Dena fut une femme comblée dans un royaume d’abondance quand ses parents, fermiers à l’est de la capitale, eurent, après des années de réticence, de délais et d’épreuves toutes plus idiotes les unes que les autres, enfin accepté que Lomack la prenne pour épouse. Pourtant, la première fois qu’elle le leur avait présenté, les choses n’avaient paru gagnées. Cet aventurier des mers à la mise dépenaillée, négligée, aux bottes élimées à force d’être trop usées, n’avait pas plu aux propriétaires terriens. Encore moins quand ils avaient appris que ce rêveur était marin au long cours, capitaine de vaisseau plus ou moins corsaire, du vent plein les cheveux, et des étoiles dans les yeux. Cependant son caractère rigoureux que dénotait l’allure martiale de son port les séduisit peu à peu, et bientôt ils furent conquis par ce drow efficace, intolérant pour l’incompétence, dur mais juste. Dena fut la plus heureuse des elfes quand ses lèvres se posèrent sur les siennes lors de la cérémonie de mariage, et quand les serments furent échangés, et que les cris de joie résonnèrent dans le pré où les convives rassemblés, déjà un peu éméchés, fêtaient comme il se doit l’évènement glorieux. Il en avait fallut, pourtant, des heures et du temps pour convaincre le prêtre d’accepter d’unir le drow ombrageux à la lumineuse Dena. Mais la force de leurs sentiments respectifs l’avait finalement amené à se rendre, mi-figue, mi-raisin, aux raisons de l’amour. Dena fut la plus émue des épouses le jour où Lomack l’emporta avec lui par delà les flots sur son navire, vers une terre inconnue et libre de toute loi, pour y réaliser son rêve et fonder un royaume pour lui, pour elle, pour eux, pour tous les drows qui espéraient un endroit où la paix leur serait enfin permise. Ainsi, ils partirent sur les mers agitées, Lomack Silverclaws justifiant son nom en se faisant respecter dans le sang lorsque l’équipage grondait, enfilant ses lourdes griffes d’argent synonyme de terreur pour tous ses hommes, et de mort rapide aussi. La discipline de fer qu’il s’imposait était imposée à ses hommes, et la sauvagerie que l’on pouvait parfois lire en ses yeux rouges rayonnait de puissance au plein cœur des tempêtes, quand il lui fallait lutter pour sa vie, pour son rêve, pour sa femme. Dena fut la plus grande des reines quand elle passa elle-même aux mains de son époux les griffes pesantes, symbole désormais de la monarchie de Silverclaws, refuge loin de la côte déchiquetée où était, au terme d’une folle course impétueuse contre les éléments, venu se fracasser leur navire. Ils avaient survécu grâce à la force de caractère de son époux qui avait, sans merci, tenu son équipage avec une poigne de fer, comme il tenait désormais le pays, punissant de mort quiconque le défiait. La capitale fut installée au milieu des bois, dans un endroit inaccessible à une armée en marche, et que les paysans auraient tôt fait de raser, pour en faire des villages, des maisons, la principale ressource du royaume. Ils étaient elfes, après tout, et le bois leur appartenait de droit. Peu importaient les légendes et les divagations des shamans locaux. Dena fut la plus horrifiée des spectatrices quand lors d’une révolte, les paysans armés firent irruption dans la grande halle de la ville, armés et belliqueux, hurlant leur soif de sang, et que seul se dressa devant eux son mari, ses griffes acérées, la folie dans les yeux. Le carnage fut terrible, et le sang macula le sol et les murs et la robe princière de Dena. A la fin, Lomack était au sol, tombé dans sa fureur, tombé pour son royaume, tombé pour sa folie, tombé pour la sauver, mais beaucoup l’avaient suivi. Nombreux étaient les morts, assez en tout cas pour que les rares survivants, avant même d’être maîtrisés par les quelques gardes encore fidèles, prêtent allégeance sur les Griffes de leur tombeur à la monarchie, et jurèrent de toujours la servir tant que les Griffes en seraient le symbole.
Dena est aujourd’hui la plus altière des régentes, et à son côté trône son fils, l’héritier des Silverclaws.