Le Cavalier Rampin

  • November 2019
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CIMINO Nathalie Bi licence Droit histoire des arts Travail de séminaire 18 janvier 2006

Regards sur le cavalier Rampin : Approches, Perspectives et Evolutions

Regards sur le cavalier Rampin : Approches, Perspectives et Evolutions

Sculpture considérée comme un chef d’œuvre de la sculpture attique, le cavalier Rampin a été le sujet de nombreuses polémiques. La tête a été découverte sur l’acropole d’Athènes en 1886 à l’ouest de l’Erechteum, par le diplomate Français, Rampin, qui lui a donné son nom. Elle a appartenu pendant un temps à la collection Rampin puis a été offerte au Musée du Louvre, elle est actuellement conservée au musée du Louvre ou elle porte le n° Ma 3104. Le torse, découvert plus tard lui aussi sur l’acropole est conservé au musée de l‘Acropole à Athènes ou il porte le n° 590. Chacun des deux musées possède un moulage de la partie qui lui manque. Le matériau utilisé est du marbre d’Islande. Pour la tête, en particulier la barbe et les cheveux, le sculpteur a utilisé un poisson et de ciseaux spéciaux, la technique générale est celle du ronde-bosse, c’est la technique utilisée pour les « free standing statues », c’est à dire que l’artiste a travaillé tous les côtés de la surface de l’objet. Le cavalier est réalisé à une échelle plus réduite que la taille humaine, la tête fait 43 cm de hauteur, 21 cm de longueur et possède une profondeur de 20 cm. La hauteur de la statue reconstituée est de 0.815 m, sa largeur de 1.45 m. L’état de conservation est inégal, la sculpture a été préservée depuis les hanches de cavalier jusqu’en haut, il manque une partie de la joue droite et le nez est endommagé. Les deux bras du cavalier sont manquants à partir du dessous des épaules. Le cheval n’a plus de tête ni de jambes, le cou et la crinière sont éraflés. Le sculpteur a représenté un jeune homme nu et sa monture, les larges aplats du torse et du visage contrastent avec les détails des cheveux et de la barbe. Il y a une recherche très décorative de l’épiderme, ce qui s’oppose au granulé de la barbe et de la chevelure. La tête est ovale, baissée et tournée de côté, sur son visage se dessine un sourire archaïque. Les mèches et les boucles de sa chevelure sont méticuleusement reproduites, c’est un travail d’expert comme le montre la finesse du modelé du visage et les détails de la coiffure. La sculpture du marbre au niveau du visage est très précise, les plans incurvés se rencontrent en arrêtes aiguës et devaient être mises en valeur par la lumière et le soleil. Le corps du cavalier a reçu moins d’attention que la tête, il est beaucoup plus plat dans son traitement. Il est dépourvu de « mollesse ionienne » ; les muscles de la poitrine et de

l’abdomen ainsi que la minceur des hanches opposent leur réalisme à ce que la tête possède encore de fantaisiste et de raffiné, en particulier visible dans le traitement des cheveux et de la barbe. A travers ce travail nous allons rendre compte des changements de perspective adoptés dans l’étude de cette sculpture. En effet, les visions sur le cavalier Rampin ont beaucoup évolué à travers les époques, les courants historiographiques, et en fonction des différents discours des historiens de l’art.

Première partie : Datation, preuves historiques et identification du personnage. Compte tenu des découvertes récentes, les auteurs du XXème siècle évoquent différentes solutions concernant l’identification de la statue. Il m’a semblé intéressant de les confronter car elles mêlent soucis historique ( par le biais des preuves historiques et des écrits anciens ) et appréciations artistiques. On se rend alors compte que le regard de l’historien évolue à travers les courants historiographiques. a) le vainqueur d’un concours panhellénique ? L’identité du personnage est incertaine. Schuchhardt a montré que le cavalier en bonne partie conservé était à l’origine flanqué d’un compagnon présenté symétriquement. A partir de cette découverte les auteurs ont alors avancé plusieurs hypothèses quand à la représentation de la statue. Hermary se pose la question de savoir si il faut rapprocher ces deux cavaliers des vainqueurs de la course montée d’un concours panhellénique. Notamment parce que le cavalier est orné d’une couronne végétale et que les vainqueurs des jeux étaient décorés des feuilles de céleri sauvage. H. Von roques de Maumont avait cru pouvoir établir que les deux jeunes gens portaient des lances et ne pouvaient pas être des athlètes vainqueurs mais le fragment de main traversé par un trou rond qui lui servait d’indice était sans doute en réalité posé à plat au dessus de la cuisse comme la main du cavalier conservé et ne tenait pas une lance mais les rennes. Brouskari enfin en 1974, identifie la statue comme le cavalier de l’Acropole. b) Hippias et Hipparque?

Charbonneaux en 1968 énonce que certains auteurs allemands comme Kleine et H. Von Roques de Maumont n’ont pas suivit cette thèse. En effet il explique que ceux ci associent le cavalier à un ex-voto qui aurait été consacré par Pisistrate après la bataille de Palléné. Cette bataille très importante est celle qui a permis à Pisistrate son retour définitif à Athènes. En suivant cette hypothèse, les auteurs ont associé les deux cavaliers jumeaux (le cavalier Rampin et son compagnon disparu) à ces deux jeunes gens qu’étaient les fils de Pisistrate, Hippias et Hipparque lesquels avaient au sein de la cavalerie contribué à la victoire.

Cependant cette thèse a été démentie par Villard en 1968 pour des raisons de chronologie car selon lui, lorsque le cavalier Rampin fut créé Hippias et Hipparque étaient beaucoup trop jeunes pour être reconnus. Pour Charbonneaux, l’interprétation des fils de Pisistrate est significative mais il reste a prouver que ces cavaliers sont bien Hippias et Hipparque plutôt que des vainqueurs anonymes. Se pose pour lui un problème de datation car la bataille de Palléné précitée est datée de 546-545, cela nécessite donc d’abaisser les dates du cavalier Rampin. Autre problème pour les auteurs anciens comme Hérodote: la bataille de Palléné se déroule près d’un sanctuaire d’athéna. Le succès du thème des deux cavaliers fait donc plus penser que se sont des personnages importants qui sont représentés dans le cavalier Rampin et dans son jumeau disparu.

c) les Dioscures ? Charbonneaux pense en revanche qu’une interprétation qui identifierait ces effigies avec les Dioscures serait plus pertinente. « L’hypothèse est séduisante et si elle se vérifiait montrerait qu’une identification des fils du tyran avec les Dioscures était nettement suggérée par telle offrande : devant ces deux cavaliers jumeaux présentés symétriquement les athéniens ne pouvaient pas ne pas penser aux jumeaux divins qui, au même moment, apparaissaient sur des vases attiques. » Mais il finit par préciser que l’acropole d’Athènes n’a livré aucun ex voto consacré aux frères d’Hélène, ni d’inscription y faisant référence. Cependant on peut retrouver une présentation similaire dans un haut relief à Delphes, identifiée comme oeuvre du sculpteur du Monoptère de Sicyone, ce haut relief représenterait Castor et Pollux. C’est sûrement ce qu’avaient à l’esprit les modernes qui ont proposé de reconnaître les Dioscures dans les cavaliers de l’acropole. Ainsi on retrouve ce discours durant la première partie du XXème siècle chez Richter, Robinson, Homann et Wederking. Croissant dans les années 1980, fini par montrer que cette interprétation est problématique car les Dioscures sont imberbes dans les représentations de l’époque et le cavalier est barbu. Deplus la couronne de feuillage que porte le cavalier ne permet pas d’établir de lien avec ces Dioscures car ils n’en portaient pas.

Deuxième partie : La recherche d’un artiste pour le cavalier Rampin : Inventer l’art grec ? Les propos que l’on peut retrouver concernant l’identification d’un artiste à travers le style et l’esthétique du cavalier attestent d’une vision qui est aujourd’hui remise en cause par les spécialistes.

On peut se poser la question de savoir si les parallèles effectués entre le cavalier et d’autres oeuvres attiques sont justifiés et constructifs. a) Attribution incertaine En 1936, Payne rassemble le buste du musée de l’acropole et la tête rampin du Louvre. De nombreux journaux commentent cet exploit et on remarque alors que ce rapprochement établit une césure entre les interprétations postérieures à 1936 et les interprétations antérieures à cette date. En effet, le buste est d’aspect beaucoup plus massif et moins travaillé que la tête ce qui prêtait les auteurs à confusion. La koré en pélos 679 de l’Acropole conservée au musée de l’Acropole semble posséder des traits caractéristiques similaires au cavalier comme l’expliquent Charbonneaux et Boardmann. Pour Boardmann cette oeuvre est de 15 ans postérieure au cavalier. Ainsi que pour Rumpf et enfin pour Payne. F. Croissant et Charbonneaux considèrent cette oeuvre comme une sculpture de jeunesse de l’artiste. En 1983, Croissant écrit dans un ouvrage intitulé les protomés féminines archaïques que les relations établies avec le cavalier rampin continuent à poser problème. Il énonce que l’attribution de la koré au maître rampin est contestée par ch. Tsirivakou- Neumann et par Deyhle. Dans le catalogue de Payne et de Young Archaic marble sculpture from the acropolis, il est question de rapprocher le style du cavalier avec deux autres têtes de koré 617 et 654. Ils énoncent que ses traits sont particulièrement proches de ceux du cavalier. Boardmann rapproche encore le cavalier du discophore et des sculptures du mur de thémistocle. Il rapproche les lobes d’oreilles et le profil. b) attribution inutile ? Un rapprochement est effectué avec le Moschophore, là encore une divergence entre les auteurs surgit puisque pour Boardmann c’est une oeuvre de Phaidimos. Cependant il s’agit d’une opinion minoritaire. Homann écrit dans son livre que « le véritable nom du sculpteur se cache certainement parmi ceux que l’on peut lire sur des bases aujourd’hui privées de leur stèle ou de leur statue, qui ne nous donne pas la chance d’identifier ailleurs les oeuvres

qu’elles soutenaient. Il méritait un meilleur sort, lui qui n’avait pas d’égal dans l’Athènes du milieu du siècle ». Cette phrase est pleine de sens, elle traduit ce désir pour les spécialistes de sans cesse souhaiter rapprocher des oeuvres ou de mettre un nom sur une production. Il convient de se demander si ce désir ne doit pas nécessairement être limité par un soucis de véracité archéologique.

Troisième partie : Le cavalier Rampin : témoin d’influences nouvelles sur l’art attique ? L’importance de l’étude stylistique pour l’attribution et la datation des oeuvres est décisive car si certains voient dans cette oeuvre une influence de l’orient ionien sur l’esthétique, d’autres comme F. Croissant y voient même une influence de la céramique corinthienne et du style de chios. Certains auteurs voient dans le cavalier une complaisance au raffinement décoratif inspiré par l’orfèvrerie, les ivoires ou les tissus importés de l’orient ionien. Le visage nu émergerait des granulations qui l’encadrent comme au « coeur d’un bijou ». D’autres vont même jusqu’a y voir un art de cour. Dans son ouvrage Croissant explique que des découvertes nouvelles remettent en cause la vision sur la statue du cavalier et provoque un désir de rechercher ailleurs l’origine que dans la tradition stylistique. Il suit J.Boardmann dans ses réflexions et propose de voir dans la cavalier une oeuvre de la tradition des ateliers de Chios. Pour lui, des sculpteurs célèbres comme Archermos ou Athénis avaient forcément une influence sur l’art des sculpteurs de l’Attique. Ainsi est remise en question la vision de Payne « ces profils contrastés, aux pommettes saillantes, au nez et au menton proéminents reflètent d’ailleurs une structure proprement attique. On commence a envisager une nouvelle façon de concevoir l’art attique. Plutôt que comme une évolution chronologique qui distinguerait les œuvres de jeunesse des oeuvres de maturité du maître Rampin on se rend compte que les relations avec les autres cités et les autres peuples influençaient nécessairement l’art de l’attique. Et même si la structure et les facultés analytiques propres aux artistes grecs ont été conservées, le répertoire décoratif oriental tel les granulations de la chevelure du Cavalier influence leur art.

Dans un article paru sur Internet on peut voir que des influences mésopotamiennes sont envisagées.

En conclusion Le cavalier Rampin est un témoin des changements de perspective adoptés dans l’étude de la sculpture attique archaïque. Son étude met en valeur les controverses de datation, d’iconographie, d’identification de l’artiste et aussi des changements de mentalité concernant l’influence des relations avec d’autres cultures sur l’évolution de l’art grec. L’oeuvre est intéressante à plus d’un titre, il convient notamment de préciser que la séparation de la tête et du corps peut soulever un problème déontologique, c’est le problème politique que peut poser la détention d’une tête de statue grecque par un musée français alors que le corps n’a pas quitté son emplacement d’origine : le musée de l’acropole d’athènes. Aujourd’hui, le corps que l’on peut admirer au musée du Louvre est un moulage en plâtre et la tête du musée de l’acropole un moulage aussi. Ne doit-on pas envisager de restituer la tête rampin au musée de l’acropole ? On sait que pour les marbres d’Elgin la restitution demandée par le Gouvernement Grec au British Museum pose de sérieux problèmes. Il faut savoir que Le Louvre est comme le British Museum face à ses collections : il a interdiction de vendre ou de donner tout ou partie de ses collections. On voit mal comment cette restitution pourrait alors avoir lieu.

Bibliographie H. Hamiaux, Les sculptures grecques archaïques - volume 1- Paris, 1992, Edition de la Réunion des Musées Nationaux. John Boardman, La sculpture grecque archaique, 1978, Londres Thames and Hudson. E. Homann, Wedeking, La grece archaique, Paris, 1966, Albin Michel. Richter, Archaic Greek art, New York, 1949, Oxford University Press. Charbonneaux, Martin, Villard, Grèce archaïque, Paris, 1968, Gallimard. Hermary, Images de l’apothéose des Dioscures, Bulletin de correspondance hellénistique, 1978, pages 51 – 76. Chronique des fouilles et découvertes archéologiques en Grèce, Bulletin de correspondance hellénistique, 1936, page 454. Humfry Payne, Gerard Young, Archaic marble sculpture from the acropolis, Glasgow,1936, The University Press. Andrew Stewart, Greek Sculpture vol II : Plates, New Haven and London, 1990, Yale University Press. Francis Croissant, Les Protomés Féminines Archaïques,1983, Bibliothèque des Ecoles Françaises d’Athènes et de Rome

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