre un lion dans fbnecunbn. Plus couvent encore ces prétendus amateurs de la fagene <e livrent à toutes les folies dont les pauions excenives rendent les hommes capables. Un orgueil fanatique preude leurs travaux, 0~ les dirige. Ils <ë picquent d'un attachement invincible pour leurs opinions. Ils n'oublient rien de ce qui peut contribuer à les répan"
dre. Ils éclattent avec emportement contre
tous ceux qui o(ënt les combattre. InfenCbles au ridicule dont ils fë couvrent, ils multiplient les Panégyriques~ & pour les Princes aveugles qui veulent bien les payer, & pour les hommes illu~rés déjà par l'abus des talens dont ils fe flattent d'être un jour ou les imitateurs ou les rivaux. Ils vendent cher au genre humain le peu de connoiflances réelles qu'ils lui procurent. En travaillant à le polir ils le détruisent comme ces Sculpteurs mal-habiles qui fous prétexte d'ébaucher une figure, réduifent à rien un bloc do Marbre. Voilà les réHëxions qu'à fait na!cre dans mon efprit le nom de Philofophie que notre ~ecle a fi fort accrédité. Je les ai développées avec franchiïë. J'ai parlé fans enthou~afme comme fans préjuge. En citant des exemples odieux, je n'ai point donné la préférence aux plus modernes. Ce n'cH: pas aCurément par l'impoGibUicé d'en trouver. Tout Le~eur fente verra bien que je n'aurois été embarrafïé que fur le choix. Mais en difant des chofes vraies, je n'ai pas voulu qu'on pût me fbup~onner d'avoir cherché à faire une fatyre. J'efpere qu'on me f~aura gré de n'avoir ~crit que trente pages fur un fujet qui pou.
voit fournir de gros volumes. J'auroi«s pA faire une hiftoire critique de la Philofophie, qui auroit mérité ce titre, mieux que la fade & ennuyeufe compilation de Demandes. Mais il y a des occafions où il n'eft pas né* ceffaire de dire tout ce qu'on fçait ni de faire tout ce qu'on peut. QueIqu'imprcfEon que produife ce difcours dans le Public, je la verrai fans intérêt. Les éloges ni les fatyres ne feront pas changer le jugement que j'enL ai porté moi-même. S'il m'attire des réponses injurieufes, des railleries améres ces railleries & ces injures feront des preuves mani* feUes des vérités qu'il contient.
-MM-M–MM~
Catalogue de quelques, Livres nouveaux L~Mrc. trouvent f&~ ir~ ICTIONNAIRE Géographique, HiP JL~ torique & Critique des Gaules par rAbbé ExpiMy, Volumes In-folio. CoUe~ion de Jurifprudence par Deni~arcs, 3 Vol. In-quarto. Mémoire fur un objet intéreffant pour la Province de Picardie, avec un Parallele du commerce 1, & de Fa~ivicc des François & des Hollandois In-o~avo.
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