Lacus Mortis - Par Corentin Mary

  • June 2020
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  • Words: 2,201
  • Pages: 6
Par Corentin Mary

*Note : Les passas correspondants à la musique numéro 5 sont ceux du parcours de la ligne rouge.* Dans le cadre d’un concours honorifique internet, basée sur la musique Karasu no Theme de Nanase Hikaru pour l'animé NOEIN

© Août 2007

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Nuit. Les lumières défilent à gauche, à droite, à gauche, à droite. Régulièrement. Je m’y accroche. Mes phares sont éteints. Je n’arrive plus à les allumer. Je fronce les sourcils et scrute la route à travers le pare-brise. Il est tard. Très tard. Comment vais-je expliquer ça à mon époux ? La vérité ? Il ne comprendrait pas. De toute façon, il ne s’en rendrait même pas compte. S’est-il même aperçu de mon absence ? Bien sur que non. Pour cela, il aurait du relever les yeux de son fils chéri, qui -au passage- est le mien aussi. Son père a tendance à l’oublier. La route défile de plus en plus vite. La nuit est pesante. Une vraie chape de plomb. L’atmosphère est lourde, pesante. Je me courbe sur le volant, écrasée par cette tension ambiante. J’ai l’impression de respirer de l’huile. Je ne dois pas oublier les lumières. Je ne dois pas les oublier. N’importe qui comprendrait ce que je ressens. Ce qui explique ma situation. Enfin... Mon haleine doit empester l’alcool. J’aimerais tant tout oublier. Mes deux raisons de vivre, mon mari et mon fils, s’éloignent peu à peu de moi. Mais aussi... Lorsqu’il naquit, notre enfant se révéla un futur handicapé physique. Dès lors, son père, mon mari, fut comme obnubilé par ce problème. Il n’arrêtait pas de s’inquiéter pour son fils. Toujours à ses petits soins. Au début, il était juste particulièrement attentionné. Mais ce détail tourna à l’obsession au fil des ans. Rapidement, il commença à acheter tout ce dont son protégé pouvait avoir envie. Cédant à tous ses caprices, il alla même jusqu’à lui offrir des cours particuliers, car les écoles classiques n’étaient soi-disant pas adapté à sa situation. Sans leurs deux salaires, ils n’auraient jamais pu subvenir à toutes ces lubies. Mais bientôt, ils n’en eurent plus qu’un. De salaire. Ce père si attentionné poussa le vice jusqu’à arrêter de travailler. Pour compenser, je dû faire de nombreuses heures supplémentaires, et même travailler le dimanche. A force, mon mari en vient à presque m’oublier. Il passait ses nuits aux cotés de son fils, puis les journées. Il arrivait qu’en passant à table je n’aperçoive que deux couverts. Bref, bientôt je ne vu plus aucun des deux lumières pour lesquelles je vivais. Cela fait longtemps que j’espère que cette situation s’arrange, mais je commence à douter. La douleur grandie de jour en jour, de minutes en minutes... Ma vie ne ressemble plus à rien. L’obscurité s’intensifie. Je baisse les yeux sur la route. Je vais bien trop vite. Bien trop vite. Mais tant mieux. Je n’aime pas rester statique dans la douleur. Je n’arrive plus à réfléchir. Mes pensées s’embrouille. Tout d’un coup les lumières s’arrêtent, autour de moi tout est noir. Je continue ma route et soudain je réaperçois les lumières. Seulement deux... Côtes à côtes... Attirantes, et pourtant... Dangereuses... J’arrive dessus à toute vitesse... L’impacte est d’une violence inouïe. Ma voiture se ratatine. La cabine du camion se détache de sa remorque sous le choc. Les lumières se sont éteintes. Il fait nuit. D’autres voitures arrivent pour s’encastrer dans l’accident. Je sors de la voiture,

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puis je marche vers le bas-côté. Je jette un œil derrière moi. Le conducteur du camion n’est plus là. Moi non plus. *Il n’y a plus rien d’ailleurs. Plus de camion, de voiture. Plus d’accident ni de route, plus de champs. Même la nuit a disparue. Autour de moi tout est blanc. Je panique, serais-je dans le néant ? Mais immédiatement un décor apparaît autour de moi. Un ciel bleu, des nuages blanc sous mes pieds .Il n’y a pas de soleil, la lumière semble venir de partout et de nulle part à la fois. Des colonnes couleur platine ornent la seul issu du lieu. J’y passe et découvre devant moi un somptueux paysage. Des nuages forment comme un chemin au dessus du vide. Une ligne, rouge, ondule tout au long du trajet. Le chemin semble se perdre dans l’horizon. Tout est si paisible... et je me sens légère... Mais je suis comme tiré vers l’arrière. Des voix résonnent vaguement dans ce paysage irréel. Des voix... familières. J’avance un pas. Puis deux. La lumière semble se fractionner en rayons magnifiques aux lueurs mordorées... au travers des nuages. L’air est si pur. Tout est blanc. Si blanc... Je pose un pied sur la ligne rouge. Puis deux. Et je continue ma route. Un décor semble se former autour de moi.* Mais oui ! Me voilà dans une pièce. En hauteur. Une pièce lugubre... Qui... comment dire ? A ma gauche, une table, en bois vermoulu, sur laquelle est étalée une nappe noire. Les murs de la pièce sont recouverts d’un papier peint vert sombre. Ils sont également ornés de différents tableaux. Une vanité. Plus loin, une peinture représente une silhouette encapuchonnée, la faux à la main. Je commence à descendre les barreaux de l’échelle sur laquelle je suis perchée. Une fois les deux pieds au sol, je regarde en haut de cette échelle. Une trappe semble mener... quelque part. Sur le coté, une cheminée abrite un tas de cendre éteintes encore fumantes. Mais éteintes. Sur cette cheminée, un curieux récipient est posé. Je m’approche. Je le prends dans ma main, et le lâche soudain. La cire encore chaude se répand sur le tapis. Je souffle sur ma main. La cire a figée, modelant ma ligne de vie, disparue sous cette matière opaque. Le silence est pesant. Dans le coin, une bibliothèque en bois de chêne. Quelques livres y sont entreposés. Je les prends, et commence à les examiner. Il y a là Hamlet. J’ai vu cette pièce il y a longtemps, où un acteur, le crâne à la main, déclamait la célèbre phrase « to be or not to be ». Différents ouvrages sur la peine de mort, les batails les plus célèbres et sanglantes, la Nécrologie de cette année, Hum... Il y a également Les thanatonautes accompagné de L’Empire des anges, du même auteur. Etrange. Je ne me sens pas très à l’aise. Je fronce les yeux. La lumière est décidément bien faible dans cette pièce. L’ampoule grésille. Noir. Un effort de volonté me fait marcher jusqu’à la porte. Je progresse à tâtons, appuie sur la poignée et la tire vers moi. *Je suis immédiatement baignée de lumière. Je suis de nouveau dans ce paysage irréel. Le même chemin grandiose auréolé de lumière. Je tends l’oreille et perçois une mélodie. Je lève les yeux. Nul

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ange entrain de chanter. Nul instrument. Rien. Pourtant, cette musique presque pompeuse semble provenir d’un chœur d’ange. Je continue ma route sur le chemin brillant de milles feux, les yeux pleins de lumières. Je me sens comme... Nostalgique...

Tout en marchant, je repense à toute cette vie. Le ciel est si bleu. Si pur. Jamais je n’ai été si lucide. Et cette musique. Je me surprend à fredonner la douce mélodie qui emprunt cet air immaculé. Mes yeux émerveillés contemplent les alentours...* Lentement, le paysage commence à changer. Comme la dernière fois. Je me retrouve ...

Dans un endroit qui ne m’est pas inconnue... Bien que très glauque. Une bougie en fin de vie est posée sur la cheminée, aux cotés d’un cadre. Dans ce cadre, une photo. Une photo de moi embrasant... non... embrassant un homme... La pièce est assez sombre. Les seules fenêtres sont couvertes de toiles d’araignées et de poussière. Un peu partout, des cendriers remplis décorent les meubles. Soudain, une silhouette jaillit de l’escalier à droite. Une petite silhouette. En fait, c’est un enfant. Mon enfant ! Mon fils. Il court vers moi, le sourire aux lèvres. J’ouvre les bras, les yeux remplies de larmes de bonheurs. L’instant semble éternel. Mon cher enfant arrive sur moi... et me traverse. Je me retourne, et je le vois se jetant dans les bras d’un homme. Le même que celui de la photo. Cet homme prend les mains et fait virevolter son fils. Le mien. Leur joie fait tomber la bougie. La bougie renversée enflamme le cadre. Il se consume lentement. Bientôt, il n’y a plus qu’un tas de cendre. Je regarde le garçon et son père, mais déjà, je ne distingue plus leurs visages. Ils s’estompent. Je suis devant deux individus inconnus. Je m’éloigne et m’effondre dans le canapé. Je me relève immédiatement, une douleur aigue dans le dos. Je soulève les coussins et tombe sur plusieurs bouteilles d’alcools vides. Mes yeux sont lourds. Je distingue de nombreuses petites boîtes par terre. Des boîtes de médicament. En vracs sur la moquette. Une moquette brûlée en de multiples endroits. Je me dirige d’un pas lourd vers l’armoire. Les verres cassés traînent dans une épaisse couche de poussière. Mais comme tout à l’heure, le paysage s’estompe, le terne laisse place au brillant, au pompeux. *Le fils rouge continue de louvoyer vers l’horizon. Je me déambule un sourire apaisé aux lèvres. Je marche, je marche, sur mon nuage, un petit moment, un long moment, tout droit, vers l’horizon. Toujours les mêmes voix. Des voix célestes, envoûtantes.

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Je me sens toujours bercée par cette musique planante, presque triste... Je cligne des yeux, j’ai du m’assoupir... Je ne suis plus au même endroit.* Curieuse pièce que celle dans laquelle je suis... Les fenêtres, remplacées par des vitraux colorés, inondent la pièce de lumière. La clarté est telle que l’on remarque à peine la flamme d’une bougie quelque peu entamée. Je fais quelques pas, et soudain trébuche ! Je me suis pris le pieds dans... ma robe ? Depuis quand je porte une robe ? Une robe blanche, et brodée ! Je me sens bien ici, l’atmosphère est assez réconfortante. Je me sens entourée, j’ai comme l’impression d’être importante. Si j’allais voir dans la cuisine ? Une pièce montée est posée sur une table... j’en prends un morceau. J’aimais beaucoup ce genre de gâteau. Surtout la nougatine, quand elle croque sous la dent, répandant son goût sucré et mielleux dans la bouche. Lorsque le doux parfum enivrant du gâteau inonde les papilles de la langue. Lorsque le goût métallique envahit les sens et que...Un goût métallique ? Je sens un objet dur sous ma dent. Je sors l’intrus de ma bouche, le nettoie rapidement et l’expose à la lumière. Un anneau. Un anneau métallique simple, en or. Sûrement plaqué. A qui peut-il bien être ? Je ne peux pas le laisser là, par terre ou sur une table. Il a l’air précieux. Je n’ai qu’à le mettre dans un verre ! Mais il n’y en a pas... du coin de l’œil, je repère un réceptacle. C’est un fin sablier... brisé. Je dépose la bague sur la poudre noire. Je sors de la cuisine, tout en regardant les nombreuses photos placées sur les murs. L’une d’elles en particulier attire mon attention. Elle est grande, et remplies de couleurs étranges. On peut y voir un rivage au loin. Le photographe semble être sur la mer, tourné vers cette île si mystérieuse. Si on observe bien, on peut discerner les bords d’un petit îlot sur le coté. Cette grande île semble si... mystérieuse... attirante. Les contours d’une barque apparaissent dans le coin inférieur gauche de l’image. Je suis déjà dedans, me précipitant vers le terre si convoité, frissonnante de curiosité, je parcours déjà l’île et... le paysage disparaît... *Je suis encore et à nouveau sur ce chemin sans fin... Je baisse la tête et continue ma marche sans fin. Pas à pas. Je tremble un peu. Mais ce n’est pas la nervosité, je me sens si légère dans cet endroit mirifique. Je ferme les yeux, l’esprit planant.

Petit à petit, les nuages se colorent étrangement de rouge... L’air s’épaissit, devient presque brumeux, opaque. Et rouge. Je commence à entendre des coups. Des coups sourds, réguliers. Réguliers. L’air forme comme une membrane autour de moi. Un œuf. J’ail les yeux lourds. Je me sens si sereine... si calme... Par-dessus les coups sourds, j’entends comme des voix, des suites de sons, lointains et sans sens spécifique. Je me replis sur moimême. La musique lancinante se fait plus forte. Mon cœur tressaute.

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Je frémis. Je suis en transe. Je vais m’assoupir. ... Soudain, un point blanc lumineux apparaît devant moi. Il grossit. Grossit. Je tends la tête. Comme attirée. Il s’étend. Il est tellement grand qu’il pourrait contenir les cieux entiers en son antre. Je touche du doigt. Effleure. Tout semble immobile. Tout. Le temps s’arrêt. Planant. Je... Je rentre dans le disque blanc... Jour...*

- Papa ? - Oui ? - Pourquoi la machine de maman elle marche plus ? - Ce... ce n’est rien mon chéri... rien du tout... ... Dehors, la pluie s’était arrêtée. La vie reprenait, les nuages disparaissaient face au disque solaire. Le piaillement des oiseaux saluait la sortie des gastéropodes. Un rayon de soleil encore humide traversa la fenêtre de l’hôpital, triste, mais heureux en même temps, illuminant la pièce d’une lueur apaisante. - Maman dort maintenant...

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