Jim Harrison

  • November 2019
  • PDF

This document was uploaded by user and they confirmed that they have the permission to share it. If you are author or own the copyright of this book, please report to us by using this DMCA report form. Report DMCA


Overview

Download & View Jim Harrison as PDF for free.

More details

  • Words: 1,191
  • Pages: 3
Jim Harrison, l’auteur qui vous donne envie d’être chasseur  Si vous hésitez à dire dans un dîner que vous êtes chasseur, de peur d’être immolé avant le dessert, je vous  conseille d’orienter  l’entretien sur la littérature en citant  le dernier roman de Jim Harrison que vous êtes  censé lire  en ce moment. Vous mettez alors tous les femmes de votre coté car ce sont elles qui le lisent en  grande majorité. Vous serez alors en position de force quand vous allez avouer, quelque temps plus tard,   votre tare atavique : moi aussi, je suis chasseur !  Il y a une ville aux Etats Unis où l’on a plus de chance d’écraser les pieds d’un écrivain que celui d’un  représentant de commerce, je veux parler de Missoula, dans le Montana, petite ville  obsédée par  l’écriture ou habitent une cinquantaine d’auteurs qui racontent les grands espaces, la nature, les animaux,  la pêche, la chasse.  Ami depuis toujours des missouliens, Jim Harrison est devenu en quelques dizaines années un grand  auteur contemporain, très appréciée des Françaises, ce qui laisse perplexe car il n’a pas du tout une allure  de Brad Pitt : herculéen, buveur impénitent de grands vins de France, cyclope depuis qu’une sauvageonne  lui a crevé l’ œil à l’âge de 7 ans en jouant au docteur, rabelaisien, rétif au à l’Amérique des fast food et des  plats minceurs, cuisinier hors pair d’une cuisine festive  capable de clouer à la table des chasseurs pourtant  aguerris  mettant ainsi en péril la battue de l’après midi. Chasseur et pêcheur lui‐même, chaque plat  apprêté par lui est proclamé  comme  un  remède miracle. Si vous êtes dépressif, il prépare aussitôt   des  tripes à la mode mexicaine pour combattre votre mélancolie. Dans les cas les plus critiques, si vous décidez  que la vie ne vaut  rien et qu’un affaiblissement général vous guette,  un simple ragoût d’ours suffira pour   vous requinquer. Vous serez prêt à jurer que rien ne vaut la vie. Pour se guérir de la grippe, il propose une  boisson chaude à base de bouillon  de bœuf, de vodka et de poivre noir qui tombe sur l’estomac comme“  un  buisson de cactus“. Il y a quelque chose de russe dans son écriture  et ses amis soupçonnent fortement  qu’il prépare des plats en fonction de ses goûts personnels, baptisés ensuite sur les éventuelles  complications  de ses invités.   Une vingtaine de romans à son actif, traduits dans 24 langues, il  réhabilite les vertus de la sauvagerie. D’un  continent vierge anéanti par l’homme blanc en forgeant la nation américaine, il montre  le contrepoint  d’une société trop civilisée et mercantile. Dans tous ses romans, il se place en permanence sur la Frontière   afin d’avoir un accès aux deux mondes. La Frontière, très importante dans l’histoire américaine, thème  central de chaque western, a modelé  un mythe  qui résonne chez beaucoup d’Américains : le remord  d’avoir détruit le paradis terrestre. Chaque Américain est né  entre la vie sauvage et la vie moderne et ses  loisirs sont souvent outdoor. Contrairement à l’Europe où la chasse est très  ritualisée et le plus souvent  hebdomadaire, les Américains s’évadent de leur ville  pour plusieurs jours, campent sur place, chassent,  prélèvent, cuisinent leur gibier et jouent au western.  Son écriture  oscille en permanence dans ce “entre deux mondes “qui nous vaut les plus belles pages de  ses envolées romantiques de Dalva. Dans le Dolorosa beige il raconte la lente guérison d’un professeur  déprimé et parti en retraite anticipée, qui revit petit à petit au contact de la nature et des travaux  physiques dans un ranch d’Arizona. Dans Julip, une  jeune dresseuse de chiens, est représentée  comme  une “banque de sang dans un univers d’hémophiles“. Sa vitalité de cette  belle plante attire  irrésistiblement trois hommes mûrs et fatigués dont un ressemble beaucoup à l’auteur…Dans Les légendes  d’automne, le héros Tristan insoumis, ingouvernable, refuse la société qui s’annonce et s’évade sur les  mers après avoir connu la démesure des champs de bataille de 14/ 18.  

Romancier  de  la vie au grand air, de la  chasse aux oiseaux, de la pêche à la truite ou aux tarpons,  naturaliste,  gourmet, gourmand, marcheur infatigable, Big Jim est aussi un scénariste qui a fait fortune à  Hollywood. Chaque période de travail, qu’il qualifie d’épuisante, est suivi d’une retraite de plusieurs  semaines dans son chalet solitaire de la péninsule nord du Michigan.  Grand fusil sur les oiseaux comme la  bécasse ou les canards  mais incapable de tirer sur un chevreuil (cerf de virginie), il le cherche  sur les  plages du Grand Lac Supérieur où, de mémoire d’homme, personne n’a jamais vu un seul chevreuil dans  cette zone. Pour lui, chasser, c’est marcher. Adepte d’une promenade  quotidienne d’une quinzaine de  kilomètres, qui justifie en partie son appétit, cette hygiène mentale est nécessaire pour ne pas tomber  dans la dépression. Il rejoint ici Vincenot qui a écrit dans “les Etoiles de Compostelle“ : on ne réfléchit bien  qu’en marchant…je suis persuadé que la chasse a également cette vertu purifiant l’esprit  pour ne laisser  subsister  que l’essentiel“.   Renier la chasse ou la pêche, c’est renier notre animalité, notre besoin vital d’être prédateur. Il nous  permet d’être dans la nature, de se fondre avec elle, dans une relation écologique de symbiose avec elle.  La nature  est vue alors comme un antidote aux multiples poisons de la vie en société. Dans ses accès  solitaires, Il aboie avec rage sur les scooters de neige (comme nous sur les quads…) préférant ses skis  nordiques respectueux de la nature contre  leur “paresse motorisée“ béatement pétaradant dans un  vrombissement de tronçonneuse.    Amoureux de la France, il nous agace en racontant ses bombances dans tous les grands restaurants étoilés  qu’il visite avec ardeur, accompagné de son ami Gérard Oberlé, auteur français, un clone de JH en version  française qui éructe  avec bonheur et avec du style sur la société policée de jardins d’enfants que nous  prépare nos gouvernements successifs.   Les personnages récurrents de ses romans sont  les chiens de chasse, setter anglais, labrador, airedales  rebelles qui figurent son attachement à la fois à la beauté raffinée ainsi qu’ à l’animalité instinctive, rétive à  toute domestication. Il ne manque pas l’occasion de soutenir la cause indienne mais  les protagonistes de  ses romans, comme Chien brun, sont des voyous sympathiques, des asociaux qui vivent dans la nature et   qui se fondent parfois dans la masse et les amènent à faire des actes incompréhensibles pour les blancs.   Très mal aimé par les fermiers, qui l’accusent de mille maux, le coyote est une crapule, un paria qui  vole  des poules, mais c’est aussi un gibier très rusé, astucieux qui se sort de tous les massacres fourbis par les  paysans pour ressortir à ailleurs à l’improviste.    Pour JH  c’est une  figure symbolique du conflit entre Indien et Américain qui est l’expression la plus  populaire de l’opposition universelle entre le sauvage et le civilisé, entre le nomade et le sédentaire, entre  le chasseur dans la nature et le protecteur au dessus de la nature.  Nous sommes tous des Indiens !  François BASSE [email protected]  Les aventures d’un gourmand vagabond, Entre chien et loup, Julip, Dalva, Marge,  etc.… tous aux Editions  Christian Bourgois.    La photo est prêtée gracieusement par les Editions Christian Bourgois.        

 

Related Documents

Jim Harrison
November 2019 19
Jim
November 2019 43
Jim
May 2020 26
Jim
June 2020 33
Jim
October 2019 44