je ne montre ni ne démontre, seul, dans ma tète, je ne souris ni ne pleure, devant les yeux des autres.
comme une pierre de marbre, mon cœur bien caché, je laisse pendre mes amours aux branches des sols pleureurs, parce qu’ils savent tellement mieux pleurer.
arrachez mon bras, mon sang a trop de pudeur pour saigner. arracher ma jambe, et toujours je marcherai.
fort à en faiblir, je ne sais ni trembler, ni mentir, je suis cet homme, qui fut enfant, mais qui le fut seulement.
je suis cet enfant qu’un jour on oublia, et qui devint, bien avant l’âge, trop grand. je suis cet enfant qu’un jour on oublia,
mais qui n’a jamais oublié.
je suis dur à en briser l’acier, je suis froid à en glacer la glace, je ne montre ni ne démontre,
mais devant la page blanche…
devant la page blanche, cet enfant qui fut oublié, se rappelle à moi, et prend les commandes de mes commandements.
une plume a la main, un vin pour tout compagnon, et je ne suis plus cet homme, qui fut si grand, si fort.
je ne sais pas parler, mais devant une page, je remplace tout ce silence, par cet infini lettre,
que je raconte, depuis toujours,
qui, plus que raconter, fait l’autre moitié de ma vie.
et si mort il y a, elle saura de quoi je suis fait.
si mon sang ne sait pas couler, c’est parce que je le déverse toutes les nuits, sur des pages blessures, sur des pages pansements.
si mes yeux n’ont pas de larmes, c’est parce que je les bois a chaque vers, sur des mots chagrins, sur des mots mouchoirs.
si je ne sais pas dire « je t’aime », c’est parce que je les déjà dis a chaque ligne, sur des lignes coutures, sur des lignes ruptures.
le temps d’une lettre, le temps d’un instant, je suis, ce que j’ai toujours été, cet enfant, qu’un jour j’ai oublié, et que je retrouve toutes les nuits.